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commission des lois

Proposition de loi

Protection des lanceurs d'alerte

(1ère lecture)

(n° 174 )

N° COM-31

13 décembre 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur


ARTICLE 3


I. – Alinéa 26

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° En cas de danger imminent et manifeste ;

II. – Après l'alinéa 27

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au 2° du présent III, les protections mentionnées au premier alinéa bénéficient à tout lanceur d'alerte, tel que défini au I de l'article 6, qui divulgue publiquement des informations mentionnées au 1° du même I en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, notamment lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible. »

Objet

Les conditions dans lesquelles un lanceur d’alerte peut divulguer publiquement les informations dont il dispose tout en bénéficiant des protections offertes par régime (exonération de responsabilité pénale et civile, interdiction des mesures de rétorsion...) constituent le nerf d’un tel régime de protection.

En effet, c’est en divulguant publiquement des informations que le lanceur d’alerte est susceptible de porter le plus gravement atteinte à des secrets protégés par la loi, ainsi qu’aux intérêts matériels et moraux des personnes mises en cause.

La protection des lanceurs d’alerte eux-mêmes et des tiers exige donc que les conditions de divulgation publique soient précisément définies.

Dès lors, il peut sembler regrettable que le législateur européen, après avoir réglé avec minutie les procédures de recueil et de traitement des signalements internes et externes, n’ait consacré aux conditions de divulgation publique des informations que des dispositions succinctes, voire assez confuses.

Il est certes parfaitement légitime – et conforme à la logique d’ensemble du régime de l’alerte – que le lanceur d’alerte soit protégé s’il divulgue publiquement ses informations après avoir d’abord effectué un signalement externe, sans qu’aucune mesure appropriée n’ait été prise en réponse dans les délais impartis.

De même, l’on peut admettre que le lanceur d’alerte soit autorisé à divulguer directement ses informations, sans signalement externe préalable, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’il s’exposerait à des représailles en procédant à un tel signalement ou que cette procédure n’offrirait (selon les termes de la directive, légèrement adaptés par la proposition de loi) que « peu de chances qu’il soit véritablement remédié à la violation, en raison des circonstances particulières de l’affaire, comme lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsqu’une autorité peut être en collusion avec l’auteur de la violation ou impliquée dans la violation ».

En revanche, qu’un lanceur d’alerte puisse divulguer publiquement des informations même confidentielles, dès lors qu’il a des motifs raisonnables de croire que « la violation peut représenter un danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public, comme lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible », laisse beaucoup plus circonspect. Le caractère alternatif des critères retenus et le lien assez incertain entre ces critères et les exemples qui sont censés les illustrer n’aident pas à y voir clair.

Selon le rapporteur, seul un danger manifeste, imminent et d’une gravité suffisante  – ces trois conditions étant cumulatives – peut justifier de « court-circuiter » les procédures normales de signalement, au risque de porter une atteinte grave et possiblement injustifiée à des secrets protégés et à la réputation des personnes mises en cause.

Tel est donc le principe fixé par le présent amendement – qui réserve les cas où il existe un risque de représailles et ceux où un signalement externe serait inefficace en raison des circonstances particulières de l’affaire. (Un autre amendement, à l'article 1er, ayant pour objet de limiter le champ du régime de l'alerte aux informations portant des faits graves, la condition tenant à la gravité du danger n'est pas rappelée expressément ici.)

Afin d’éviter tout risque de sous-transposition, les conditions prévues par la directive seraient maintenues dans le champ matériel d’application de celle-ci.