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commission des lois

Proposition de loi

Condamnés terroristes et lutte antiterroriste

(1ère lecture)

(n° 202 )

N° COM-13

15 janvier 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

M. DAUBRESSE, rapporteur


ARTICLE 8


Rédiger ainsi cet article :

I. - Le chapitre II du titre Ier du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Après le huitième alinéa de l’article L. 212-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La provocation mentionnée aux 1°, 6° et 7° est constituée lorsqu’une association ou un groupement de fait, à travers ses dirigeants ou un ou plusieurs de ses membres agissant en cette qualité ou directement liés à ses activités, dans les conditions fixées à l’article L. 212-1-1, incite des personnes, par propos ou par actes, explicitement ou implicitement, à se livrer aux agissements mentionnés aux mêmes 1°, 6° et 7° ou les légitime publiquement ou s’abstient de mettre en œuvre les moyens de modération à disposition pour réagir à la diffusion d’incitation à les commettre. » ;

2° Après l’article L. 212-1-1, il est inséré un article L. 212-1-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 212-1-2. - Lorsque l’autorité administrative engage une procédure de dissolution d’une association en application de l’article L. 212-1 ou à défaut, dès le prononcé de cette dissolution, elle saisit, par requête le président du tribunal judiciaire du ressort du siège de l’association, aux fins de désignation d’un curateur. Le président de la juridiction statue dans les cinq jours de sa saisine. La mission du curateur prend effet à la date où la dissolution est prononcée.

« Lorsque l’ordonnance est rendue au cours de la procédure de dissolution engagée sur le fondement de l’article L. 212-1, la mission du curateur prend effet à la date où la dissolution est prononcée.

« Le curateur exerce les pouvoirs conférés par les articles 809-2 à 810-8 du code civil aux curateurs des successions vacantes.

« Le curateur a pour mission de procéder à la liquidation des biens de l’association et de convoquer, dans un délai déterminé par le tribunal, la réunion d’une assemblée générale à seule fin d’adopter une délibération sur la dévolution des biens, nonobstant toute clause figurant dans les statuts de l’association ou toute délibération préexistante ayant cet objet. L’assemblée générale est convoquée et délibère valablement à la majorité des suffrages exprimés quel que soit le nombre de membres présents. Le curateur communique immédiatement copie de la délibération de cette assemblée générale à l’autorité administrative.

« Lorsqu’il existe des raisons sérieuses de penser qu’en application de la délibération mentionnée à l’alinéa précédent, les actifs de l’association dissoute risquent d’être transmis à une personne morale dont l’objet ou les agissements sont de même nature que ceux ayant justifié la mesure de dissolution, ou lorsque l’assemblée générale n’a pas décidé de la dévolution des biens, ou que le curateur a été empêché d’exercer sa mission, l’autorité administrative saisit le tribunal judiciaire aux fins d’annulation de la délibération de l’assemblée générale et de désignation d’une association ou d’une fondation reconnue d’utilité publique ou d’une personne morale de droit public à laquelle les biens seront dévolus. La demande est formée, instruite et jugée selon les règles régissant la procédure accélérée au fond. À peine d’irrecevabilité, l’assignation est délivrée dans le délai d’un mois suivant la date à laquelle la délibération mentionnée au premier alinéa a été portée à la connaissance de l’administration.

« La délibération de l’assemblée générale convoquée par le curateur ne produit ses effets qu’à l’expiration du délai imparti à l’autorité administrative pour saisir le tribunal judiciaire ou, le cas échéant, lorsque la demande est rejetée par une décision ayant force de chose jugée.

« Lorsque la décision de dissolution a fait l’objet d’une requête en annulation, la dévolution effective des actifs de l’association dissoute n’intervient le cas échéant qu’après rejet de cette requête.

« Dans l’attente des décisions juridictionnelles mentionnées aux sixième et septième alinéas, les actifs ayant fait l’objet de l’ordonnance de dévolution des biens par le tribunal judiciaire sont consignés à compter de son prononcé par le curateur. »

II. - Le 2° du I s’applique aux procédures de dissolution engagées à compter de la publication de la présente loi.

Objet

Le présent amendement poursuit un double objet.

Premièrement, il consacre au niveau législatif la définition de la « provocation » justifiant la dissolution  d’une association ou d’un groupement de fait sur le fondement du 1° (provocation à des manifestations armées ou à des agissements violents), du 6° (provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence ethnique raciale ou religieuse) ou du 7° (agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme en France ou à l’étranger) de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure énoncée par le Conseil dans sa jurisprudence récente relative notamment aux Soulèvements de la Terre (décision n° 476384 du 9 novembre 2023) Aux termes du Conseil d’État, la provocation est notamment constituée dans trois cas de figure :

-          l’incitation explicite ou implicite, par propos ou par actes, à se livrer aux agissements mentionnés aux 1°, 6° et 7° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure précité ;

-          la légitimation publique de ces agissements ;

-          l’abstention à mettre en œuvre les moyens de modération à disposition pour réagir à la diffusion d’incitations à commettre ces agissements.

Deuxièmement, le présent amendement crée un régime de dévolution des biens des associations ayant fait l’objet d’une dissolution. Dans ce cadre, un curateur serait désigné par le président du tribunal judiciaire à la demande de l’autorité administrative. Il reviendrait à celui-ci de procéder à la liquidation des biens de l’association en convoquant pour ce faire une assemblée générale. Afin d’éviter que les biens puissent être transmis à une association dont l’objet ou les agissements sont de même nature, l’autorité administrative pourrait saisir le tribunal judiciaire aux fins d’annulation de la décision de l’assemblée générale et de désignation  d’une association ou d’une fondation reconnue d’utilité publique ou d’une personne morale de droit public à laquelle les biens seront dévolus.

Concrètement, la dévolution des biens peut intervenir à l’expiration du délai de recours précité pour saisir le tribunal judiciaire aux fins de désignation d’une association ou d’une fondation, ou, le cas échéant, lorsque cette demande est rejetée, ou, lorsque la dissolution a fait l’objet d’un recours en annulation, à la date du rejet.