COMMISSION MIXTE PARITAIRE CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI RELATIF À LA RÉTENTION DE SÛRETÉ ET À LA DÉCLARATION D'IRRESPONSABILITÉ PÉNALE POUR CAUSE DE TROUBLE MENTAL

Lundi 4 février 2008

- Présidence de M. Jean-Luc Warsmann, président.-

Commission mixte paritaire sur la rétention de sûreté et l'irresponsabilité pénale

La commission a d'abord procédé à la nomination de son bureau qui a été ainsi constitué :

M. Jean-Luc Warsmann, député, président ;

M. Jean-Jacques Hyest, sénateur, vice-président.

Puis ont été désignés :

M. Georges Fenech, député,

M. Jean-René Lecerf, sénateur,

respectivement rapporteurs pour l'Assemblée nationale et le Sénat.

La commission est ensuite passée à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a souligné que les deux assemblées étaient parvenues à un large accord sur les dispositions principales du projet de loi et que ne restent en discussion que quelques points, en particulier à l'article 1er qui instaure la rétention de sûreté, à l'article 6 relatif à l'injonction de soins et aux médecins coordonnateurs et à l'article 12 relatif aux conditions d'entrée en vigueur de la loi. Il a proposé que soit repris le texte adopté par le Sénat au bénéfice d'un certain nombre de propositions de rédaction qu'il ferait.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat, a confirmé que les divergences d'appréciation restaient limitées et que la méthode proposée permettrait sans aucun doute d'atteindre l'objectif d'un texte commun.

La commission a, tout d'abord, modifié l'intitulé du chapitre Ier du titre Ier relatif aux dispositions relatives à la rétention de sûreté pour l'élargir à « la surveillance de sûreté ». Elle a de même complété l'intitulé du chapitre III introduit par l'article 1er dans le titre XIX du livre quatrième du code de procédure pénale.

A l'article 1er (art. 706-53-13 à 706-53-22 [nouveaux] : art. 717-1 ; art. 723-37 ; art. 723-38 [nouveau] du code de procédure pénale) (Instauration de la rétention de sûreté), la commission a examiné une proposition de rédaction présentée par M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, remplaçant le premier alinéa de l'article 706-53-13 du code de procédure pénale (définition et champ d'application de la rétention de sûreté) par deux alinéas qui reprennent la distinction qu'avait opérée l'Assemblée nationale entre victimes majeures et victimes mineures. Son auteur a précisé que cette rédaction s'inspirait toutefois très largement de celle adoptée par le Sénat, plus concise et plus élégante. La rédaction ainsi proposée permet d'éviter une fâcheuse différence de traitement entre victimes mineures, la rédaction du Sénat aboutissant à l'exigence d'une circonstance aggravante lorsqu'un crime est commis sur un mineur de 15 à 18 ans, ce qui n'est pas souhaitable. Il a en outre, proposé de préciser que les personnes concernées par la rétention de sûreté étaient celles présentant une particulière dangerosité « parce qu'elles souffrent » d'un trouble grave de la personnalité, afin de mieux cerner la réalité de la situation des personnes qui pourront faire l'objet d'une rétention de sûreté.

Après avoir observé que le code pénal ne distinguait pas jusqu'à présent les victimes mineures de plus de 15 ans des victimes majeures, M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat, a estimé possible de rallier sans difficulté la proposition du rapporteur pour l'Assemblée nationale. Il s'est s'interrogé néanmoins sur l'intérêt de la dernière modification envisagée, doutant, en tout état de cause, qu'elle permette de considérer la présente loi comme une loi pénale plus douce. La commission des lois a alors adopté la proposition de rédaction du rapporteur pour l'Assemblée nationale.

M. Pierre Fauchon, sénateur, a observé que le deuxième alinéa de ce même article, tel qu'adopté par le Sénat, lui paraissait dépourvu de signification, voire dangereux.

Il a rappelé que la présence de cet alinéa avait pu être justifiée par le souci du Conseil d'État que la décision prononçant une rétention de sûreté soit fondée sur la mention de cette éventualité dans le jugement ab initio, dès la décision de la cour d'assises, aux fins de respecter les stipulations du a) du paragraphe 1 de l'article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui prévoient « que nul ne peut être privé de sa liberté, sauf s'il est détenu régulièrement après condamnation par un tribunal compétent ». Mais il a estimé que la possibilité de placer en détention un « aliéné » en application du e) du paragraphe 1 du même article de ladite convention suffisait à couvrir les cas de rétention de sûreté définis par le présent projet de loi. Il a précisé que, la Cour européenne des droits de l'homme n'ayant jamais eu à connaître de la question de la rétention de sûreté d'un « aliéné », on pouvait admettre qu'à une question nouvelle, la rétention ne pouvant constituer une sanction au sens pénal du terme, soit donnée une réponse nouvelle. Il a d'ailleurs rappelé que la cour de Strasbourg elle-même avait reconnu que le sens du terme aliéné ne cessait d'« évoluer avec les progrès de la recherche psychiatrique ».

En outre, il a souligné que la référence à une décision antérieure à cet examen reviendrait à fragiliser inutilement le dispositif.

M. Jean-Jacques Hyest, vice-président, a rappelé que, la commission mixte paritaire ayant pour objet de réduire les divergences d'appréciation entre les deux assemblées, l'alinéa en question ne faisait pas a priori l'objet de discussion.

M. Pierre Fauchon, sénateur, a alors regretté que l'urgence déclarée sur ce texte n'ait pas permis de poursuivre la navette entre les deux assemblées. Il a estimé que la rétention de sûreté trouvait sa justification dans la dangerosité de la personne et le risque qu'elle présentait pour l'avenir. Il a observé que cette appréciation ne pourrait se faire qu'après l'entrée en vigueur de la loi, ce qui rendait vain tout débat sur la rétroactivité.

M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a ensuite proposé que la « prise en charge médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée », mentionnée dans le troisième alinéa de l'article 706-56-13 précité tel qu'adopté par le Sénat, soit limitée à une « prise en charge médicale, sociale et psychologique adaptée », dès lors que la notion de prise en charge éducative apparaîtra par trop inappropriée après une période aussi longue passée en détention et que la psycho-criminologie constitue une science encore trop récente pour être consacrée par la loi.

M. Pierre-Yves Collombat, sénateur, a estimé que la mention de l'adjectif « criminologique » permettrait au contraire de couvrir un champ qui n'était pas pris en charge par la psychiatrie et de prendre en considération des causes différentes de dangerosité.

M. Robert Badinter, sénateur, a jugé inutile de mentionner que la prise en charge de la personne concernée devait être « adaptée », mais a estimé, en revanche, que l'autorité compétente pour décider de la fin de la rétention, qui constitue l'objectif ultime affiché par cet article, aurait pu être précisée.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat, ayant indiqué que la lecture de l'ensemble du dispositif de l'article premier du projet de loi permettait de répondre sans difficulté à cette dernière question, la commission a adopté la proposition faite par le rapporteur pour l'Assemblée nationale, modifiée à l'initiative de M. Robert Badinter.

La commission a ensuite adopté la proposition de modification rédactionnelle faite par M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, au dernier alinéa de l'article 706-53-15 du code précité.

Puis, elle a examiné une proposition de modification présentée par le même auteur au dernier alinéa de l'article 706-53-20 du même code et tendant, par coordination, à remplacer la notion de « risque particulièrement élevé de commission » par celle de « probabilité très élevée de commettre à nouveau » l'une des infractions visées à l'article 706-53-13 précité.

M. Serge Blisko, député, a estimé que cette notion était floue et a fait remarquer que sa subjectivité rendait le texte dangereux pour le bon fonctionnement de la justice.

M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a fait observer que la rédaction proposée l'était par cohérence avec une formulation déjà retenue à l'article 706-53-13 du code précité.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat, a ajouté que le Sénat avait fixé à six semaines le délai permettant à un service spécialisé d'examiner la dangerosité de la personne considérée, ce qui limiterait les risques évoqués par M. Serge Blisko.

La commission a alors adopté la proposition de modification de l'article 706-53-20 précité.

Elle a également adopté la proposition de modification rédactionnelle présentée par M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, à l'article 717-1 A du code précité.

M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a proposé de modifier la rédaction de l'article 723-38 du code de procédure pénale, afin de tirer la conséquence de l'introduction par le Sénat de la notion de « surveillance de sûreté » et de permettre que le placement sous surveillance électronique mobile puisse être prolongé non seulement dans le cadre de la surveillance judiciaire mais également dans le cadre de la surveillance de sûreté. Après que M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat, eut approuvé cette proposition, la commission l'a adoptée.

M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a ensuite proposé de modifier l'article 763-8 du code de procédure pénale afin d'une part, d'harmoniser sa rédaction avec celle prévue pour l'article 723-38 du même code et, d'autre part, de supprimer une référence devenue sans objet. La commission a adopté cette rédaction.

La commission a alors adopté l'article premier ainsi rédigé.

La commission a adopté l'article 3 (Titre XXVIII [nouveau], chapitre 1er [nouveau], chapitre II, section 1 et section 2 [nouveaux], chapitre III (nouveau], art. 706-119, 706-120, 706-121, 706-122, 706-123, 706-124, 706-125, 706-126, 706-127, 706-128, 706-129, 706-130, 706-131, 706-132, 706-133, 706-134, 706-135, 706-136, 706-137, 706-138 et 706-139 [nouveaux] du code de procédure pénale) (Décisions d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental) dans la rédaction du Sénat.

A l'article 6 (art. L. 3711-1 à L. 3711-3 et art. L. 3711-4-1 du code de la santé publique) (Modifications du dispositif de l'injonction de soins), M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a expliqué que le pouvoir réglementaire n'avait pas précisé les conditions de diplômes devant être remplies par les psychologues traitants pouvant intervenir auprès d'une personne faisant l'objet d'une injonction de soins. Il a proposé, afin de pallier cette carence du pouvoir réglementaire, d'ajouter à l'article 6 dans la rédaction du Sénat un alinéa précisant que les psychologues devront remplir une condition d'exercice de leur activité depuis au moins cinq ans.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat, s'étant déclaré favorable à cet ajout, la commission a adopté l'article 6 dans la rédaction du Sénat ainsi modifiée.

M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a présenté un article additionnel avant l'article 12 (art. 729 du code de procédure pénale) (Conditions de libération conditionnelle d'une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité) proposant de disjoindre de l'article 12 un paragraphe ajouté par le Sénat qui contient une disposition pérenne modifiant l'article 729 du code de procédure pénale afin de prévoir que la libération conditionnelle d'une personne condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité ne peut intervenir qu'après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat, a approuvé cette proposition permettant de dissocier de l'article 12, relatif à l'entrée en vigueur de la loi, une disposition qui a un autre objet et dont il aurait été regrettable qu'elle soit interprétée, du fait de son insertion dans l'article 12, comme ayant un caractère transitoire.

La commission a alors adopté cet article additionnel.

A l'article 12 (Entrée en vigueur des dispositions de la loi), M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a présenté une proposition de rédaction globale de l'article 12 ayant pour objet de rendre cette rédaction plus cohérente dans son ensemble, de procéder à des améliorations rédactionnelles et d'apporter deux modifications plus substantielles : l'une permet au dispositif de la surveillance de sûreté d'être immédiatement applicable non seulement lorsqu'elle fait suite à une surveillance judiciaire mais également lorsqu'elle suit un suivi socio-judiciaire, l'autre rend immédiatement applicable la disposition disjointe de l'article 12 relative aux conditions de libération conditionnelle des personnes condamnées à la réclusion criminelle à perpétuité.

La commission a adopté cette proposition de rédaction de l'article 12 présentée par le rapporteur pour l'Assemblée nationale.

M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a présenté un article additionnel après l'article 12 (art. 723-30 et 763-3 du code de procédure pénale) (Coordinations) ayant pour objet de procéder à deux coordinations rendues nécessaires par la disposition introduite par le Sénat relative à l'obligation d'assignation à domicile dans le cadre d'une surveillance judiciaire ou d'un suivi socio-judiciaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour le Sénat, s'est déclaré favorable à cet article additionnel.

M. Dominique Raimbourg, député, a souhaité attirer l'attention des commissaires sur une difficulté pratique que ne manquerait pas de poser l'application des dispositions relatives à la rétention de sûreté aux personnes condamnées avant l'adoption de la présente loi. Il a expliqué que les jurys d'assises n'ont, à l'heure actuelle, à se prononcer sur la question de l'application de la clause de minorité que dans l'hypothèse où l'acte a été commis sur un mineur de quinze ans, et qu'il est par conséquent impossible de déterminer, au vu d'un acte ayant autorité de chose jugée, si la personne a été condamnée pour des actes commis sur un mineur de quinze à dix-huit ans. Il s'est donc interrogé sur la manière dont les dispositions relatives à la rétention de sûreté seront appliquées pour les condamnations ne permettant pas de savoir si l'acte a ou non été commis sur un mineur.

Après que M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale eut précisé que le doute bénéficie à l'accusé, la commission a adopté l'article additionnel proposé par le rapporteur pour l'Assemblée nationale.

La commission a adopté l'article 12 bis (Communication aux maires, présidents de conseil général et présidents de conseil régional des informations contenues dans le FIJAIS pour certaines décisions administratives) dans la rédaction du Sénat.

La commission a adopté l'article 12 quater (Examen de la loi par le Parlement dans un délai de cinq ans) dans la rédaction du Sénat.

A l'article 13 (Application des dispositions de la loi dans les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie), M. Georges Fenech, rapporteur pour l'Assemblée nationale, a proposé de prévoir l'application outre-mer des deux articles additionnels adoptés par la commission mixte paritaire ainsi que de l'article 12 bis.

La commission a adopté l'article 13 dans la rédaction du Sénat ainsi complétée.

La commission mixte paritaire a ensuite adopté, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.