Mardi 9 janvier 2007

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Modernisation du dialogue social - Audition de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes

La commission a procédé à l'audition de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur le projet de loi n° 117 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de modernisation du dialogue social.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a tout d'abord indiqué que le projet de loi de modernisation du dialogue social propose de traduire, dans un nouveau chapitre préliminaire du code du travail, les principes posés par le chef de l'Etat dans son discours prononcé, le 10 octobre dernier, devant le Conseil économique et social. Ce texte marque, malgré sa brièveté, une étape importante de l'histoire des relations sociales.

Ce projet s'inscrit dans la continuité des actions engagées depuis 2002 : la plupart des textes récents ont élargi le champ de la négociation collective, par exemple en matière de durée du travail ou de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Cette politique a favorisé une activité conventionnelle soutenue à tous les niveaux ; en 2005, quarante-quatre accords nationaux interprofessionnels, 1.144 accords de branche et au moins 20.000 accords d'entreprise ont été conclus.

Le projet de loi a donné lieu à une concertation approfondie avec les partenaires sociaux. En décembre 2005, le Premier ministre a demandé à Dominique-Jean Chertier d'élaborer un rapport formulant des propositions de modernisation du dialogue social, qui ont servi de base aux discussions avec les organisations syndicales et professionnelles. Plusieurs séries de rencontres bilatérales ont été organisées, en s'appuyant sur des fiches d'orientation, et des déplacements ont été organisés en Espagne et aux Pays-Bas pour étudier comment ces pays ont su moderniser leurs relations sociales. La concertation s'est achevée le 6 novembre 2006 par la présentation du projet de loi devant la commission nationale de la négociation collective (CNNC).

Ce projet de loi recueille un assez large accord de la part des organisations syndicales et professionnelles, même si certaines d'entre elles auraient souhaité qu'il intègre la réforme de la représentativité syndicale.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a ensuite indiqué que le projet s'articule autour de trois grands axes : concertation, consultation et information.

Désormais, lorsque le Gouvernement envisagera une réforme concernant les règles générales du droit du travail, il devra, dans un premier temps, se concerter avec les organisations syndicales et professionnelles représentatives au niveau national et interprofessionnel, qui lui indiqueront si elles souhaitent négocier un accord.

Ensuite, les textes législatifs et réglementaires élaborés au vu des résultats de la concertation et de la négociation seront soumis pour avis aux instances du dialogue social que sont la commission nationale de la négociation collective (CNNC), le comité supérieur de l'emploi (CSE) et le conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie (CNFPTLV).

Enfin, un rendez-vous annuel est prévu entre le Gouvernement et les partenaires sociaux pour échanger sur leurs calendriers respectifs de concertation et de négociation. L'Assemblée nationale a adopté un amendement garantissant la publicité de ces échanges.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a ensuite abordé plusieurs points qui ont pu susciter un débat.

En premier lieu, il a souligné que la procédure de concertation ne concernerait que les organisations représentatives au niveau interprofessionnel, à l'exclusion donc de la fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et de l'union nationale des professions libérales (UNAPL). Cependant, le ministre s'est engagé solennellement à ce que les réformes en droit du travail concernant spécifiquement ces secteurs fassent l'objet d'une concertation avec ces organisations représentatives.

Il a fait observer, en second lieu, que le projet de loi n'enferme la négociation dans aucun délai rigide, afin de conserver à la procédure une très grande souplesse. Mais les partenaires sociaux devront faire connaître leur intention d'engager une négociation dans un délai raisonnable, dont la durée satisfasse l'ensemble des parties.

S'agissant des règles d'engagement de la négociation, il est souhaitable que la négociation implique le plus grand nombre possible d'organisations de salariés et d'employeurs et nécessaire, à tout le moins, qu'elle implique un nombre d'organisations suffisant pour pouvoir conclure un accord.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a ensuite précisé que le projet de loi n'affecte pas les pouvoirs constitutionnels du Gouvernement et du Parlement ; il ne modifie en rien la procédure de dépôt des propositions de loi et ne porte pas atteinte au droit d'amendement. Mais l'esprit de la réforme voudrait que soient modifiées les pratiques et que l'on évite certaines dérives telles que le dépôt d'une proposition de loi ou d'un amendement pour contourner la procédure de concertation.

En ce qui concerne la question posée par la transposition en droit national des directives communautaires, deux cas de figure peuvent être distingués : si la directive laisse aux Etats membres une importante marge de manoeuvre, le texte de transposition sera alors une « réforme » au sens de la loi et sera soumis à la procédure de concertation ; en revanche, si la directive enserre les autorités nationales dans un cadre très strict, la procédure de concertation n'aura plus de justification, le texte de transposition n'étant plus une réforme mais une simple mesure d'adaptation du droit national au droit communautaire.

Puis M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a évoqué les interrogations soulevées par l'existence d'une procédure d'exception en cas d'urgence. Si le principe d'une telle exception n'est pas contesté, un risque d'abus a parfois été souligné. C'est pourquoi l'Assemblée nationale a précisé que le Gouvernement devra faire connaître aux partenaires sociaux et motiver sa décision de déclarer l'urgence, avant de prendre toute mesure appropriée.

Le ministre a enfin abordé la question du sort à réserver à l'accord éventuellement conclu par les partenaires sociaux : cet accord constituera la « colonne vertébrale » du projet de loi ou de décret mettant en oeuvre la réforme.

En conclusion, le ministre a souligné que l'adoption du projet de loi conduirait à traiter, dans un avenir proche, la question de la représentativité syndicale. Raphaël Hadas-Lebel a rédigé un rapport à ce sujet sur lequel le Conseil économique et social (CES) a rendu un avis le 29 novembre dernier. Outre la représentativité syndicale, cet avis aborde aussi les questions de la validité des accords collectifs, de la négociation collective dans les petites et moyennes entreprises et du financement des organisations syndicales. Le Gouvernement juge peu opportun d'aborder ce sujet dans le cadre du présent texte car il lui semble logique de soumettre cette réforme à la procédure de concertation qu'il institue. De plus, les orientations proposées par le CES doivent encore être précisées et il paraît indispensable de rapprocher les points de vue des organisations représentatives.

M. Nicolas About, président, a demandé s'il serait envisageable de prévoir que, dans le cas où l'urgence n'est pas invoquée à l'égard des partenaires sociaux, elle puisse être invoquée devant le Parlement.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a d'abord souligné que la réforme de la représentativité syndicale devrait constituer l'une des premières applications de la réforme du dialogue social. Elle a ensuite indiqué s'être interrogée sur l'utilité d'enserrer la procédure de concertation dans des délais stricts, mais a estimé, au vu de ses échanges avec des syndicalistes, qu'il serait illusoire de vouloir fixer à l'avance un délai pour la négociation, compte tenu de la diversité des sujets traités.

Après avoir affirmé son attachement au droit d'amendement parlementaire, elle a demandé si le projet de loi remet en cause le droit d'amendement du Gouvernement. Elle a également souhaité savoir si le Gouvernement compte s'abstenir de toute initiative pendant le déroulement de la négociation et si une telle pratique ne risque pas de ralentir le rythme d'avancement des réformes ; en effet, si l'on peut espérer que le projet de loi favorise une évolution des mentalités, gage d'une négociation rapide, la période de transition à venir risque d'être difficile à gérer. Enfin, elle a demandé dans quelles hypothèses le recours à l'urgence pourrait être invoqué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a estimé que le temps consacré à la concertation n'est pas du temps perdu, dans la mesure où il permet de préparer les esprits au changement. Il a cité l'exemple de la négociation sur l'emploi des seniors, qui a duré une année, mais qui trouve aujourd'hui des applications concrètes.

M. Nicolas About, président, a cependant fait observer qu'une pression des parlementaires peut parfois s'avérer nécessaire pour qu'une négociation aboutisse.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a ajouté que la négociation ne saurait, en tout état de cause, être interminable et que le Gouvernement aura in fine la maîtrise de sa durée.

Il a indiqué que l'urgence pourrait être invoquée lors d'une crise sanitaire, par exemple une épidémie justifiant une adaptation de la législation sur la durée du travail, ou lors d'une crise sociale grave.

Il a précisé par ailleurs que si le projet de loi ne porte pas atteinte au pouvoir d'amendement du Gouvernement, il lui serait cependant difficile de faire adopter d'importantes réformes par cette voie, en se dispensant de la phase de concertation.

M. Roland Muzeau a d'abord souligné qu'une plus grande concertation aurait sans doute permis d'éviter la crise du contrat première embauche (CPE) et conduit au rejet du contrat nouvelles embauches (CNE), qui est maintenant contesté devant les tribunaux.

Le groupe communiste républicain et citoyen, favorable à la démarche de concertation, n'a aucune raison de s'opposer frontalement à l'adoption de ce texte, mais il souhaite le compléter dans quatre directions :

- sur la question de la représentativité syndicale, il entend présenter l'amendement rédigé par la CGT et la CFDT, en dépit des quelques réserves qu'il peut avoir à son sujet, considérant qu'il convient de respecter le compromis obtenu par ces organisations syndicales ;

- sur la question des règles de validité des accords collectifs, il compte défendre le principe de l'accord majoritaire : un accord ne saurait être valable que s'il est signé par des organisations représentant une majorité des salariés, et non par des organisations majoritaires en nombre, afin de mettre un terme à des situations choquantes, dont le récent accord sur les intermittents du spectacle offre une nouvelle illustration ;

- il souhaite également réaffirmer l'importance de l'ordre public social et de la hiérarchie des normes en droit du travail ;

- enfin, il s'attachera à préserver le temps du Parlement et à préciser les règles de transpositions des directives.

M. Roland Muzeau a ajouté que la question de la représentativité des organisations patronales est également posée, dans la mesure où le Medef tente de s'arroger une représentativité dont il ne dispose pas dans les faits, comme en témoigne son opposition jusqu'ici infructueuse à l'accord signé par l'UPA, le 12 décembre 2001, pour le développement du dialogue social dans l'artisanat.

M. Louis Souvet a demandé au ministre de préciser ce qu'il entend lorsqu'il évoque un délai « raisonnable » pour le déroulement de la concertation, jugeant que cette incertitude risque d'être un facteur de conflits et de recours en justice. Il a souhaité savoir comment la France se positionne en matière de dialogue social par rapport aux pays étrangers comparables. Il a enfin appelé de ses voeux un investissement plus important dans la formation des cadres des organisations syndicales et patronales afin qu'ils se comprennent mieux.

Mme Marie-Thérèse Hermange a fait observer, sur ce dernier point, que les organisations syndicales et patronales allemandes partagent un même immeuble à Berlin et négocient en permanence.

Mme Gisèle Printz a regretté que le texte ne contienne aucune précision sur la manière dont les partenaires sociaux doivent faire connaître leur intention d'engager une négociation et a demandé pourquoi le Gouvernement a choisi de présenter ce texte si près de la fin de la législature.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a d'abord répondu à M. Roland Muzeau que la loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle tout au long de la vie et le dialogue social a déjà amorcé une transition vers l'affirmation du principe de l'accord majoritaire. Un bilan de l'application de cette loi est prévu en 2008 et pourra être suivi de nouvelles évolutions. Le Conseil économique et social propose de retenir, à titre transitoire, le principe d'une majorité relative avant d'appliquer la règle de l'accord majoritaire. Une concertation doit être menée avec les partenaires sociaux sur ce sujet.

En ce qui concerne la représentativité des organisations professionnelles, il a rappelé qu'elle n'obéit pas aux mêmes règles que celles des organisations syndicales : les organisations professionnelles doivent toujours prouver leur représentativité, alors qu'une liste de syndicats présumés représentatifs au niveau national est fixée par un arrêté de 1966.

Répondant ensuite à M. Louis Souvet, il a estimé que la France accuse un certain retard en matière de dialogue social. Il a cité l'exemple des Pays-Bas qui ont réussi à faire évoluer leurs pratiques depuis la conclusion de l'accord de Wassenaar en 1982. Il a indiqué que le projet de loi peut être rapproché de la procédure prévue à l'article 138 du traité instituant la Communauté européenne, qui donne la possibilité aux partenaires sociaux de se saisir des projets de réforme.

Sur la notion de « délai raisonnable », le ministre a souhaité que de nouveaux rapports s'établissent entre le Gouvernement et les partenaires sociaux et indiqué que le Parlement pourrait jouer un rôle d'aiguillon par le dépôt d'une proposition de loi.

Favorable à une meilleure formation des interlocuteurs syndicaux et patronaux, il a souhaité notamment une réforme des conditions de mise à disposition des salariés auprès des organisations syndicales et professionnelles.

En réponse à Mme Gisèle Printz, il a rappelé que le texte a fait l'objet d'une longue préparation et que son adoption est aujourd'hui demandée par les organisations syndicales et professionnelles. Il a souligné qu'il s'inspire de la « Position commune » arrêtée par les partenaires sociaux en 2001.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a indiqué que le rapport Chertier recommande une refonte des nombreuses instances consultatives existant dans le domaine social. Tout en admettant que cette question excède le champ du projet de loi, elle a souhaité qu'elle soit prochainement abordée.

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a précisé que le Gouvernement avait d'abord proposé de fusionner la CNNC, le CSE et le CNFPTLV, mais que les partenaires sociaux n'avaient pas souhaité procéder dès maintenant à une telle réforme. L'idée d'une rationalisation de ces structures n'est cependant pas abandonnée et pourrait être posée en des termes nouveaux une fois que la réforme de la représentativité aura été effectuée.

En réponse à Mme Isabelle Debré, qui demandait dans quel délai cette réforme pourrait intervenir, le ministre a indiqué qu'il compte débuter ses consultations à la fin du mois de janvier puis effectuer un premier point d'étape devant la CNNC le 6 février 2007.

Mercredi 10 janvier 2007

- Présidence de M. Nicolas About, président, puis de M. Alain Gournac, vice-président -

Syndicats - Modernisation du dialogue social - Première table ronde

La commission a procédé à plusieurs auditions préparatoires à l'examen du projet de loi n° 117 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de modernisation du dialogue social.

Elle a organisé une première table ronde réunissant Mmes Michèle Biaggi, secrétaire confédérale chargée de la négociation collective et Delphine Borgel-Peress, membre de la commission nationale de la négociation collective, de la confédération générale du travail - force ouvrière (CGT-FO), M. Dominique Olivier, secrétaire confédéral de la confédération française démocratique du travail (CFDT), M. Pierre-Jean Rozet, membre de la commission exécutive confédérale de la confédération générale du travail (CGT), M. Bernard Valette, secrétaire national du pôle « développement-action » et Mme Mira Bevilacqua, de la confédération française de l'encadrement - confédération générale des cadres (CFE-CGC) et MM. Bernard Vivier, vice-président confédéral, et Philippe Louis, trésorier confédéral de la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a d'abord souhaité savoir de quelle manière les organisations syndicales sont aujourd'hui associées à l'élaboration des normes en droit du travail et ce qu'apporte le projet de loi par rapport aux pratiques en vigueur.

Mme Michèle Biaggi, secrétaire confédérale chargée de la négociation collective de la CGT-FO, a répondu que les syndicats demandent à être consultés sur les mesures qui affectent la vie des salariés afin d'éviter qu'une crise comme celle du contrat première embauche (CPE) ne se reproduise. Elle a ajouté que les syndicats sont généralement consultés par le Gouvernement mais rarement écoutés.

M. Dominique Olivier, secrétaire confédéral de la CFDT, a indiqué que les partenaires sociaux ont connu le meilleur comme le pire en matière de dialogue social : il est arrivé que la loi reprenne intégralement le contenu d'un accord collectif, comme le montre l'exemple de la loi du 4 mai 2004 sur la formation professionnelle ; à l'inverse, dans le cas du CPE, les syndicats ont été ignorés. Le projet de loi vise à généraliser le meilleur.

M. Nicolas About, président, a demandé quel rôle conserverait le Parlement si le respect du dialogue social lui impose de reprendre intégralement l'accord conclu par les partenaires sociaux.

M. Dominique Olivier a indiqué que la CFDT ne souhaite pas que les partenaires sociaux se substituent au législateur : la démocratie sociale doit compléter la démocratie politique mais n'a pas vocation à la supplanter.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a demandé s'il ne faut pas craindre de voir la place du Parlement amoindrie par l'adoption de la réforme du dialogue social.

M. Pierre-Jean Rozet, membre de la commission exécutive confédérale de la CGT, a souligné que les syndicats sont, le plus souvent, consultés sur les projets de réforme du Gouvernement ; mais il arrive que des dispositions soient adoptées par voie d'amendement, sans aucune concertation préalable : la loi du 2 août 2005, en faveur des petites et moyennes entreprises, a fait passer de cette manière la durée du mandat des élus du personnel de deux à quatre ans.

Il a ensuite regretté que le projet de loi n'aborde pas la question des règles de validité des accords collectifs, alors qu'elle n'est pas sans incidence sur le déroulement du débat parlementaire. A titre d'illustration, il a évoqué la loi du 4 mai 2004, sur la formation professionnelle tout au long de la vie et le dialogue social, qui a repris intégralement les termes de l'accord unanime conclu par les partenaires sociaux sur la formation professionnelle, mais qui s'est en revanche écartée, sur certains points, des principes fixés par la « position commune » du 16 juillet 2001, sur les voies et moyens de l'approfondissement de la négociation collective, dans la mesure où celle-ci n'avait été approuvée que par une partie des organisations représentatives.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a demandé si la question de la validité des accords ne devrait pas être soumise à la nouvelle procédure de concertation introduite par le projet de loi.

M. Pierre-Jean Rozet a souligné qu'il n'y a pas d'accord entre les organisations syndicales et patronales sur ce sujet. L'avis du Conseil économique et social du 29 novembre 2006 a mis en évidence ces divergences.

M. Bernard Valette, secrétaire national du pôle « développement-action » de la CFE-CGC, a insisté sur l'importance des problèmes de méthode. Afin que la démocratie sociale et la démocratie politique n'entrent pas en concurrence, il faut veiller à ce que les parlementaires soient bien informés sur les points d'équilibre sous-tendant un accord. Ceci fait, le pouvoir politique demeure libre de modifier les équilibres négociés mais il agit alors en toute connaissance de cause et assume sa responsabilité.

M. Bernard Vivier, vice-président confédéral de la CFTC, a estimé que les autorités politiques et les partenaires sociaux ont des rôles complémentaires. Il a regretté que les syndicats soient insuffisamment associés aux réformes, situation qui peut s'expliquer par une caractéristique culturelle typiquement française portant à considérer que le bien commun est défini par l'Etat. Il a souhaité que la France se rapproche des pratiques en vigueur dans les autres pays européens qui accordent une plus large place au dialogue social. Le projet de loi constitue, à cet égard, une avancée très importante, même si certaines organisations, patronales notamment, auraient souhaité aller plus loin et demandent une révision constitutionnelle.

Toutefois, le contrat ne saurait suffire seul à réguler le champ social et la loi conserve son utilité ; le rapport de force entre partenaires sociaux est parfois trop inégal pour aboutir à un accord satisfaisant et l'intervention du législateur peut permettre de débloquer une négociation. Ainsi en 1958, l'incapacité des partenaires sociaux à faire aboutir leur négociation sur la création du régime d'assurance chômage a amené le général de Gaulle à menacer d'intervenir, par la voie législative, si un accord n'était pas conclu avant le 31 décembre ; cette pression politique a permis la conclusion d'un accord obtenu à l'extrême limite du délai fixé.

Sur la question de la validité des accords, il a indiqué que la plupart des organisations représentatives souhaitent avant tout que la loi du 4 mai 2004 soit bien appliquée avant d'envisager d'aller plus loin.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a demandé si toutes les modifications du code du travail, même les plus techniques, doivent faire l'objet de la procédure de concertation et si elle doit s'appliquer aussi aux amendements.

M. Nicolas About, président, a estimé qu'il convient de distinguer les amendements parlementaires de ceux déposés par le Gouvernement.

M. Pierre-Jean Rozet a répondu qu'il serait souhaitable que les parlementaires connaissent au moins le positionnement des organisations syndicales sur les amendements déposés.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a fait observer qu'il est difficilement envisageable, pour des raisons pratiques, de procéder à une consultation sur tous les amendements.

M. Bernard Valette a indiqué que même les sujets les plus techniques en apparence, comme la recodification du code du travail, peuvent avoir des implications importantes et qu'il convient donc de les soumettre tous à concertation. En ce qui concerne le droit d'amendement, l'essentiel est de s'assurer que l'équilibre de l'accord négocié par les partenaires sociaux est préservé.

Mme Michèle Biaggi a estimé que beaucoup d'amendements ont une véritable portée politique et jugé utile de consulter les organisations syndicales avant le débat en séance publique, ce qui implique que les commissions des affaires sociales des deux assemblées aient les moyens d'effectuer un travail plus approfondi.

M. Nicolas About, président, a rappelé que la navette parlementaire permet de réexaminer les dispositions votées par une assemblée et, éventuellement, de les modifier ou de les supprimer.

M. Bernard Valette a considéré que les partenaires sociaux ont pris une mauvaise habitude consistant à négocier un accord, puis à procéder ensuite à un véritable lobbying auprès des parlementaires pour obtenir par la loi ce qu'ils n'ont pas obtenu par la négociation.

M. Dominique Olivier a affirmé que le projet de loi marque une avancée historique qui nous rapproche des meilleurs modèles européens. Il a demandé que la concertation soit systématique car des mesures apparemment techniques peuvent être lourdes de conséquence. Il a cité le cas des procédures de normalisation technique, auxquelles les syndicats sont très peu associés, alors qu'elles peuvent concerner la responsabilité sociale et sociétale des entreprises. Il a également demandé que la réforme du dialogue social soit complétée par une révision des règles de validité des accords collectifs.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a souhaité qu'une réflexion soit menée sur le déroulement du travail parlementaire et que de nouvelles méthodes s'imposent ; on pourrait envisager de modifier le Règlement des assemblées pour garantir aux commissions des affaires sociales un temps d'examen des textes suffisant pour procéder à des consultations, y compris sur les amendements extérieurs.

Elle a ensuite fait observer que le projet de loi n'enferme la procédure de concertation et la négociation dans aucun délai et a demandé aux représentants des organisations syndicales s'ils sont satisfaits de ce choix.

M. Pierre-Jean Rozet a jugé difficile de fixer un délai unique applicable à toutes les négociations mais a admis qu'une telle limitation pourrait peut-être permettre, dans certains cas, de débloquer des discussions enlisées, par exemple la négociation en cours sur la pénibilité au travail.

Mme Michèle Biaggi a estimé le texte satisfaisant en l'état. Tous les représentants syndicaux ont cependant fait l'expérience de négociations particulièrement longues, qui plaident pour la fixation de dates butoirs sur certains sujets.

M. Bernard Vivier a également jugé le texte satisfaisant et souhaité que la loi laisse une grande liberté aux organisations représentatives. Il a indiqué qu'une négociation peut parfois échouer puis reprendre quelques années plus tard pour finalement aboutir, comme ce fut le cas pour la réforme de la formation professionnelle.

M. Bernard Valette a également plaidé pour un grand pragmatisme et souhaité que la pratique modèle les contours de la future procédure.

M. Dominique Olivier a demandé que la procédure conserve beaucoup de souplesse et précisé que les partenaires sociaux fixeraient eux-mêmes une date butoir pour l'achèvement de leur négociation. Fixer un délai trop long - trois ans par exemple pour la négociation sur la pénibilité - n'incite pas réellement à négocier. A son sens, le patronat avait décidé d'emblée que cette négociation n'aboutirait pas et ce type de comportement devrait être sanctionné, dans la mesure où il fait perdre beaucoup de temps aux partenaires sociaux.

A Mme Catherine Procaccia, rapporteur, qui demandait si l'adoption du projet de loi de modernisation du dialogue social évitera à l'avenir de tels comportements, il a précisé que la nouvelle procédure permettrait au pouvoir politique de menacer de reprendre le dossier en main dans le cas où la négociation s'éternise.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a ensuite souhaité obtenir des précisions sur les conditions d'ouverture des négociations, dans la mesure où le texte n'indique pas si cette ouverture suppose une participation de toutes les organisations représentatives ou d'une partie seulement d'entre elles.

M. Bernard Vivier a déclaré que, en pratique, la négociation s'ouvre s'il y a un accord général : les syndicats ne manquent pas les grands rendez-vous proposés par le patronat.

M. Pierre-Jean Rozet a expliqué, cependant, que les partenaires sociaux ne constituent pas une entité homogène et qu'il faut donc s'interroger sur la conduite à tenir si une organisation syndicale ou patronale refuse de participer à la négociation. Il a cité l'exemple de l'accord signé par l'UPA, le 12 décembre 2001, pour le développement du dialogue social dans l'artisanat, qui a été conclu sans la participation du Medef.

M. Dominique Olivier a considéré pour sa part qu'il serait nécessaire qu'une majorité des organisations syndicales et professionnelles accepte de participer à la négociation pour que celle-ci ait un intérêt. Exiger la participation de la totalité des organisations serait en revanche excessivement contraignant. Ce principe étant posé, on peut cependant se demander s'il faut rechercher la participation d'une majorité des organisations en nombre ou la participation d'organisations représentant la majorité des salariés.

Mme Michèle Biaggi a estimé qu'il convient de distinguer deux questions : celle des relations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux d'une part, celle des conditions de validité des accords conclus, d'autre part. Elle a rappelé que la loi du 4 mai 2004, qui a posé les règles actuelles de validité des accords, prévoit qu'un bilan sera effectué à la fin de l'année 2007 et a proposé d'attendre ce bilan avant d'aller plus loin. Puis elle a regretté que les organisations syndicales soient dépendantes de la volonté des organisations patronales pour la convocation ou non d'une négociation. La « position commune » de 2001 prévoyait un « droit de saisine » des organisations syndicales mais ce principe est resté lettre morte.

M. Bernard Valette a considéré que si certaines organisations syndicales ne sont pas satisfaites des conditions actuelles de validité des accords, le projet de loi de modernisation du dialogue social ne constitue pas le véhicule adapté pour les réformer. Il a rappelé qu'il suffit d'une organisation syndicale et d'une organisation patronale pour signer un accord national interprofessionnel, mais que la validité de l'accord peut ensuite être remise en cause si les autres organisations exercent leur droit d'opposition. Chaque organisation doit donc prendre ses responsabilités vis-à-vis des salariés.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, s'est interrogée sur les hypothèses dans lesquelles le Gouvernement pourrait avoir recours à la procédure d'urgence, envisagée à l'article premier, et a demandé si l'exigence de motivation posée par l'Assemblée nationale satisfait les organisations syndicales.

M. Dominique Olivier a approuvé cette exigence de motivation et a considéré que l'urgence doit constituer l'exception, par exemple le cas souvent évoqué d'une pandémie de grippe aviaire qui aurait effectivement de lourdes conséquences sur les relations sociales.

M. Pierre-Jean Rozet, rappelant que presque tous les textes sociaux ont été examinés par le Parlement en urgence depuis 2002, a souhaité que la notion d'urgence figurant dans le texte ne soit pas interprétée de la même manière que l'urgence prévue dans la procédure parlementaire.

M. Bernard Valette s'est déclaré satisfait du texte adopté par l'Assemblée nationale et a estimé qu'il n'appartient pas aux partenaires sociaux de définir les cas dans lesquels le Gouvernement pourrait avoir recours à l'urgence.

M. Nicolas About, président, a souligné que les organisations représentatives pourraient contester en justice la motivation avancée pour justifier l'urgence.

Mme Michèle Biaggi a confirmé que la déclaration d'urgence devra conserver un caractère exceptionnel.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a indiqué que des hypothèses telles qu'un grave phénomène climatique ou un effondrement du système informatique pourraient justifier le recours à l'urgence, mais qu'elles sont, en tout état de cause, en nombre limité. Elle a ensuite demandé si les changements introduits par le projet de loi devraient, à l'avenir, être complétés par d'autres réformes, notamment sur la question de la représentativité syndicale.

M. Bernard Vivier a insisté sur la notion de pacte social : les équilibres sociaux doivent résulter d'une concertation entre l'Etat et les organisations représentatives, qui ont des approches complémentaires.

Mme Michèle Biaggi a considéré que le débat sur la représentativité est désormais ouvert et qu'il convient de laisser vivre la négociation avant de trancher.

M. Bernard Valette a rappelé que la procédure de concertation instaurée par le projet de loi ne concerne que les modifications du code du travail et a demandé que les organisations syndicales soient informées plus largement des projets de réformes du Gouvernement, notamment lorsqu'ils portent sur la protection sociale.

M. Dominique Olivier a indiqué que la CGT et la CFDT souhaitent l'adoption d'un amendement réformant les règles de la représentativité syndicale, afin d'améliorer le fonctionnement de la démocratie sociale. Aujourd'hui, un accord peut être valablement signé par une seule organisation syndicale, si les autres s'abstiennent d'exercer leur droit d'opposition, et chaque organisation se voit reconnaître le même poids. L'amendement proposé pose un principe : la représentativité syndicale doit être mesurée à partir du résultat des élections professionnelles organisées sur le lieu de travail.

Dans la mesure où les positions des partenaires sociaux sur la réforme de la représentativité sont divergentes, il appartient au pouvoir politique de trancher et de poser le principe de la réforme. Elle implique l'abandon de la présomption irréfragable de représentativité accordée à cinq syndicats, dont la CGT et la CFDT, et n'est donc pas sans risque pour ces deux organisations.

Il a jugé opportun de poser ce principe dès à présent, dans la mesure où la réforme aura ensuite des prolongements longs à mettre en oeuvre. La moitié des salariés français travaillent dans des entreprises qui ne disposent d'aucune représentation du personnel et qui n'organisent donc pas d'élections. Par conséquent, il faudrait envisager de regrouper ces entreprises, sur une base territoriale et sectorielle, pour garantir le dialogue social dans ces entreprises, en s'inspirant par exemple des pratiques déjà en vigueur dans le monde agricole.

Après avoir affirmé son attachement au développement du dialogue social, Mme Marie-Thérèse Hermange a demandé quelle serait l'attitude des organisations syndicales si une loi est proposée pour transposer un accord négocié par les partenaires sociaux au niveau européen.

M. Pierre-Jean Rozet a indiqué que la procédure de dialogue social prévue au niveau communautaire est en pratique rarement utilisée. La plupart des textes sont donc élaborés par la Commission européenne. Les directives laissent une marge d'appréciation aux Etats membres pour en assurer la transposition et il conviendra donc de veiller à ce que cette transposition soit la plus favorable possible aux salariés.

Mme Michèle Biaggi a fait observer que la transposition de l'accord négocié au niveau européen sur le stress est toujours en attente, puisqu'elle est abordée dans le cadre de la négociation sur la pénibilité au travail.

M. Dominique Olivier a lui aussi estimé que la transposition des directives ouvre un espace au dialogue social ; il a cité l'exemple de la directive réformant la médecine du travail, dont la transposition a donné lieu à une négociation, ayant abouti à un accord en septembre 2002, mis en oeuvre ensuite par décret.

Sur la question de la validité des accords, il a souligné que certaines organisations syndicales proposent d'abandonner la règle de la majorité d'opposition pour opter pour la règle de la majorité d'engagement.

M. Bernard Valette a estimé que ce dernier point est hors sujet et que le récent avis du Conseil économique et social a fait apparaître des divisions de fond sur cette question.

M. Louis Souvet a demandé si le syndicalisme français, dont les règles de représentativité n'ont pas évolué depuis des décennies, n'est pas menacé de sclérose.

M. Roland Muzeau a lui aussi considéré que ces règles sont aujourd'hui dépassées et a fait part de son intention de défendre en séance l'amendement soutenu par la CGT et la CFDT, dont les modalités d'application devront ensuite être précisées de manière négociée.

M. Alain Gournac, président, a, en revanche, plaidé pour une certaine prudence, considérant que les évolutions sur ce sujet sensible doivent être maîtrisées.

Mme Michèle Biaggi s'est déclarée prête à engager le débat sur la représentativité syndicale et a souhaité que le respect des valeurs républicaines figure parmi les critères retenus.

M. Pierre-Jean Rozet a jugé que le vote du projet de loi sans l'adoption de l'amendement sur la représentativité laisserait le sentiment d'une occasion manquée ; la représentativité ne doit plus être octroyée mais fondée sur le vote des salariés.

M. Bernard Valette a pour sa part estimé que la principale difficulté réside dans la faiblesse du taux de syndicalisation : la question de la représentativité se poserait différemment si 20 % ou 30 % des salariés étaient syndiqués.

M. Bernard Vivier a indiqué que le dialogue social est une réalité dans notre pays, rappelant que 97 % des salariés sont couverts par un accord collectif. Il a souhaité que la réflexion sur la représentativité syndicale mûrisse afin de dépasser le stade des slogans.

Pour conclure, M. Alain Gournac, président, a souhaité que les occasions de dialogue entre la commission et les partenaires sociaux se multiplient et s'est déclaré très satisfait que le problème de l'adhésion aux syndicats ait été posé.

Syndicats - Modernisation du dialogue social - Seconde table ronde

La commission a ensuite organisé une seconde table ronde réunissant MM. Jacques Creyssel, directeur général, Guillaume Ressot, directeur adjoint chargé des affaires publiques du mouvement des entreprises de France (Medef), MM. Jean-François Veysset, vice-président chargé des affaires sociales, Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), et MM. Pierre Burban, secrétaire général, et Guillaume Tabourdeau, chargé des relations avec le Parlement, de l'union professionnelle artisanale (UPA).

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a d'abord demandé de quelle manière les organisations patronales étaient associées, jusqu'à présent, à l'élaboration des réformes touchant au droit du travail et a souhaité connaître l'apport du projet de loi par rapport aux pratiques en vigueur.

M. Pierre Burban, secrétaire général de l'UPA, a estimé que le projet de loi marque une avancée significative. Les organisations patronales et syndicales sont certes associées, depuis 1945, à l'élaboration des normes sociales et assurent la gestion de certains régimes, l'assurance chômage et les régimes de retraites complémentaires notamment, mais les interventions politiques dans le champ du paritarisme sont de plus en plus fréquentes. Le texte s'inscrit dans le prolongement de la loi du 4 mai 2004, sur la formation professionnelle tout au long de la vie et le dialogue social, qui pose déjà, dans son préambule, le principe d'une concertation préalable à toute réforme, sans que ce principe soit toutefois toujours respecté. Une réforme constitutionnelle aurait cependant été sans doute préférable à l'adoption d'une loi ordinaire. Pour autant, les partenaires sociaux ne demandent pas à devenir des législateurs mais simplement à être associés aux réformes.

M. Jacques Creyssel, directeur général du Medef, a déclaré partager ce point de vue : le projet de loi constitue une première étape utile, mais qui devrait être complétée par une révision constitutionnelle.

La concertation entre le Gouvernement et les partenaires sociaux revêt aujourd'hui des formes variées. Certains textes gouvernementaux sont adoptés après une consultation très formelle des partenaires sociaux, dans le cadre par exemple des réunions de la commission nationale de la négociation collective (CNNC). D'autres textes sont au contraire directement issus d'un accord des partenaires sociaux, comme ce fut le cas pour la réforme de la formation professionnelle, reprise dans la loi du 4 mai 2004. Cependant, lorsque l'intervention du législateur est nécessaire pour transcrire l'accord dans la loi, il arrive que les partenaires sociaux interviennent auprès des parlementaires pour tenter de remettre en cause l'équilibre issu de la négociation. Cette possibilité « d'appel » pervertit le déroulement de la négociation et déresponsabilise ses acteurs. Des initiatives gouvernementales peuvent également remettre en cause a posteriori l'équilibre de l'accord ; des propositions sont par exemple régulièrement formulées pour faire évoluer le régime du droit individuel à la formation (Dif) défini par les partenaires sociaux dans leur accord sur la formation professionnelle.

M. Nicolas About, président, a fait observer que le Medef suggère parfois lui aussi des amendements remettant en cause l'équilibre d'un accord négocié.

M. Jacques Creyssel a reconnu que la déresponsabilisation qu'il dénonçait concerne également le Medef et qu'il convient donc de clarifier les règles.

A cet égard, le droit communautaire offre des garanties aux négociateurs dont il serait bon de s'inspirer : les institutions européennes ne peuvent intervenir pendant le temps de la négociation et le Conseil est ensuite tenu de reprendre l'accord dans son intégralité ou de l'écarter. Le projet de loi de modernisation du dialogue social prévoit une concertation sur tous les textes, avec un éventuel renvoi à la négociation, mais ne garantit pas que le contenu de l'accord conclu sera obligatoirement respecté. C'est pourquoi une révision constitutionnelle serait utile afin d'apporter aux organisations représentatives cette garantie supplémentaire.

M. Jean-François Veysset, vice-président chargé des affaires sociales de la CGPME, s'est pour sa part félicité de la présentation de ce projet de loi, même s'il est vrai que l'information et la consultation des partenaires sociaux sont déjà fréquentes. La CGPME souhaite toutefois que le rôle du législateur soit maintenu, conformément à son souci de promouvoir un libéralisme tempéré. Soulignant que les partenaires sociaux ne pourraient se saisir de tous les dossiers à la fois, il a plaidé pour que la procédure de concertation ne soit pas enfermée dans des délais impératifs.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a demandé dans quelles hypothèses le Gouvernement pourrait avoir recours à la procédure d'urgence, envisagée à l'article premier, et si l'exigence de motivation posée par l'Assemblée nationale en cas de déclaration d'urgence constitue une avancée.

M. Pierre Burban a souligné que la déclaration d'urgence doit demeurer l'exception et être réservée à des événements graves. L'exigence de motivation constitue à ce titre un progrès.

M. Jacques Creyssel a indiqué partager cet avis et estimé que le recours à l'urgence relève du domaine de la responsabilité politique.

M. Jean-François Veysset a fait part de sa préoccupation sur un point : dans la mesure où un nombre important de directives communautaires sont en retard de transposition, il ne faudrait pas que l'urgence soit invoquée pour procéder à leur transposition en se dispensant de la phase de concertation.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a douté que l'urgence puisse être déclarée pour ce motif. Elle a ensuite demandé comment la concertation pourrait être améliorée entre le Gouvernement et les partenaires sociaux et comment le droit d'amendement s'exercera après la conclusion d'un accord.

M. Jacques Creyssel a répondu que l'essentiel est de préserver l'équilibre obtenu par la négociation. Le Président de la République, dans son discours prononcé devant le Conseil économique et social le 10 octobre 2006, a évoqué la possibilité de transcrire les accords par voie d'ordonnances. Il s'agit là d'une piste qui devrait être creusée. Le dépôt d'une proposition de loi pourrait être le moyen de contourner la procédure de concertation, mais on ne peut résoudre ce problème sans passer par une révision constitutionnelle.

M. Pierre Burban a souligné que le temps consacré à la concertation en amont de la décision politique est gagné en aval et a déclaré avoir confiance dans l'esprit de responsabilité de tous les acteurs. Dans plusieurs pays étrangers, certaines matières sont régies uniquement par la négociation entre partenaires sociaux.

M. Nicolas About, président, a toutefois fait observer que la légitimité des accords dépend de la représentativité des organisations signataires. Le politique peut ne se sentir tenu de respecter un accord que si celui-ci jouit d'une profonde légitimité.

M. Jacques Creyssel a répondu que le Medef est favorable à ce que l'on distingue un champ d'intervention du législateur et un champ d'action autonome des partenaires sociaux, avec éventuellement un champ intermédiaire de compétences partagées. Ce type de partage des compétences prévaut dans la plupart des pays voisins.

Sur la question de la représentativité syndicale, des clivages sont apparus au Conseil économique et social. S'il est vrai que les règles doivent évoluer - la jurisprudence retient d'ailleurs des critères de représentativité plus modernes que ceux fixés par décret - il n'est pas souhaitable de passer d'un syndicalisme d'adhésion à un syndicalisme d'élection comme le préconisent certaines organisations. Un tel changement risquerait de conduire à une augmentation du nombre d'organisations et à une diminution de leurs effectifs. Il conduirait, de plus, à une confusion entre démocratie sociale et démocratie politique dont on mesure mal la portée.

La question de la représentativité patronale ne se pose pas dans les mêmes termes que celle de la représentativité syndicale. Les règles en vigueur ont permis de faire évoluer le paysage patronal, comme l'atteste la reconnaissance de la représentativité de l'UPA. En tout état de cause, la représentativité du Medef est incontestée et il n'y aurait aucun bénéfice à augmenter encore le nombre d'organisations prenant part au dialogue social.

M. Jean-François Veysset a souligné qu'il convient de prendre en compte les organisations qui représentent véritablement les entreprises. Localement, les organisations qui participent aux négociations doivent également être rattachées aux organisations reconnues représentatives au niveau national.

M. Pierre Burban a confirmé que l'approfondissement du dialogue social dépend de la légitimité de ses acteurs. Le système peut évoluer comme le montre la reconnaissance de la représentativité de l'UPA en 1983. La réflexion sur la représentativité syndicale doit cependant encore être poursuivie et se pose différemment suivant les branches professionnelles. Les critères de représentativité doivent être réformés en conservant toutefois une place importante au critère du nombre d'adhérents.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, s'est interrogée sur les conditions de représentation des professions libérales et des entreprises agricoles, qui disposent de leurs propres organisations professionnelles, l'UNAPL et la FNSEA.

Après avoir rappelé que ces organisations ont un caractère sectoriel et non interprofessionnel, M. Jacques Creyssel a indiqué que le Medef associe toujours un représentant des professions libérales à ses délégations et qu'il nomme au conseil d'administration de l'Unedic des personnalités présentées par ces deux organisations. S'il est toujours possible de placer les professions libérales et les entreprises agricoles en dehors du champ d'application d'un accord interprofessionnel, il serait malvenu de reconnaître à l'UNAPL et à la FNSEA la qualité d'organisations signataires.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a souligné que le projet de loi n'enferme la procédure de concertation et de négociation dans aucun délai et a demandé si ce choix ne risque pas de ralentir la mise en oeuvre des réformes, certaines négociations - celle en cours sur la pénibilité au travail par exemple - pouvant se révéler fort longues.

M. Jacques Creyssel a estimé que la négociation sur la pénibilité constitue un cas particulier : elle vise à avancer l'âge de départ en retraite et entre en complète contradiction avec l'objectif poursuivi, par ailleurs, d'augmentation du taux d'emploi des seniors.

Se félicitant de la brièveté du texte, il a jugé difficile de fixer a priori la durée de la négociation et a marqué sa préférence pour une autorégulation par les partenaires sociaux.

M. Jean-François Veysset a également jugé préférable de ne pas s'enfermer dans des délais qui ne pourront peut-être pas être respectés, compte tenu de l'agenda des réformes. Il convient, en revanche, d'examiner régulièrement l'état d'avancement des négociations.

M. Pierre Burban a précisé que le délai de la négociation serait fixé par les partenaires sociaux eux-mêmes, en tenant compte du calendrier de réformes indiqué par le Gouvernement.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a souhaité connaître l'avis des représentants des organisations patronales sur une proposition contenue dans le rapport Chertier, consistant à regrouper les nombreuses instances de consultation existant en matière sociale.

M. Jacques Creyssel a indiqué que le Medef partage le diagnostic établi par ce rapport et son objectif de simplification. Cependant, les propositions qui ont été faites, à ce sujet, par le Gouvernement ne sont pas apparues satisfaisantes et cette idée a finalement été abandonnée.

M. Pierre Burban a souhaité que le prochain Gouvernement reprenne ce dossier et a jugé utile de soumettre à un examen critique la totalité de ces instances, et non pas seulement celles dépendant du ministère du travail.

M. Jean-François Veysset a demandé que l'on évite de multiplier les instances consultatives, qui traitent parfois des mêmes sujets, et que leur rôle soit mieux défini.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a demandé si les organisations patronales souhaitent que le projet de loi soit modifié, et si oui dans quel sens.

M. Pierre Burban a estimé que le projet de loi est satisfaisant en l'état et indiqué que l'UPA ne demande aucun amendement au texte.

Toutefois, demeure posée la question du développement du dialogue social dans les PME ; 37 % des salariés du secteur privé travaillent dans des entreprises de moins de vingt salariés. L'UPA a signé à cette fin un accord, le 12 décembre 2001, sur le développement du dialogue social dans l'artisanat, qui a été contesté en justice par les autres organisations patronales.

M. Jean-François Veysset a indiqué que le Medef et la CGPME n'avaient pas été invités à participer à la négociation ayant abouti à cet accord, alors qu'ils comptent des artisans parmi leurs adhérents. Il a déploré que cet accord impose un effort financier aux entreprises et fait observer que d'autres branches professionnelles se sont organisées différemment.

M. Jacques Creyssel a déclaré que le Medef est satisfait de l'équilibre atteint par le projet de loi et ne demande aucune modification.

En ce qui concerne l'accord signé par l'UPA, il l'a jugé contraire au principe fermement défendu par le Medef de liberté d'association, dans la mesure où il impose le versement d'une contribution à des entreprises qui ne sont pas adhérentes à l'organisation signataire de l'accord.

Mme Isabelle Debré a estimé très positif le consensus suscité par le projet de loi et a fait valoir que la crédibilité et la légitimité des organisations syndicales dépendent surtout de leur nombre d'adhérents.

M. Jean-François Veysset a rappelé que telle n'est pourtant pas l'orientation retenue dans l'avis du Conseil économique et social et a considéré que l'on ne peut déduire la représentativité d'un syndicat de son résultat aux élections prud'homales. Les partenaires sociaux doivent être en mesure de prendre des décisions qui ne soient pas remises en cause par la rue.

M. Jacques Creyssel a approuvé la prise de position de Mme Isabelle Debré et rappelé que seulement 4 % des salariés du secteur privé sont syndiqués. Pour augmenter le nombre de syndiqués, on pourrait envisager de réserver le bénéfice des accords collectifs aux seuls salariés membres des organisations signataires, comme c'est le cas en Belgique et dans les pays du nord de l'Europe. Une telle mesure est cependant peu conforme à la tradition française. C'est pourquoi il est important d'accroître les responsabilités confiées aux syndicats, afin que les salariés aient le sentiment qu'il est utile d'adhérer à ces organisations.

M. Pierre Burban a précisé que l'accord du 12 décembre a vu sa validité confirmée par le Conseil d'Etat, ainsi que par le tribunal de grande instance et la cour d'appel de Paris, et estimé que les défaillances du dialogue social dans les très petites entreprises imposent de rechercher de nouvelles modalités de mutualisation.

Missions communes d'information - Fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle - Sécurité d'approvisionnement électrique de la France - Désignation des membres

La commission a procédé à la désignation des membres appelés à représenter la commission au sein de missions communes d'information. Elle a désigné :

Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mme Valérie Létard, M. Roland Muzeau, Mmes Gisèle Printz, Janine Rozier, M. Bernard Seillier, Mme Esther Sittler et M. Louis Souvet pour la mission d'information commune sur le fonctionnement des dispositifs de formation professionnelle ;

- MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Domeizel et Michel Esneu, pour la mission d'information commune sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver.

Organisme extraparlementaire - Comité national de l'organisation sanitaire et sociale - Désignation d'un candidat

Enfin la commission a désigné Mme Sylvie Desmarescaux, en qualité de membre titulaire, pour siéger au sein du Comité national de l'organisation sanitaire et sociale.

Jeudi 11 janvier 2007

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Syndicats - Modernisation du dialogue social - Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de Mme Catherine Procaccia sur le projet de loi n° 117 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, de modernisation du dialogue social.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a souligné que le projet de loi de modernisation du dialogue social marque, en dépit de sa brièveté, une étape importante de l'histoire des relations sociales dans notre pays.

Pour autant, ce texte ne peut être considéré comme une réponse à la crise du contrat première embauche (CPE), puisque le Premier ministre a lancé dès décembre 2005 le processus qui a abouti à son élaboration : il a d'abord demandé à Dominique-Jean Chertier, ancien conseiller social de Jean-Pierre Raffarin, de faire des propositions sur les moyens d'améliorer le dialogue entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, puis a procédé à plusieurs séries d'entretiens bilatéraux avec les organisations syndicales et professionnelles, avant de consulter la commission nationale de la négociation collective en novembre 2006.

La réforme vise à améliorer le dialogue entre le Gouvernement et les partenaires sociaux sur l'élaboration des réformes touchant au droit du travail, pour sortir de la logique du conflit qui a trop longtemps prévalu en France.

Aujourd'hui peu organisée, la concertation préalable à l'adoption de ces réformes est de qualité et de portée très variables selon les dossiers. Il arrive que les partenaires sociaux soient étroitement associés à leur conception ; le législateur renvoie même parfois à la négociation collective le soin de définir les contours de la réforme, avant de reprendre les termes de l'accord ainsi conclu. Ce fut le cas pour élaborer la convention de reclassement personnalisé en 2005 ou le plan pour l'emploi des seniors en 2006. Mais il arrive aussi, comme la crise du CPE l'a montré, que les pouvoirs publics, dans un souci de rapidité, choisissent d'agir seuls et négligent complètement la phase de concertation.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a indiqué que le projet de loi tend donc à généraliser les meilleures pratiques, en formalisant et en systématisant la concertation avec les partenaires sociaux. Il repose sur le triptyque suivant : concertation, consultation et information.

Concertation tout d'abord. Le texte prévoit que toute réforme touchant aux relations du travail, à l'emploi ou à la formation professionnelle, fera obligatoirement l'objet d'une concertation avec les organisations patronales et syndicales, en vue de l'ouverture d'une négociation nationale interprofessionnelle. Cette phase de concertation s'appuiera sur un document d'orientation remis par le Gouvernement aux partenaires sociaux et présentant des éléments de diagnostic, les orientations poursuivies et les principales options. Les partenaires sociaux, s'ils le souhaitent, pourront informer le Gouvernement de leur intention d'engager une négociation, en indiquant le délai qu'ils jugent nécessaire pour la mener à bien.

Le Gouvernement pourra cependant se dispenser d'appliquer cette procédure en cas d'urgence. Pour mieux encadrer cette dérogation, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui impose au Gouvernement de motiver sa décision de déclarer l'urgence et d'en informer les partenaires sociaux. L'urgence ne devrait être utilisée que dans des cas exceptionnels comme une crise sanitaire, par exemple.

Consultation ensuite. Le projet de loi prévoit que le Gouvernement devra soumettre aux différentes instances du dialogue social - commission nationale de la négociation collective, comité supérieur de l'emploi et conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie - les projets de loi et de décret élaborés au vu des résultats de la concertation et de la négociation. Les partenaires sociaux, qui siègent dans ces structures, auront ainsi l'occasion d'exprimer leur point de vue et pourront notamment faire part de leur désapprobation si le texte présenté par le Gouvernement s'éloigne sensiblement de l'accord qu'ils auront préalablement conclu.

Information enfin. Le projet de loi institue un rendez-vous annuel d'échanges entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, dans le cadre de la commission nationale de la négociation collective. Le Gouvernement devra présenter les orientations de sa politique en matière de travail, d'emploi et de formation professionnelle, ainsi que le calendrier des réformes envisagées. Les partenaires sociaux présenteront, quant à eux, l'état d'avancement des négociations interprofessionnelles en cours et le calendrier de celles qu'ils entendent engager.

Cette réunion annuelle s'inspire de l'idée « d'agenda partagé » contenue dans le rapport Chertier. Un rapport sera remis chaque année au Parlement pour l'informer des procédures de concertation et de consultation effectuées dans l'année écoulée.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a estimé que le succès de la réforme du dialogue social suppose un changement des pratiques.

Le projet de loi ne modifie bien sûr en rien les prérogatives constitutionnelles du Gouvernement et du Parlement : le Gouvernement n'est pas tenu de reprendre intégralement le contenu de l'accord des partenaires sociaux et les parlementaires conservent la plénitude de leur pouvoir d'amendement. Dans ces conditions, un équilibre devra être trouvé entre le nécessaire respect du compromis négocié par les partenaires sociaux, sans quoi le renvoi à la négociation aurait peu d'utilité, et le respect de la volonté du Gouvernement et du Parlement, dont l'approche est complémentaire de celle des organisations représentatives.

Elle a ensuite reconnu qu'il sera juridiquement assez simple de contourner la nouvelle procédure de concertation : dans la mesure où elle ne s'applique pas aux propositions d'origine parlementaire, le Gouvernement pourrait être tenté de gagner du temps en chargeant un parlementaire de déposer une proposition de loi qui serait en réalité d'origine gouvernementale. Le ministre délégué au travail, à l'emploi et à l'insertion professionnelle des jeunes, Gérard Larcher, a cependant indiqué ne pas craindre de telles dérives, qui seraient contraires à l'esprit de la réforme.

Concernant les lois de transposition des directives communautaires, deux situations sont envisageables : si la directive laisse une marge d'appréciation aux Etats membres, la loi de transposition sera bien constitutive d'une réforme au sens de la loi et sera soumise à concertation ; si elle est au contraire très précise, la loi de transposition sera une simple mesure d'adaptation du droit national au droit communautaire et la concertation ne s'imposera pas.

Enfin, Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a fait observer que le projet de loi n'encadre la négociation des partenaires sociaux d'aucun délai et que l'on ne peut donc totalement écarter le risque de manoeuvres dilatoires de la part de certaines organisations qui pourraient être tentées de ralentir les discussions dans l'espoir « d'enterrer » une réforme.

Elle a déclaré s'être interrogée sur l'opportunité d'enserrer la procédure dans des délais plus stricts, mais y avoir finalement renoncé, dans la mesure où il paraît impossible de déterminer a priori ce que doit être la durée maximale d'une négociation. Elle a préféré s'en remettre, sur ce point, à l'esprit de responsabilité de l'ensemble des acteurs, qui auront certainement à coeur de négocier de bonne foi, ne serait-ce que pour éviter que le rôle nouveau qui leur est reconnu dans l'élaboration des normes ne leur soit retiré.

Elle a ajouté que le Gouvernement conservera in fine la maîtrise du calendrier puisqu'il pourra toujours couper court à une négociation qui s'éterniserait en présentant un projet de loi devant le Parlement.

En conclusion, Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a souligné que l'adoption de la réforme du dialogue social suscite la réflexion sur plusieurs sujets qui lui sont intimement liés :

- en premier lieu, le renforcement du dialogue social pose la question de la légitimité et de la représentativité de ses acteurs ; s'il est prématuré de trancher dès aujourd'hui le débat sur la représentativité syndicale, cette question devrait constituer l'une des premières applications de la loi de modernisation du dialogue social ;

-  le rapport Chertier préconise ensuite, à juste titre, de rationaliser les nombreuses instances de consultation ou d'expertise qui se sont multipliées dans le domaine social ; un examen approfondi des activités et du rôle de chacune de ces structures s'impose au préalable ;

- enfin, la réforme du dialogue social invite à réfléchir sur le mode de fonctionnement du Parlement pour l'examen des réformes touchant au code du travail ; si les parlementaires veulent être en mesure de consulter eux aussi les partenaires sociaux, il est indispensable que les commissions des affaires sociales disposent d'un délai suffisant avant le passage des textes en séance publique ; on pourrait également imaginer qu'un délai minimum soit prévu entre le dépôt des amendements extérieurs et leur examen par la commission, afin que les organisations représentatives puissent faire connaître leur point de vue. Apporter de telles garanties implique toutefois une réforme de la Constitution et du Règlement des assemblées qui ne peut être mise en oeuvre à court terme.

La réforme du dialogue social ici proposée ne constitue donc, vraisemblablement, que la première étape d'une transformation plus vaste du système de relations sociales. Le projet de loi présentant, en l'état, un équilibre satisfaisant, Mme Catherine Procaccia, rapporteur, a invité la commission à l'adopter dans la rédaction transmise par l'Assemblée nationale.

M. Alain Gournac a indiqué qu'il considère lui aussi le projet de loi comme une avancée très positive et a souhaité que les règles de dépôt des amendements soient revues pour permettre, à l'avenir, de connaître la position des organisations représentatives. Il a ensuite appelé de ses voeux un changement d'état d'esprit : dans les pays voisins, le recours à la grève est loin d'être aussi fréquent qu'il peut l'être en France et il convient donc de développer l'information, la consultation et la concertation afin d'éviter les malentendus et de trouver des compromis. Bien que les règles actuelles de la représentativité syndicale ne soient à l'évidence plus adaptées, il a jugé prématuré de les modifier dès aujourd'hui et a proposé d'appliquer le projet de loi de modernisation du dialogue social avant d'aller plus loin. Il a enfin regretté que l'examen de ce projet intervienne si tardivement dans la législature, alors que le Parlement doit déjà examiner de nombreuses autres réformes.

M. Jean-Pierre Godefroy a jugé excellente la présentation du rapporteur, dans la mesure où elle pose clairement l'ensemble des problèmes soulevés par le texte. Il a assimilé le projet de loi à une simple pétition de principes, peu conforme au demeurant à la pratique suivie par le Gouvernement ces derniers mois. Il s'est toutefois déclaré favorable au développement du dialogue social et a assuré que les syndicats sont prêts à passer des compromis. Tout en admettant qu'il s'agit d'une question délicate, il a regretté que la question de la représentativité syndicale ne soit pas réglée par le projet de loi, dans la mesure où elle conditionne l'efficacité de la réforme. En ce qui concerne l'évolution du travail parlementaire, il a proposé que chacun se livre à une autocritique, soulignant que de nombreux amendements, inspirés par les organisations insatisfaites du résultat d'une négociation, sont déposés tardivement, sans qu'il soit possible de les examiner sérieusement. Il a demandé que le bicamérisme soit respecté et que le Sénat ait la possibilité de défendre jusqu'au bout les positions qui sont les siennes. Il a enfin indiqué que le groupe socialiste s'abstiendra sur le texte et présentera des amendements.

Mme Isabelle Debré a estimé que les syndicats doivent absolument augmenter leur nombre d'adhérents s'ils veulent accroître leur légitimité.

M. André Lardeux a souligné que le projet de loi ne traite pas de tous les aspects du dialogue social, mais seulement des relations entre le Gouvernement et les partenaires sociaux, et a estimé que l'on ne pourrait éviter que l'opinion publique le perçoive comme un texte de circonstance. Il a indiqué que le dialogue social relève plus d'un problème culturel que juridique et s'est inquiété de l'usage qui pourrait être fait de l'exception prévue en cas d'urgence. Il a souhaité que la place du contrat soit renforcée dans notre pays afin de résoudre plus facilement les problèmes urgents qui se posent. Il s'est déclaré opposé à une limitation du droit d'amendement et regretté que certaines organisations rêvent d'imposer aux parlementaires une forme de mandat impératif, totalement contraire aux principes républicains. Il a indiqué qu'il voterait le rapport puis le projet de loi, sans en attendre toutefois des résultats miraculeux.

M. Guy Fischer a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen (CRC) n'entend pas s'opposer frontalement à ce projet de loi, qui peut, en dépit de ses faiblesses, être facteur de progrès. Il a estimé que cette réforme comporte une dimension d'affichage, justifiée par l'approche de la fin de la législature, et indiqué que son groupe défendrait l'amendement soutenu par la CGT et la CFDT en vue de réformer les règles de la représentativité syndicale. Il a également souhaité qu'une réflexion soit menée sur les raisons du faible engagement des jeunes dans l'action syndicale et s'est prononcé en faveur du principe de l'accord majoritaire. Abordant la question du travail parlementaire, il a dénoncé le dépôt de nombreux amendements téléguidés par le Gouvernement, et liés à l'actualité de la fin de la législature, et s'est dit préoccupé par certaines propositions tendant à restreindre le droit d'amendement. Le président de la commission des finances suggère par exemple que les amendements contraires à l'article 40 ne puissent plus désormais être présentés en séance, ce qui porte gravement atteinte, à son sens, aux prérogatives des parlementaires.

M. Nicolas About, président, a confirmé qu'il est effectivement envisagé que ces amendements soient déclarés irrecevables dès le stade de leur dépôt.

M. Guy Fischer a ajouté que le pays a souffert, depuis cinq ans, de la politique du Gouvernement, qui n'a pas tenu compte de l'avis majoritaire des syndicats et des salariés, comme le montrent les réformes votées sur les retraites, le temps de travail ou encore la création du contrat « nouvelles embauches » (CNE). Il a estimé que, en l'absence d'une volonté franche de répartir différemment les richesses, l'effort principal portera toujours sur les salariés.

M. Nicolas About, président, a souligné que les syndicats ont tous demandé que le Parlement ne remette pas en cause l'équilibre des accords négociés, tout en reconnaissant qu'ils ont souvent incité les parlementaires à adopter des amendements modifiant lesdits accords.

Mme Marie-Thérèse Hermange a elle aussi estimé que le développement du dialogue social appelle avant tout un changement d'état d'esprit. Elle a déclaré avoir été impressionnée, lors d'un récent voyage d'étude en Allemagne, par la proximité et la qualité du dialogue dans ce pays entre les organisations patronales et syndicales. Elle a souhaité que le travail parlementaire soit revalorisé en amont de la séance publique et en aval, par un contrôle plus effectif.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur, s'est déclarée persuadée que le Gouvernement ne pourra plus, à l'avenir, déposer d'amendement remettant en cause l'équilibre d'un accord négocié, dans la mesure où l'adoption de la réforme va provoquer un changement d'état d'esprit et une évolution des pratiques. Elle a souhaité que, dans ce même souci, les amendements au présent projet de loi ne soient pas déposés trop tardivement, afin d'avoir le temps de les étudier et de consulter, le cas échéant, les organisations représentatives. Elle a contesté l'idée selon laquelle ce projet serait un texte de circonstance, rappelant que la réflexion a été engagée il y a plus d'un an.

Elle a estimé légitime que les règles de représentativité syndicale fassent l'objet d'une réforme, mais a jugé peu raisonnable d'y procéder dans ce texte. Une concertation approfondie est en effet nécessaire pour aplanir les différences existant entre organisations.

Elle a indiqué avoir longuement réfléchi à la demande présentée par les organisations du monde agricole, qui souhaitent que le projet de loi soit modifié pour garantir leur participation à la procédure de concertation, mais sans finalement retenir cette proposition. Elle a également écarté l'idée d'enserrer la procédure dans des délais après avoir eu des échanges sur ce sujet avec plusieurs syndicalistes.

M. Nicolas About, président, a indiqué, en conclusion, que les amendements qui seraient déposés tendant à réformer les règles de représentativité syndicale seraient contraires à l'esprit du texte, puisqu'ils empêcheraient de soumettre cette question à concertation.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission a adopté le projet de loi de modernisation du dialogue social.

Santé - Crédit - Accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de Mme Marie-Thérèse Hermange sur le projet de loi n° 108 (2006-2007), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a indiqué que l'ambition du projet de loi est de faciliter l'accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé. Il met en oeuvre une promesse du Président de la République qui, à l'occasion d'un discours sur la lutte contre le cancer le 27 avril dernier, avait souhaité que la convention Belorgey de 2001 soit améliorée et qu'un projet de loi consacre les avancées de la négociation sur ce sujet. Cette négociation a été conduite en mai et juin 2006 et une nouvelle convention dite Aeras, pour « s'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé », a été signée le 6 juillet dernier.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a insisté sur la dimension profondément humaine de la question qui comporte aussi des aspects très techniques. L'effectif des personnes concernées par un risque aggravé de santé est difficile à cerner de façon précise. Le Gouvernement l'estime à dix ou douze millions, grâce au rapprochement du nombre de patients en affection de longue durée (ALD), soit 7 à 8 millions, et du nombre de personnes handicapées, soit 5 millions. De façon plus réaliste, si l'on ne retient que les patients en ALD âgés de vingt à soixante ans, seuls réellement susceptibles d'avoir des besoins de crédit, le public concerné au titre des ALD ne dépasse pas 2,5 millions de personnes. Mais cette approche ne prend pas en considération des facteurs de risques qui peuvent rendre difficile l'obtention d'une assurance, comme l'obésité ou un passé médical lourd, lié par exemple à un cancer, pour lequel l'ALD dure dix ans.

La convention Belorgey de 2001 a eu le grand mérite d'ouvrir l'assurance emprunteur à des publics jusque là très largement ignorés des banquiers et des assureurs. Le dispositif spécifique mis en place, avec un deuxième et un troisième niveaux d'assurance, a permis un examen individuel des dossiers et la prise en charge des risques les plus élevés par un pool d'assureurs et de réassureurs. De ce fait, selon la Fédération française des sociétés d'assurance, le taux de refus de l'ensemble des demandes d'assurance pour un prêt immobilier a été ramené de 2 % à 0,3 %.

Toutefois, une enquête menée par la Ligue contre le cancer ainsi qu'un rapport d'évaluation récemment transmis au Parlement montrent que la mise en oeuvre de la convention Belorgey révèle encore de grandes insuffisances : elle reste mal connue, tant par les candidats à l'emprunt que par les personnels des établissements de crédit, ce qui pénalise la gestion de nombreux projets professionnels ou immobiliers portés par des personnes présentant un risque aggravé de santé ; les assureurs n'ont pas toujours pris en compte les progrès scientifiques et de traitements des différentes pathologies, notamment du Sida, car la section scientifique mise en place par la convention n'a pas disposé des moyens nécessaires ; la couverture du risque invalidité n'existe pas, contrairement à celle du risque décès. Il est d'ailleurs paradoxal que les établissements de crédit encouragent les prêts à la consommation et alimentent les situations de surendettement et, parallèlement, refusent des prêts à des personnes qui peuvent présenter un risque de santé mais dont la situation financière est parfois bien plus saine et stable que le reste de la population dite en bonne santé ; enfin, le dispositif Belorgey n'est pas suffisamment évalué en raison de la méconnaissance de la convention par la majorité des personnes concernées et de l'application relativement opaque qui en est faite par les assureurs et banquiers. Cette situation crée des frustrations et le sentiment d'être traité de façon injuste.

Néanmoins, malgré ces dysfonctionnements, la plupart des partenaires sont convenus des progrès obtenus grâce à cette convention et ont décidé de poursuivre dans la voie conventionnelle, en faisant le pari de la confiance. Cette attitude, tant des assureurs et des banquiers que des associations concernées, a permis la signature de la convention Aeras le 6 juillet 2006. Celle-ci poursuit deux objectifs principaux : remédier aux insuffisances de la convention de 2001 et innover dans un certain nombre de domaines.

Elle organise une meilleure information des parties, la confidentialité des données médicales, une réduction des délais de traitement des demandes d'emprunts et la possibilité d'instruire en amont les dossiers d'assurance, le développement de garanties alternatives, la mise en place d'un mécanisme pérenne d'évaluation de la convention avec notamment des enquêtes indépendantes, enfin un renforcement de la connaissance des pathologies pour améliorer l'évaluation des risques par les assureurs. A cet égard, il conviendra de nommer une personnalité reconnue et polyvalente, comme un interniste, à la tête de la commission scientifique, afin de mener à bien, sur les différentes pathologies, des études dont les assureurs pourront se servir pour l'évaluation des risques.

Les innovations de la convention Aeras interviennent dans quatre domaines : l'intégration du risque invalidité dans le champ de la convention, ce qui était une demande prioritaire des associations, le relèvement des seuils en termes d'âge et de montant des prêts contractés, la création d'un mécanisme de mutualisation en faveur des personnes à revenus modestes souhaitant acquérir leur résidence principale avec un plafonnement des surprimes, enfin, la fixation à quatre mois de la durée de validité des propositions d'assurance.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, a souligné l'importance des avancées réalisées par cette nouvelle convention et félicité les partenaires qui ont fait le choix de ce nouveau dispositif conventionnel et du pari de la confiance. Il importe maintenant que celui-ci devienne un pari de la réussite, ce qui passe, d'une part, par l'adoption du cadre législatif proposé par le projet de loi, d'autre part, par un suivi très attentif du fonctionnement de la convention.

Le projet de loi a pour objet d'inscrire dans le code de la santé publique les grands principes de la convention. En outre, il en garantit la pérennité en permettant l'intervention du pouvoir réglementaire en cas de dénonciation ou de non-renouvellement de la convention. L'Assemblée nationale a adopté quelques aménagements bienvenus au projet de loi. Il ne paraît pas souhaitable de le modifier ni de transcrire dans le code de la consommation et dans le code des assurances les principes qu'il intègre dans le code de la santé publique. En effet, la question n'est pas tant celle de la multiplication des dispositions législatives que celle, essentielle, de l'application et de la mise en oeuvre rapide, et sous tous ces aspects, de la nouvelle convention.

Aussi, il serait souhaitable que la commission des affaires sociales s'engage dès à présent et publiquement à effectuer un suivi très régulier et détaillé de l'application de la convention. Trois échéances peuvent d'ores et déjà être identifiées : d'ici à la fin du mois de mars, la mise en place de l'ensemble des structures prévues par la convention et l'achèvement des négociations sur la prise en compte du risque invalidité ; avant la fin de l'année 2007, une vérification sur la mise en place de l'ensemble des nouvelles procédures prévues par la convention ; enfin, au 1er juillet 2008, un tour d'horizon complet avec les différents partenaires pour déterminer si des mesures législatives plus contraignantes apparaissent nécessaires. A l'issue de ces actions de contrôle, la commission pourrait décider de relayer ses observations suivant le cas par des auditions publiques, des communiqués de presse, le dépôt d'une question orale avec débat, un rapport d'information, etc. Il est important que le Parlement s'empare complètement du dossier afin de ne pas décevoir les associations et les personnes concernées.

M. Nicolas About, président, s'est déclaré favorable aux propositions de suivi et de contrôle de l'application de la convention Aeras, qui pourraient, le cas échéant, déboucher sur une question orale avec débat comme cela a été fait sur la loi handicap.

M. Alain Gournac a reconnu les défauts de communication et d'information dans la mise en oeuvre de la convention Belorgey. Il a insisté sur la nécessité d'une évolution de l'état d'esprit dans le secteur bancaire. Il est également important de se soucier du respect de la confidentialité des dossiers. Enfin, il a soutenu l'idée d'organiser un suivi précis et régulier de l'application de la nouvelle convention.

M. Jean-Pierre Michel a souligné que le projet de loi est l'aboutissement d'un processus de plus de dix ans engagé par les malades du Sida puis étendu à d'autres maladies et à d'autres risques et aujourd'hui absolument indispensable. Il s'est déclaré prêt à participer et à être associé au suivi de l'application de la convention. Sur la question de la confidentialité, grâce à la commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), de grands progrès ont été réalisés, en particulier la suppression d'informations superfétatoires demandées par les banques et les assurances. La demande des associations d'inscrire le texte de la convention dans d'autres codes n'est pas nécessaire. En effet, le code de la santé publique est généraliste et la loi s'applique naturellement à tous. Plus encore, une inscription dans le code pénal ne paraît pas souhaitable car elle signifierait l'échec de la convention. Il convient plutôt de faire appel à la responsabilité des acteurs et à la force de la loi.

Mme Catherine Procaccia a insisté sur le caractère essentiel d'une bonne connaissance par les assureurs des pathologies, des évolutions des traitements et des progrès scientifiques car celle-ci détermine les grilles sur lesquelles sont calculés les risques. Elle a reconnu que les médecins conseils dans les sociétés d'assurance n'ont sans doute pas un poids suffisant mais ils exercent leurs fonctions de matière indépendante. Par ailleurs, le métier de la banque et le métier de l'assurance sont très différents, ce qui peut créer des difficultés de compréhension supplémentaires qui peuvent être mal ressenties par les personnes présentant un risque aggravé de santé.

M. Guy Fischer a souligné que le problème du surendettement est toujours au devant de l'actualité. Il a constaté que les banques trouvent toujours des prétextes et des délais pour rendre plus difficile l'accès au crédit à ceux qui présentent un risque de santé aggravé. L'important est aujourd'hui que les textes soient appliqués et que les réponses attendues par les personnes concernées soient réellement mises en oeuvre.

Mme Isabelle Debré a rappelé que le texte du projet de loi est attendu depuis longtemps par nombre de personnes. Elle a cité le cas d'une personne, guérie d'un cancer et disposant de biens pouvant garantir son emprunt, à laquelle on refuse néanmoins un crédit. Elle a enfin relevé la plus grande facilité d'obtention d'une assurance chômage que d'une assurance en cas de risque aggravé de santé.

Mme Marie-Thérèse Hermange, rapporteur, est convenue de la nécessité de faire évoluer les esprits. Les équilibres sont fragiles et difficiles à trouver entre la souffrance des personnes concernées et les chiffres statistiques des risques pris en charge par les assureurs. Il est important de préserver l'équilibre de la convention et de le faire vivre, avec comme objectif sa réussite.

A l'issue de ce débat, la commission a adopté sans modification le projet de loi relatif à l'accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé.