PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la communication de la Commission européenne du 26 novembre 2014 intitulée Un plan d'investissement pour l'Europe (COM (2014) 903 final),

Vu les conclusions du Conseil européen du 18 décembre 2014, en particulier les paragraphes 1 et 2,

Vu la proposition de règlement de la Commission européenne du 13 janvier 2015 sur le Fonds européen pour les investissements stratégiques (COM (2015) 10 final),

Vu le projet de budget rectificatif n° 1 au budget général 2015 du 13 janvier 2015 (COM (2015) 11 final),

Vu la communication de la Commission européenne du 13 janvier 2015 intitulée Utiliser au mieux la flexibilité offerte par les règles existantes du Pacte de stabilité et de croissance (COM (2015) 12 final),

Dès lors que l'investissement constitue l'une des priorités majeures de l'Union européenne, affirme son soutien de principe au plan d'investissement pour l'Europe, dont les grandes lignes ont été présentées par la Commission européenne le 26 novembre 2014, qui devrait permettre de mobiliser 315 milliards d'euros sur les années 2015 à 2017 ;

Estime néanmoins que des incertitudes subsistent sur plusieurs aspects de ce plan ;

Sur les modalités de financement du plan d'investissement

Demande que le plan d'investissement mobilise des ressources additionnelles de manière à ce que les modalités de son financement ne compromettent pas la mise en oeuvre des programmes européens déjà approuvés ;

Déplore l'insuffisance des crédits publics consacrés au financement du plan d'investissement, qui résulte directement de la modestie du budget de l'Union européenne ;

Se montre réservé sur la crédibilité du ratio de 1 à 15 retenu pour calculer l'effet de levier susceptible de mobiliser 315 milliards d'euros auprès d'investisseurs privés à partir de 21 milliards d'euros de crédits publics ;

Regrette que le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) dont l'institution est proposée exclue a priori tout recours aux subventions pour financer les projets des petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire (PME-ETI) et du secteur public, certains d'entre eux, notamment les projets d'infrastructures dont le retour sur investissement n'est pas immédiat, pouvant requérir ce type de financement ; regrette que le secteur public n'ait pas accès aux garanties du FEIS et s'inquiète dès lors de ce que les modalités de financement du FEIS risquent de restreindre le nombre de projets éligibles et empêchent ainsi le plan d'investissement d'atteindre ses objectifs ;

Considère que le FEIS doit prendre en compte de manière significative le financement de projets bénéficiant aux PME-ETI et souhaite dès lors connaître la façon dont il s'articulera avec les dispositifs existants, en particulier avec le fonds européen d'investissement de la Banque européenne d'investissement, afin d'éviter tout effet d'aubaine ;

Constatant que des interrogations demeurent sur l'impact des modalités de financement proposées sur l'utilisation des fonds structurels déjà alloués à la politique de cohésion, en particulier sur l'articulation entre le FEIS et les fonds structurels et d'investissement européens, demande que des engagements fermes soient pris sur la préservation de ces crédits dans un contexte marqué par la réduction drastique des dotations financières nationales aux collectivités territoriales ;

Est favorable à ce que les contributions nationales éventuelles au FEIS ne soient pas prises en compte dans le calcul du déficit public et de la dette publique au titre de l'application du Pacte de stabilité et de croissance et souhaite que l'engagement de la Commission européenne en ce sens soit fermement confirmé ;

Demande que les relations entre la Banque européenne d'investissement et les banques nationales de développement en vue de la mise en oeuvre du plan d'investissement soient précisées et considère que celle-ci sera favorisée par la constitution d'un réseau européen des banques nationales de développement ;

Sur les secteurs et projets financés par le plan d'investissement

Faisant observer que la task force constituée sous la direction de la Commission européenne et de la Banque européenne d'investissement a identifié environ 2 000 projets représentant 1 300 milliards d'euros au titre de la réserve de projets d'investissement, considère que le FEIS doit financer en priorité des projets présentant un profil de risque élevé et qui n'auraient pas vu le jour sans ce plan d'investissement ;

Est d'avis que ces projets, dont le financement doit être précédé d'une évaluation préalable approfondie, doivent répondre à trois critères cumulatifs pour être mis en oeuvre : une dimension européenne véritable, une perspective raisonnable de bonne viabilité économique et un impact à court terme sur l'activité économique ;

Dès lors que le plan d'investissement prévoit de financer des projets dans des secteurs pour lesquels le retour sur investissement est plus aléatoire et plus long et donc a priori moins attractifs pour des investisseurs privés, par exemple l'éducation et la formation, la santé, la recherche et le développement ou encore le domaine social, demande que soient précisés les critères de sélection de projets dans ces secteurs, susceptibles de les rendre éligibles au FEIS ;

Défend avec intérêt la possibilité pour les collectivités territoriales de bénéficier du plan d'investissement et considère que l'éligibilité au FEIS de projets qu'elles soutiennent apporterait une contribution significative à la réalisation des objectifs du plan d'investissement ;

Souhaite que soient établis des critères de sélection des projets aboutissant à une couverture équilibrée du territoire européen, la cohésion économique, sociale et territoriale restant l'un des objectifs majeurs de l'Union européenne ;

Est favorable à ce que le plan d'investissement puisse financer des projets identifiés et mis en oeuvre sur une base bilatérale ;

Sur la gouvernance du Fonds européen pour les investissements stratégiques

Pour que le plan d'investissement atteigne ses objectifs et respecte des critères prédéfinis de sélection des projets, estime que l'éligibilité de ces derniers au FEIS doit être préservée de toute interférence de nature à favoriser un « saupoudrage » des crédits et la tentation d'une répartition nationale ou par secteur ; partage donc la proposition d'une sélection des projets réalisée par le comité d'investissement comprenant des experts indépendants dont certains devront aussi disposer d'une solide expérience des collectivités territoriales et des politiques sociales ;

Pour autant, considère que la mise en oeuvre du plan d'investissement et le fonctionnement du FEIS ne sauraient être soustraits à toute responsabilité de nature démocratique et demande donc que soit précisée l'obligation de rendre compte au niveau du comité de pilotage de manière à la rendre effective ; dans le même objectif, réclame également qu'un bilan régulier en termes coûts/bénéfices du plan d'investissement et du fonctionnement du FEIS soit effectué et que le Parlement européen et les parlements nationaux puissent exercer un contrôle véritable à leur endroit ;

Souhaite que soient apportées des précisions sur la possibilité pour des investisseurs non ressortissants d'États membres de l'Union européenne de contribuer au FEIS et donc sur les conditions de leur participation au comité de pilotage ;

Demande des informations complémentaires sur le fonctionnement de la plateforme européenne de conseil en investissement chargée d'apporter une assistance technique aux autorités compétentes des États membres et aux investisseurs publics et privés, en particulier sur son articulation avec les guichets uniques existants et sur son rôle envers les collectivités territoriales et dans l'accompagnement des PME-ETI ;

Sur le volet réglementaire du plan d'investissement

Insiste sur la nécessité de parvenir à un environnement plus favorable aux investissements grâce à un allégement et à une harmonisation des réglementations européennes et nationales et souhaite à ce titre que le volet réglementaire du plan d'investissement soit mieux documenté, en particulier pour ce qui concerne la contribution de l'union de l'énergie et du marché unique du numérique à la levée des obstacles réglementaires à l'investissement dans l'Union européenne dans le respect des normes sociales et environnementales ;

Se montrera très vigilant sur la mise en oeuvre du plan d'investissement et plus particulièrement sur le rôle des collectivités territoriales ;

Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours.