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commission des lois

Proposition de loi

Protection des lanceurs d'alerte

(1ère lecture)

(n° 174 )

N° COM-53

13 décembre 2021


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

Mme DI FOLCO, rapporteur


ARTICLE 11 TER (NOUVEAU)


Alinéa 8

Après la première occurrence de la référence :

L. 634-1,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

permet le recueil et le traitement des signalements anonymes portant sur des manquements mentionnés au même article L. 634-1 et garantit l'anonymat de leur auteur. En cas de signalement anonyme, le 1° du III de l'article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 précitée n'est pas applicable. »

Objet

Dans sa rédaction en vigueur, l'article L. 634-2 du code monétaire et financier fait obligation aux entités soumises au contrôle de l'Autorité des marchés financiers (AMF) et de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), sauf exceptions, de mettre en place des procédures internes appropriées permettant aux membres de leur personnel de signaler, « par des canaux de communication sécurisés et garantissant l'anonymat des personnes communiquant des informations à cette fin », tout manquement aux obligations définies par les règlements européens et par le code monétaire et financier, le code des assurances, le code de la mutualité, le code de la sécurité sociale ou le règlement général de l’AMF et dont la surveillance est assurée par l’AMF ou l’ACPR.

La portée du membre de phrase précité, introduit par l'ordonnance n° 2020-115 du 12 février 2020, est ambiguë. S'agit-il seulement de garantir la confidentialité de l'identité du lanceur d'alerte ? D'interdire que les personnes chargées de recueillir et de traiter le signalement aient accès aux informations permettant d'identifier directement ou indirectement son auteur (ce qui nécessiterait des moyens techniques adéquats) ? D'imposer le traitement de signalements anonymes ?

Cette dernière interprétation semble devoir être préférée. En effet, la directive (UE) 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, dont l'ordonnance précitée a achevé la transposition, impose aux États membres d'exiger des entités assujetties qu'elles disposent de procédures appropriées permettant à leur personnel ou aux personnes se trouvant dans une situation comparable de signaler en interne les infractions « par une voie spécifique, indépendante et anonyme ».

L'article 11 ter de la proposition de loi, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, prévoit de réécrire l'article L. 634-2 du code monétaire et financier, qui renverrait désormais à la procédure de signalement interne prévue par le régime général pour toutes les entités employant plus de cinquante salariés, tout en prévoyant que, dans le cas des entités soumises au contrôle de l’AMF et de l’ACPR, cette procédure de signalement interne devrait garantir l’anonymat des auteurs de signalement.

Une telle rédaction serait contraire à la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union. En effet, pour ce qui est des violations entrant dans son champ matériel d’application, cette directive exige non seulement que l’auteur d’un signalement interne reçoive un accusé de réception, puis un retour d’informations dans un délai maximal de trois mois, mais aussi que le signalement interne puisse être effectué « par écrit ou oralement, ou les deux », y compris par le biais d’une rencontre en personne si l’auteur du signalement en fait la demande. Ces exigences sont incompatibles avec l’anonymat du lanceur d’alerte.

En outre, l'on ne saurait appliquer aux lanceurs d'alerte anonymes des mesures de protection identiques à celles des autres lanceurs d'alerte. En particulier, dans le régime général, les lanceurs d'alerte ne peuvent divulguer publiquement les informations dont ils disposent, tout en bénéficiant des mesures de protection, qu'à la condition (sauf exceptions) d'avoir préalablement effectué un signalement et laissé à l'autorité compétente le temps nécessaire pour y apporter une réponse appropriée et la lui faire connaître. Ces dispositions seraient dépourvues de sens en ce qui concerne les lanceurs d'alerte anonymes, qui ne peuvent recevoir aucun retour d'informations.

Afin de concilier ces exigences opposées, le présent amendement prévoit que la procédure interne de recueil et de traitement des signalements établie par les entités soumises au contrôle de l'AMF et de l'ACPR doit permettre le recueil et le traitement des signalements anonymes, de manière à garantir l'anonymat de leur auteur. Dans ce cas, les règles relatives à la divulgation d'informations après un signalement préalable ne seraient pas applicables.