commission des lois |
Proposition de loi Renforcer et sécuriser le pouvoir préfectoral de dérogation (1ère lecture) (n° 493 ) |
N° COM-1 rect. 27 mai 2025 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme LERMYTTE et MM. WATTEBLED, MALHURET, Alain MARC, CHEVALIER, GRAND, LAMÉNIE, CHASSEING et BRAULT ARTICLE 2 |
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« 3° De 5 % pour les projets d’investissement en matière de rénovation du patrimoine protégé ou non protégé, de rénovation énergétique des bâtiments, d’eau potable et d’assainissement, de protection contre les incendies, de voirie communale ainsi que ceux concernant les ponts et ouvrages d’art, réalisés par les communes de moins de 2 000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants. »
Objet
Le présent amendement reprend le dispositif de la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales adoptée par le Sénat le 14 février 2024, également adopté conforme en commission à l’Assemblée nationale, mais malheureusement modifié en séance par les groupes politiques de chaque extrémité des bancs, retardant considérablement le terme de la navette.
L’article 76 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, dite loi RCT, a modifié le code général des collectivités territoriales pour mieux encadrer ce que l’on appelle communément les financements croisés entre plusieurs collectivités. Ces financements croisés permettent notamment aux collectivités disposant de faibles ressources financières de lancer des projets d’investissement qu’elles ne seraient pas en mesure de financer seules. Toutefois, ils ne présentent pas que des avantages : ils peuvent ralentir certains projets d’investissements, du fait de la multiplication du nombre d’acteurs impliqués ; ils peuvent faciliter le financement de projets dont les coûts de fonctionnement ne pourront pas ensuite être financièrement assumés par la collectivité gestionnaire ; ils peuvent nuire à la lisibilité de l’action publique ; s’il n’y a pas de participation financière de la collectivité maître d’ouvrage, ils risquent de mener à une forme de tutelle de fait d’une collectivité territoriale sur une autre.
Pour toutes ces raisons, l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales prévoit, depuis l’adoption de la loi RCT, un principe de participation financière minimale pour toute collectivité territoriale ou groupement assurant la maîtrise d’ouvrage d’un projet d’investissement. Cette participation minimale est fixée à 20 % du montant total des financements apportés au projet par des personnes publiques. Autrement dit, le cumul des subventions publiques est limité à 80 % de ce montant.
Malgré les dérogations existantes, la participation minimale exigée est parfois disproportionnée pour nos communes rurales de petites tailles. Si les dérogations sont possibles en théorie, il en est peu fait usage. La direction générale des collectivités locales (DGCL), a indiqué qu’en 2022, seules quelques dizaines de projets avaient bénéficié d’une dérogation. Le faible recours à ce dispositif s’explique par plusieurs raisons : l’existence de ces dérogations est encore trop peu connue, notamment par les élus locaux, même les plus expérimentés d’entre eux ; les motifs d’octroi ou de refus des dérogations ne sont pas explicités, le dispositif ne semblant pas faire l’objet d’une application uniforme sur l’ensemble du territoire ; le montage des dossiers de demande de dérogation est complexe pour les communes rurales, qui disposent d’outils limités en matière d’ingénierie financière.
Ces difficultés peuvent conduire les communes rurales à différer certains projets d’investissement, voire à y renoncer, alors même qu’un report peut entraîner des coûts supérieurs à l’avenir – c’est le cas pour la rénovation du patrimoine ou pour les routes et les ponts.
C’est à l’ensemble de ces difficultés que cet amendement vise à remédier. Concrètement, il propose premièrement un abaissement du taux de participation minimale à 5 %, contre 20 % actuellement ; deuxièmement, il restreint l’application de cette mesure aux seules communes de moins de 2 000 habitants dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois le potentiel financier moyen par habitant des communes de moins de 2 000 habitants ; troisièmement, il limite le champ des projets d’investissement concernés, dans l’objectif de cibler les projets les plus structurants pour ces communes : projets de rénovation du patrimoine, de rénovation énergétique des bâtiments, d’eau potable et d’assainissement, de protection contre les incendies, de voirie communale ou encore projets concernant les ponts et ouvrages d’art.
Ce dispositif, qui a d’ores et déjà fait l’objet de discussions au Sénat, cible les communes rurales qui ont le plus besoin de réduire leur participation financière, et concerne des projets d’investissement qui engendrent peu de frais de fonctionnement futurs ou n’en engendrent pas, par exemple les projets de rénovation du patrimoine ou de renouvellement des réseaux d’eau ou de la voirie. En outre, la participation réduite aux projets de rénovation énergétique des bâtiments permettra même aux communes rurales de réduire leurs frais de fonctionnement futurs.
En définitive, cet amendement ne remet pas en cause les principes de responsabilité financière des collectivités : il redonne aux communes rurales les moyens d’agir. C’est un ajustement de bon sens, attendu par les élus de terrain, qui permettra de sortir de l’immobilisme induit par des règles uniformes, inadaptées à la diversité des territoires. Il promeut l’équité territoriale, renforce l’efficacité de l’action publique et reconnaît pleinement le rôle vital des petites communes dans la cohésion de notre pays.