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commission des lois

Projet de loi

Prorogation de l'état d'urgence sanitaire

(1ère lecture)

(n° 74 )

N° COM-17 rect. bis

27 octobre 2020


 

AMENDEMENT

présenté par

Satisfait ou sans objet

M. KERROUCHE, Mme de LA GONTRIE, M. SUEUR, Mme HARRIBEY, MM. BOURGI, MARIE

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 7 (NOUVEAU)


Après l'article 7 (nouveau)

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Compte tenu des risques sanitaires liés à l’épidémie de covid-19, le présent article s’applique au prochain renouvellement général des conseillers départementaux, des conseillers régionaux, des conseillers à l’Assemblée de Corse, des conseillers à l’Assemblée de Guyane et des conseillers à l’Assemblée de Martinique.

Il est applicable sur tout le territoire de la République.

II.- Chaque mandataire peut disposer de deux procurations, y compris lorsqu’elles sont établies en France.

Si cette limite n’est pas respectée, les procurations qui ont été dressées les premières sont les seules valables. La ou les autres procurations sont nulles de plein droit.

III.- À leur demande, les personnes qui, pour un motif sanitaire, ne peuvent pas comparaître devant les officiers et agents de police judiciaire habilités à établir les procurations ou leurs délégués disposent du droit à ce que les autorités compétentes se déplacent pour établir ou retirer leur procuration.

Ces personnes peuvent saisir les autorités compétentes par voie postale, par téléphone ou par voie électronique. Elles indiquent la raison de leur impossibilité de se déplacer, sans qu’il leur soit nécessaire de fournir un justificatif.

V- Le mandataire peut être inscrit sur la liste électorale d’une autre commune que le mandant, sous réserve de respecter le II du présent article et sous le contrôle du répertoire électoral unique mentionné à l’article L. 16 du code électoral.

VI.- Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles le préfet peut augmenter le nombre de bureaux de vote dans les communes du département afin d’assurer la sécurité sanitaire du scrutin.

VII.- Outre le vote à l’urne, les électeurs peuvent voter par correspondance dans les conditions fixées au présent VII.

Le matériel de vote par correspondance est adressé aux électeurs au plus tard le deuxième lundi qui précède le scrutin. En l’absence de réception dans le délai imparti, l’électeur peut saisir le ministère de l’intérieur, le cas échéant par voie électronique.

Ce matériel comporte trois enveloppes : une enveloppe d’expédition, une enveloppe d’identification et une enveloppe électorale.

Afin de permettre le contrôle de son identité, l’électeur signe l’enveloppe d’identification. Il y insère une copie d’une pièce d’identité ainsi qu’un justificatif de domicile.

Son pli est transmis au tribunal d’instance par voie postale ou par les autorités compétentes pour établir les procurations.

Dans l’attente du scrutin, les plis sont conservés dans un lieu sécurisé du tribunal d’instance. Le greffier en chef tient un registre du vote par correspondance, un numéro d’ordre étant apposé sur chaque pli. Tout électeur et tout candidat, ou son représentant, peut consulter le registre et y consigner leurs observations relatives aux opérations du vote par correspondance.

Le jour du scrutin, les plis sont acheminés jusqu’au bureau de vote par les autorités compétentes pour établir les procurations.

À la clôture du bureau de vote, son président et ses assesseurs indiquent le numéro du pli sur la liste d’émargement et introduisent l’enveloppe contenant le bulletin de vote dans l’urne, après s’être assurés que l’électeur concerné n’a pas déjà voté.

À l’issue du scrutin, les enveloppes d’identification et leur contenu ainsi que les plis parvenus après la fermeture du bureau de vote sont conservés jusqu’à l’expiration du délai de recours contentieux.

VIII.- Toute manœuvre frauduleuse ayant pour but d’enfreindre les dispositions du II ou du VII du présent article est punie d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de 15 000 euros

Objet

Y compris en période d’état d’urgence sanitaire, les scrutins électoraux doivent être sécurisés pour assurer une continuité démocratique.

Suite à l’avis du conseil scientifique du 18 mai 2020 sur les mesures sanitaires à mettre en œuvre pour l’organisation du second tour des élections municipales du 28 juin, différentes dispositions exceptionnelles ont été prises afin d'assouplir les conditions de vote par procuration et de faciliter la participation du plus grand nombre.

La loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 a ainsi notamment prévu, pour le seul scrutin du 28 juin 2020, la possibilité pour un mandataire de détenir deux procurations y compris lorsqu’elles sont établies en France.

Dans la même optique, l’amendement propose la pérennisation de cette mesure pour le double scrutin des prochaines élections départementales et régionales. 

Il reprend le dispositif adopté par le Sénat et l'Assemblée nationale à l'issue de la commission mixte paritaire et promulgué par la loi n° 2020-760 du 22 juin 2020 précitée.

En outre, cet amendement vise à mettre en place le vote par correspondance à l'occasion du prochain renouvellement général des conseillers départementaux et régionaux. Il a été déposé lors de l'examen du projet de loi "prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire" (n°5 - Sénat) qui a été désinscrit de l'ordre du jour du Sénat par le Gouvernement.

Le dernier scrutin municipal s’est déroulé dans les conditions de crise sanitaire engendrées par l’épidémie de Covid-19. Plusieurs mesures ont été envisagées pour faciliter son déroulement après le report du second tour, notamment la possibilité de double procuration qui avaient été proposée par la proposition de loi « tendant à sécuriser l’établissement des procurations électorales et l’organisation du second tour des élections municipales de juin 2020 » n°93 (Sénat).

A l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, un dispositif visant à instaurer un vote par correspondance avait également été adopté par le Sénat. Il n’avait pas pu prospérer au motif que les conditions n’étaient pas réunies pour sécuriser cette nouvelle modalité de vote dans les délais impartis.

Cette justification, qui pouvait apparaître légitime, ne peut pas expliquer l’absence de réflexion sur ce sujet dans la perspective des prochaines échéances électorales de 2021. Le contexte sanitaire du Coronavirus ne constitue désormais plus un fait conjoncturel, mais bel et bien structurel. Il convient de le prendre en considération comme tel, ainsi que l’exécutif nous y invite régulièrement en déclarant qu’« il faut apprendre à vivre avec le virus. » L'imprévisibilité et l'impréparation ne sont désormais plus des arguments recevables.

A ce sujet, lors de l'examen de l'amendement KERROUCHE n°3 au projet de loi visant à sécuriser l'organisation du second tour des élections municipales, le ministre de l'intérieur d'alors, M. Christophe CASTANER avait lui-même déclaré : "Nous ne sommes plus en 1975, à l’époque où le législateur a décidé de supprimer cette procédure de vote. Nous pourrions parfaitement y travailler, d’un point de vue juridique et technique ; il faut en étudier les conditions. (...) j’organiserai volontiers un temps de travail sur ce sujet avec les présidents de commission ou avec leurs représentants et je m’engage à mobiliser tous les moyens techniques et juridiques du ministère pour éclairer les travaux qui pourraient être conduits."

Pour mémoire, le taux d’abstention a atteint 58,4% au second tour des élections municipales de 2020, soit 20 points de plus qu’au second tour de 2014, qui marquait d’ores et déjà un record.

Quand bien même le taux d’abstention s’explique par de multiples facteurs, un risque d’abstention lié aux conditions sanitaires ne peut être écarté et doit pouvoir être anticipé dans des délais acceptables. C’est tout à la fois une exigence démocratique, mais également un enjeu de légitimité politique pour les élus.

C’est pourquoi, afin de pouvoir assurer une continuité démocratique et le respect des principes démocratiques lors des prochains scrutins électoraux, cet amendement propose d’instaurer un vote par correspondance, sous pli fermé, qui garantirait le secret du vote et la sincérité du scrutin lors des scrutins électoraux de mars 2021. De nombreuses démocraties le pratiquent, et leurs électeurs y ont davantage recours lors de récents scrutins, ou lors du prochain scrutin présidentiel aux Etats-Unis. Pourquoi la France, qui le pratique notamment pour les français de l'étranger, serait-elle incapable d'en faire de même?