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commission des affaires économiques

Projet de loi

Rénovation de l'habitat dégradé

(1ère lecture)

(n° 278 )

N° COM-116

12 février 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

Adopté

Mme DUMONT

au nom de la commission des lois


ARTICLE 3 BIS A (NOUVEAU)


Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« VII. - Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation, au plus tard six mois avant son terme. »

Objet

Le présent amendement a pour objet, d’une part, d’imposer au Gouvernement de procéder à un réel suivi de l’expérimentation prévue à l’article 72 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, et, d’autre part, de supprimer la nouvelle expérimentation que prévoyait le 2° de l’article 3 bis A du présent projet de loi. 

L’article 72 de la loi ALUR, codifié à l’article L. 615-10 du code de la construction et de l’habitation, expérimente pour une durée de dix ans la possibilité d’exproprier des parties communes de copropriétés en difficulté. Cette expérimentation représente ainsi une dérogation à la règle de droit commun selon laquelle les parties communes et les droits qui leur sont accessoires ne peuvent faire l’objet, séparément des parties privatives, d’une action en partage ni d’une licitation forcée.

Lors de l’examen de la loi ALUR, le Sénat avait soutenu cette expérimentation, ses rapporteurs, alors Claude Dilain et Claude Bérit-Débat soulignant qu’elle devrait permettre « de réduire le coût de l’expropriation pour les autorités publiques par rapport à l’expropriation de la totalité de l’immeuble ». Les rapporteurs avaient cependant estimé que cette expérimentation « pourrait toucher moins d’une dizaine de copropriétés ».

Dix ans plus tard, force est de constater que leur circonspection quant à la mise en œuvre de cette expérimentation s’est avérée fondée : selon l’exposé des motifs de l’amendement présenté par le Gouvernement  à l’origine de l’article 3 bis A, « l’expérimentation prévue par la loi ALUR […] arrive à échéance sans avoir permis d’aboutir à un retour d’expérience permettant de statuer sur l’opportunité d’une évolution législative pérenne, n’ayant pas été mobilisée à ce jour ». Les auditions menées par la rapporteure ainsi que les contributions écrites qui leur ont été adressées ont confirmé ce constat de l’inapplication de cette expérimentation, dont l’origine, en 2014, était pourtant gouvernementale. 

Le présent amendement s’oppose par conséquent à une prorogation « à l’aveugle » d’une expérimentation qui ne ferait par la suite l’objet d’aucun suivi ni d’aucune mesure d’accompagnement de la part de son initiateur. C’est pourquoi il impose la rédaction d’un rapport d’évaluation, au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation.

En second lieu, le présent amendement supprime la nouvelle expérimentation proposée au 2° de l’article 3 bis A.

En effet, celle-ci soulève davantage d’ambiguïtés et de difficultés pratiques et juridiques qu’elle ne présente d’avantages.

D’une part, sa rédaction est peu claire : il n’est pas précisé dans le dispositif à quoi doit servir la convention d’acquisition du terrain d’assise de l’immeuble ; il n’est pas précisé quelles seront les règles de majorité pour que le syndicat de copropriétaires soit autorisé à signer les conventions ; il n’est pas spécifié si la redevance d’utilisation que les propriétaires doivent verser en échange de l’acquisition des parties communes doit servir uniquement à des travaux de réhabilitation ou si elles doivent aussi permettre d’apurer les dettes ; il n’est pas précisé si la convention d’acquisition des parties communes doit contenir un engagement de la part de l’opérateur à revendre ces parties communes aux copropriétaires une fois les difficultés financières surmontées ; il n’est pas déterminé de limites temporelles à la date de revente aux propriétaires du terrain d’assise de l’immeuble ; etc.

D’autre part, elle revient à contourner des difficultés de nature budgétaire en créant, de facto, une hypothèque sur les parties communes ou sur le terrain d’assise qui pourrait aggraver les difficultés des copropriétaires en réduisant la valeur de leur bien.

Par ailleurs, d’un point de vue légistique, cette expérimentation n’a pas sa place au sein du dispositif de l’article L. 615-10 du code de la construction et de l’habitation, puisqu’il s’agit d’une expérimentation différente de celle qui permet d’exproprier les parties communes. Le VII n’aurait donc pas de lien avec les I à VI de l’article L. 615-10, qui eux forment un ensemble précisant les modalités d’application de l’expérimentation, entraînant, si besoin était, une ambiguïté juridique supplémentaire. 

Pour finir, la rapporteure estime, compte tenu de l’inapplication de l’expérimentation votée en 2014, qu’il convient en premier lieu de veiller à la bonne mise en œuvre de cette première expérimentation avant de multiplier des dispositifs expérimentaux inaboutis qui ont peu de probabilité d’être mobilisés par les acteurs concernés.