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commission de la culture

Proposition de loi

Filière cinématographique en France

(1ère lecture)

(n° 935 )

N° COM-5

5 février 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

M. BACCHI et Mmes de LA PROVÔTÉ et BORCHIO FONTIMP, rapporteurs


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 7


Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) A la première phrase, les mots : « passée en force de chose jugée » sont remplacés par le mot : « exécutoire » ;

b) A la même première phrase, les mots : « par un titulaire de droits partie à la décision judiciaire » sont remplacés par les mots : « par toute personne qualifiée pour agir sur le fondement de l’article précité » ;

c) Après la référence « I, », la fin de la deuxième phrase est ainsi rédigée : « le président de l’autorité ou, en cas d’empêchement, tout membre du collège désigné par lui, communique précisément les données d’identification du service en cause selon les modalités définies par l’autorité. » ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « l’autorité » est remplacé par les mots : « le président de l’autorité ou, en cas d’empêchement, tout membre du collège de l’autorité désigné par lui » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique tient à jour une liste des services de communication au public en ligne mentionnés au présent I qui ont fait l’objet de sa part d’une demande de blocage d’accès ou d’une demande de déréférencement ainsi que des données d’identification permettant l’accès à ces services et met cette liste à la disposition des signataires des accords mentionnés à l’alinéa précédent. Ces services sont inscrits sur cette liste pour la durée restant à courir des mesures ordonnées par l’autorité judiciaire. »

 

Objet

Les conséquences économiques du piratage pour la filière cinématographique et audiovisuelle sont de grande ampleur. Une étude réalisée en 2020 par la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi, désormais Arcom), chiffre le manque à gagner dû à la consommation illicite en ligne de contenus audiovisuels à plus d’un milliard d’euros par an, auquel s'ajoute une perte potentielle de 332 millions d'euros pour les finances publiques.

La loi du 25  octobre 2021 a amélioré le dispositif de lutte contre le piratage. En particulier, son article 1er a a modifié l'article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle pour mettre en place un dispositif de lutte contre les "sites miroirs", c’est-à-dire les sites reprenant en totalité ou de manière substantielle le contenu d’un site illicite dont le juge a ordonné le blocage ou le déréférencement. Mis en œuvre par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) depuis octobre 2022, il produit des effet encourageants. L’Autorité a ainsi déjà reçu, dans le cadre d’une coopération avec les ayants droit du cinéma et du secteur de l’audiovisuel, plus de 600 demandes d’actualisation de décisions de justice, permettant, in fine, de notifier 540 noms de domaine aux fournisseurs d’accès à internet (FAI) pour en empêcher l’accès.

Une première étude d’évaluation de ce dispositif, portant sur ses six premiers mois d’exercice, a montré des résultats prometteurs. En avril 2023, 38 % des internautes ayant des pratiques illicites reconnaissaient avoir déjà été confrontés au blocage d’un service proposant illégalement l’accès à des contenus audiovisuels ou cinématographiques. Face à cette situation, 7 % des internautes concernés déclaraient s’être tournés vers l’offre légale et 46 % avoir abandonné leur recherche. Au total, l’audience des « galaxies » de sites visés par ce dispositif de lutte contre les sites miroirs a diminué de 23 % entre septembre 2022 et mars 2023.

Cependant, 6 % des internautes confrontés à ces mesures de blocage ont cherché à les contourner et 41 % se sont reportés vers d’autres services illicites. Plus largement, d’après la dernière édition du baromètre de la consommation des biens culturels et sportifs réalisé par l’Arcom, 9 % des internautes ont déclaré avoir accédé à des contenus audiovisuels de manière illicite en 2023, et 12 %, à des contenus cinématographiques.

Ainsi, certaines galaxies de sites illicites, relevant plus précisément des sites de téléchargement direct, se répliquent très rapidement. Ces services, appuyés sur des marques fortes, depuis plusieurs années, peuvent, quasi-instantanément après leur blocage, créer de nouveaux sites miroirs et en diffuser le nom de domaine.

Par ailleurs, on assiste au retour des pratiques de piratage pendant l’exploitation des films en salle (pratique dite de « cam cording ») indépendamment des actions mises en place par l’Autorité, ce qui accentue la nécessité d’agir très vite contre la diffusion illicite en ligne des œuvres protégées : 560 films ont fait l’objet d’un piratage par cam cording depuis juin 2020 et, pour la seule année 2023, 191 films sont concernés.

Ce préjudice est d’autant plus important que l’exploitation des films en salle représente près des trois quarts du chiffre d’affaires du secteur du cinéma. Ainsi, en 2022, d’après les données du Centre national du cinéma et de l’image animé (CNC), pour un chiffre d’affaires global de 1 449 millions d’euros, les recettes des films en salle ont représenté 1 075 millions d’euros, soit 74 %, loin devant le chiffre d’affaires générés par la vidéo à la demande à l’acte (207 millions d’euros) et la vidéo en support physique (166 millions d’euros).

Dans ce contexte, il est nécessaire de renforcer la rapidité d’action de l’Autorité dans sa lutte contre le piratage de contenus protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin.

Le présent amendement vise ainsi à améliorer le dispositif de lutte contre les sites miroirs en introduisant différentes modifications au sein de l’article L. 331-27 du CPI.

En premier lieu, cet amendement vise à garantir une plus grande efficacité de la procédure.

D’une part, il facilite la saisine de l’Arcom en supprimant la condition du passage en force de chose jugée de la décision judiciaire initiale ayant ordonné le blocage d’un site en application de l’article L. 336-2 du CPI qui devra uniquement être exécutoire. Cette mesure permettra de saisir l’Arcom sans attendre l’extinction du délai d’appel et l’obtention d’un certificat de non-appel, qui retardent d’environ deux mois la possibilité de demander l’actualisation de la décision judicaire auprès de l’Autorité. La modification proposée permettra ainsi de réduire significativement le délai de saisine de l’Arcom pour obtenir le blocage ou le déréférencement des sites miroirs. Une simple copie de la signification de la décision judiciaire attestant de sa force exécutoire pourrait ainsi être transmise à l’Autorité lors de sa saisine.

D’autre part, il prévoit que la mise en œuvre de la demande de blocage ou de déréférencement ne relève plus du collège de l’Arcom mais de son président ou d’un membre du collège désigné par lui.

En deuxième lieu, le présent amendement élargit la liste des personnes habilitées à saisir l’Arcom aux fins d’obtenir le blocage ou le déréférencement de sites miroirs, en cohérence avec le champ des personnes habilitées à saisir le juge pour obtenir le blocage ou le déréférencement du site initial en application de l’article L. 336-2 du CPI.

En effet, en l’état actuel de la rédaction, seuls les titulaires de droits parties à la décision judiciaire sont habilités à saisir l’Autorité afin d’en obtenir l’actualisation. Leurs ayants droit, les organismes de gestion collective, les organismes de défense professionnelle et le CNC ne sont pas inclus dans le dispositif de lutte contre les sites miroirs, alors qu’ils ont la capacité d’intenter une action en cessation des atteintes à un droit d’auteur ou à un droit voisin, sur le fondement de l’article L. 336-2 du CPI.

Enfin, afin de faciliter l’exécution des accords pouvant être conclus afin de remédier aux atteintes aux droits d’auteur et droits voisins, il est proposé que l’Arcom tienne à jour une liste des sites miroirs pour lesquels elle a demandé un blocage ou un déréférencement et la mette à disposition de leurs signataires.