PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent  projet de loi instituant le droit opposable au logement et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Chapitre Ier

Dispositions relatives à la garantie du droit au logement

Article 1er

L'État garantit le droit au logement mentionné à l'article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et stable, n'est pas en mesure d'accéder par ses propres moyens à un logement décent et indépendant ou de s'y maintenir.

Cette garantie s'exerce par un recours amiable et par un recours contentieux selon les modalités fixées par la présente loi.


Article 2

Les deuxième, troisième et quatrième alinéas de l'article L. 441‑2-3 du code de la construction et de l'habitation sont remplacés par les dispositions suivantes :

« La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, quoique satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l'article L. 441‑1-4.

« La commission peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé temporairement, logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux, ainsi que, s'il a des enfants mineurs, lorsqu'il est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent.

« Elle reçoit du ou des bailleurs en charge de la demande, tous les éléments d'information sur la qualité du demandeur et les motifs invoqués pour expliquer l'absence de proposition.

« Elle désigne ceux des demandeurs reconnus prioritaires dont la demande de logement doit être satisfaite d'urgence. Elle peut faire toute proposition d'orientation des autres demandes.

« La commission de médiation peut également être saisie sans condition de délai par toute personne entrant dans l'une des catégories énumérées au troisième alinéa qui, sollicitant l'accueil dans une structure adaptée, n'a reçu aucune réponse à sa demande. Elle se prononce alors dans une formation et selon des modalités particulières, fixées par décret en Conseil d'État.

« Le représentant de l'État dans le département ou, le cas échéant, le délégataire des droits à réservation de ce dernier en vertu de l'article L. 441-1, est saisi du cas du demandeur dont la demande est reconnue par la commission de médiation comme prioritaire et comme devant être satisfaite d'urgence.

« Après avis du maire de la commune concernée et en tenant compte des objectifs de mixité sociale tels qu'ils sont définis dans l'accord collectif intercommunal ou départemental, il désigne le demandeur à un organisme bailleur disposant de logements correspondant à la demande, en fixant le délai dans lequel celui-ci est tenu de le loger. Cette attribution s'impute sur les droits à réservation dont il bénéficie. Compte tenu des besoins et des capacités de l'intéressé, il peut également proposer un accueil en structure adaptée ou une autre forme de logement. »

Article 3

I. - Est inséré, après l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, un article L. 441-2-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 441-2-3-1. - Lorsque la commission de médiation a reconnu une demande comme prioritaire et comme devant être satisfaite d'urgence, le demandeur qui n'a pas reçu, dans un délai fixé par voie réglementaire, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ou une proposition d'accueil en structure adaptée, peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement, son relogement ou son accueil dans une structure adaptée.

« Ce recours est ouvert à compter du 1er décembre 2008 aux personnes appartenant aux catégories mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 441-2-3 et à compter du 1er janvier 2012 à tous les autres demandeurs.

« Toutefois, si l'État et une commune ou un établissement public de coopération intercommunale concluent une convention de délégation de tout ou partie des réservations de logements de l'État avant le 1er décembre 2008, le recours est ouvert dès la signature de la convention de délégation aux personnes appartenant aux catégories mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 441-2-3 dont la demande a été reconnue comme prioritaire et comme devant être satisfaite d'urgence, s'ils résident depuis plus d'un an sur le territoire de cette commune ou de cet établissement et y ont formé leur demande.

« Le président du tribunal administratif ou le juge qu'il désigne statue en urgence et en dernier ressort sans conclusions du commissaire du Gouvernement.

« Le juge, lorsqu'il constate que la demande a un caractère prioritaire et doit être satisfaite d'urgence et que n'a pas été offert au demandeur un logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités, ordonne le logement ou le relogement de celui-ci par l'État ou, s'ils sont délégataires des réservations de logements de l'État, par la commune ou par l'établissement public de coopération intercommunale, et peut assortir son injonction d'une astreinte. Il peut, dans les mêmes conditions, faire usage de ces pouvoirs à l'encontre de l'État pour ordonner l'accueil dans une structure adaptée.

« Le produit de l'astreinte est versé au fonds institué en application du dernier alinéa de l'article L. 302-7 dans la région où est située la commission de médiation saisie par le demandeur. » 

II. - Sont insérées dans le titre VII du livre VII du code de justice administrative les dispositions suivantes :

« Chapitre VIII

« Le contentieux du droit au logement

« Art. L. 778-1. - Le jugement des litiges relatifs à la garantie du droit au logement prévue par l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation est régi par les dispositions de l'article L. 441-2-3-1 du même code. »

Article 4

Après le douzième alinéa de l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation est inséré l'alinéa suivant :

« Cette convention substitue le délégataire à l'État dans les obligations de logement ou de relogement résultant de l'article L. 441-2-3 et, le cas échéant, précise les modalités selon lesquelles le délégataire s'en acquitte. »


Article 5

Les conventions prévues par l'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation conclues à la date de publication de la présente loi sont mises en conformité avec les dispositions de cet article dans sa rédaction issue de la présente loi au plus tard le 1er décembre 2008 à peine de caducité.

Chapitre II

Dispositions en faveur de la cohésion sociale

Article 6

I. - L'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au quatrième alinéa, les mots : « Les cotisations sont calculées, chaque année, » sont remplacés par les mots : « Les cotisations sont établies sur une base annuelle. Elles sont calculées, » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Par dérogation aux quatrième et sixième alinéas, les travailleurs non salariés, entrant dans le champ de l'exonération prévue à l'article L. 131-6-2, peuvent, pour l'année au cours de laquelle débute leur activité professionnelle et les deux années civiles suivantes, demander que l'ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le trimestre précédent la fraction visée à l'article L. 131-6-2. Ce régime reste applicable au titre de l'année civile au cours de laquelle les limites de chiffre d'affaires ou de recettes prévues par les articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont dépassées. »

II. - Au premier alinéa de l'article L. 131-6-1 du même code, après les mots : « code du travail » sont insérés les mots : « et lorsqu'il n'est pas fait application du dernier alinéa de l'article L. 131-6 ».

III. - Après l'article L. 131-6-1 du même code, il est inséré un article L. 131-6-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 131-6-2. - Les cotisations obligatoires de sécurité sociale applicables aux travailleurs non salariés non agricoles imposés suivant le régime visé aux articles 50-0 ou 102 ter du code général des impôts font l'objet d'une exonération égale à la différence, si elle est positive, entre le total des cotisations et contributions sociales dont ils sont redevables et une fraction de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux.

« Un décret fixe la fraction applicable aux catégories d'activités relevant du même seuil d'imposition en vertu de l'article 50-0 ou de l'article 102 ter du code général des impôts, ainsi que les conditions particulières que doivent remplir les bénéficiaires de l'exonération. Le bénéfice de l'exonération résultant de la fraction fixée par décret ne peut jouer lorsque le chiffre d'affaires de l'entreprise, au titre de chacune des activités concernées, atteint un montant égal aux seuils fixés par les articles 50-0 et l'article 102 ter du code général des impôts.

« Cette disposition n'est pas applicable au titre des périodes au cours desquelles les travailleurs non salariés non agricoles bénéficient des exonérations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 161-1-1, aux articles L. 161-1-2, L. 161-1-3, L. 756-2 et au deuxième alinéa de l'article L. 756-5 du code de la sécurité sociale, ainsi qu'à l'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville et à l'article 146 de la loi de finances pour 2002 n° 2001-1275 du 28 décembre 2001. »

IV. - L'article L. 133-6-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa, les travailleurs indépendants relevant des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 131-6 sont dispensés de la déclaration de revenus auprès du régime social des indépendants. Un décret fixe les obligations déclaratives particulières qui leur sont applicables. »

V. - L'article L. 136-3 du même code est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa, les mots : « La contribution est, à titre provisionnel, assise » sont remplacés par les mots : « La contribution est établie sur une base annuelle. Elle est assise, à titre provisionnel, » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Par dérogation aux troisième et quatrième alinéas, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 131-6 sont applicables lorsque les employeurs ou les travailleurs indépendants ont exercé l'option prévue par cet alinéa. »

VI. - Les dispositions du III s'appliquent pour la première fois pour le calcul des cotisations assises sur les revenus de l'année 2007.

Article 7

Après l'article L. 117-2 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 117-3. - Il est créé une aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine.

« Cette aide est ouverte aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne ou partie à l'Espace économique européen, en situation régulière, vivant seuls :

« - âgés d'au moins soixante-cinq ans ou d'au moins soixante ans en cas d'inaptitude au travail ;

« - qui justifient d'une résidence régulière et ininterrompue en France pendant les quinze années précédant la demande d'aide ;

«  - qui disposent en France, au moment de la demande et pendant leurs séjours ultérieurs, d'un logement dont les caractéristiques répondent aux normes pour l'attribution de l'aide personnelle au logement définie au titre V du livre III du code de la construction et de l'habitation, ou à l'allocation de logement sociale définie au titre III du livre VIII du code de la sécurité sociale ;

« - dont les revenus sont inférieurs à un seuil fixé par décret en Conseil d'État ;

« - et qui effectuent des séjours de longue durée dans leur pays d'origine.

« Son montant est calculé en fonction des ressources du bénéficiaire. Elle est versée annuellement et révisée, le cas échéant, une fois par an, en fonction de l'évolution des prix hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances de l'année.

« L'aide est supprimée lorsqu'il est constaté que l'une des conditions exigées pour son service n'est plus remplie.

« L'aide est cessible et saisissable dans les mêmes conditions et limites que les salaires. Toutefois, elle ne l'est que dans la limite de 90 % au profit des établissements hospitaliers et des caisses de sécurité sociale pour les frais d'hospitalisation.

« Elle est servie par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations.

« Elle est exclusive de toute aide personnelle au logement et de tous minima sociaux.

« Les conditions donnant droit au bénéfice de la prestation concernant la résidence, le logement, les ressources et les séjours dans le pays d'origine, ainsi que les modalités de calcul et de versement de l'aide, sont définies par décret en Conseil d'État. Les autres modalités d'application, concernant notamment le contrôle des conditions requises, sont définies par décret. »

Article 8

A. - L'article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :

I. - Le 1 est ainsi modifié :

1° Au a, les mots : « ou le recours à une association ou à une entreprise agréée par l'État » sont supprimés ;

2° Le b devient un c ;

3° Il est inséré un b ainsi rédigé :

« b) Le recours à une association, une entreprise ou un organisme, ayant reçu un agrément délivré par l'État et qui rend des services mentionnés au a ; ».

II. - Le premier alinéa du 4 est ainsi modifié :

1° Les mots : « aux 4° et 5° de » sont remplacés par le mot : « à » ;

2° Les mots : « pour l'emploi d'un salarié à leur résidence » sont remplacés par les mots : « à leur résidence au titre de l'emploi d'un salarié ou en cas de recours à une association, une entreprise ou un organisme, mentionné au b ou au c du 1° ».

III. - Le b du 5 est remplacé par les dispositions suivantes :

« b) Les personnes mentionnées au 4 qui n'ont pas utilisé pour ces dépenses un chèque emploi-service universel prévu à l'article L. 129‑5 du code du travail ou qui ont supporté ces dépenses à la résidence d'un ascendant. »

B. - Le présent article est applicable à compter de l'imposition des revenus de l'année 2007.

Article 9

I. - Le dernier alinéa de l'article L. 262-9-1 du code de l'action sociale et des familles est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre ne bénéficient pas du revenu minimum d'insertion. »

II. - L'article L. 380-3 du code de la sécurité sociale est complété par un 6° ainsi rédigé :

« Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre. »

III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale est complété par la phrase suivante : « Il ne s'applique pas également aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre. »

Fait à Paris, le 17 janvier 2007

Signé : Dominique de Villepin

Par le Premier ministre :

Le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement,

Signé : Jean-Louis Borloo