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commission des lois

Projet de loi

Responsabilité pénale et sécurité intérieure

(1ère lecture)

(n° 849 )

N° COM-5

7 octobre 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

Mme Nathalie DELATTRE


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 5


Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code pénal est ainsi modifié : 

a) A l’intitulé de la section 6 du chapitre III du titre III du livre quatrième, les mots « de l’opposition à l’exécution des travaux publics » sont remplacés par les mots « de l’opposition à certaines fonctions publiques »;

b) Après l’article 433-11 du code pénal, il est inséré un article 433-11-1 ainsi rédigé :

« Le fait pour un auteur présumé d’infraction de s'opposer, par voies de fait, menace directe ou par personne interposée, refus d’obtempérer ou résistance, en vue de faire obstacle aux fonctions de police judiciaire des gardes particuliers assermentés mentionnés à l’article 29 du code de procédure pénale, ainsi qu’aux fonctions de police de tout agent assermenté relevant de l’article 28 du même code, est puni de six mois d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

Est puni des mêmes peines, le délit d’entrave à l'exercice des pouvoirs de police des agents et gardes assermentés caractérisé par le fait pour un commettant ou une autorité constituée, par intimidation directe ou par personne interposée, déclaration, omission ou ordre, d’empêcher une verbalisation d’infractions comme de retenir ou d’empêcher la transmission des procès-verbaux ou rapports de ces gardes et agents à l’autorité territorialement compétente.

Les personnes coupables du délit d’entrave prévu à l’alinéa précédent, encourent également la peine complémentaire de l'affichage ou de la diffusion de la décision prononcée, dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal pour les personnes physiques et par le 9° de l'article 131-39 du même code pour les personnes morales. »

Les agents et gardes assermentés sont habilités à rapporter par procès-verbal spécial les faits constitutifs des deux délits mentionnés au premier et second alinéa. Ils transmettent ces procès-verbaux directement au procureur de la République dans les cinq jours ouvrés après le jour de leur constat ou de leur connaissance des faits ».

Objet

Les gardes particuliers et les agents assermentés, respectivement chargés de certaines fonctions de police au titre des articles 29 et 28 du code de procédure pénale, méritent d’être soutenus et protégés dans l’exercice de leurs fonctions, quand bien même ils n’appartiennent à aucun corps constitué de forces publiques de police.

Moins reconnus dans leur autorité de police que les forces publiques de police étatiques ou locales, la loi habilite cependant ces personnes à exercer des pouvoirs de police, judiciaire ou administrative, sous réserve d’être commissionnés ou habilités par un commettant ou une autorité, agréés et assermentés. Dans ce cadre, ils exercent une fonction publique d’intérêt général et détiennent des prérogatives de puissance publique.

La première infraction qu’il est proposé d’instituer se calque peu ou prou sur le délit d’obstacle à fonctions à l’instar des dispositions créées de manière moderne pour certains agents habilités aux polices spéciales notamment en matière d’environnement à l’article L. 173-4 du code de l’environnement ou de police forestière à l’article 163-1 du code forestier.

En effet, il convient de reconnaître que les fonctions des gardes particuliers et autres agents assermentés ne sont pas exemptes de risques et ne sont pas toujours facilement respectées par les auteurs présumés d’infractions à l’encontre desquels ils entendent dresser procès-verbal.

La seconde infraction concerne spécifiquement les commettants ou les autorités qui détiennent ou non un lien de subordination avec les gardes ou les agents assermentés, afin de prévenir le risque de pression et d’empêchement sur l’exercice des pouvoirs de police par ces derniers.

Il est malheureusement assez courant que des gardes particuliers se voient intimer l’ordre de ne pas constater une infraction et donc de ne pas dresser procès-verbal. Il en va ainsi, cas hélas fréquents en pratique, des gardes-chasse particuliers qui subissent l’autorité des dirigeants de sociétés ou associations de chasse qui leur font pression pour qu’ils ne verbalisent pas les membres de leur structure quand ils sont en infraction ou bien retiennent ou empêchent les procédures d’être menées à bonne fin jusqu’au Parquet.

Précisément, il convient de sanctionner les attitudes ou les faits empêchant les verbalisations ou les transmissions des procès-verbaux et des rapports établis par les gardes ou les agents à qui de droit parmi les autorités judiciaires ou administratives prévues en chaque police spéciale.

Afin d’assurer une meilleure efficacité de leurs fonctions de police, ces nouvelles dispositions permettraient aux gardes particuliers dans leur mission de surveillance et de conservation de l’intégrité des propriétés, comme aux autres agents assermentés en d’autres champs de compétences, d’être mieux reconnus et respectés dans l’exercice de leurs pouvoirs de police.

Plusieurs arguments s’inscrivent en faveur de l’adoption des dispositions nouvelles proposées :

- Les agents ou gardes contrôlent parfois des gens armés, alors que les gardes particuliers précisément ne peuvent pas être armés (art. R. 15-33-29-1 du code de procédure pénale) ; faire connaître l’existence de ces délits peut dissuader les auteurs de mauvais comportements.

- Les gardes particuliers assermentés exercent pour partie d’entre eux, notamment les gardes du domaine public routier, en bordure de voies circulées et le délit d’obstacle aux fonctions qu’il est proposé d’instaurer au code pénal pour couvrir les différentes polices spéciales, rejoindrait le dispositif légal du code de la route qui prévoit et réprime le délit de refus d’obtempérer, d’ailleurs amélioré par le présent projet de loi en son article 5.

- Plus de 90% de plaintes pour outrages sur personnes dépositaires de l’autorité publique ou personnes chargées de missions de service public (délits prévus à l’article 433-5 du code pénal) se voient classées sans suite pour motif que l’outrage constitue seulement un préjudice au garde ou à l’agent verbalisateur qui a la qualité de victime et n’est pas qualifié  comme un délit d’entrave à une activité légale.

- Les délits d’outrage nécessitent que le garde ou l’agent outragé porte plainte en qualité de victime du délit qu’ils ne peuvent pas « constater » par eux-mêmes, ils n’en sont que les victimes et les témoins à la fois ; ils doivent donc porter plainte devant un officier ou agent de police judiciaire, ce qui alourdit les missions de la police nationale ou de la gendarmerie nationale car conduisant à des auditions ou enquêtes chronophages.

- Les délits nouveaux ne rendraient pas les agents ou gardes victimes des faits d’opposition à leur fonctions, mais observateurs de ces faits d’obstacle à leurs fonctions légales ou d’entrave à l’exercice de leurs pouvoirs de police en leur donnant la capacité légale de les constater et d’en rendre compte directement au Parquet aux fins de poursuites pénales.

- Ce dispositif permettrait aux procureurs de la République de poursuivre plus rapidement les délinquants qui entravent les fonctions des agents assermentés et des gardes particuliers assermentés de droit privé ou de droit public ;

- Cela harmoniserait le dispositif déjà existant aux gardiens assermentés d'immeubles ou de groupes d'immeubles ou d'un agent exerçant pour le compte d'un bailleur des fonctions de gardiennage ou de surveillance des immeubles à usage d'habitation en application de l'article L. 127-1 du code de la construction et de l'habitation.