Mardi 2 mai 2006

- Présidence conjointe de M. Jean Arthuis, président, et de M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.

Entreprises - Automobile - Audition de M. Carlos Ghosn, président-directeur général de Renault

Conjointement avec la commission des affaires économiques, la commission a procédé à l'audition de M. Carlos Ghosn, président-directeur général de Renault.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, a tout d'abord rappelé que l'audition qui allait se dérouler intéressait également le groupe d'études sur l'automobile, ainsi que le groupe de travail sur les biocarburants constitué au sein de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est félicité d'une telle audition et a déclaré en attendre une meilleure compréhension de la globalisation de l'économie mondiale.

Il a fait état des propos élogieux à l'égard de l'alliance entre Renault et Nissan, qu'il avait entendus récemment, lors d'une mission, au Japon, d'une délégation de la commission des finances.

Dans un exposé liminaire, M. Carlos Ghosn, président-directeur général de Renault, a alors dressé un bilan de l'évolution de la situation de son groupe, au vu des derniers résultats connus de celui-ci et des perspectives qui s'offraient à lui.

Il a rappelé qu'en 2005 :

- les ventes mondiales de Renault avaient dépassé 2.500.000 unités, progressant de 1,7 % ;

- son chiffre d'affaires avait augmenté de 1,9 % et son résultat net, grâce, surtout, à ses entreprises associées et notamment Nissan, de 18,7 %.

Mais il a souligné aussi que la marge opérationnelle (3,2 % du chiffre d'affaires) s'était dégradée, reculant de 38 %.

Il a alors estimé que ces résultats étaient, dans l'ensemble, plutôt médiocres, et témoignaient de la fragilité actuelle de l'entreprise.

Il a fait valoir ensuite que le groupe disposait cependant d'atouts très appréciables avec, notamment, le succès de l'alliance conclue avec Nissan, une recherche dynamique (au premier rang en France pour le dépôt des brevets), un bilan financier sain, sans endettement excessif, une réactivité, un niveau technique et des capacités de mobilisation remarquables dont témoignaient tant les succès obtenus en Formule 1 que de nombreuses implantations projetées ou en cours à l'étranger (Afrique du Sud, Inde, Iran, etc.).

M. Carlos Ghosn a également évoqué la confiance des marchés financiers envers le groupe, rappelant qu'avec Nissan, il figurait au cinquième rang des constructeurs automobiles pour le nombre de véhicules vendus.

Mais il a reconnu les faiblesses de son entreprise qui, a-t-il remarqué, constituaient autant d'« opportunités de progrès » et résidaient, notamment dans une déclinaison de modèles incomplète (absence de véhicules de sport et loisirs ou de haut de gamme...), des coûts d'investissement insuffisamment maîtrisés et compétitifs, une image de marque et une fiabilité à améliorer et, enfin, des résultats trop dépendants des performances réalisées en France et en Europe.

M. Carlos Ghosn a alors fait mention des objectifs du contrat 2009 du groupe, dont l'ambition est de positionner durablement Renault comme le constructeur automobile généraliste européen le plus rentable, par, notamment, une progression :

- de la qualité des produits et services (qui conduira à placer la future Laguna parmi les trois meilleures de son segment en qualité de produit et de service) ;

- du nombre de véhicules vendus (+ 800.000 entre 2005 et 2009) ;

- de la profitabilité (avec une marge opérationnelle de 6 % à atteindre en 2009).

Il a également cité l'ambition de son entreprise de parvenir à compléter sa gamme de produits, à réduire ses coûts et à continuer à perfectionner ses différents modèles, notamment en termes de sécurité, pour laquelle Renault figure déjà au premier rang européen et aussi, grâce aux technologies alternatives, du point de vue écologique.

Il a, enfin, rappelé que ce plan avait été bien accueilli par l'ensemble des salariés du groupe et devait permettre à Renault de s'adapter à un marché mondial particulièrement difficile et concurrentiel.

Il a conclu en avançant que si 2006 ne devait pas être, pour le groupe, une très bonne année, les perspectives pour la période allant de 2007 à 2009 s'annonçaient meilleures.

Une première série de questions a alors été posée à M. Carlos Ghosn par :

M. Eric Doligé, rapporteur spécial de la mission « Développement et régulation économiques » au nom de la commission des finances, au sujet de l'avenir des biocarburants et des difficultés des sous-traitants de l'industrie automobile, confrontés à la hausse du coût des matières premières ;

- M. Gérard Cornu, président du groupe d'études sur l'automobile, à propos, d'une part, de la conquête de marchés extérieurs, en particulier de l'énorme marché chinois, à partir de celui de la France et, d'autre part, des technologies alternatives à celles reposant sur l'utilisation du pétrole ;

M. Marcel Deneux, président du groupe de travail de la commission des affaires économiques sur les biocarburants, concernant la plausibilité d'une divergence persistante entre l'évolution des cours de l'action Renault, en hausse, et celle de la marge opérationnelle, en baisse, de l'entreprise, ainsi que les solutions permettant de limiter les émissions de gaz à effet de serre (biocarburants, pile à combustible) ;

M. Charles Revet, qui s'est inquiété de la situation en Seine-Maritime des usines Renault (Sandouville, Cléon...) et de leurs fournisseurs, et s'est interrogé, d'une part, sur la poursuite de la participation de Renault aux compétitions de Formule 1 et, d'autre part, sur l'avenir de la filière éthanol en France, par comparaison avec le Brésil ;

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, qui, après avoir évoqué le problème global des délocalisations d'activités économiques depuis la France, a souligné la difficulté, pour l'entreprise et ses sous-traitants, d'atteindre les importants objectifs de réduction des coûts fixés au groupe par sa présidence. Le président Jean Arthuis s'est également enquis des perspectives d'avenir de la voiture électrique.

M. Carlos Ghosn a fait valoir, en réponse à ces différentes questions, que :

- les relations entre les constructeurs et leurs fournisseurs étaient essentielles et leurs rentabilités respectives liées, comme l'avaient montré les exemples japonais et américains. Il n'existait pas de constructeur qui réussisse au détriment de ses fournisseurs. Il ne fallait donc pas désespérer les sous-traitants mais les motiver afin qu'ils parviennent à une réduction de leurs coûts et à une augmentation de leur profitabilité. Cette baisse des prix était identique à celle imposée par la concurrence. Elle était donc indispensable et possible ;

- Renault, qui avait privilégié l'Inde, devait choisir le bon moment pour s'implanter en Chine où Nissan jouait, pour le moment, un rôle pionnier, s'agissant d'un investissement important en ressources humaines et long à rentabiliser et d'un marché ouvert, ce qui, a priori, devait empêcher l'émergence d'un champion national chinois (à la différence de ce qui s'était produit au Japon ou en Corée du Sud, qui avaient, en leur temps, protégé leur marché intérieur) ;

- la baisse de la marge opérationnelle des constructeurs automobiles s'expliquait par les hausses, qui ne pouvaient pas être répercutées sur les clients, non seulement des coûts des matières premières mais aussi de ceux dus à des normes de sécurité et de lutte contre la pollution de plus en plus exigeantes ;

- le maintien de la participation de Renault aux compétitions de Formule 1, dont la retransmission télévisée constituait, pour un constructeur, la plus grande vitrine du monde, dépendrait de la qualité des performances en la matière ;

- l'expérience du marché, et notamment du véhicule hybride, montrait que le public ne voulait pas d'une voiture propre qui soit, en même temps, chère. Tandis que l'usage des biocarburants, auquel il croyait beaucoup, ne supposait qu'une modification mineure des moteurs existants, la pile à combustible et les véhicules électriques correspondaient à une rupture à la fois technologique et en termes de performances. Les délais et le coût des recherches nécessaires pour rendre l'automobile économiquement et commercialement acceptable, supposaient des collaborations entre plusieurs constructeurs.

Une deuxième série de questions a alors été posée au président-directeur général de Renault, M. Carlos Ghosn, par :

M. Aymeri de Montesquiou, qui a souhaité obtenir des précisions sur les brevets déposés par le groupe, l'échéance de la rentabilité de la pile à combustible, et l'évolution de la part de l'Etat dans le capital de Renault ;

M. Pierre Hérisson, sur la situation de la SNR (société nationale de roulements), filiale de Renault implantée à Annecy ;

M. Michel Teston, au sujet, évoqué ensuite par M. André Ferrand, de l'importance de la poursuite des activités de Renault Trucks, filiale de Volvo, notamment dans la région Rhône-Alpes ;

Mme Nicole Bricq, concernant la politique d'investissement et de recherche du groupe et les moyens de sécuriser la composition du capital de celui-ci ;

M. Louis Souvet, sur la façon dont Renault se donnait « les moyens de sa politique », notamment pour financer les nouveaux modèles et les activités de Formule 1 ;

M. Marc Massion, à propos de l'absence de projets d'investissements nouveaux de l'entreprise en France et de l'avenir du site de Sandouville ;

M. Philippe Adnot concernant les investissements de Renault en Roumanie (modèle Logan) et l'expérimentation menée en matière de sécurité routière (assistance à la conduite, limitations de vitesse en traversée d'agglomérations) ;

- M. Daniel Reiner, s'agissant des obstacles actuels à l'implantation du groupe en Iran ;

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, sur les moyens d'assurer en France la croissance et l'emploi et sur la récente modification de la taxe sur les véhicules de société (TVS), à savoir sa modulation en fonction des émissions de gaz carbonique.

En réponse, M. Carlos Ghosn a indiqué que :

- le capital du groupe devait rester ouvert. La sortie de l'Etat, qui détient 15 %, de celui-ci ne mettrait pas aujourd'hui l'entreprise en péril, même si le rôle des pouvoirs publics dans son développement avait été bénéfique dans le passé. Ses performances et la qualité de son management constituaient pour le groupe la meilleure façon de préserver son indépendance et de se prémunir contre d'éventuelles tentatives extérieures de prises de contrôle ;

- les véhicules à pile à combustible ne seraient pas rentables avant 2015, le développement du recours à l'hydrogène, déjà plus ou moins techniquement maîtrisé, ne pourrait être possible qui si son coût baissait de 90 % et si la question de l'alimentation en hydrogène était réglée ;

- la société SNR, pour rester compétitive, envisageait un partenariat avec l'entreprise japonaise NTN (New Technology Network), fournisseur de Nissan, préservant sa contribution à l'activité économique de la Haute-Savoie. Il s'agissait donc d'un mariage entre fournisseurs de l'Alliance ;

- l'avenir de l'activité poids lourd du groupe dépendait du partenariat avec Volvo, dont Renault, comme actionnaire, respectait la culture et le management, conformément à la pratique qui avait contribué au succès de l'alliance avec Nissan ;

- Renault se donnerait les moyens de sa politique par une réduction du coût de ses investissements, aujourd'hui deux fois plus élevé que celui de Honda, et par une augmentation de ceux liés à l'enrichissement de la gamme ;

- le fait que Renault réalise 50 % de son bénéfice en France était un facteur de vulnérabilité, ce qui impliquait d'augmenter la profitabilité du groupe à l'étranger. Il ne s'agissait donc pas de substituer aux sites français des sites étrangers, mais d'éviter de dépendre d'un seul pays.

M. Carlos Ghosn a donc estimé que l'entreprise avait intérêt à préserver sa profitabilité sur le marché français, en évitant des erreurs telles que celles ayant accompagné la conception et le lancement du modèle Modus, tout en améliorant ses résultats à l'étranger.

Il a indiqué que le projet d'implantation du groupe en Iran suivait son cours aussi bien que possible compte tenu de la situation actuelle de ce pays et que le succès, inattendu et ne résultant pas d'une stratégie délibérée, de la Logan en Europe de l'Ouest constituait une opportunité à exploiter.

En réponse à la question de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, sur la TVS, il a regretté que les constructeurs français n'aient pas été consultés ou même informés, et a observé que les constructeurs nationaux étaient davantage respectés et écoutés par les pouvoirs publics au Japon où ils détiennent plus de 90 % des parts de marché, qu'en France.

Répondant enfin à une dernière question de M. Gérard Longuet, il a indiqué que c'était en Inde ou en Chine qu'il conseillerait à un jeune d'aller apprendre son métier, dans le contexte d'un marché de plus en plus globalisé. Il a, par ailleurs, estimé que le système français de distribution de véhicules automobiles, composé en majorité d'entreprises familiales très attentives aux souhaits de la clientèle, méritait d'être préservé même s'il fallait améliorer encore et homogénéiser la qualité de ses services.

Mercredi 3 mai 2006

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Comptabilité publique - Modernisation du paiement des amendes - Audition de M. Dominique Lamiot, directeur général de la comptabilité publique, de MM. Bertrand Brassens et André Barilari, inspecteurs généraux des finances, de M. Yves Delbos, inspecteur général des services judiciaires, et de M. Jean-Yves Le Gallou, inspecteur général de l'administration

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Dominique Lamiot, directeur général de la comptabilité publique, de MM. Bertrand Brassens et André Barilari, inspecteurs généraux des finances, de M. Yves Delbos, inspecteur général des services judiciaires, et de M. Jean-Yves Le Gallou, inspecteur général de l'administration, sur la modernisation du paiement des amendes.

Au préalable, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'audition s'inscrivait dans un cycle consacré à la modernisation et à la réforme de l'Etat, dont la matière était constituée par le suivi des audits de modernisation initiés par M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat. Dans ce cadre, il était heureux d'accueillir le nouveau directeur général de la comptabilité publique, M. Dominique Lamiot, ayant indiqué que le recouvrement des amendes en phase contentieuse se caractérisait, aujourd'hui, par un faible taux de paiement spontané, un taux de contestations élevé, une procédure manuelle mal sécurisée et une efficience administrative réduite avec des recettes équilibrant à peine le coût global de gestion.

M. Dominique Lamiot, directeur général de la comptabilité publique, a d'abord rappelé le rôle du Trésor public dans le recouvrement des amendes forfaitaires majorées, c'est-à-dire non recouvrées en phase amiable. L'audit se cantonnait au paiement des infractions routières, qui représentaient 90 % des 11 millions de titres d'amendes émis annuellement. Le taux de recouvrement des amendes majorées constaté s'élevait à 34 % et l'objectif était d'améliorer ce taux de 2 % par an pour atteindre 42 % en 2008, année qui constituait l'horizon du projet annuel de performance et d'un contrat pluriannuel de performance signé avec le directeur du budget et le secrétaire général du ministère pour la période courant de 2006 à 2008.

Afin de réaliser cet objectif, il a indiqué que deux types d'actions avaient été engagés. Certaines tendaient à améliorer le recouvrement, qu'il s'agisse d'un meilleur pilotage des services, de la mise en place de poursuites mieux graduées ou d'une dématérialisation des échanges avec les huissiers de justice, les juridictions et les banques. Les autres actions avaient pour objet de développer l'offre de service, qu'il s'agisse de la généralisation du télépaiement, de l'amélioration de l'accueil téléphonique ou des encouragements au paiement volontaire dans les trente jours.

M. Dominique Lamiot a précisé que toutes ces actions étaient en cours de réalisation. Ainsi, les timbres fiscaux dématérialisés étaient en cours d'expérimentation dans 18 bureaux de tabac où les contrevenants avaient désormais la possibilité de payer directement leur contravention, le buraliste procédant alors à un télépaiement via Internet et à l'émission d'un justificatif du paiement.

Puis M. André Barilari a souligné que l'audit avait mis en évidence des « pertes en ligne » importantes dans un dispositif qui comportait notamment des possibilités d'« indulgences », et dont l'économie générale était injuste, car il entraînait des inconvénients non négligeables pour les personnes de bonne foi et ménageait de trop bonnes perspectives aux personnes de mauvaise foi. Dans sa globalité, le dispositif de gestion des amendes coûtait aussi cher que leur produit. Cependant, il a observé que cette analyse recouvrait des situations fortement différenciées : la gestion des radars automatiques, dont les amendes donnaient lieu à 70 % de paiements spontanés, présentait un rendement satisfaisant, tandis qu'il n'en allait pas de même de la chaîne de verbalisation ordinaire. La principale amélioration consistait donc à transposer le système de paiement des amendes se rapportant aux contraventions constatées par les radars automatiques aux autres amendes, en l'améliorant et en l'adaptant dans le sens d'une plus grande justice et d'une gestion plus transparente des « indulgences ». La verbalisation manuelle serait alors assistée par ordinateur. A l'instar des « amendes radars », elle donnerait lieu à l'envoi d'un courrier aux contrevenants et offrirait une palette de paiements comprenant notamment le timbre dématérialisé ou le télépaiement direct. Pour les cas où le recouvrement forcé s'avérerait indispensable, les actions précitées tendant à l'amélioration de la performance du Trésor public participeraient ensuite à une meilleure efficience globale de la gestion du paiement des amendes.

Concernant la mise en oeuvre de l'ensemble des préconisations de la mission, M. André Barilari a souligné la nécessité de mettre en place un « chef de file » compte tenu de l'éclatement des intervenants avec, d'une part, la gendarmerie et la police municipale ou nationale pour ce qui était des services verbalisateurs et, d'autre part, les différents ministères concernés : équipement, finances et justice. Ainsi, une délégation interministérielle, placée auprès du ministère de l'intérieur, était appelée à engager la réforme tout en veillant à un « retour sur investissement » suffisant.

M. Jean Arthuis, président, s'est alors interrogé sur la « gestion des indulgences ». En réponse, M. Yves Delbos en a souligné l'opacité, leur octroi s'effectuant hors du cadre législatif. L'« évaporation » s'opérait, notamment, au niveau des officiers du ministère public avec, par exemple, le cas des médecins verbalisés pour stationnement gênant, mais arguant d'un motif légitime. Il n'existait pas d'indications objectives sur la nature et l'ampleur de ces indulgences, et si des instructions de fermeté avaient été données à la fin de l'année 2002, leur application apparaissait aujourd'hui très différenciée.

M. Yves Delbos a ensuite précisé à M. Jean Arthuis, président, que si l'ampleur du phénomène était confirmée à Paris, il n'existait pas de « cartographie des indulgences ». M. Bertrand Brassens a ajouté qu'une régulation des « indulgences » au niveau local, où elles étaient uniformément pratiquées quoique à des degrés divers, s'avérait indispensable. Au « non-dit » existant pourrait succéder soit une fermeté absolue, soit une gestion des « indulgences » transparente, encadrée et donnant lieu, en particulier, à la présentation d'un rapport au conseil municipal.

M. Yves Delbos a alors souligné qu'il s'agissait d'une question de politique pénale : les maires, en tant qu'officiers de police judiciaire, étaient, en effet, sous l'autorité du procureur de la République. De même que le Garde des sceaux, le 7 avril 2006, a uniformisé les critères de poursuite concernant les contrôles de vitesse automatiques au moyen d'une circulaire, il pourrait élaborer un texte à destination des maires en vue d'unifier la gestion des « indulgences ».

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur la destination du produit des amendes et sur son rapprochement avec le coût de leur gestion. En réponse, M. André Barilari a indiqué que le coût administratif des amendes s'établissait à 330 millions d'euros en 2004, montant à rapprocher des recettes hors amendes forfaitaires majorées, établies à 377 millions d'euros, montant intégralement dévolu aux collectivités territoriales. Pour ce qui était des amendes forfaitaires majorées, dont le produit revenait à l'Etat, le coût de leur recouvrement s'établissait à 30 millions d'euros.

Puis M. Jean-Yves Le Gallou est revenu sur la nécessité de mettre fin aux saisies multiples, indiquant que le coût du traitement des contraventions dans les bureaux de police municipale ou nationale ressortait à 8 euros par infraction. A titre d'illustration, si les radars automatiques récemment mis en place ne l'avaient pas été, il aurait fallu employer 6.500 policiers supplémentaires. Ainsi, il convenait d'équiper les agents d'un « terminal nomade », qui permettrait un traitement des contraventions analogue à celui mis en place pour les radars automatiques.

M. Jean-Yves Le Gallou a ensuite précisé, sur la demande de M. Jean Arthuis, président, que cela nécessiterait ainsi l'acquisition de 20.000 à 40.000 terminaux mobiles dont le coût unitaire pouvait être évalué à 1.000 euros, soit une dépense susceptible d'atteindre 40 millions d'euros.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Bernard Angels en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques » a notamment déploré l'éclatement des compétences et l'indétermination du « taux d'indulgences ». Puis il s'est interrogé sur la faiblesse et le champ exact du taux de recouvrement, rappelant qu'il était actuellement établi à 34 %. En réponse, M. Dominique Lamiot a précisé qu'il convenait de distinguer la « chaîne radar » de la « chaîne traditionnelle ». Pour cette dernière, le taux de paiement spontané était estimé à 50 % et le taux de recouvrement des amendes majorées, qui faisaient suite aux amendes non payées spontanément, s'élevait à 34 %, ce qui conduisait à un taux de recouvrement global de l'ordre de 70 %. Concernant la « chaîne radar », les paiements spontanés étaient déjà de l'ordre de 70 %, taux qui, combiné aux 34 % de recouvrement des amendes majorées, conduisait à un taux de recouvrement global de l'ordre de 80 %. Quoi qu'il en soit, ces taux globaux étaient largement inférieurs à ceux constatés pour les différentes impositions, qui s'établissaient entre 98 % et 99 %, laissant augurer de réelles marges de progression. M. Jean Arthuis, président, s'est alors étonné de l'existence de dysfonctionnements dans les procédures coercitives appliquées en cas de non-recouvrement des amendes majorées, s'agissant, en particulier, de la non-délivrance de la carte grise.

M. Bertrand Brassens a précisé qu'outre les « indulgences », les immatriculations étrangères, d'une part, et l'impossibilité de retrouver l'adresse des contrevenants, d'autre part, constituaient des motifs importants de « pertes en ligne ». Puis il a indiqué que si l'on étendait aux stationnements les procédures mises en place pour les radars automatiques, il importerait de veiller à la protection des libertés, car la qualité des preuves réunies pour les infractions constatées par radar était actuellement meilleure que celle concernant le stationnement.

M. Dominique Lamiot a alors inventorié les actions d'ores et déjà mises en oeuvre pour faciliter les relations avec les contrevenants : les possibilités de télépaiement étaient généralisées, les oppositions administratives se cantonnaient désormais au strict montant de l'amende, et les comptables ne s'autorisaient pas à pratiquer d'opposition sur plus d'un compte au nom du contrevenant.

M. Yves Fréville est revenu sur les modalités de redistribution du produit des amendes aux collectivités territoriales, estimant injuste qu'elle se fasse au prorata des émissions d'amendes et non au prorata de leur recouvrement. En outre, il s'est interrogé sur l'existence de statistiques concernant ces taux de recouvrement locaux et, par ailleurs, de l'incidence de la proximité des échéances électorales sur le taux de recouvrement global.

Pour sa part, M. Auguste Cazalet s'est inquiété d'une éventuelle possibilité d'« indulgences » pour les contraventions constatées par radar automatique, de l'impunité manifeste des conducteurs de voitures immatriculées à l'étranger et d'un probable trafic de fausses plaques d'immatriculation qui aboutirait à des verbalisations erronées.

Puis M. Adrien Gouteyron s'est déclaré préoccupé par une éventuelle augmentation du contentieux des infractions routières. Il s'est étonné, par ailleurs, de ce que le refus de transfert de carte grise résultant du non-recouvrement des amendes majorées, mesure particulièrement attentatoire aux libertés, ne nécessitât pas d'intervention de l'autorité judiciaire.

M. Philippe Adnot s'est demandé à quelle échéance les recettes résultant de la mise en place des radars automatiques, provisoirement affectées à l'amortissement du matériel, reviendraient aux collectivités territoriales.

Enfin, M. Yann Gaillard s'est inquiété de la situation des conducteurs verbalisés à tort, évoquant les difficultés rencontrées pour obtenir la restitution de points qui étaient ôtés à la suite d'une infraction qui n'avait jamais pu être commise.

Pour sa part, M. Jean Arthuis, président, a renouvelé son souhait de connaître la proportion des contraventions donnant lieu à « indulgences ».

M. Dominique Lamiot a préalablement indiqué que seul le taux de recouvrement par département en phase contentieuse était disponible et qu'en conséquence, la mise en place d'un « infocentre » global serait intéressante, prenant ainsi acte de la première des observations de M. Yves Fréville. En réponse aux autres intervenants, il a mentionné l'existence d'une convention avec le Luxembourg qui aboutirait à mettre un terme à l'impunité des contrevenants luxembourgeois en France. Concernant les radars automatiques, il a précisé que la photo pouvait toujours être réclamée, seules les photos qui établissaient incontestablement l'infraction donnant normalement lieu à exploitation.

En complément de réponse, M. Jean-Yves Le Gallou a précisé que le retrait de points constituait un acte administratif lié à une décision de justice, mais dont la contestation devait être portée devant un tribunal administratif. De fait, certains contrevenants ne réagissaient qu'au stade de la connaissance du retrait de points, ce qui renforçait l'intérêt d'une gestion plus rapide.

Apportant d'autres éléments de réponse, M. Yves Delbos a souligné que la chaîne de traitement des infractions constatées par les radars automatiques ne laissait aucune place à la pratique des « indulgences », puis il a indiqué que la circulaire du 7 avril 2006, précédemment évoquée, répertoriait, pour mieux les traiter, la liste des « échappatoires » aux contrôles automatisés. Concernant le problème spécifique des plaques étrangères, de nouvelles conventions internationales devaient être négociées. Revenant sur le problème de la quantification des « indulgences », tout en soulignant son impossibilité théorique, il a émis l'hypothèse d'une fourchette d'« évaporation » comprise entre 10 % et 15 % des verbalisations. Concernant l'incidence des échéances électorales, il s'est cantonné à observer qu'elles aboutissaient à une « indulgence légale ». Enfin, concernant l'ampleur des recours, M. Yves Delbos n'a pas véritablement décelé d'évolutions quantitatives, mais plutôt une médiatisation croissante.

M. Jean Arthuis, président, a remercié l'ensemble des intervenants pour les précisions ainsi apportées, qui démontraient amplement l'utilité d'une telle audition.

Immigration - Rétention administrative - Audition de M. Christian Munch, directeur de l'évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières au ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, de M. Eric Le Douaron, directeur central de la police aux frontières, et de M. Bernard Jullien, chargé de mission à l'inspection générale de l'administration

La commission a procédé ensuite à l'audition de M. Christian Munch, directeur de l'évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières au ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, de M. Eric Le Douaron, directeur central de la police aux frontières, et de M. Bernard Jullien, chargé de mission à l'inspection générale de l'administration (IGA), sur la garde des centres de rétention administrative.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que cette audition s'inscrivait dans le cadre du cycle consacré par la commission à la modernisation et à la réforme de l'Etat et portait sur l'audit relatif aux centres de rétention administrative. Il a précisé que la commission avait souhaité s'intéresser aux résultats de ces auditions, en confrontant l'équipe d'audit, ceux qui préconisent la réforme, et ceux qui sont chargés de la mettre en place afin de pouvoir en tirer d'utiles enseignements. Il a indiqué que le bilan de l'audit, conduit par l'équipe représentée à cette occasion par M. Bernard Jullien, s'ordonnait autour des conclusions suivantes :

- le constat de l'improvisation et de l'urgence, sans règle directrice ni méthode dans la mise en place des centres de rétention administrative ;

- un système d'une extrême complexité caractérisé par un double ordre de juridictions, l'absence de « modèle » de centre de rétention administrative opérationnel et la diversité du parc immobilier ainsi que du niveau de « prestation » offert ;

- une dispersion et une hétérogénéité des personnels nombreux en charge des structures et de leur garde ;

- et un enchevêtrement de compétences ainsi qu'une imbrication des canaux de financement masquant le coût réel de l'éloignement des étrangers et rendant difficile son optimisation.

M. Bernard Jullien, chargé de mission à l'Inspection générale de l'administration (IGA), a souligné que le rapport présenté avait été établi dans le cadre de la première phase des audits de modernisation, du 15 novembre au 15 décembre 2005. Il a observé qu'il constituait, de par la composition du groupe d'audit, la première coopération, en la matière, entre le ministère de la justice et le ministère de l'intérieur.

Il a indiqué que ce rapport proposait d'approfondir les politiques déjà en vigueur en vue d'une rationalisation à court et moyen termes, d'une part, et visait à imaginer des pistes de réflexion à explorer pour le long terme, d'autre part.

S'agissant de la rationalisation à court et moyen termes, M. Bernard Jullien a précisé que les recommandations de la mission d'audit s'articulaient autour des fonctions de surveillance et d'escorte.

Il a rappelé que les centres de rétention administrative étaient placés sous la responsabilité des services de police et de gendarmerie qui en assuraient la gestion, la garde, le greffe, et avaient également la responsabilité des escortes des étrangers retenus.

Il a observé que cette mission mobilisait plus de 1.140 fonctionnaires pour une vingtaine de centres de rétention administrative. Plus spécifiquement, il s'est enquis d'un éventuel recours à des hôtels pour accueillir de tels centres.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité connaître la répartition géographique de ces centres et les dispositions matérielles les caractérisant. Plus spécifiquement, il s'est enquis d'un éventuel recours à des hôtels pour accueillir de tels centres.

M. Bernard Jullien a indiqué que la localisation de ces centres était souvent marquée par l'héritage du passé : d'anciens hôtels de police ou d'anciennes écoles de police ayant été réutilisés à cette fin. Il a ajouté que de nouveaux centres de rétention administrative étaient désormais construits à proximité des aéroports. Il a précisé que les centres de rétention administrative comportaient des espaces communs, des bureaux administratifs tels que les greffes, des locaux prévus pour l'accueil des familles et des avocats.

Il a souligné que les centres ne maîtrisaient pas l'organisation des escortes, et que, pour remédier à cette difficulté, le rapport d'audit recommandait une délégation des compétences aujourd'hui détenue par les préfectures.

M. Bernard Jullien a observé que les propositions formulées par le rapport d'audit, pour le long terme, allaient à l'encontre des principes communément admis et préconisaient un transfert de compétences au profit de la préfecture du lieu d'arrestation, une évolution du schéma immobilier en faveur de centres plus grands et plus proches des aéroports, et le recours à des personnels non policiers.

Il a expliqué que la politique de rétention s'était développée de manière empirique et était donc le résultat d'un héritage parfois lourd. Il a remarqué, dans cette perspective, que le centre de rétention administrative de Lyon provenait du réemploi d'un hôtel de police. Il a indiqué que les étrangers retenus pouvaient, en outre, être placés dans des lieux de rétention provisoire.

M. Eric Le Douaron a précisé qu'en 2005, 29.257 personnes avaient fait l'objet d'une rétention administrative. Il a également précisé qu'environ 50 lieux de rétention administrative provisoire étaient appelés à disparaître et qu'il n'était désormais plus question, même si à Roissy les infrastructures hôtelières avaient été mises à contribution par le passé, de recourir à ce type d'hébergement.

M. Eric Le Douaron a observé un point d'inflexion de la politique de détention des étrangers en situation irrégulière résultant de la réforme prévue par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 autorisant, notamment, une durée de rétention pouvant aller jusqu'à 32 jours. Il a ainsi rappelé que si, en 2003 on dénombrait 28.155 « retenues placées » pour un taux d'occupation de 64  % des places disponibles et une durée moyenne de rétention de 6 jours, en 2004, on décomptait 30.043 placements pour un taux d'occupation de 73 % et une durée moyenne de rétention de 8,5 jours. Il a ajouté qu'au cours du premier trimestre 2006, on comptabilisait déjà 10.563 placements pour un taux d'occupation de 90 % et une durée moyenne de rétention de 9 jours et demi.

M. Eric Le Douaron a également noté une hausse régulière des éloignements menés à leur terme, qui étaient passés de 12.482 en 2003 à 19.841 en 2005. Il a indiqué que, pour le premier trimestre 2006, ce chiffre s'élevait déjà à 5.050, pour un objectif de 25.000 sur l'année.

Au vu de ces chiffres, M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur le sort des personnes n'ayant pas fait l'objet d'une mesure d'éloignement.

M. Eric Le Douaron a déploré les difficultés, pour certaines destinations, à obtenir les laissez-passer consulaires nécessaires au retour dans leur pays d'origine des étrangers en situation irrégulière et sans document d'identité. Il a toutefois relevé que, grâce à l'établissement d'une liste des « pays posant problèmes », le taux de délivrance de ces documents avait sensiblement crû entre 2005 et le début de l'année 2006, passant de 35 % à 47,5 %. Il a, en outre, souligné le caractère précieux de la coopération du ministère des affaires étrangères pour ces questions. Dans ce contexte, il s'est félicité que la cellule, mise en place depuis un an et demi au sein de sa direction, et ayant pour mission de suivre tous les consulats dotés d'une représentation unique en France, ait pu atteindre un taux de délivrance de 57  %.

M. Jean Arthuis, président, a évoqué l'importance du travail conduit en commun par le ministère de l'intérieur et celui des affaires étrangères sur ces questions.

Pour illustrer ce travail interministériel, M. Christian Munch a cité le comité interministériel de contrôle de l'immigration comme lieu de collaboration privilégié entre les deux ministères. Il a indiqué, par ailleurs, que des négociations s'engageaient avec les consulats étrangers refusant trop systématiquement de livrer des laissez-passer.

M. Eric Le Douaron a estimé que la réussite future de la politique d'éloignement menée dépendrait essentiellement de la capacité d'hébergement dans les centres de rétention administrative et d'une initiative qui sera prise dans les jours prochains par le comité interministériel de contrôle de l'immigration.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Paul Girod s'est montré préoccupé par l'activité de certaines associations vis-à-vis des centres de rétention administrative.

M. Eric Le Douaron a considéré que le travail de ces associations ne posait aucun problème fondamental à l'administration.

Revenant sur la carte des implantations des centres, M. Christian Munch a confirmé qu'elle était profondément orientée par le poids de l'histoire et par l'influence des lieux de passage, comme en attestaient les centres de Marseille, Roissy, Lille ou Coquelle.

Il a indiqué qu'en la matière, l'objectif était de parvenir à un maillage efficace du territoire, avec, notamment, des centres à Rennes, Lyon, Bordeaux ou Strasbourg. Il a, en outre, souligné que le choix de ces implantations ne pouvait réussir que dans le cadre d'une démarche pragmatique et par la conduite de négociations avec les acteurs locaux.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur le degré d'informatisation des greffes.

M. Eric Le Douaron a indiqué que tous les greffes étaient informatisés, mais que la mise en place d'un nouveau logiciel nécessitait un certain temps d'adaptation. Il a ajouté qu'un logiciel visait, en particulier, à gérer les flux d'entrée et de sortie des étrangers en situation irrégulière dans les centres de rétention administrative.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité connaître l'ampleur de ce phénomène.

M. Eric Le Douaron a fait état de 60.000 personnes interpellées par la police des airs et des frontières, la moitié faisant l'objet d'une rétention administrative. Parallèlement à l'optimisation de la gestion des places, grâce à ce nouveau logiciel, il a souhaité des escortes plus efficientes qui accapareraient moins les personnels policiers en fonctions au sein de ces centres.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que le maillage territorial n'était peut-être pas encore suffisant, que ce soit dans certains lieux de transit tels que les grands aéroports, mais aussi dans les départements moins exposés aux flux migratoires.

M. Eric Le Douaron a remarqué que Roissy était en réalité la première frontière du pays. Il a ajouté qu'au-delà des filtres normaux, un dispositif nouveau, dit de « contrôle en porte d'avion », avait été mis en place avec succès et consistait à contrôler la régularité des titres d'immigration avant même l'entrée des étrangers en zone de transit.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé, dans cette perspective, si la possibilité de laisser des étrangers en situation irrégulière dans l'avion les ayant transportés en France jusqu'au retour dans le pays d'origine pouvait être envisagée.

M. Eric Le Douaron a considéré qu'une telle mesure ne pouvait être envisagée que si l'avion avait un taux de rotation suffisant et qu'elle était d'ores et déjà mise en oeuvre aux frais des compagnies aériennes. Il a rappelé que 500 personnes par jour étaient en attente d'un retour dans leur pays d'origine, il y a quelques années à Roissy, et qu'il n'y en avait plus aujourd'hui que 60 par jour, avec une moyenne de 12 heures entre l'arrivée sur le territoire et le départ. Il a observé une poussée de plus en plus forte des arrivées d'étrangers en situation irrégulière en provenance de la Chine et d'Amérique du sud.

Afin de limiter ces tentatives d'entrées illégales sur le territoire national, M. Eric Le Douaron a déclaré avoir demandé à ses services de prendre tous contacts utiles avec les ambassades des pays concernés. Il s'est, en outre, montré particulièrement soucieux de la formation des personnels des compagnies aériennes, et de celle dispensée aux agents des services équivalents à la police des airs et des frontières dans les pays d'origine. Il a annoncé que deux filières d'immigration clandestine avaient été découvertes, à Roissy, depuis début 2006, notamment grâce au travail fourni par l'Office central pour la répression de l'immigration irrégulière et de l'emploi d'étrangers sans titre, en lien avec les pays étrangers, et par les officiers de liaison « immigration » établis auprès des ambassades des pays d'origine ou de rebond. A titre d'exemple de cette coopération à l'échelle européenne, il a cité le démantèlement, en décembre 2005, d'une « filière pachtoune » vers l'Angleterre, via l'Italie, l'Allemagne, la Belgique et la France.

M. Jean Arthuis, président, a remercié l'ensemble des internautes pour les précisions ainsi apportées.

Mission d'information commune - Demande de constitution

M. Jean Arthuis, président, a informé la commission de la demande qui allait être adressée à M. le président du Sénat par les présidents des commissions des affaires sociales, des affaires économiques et des finances tendant à la constitution d'une mission commune d'information sur la localisation des centres de décision économique.

La commission a pris acte de cette demande de constitution d'une mission commune d'information.

Fiscalité - Télédéclaration de l'impôt sur le revenu - Audition de M. Jean-Marc Fenet, directeur général adjoint des impôts, de M. Patrick Dailhé, directeur du programme informatique Copernic au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de M. Pierre Lepetit, inspecteur général des finances, et de M. Xavier de Thieulloy, contrôleur général des armées sur la procédure de télédéclaration de l'impôt sur le revenu

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marc Fenet, directeur général adjoint des impôts, de M. Patrick Dailhé, directeur du programme informatique Copernic au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de M. Pierre Lepetit, inspecteur général des finances, et de M. Xavier de Thieulloy, contrôleur général des armées sur la procédure de télédéclaration de l'impôt sur le revenu.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué au préalable que l'audition intervenait dans le cadre d'un cycle consacré à la modernisation et à la réforme de l'Etat et qu'elle visait notamment à suivre un audit de modernisation lancé par M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, consacré à la télédéclaration de l'impôt sur le revenu. Il a rappelé que la campagne de l'impôt sur le revenu pour 2005, durant laquelle 3,7 millions de déclarations avaient été faites par la voie d'internet, avait été marquée par de multiples incidents informatiques. Il a donc jugé utile que la commission suive la campagne de l'impôt sur le revenu pour 2006, où jusqu'à dix millions de télédéclarations étaient attendues, notant que M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », se rendrait tout spécialement dans un centre des impôts parisien le 18 mai 2006 pour faire le point sur la modernisation de la gestion de l'impôt, en application de l'article 57 de la LOLF.

Détaillant les résultats de l'audit, qui avait pour objet de faire le bilan de la campagne 2005 et d'examiner l'organisation et les procédures mises en place pour préparer la campagne 2006, M. Jean Arthuis, président, a précisé que, selon l'équipe d'audit, la campagne 2006 se préparait dans de bonnes conditions, le programme informatique COPERNIC ayant été adapté à l'objectif de prise en charge de 10 millions de télédéclarations. Il a, néanmoins, indiqué que l'audit faisait le constat d'un dimensionnement du système informatique encore problématique, car celui-ci ne pouvait conduire à absorber complètement les pics d'activité et que des solutions devaient donc être trouvées pour réguler les flux d'accès au service.

M. Jean-Marc Fenet, directeur général adjoint des impôts, a ensuite présenté la campagne de l'impôt sur le revenu pour 2006, qui serait marquée par l'extension de la préimpression des déclarations d'impôts, expérimentée en 2005 en Ille-et-Vilaine, et un nouvel essor de la télédéclaration. Il a indiqué que sur 34 millions de foyers fiscaux, 29 millions, soit 85 %, devraient recevoir une déclaration préremplie, expliquant que les 5 millions restants étaient, soit des artisans, commerçants et professions libérales, soit des contribuables pour lesquels l'identification avec un revenu a été considérée comme insuffisamment fiable pour être transposée en l'état sur la feuille d'impôt. Il a souligné que des erreurs seraient inévitables, même si celles-ci se révéleraient, en pourcentage, extrêmement réduites. En 2005, dans le département d'Ille-et-Vilaine, où la déclaration préremplie avait été expérimentée, seulement 13 % des revenus préimprimés avaient été corrigés à la hausse ou à la baisse. Dans 10 % des cas, les redevables recevant leur déclaration n'avaient plus eu qu'à la signer, n'ayant pas de revenus complémentaires, d'abattements, ou de réduction d'impôts à déclarer.

M. Michel Charasse a indiqué, s'agissant de la déclaration de revenu des élus locaux, que les indemnités avaient été systématiquement reportées sur la déclaration préremplie, alors que de nombreux élus faisaient le choix de la retenue à la source et s'étaient donc déjà acquittés de leurs obligations fiscales.

M. Pierre Lepetit a détaillé les mesures prises afin de tirer les enseignements des incidents informatiques de la campagne 2005, liés au succès inattendu, du moins dans ces proportions, de la télédéclaration, succès notamment dû à la réduction d'impôt de 20 euros votée par le Parlement à l'automne 2004 à l'initiative de la commission des finances du Sénat. Il a ainsi indiqué que le plafond horaire de connexions au site internet « impot.gouv.fr » avait été relevé de 6.000 à 25.000 entre 2005 et 2006, regrettant cependant qu'une mesure utile, comme l'extension de la période de déclaration des revenus, au-delà des soixante jours habituels, ou la fixation de plusieurs dates de déclaration, par zone géographique, n'ait pas été retenue. Il a en effet rappelé que, même lorsqu'ils déclaraient par internet, les contribuables tenaient compte de la date butoir de la déclaration « papier », sans recourir au délai supplémentaire offert aux télédéclarants.

Il a considéré, en conséquence, que des « embouteillages » sur le site internet « impot.gouv.fr » étaient prévisibles à la fin du mois de mai, soit à l'approche de la date limite d'envoi des déclarations « papier » fixée au 31 mai 2006, car le système informatique n'avait pas été conçu pour absorber tous les pics de connexion, en raison des coûts que cela aurait occasionné pour les finances publiques.

En réponse à une question de M. Jean Arthuis, président, M. Jean-Marc Fenet a précisé que 10 millions d'euros supplémentaires avaient été dégagés en 2005 en matière d'investissement informatique et 20 millions d'euros s'agissant de l'assistance à maîtrise d'ouvrage. Il a rappelé, en outre, que la prévision de dépense fiscale liée à la réduction d'impôt de 20 euros pour télédéclaration s'établissait en loi de finances initiale pour 2006 à 105 millions d'euros.

En complément, M. Pierre Lepetit a considéré que le coût pour les finances publiques de la réduction d'impôt lui apparaissait supérieur aux gains directs liés à la télédéclaration.

M. Patrick Dailhé, directeur du programme informatique Copernic, a expliqué les mesures prises pour que le système informatique absorbe une fréquentation accrue des télédéclarants en 2006. Il a ainsi précisé que des indicateurs de fréquentation figuraient sur le site internet, informant l'usager des périodes les plus chargées et des heures les plus favorables pour effectuer sa déclaration. Il a souligné qu'un effort de prévision du trafic, avec l'appui d'instituts de sondage, avait été effectué, et que la direction générale des impôts comptait, dès lors, sur un nombre de télédéclarations compris entre 5,5 millions et 8 millions, la marge d'incertitude, importante, étant liée à l'impact incertain de la déclaration préremplie sur le comportement de certains contribuables. Il a précisé que de nombreux efforts de communication avaient été réalisés auprès des redevables, afin de les inciter à retirer leur certificat électronique le plus tôt possible (1,5 million de certificats ayant déjà été retirés), à ne pas attendre la fin du mois de mai pour effectuer leur télédéclaration et à éviter ainsi les pics de trafic. Il a indiqué qu'un sondage montrait que 90 % des contribuables télédéclarants voulaient faire leur déclaration avant la fin du mois de mai.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, M. Patrick Dailhé a précisé que l'obtention préalable d'un certificat électronique avant de déclarer ses revenus par internet correspondait à une nécessité de sécurité s'agissant de données personnelles sensibles. Il a expliqué que le certificat, qui correspondait à une pièce d'identité électronique, gratuit pour les particuliers, pouvait être obtenu sur la base de trois données, numéro de télédéclarant, numéro fiscal et revenu fiscal de référence, issues de deux documents : avis et déclaration. Il s'est félicité, qu'à ce jour, aucune faille de sécurité n'ait été constatée, malgré les multiples tentatives d'intrusion auxquelles le site internet « impot.gouv.fr » avait dû faire face.

En réponse à M. Jean Arthuis, président, l'invitant à comparer le suivi des programmes informatiques au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie à celui ayant cours au ministère de la défense, M. Xavier de Thieulloy, contrôleur général des armées, a mis en exergue l'expérience acquise par son ministère en raison de la complexité des programmes d'armement. Il a jugé que les procédures au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie étaient moins formalisées que celles, programmées de manière « quasi industrielle », du ministère de la défense.

M. Bernard Angels, rapporteur spécial de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », a regretté que l'interface du site « impot.gouv.fr » soit encore trop peu conviviale et que les internautes non avertis puissent parfois éprouver des difficultés à retirer leur certificat électronique ou à effectuer leur déclaration en ligne. Il a relevé l'absence d'identifiant fiscal réellement unique, notant qu'un même contribuable disposait d'un identifiant différent selon qu'il s'agissait d'impôts locaux ou nationaux.

M. Patrick Dailhé a reconnu certaines difficultés de fonctionnement du site « impot.gouv.fr » liées à un changement de certificat en 2005, mais noté que les procédures avaient été améliorées en avril 2006, chaque télédéclarant recevant un accusé de réception lorsqu'il retirait son certificat.

En réponse à une remarque de M. Bernard Angels appelant à davantage de précision dans le calcul des gains de productivité issus de la télédéclaration, M. Jean-Marc Fenet a indiqué qu'il convenait de distinguer les gains directs des gains de productivité « diffus ». Il a montré que chaque télédéclaration conduisait à environ 6 minutes de temps de travail économisé, soit un gain global d'un emploi équivalent temps plein pour 16.000 télédéclarations, ou 62 à 63 emplois équivalent temps plein économisés par million de télédéclarations. Il a souligné que les gains de productivité diffus étaient plus difficiles à rattacher, par définition, à la télédéclaration, mais que la direction générale des impôts était engagée, dans son nouveau contrat de performance pour la période 2006/2008, dans une réduction de ses dépenses en valeur et le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, soit une baisse des effectifs de près de 5 %. Pour expliquer le niveau des gains de productivité annuels de la direction générale des impôts, s'établissant entre 2,5 et 3 %, il a indiqué qu'il faudrait faire la part entre l'augmentation tendancielle de la productivité, provoquée notamment par un effort de formation professionnelle considérable - entre 7 % et 8 % de la masse salariale y étant consacrés - et le retour sur investissement lié aux nouvelles applications informatiques. Il a jugé qu'il était difficile de faire une telle répartition, application informatique par application informatique. S'agissant des investissements informatiques, il a enfin rappelé qu'il faudrait prévoir, à l'avenir, des crédits consacrés à la maintenance et au renouvellement des matériels.

En complément, M. Pierre Lepetit a précisé que son audit avait établi que les gains de productivité directs issus de la télédéclaration pouvaient été évalués à 35 millions d'euros, tout en notant que ce chiffre ne reflétait que partiellement la réalité. Il a néanmoins considéré que l'évaluation des gains de productivité réalisée par la direction générale des impôts figurait à la pointe de ce qui se faisait dans l'administration française.

En réponse à une question de M. Jean-Claude Frécon liée à la déclaration préremplie, M. Jean-Marc Fenet a indiqué que chaque contribuable recevrait avec sa déclaration une notice explicative lui précisant qu'il lui était évidemment possible de rectifier les montants que l'administration fiscale inscrirait, si ceux-ci s'avéraient erronés. Il a souligné que le public visé par la déclaration préimprimée était notamment celui des personnes ayant des difficultés face à la trop grande complexité de la déclaration d'impôt comme, par exemple, certaines personnes âgées. Il a rappelé que tout changement dans le mode de gestion de l'impôt suscitait des difficultés d'adaptation des redevables, rappelant les difficultés de compréhension de certains redevables, à l'automne 2005, liées au couplage de la redevance audiovisuelle et de la taxe d'habitation.

Il a en outre répondu à M. Jean-Claude Frécon que, désormais, la dynamique de la télédéclaration lui paraissait lancée, même dans le cas où la réduction d'impôt de 20 euros adoptée à l'initiative de la commission, ainsi que M. Jean Arthuis, président, l'a rappelé, ne serait pas appelée à perdurer.

Enfin, M. Patrick Dailhé a rappelé que la télédéclaration dispensait le contribuable de produire des justificatifs.

M. Maurice Blin a souhaité obtenir des précisions sur les expériences étrangères et les leçons qu'en tiraient les administrations fiscales françaises.

En réponse, M. Jean-Marc Fenet a indiqué que la direction générale des impôts entretenait des relations étroites avec les administrations fiscales du Canada, de l'Espagne et du Royaume-Uni, qui avaient des préoccupations voisines des siennes. Il a précisé que la direction générale des impôts et l'administration canadienne pratiquaient des échanges de cadres, la France accueillant ainsi des cadres canadiens, pour une période de deux à trois ans, sur des postes opérationnels, faisant ainsi remarquer qu'un numéro deux des services fiscaux d'Aix en Provence avait été, il y a quelques années, de nationalité canadienne. S'agissant de la Grande-Bretagne, il a souligné, qu'une fois par an, se tenaient des comités de gestion conjoints et qu'il suivait avec intérêt la fusion des administrations fiscales en cours au Royaume-Uni.

Il a indiqué que l'administration fiscale canadienne avait une implantation territoriale limitée, privilégiant les relations dématérialisées avec les contribuables, et avait une approche « client » très développée, qui avait notamment inspiré le programme français « Pour vous simplifier l'impôt ». S'agissant de l'administration fiscale britannique, il a indiqué que celle-ci réfléchissait à dispenser de déclaration certains contribuables.

Enfin, à M. Jean Arthuis, président, qui l'interrogeait sur l'impact de la complexité de la législation fiscale en termes de gestion, il a répondu que la direction générale des impôts suivait le coût d'intervention de chaque impôt, et que certains impôts, comme la taxe sur les logements vacants, se caractérisaient par un taux d'intervention très important, bien au-delà de la TVA (0,82 %) ou des grands impôts locaux (de 0,85 % pour la taxe professionnelle à 3,86 % pour la taxe d'habitation).

Audition de M. Denis Ranque, président du groupe Thales

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Denis Ranque, président du groupe Thales.

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Denis Ranque d'intervenir devant la commission à un moment important de la vie du groupe Thales, la part de l'Etat dans son capital devant revenir sous la barre des 30 % à l'occasion de la mise en oeuvre de l'accord annoncé le 5 avril 2006 avec le groupe Alcatel. Il a donc invité M. Denis Ranque à s'exprimer sur les perspectives qui s'ouvrent au groupe Thales, notamment sur les hypothèses de son rapprochement avec la société anonyme DCN (DCN-SA), ainsi que sur la composition de son actionnariat.

M. Denis Ranque a indiqué que l'essentiel des activités acquises par le groupe Thales grâce à son accord avec le groupe Alcatel sont civiles, ce qui aboutira à faire de Thales un groupe équilibré, dont la moitié du chiffre d'affaires proviendra d'activités civiles et l'autre moitié d'activités militaires. Après avoir souligné que cette opération avait été préparée depuis un an, il a expliqué qu'elle aurait trois conséquences : un renforcement de Thales, dont le chiffre d'affaires consolidé passera de 10 milliards d'euros à 12 milliards d'euros ; une relance de la coopération générale entre les groupes Thales et Alcatel ; une clarification de l'actionnariat de Thales.

Sur le premier point, M. Denis Ranque a défini Thales, non comme une société de défense, mais comme une société d'électronique exerçant cette activité sur trois marchés : la défense, l'aéronautique et la sécurité. En conséquence, il a estimé que les deux activités apportées au groupe par son rapprochement avec Alcatel, c'est-à-dire les satellites et les systèmes de sécurité, renforçaient des axes stratégiques pour Thales. De plus, il a expliqué que ce rapprochement améliorerait les capacités de Thales dans les systèmes à un moment où les clients expriment de plus en plus le besoin d'avoir en face d'eux un « systémier intégrateur ». En outre, il a souligné que cet accord accentuerait la dimension mondiale de Thales, renforçant ainsi sa démarche dite « multidomestique ». En effet, les collaborateurs que Thales intégrera en son sein du fait de la reprise d'activités d'Alcatel, soit environ 11.000 personnes, sont pour 60 % d'entre eux basés à l'étranger. Enfin, il a insisté sur le renforcement des technologies duales du groupe Thales, c'est-à-dire ayant des applications civiles et militaires, grâce à ce rapprochement. Il a rappelé le très fort impact économique que peuvent avoir ces technologies, citant notamment l'exemple du réseau internet, et estimé que la dualité est, en tout état de cause, une source d'optimisation des ressources.

M. Denis Ranque a ensuite expliqué que les activités apportées par Alcatel avaient été valorisées à 1,7 milliard d'euros. Il en a détaillé le financement : les deux tiers doivent être payés à Alcatel sous la forme de nouvelles actions Thales, valorisées à 40 euros, le solde, soit 673 millions d'euros, devant être versé en numéraire.

Au sujet de la fusion entre Alcatel et Lucent, il a relevé que les discussions de son groupe avec Alcatel étaient engagées bien avant l'annonce de cette fusion. Il a estimé que, sans être la cause de l'accord finalement intervenu, celle-ci l'avait peut-être accéléré, les pouvoirs publics pouvant être « rassurés » par le maintien des activités transférées à Thales dans un groupe à l'actionnariat majoritairement européen.

Par ailleurs, M. Denis Ranque s'est réjoui de la relance, « depuis un an ou deux », de la coopération générale entre les groupes Thales et Alcatel. Expliquant qu'un accord de coopération avait été signé entre eux en 1998, il a reconnu que son application avait été tout d'abord difficile, du fait des tensions engendrées par la « bulle internet » dans un premier temps, puis par l'explosion de cette bulle. Il a indiqué que cette coopération comporte trois volets : un volet technique, les deux groupes vendant des produits différents à des clients différents mais utilisant les mêmes technologies ; un volet commercial, Thales pouvant faire bénéficier Alcatel de sa forte présence sur plusieurs marchés européens et bénéficier en retour de la puissance commerciale d'Alcatel dans des pays comme les Etats-Unis ou la Chine ; un volet industriel, pouvant, par exemple, se traduire par un rapprochement de fonctions comme les achats.

Enfin, au sujet du tour de table de son groupe, M. Denis Ranque s'est félicité que le « climat délétère » datant du « coup de tabac » de novembre 2004, au moment où l'actionnariat de Thales semblait peu stable et où des rumeurs évoquaient avec insistance un rapprochement avec le groupe EADS, ait été surmonté. Il a estimé que la situation s'était désormais clarifiée, Alcatel devant passer de 9 % à 21,6 % du capital et l'Etat revenir de 32 % à 27,1 %. Il a souligné que, dans ces conditions, le groupe Dassault, qui possède 5,1 % du capital de Thales, pourrait, s'il le souhaitait, céder sa participation sans mettre en danger la stabilité du groupe. Au sujet des intentions prêtées au groupe EADS de fusionner avec Thales, il a relevé que, grâce aux dispositions de la loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d'acquisition (OPA), un acquéreur potentiel ayant déclaré ses intentions devrait prendre publiquement une décision de lancement ou non d'une OPA, ce qui permettra à l'avenir de faire taire des rumeurs non fondées.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Philippe Marini, rapporteur général, après s'être réjoui du rapprochement entre Thales et Alcatel d'un point de vue industriel et d'un point de vue financier, a demandé à M. Denis Ranque de détailler l'organisation du système de contrôle aérien français et de le comparer à celui d'autres pays. Il s'est ensuite interrogé sur l'évolution de la coopération entre Thales et le groupe italien Finmeccanica. Enfin, il a souhaité connaître l'avancée du marché de contrôle des frontières de l'Arabie Saoudite.

Répondant tout d'abord à la première question de M. Philippe Marini, M. Denis Ranque a indiqué que le contrôle aérien était encore assuré en France par des fonctionnaires, alors que dans la plupart des pays du monde, ce service est assuré par des agences contrôlées par l'Etat, voire par des acteurs privés. Il a estimé que seule la réglementation de ce contrôle entrait dans le champ des compétences régaliennes de l'Etat et non cette opération proprement dite, qui constituait une pure activité de services.

Puis il a relevé qu'au sein des fonctionnaires de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), une équipe était plus particulièrement chargée de l'action industrielle, comme par exemple le développement des logiciels. Il a jugé que cette activité n'avait plus vocation à être opérée par l'Etat, soulignant que Thales, qui est le leader mondial sur ce marché avec le groupe américain Raytheon, avait dû se battre sans disposer d'un marché domestique, sauf pour quelques produits comme les radars. Notant que la DGAC se réorganisait en distinguant ses tâches régaliennes de ses autres activités, il a proposé que des ingénieurs de la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA), soit moins de 70 personnes, puissent intégrer progressivement une structure de groupement commune avec Thales, afin de renforcer le savoir-faire français dans le cadre des enjeux liés au ciel unique européen.

Ensuite, répondant à la question de M. Philippe Marini sur la coopération de son groupe avec Finmeccanica, M. Denis Ranque a souligné la différence de nature entre cette alliance et le rapprochement entre Thales et Alcatel. Il a expliqué qu'il s'agissait désormais de renforcer des joint-ventures communes aux deux groupes dans les domaines suivants, deux d'entre elles résultant des apports d'Alcatel dans Thales :

- la protection des avions contre les radars adverses, dans le cadre de la société Elettronika qui existe depuis 1996, détenue à 31,33 % pour Thales et aux deux tiers pour la partie italienne, dont 33 % pour Finmeccanica ;

- la construction de systèmes satellites civils et militaires, dans le cadre d'Alcatel Alenia Space, joint-venture qui sera dorénavant détenue à 67 % par Thales et à 33 % par Finmeccanica ;

- les services satellitaires, dans le cadre de Telespazio, joint-venture qui sera détenue à 33 % par Thales et à 67 % par Finmeccanica.

Au sujet de l'avenir de cette alliance, M. Denis Ranque a indiqué que Finmeccanica semblait disposé à apporter à Thales son activité d'électronique de défense, moyennant une entrée du groupe au capital. Il a estimé qu'une telle alliance permettrait de constituer un ensemble particulièrement solide, leader mondial dans de nombreux domaines et parfois en position de quasi-monopole en Europe. Il n'a toutefois pas voulu prendre position sur le fond, jugeant que sur de nombreux marchés, la constitution d'un monopole risquerait d'être à terme un handicap aussi bien pour les clients que pour le groupe lui-même.

Enfin, M. Denis Ranque a évoqué le marché du contrôle des frontières saoudiennes. Il a souligné que ce marché, d'environ 7 milliards d'euros, comportait une très forte dimension politique et géostratégique, ce qui explique l'évolution très lente du dossier.

M. Yves Fréville, en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Défense », a souhaité connaître l'avancée du rapprochement entre les groupes Thales et DCN-SA. Il a également interrogé M. Denis Ranque sur sa vision du rôle de la Délégation générale pour l'armement (DGA).

En réponse, M. Denis Ranque a indiqué que le projet de rapprochement entre les groupes Thales et DCN-SA prévoyait l'apport par Thales de ses activités navales au sein de DCN-SA, apport devant être rémunéré par 25 % des actions de DCN-SA détenues par l'Etat, qui devrait encaisser environ 1 milliard d'euros dans l'opération. Espérant que ce dossier serait conclu avant l'été 2006, il a rappelé que Thales disposerait d'une option pour porter sa participation au capital de DCN-SA à 35 %. Il a souligné l'intérêt pour DCN-SA de s'adosser à un « partenaire de référence » et pour Thales de pouvoir participer à une éventuelle consolidation du secteur à venir au niveau européen.

Concernant l'évolution du rôle de la DGA, il a fait part des défis qui se présentaient à elle : complexité de plus en plus forte des systèmes, nécessité d'assurer la maintenance du matériel de façon plus efficace et moins coûteuse. De plus, évoquant plus particulièrement le rôle de son groupe, il a indiqué que, selon lui, l'avenir appelait un partenariat renforcé avec la DGA, mais également avec les armées elles-mêmes, qui sont les utilisateurs finaux. Il a donc estimé que la DGA pourrait devenir une agence d'approvisionnement des armées, sur le modèle britannique, tout en demeurant par ailleurs l'expert technique des armées pour les technologies du futur, les crédits d'études amont devant donc demeurer en son sein. Il a enfin souhaité que la DGA conserve son rôle de tutelle industrielle, qui veille à la bonne santé des industriels nationaux et européens de défense.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité connaître le sentiment de M. Denis Ranque quant à la possibilité de baisser les dépenses d'équipement militaire de l'Etat.

M. Denis Ranque a exprimé ses doutes sur ce sujet, soulignant que les armées sortaient d'une décennie de sous-investissement. Il a indiqué qu'alors que la période dite de « la guerre froide » avait correspondu de facto à une période de paix, les armées devaient, à présent, intervenir sur de nombreux terrains, parfois peu connus d'elles. Elles avaient donc de fortes exigences de renouvellement de leur matériel à un moment où les responsables politiques pouvaient être tentés de diminuer leurs crédits. Il a néanmoins estimé possible de dépenser mieux les crédits alloués aux armées, citant l'exemple de l'externalisation de la maintenance des matériels, un groupe comme Thales pouvant, selon lui, intégrer en son sein les fonctionnaires actuellement affectés à ces tâches.

M. Maurice Blin a souhaité savoir pourquoi EADS avait voulu fusionner avec Thales. Il s'est également demandé si le rapprochement de Thales et de DCN-SA pouvait s'interpréter comme les prémisses de la constitution d'un « EADS naval ». Il a enfin voulu connaître l'avancée du dossier du porte-avions franco-britannique.

M. Paul Girod a demandé si, selon M. Denis Ranque, la France consentait le même effort d'équipement en matière de sécurité civile qu'en matière militaire.

Répondant tout d'abord aux questions de M. Maurice Blin, M. Denis Ranque a expliqué que l'idée d'EADS était probablement de constituer un « Boeing européen », ayant des activités équilibrées entre l'aviation civile et l'aviation militaire. Il a mis en doute l'opportunité de la constitution d'un tel groupe qui, selon lui, serait handicapé par l'absence d'un « Pentagone européen ». Il a estimé que l'Europe avait plutôt besoin, d'une part, d'un « Airbus fort » pour concurrencer Boeing sur ses activités civiles, d'autre part, de groupes puissants pour concurrencer Boeing sur ses activités militaires. De plus, il a souligné qu'une prise de participation d'EADS au capital de Thales impliquerait nécessairement l'apport à Thales des activités d'électronique de défense d'EADS. Il a relevé, enfin, que Thales comptait Boeing parmi ses clients, situation qui aurait été compromise par un rapprochement avec EADS. Il a indiqué ne pas savoir si EADS maintenait ses ambitions sur Thales.

Au sujet de l'entrée de Thales dans le capital de DCN, M. Denis Ranque a redit qu'à son sens, cette étape nationale avait vocation à être suivie d'une consolidation au niveau européen. Il a toutefois expliqué que la consolidation du rapprochement entre Thales et DCN, préalable nécessaire au passage à l'étape suivante, prendrait plusieurs années.

Il a ensuite indiqué que Thales avait beaucoup oeuvré, en tant qu'intermédiaire, au programme de « porte-avions franco-britannique ». Il a souligné que, si ce dossier paraissait n'avancer que lentement, les équipes étaient au travail et que les délais normaux étaient respectés. Il a expliqué qu'à la fin de l'année 2006, les gouvernements disposeraient des conclusions de l'évaluation du taux d'éléments communs que pourraient intégrer les porte-avions français et britannique, taux qui conditionnera la suite du programme.

Enfin, répondant à la question de M. Paul Girod, s'il n'a pas souhaité déterminer de répartition optimale de l'effort d'équipement entre armées et sécurité civile, M. Denis Ranque a estimé, qu'en tout état de cause, la France ne consentait pas à un effort suffisant pour sa sécurité civile. Il a souligné qu'outre le niveau de dépense lui-même, la multiplicité des acteurs concernés (Etat, collectivités territoriales, industriels, organisateurs de manifestations diverses...) ne favorisait pas une gestion optimale de cette dépense.

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Denis Ranque pour l'intérêt et la précision des informations qu'il avait pu apporter à la commission lors de son audition.