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commission des lois

Projet de loi

Renforcement des outils de gestion de la crise sanitaire

(1ère lecture)

(n° 327 , 331)

N° COM-62 rect.

10 janvier 2022


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

MM. SAUTAREL, REICHARDT, BRISSON et SOL, Mme BELRHITI, MM. BASCHER, CARDOUX et JOYANDET, Mmes MULLER-BRONN et PLUCHET, MM. PACCAUD et KLINGER, Mme DREXLER, MM. GREMILLET, MANDELLI, SOMON, LAMÉNIE et Cédric VIAL, Mme Nathalie DELATTRE et M. Étienne BLANC


ARTICLE 1ER BIS A (NOUVEAU)


Supprimer cet article.

Objet

Le télétravail repose sur le double volontariat, celui du salarié et de l’employeur.

L'article L.1222-11 du Code du travail précise que "en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés."

Ainsi, cet article encourage fortement le télétravail en cas de besoin, mais ne permet en aucun cas de l'imposer, ni d'ouvrir à des sanctions. 

La place centrale du travail dans nos parcours de vie est en effet susceptible de pâtir d’une mise à distance croissante. Nous devons transformer les modes de management pour les faire reposer davantage sur la confiance. Un effort de formation de l’encadrement, notamment de l’encadrement intermédiaire, est nécessaire.

Parce qu’en transformant considérablement le quotidien au travail, les habitudes, les repères, le télétravail oblige à repenser totalement le fonctionnement des organisations là où il est mis en œuvre. Il a un effet de « destruction créatrice » dans les entreprises, dans les administrations et d’abord sur les fonctions d’encadrement mais aussi sur les salariés, qui ne sont pas tous au même stade de maturité au regard du télétravail. Il s’agit en fait d’accompagner l’autonomie et la confiance et également de sortir du contrôle.

Piloter à distance, donner des ordres à travers des ordinateurs, contrôler sans voir, développer la communication asynchrone, sont des défis majeurs qui s'adressent d'abord aux responsables, dont le pouvoir et la place connaissent une remise en cause inédite. La transition managériale était amorcée en France dès avant la crise du Covid-19, notamment du fait de la transformation numérique des entreprises. Le télétravail nécessite donc un accompagnement des managers, une transformation de leurs manières d'animer les équipes sous leur responsabilité, afin de concilier travail à distance et maintien d'un lien de proximité, en cela il ne peut être imposé.

L'adaptation au télétravail ne se fera pas partout au même rythme. Un des enjeux d'une transition réussie consiste à accompagner vers le télétravail, en ne laissant pas sur le bord du chemin celles et ceux qui sont moins à l'aise avec les outils du travail à distance, ont moins de capacité à s'auto-organiser, ou peuvent être perdus sans contacts directs avec les autres intervenants. Les personnes ayant besoin d'expérimenter les situations et disposant de moins de capacités de conceptualisation et d'abstraction pourraient en effet être pénalisées par un environnement dépourvu (ou peu pourvu) de contacts humains directs.

C'est pourquoi, l'accompagnement au changement paraît indispensable, tant pour les managers que pour les collaborateurs. Un renforcement de la formation professionnelle pour s'adapter à la nouvelle donne risque fort d'être incontournable, constituant la première brique de la transition vers de nouvelles méthodes de travail. Il conviendra de veiller au passage à ce que les télétravailleurs ne soient pas moins formés que les travailleurs restés en présentiel.

Le télétravail, déployé depuis la crise du Covid-19, de manière brutale et non concertée, a souvent pour effet de distendre le lien entre les salariés et l'entreprise. Cette décomposition risque de désagréger l'unité de l'entreprise. Toutes les enquêtes d'opinion le confirment. Le télétravail, déployé pour contrer la pandémie de Covid-19, est plébiscité par les actifs. Il offre aux salariés, dont le métier est éligible, un meilleur équilibre de vie. Il réduit le temps passé dans les transports. Il assure, bien souvent, un cadre de travail plus serein, loin des interruptions intempestives.

Pourtant, les managers et les directeurs des ressources humaines commencent à déchanter. Ces 21 derniers mois de crise sanitaire ont distendu le lien qui unit les salariés à l'entité. Il est à craindre, à plus long terme, que cette décomposition à l'œuvre ne finisse par désagréger l'unité de l'entreprise. Pourquoi ? Parce que cela a été subit, et subi. Le caractère obligatoire n’est pas compatible avec le télétravail.

La pérennisation du télétravail fait également émerger de nouveaux risques psychosociaux. Ceux-ci pourraient à l'avenir fracturer le lien employé-entreprise. L'isolement du salarié est particulièrement redouté par les DRH. Selon une étude d'OpinionWay pour le cabinet de prévention des risques psychosociaux Empreinte Humaine, 41 % des télétravailleurs réguliers se sentent invisibles. Ce chiffre monte à 48 % chez les télétravailleurs à « temps plein ». Ceux-ci estiment que leur travail est moins considéré que lorsqu'ils évoluent dans les locaux.

On le voit, il appartiendra aux partenaires sociaux, au parlement, dans le dialogue, de proposer un nouveau paradigme pour accompagner la mise en place d’une nouvelle forme de travail qui ne s’adressera pas à tous, mais qui en concernera beaucoup en s’inscrivant dans le temps. A ce titre, il ne peut être envisagé un passage en force ni pour les entreprises, ni pour les salariés.

Cet amendement vise donc à revenir sur le caractère obligatoire du télétravail.



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.