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commission des lois

Projet de loi organique

Congrès et assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie (PJLO)

(1ère lecture)

(n° 290 )

N° COM-1

12 février 2024


 

AMENDEMENT

présenté par

Rejeté

Mme NARASSIGUIN, M. KANNER, Mme ARTIGALAS, M. TEMAL, Mme de LA GONTRIE, MM. DURAIN, BOURGI et CHAILLOU, Mme HARRIBEY, M. KERROUCHE, Mme LINKENHELD et M. ROIRON


ARTICLE UNIQUE


Alinéa 1

Remplacer la date :

15 décembre 2024

par la date :

30 novembre 2025

Objet

La date du 15 décembre 2024 retenue par le projet de loi organique n’est pas satisfaisante à double titre.

D’une part, l’examen du projet de loi organique doit être apprécié dans la globalité du processus d’évolution institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie engagé par le gouvernement en ce début d’année.  Ainsi, il convient de mettre en perspective le présent projet de loi organique avec le projet de loi constitutionnelle déposé concomitamment sur le bureau de notre assemblée et qui n’est pas encore inscrit à l’ordre du jour des travaux du Sénat.

D’autre part, si les conditions de la tenue d'un dialogue trilatéral ne semblent pas aujourd'hui totalement réunies, la reprise officieuse des négociations entre les parties calédoniennes depuis septembre 2023 doit être saluée, car le dialogue demeure le seul chemin viable pour jeter les bases d'un accord solide et pérenne quant à l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

Disons-le d’emblée, la méthode retenue par le Gouvernement est inappropriée en considération des enjeux pour la Nouvelle-Calédonie que sont le respect des convictions de chacun, la paix, la stabilité et le progrès du territoire.

Nous partageons les conclusions de François-Noël BUFFET, Philippe BAS, Jean-Pierre SUEUR et Hervé MARSEILLE, rapporteurs de la mission d'information qui s'est rendue en Nouvelle-Calédonie du 24 au 28 juin 2022. Ils ont mis en évidence les trois conditions cumulatives qui devront être réunies pour l'approbation final d'un accord par le Parlement dans la perspective d’une nouvelle révision constitutionnelle et de l’adoption d’un projet de loi organique statutaire renouvelé :

« 1°) la nécessité que chaque partie sorte des discussions en ayant obtenu la reconnaissance claire de demandes légitimes ;

2°) le refus de traiter isolément les différents sujets institutionnels, seul un accord global étant possible ;  

3°) l'engagement clair et fort de l'État pour faire émerger un consensus tout en étant lui-même force de propositions ».

Dans ces conditions, le gouvernement ne peut pas engager successivement deux démarches opposées : déclarer que le consensus politique constitue la priorité du gouvernement et présenter un projet de loi constitutionnelle qui restreint son objet au seul élargissement du corps électoral spécial pour l’élection du congrès et des assemblées de provinces de la Nouvelle-Calédonie, au surplus, avec une date d’entrée en vigueur subordonnée à l’absence de conclusion d’un accord entre les partenaires calédoniens. Une telle méthode conduit à ôter toutes les chances d’aboutir à la négociation, revient à imposer une solution unilatérale et rendra difficile l'organisation des prochaines élections provinciales.

Nous appelons à la plus grande vigilance pour l'avenir quant à la méthode mise en œuvre par le gouvernement dans la conduite de ce dossier depuis la cristallisation des antagonismes entre forces politiques calédoniennes consécutive à la consultation du 13 décembre 2021.

A l’occasion de l'inauguration de la place de la Paix sur laquelle trône dorénavant la sculpture en bronze célébrant la poignée de main entre Jacques LAFLEUR et Jean-Marie TJIBAOU, les rapporteurs  précités de la mission en Nouvelle-Calédonie ont délivré à l’assistance présente le message de Gérard LARCHER, Président du Sénat : « Cette poignée de main symbolisant la reconnaissance réciproque de deux légitimités nous contraint à consacrer toute notre énergie à poursuivre et approfondir le dialogue qui seul permettra de définir le chemin du futur ». 

Depuis juin 1988 et l’accord de Matignon-Oudinot, la politique calédonienne est façonnée par le dialogue, les discussions, les débats et l’aménagement d’étapes réciproquement consenties.  Cette méthode initiée par Michel ROCARD et Louis Le PENSEC, poursuivie par Lionel JOSPIN et Jean-Jack QUEYRANNE, promoteurs de l’accord de Nouméa de 1998, est essentielle pour l’avenir proche de la Nouvelle-Calédonie.

C’est aussi ce que le Conseil d’État, saisi par la Première ministre Élisabeth BORNE, a rappelé dans son avis du 7 décembre 2023 : « la recherche du consensus, poursuivie depuis 25 ans par les gouvernements successifs dans leurs discussions avec les partenaires politiques de l’accord, constitue une donnée fondamentale de l’élaboration de l’organisation politique qui prendra la suite de celle issue de l’Accord de Nouméa ».

Tout doit être mis en œuvre pour ne pas laisser croire que le dialogue politique est secondaire, voire accessoire. Dès lors, la seule méthode dont dispose les partenaires que sont l’État et l'ensemble des acteurs calédoniens consiste à poursuivre la discussion et cheminer ensemble rapidement vers une évolution institutionnelle consensuelle.

Certes, l'horizon des élections provinciales doit constituer un butoir autant qu’un aiguillon pour l'aboutissement aussi rapide que possible des négociations en vue d'un accord.  

Considérant qu’il est envisageable de reporter ces élections pour une durée raisonnable conformément à l’avis du Conseil d’État du 7 décembre 2023 qui indique qu’un report pour une durée de dix-huit mois peut être acceptable sur le plan constitutionnel ou conventionnel et que ce report constitue, à nos yeux, la condition sine qua non de la réussite des négociations, le présent amendement propose de reporter au 30 novembre 2025 le renouvellement  général des membres  du congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie.

Nous considérons qu’il faut privilégier le temps raisonnable de la médiation, du dialogue et de la négociation pour permettre aux partenaires du futur accord d’allier gestion des émotions, symboles et constructions rationnelles pour trouver une solution permettant une sortie apaisée de l’accord de Nouméa.

Il y va de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie et de l’honneur de la France.