commission des affaires sociales |
Projet de loi Emploi des salariés expérimentés et évolution du dialogue social (1ère lecture) (n° 600 ) |
N° COM-9 26 mai 2025 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL ARTICLE 4 |
Alinéa 5
Après les mots :
au même groupe
insérer les mots :
et n'a pas fait l'objet d'un licenciement par cette entreprise ou, le cas échéant, par une entreprise appartenant au même groupe,
Objet
Le présent projet de loi de transposition de plusieurs ANI entérine la création d'un CDI de valorisation de l’expérience ouvert aux demandeurs d’emploi de 60 ans et plus inscrits à France Travail pouvait être ouvert dès 57 ans par accord de branche. L'article 4 portant création de ce CDI dispose que le recrutement par le biais de ce contrat spécifique ne peut pas concerner un demandeur d’emploi ayant été employé en CDI dans la même entreprise ou le même groupe au cours des six derniers mois.
Si cette dernière disposition est positive pour limiter les effets d'aubaine liés à l'accès aux exonérations de cotisations sociales patronales sur les indemnités de départ des salariés embauchés par un CDI Salariés Expérimentés, elle ne semble pas limiter suffisamment les stratégies potentielles d'optimisation sociale de la part des entreprises d’un groupe pouvant se séparer d'un salarié pour le reprendre ensuite via le CDI Salariés Expérimentés. De même, elle ne permet pas de lutter suffisamment contre les séparations par licenciement économique qui affecte pourtant une part importante de travailleurs séniors à partir de 55 ans.
Or entre 50 et 59 ans la part des séniors en emploi chute de 12 points, de 84 % à 72 %. Cela est notamment dû à un taux important de rupture de contrat après 55 ans. Selon l'UNEDIC : "la moitié des personnes de 55 ans et plus prises en charge par l’Assurance chômage le sont à la suite d’un licenciement (trois fois plus que les moins de 25 ans)". De plus, "un quart des seniors indemnisés le sont à la suite d’une rupture conventionnelle" soit près de 100 000 personnes. Selon l'UNEDIC encore, 56 ans est un âge pivot à partir duquel le taux d’accès à l’emploi durable devient significativement plus faible qu’à 50 ans, baissant de 2 à 4 points. Le taux d'accès à l'emploi durable après la perte d'un CDI entre 50 et 61 ans par exemple est particulièrement faible puisqu'il est divisé 3 (-26 %), impactant particulièrement les salariés à l'ancienneté élevée dans leur emploi. Selon l'UNEDIC : "l’effet négatif de l’âge est plus élevé pour les allocataires qui avaient plus de 10 ans d’ancienneté dans leur CDI : leur taux d’accès devient significativement plus faible dès 54-55 ans".
Ces données démontrent que les entreprises ont tendance à se séparer brutalement de leurs salariés séniors, et à moins recruter à ces âges du fait de mécanismes de discrimination à l'embauche par les entreprises envers les seniors, les contraignant ainsi à des périodes de chômage longue durée.
Ainsi, en cas de chômage, les probabilités de retour à l’emploi après 50 ans sont très faibles. Selon la DG Trésor « la part des chômeurs de longue durée (plus d'un an) chez les chômeurs de plus de 55 ans est en 2018 de 60 %, contre 42 % pour l'ensemble de la population des plus de 15 ans. De fait, la probabilité de reprendre un emploi après un épisode de chômage est moitié plus faible pour les seniors que pour les 25-54 ans. ». Cela est dû notamment à la discrimination à l'embauche envers les seniors.
De fait, en 2021, les testings réalisés par la DARES montrent qu’une personne ayant 55 ans a trois fois moins de chances d’être appelée pour un entretien qu’un 23-30 ans (75 % de réponses positives de moins). In fine, les seniors ne représentent que 6 % des embauches.
Du fait de ces licenciements et de ces discriminations à l'embauche, le nombre des demandeurs d’emploi de plus de 50 ans a nettement augmenté, passant de 312 000 en 2008 (cat. A) à 809 000 fin 2022 et 868 000 au 4eme trimestre 2024. De surcroît, il s’agit beaucoup plus souvent de chômeurs de longue durée : la durée moyenne de chômage des plus de 50 ans était de 370 jours début 2008. Elle atteint 665 jours fin 2022.
Dès lors, il convient de s'assurer, en l'inscrivant clairement dans le projet de loi, que le senior embauché via le CDI Valorisation de l'expérience créé avec le présent article 4, n'ait pas fait l'objet d'un licenciement dans la même entreprise et dans le même groupe. Autrement, les entreprises pourraient bénéficier des exonérations de cotisations sur les indemnités de départ et de la possibilité dérogatoire d’une date prévisionnelle de mise à la retraite avant 70 ans.
Pour toutes ces raisons, le présent amendement se propose d'ajouter explicitement l'impossibilité de contracter via le CDI Valorisation de l'Expérience avec un salarié sénior dont l'entreprise ou un groupe se serait séparée par licenciement 6 mois auparavant.