N° 351

 

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2001-2002

 

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 juillet 2002

 

 

 

PROJET DE LOI

 

 

portant création d’un dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprise,

 

(Urgence déclarée)

 

PRÉSENTÉ

au nom de M. Jean-Pierre RAFFARIN,

Premier ministre,

 

 

par M. François FILLON,

Ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.

 

 

 

(Renvoyé à la commission des Affaires sociales sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement

 

Emploi. Jeunes.

 

 


EXPOSÉ DES MOTIFS

 

Mesdames, Messieurs,

Le chômage des jeunes a globalement augmenté de plus de 15 % en un an (+ 50 700) soit le double de l’augmentation du chômage moyen (+7,7 %) tandis que le taux de chômage des jeunes sans diplôme atteint 33 %. Cette situation n’est pas acceptable pour la société qui se doit d’offrir des perspectives à ses jeunes. Elle justifie que le Gouvernement propose des mesures d’urgence.

De plus, les trajectoires d’insertion des jeunes dans l’emploi restent longues et précaires, et sont fortement déterminées par les niveaux de formation et de diplôme. A titre d’exemple, selon une enquête récente, les jeunes sortis sans diplôme du système scolaire, ou les jeunes ayant obtenu au plus un CAP ou un BEP du tertiaire, ont passé plus de la moitié des trois premières années de leur vie active au chômage.

Enfin, il apparaît que le coût du travail non qualifié, en dépit des allègements de charges déjà mis en œuvre, reste encore trop élevé pour opérer une véritable incitation des entreprises à l’embauche de ces jeunes non qualifiés.

Le Gouvernement propose en conséquence la création d’un dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise. Il complètera tant les dispositifs d’alternance que les régimes de droit commun d’allègement de charges. Il entrera en vigueur dès le 1er juillet 2002, de manière à produire des effets en même temps qu'arrivera pendant l'été une nouvelle classe d'âge sur le marché du travail.

Il s’agit d’abaisser le coût du travail des jeunes non qualifiés par l’octroi aux entreprises d’une exonération forfaitaire qui, ajoutée aux exonérations de charges existantes, permet de compenser tout ou partie des charges patronales sur le salaire (sécurité sociale, Unedic, retraites complémentaires et autres prélèvements). Cette exonération forfaitaire sera fixée par voie réglementaire et accordée pendant une durée de trois ans, à taux plein les deux premières années et à 50 % la troisième année. Le champ des employeurs concernés est l’ensemble du secteur privé, à savoir les entreprises du secteur marchand ainsi que les associations, à l’exception des entreprises publiques dans lesquelles l’Etat est majoritaire, et des particuliers. Elle s'appliquera aux établissements employant au plus 250 salariés.

Le contrat de travail devra être un contrat à durée indéterminée, à temps plein ou à temps partiel. Le Gouvernement a souhaité par cette disposition, comme par le choix de la durée longue de l'exonération forfaitaire (trois ans), limiter le développement des emplois précaires pour les jeunes, et leur assurer un revenu susceptible de garantir leur autonomie afin de contribuer à leur insertion réelle dans la société, tant sur le plan professionnel que personnel.

Les jeunes bénéficiaires devront être d’un niveau inférieur au baccalauréat. Le Gouvernement souhaite ainsi concentrer son effort sur les jeunes à faible qualification, qui ont le plus de mal à trouver un emploi, y compris quand la conjoncture économique est favorable, et qui doivent être mis en mesure d’acquérir une expérience professionnelle. Les entreprises ont à ce titre un rôle d’intégration essentiel.

Les jeunes bénéficiaires devront avoir entre seize et vingt‑deux ans. Le choix a été fait de s’adresser aux plus jeunes, dès la sortie du système scolaire. En effet, nombreux sont ceux qui souhaitent d’emblée démarrer une vie professionnelle en acquérant une expérience en entreprise. L’objectif est en outre d’éviter très en amont que ces jeunes entrent dans un cycle d’exclusion et de précarité par l’enchaînement de « petits boulots » ou l’entrée dans un chômage récurrent.

Le Gouvernement souhaite favoriser la reconnaissance de l’expérience acquise par le travail, en invitant les partenaires sociaux à organiser la validation de ces acquis au terme des trois ans prescrits par la loi. De même, une incitation à l’engagement de processus de formation qualifiante par les jeunes est encouragée par la suppression, dans ce cas, du préavis à la rupture du contrat.

Enfin, le projet de loi vise à créer un dispositif simple et lisible pour les entreprises. Le critère de simplicité dans la gestion conduit à permettre la gestion du mécanisme de soutien à l'emploi des jeunes par un organisme lié à l'Etat par une convention de prestation de service.



PROJET DE LOI

 

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité,

Vu l’article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi portant création d’un dispositif de soutien à l’emploi des jeunes en entreprise, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d’Etat, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, qui sera chargé d’en exposer les motifs et d’en soutenir la discussion.

 

 

Article 1er

 

Sont insérés au code du travail les articles L. 322-4-6, L. 322‑4‑6-1, L. 322‑4-6-2 et L. 322‑4‑6‑3 ainsi rédigés :

« Art. L. 322-4-6. - Les employeurs peuvent bénéficier d’une exonération de charges lors de la conclusion de contrats de travail à durée indéterminée, à temps plein ou à temps partiel, conclus, à compter du 1er juillet 2002, avec des jeunes âgés de seize à vingt-deux ans révolus, dont le niveau de formation est inférieur à un diplôme de fin du second cycle de l’enseignement général, technologique ou professionnel.

« Cette exonération est calculée par référence aux cotisations et contributions sociales patronales obligatoires de toutes natures, dont le paiement est exigé à raison du versement du salaire de l’intéressé. L’exonération n’est pas cumulable avec une autre aide à l’emploi attribuée par l’Etat. Elle est cumulable avec les réductions et les allégements de cotisations prévus aux articles L. 241-6-4, L. 241‑13, L. 241-13-1, L. 241-14 du code de la sécurité sociale.

« Un décret précise le montant, les modalités d'attribution de l’exonération ainsi que les conditions d'application du présent article.

« Art. L. 322-4-6-1. - Bénéficient de l’exonération mentionnée à l’article L. 322-4-6, pour une durée de trois années au plus pour chaque contrat de travail, les employeurs soumis aux obligations de l’article L. 351-4, à l’exception des particuliers, pour leurs établissements employant au plus deux cent cinquante salariés. Bénéficient également de l’exonération les employeurs de pêche maritime.

« L’exonération n’est accordée que si les conditions suivantes sont réunies :

« 1° L’employeur n’a procédé à aucun licenciement pour cause économique dans les six mois précédant l’embauche de l’intéressé ;

« 2° Il est à jour du versement de ses cotisations et contributions sociales ;

« 3° L’intéressé n’a pas été employé dans son entreprise dans les douze mois précédant cette embauche, sauf s'il était titulaire d'un contrat de travail à durée déterminée arrivé normalement à échéance.

« Art. L. 322-4-6-2. - Par dérogation aux dispositions de l’article L. 122-5, les contrats de travail mentionnés à l’article L. 322-4-6 peuvent être rompus avant leur terme, à  l’initiative du salarié, lorsque la rupture du contrat a pour objet de permettre à celui-ci d’être embauché en vertu de l’un des contrats prévus aux articles L. 117-1 et L. 981-1 ou de suivre l’une des formations mentionnées à l’article L. 900-2.

« Art L. 322-4-6-3. - L’Etat peut confier la gestion du mécanisme de soutien à l'emploi des jeunes prévu à l'article L. 322‑4‑6 aux institutions mentionnées à l’article L. 351-21 ou à une personne morale de droit public. »

Article 2

 

Une convention ou un accord collectif de branche pourra prévoir les conditions dans lesquelles les acquis de l’expérience des jeunes mentionnés à l’article L. 322-4-6 du code du travail sont validés.

L’employeur met en place les conditions nécessaires à la participation effective des intéressés aux actions prévues dans le cadre du plan de formation de l’entreprise.

 

Fait à Paris, le 10 juillet 2002

    Signé : Jean-Pierre Raffarin

    Par le Premier ministre :

 

Le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité,

Signé : François Fillon