Mardi 30 juin 2009

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Certification des comptes de la sécurité sociale - Audition de M. Philippe Séguin, Premier président, Mme Rolande Ruellan, présidente de la 6e chambre, MM. André Gauron et Jean-Philippe Vachia, conseillers maîtres, de la Cour des comptes

La commission a procédé à l'audition de M. Philippe Séguin, Premier président, Mme Rolande Ruellan, présidente de la 6e chambre, MM. André Gauron et Jean-Philippe Vachia, conseillers maîtres de la Cour des comptes sur la certification des comptes de la sécurité sociale et la situation des finances sociales.

M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, a présenté le rapport de la Cour des comptes, adopté la veille, sur la certification des comptes du régime général de la sécurité sociale, dont la Cour s'est acquittée pour la troisième fois en vertu de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. La certification consistant à donner une assurance raisonnable que les états financiers ne comportent pas d'anomalies significatives, cet exercice permet d'apporter une indication fiable sur la situation financière et patrimoniale du régime général et une information sincère sur le montant du déficit.

La certification donne par ailleurs à la Cour l'occasion d'analyser systématiquement les procédures de contrôle du régime général et d'en évaluer l'efficacité, conduisant ainsi les caisses de sécurité sociale à prendre conscience des risques de leur activité : risques d'erreurs de liquidation ou risques de fraudes aux prestations et aux cotisations par exemple. La dynamique créée par la certification a contribué à accélérer l'effort de mise en place de dispositifs de contrôle interne effectifs. Ainsi, c'est dans le cadre des contrôles liés à la certification que la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) a repéré, à la fin de l'année 2007, une erreur systématique concernant des millions de retraités liée aux informations envoyées par l'Unedic sur les périodes de chômage assimilées à des trimestres de cotisations retraite. La certification est donc un moteur puissant de développement du contrôle interne et, par là-même, d'une meilleure maîtrise des finances sociales, voire de la qualité du service rendu aux assurés.

Pour la première fois en 2008, les comptes des autres régimes de sécurité sociale ont été soumis à une certification par des commissaires aux comptes. Compte tenu des relations financières complexes existant entre ces régimes et le régime général, la Cour a défini avec leurs commissaires aux comptes un cadre contractuel d'échanges d'informations. Elle a également pris en compte les opinions de ces derniers, notamment le refus de certification des comptes de la mutualité sociale agricole (MSA), dans l'élaboration de ses positions.

Abordant les neufs opinions de la Cour relatives aux cinq branches (maladie, accidents du travail-maladies professionnelles, famille, retraite, recouvrement) et aux quatre caisses nationales (caisse nationale d'assurance maladie [Cnam], caisse nationale d'allocations familiales [Cnaf], Cnav et l'agence centrale des organismes de sécurité sociale [Acoss]), M. Philippe Séguin a signalé le refus de la Cour de certifier les comptes de la branche famille et de la Cnaf, ainsi que ceux de la branche vieillesse et de la Cnav, les autres comptes étant certifiés avec réserves.

A propos de la branche famille et de la Cnaf, il a rappelé que la Cour n'avait pas été en mesure d'émettre une opinion sur les comptes 2006 et 2007 en raison de trop grandes incertitudes sur le contrôle interne. En 2008, elle a pu évaluer beaucoup plus précisément les défaillances du contrôle interne en collaboration avec l'agence comptable de la Cnaf. Cette analyse l'a conduite à refuser de certifier les comptes. Le dispositif de contrôle interne souffre en lui-même de graves insuffisances et ne permet pas de maîtriser suffisamment les risques de fraudes ou d'erreurs de calcul. Plus de 4 % des dossiers d'allocations familiales présentent une anomalie financière, pour un montant significatif. Par ailleurs, les provisions et charges à payer enregistrées au moment de l'inventaire font l'objet d'importantes sous-estimations. Enfin, comme en 2007, le suivi comptable des flux liés à l'assurance vieillesse des parents au foyer n'est toujours pas fiable.

Il reste que des améliorations ont été constatées puisqu'un fichier national des allocataires - le « répertoire national des bénéficiaires » - dont la Cour souhaitait la mise en place depuis plusieurs années, est en cours de déploiement. Les caisses d'allocations familiales (Caf) disposent par ailleurs d'une connaissance plus sûre des ressources des allocataires, données qu'elles obtiennent désormais directement auprès de l'administration fiscale. Enfin, la Cnaf a prévu de revoir complètement en 2009 son dispositif d'analyse des risques de contrôle interne. Ces progrès sont rendus d'autant plus indispensables que la branche va être confrontée à un défi de grande ampleur avec la mise en place du revenu de solidarité active (RSA).

Evoquant ensuite les comptes de la branche vieillesse et de la Cnav, M. Philippe Séguin a rappelé que la Cour avait certifié les comptes pour 2007 en émettant des réserves, la principale portant sur le caractère potentiellement significatif des erreurs affectant le calcul des pensions de retraite.

Les travaux d'audit menés depuis lors par la Cour avec le concours de la Cnav ont permis de constater que ces erreurs sont effectivement significatives. Plus de 5,4 % des pensions de retraite calculées en 2008 présentaient une anomalie financière, ce qui correspond en valeur absolue à des montants significatifs. A ces erreurs internes s'ajoutent des défaillances dans le contrôle des données entrantes, c'est-à-dire des flux d'information en provenance des employeurs et des organismes sociaux. Ce problème est à l'origine de la fameuse « erreur » de calcul qui a récemment défrayé la chronique. En 2007, la Cour avait recommandé à la Cnav de formaliser dans une convention avec l'Unedic la nature des données adressées par cet organisme, qui n'était fixée par aucun document. La Cnav a ainsi découvert que le nombre de périodes assimilées, notifié au titre du versement d'indemnités de chômage, était majoré à tort depuis 1992, voire antérieurement. Cette erreur systématique résulte non d'un « bug » informatique, comme on l'a lu dans la presse, mais d'un manque d'attention portée à la nature et à la qualité des données adressées par les organismes sociaux.

Par ailleurs, la Cour a constaté l'absence de rapprochement entre le montant des salaires déclarés par les employeurs pour servir de base au calcul des retraites et le montant des salaires sur la base desquels ils versent leurs cotisations. Dès lors, des cotisations payées peuvent ne pas ouvrir de droits à la retraite tout comme des droits peuvent être ouverts sans paiement des cotisations correspondantes.

Pour autant, des avancées sont à attendre en 2009 dans la mesure où la Cnav connaît mieux les risques encourus grâce aux efforts conduits en matière de contrôle interne.

A propos de la branche recouvrement et de l'Acoss, M. Philippe Séguin a observé que la Cour avait refusé de certifier leurs comptes pour 2007 en raison d'un désaccord sur un montant de 980 millions d'euros qui minorait d'autant le déficit affiché par le régime général. Le désaccord a été surmonté en 2008 et tous les problèmes relevés par la Cour en 2007 ont fait l'objet d'un plan d'action de la part de l'Acoss. Des progrès sont néanmoins encore possibles et la Cour formule plusieurs réserves qui concernent, comme pour la branche famille, les écritures d'inventaire et l'insuffisance des provisions pour contentieux notamment. Par ailleurs, l'activité de recouvrement a été confrontée en 2008 à un défi majeur avec la mise en place de l'interlocuteur social unique. La montée en charge de ce dispositif a entraîné des difficultés de gestion importantes. Les conséquences financières de certains dysfonctionnements ont pu être chiffrées et intégrées dans les comptes. Pour les autres, en particulier les pertes de recettes liées à l'absence de recouvrement forcé des cotisations ou les difficultés de rapprochement des fichiers de cotisants, la Cour a été amenée à formuler une réserve générale.

En ce qui concerne, enfin, les comptes pour 2008 de la branche maladie, de la branche accidents du travail-maladies professionnelles et de la Cnam, la Cour les a, comme en 2007, certifiés avec réserves. Des progrès notables ont été réalisés depuis 2006 dans la performance du dispositif de contrôle interne des branches et de la Cnam, mais des lacunes subsistent concernant, par exemple, les provisions relatives aux paiements aux hôpitaux, les flux d'informations échangés avec les mutuelles ou les règlements aux établissements sociaux et médico-sociaux.

En définitive, les opinions émises par la Cour sur la certification des comptes peuvent paraître traduire une exigence de plus en plus forte de sa part, justifiée par une connaissance plus complète des branches et fondée sur la capacité à chiffrer les conséquences des insuffisances des contrôles. Pour autant, elle a constaté de nombreux progrès qui la confortent dans la conviction que la certification a permis d'engager une démarche salutaire d'amélioration du contrôle interne comptable et financier et de rationalisation des processus.

Puis M. Philippe Séguin a présenté le rapport, récemment adopté par la Cour des comptes, sur la situation et les perspectives des finances publiques, en insistant plus particulièrement sur la situation financière de la sécurité sociale. En 2008, le déficit du régime général s'est établi à 10,2 milliards d'euros, soit un niveau comparable à celui de 2007. Certes, la croissance des charges a été inférieure d'un demi-point par rapport à 2007, mais l'évolution des recettes a également été inférieure en raison des premiers effets de la contraction de la masse salariale. Comme l'Etat, la sécurité sociale a donc abordé la crise financière en situation de déséquilibre structurel et va subir en 2009 les conséquences du décrochage de la masse salariale.

Les branches présentent toutefois des évolutions contrastées :

- le déficit de l'assurance maladie a été stabilisé en 2008 légèrement en dessous de 5 milliards d'euros du fait du ralentissement tant de l'ensemble des dépenses figurant dans l'Ondam (3,4 % en 2008 contre 4 % en 2007) que des seuls soins de ville (2,5 % en 2008 après 4,4 % en 2007) et de l'instauration des franchises sur les remboursements mises en place au 1er janvier 2008. Néanmoins, l'objectif fixé en loi de financement a été dépassé de 860 millions d'euros (il l'avait été de 3 milliards en 2007). Le progrès est donc relatif et encore insuffisant ;

- le déficit de la branche vieillesse continue, en revanche, à s'aggraver puisqu'il a atteint 5,6 milliards d'euros contre 4,6 milliards en 2007, sous l'effet de l'arrivée massive de nouveaux retraités et de la poursuite des départs anticipés consécutifs à la réforme de 2003, qui pèsent pour 2,4 milliards sur les comptes de 2008 ;

- enfin, la branche famille connaît une rechute inquiétante du fait d'une augmentation des prestations de 3,5 %. Excédentaire de 0,2 milliard d'euros en 2007, la branche est redevenue déficitaire de 0,3 milliard en 2008.

L'ampleur du déficit constaté en 2008, ajouté à celui accumulé depuis le dernier transfert de dettes à la Cades ainsi qu'à l'endettement du fonds de solidarité vieillesse (FSV), avait conduit le Gouvernement à prévoir, dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, une nouvelle reprise de dettes par la Cades pour un montant de 26,9 milliards d'euros. Conformément à la loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale, selon laquelle tout nouveau transfert doit s'accompagner de la ressource nécessaire à son amortissement, 0,2 % de CSG ont été transférés du FSV à la Cades. Or, malgré l'excédent dégagé par le FSV en 2008, il était évident, dès les premiers signes de la crise financière de l'automne dernier, que la dégradation de l'emploi allait à nouveau peser sur les résultats de ce fonds et qu'il n'était pas raisonnable de le priver d'une partie, même faible, de ses ressources. La commission des comptes de la sécurité sociale prévoit ainsi un déficit du FSV de 2,1 milliards d'euros en 2009.

Les modalités retenues pour la reprise de ces nouveaux déficits par la Cades confirment le bien-fondé de la position de la Cour, qui juge prioritaire de rééquilibrer les comptes sociaux pour ne plus continuer d'accumuler des dettes.

En définitive, les comptes sociaux sont dans une situation critique depuis plusieurs années : le choix affiché d'un retour très progressif à l'équilibre des comptes du régime général conduit à l'accumulation d'une dette de plus en plus lourde qu'il faut bien financer par un supplément de recettes affectées à la Cades. Certes, ce choix limite à court terme l'augmentation des prélèvements obligatoires mais ne fait que rendre celle-ci à la fois inévitable et plus importante à plus ou moins long terme.

En ce qui concerne la situation des comptes sociaux pour 2009, il faut constater que le régime général a abordé la crise avec un handicap important. Son déficit devrait s'élever en 2009 à 20,1 milliards d'euros, soit un doublement par rapport au déficit structurel de l'année précédente. Le financement de ce déficit posera un problème dès cette année puisque le plafond des ressources non permanentes auxquelles peut recourir l'Acoss, fixé à 18,9 milliards d'euros en 2009, sera dépassé dès l'automne.

Le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique a assuré que le Gouvernement va procéder par décret à un relèvement de ce plafond, qui risque d'être très élevé en 2010 si aucune autre mesure n'est prise. Or, le recours aux ressources non permanentes pour financer les déficits cumulés du régime général comporte un double risque. D'une part, l'Acoss bénéficie actuellement d'une situation financière caractérisée par des taux d'intérêt à court terme très bas, qui pourrait durer moins longtemps que le portage de déficits croissants. D'autre part, la Caisse des dépôts et consignations a annoncé qu'elle limiterait ses encours au-delà d'un certain montant, ce qui contraindra l'Acoss à émettre des billets de trésorerie, alors même que le marché de ces billets est relativement restreint.

M. Philippe Séguin a alors souligné que la Cour, avec une grande constance, estime que la priorité est le retour à l'équilibre structurel. Or, un déficit structurel appelle des réformes également structurelles qui ont rarement un impact immédiat, ce qui justifie de ne pas en différer la conduite, mais pourrait rendre également inévitable, à plus court terme, une hausse des prélèvements sociaux. Des aménagements de prestations sont cependant possibles à brève échéance, qu'il s'agisse du durcissement des conditions d'accès au départ anticipé pour carrière longue, qui a déjà des effets positifs sur les comptes, ou de la mise en cause des majorations de durée d'assurance pour enfants.

Dans la branche famille, la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje) devrait être mieux encadrée. Par ailleurs, les enveloppes qui financent l'action sociale doivent rester limitatives et leur montant respecté. Pour l'assurance maladie, la Cour a montré que les réformes entreprises ces dernières années ont certes permis une meilleurs maîtrise des dépenses, mais qu'elles ont entraîné également des coûts pourtant parfaitement évitables. En matière de soins de ville, les franchises participent, au-delà de leur rendement direct, à l'inflexion souhaitée des comportements. Mais elles ne sont pas extensibles, dans la mesure où l'effort de maîtrise est imposé aux seuls patients et, parmi ceux-ci, à ceux qui ne souffrent pas d'une affection de longue durée. A l'opposé, la compensation pour les professionnels de santé de la moindre mesure d'organisation ou de maîtrise des dépenses par des rémunérations complémentaires va à l'encontre de l'objectif recherché, sans gain réel en matière de pratique médicale.

En ce qui concerne l'hôpital, le prochain rapport de la Cour sur la sécurité sociale mettra en évidence l'existence de multiples gisements d'économies dans tous les établissements par des progrès d'organisation et de fonctionnement. La loi de réforme de l'hôpital (HPST), définitivement adoptée par le Parlement, donne de nouveaux outils aux futures agences régionales de santé (ARS) pour accentuer l'effort de réorganisation du tissu hospitalier.

Enfin, la croissance du nombre de patients en affection de longue durée et l'importance de la dépense correspondante (64 % des remboursements en 2007 contre 51 % en 2004), qui ne concerne que 13 % des assurés, n'est pas durablement soutenable. L'explication de cette hausse par le vieillissement de la population, un meilleur dépistage des affections et des traitements à vie de plus en plus coûteux, paraît insuffisante dès lors qu'il est évident, dans le même temps, que les Français vivent plus longtemps en bonne santé.

M. Philippe Séguin a alors évoqué les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale pour souligner que, si l'Etat continue d'apurer ses dettes à l'égard des régimes de sécurité sociale, les insuffisances de crédits ouverts en lois de finances initiales en reconstituent de nouvelles. Ainsi, à la fin de l'année 2008, l'Etat a apuré ses dettes à l'égard de différents régimes autres que le régime général, mais sa dette à l'égard du seul régime général a augmenté de 1,3 milliard d'euros en dépit d'un réel effort pour mieux prévoir en loi de finances initiale les crédits budgétaires nécessaires au financement de l'aide médicale gratuite, de l'allocation aux adultes handicapés ou au remboursement d'exonérations ciblées de cotisations. A la fin de l'année 2008, les dettes de l'Etat à l'égard de l'ensemble des régimes de base s'élevaient à 3,6 milliards d'euros.

Concluant son propos, il a estimé que la situation financière des régimes de sécurité sociale est sombre. L'impact de la crise sur les recettes s'ajoute à une situation initiale dégradée. Autant la crise justifie la recherche de solutions exceptionnelles, autant le déficit qui existe depuis plusieurs années exige des réformes de fond préparant la sécurité sociale au vieillissement croissant de la population. Compte tenu de la nécessaire progressivité des effets des réformes, il convient, d'une part, de ne pas les différer, d'autre part, de ne pas exclure une augmentation des recettes à défaut de laquelle seront reportés sur les générations futures des déficits de plus en plus considérables.

M. Nicolas About, président, revenant sur le refus de la Cour de certifier les comptes de la Cnaf, a rappelé que cette caisse n'a plus de conseil de surveillance depuis un an, le Gouvernement n'ayant pas pris l'arrêté désignant les membres de ce conseil.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a rappelé que la Cour, dans son rapport sur la certification des comptes de l'Etat pour 2008, a formulé une réserve substantielle à propos de la Cades et appelé de ses voeux une clarification des intentions du législateur, considérant que la Cades devrait être reclassée en participation contrôlée alors qu'elle figure actuellement dans les immobilisations financières de l'Etat en tant qu'entité non contrôlée. Il a souhaité avoir des précisions sur les hypothèses envisageables pour clarifier le statut de la Cades.

M. Philippe Séguin a fait valoir que la Cades remplit toutes les conditions pour être classée en participation contrôlée de l'Etat. Dans ces conditions, deux options sont ouvertes : l'application stricte des normes comptables et l'intégration de la Cades dans les comptes de l'Etat en tant qu'entité contrôlée, ce qui aura des conséquences sur le bilan et la situation nette de l'Etat, ou le rattachement de la Cades aux comptes de la sécurité sociale, ce qui réduirait l'intérêt du mécanisme de défaisance mis en place en 1996.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a interrogé le Premier président sur les premières conclusions de l'étude entreprise par la Cour sur la gestion de la trésorerie du régime général et la couverture des découverts des régimes de sécurité sociale.

Précisant que cette étude figurera dans le rapport de la Cour sur la sécurité sociale qui sera publié en septembre, M. Philippe Séguin a indiqué que quelques conclusions apparaissent d'ores et déjà. Le financement de l'Acoss par la Caisse des dépôts et consignations est moins coûteux que le financement bancaire. Cependant, le recours à la Caisse des dépôts et consignations et l'émission de billets de trésorerie, qui constituent les deux sources de financement de l'Acoss, ne sont pas adaptés à un portage de dettes sur des durées longues. Tandis que la Caisse des dépôts a fixé une limite à ses concours, le marché des billets de trésorerie, sur lequel l'Acoss constitue déjà le plus gros opérateur, est étroit. La Cades est un instrument plus adapté que l'Acoss au portage de dettes sur longue période, mais tout transfert de dettes à cet organisme doit s'accompagner d'un transfert de ressources permettant le remboursement. Tant que les taux d'intérêt à court terme demeureront aussi faibles qu'aujourd'hui, le financement de la dette par des ressources à court terme ne posera que des problèmes limités, mais rien ne permet d'affirmer que cette situation va perdurer.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité avoir des précisions sur les préconisations formulées par la Cour dans son rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, notamment en ce qui concerne la remise en cause des niches sociales, les effets éventuels de la loi HPST sur la limitation de la croissance des dépenses de santé, les moyens privilégiés de renforcer la maîtrise médicalisée des dépenses à l'hôpital et la prise en charge des affections de longue durée.

M. Philippe Séguin a rappelé que la Cour s'intéresse depuis fort longtemps aux niches sociales autant qu'aux niches fiscales. Ainsi, dans le rapport qu'elle vient de présenter sur les concours publics aux établissements de crédit, elle invite les pouvoirs publics à préciser le statut de l'ensemble des éléments de rémunération au regard des règles fiscales et sociales plutôt que d'interdire certaines formes de rémunération. Les lois de financement de la sécurité sociale pour 2008 et 2009 ont permis des progrès dans la limitation des niches sociales, qu'il s'agisse de l'adoption de mesures relatives aux stock-options et aux indemnités pour certains départs en retraite, de la création d'un forfait social de 2 % ou de la taxation des parachutes dorés. En revanche, les indemnités de rupture de contrat inférieures à trente fois le plafond de la sécurité sociale demeurent soumises au régime social des indemnités de licenciement alors qu'une plus large part de ces indemnités pourrait être soumise au régime de droit commun. La taxation des stock-options et actions gratuites pourrait être accentuée. Les retraites chapeaux, qui concernent plus d'un million de salariés, bénéficient encore d'un cadre fiscal et social très avantageux. Il conviendrait en outre de se rapprocher des taux de droit commun pour les assiettes soumises au forfait social en augmentant le taux de ce forfait. Enfin, les cotisations sociales de l'Etat devraient s'appliquer à une assiette plus proche de la réalité en intégrant les primes.

Pour les retraites, certains avantages familiaux de retraite pourraient être plafonnés, fiscalisés ou réduits. La Cour, après avoir travaillé sur le minimum contributif, s'intéressera prochainement aux durées d'assurance. Sur les affections de longue durée, la Cour n'a pas travaillé récemment sur le sujet, mais la Haute Autorité de santé (HAS) a élaboré différents scénarii en 2007, notamment la modification des conditions d'entrée dans le dispositif d'affection de longue durée ou le remplacement de ce dispositif par le bouclier sanitaire. En ce qui concerne l'hôpital, d'importantes marges de productivité existent, mais les économies envisageables se traduiront très certainement par une diminution des effectifs de la fonction publique hospitalière.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a souhaité connaître la position de la Cour sur la situation du FSV et les conséquences de la suppression du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (Ffipsa).

M. Philippe Séguin a rappelé que le FSV a dégagé des excédents en 2007 et 2008, mais que la montée du chômage provoquera mécaniquement une dégradation de sa situation en 2009, aggravée par le transfert d'une partie des ressources de CSG de ce fonds vers la Cades. La suppression du Ffipsa, fonds qui avait été fortement critiqué par la Cour, s'est accompagnée d'un adossement de la branche maladie du régime des exploitants agricoles au régime général et l'attribution de recettes nouvelles à cette branche. Il convient encore de trouver une solution durable au déficit structurel de la branche vieillesse du régime, qui devrait s'élever à 1,2 milliard d'euros en 2009.

M. André Lardeux a demandé des précisions sur les positions de la Cour à l'égard des comptes de la branche famille et de la Cnaf. Le meilleur encadrement de la Paje passe-t-il par un resserrement des conditions d'accès à cette prestation ou par un renforcement des contrôles de sa distribution ? L'action sociale de la branche famille étant soumise à un budget limitatif, quelle est l'explication des dépassements constatés ? Les erreurs constatées dans les dossiers d'allocations familiales sont-elles majoritairement favorables aux Caf ou aux allocataires ? Enfin, concernant les comptes de la branche vieillesse, à combien le coût de l'adossement à la Cnav du régime de retraite des industries électriques et gazières est-il évalué ?

Mme Rolande Ruellan, présidente de la 6e chambre, a indiqué que les conditions d'octroi de la Paje devraient faire l'objet d'une vigilance particulière, la montée en charge de cette prestation ne semblant pas s'arrêter pour l'instant. Le budget du fonds national d'action sociale (Fnas) est en principe limitatif, mais les caisses d'allocations familiales ont pris des engagements en termes de financement des dépenses de crèches et se sont trouvées liées pour plusieurs années, ce qui a provoqué des dépassements d'enveloppe avant qu'une correction soit opérée. Enfin, à propos des erreurs constatées dans les dossiers d'allocations familiales, l'essentiel n'est pas, pour la Cour, le montant des pertes provoquées par ces erreurs pour une caisse ou pour les allocataires, mais l'efficacité des systèmes de contrôle interne mis en place par les différentes caisses.

M. Jean-Philippe Vachia, conseiller maître à la Cour des comptes, a précisé que les erreurs dans les dossiers d'allocations familiales provoquent une perte, sans doute sous-estimée, de 300 millions d'euros pour la Cnaf. L'adossement du régime des industries électriques et gazières augmente le déficit de la Cnav à hauteur de 262 millions, compte étant tenu des particularités du traitement comptable de la soulte due par les entreprises de ces industries, dont une partie est gérée par le fonds de réserve des retraites pour le compte de la Cnav.

M. Dominique Leclerc est revenu sur l'erreur, récemment constatée par la Cnav, sur les périodes de chômage assimilées à des trimestres de cotisations retraite pour s'étonner que les systèmes informatiques de la Cnav et de l'Unedic ne soient pas compatibles et que, au sein même de certaines caisses, certains services ne soient pas dotés des mêmes systèmes informatiques. Il a souligné, en outre, le poids très lourd du dispositif de départ anticipé pour carrière longue dans les comptes de la Cnav.

M. Philippe Séguin a fait observer que, si les problèmes informatiques peuvent provoquer de graves erreurs, l'affaire mentionnée par Dominique Leclerc s'explique par une insuffisance de contrôle interne de la Cnav à l'égard des données qui lui sont transmises par d'autres organismes.

Evoquant la mise en place des franchises médicales, M. François Autain a rappelé que les sommes dégagées grâce à celles-ci étaient censées servir, non à réaliser des économies mais à faire face à des enjeux de santé publique importants tels que le cancer ou la maladie d'Alzheimer. Ne peut-on craindre que les économies immédiates qui en résultent ne se traduisent, à terme, par des dépenses plus importantes, certains patients renonçant aux soins primaires mais recourant ultérieurement à une hospitalisation et à des soins lourds qui auraient pu être évités ?

M. Philippe Séguin a tout d'abord observé que la Cour ne peut émettre d'avis sur la légitimité des décisions prises par les pouvoirs publics en matière de santé publique. La recherche d'un éventuel impact négatif sur les finances sociales de la mise en place des franchises relève de l'évaluation des politiques publiques, récemment consacrée lors de la révision constitutionnelle de 2008, et non de l'audit de performance tel que le pratique régulièrement la Cour. Peut-être celle-ci sera-t-elle conduite à l'avenir à assister le Parlement dans cette mission d'évaluation, mais elle devra alors s'entourer d'autres compétences, en particulier médicales.

M. Alain Gournac a constaté que plusieurs des réserves émises par la Cour à propos de la certification des différentes branches du régime général sont liées à d'importantes erreurs dans le versement des prestations. Ces erreurs étant aggravées par des fraudes, comment peut-on progresser dans ce domaine ?

Sans nier l'importance de la lutte contre les abus et les fraudes, M. Philippe Séguin a considéré que la disparition de toutes les erreurs et fraudes constatées dans le fonctionnement de la sécurité sociale ne corrigerait pas pour autant le grave problème de déficit structurel que connaissent les comptes sociaux.

Mme Christiane Demontès a questionné le Premier président sur l'efficacité des outils de contrôle mis en oeuvre par les différentes branches du régime général. Eu égard à la situation de plus en plus dégradée de la branche vieillesse, ne serait-il pas pertinent de créer, dès à présent, le cinquième risque pour mieux distinguer ce qui relève de la retraite de ce qui relève de la prise en charge sanitaire au titre de la dépendance ?

M. Philippe Séguin a souligné que les instruments de contrôle mis en oeuvre par les différentes caisses marquent d'incontestables progrès, mais qu'il est nécessaire que la Cour demeure vigilante pour que l'effort ne se relâche pas.

M. Jean Desessard s'est interrogé sur la compatibilité du système de protection sociale mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale avec une politique libérale et ouverte au marché, telle que celle qui est aujourd'hui conduite.

M. Philippe Séguin a constaté que, pour l'assurance maladie, l'objectif doit être de rechercher en permanence les moyens d'assurer la compatibilité entre un système de protection généralisée et un système de distribution des soins fondé sur les principes de liberté, cette compatibilité n'étant pas spontanée.

M. Gilbert Barbier a souhaité savoir si les différentes caisses ont mis en place des instruments de lutte contre les fraudes et les abus suffisamment efficaces.

M. Nicolas About, président, s'est demandé si les responsables de ces caisses ne se doutaient pas, depuis fort longtemps, de l'existence et de l'importance des abus et des fraudes.

M. Philippe Séguin a confirmé que d'importants progrès, probablement trop tardifs, ont été faits dans la lutte contre les abus et les fraudes, celle-ci devant encore être accentuée, notamment dans un souci d'équité entre les usagers.

Mme Rolande Ruellan, évoquant les travaux de la Cour sur les fraudes dans les différentes branches, a indiqué à son tour que beaucoup de progrès ont été accomplis sous l'impulsion du Gouvernement. Pendant longtemps, les différentes branches, à l'exception de la branche recouvrement, étaient peu sensibilisées à cette question. La branche maladie s'est cependant bien organisée pour lutter contre les fraudes. En revanche, pendant longtemps, la branche famille n'avait pas de fichier national des allocataires.

M. Jacky Le Menn s'est demandé pourquoi, lorsque la HAS formule des recommandations pour le traitement de certaines pathologies, elle ne fournit pas d'étude économique sur les coûts comparatifs des différents traitements de la pathologie. Ce type d'action ne permettrait-il pas d'importantes économies dans le secteur ambulatoire ?

M. François Autain a jugé nécessaire que la Cour se penche sur les conditions de mise en circulation et de remboursement des médicaments. 80 % des médicaments mis sur le marché chaque année ne permettent aucun progrès dans le traitement des pathologies alors qu'ils sont vendus plus chers que les médicaments existants.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a relevé que la Cour mentionne des niveaux d'erreurs significatifs dans le cadre de la certification des comptes, sans toujours préciser le montant de ces erreurs. Il a demandé si cette démarche est volontaire et si des montants chiffrés figurent dans le rapport. Evoquant l'adoption, contestable à son sens, d'un amendement du Gouvernement autorisant, dans la loi HPST, l'AP-HP à présenter des budgets en déséquilibre, il s'est demandé s'il ne conviendrait pas de rechercher les moyens de permettre à la Cour de refuser de certifier des comptes en déséquilibre.

M. Philippe Séguin a constaté que la législation actuelle n'autorise pas la Cour à refuser de certifier les comptes au motif qu'ils sont déséquilibrés. La réalisation des études d'impact, telles qu'elles sont désormais prévues par la Constitution, peut permettre des progrès dans ce domaine en garantissant une information fiable au Parlement sur les conséquences financières des mesures qui lui sont proposées. A propos de la certification des comptes, il a souligné que celle-ci repose sur un faisceau d'indices et non sur le seul niveau des erreurs constatées. Ainsi, la Cour refuse toute discussion sur un éventuel seuil de signification, en deçà duquel les comptes seraient systématiquement certifiés.

Mme Rolande Ruellan, répondant à Jacky Le Menn, a précisé que la HAS est désormais habilitée à réaliser des études médico-économiques et que la Cour procédera prochainement à un contrôle de cette autorité. D'ores et déjà, la HAS a réalisé d'importants travaux en matière de référentiels pour le bon usage, qui sont appelés à se développer encore. Enfin, les précédents travaux de la Cour sur le médicament montrent que, effectivement, un grand nombre de médicaments mis sur le marché à des prix supérieurs aux traitements existants n'apportent aucun progrès thérapeutique.

Mercredi 1er juillet 2009

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Etat des comptes de la sécurité sociale - Audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), et de M. Jean-Marc Aubert, directeur délégué à la gestion et à l'organisation des soins de la Cnam

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a entendu, sur l'état des comptes de la sécurité sociale, M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), accompagné de M. Jean-Marc Aubert, directeur délégué à la gestion et à l'organisation des soins de la Cnam.

Evoquant la certification, avec réserves, par la Cour des comptes, des comptes de la Cnam, M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Uncam et de la Cnam, a salué l'esprit positif dans lequel se déroule le processus de certification, qui offre l'occasion d'améliorer la comptabilité analytique et de développer les systèmes informatiques de la Cnam.

La certification des comptes, si elle rend compte de l'effort de la Cnam pour produire des comptes sincères, ne doit cependant pas occulter le problème principal qui est celui de l'équilibre général des comptes sociaux.

Alors que le conseil de la Cnam et celui de l'Uncam sont à la veille de présenter leurs propositions sur les charges et produits d'assurance maladie pour l'année 2010, il convient de rappeler les tendances et les facteurs de l'évolution des dépenses de santé.

En fonction des évolutions tendancielles, le taux de croissance annuelle spontanée des dépenses de santé devrait être, pour la période 2009-2012, en moyenne de 3,7 % par an en volume, c'est-à-dire hors application d'éventuelles modifications du prix des prestations. Cette estimation confirme la tendance lourde à une croissance de ces dépenses supérieure à celle de la richesse nationale.

On connaît les causes de cette dynamique : la croissance plus rapide des pathologies lourdes et l'intensification des soins.

En 1992, la proportion des dépenses liées aux pathologies lourdes prises en charge au titre des affections de longue durée (ALD) représentait 50 % de la dépense totale. Cette proportion est aujourd'hui supérieure à 60 % et pourrait atteindre 70 % en 2015. Selon des études en cours, il semblerait que la stabilité du taux de prise en charge moyen observée depuis une quinzaine d'années puisse s'expliquer, en dépit de la baisse du taux de prise en charge des populations en ALD et hors ALD, par un effet de moyenne dû à la croissance des ALD.

L'intensification des soins, deuxième facteur majeur d'évolution des dépenses, est beaucoup plus rapide pour les pathologies lourdes ou chroniques, qui sont à l'origine de 84 % de la croissance totale du volume des soins, dont 30 % pour les pathologies cardio-vasculaires, 20 % pour les cancers et 14 % pour les pathologies psychiatriques et neurologiques, y compris les affections liées à l'âge et la maladie d'Alzheimer. L'augmentation en volume des médicaments tire vers le haut cette croissance : ainsi, la pharmacie représente 13 % de la croissance des dépenses pour les cancers en raison de l'apparition de médicaments nouveaux disponibles initialement dans le cadre hospitalier puis en officine de ville. Les dépenses liées aux traitements nouveaux ne se traduisent cependant pas toujours par un équilibrage plus efficace des pathologies comme on a pu le constater dans le cas de l'asthme, où les traitements nouveaux ont représenté ces dernières années des dépenses de l'ordre de 250 millions d'euros. Ceci met en évidence l'importance de la question du rapport qualité-prix, qui sera un sujet majeur dans les années à venir.

Mais l'intensification des soins tient aussi au développement de la demande. Dans le domaine de la chirurgie fonctionnelle, le nombre des prothèses de hanche a progressé de 40 % entre 1998 et 2007, celui des interventions sur les ligaments du genou de 50 %, celui des cataractes de 60 %, progressions qui excèdent largement celles que l'on peut imputer à des raisons démographiques.

On dispose donc désormais d'une vision assez claire des moteurs du développement des dépenses, ce qui constitue une bonne base pour déterminer les mesures à prendre.

M. Frédéric Van Roekeghem a également relevé l'évolution plus rapide en ville qu'à l'hôpital des dépenses en volume de médicaments. Ce transfert de l'hôpital vers la médecine de ville, qui n'est pas en lui-même une mauvaise chose, tient au fait que pour certaines pathologies, cancers ou affections cardio-vasculaires, l'accès à certains traitements est devenu possible en officine de ville.

On assiste aussi à une nette augmentation du nombre des patients traités, qui tient, à côté de facteurs épidémiologiques - c'est le cas du diabète - à l'évolution des politiques et des pratiques de soins, comme le dépistage, et à des effets d'offre.

On peut s'interroger sur l'efficacité du recours au « bouclier sanitaire » pour régler le problème de la dynamique des dépenses. Le bouclier sanitaire s'analyse en effet comme un mécanisme de réassurance au-delà d'un certain montant de dépenses, éventuellement variable en fonction du revenu, tandis que le système des ALD correspond à une réassurance fondée sur la gravité de la pathologie, en quelque sorte sur la « sinistralité ». Mais, au final, que le mécanisme de réassurance soit fonction du montant des remboursements ou de la pathologie, c'est toujours le réassureur qui supportera la dynamique de la dépense, liée aux sinistres lourds, et si les paramètres du bouclier sanitaire évoluent au même rythme que l'inflation, on ne changera pas la dynamique de la dépense.

Il ne paraît donc pas possible de rééquilibrer le régime général en recourant au bouclier sanitaire. De surcroît, tout le poids de ce mécanisme pèserait sur les personnes modestes atteintes de maladies graves, qui seraient les plus touchées par les relèvements de seuil.

Le bouclier sanitaire peut en revanche être utilisé à d'autres fins, par exemple pour alléger le reste à charge (RAC) des patients aux revenus les plus bas, mais en tout état de cause son financement reposera sur les assurés à revenus modestes, à l'instar de celui de l'impôt, toujours assuré par les classes les plus nombreuses, donc les plus modestes.

Ceci étant, s'il existe des tendances lourdes à la croissance des dépenses qu'il ne paraît pas possible de changer, cela ne veut pas dire que l'on ne peut rien faire.

M. Frédéric Van Roekeghem a détaillé à cet égard les inflexions constatées dans l'évolution annuelle moyenne des dépenses de santé entre la période 1998-2003 et la période 2003-2009.

Pour l'ensemble des soins de ville, l'augmentation annuelle moyenne en valeur était de 7 % par an sur la première période, mais de 3,3 % seulement sur la seconde, soit, sur cinq ans, une économie comprise entre 2 et 2,5 milliards d'euros, équivalente à un point de contribution sociale généralisée (CSG). Pour les honoraires médicaux, hors dépassements (dont le rythme annuel de progression a lui-même baissé, passant de 10 % à 5 %), ces taux d'évolution ont été respectivement de 4,3 % et 2,2 % ; de 7 % et 6 % pour les honoraires des auxiliaires médicaux ; de 9,1 % et 6,5 % pour les transports sanitaires ; de 7,2 % et 2 % pour les dépenses de biologie (qui pendant trois années consécutives ont baissé de 100 millions d'euros par an) ; de 8,2 % et 1,8 % pour les arrêts maladie ; de 7,9 % et 3,3 % pour les médicaments ; de 7 % et 4,9 % pour les cliniques ; de 4,4 % et 3,3 % pour les hôpitaux publics. Le secteur médico-social est le seul dans lequel les dépenses moyennes annuelles ont crû plus vite (8,9 %) entre 2003 et 2009 qu'entre 1998 et 2003 (6,6 %).

Certes, ces progrès n'ont pas tout réglé, mais on peut estimer que si la gestion des dépenses avait été la même entre 1998 et 2003 qu'entre 2003 et 2009, le déficit de l'assurance maladie aurait été effacé : l'effort de redressement des cinq dernières années a en effet permis de le ramener de 11,7 milliards d'euros en 2004 à 4,4 milliards d'euros en 2008.

L'effondrement des recettes consécutif à la crise remet en cause le résultat de cet effort : M. Frédéric Van Roekeghem a souligné à cet égard l'importance du déficit prévu pour 2009, récemment estimé par la commission des comptes de la sécurité sociale à 9,4 milliards d'euros.

Dans ce contexte, le problème de la soutenabilité des dépenses publiques se posera avec une acuité nouvelle : certes, pour l'instant, tous les pays sont dans la même situation, mais certains réagiront peut-être plus vite que d'autres pour rééquilibrer leurs déficits publics, et la question de l'efficience du système de soins sera alors un des éléments fondamentaux que l'on ne pourra écarter.

Il existe certes des marges de manoeuvre, que l'on peut même estimer importantes, mais dont l'utilisation ne sera pas facile.

Dans le secteur de la médecine-chirurgie-obstétrique (MCO), après le débat sur la loi « HPST », on ne peut pas ne pas citer le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), qui évalue à 26 % l'écart « facial » entre les tarifs des secteurs public et privé, l'écart entre établissements au sein de chacun de ces secteurs étant vraisemblablement du même ordre.

Pour la Cnam, une partie de ces écarts tient à des différentiels de productivité qu'il faut réduire par une meilleure organisation des établissements publics et privés, ce qui est possible en conciliant la qualité du résultat médical et une meilleure maîtrise des coûts. La mise en place des agences régionales de santé (ARS) devrait contribuer à y parvenir. On peut ainsi envisager, suivant l'exemple des pays étrangers, un développement des interventions en ambulatoire, auxquelles 85 % des patients sont favorables et qui permettent de réaliser, avec une excellente qualité médicale, une économie annuelle de 100 millions d'euros. Il faut aussi poser la question de l'utilisation des plateaux techniques lourds, qui peut varier de un à deux selon les établissements. Les ARS seront un nouvel outil pour développer la productivité des établissements de santé publics et privés et la Cnam entend être, dans le cadre de la négociation de la convention d'objectifs et de gestion avec l'Etat comme de celui du nouveau contrat pluriannuel prévu par la loi HPST, une force de proposition pour parvenir à une meilleure gestion du risque de santé, y compris dans le domaine des soins hospitaliers.

M. Frédéric Van Roekeghem a ensuite indiqué que la Cnam a inclus cette année dans son rapport une réflexion sur les soins de suite et de rééducation (SSR) qui sont un secteur très important pour les patients, surtout dans la perspective de la réorganisation des parcours de soins et d'une amélioration de la qualité et de la gestion des services de soins.

Ces services représentent environ 100 000 lits et places, dont un peu plus de 40 % en secteur public, un peu moins de 40 % en secteur privé à but non lucratif et 20 % en secteur privé à but lucratif.

Cette offre est très inégalement répartie entre les départements et les régions : elle varie entre 0,4 et 9,36 lits ou places pour 1 000 habitants. Cette constatation invite à la modestie sur les problèmes de démographie médicale et d'implantation des services de soins, qui sont très loin de se limiter à la répartition des professionnels libéraux et concernent d'ailleurs, dans le cas des infirmiers, aussi bien les professionnels salariés que les libéraux. Elle pose la question de savoir, quand on planifie, si on planifie bien et de manière adaptée aux besoins de la population. Une deuxième question à soulever est celle de la tarification, qui peut varier, pour des cas de gravité comparable, de plus de 50 %. L'exemple des établissements, à but non lucratif, gérés par la sécurité sociale, illustre l'effet positif sur leur compétitivité des contraintes budgétaires imposées par les agences régionales de l'hospitalisation (ARH). Pour y faire face, les établissements ont consenti des efforts d'organisation et diminué le taux d'encadrement par lit, ce qui est compatible avec un service de qualité à condition que les locaux soient adaptés et donc, en général, relativement récents. Il faut aussi que les établissements soient bien informatisés, afin de pouvoir anticiper l'arrivée des patients.

Enfin, il est nécessaire de ne pas faire obstacle au développement des établissements par des objectifs quantifiés d'offre de soins (OQOS) qui organisent parfois de façon artificielle les parts de marché et limitent souvent la capacité d'accueil des structures les plus performantes et offrant un bon rapport qualité-prix : la Cnam a d'ailleurs proposé l'an dernier, mais en vain, la remise en cause des objectifs quantifiés. Cette proposition n'avait pourtant rien de novateur : beaucoup de pays voisins ont déjà mis en place des systèmes de pilotage de l'offre fondés sur la qualité du service et le rapport qualité-prix.

Estimant inutile d'insister sur le sujet du médicament, bien connu de la commission, M. Frédéric Van Roekeghem s'est ensuite félicité du succès rencontré par le nouveau « contrat d'amélioration des pratiques individuelles » (Capi) : 30 % des médecins contactés par les délégués de l'assurance maladie adhèrent au contrat dès la première visite et 12 % seulement refusent de le faire. En réponse à une question de Mme Isabelle Debré, il a indiqué que ce refus est généralement motivé par la position prise par le conseil national de l'ordre sur ce contrat, qui « interpelle » certains médecins. Il semble donc que l'objectif de diffusion de ce contrat sera dépassé dès avant les vacances d'été.

Interrogé par le président Nicolas About sur la position des médecins qui n'acceptent ni ne refusent le contrat dès la première proposition, M. Frédéric Van Roekeghem a répondu que 20 % environ ont souhaité prendre le temps de réfléchir. Il a ensuite précisé que le Capi s'analyse comme un système de capitation aux résultats, les médecins signataires s'engageant à respecter les objectifs de prévention définis par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, en matière par exemple de dépistage du cancer du sein et de iatrogénie médicamenteuse. La rémunération, en principe de 7 euros par an et par patient ayant choisi le médecin comme médecin traitant, est fonction des résultats obtenus pour les différents indicateurs retenus. On doit noter cependant que ce n'est pas la rémunération mais l'amélioration des résultats de santé publique qui est la principale motivation de l'adhésion au Capi : ce contrat est d'ailleurs soutenu par le directeur général de la santé.

Passant en revue les domaines où peuvent exister des marges de manoeuvre, M. Frédéric Van Roekeghem a évoqué, hormis le secteur du médicament dans lequel existent encore des possibilités d'action, notamment en ce qui concerne la hiérarchisation de traitement, la dialyse rénale, les transports de malades et les indemnités journalières.

En ce qui concerne la dialyse, les comparaisons internationales font apparaître que la situation française se caractérise par le niveau élevé des tarifs et le faible développement de la dialyse à domicile, qui comporte pourtant des avantages en termes d'adaptation du traitement, d'autonomie et de qualité de vie du patient mais aussi de coûts : le coût moyen annuel de la dialyse à domicile (dialyse péritonéale ou hémodialyse) est de l'ordre de 50 000 euros, celui de l'autodialyse en centre de 60 000 euros et celui de la dialyse en centre d'hémodialyse de 80 000 euros. On pourrait sans doute réaliser dans ce secteur des économies de l'ordre de 100 millions d'euros par an, à condition d'organiser l'offre.

Dans le domaine des transports de malades, la dépense, qui a fortement progressé au cours la dernière décennie, est très hétérogène et les coûts annuels varient, par patient utilisateur, entre 320 et 852 euros, sans que cette diversité s'explique, comme on pourrait le penser, par des caractéristiques géographiques ou de peuplement.

Les indemnités journalières (IJ) sont accordées au titre des risques maladie et accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). L'action menée par l'assurance-maladie a été centrée, pour les arrêts maladie, sur les prescripteurs et les assurés mais entend prendre en compte aussi la dimension de l'employeur. Des analyses sont en cours sur les taux d'IJ par branche professionnelle et l'on constate, dans certaines branches, des corrélations entre les arrêts maladie et les arrêts AT.

Les IJ sont un sujet très compliqué, les risques d'arrêts de travail pouvant varier largement, par exemple en fonction du sexe : les femmes et les hommes n'ont pas d'arrêts de travail pour les mêmes raisons médicales, ni aux mêmes périodes de la vie. D'autres disparités peuvent tenir à la structure de la population active en termes d'âge, de secteur d'activité, de qualification. Mais l'on constate aussi des variétés de pratiques locales que font apparaître les analyses par pathologie : la durée d'arrêt pour une appendicectomie peut ainsi varier de dix-sept à vingt-cinq jours selon le département, de trente à plus de quatre-vingt-dix jours pour les lésions internes du genou : il y a donc des diversités relevant d'usages qu'il conviendrait d'harmoniser.

Mais il est très difficile d'élaborer des référentiels et plus encore de les rendre obligatoires : on peut fort bien comprendre que la durée d'un arrêt de travail puisse varier selon la nature et la pénibilité de ce travail. Il serait cependant souhaitable de parvenir, par voie de recommandations et en fonction de critères médicaux et professionnels, à une plus grande homogénéité de traitement sur l'ensemble du territoire, ainsi qu'à la localisation et à la prévention des abus.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a demandé des précisions sur les moyens d'améliorer le taux de réalisation des mesures de maîtrise médicalisée des dépenses, que le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de santé évalue à 60 % environ, et pour renforcer, comme l'a souhaité le ministre chargé des comptes publics, le contrôle des IJ.

Il a interrogé M. Frédéric Van Roekeghem sur le chiffrage des économies qui pourraient résulter de l'utilisation des « marges de manoeuvre » indiquées, sur ce que l'on peut attendre de l'action des ARS, qui semblent être chargées d'accomplir tout ce que la Cnam n'a pu réaliser, ainsi que sur la possibilité de parvenir, en dépit de la crise, au rééquilibrage des dépenses d'assurance maladie en 2012.

Il a également souhaité savoir quel peut être l'aboutissement de la négociation sur le secteur optionnel dans le délai imposé par l'amendement à la loi « HPST » adopté en commission mixte paritaire à l'initiative de l'Assemblée nationale.

Il a voulu connaître l'état des réflexions de la Cnam sur la prise en charge des ALD, évoquant le souhait du Président de la République de confier de nouvelles responsabilités en ce domaine aux organismes d'assurance maladie complémentaire.

Il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles il a été facturé une journée d'hospitalisation entière à un patient admis à 23 heures 30 pour des soins chroniques et il a demandé confirmation, relayant une question de Mme Marie-Thérèse Hermange, du fait qu'une personne en arrêt de travail pendant trois années consécutives passe automatiquement au régime de l'invalidité.

Mme Raymonde Le Texier a demandé à quoi correspond l'écart tarifaire entre établissements de santé publics et privés : le tarif s'entend-il du coût global de la prise en charge, de l'entrée du patient à sa sortie de l'établissement ou de la tarification d'une intervention ? Elle a noté que, selon son expérience personnelle, le montant des prestations que les établissements privés facturent à leurs clients et les économies de coûts de personnel résultant de l'entrée en début de semaine de patients que l'on fait ensuite sortir le vendredi, ou au plus tard le samedi, peuvent expliquer que le coût global pour l'assurance maladie des hospitalisations en clinique privée soit inférieur à celui des séjours dans les hôpitaux publics.

Au sujet du Capi, elle a relevé que le développement du dépistage précoce du cancer du sein peut certes représenter à terme une économie, sans parler de son intérêt pour les patientes, mais qu'il occasionne, dans l'immédiat, des dépenses supplémentaires d'assurance maladie. Elle a demandé si le Capi comporte aussi des engagements permettant de faire des économies, par exemple en évitant de multiplier sans nécessité les examens radiologiques ou les analyses biologiques.

A propos de la crise et de ses conséquences sur les recettes des régimes sociaux, elle a souhaité connaître le chiffrage des recettes supplémentaires que représenterait la remise en cause de certains choix politiques, par exemple la suppression des exonérations des heures supplémentaires ou celle des « niches sociales » dénoncées par la Cour des comptes. Elle a voulu savoir si les régions et les départements où le coût des transports de malades est le plus élevé sont aussi ceux où l'on relève certains excès en termes d'arrêts de travail.

Sur les soins ambulatoires et la dialyse à domicile, elle a noté la nécessité de prendre en compte les angoisses ou les malaises que ces pratiques peuvent occasionner à des patients âgés ou vivants seuls.

Enfin, elle a souligné le risque d'explosion des indemnités journalières qui pourrait résulter de la proposition, qui ne semble heureusement pas devoir aboutir, de permettre de faire travailler chez elles les personnes en arrêt maladie.

Mme Gisèle Printz a évoqué le cas d'un employeur qui faisait venir travailler en taxi un salarié victime d'un accident de travail pour éviter la déclaration de cet accident et elle s'est interrogée sur la régularité de ce comportement.

Mme Sylvie Desmarescaux a demandé si le Capi est réservé aux médecins conventionnés en secteur 1 et, si tel est le cas, pour quelles raisons.

M. Guy Fischer s'est inquiété de l'importance des réductions d'emplois dans les organismes d'assurance maladie et de leur incidence sur le fonctionnement des caisses. Il a aussi voulu savoir s'il serait possible de respecter, comme l'a annoncé le ministre chargé du budget, l'Ondam pour 2009.

M. André Lardeux a déclaré admirer la constance avec laquelle la Cnam s'efforce chaque année de remonter le « rocher de Sisyphe » de la maîtrise médicalisée des dépenses et de réaliser, par-ci par-là, des économies dont le montant ne semble pas en rapport avec celui du déficit. Il a jugé impossible d'échapper à une maîtrise comptable passant par un relèvement des recettes et une réduction des dépenses.

Il s'est interrogé sur l'imputation à l'assurance maladie, relevée par la Cour des comptes, de dépenses d'hospitalisation relevant des AT-MP et il a demandé confirmation de l'information selon laquelle la Cnam finance des aides à la fourniture de médicaments aux pays en voie de développement depuis l'interdiction des collectes de médicaments usagés.

M. François Autain a estimé que le choix de développer les dialyses à domicile relève d'une approche technocratique qui ne tient pas compte du fait que les malades ont changé. On dialyse désormais des personnes beaucoup plus âgées qu'autrefois et on ne peut pas demander à un patient de quatre-vingts ans de s'autodialyser : la pratique actuelle correspond donc au changement des caractéristiques de la patientèle et son inversion ne serait sans doute pas réalisable dans les faits.

Il a rappelé que la Cnam a publié, en mars 2008, un bilan des dépenses en 2007 dans le domaine du médicament et il a regretté que ne soit pas paru cette année, à sa connaissance, un bilan identique portant sur l'année 2008. Par ailleurs, selon le premier bilan, 85 % de la croissance des dépenses sont imputables à de nouveaux médicaments dont 45 % n'apportent pas d'amélioration significative du service médical rendu : c'est le cas, par exemple, d'un antiépileptique, le Lyrica, inscrit sur la liste en violation, apparemment, des dispositions de l'article R. 163-5-1-2 du code de la sécurité sociale puisqu'il ne correspond à aucune amélioration thérapeutique et ne permet aucune économie, et dont le coût du traitement journalier est au contraire nettement supérieur à celui d'autres médicaments de la même classe thérapeutique. Regrettant de n'avoir pas obtenu de réponse à la question écrite qu'il avait posée sur ce sujet à la ministre de la santé, il s'est interrogé sur la possibilité de faire des économies si l'on met sur le marché des médicaments beaucoup plus chers que les produits analogues déjà disponibles.

M. Jacky Le Menn a demandé si l'on a constaté que l'hospitalisation à domicile (HAD) permet de réaliser des économies et, dans l'affirmative, s'il est envisagé de la développer et d'élargir le champ des pathologies qu'elle couvre.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité qu'il soit possible d'éviter d'entrer à l'hôpital la veille d'une intervention si ce n'est pas absolument nécessaire.

Sur le même sujet, M. Nicolas About, président, a indiqué qu'il avait envisagé d'imposer, dans le cadre de la loi HPST, que les patients qui doivent être hospitalisés loin de chez eux puissent passer près de leur domicile la visite pré-anesthésique, au lieu d'être obligés de se déplacer ou d'être hospitalisés un jour plus tôt. Il n'y a en effet aucune raison que cette visite ne puisse avoir lieu dans un autre établissement, pourvu que l'on se conforme à un protocole rigoureux et accepté par tous, et cela permettrait des économies.

En réponse aux intervenants, M. Frédéric Van Roekeghem a notamment apporté les précisions suivantes :

- la santé est un problème médico-économique et on ne peut donc pas l'aborder de façon uniquement comptable. Cela ne veut pas dire que l'on ne puisse pas prendre de mesures tarifaires restreignant les dépenses, qui sont d'ailleurs généralement considérées comme relevant d'une maîtrise comptable, mais la Cnam préfère parler de gestion du risque et il faut tenir compte de l'économie de la santé. Si on équilibre les dépenses des établissements, mais à un niveau d'efficience très faible, on n'aura pas nécessairement gagné. Le comité d'alerte a été prudent dans son estimation du taux de réalisation des objectifs de maîtrise médicalisée et l'on peut considérer que cette prudence est raisonnable si on veut s'assurer qu'il n'y a pas de risque d'alerte. Mais la Cnam espère faire mieux et ne pas atteindre les objectifs à 100 % n'est en soi pas satisfaisant ;

- le retour à l'équilibre financier de l'assurance maladie paraît très compliqué : il est en effet difficile de mettre de côté la crise qui affecte fortement les recettes. Si on voulait en neutraliser les effets, il faudrait trouver des ressources à due concurrence. En 2009, on prévoit que la masse salariale va diminuer de 1,25 %, soit un écart de 4,25 points avec la hausse de 3 % que l'on peut attendre en période normale. Une baisse d'un point de la masse salariale diminue de 900 millions d'euros les ressources de l'assurance maladie et du double celles du régime général. Avec une baisse de la masse salariale de 1,25 % en 2009 et, selon les prévisions, de 0,5 % en 2010, il est clair que l'on va continuer à s'enfoncer dans les déficits ;

- l'effort de maîtrise des dépenses est-il suffisant ? Le tendanciel de l'Ondam l'an prochain est de 4,2 %. Chaque année, si l'on veut contenir les dépenses d'un point, il faut trouver des mesures correspondant à 1,5 milliard d'euros d'économies avant de commencer à réduire le déficit. Le rééquilibrage en 2012 de l'assurance maladie pose donc un vrai problème. Cela doit conduire à mettre en oeuvre toutes les mesures qui, sans perte de chance pour les patients, permettront de mieux gérer la ressource. Mais il est clair qu'aujourd'hui, on est confronté à une crise de recettes ;

- la mise en place des ARS demandera un peu de temps et l'année 2010 lui sera en partie dédiée. Mais l'important est moins l'outil que la manière de l'utiliser, et la question est celle du pilotage et du management qui permettront d'optimiser le système ;

- la difficulté de création du secteur optionnel n'est pas technique mais politique. Un protocole d'accord a été conclu entre les complémentaires, de nombreux syndicats de médecins et la Cnam en juillet 2008, mais il reste un léger réglage à opérer sur la question de la régulation du secteur 2 ;

- en ce qui concerne l'association des organismes d'assurance complémentaire à la gestion des ALD, le Président de la République s'est exprimé et des solutions nouvelles seront donc expérimentées dans le courant de l'année prochaine. La doctrine de la Cnam est qu'il faut être prudent avant de prendre des décisions que l'on pourrait regretter. Des expériences étrangères, aux Pays-Bas ou aux Etats-Unis, montrent que lorsque l'on met en concurrence des assureurs et en même temps des offreurs de soins, on n'aboutit pas forcément à une amélioration du service rendu aux usagers ;

- la Cnam a encore des marges de productivité. En 2008, elle a fourni un très grand effort en réduisant, en exécution, son budget administratif de 1 % par rapport à 2007. Elle va dépasser les engagements pris en matière de réduction des effectifs, les départs en retraite ayant été beaucoup plus importants que prévu après la loi de 2003 et les taux de remplacement ayant été respectés. On peut encore sans doute diminuer les effectifs dans le domaine de la production en tirant tous les bénéfices de la dématérialisation et espérer réduire aussi le coût des fonctions de support. Mais il faut que la Cnam ait la possibilité de développer les fonctions de contrôle, la gestion du risque et les services aux assurés, même si, dans ce dernier domaine, la dématérialisation permet aussi de développer les activités sans augmentation d'effectifs. La Cnam peut donc encore faire des progrès de productivité et l'Etat lui demandera certainement d'en faire dans le cadre de la prochaine convention d'objectifs et de gestion. Mais il faut les faire à bon escient et pouvoir continuer à améliorer la qualité des services : dans les caisses les plus productives, on atteint la limite de l'exercice ;

- le tarif ne représente pas un coût, mais le prix auquel l'assurance maladie rémunère un offreur de soins pour une opération, par exemple une appendicectomie. Les coûts complets d'une telle opération sont en moyenne supérieurs dans le public, ce qui n'exclut pas qu'ils puissent être dans certains établissements privés beaucoup plus élevés que dans les établissements publics. En revanche, le reste à charge est en moyenne supérieur dans le privé, en raison des suppléments d'honoraires payés aux médecins. Ceci étant, le débat public ne doit pas se focaliser uniquement sur le reste à charge. Il faut parvenir à des coûts complets raisonnablement comparables, pour des interventions comparables et des patients comparables. Il faut bien sûr définir, et rémunérer à leur juste prix, les missions de service public mais aussi avoir des tarifs adaptés et une productivité comparable dans les autres cas. Il est possible de modifier l'organisation des établissements publics, même si ce n'est pas facile, car les personnels peuvent comprendre l'intérêt de maîtriser les coûts. Mais, et c'est l'intérêt du secteur optionnel, les dépassements doivent aussi être limités, car il faut veiller à ce que l'offre de soins à tarifs opposables ou limités soit suffisante. Il faut noter qu'en moyenne les dépassements représentent 8 % du tarif global mais davantage, évidemment, rapportés à l'acte du professionnel. C'est un vrai sujet mais, au risque d'être provocateur, on peut relever qu'un radiologue exerçant en secteur 1 gagne 200 000 euros nets par an et un chirurgien 150 000 euros avec un dépassement de 100 %. On peut aussi penser qu'il faudrait plutôt chercher à harmoniser les tarifs et la productivité des établissements et resserrer les dépassements, sauf à les financer par une meilleure productivité des établissements ;

- il est vrai que les objectifs de prévention du Capi ont un coût. Mais celui-ci comporte aussi des objectifs de baisse de certaines prescriptions et de meilleure utilisation de la pharmacopée, par exemple en diminuant le traitement de l'hypertension par des sartans - beaucoup plus utilisés en France qu'à l'étranger - au profit des inhibiteurs d'enzyme de conversion qui ont une efficacité comparable ;

- la Cour des comptes a chiffré le coût des niches sociales, et le ministère des finances celui des heures supplémentaires ;

- la cartographie des dépenses importantes de transport recouvre quelquefois celle des dépenses importantes d'IJ. Mais elle est surtout liée à la structure de l'offre ;

- il est évident que l'on ne va pas imposer une autodialyse à un patient âgé sans avis médical : c'est là que l'on retrouve la distinction entre la maîtrise comptable et la maîtrise médicalisée des dépenses, qui passe d'abord par la persuasion, par des efforts de développement de l'offre mais peut aussi comporter des mesures plus contraignantes, comme la mise sous accord préalable des prescripteurs ;

- demander de travailler à domicile à un salarié en arrêt de travail, idée à laquelle il s'est déclaré hostile, pourrait créer la tentation de faire financer le travail salarié par la sécurité sociale. En revanche, on peut envisager, dans l'entreprise, l'adaptation du poste de travail et aussi, dans certains cas, le travail à domicile ;

- les médecins généralistes conventionnés constituent la cible des Capi mais, sous réserve de vérification, ce contrat n'est pas exclusivement destiné aux praticiens du secteur 1 ;

- on s'oriente vers un respect de l'Ondam, qui a été construit à partir d'une base 2008 sincère. L'évolution des dépenses de ville n'est pas mauvaise, mais une incertitude demeure en ce qui concerne les dépenses hospitalières pour lesquelles une variation de 1 % se traduit par 500 millions d'euros. Le vrai problème est celui des recettes ;

- compte tenu de la situation de sa trésorerie, le régime général aurait du mal, si l'Etat n'était pas son financeur ultime, à en trouver un autre. Faut-il imposer des mesures d'économies plus dures ? Ce sera à l'Etat d'en décider mais le ralentissement des dépenses de ville a été appréciable. En ce qui concerne le déficit hospitalier, le HCAAM pourrait proposer que l'évolution des dépenses MCO soit inférieure à celle de l'Ondam. Il faut rappeler qu'il existe des marges de manoeuvre en matière de dépenses hospitalières mais, si on les utilise, il faudra en tirer les conséquences au niveau des équipes ;

- il est vrai que des dépenses hospitalières relevant des AT-MP sont mises à la charge de l'assurance maladie. C'est l'hôpital qui devrait veiller à leur facturation correcte mais il n'y a pas de sanction s'il ne le fait pas et l'on peut aussi comprendre que sa première préoccupation soit plutôt de soigner les malades, d'autant plus que cette erreur de facturation est neutre pour lui ;

- il est exact que depuis l'affaire Cyclamed, la sécurité sociale finance à la demande de l'Etat et pour des montants limités, de l'ordre de 4 millions d'euros par an, les associations spécialisées dans la fourniture de médicaments aux pays qui en ont besoin ;

- le bilan des dépenses 2008 dans le domaine du médicament sera publié. Les chiffres principaux figureront déjà dans le rapport qui sera transmis officiellement au Parlement avant le 10 juillet prochain. On constate une baisse des dépenses des médicaments de soins aigus de plus de 100 millions d'euros et l'augmentation la plus importante reste celle des médicaments de spécialité. Les dépenses de vaccins enregistrent également une progression liée à la montée en puissance du vaccin contre le cancer du col de l'utérus ;

- sur le dossier Lyrica, il faudra demander l'opinion du président du comité économique du médicament. Pour sa part, la Cnam compte demander, comme elle l'a déjà fait l'an dernier, que l'assurance maladie puisse s'opposer à l'inscription de médicaments ;

- la HAD représente vraisemblablement une économie, qui n'a pas encore été suffisamment étudiée, surtout si elle bénéficie à des patients qui auraient été hospitalisés plutôt qu'à des personnes qui peuvent être traitées en ambulatoire. Il faut aussi mettre un terme à la pratique consistant à faire sortir les patientes de maternité deux ou trois jours après l'accouchement pour les hospitaliser ensuite en HAD. Il serait préférable de prévoir un accompagnement par une sage-femme.

M. Jean-Marc Aubert, directeur délégué à la gestion et à l'organisation des soins de la Cnam, a ensuite apporté les réponses suivantes :

- la facturation par journée entière d'hospitalisation, même en cas d'admission tardive, résulte de la réglementation, qu'il serait possible de modifier pour prévoir des facturations par partie de journée. L'on pourrait aussi appliquer des réfactions de tarifs en fonction de l'heure d'admission ;

- l'organisation de la dialyse en France résulte, comme c'est souvent le cas, de facteurs structurels. On peut se demander pourquoi l'offre de dialyse à domicile est très variable selon les régions, sans que cela s'explique par des différences au sein des populations concernées, ou pourquoi elle est plus élevée dans des pays où elle s'adresse aux mêmes types de population qu'en France. Il faudrait aussi, pour développer la dialyse à domicile, pouvoir proposer un accompagnement, ce qui rejoint la question plus générale de l'accompagnement des soins à domicile et de l'évolution des techniques de prise en charge hospitalière en France, où les soins ambulatoires restent peu développés : la situation française contraste sur ce point avec ce que l'on constate ailleurs. Ainsi, en Vénétie et dans des pays d'Europe du Nord, 50 % des opérations de la cataracte sont réalisés dans des centres ambulatoires, ce qui est quasiment interdit en France, bien que cette formule présente toutes garanties en matière de qualité, réduise les risques d'infection nosocomiale et soit beaucoup moins coûteuse.

Etat des comptes de la sécurité sociale - Audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Hervé Drouet, directeur général, de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'audition de MM. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration, et Hervé Drouet, directeur général, de la caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf) sur l'état des comptes de la sécurité sociale.

M. Jean-Louis Deroussen, président du conseil d'administration de la Cnaf, a indiqué que les 350 millions d'euros de déficit de la branche famille en 2008 sont essentiellement dus à une croissance des charges plus rapide qu'en 2007 : bien que le coût de fonctionnement des caisses soit resté stable, les dépenses liées à la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), à l'allocation de rentrée scolaire (ARS) et à l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ont connu une forte hausse. Si celle-ci devait se poursuivre, le déficit de la Cnaf se creuserait inévitablement dans les prochaines années.

Il a ensuite rappelé qu'après s'être déclarée, pour les exercices 2006 et 2007, dans l'impossibilité d'émettre un avis sur les comptes de la branche famille, la Cour des comptes a refusé de certifier les comptes de 2008, notamment en raison des déficiences du contrôle interne. La Cour a ainsi procédé à un test de reliquidation de quatre mille dossiers, révélant que pour 4 % d'entre eux, le traitement réalisé par les caisses d'allocations familiales (Caf) comportait des erreurs. La Cnaf prend donc acte de ce refus mais regrette que la mobilisation des agents qui ont, à la demande de la Cour, élaboré en moins d'un an un répertoire national des bénéficiaires (RNB) recensant trente-huit millions de numéros d'identification au répertoire (Nir), n'ait pas été mieux récompensée. Ceci étant, la qualité du RNB est bien reconnue puisqu'il servira de point de départ à la construction du répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), utilisable par tous les organismes de sécurité sociale. Par ailleurs, la fiabilité des comptes de la branche famille devrait être renforcée en 2009 grâce à une procédure sécurisée de transmission par le fisc des informations concernant les ressources des allocataires.

M. André Lardeux, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour la branche famille, a souhaité savoir si, comme le laisse entendre la Cour des comptes, le taux d'erreur dans le traitement des dossiers serait en réalité supérieur à 4 %. Quoi qu'il en soit, quelles sont les mesures envisagées par la Cnaf pour résoudre ce problème ? En ce qui concerne la nécessité de contenir l'augmentation des charges, que penser d'un resserrement des critères ouvrant droit à la Paje ? Est-il exact, par ailleurs, que l'enveloppe du fonds national d'action sociale (Fnas) n'a pas été fermée malgré les engagements pris dans la convention d'objectifs et de gestion (Cog) ? Dans un autre registre, quelle est la position de la Cnaf sur l'évolution du mode de financement de la branche famille ? Enfin, quelles sont les attentes de la caisse vis-à-vis du Haut Conseil de la famille dont les membres viennent de se réunir pour la première fois ?

M. Jean-Louis Deroussen a jugé contestable le raisonnement de la Cour des comptes qui conduit à considérer que le taux d'erreur dans le traitement des dossiers est supérieur à 4 % : celui-ci repose en effet sur l'hypothèse que ce taux est plus important pour les allocations logement, qui n'ont pas fait l'objet d'un test de reliquidation par la Cour. Or, les études de la Cnaf montrent que le versement de ces allocations ne produit pas plus d'erreurs que celui des autres prestations. Par ailleurs, la maîtrise de la croissance du Fnas, qui a bien été actée par la Cour, prouve que l'enveloppe de ce fonds est effectivement restée fermée.

M. Hervé Drouet, directeur général de la Cnaf, a précisé que les remarques de la Cour des comptes concernant le Fnas ne portent pas sur le respect de l'enveloppe mais sur ses modalités de suivi, qui restent perfectibles.

En ce qui concerne la réduction des charges, M. Jean-Louis Deroussen a considéré qu'un durcissement des critères d'accès à la Paje, dont les plafonds de ressources sont certes supérieurs à ceux des autres prestations, aurait certainement un impact négatif sur le taux de natalité et constituerait à ce titre une remise en cause de la politique familiale.

Pour ce qui est du mode de financement de la branche famille, les partenaires sociaux sont très attachés aux cotisations patronales, qui sécurisent les moyens de la politique familiale à un niveau satisfaisant.

Enfin, la Cnaf considère que le Haut Conseil de la famille offrira un lieu de débat public utile mais regrette que les organisations syndicales y soient sous-représentées.

M. Alain Vasselle, rapporteur, s'est enquis des frais de gestion occasionnés par la mise en place du revenu de solidarité active (RSA) : les effectifs supplémentaires accordés à ce titre aux Caf vont-ils permettre un versement de la prestation dans de bonnes conditions ? Par ailleurs, quel sera l'impact sur les comptes de la branche de la prise en charge progressive des avantages de retraite familiaux ?

M. Claude Jeannerot s'est demandé si la mise en oeuvre opérationnelle du RSA fait l'objet d'une coopération satisfaisante entre les Caf et les conseils généraux.

Mme Christiane Demontès s'est interrogée sur l'opportunité de maintenir l'universalité des allocations familiales. Rappelant que les fraudes ne représentent, de l'avis même de la Cour des comptes, qu'une proportion très faible du montant des prestations versées, elle a par ailleurs estimé que la lutte contre la fraude ne saurait seule résoudre le problème structurel du financement de la sécurité sociale.

Mme Isabelle Pasquet s'est inquiétée des conséquences d'un récent arrêt de la Cour de cassation qui juge discriminatoire le traitement différencié entre les hommes et les femmes dans l'accès aux avantages de retraite familiaux.

M. Alain Gournac a estimé légitime que les organisations syndicales soient peu représentées au Haut Conseil de la famille, dans la mesure où ce sujet ne les concerne pas en priorité. Il a par ailleurs souligné le mécontentement de nombreux conseils municipaux qui ont été contraints d'augmenter leur subvention aux établissements d'accueil des jeunes enfants pour pallier le désengagement des Caf.

Mme Sylvie Desmarescaux a souhaité connaître le niveau de l'aide financière qui sera apportée par les Caf aux communes qui choisissent de mettre en place des jardins d'éveil.

Mme Isabelle Debré a jugé nécessaire que les Caf transmettent aux communes une fiche énonçant les critères qui permettront d'obtenir leur soutien pour la création de ces nouvelles structures.

M. Nicolas About, président, a indiqué que l'enveloppe consacrée aux jardins d'éveil étant limitée, les communes intéressées ont intérêt à présenter un dossier le plus rapidement possible. Il a également souhaité qu'une réflexion soit menée sur la possibilité de supprimer l'exonération fiscale dont bénéficient aujourd'hui certaines prestations familiales.

Mme Sylvie Desmarescaux a rappelé que la mission qu'elle a conduite sur les droits connexes locaux a fait des propositions allant dans ce sens.

M. Jean-Louis Deroussen a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- les Caf seront en mesure de procéder au premier versement du RSA le 5 juillet prochain, dans de bonnes conditions. La collaboration avec les conseils généraux sur ce sujet est tout à fait satisfaisante. Ceci étant, le nombre d'allocataires du RSA reste, à ce jour, inférieur aux prévisions de la direction de la sécurité sociale : 500 000 bénéficiaires potentiels ne se sont pas encore fait connaître ;

- la prise en charge par la branche famille des avantages de retraite familiaux est maintenant un fait acquis, mais un souci de clarté devrait conduire à mettre un terme à la tuyauterie financière qu'elle occasionne ;

- l'universalité des allocations familiales a déjà été remise en cause pendant quelques années, mais la réforme n'a pas duré car l'universalité est un principe fondateur de la politique familiale depuis la Libération ;

- le récent arrêt de la Cour de cassation n'aboutira pas obligatoirement à la suppression des avantages de retraite réservés aux mères : le régime actuel peut être maintenu à condition de trouver une formule juridique adéquate, par exemple en prévoyant qu'un avantage de retraite est ouvert aux personnes ayant bénéficié d'un arrêt de travail lié à un accouchement ;

- les organisations syndicales ont toutes leur place au sein du Haut Conseil de la famille dans la mesure où, justement, la majorité du financement de la branche est assurée par des cotisations patronales ;

- le mécontentement des communes vis-à-vis des Caf, qui ont réduit leur prise en charge des frais de fonctionnement des établissements d'accueil des jeunes enfants, est compréhensible, mais les caisses n'ont fait que respecter la convention d'objectifs et de gestion (Cog). La nouvelle convention prévoit par ailleurs une augmentation de 10 % des crédits alloués à ces établissements.

Jeudi 2 juillet 2009

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Etat des comptes de la sécurité sociale - Audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (Cnav), sur l'état des comptes de la sécurité sociale.

M. Nicolas About, président, a rappelé le refus de la Cour des comptes de certifier les comptes 2008 de la branche retraite et de la Cnav. Alors que, ces dernières années, l'exercice de certification a contribué à accélérer l'effort de mise en place de dispositifs de contrôle interne au sein de la Cnav, il peut sembler paradoxal qu'aujourd'hui, celle-ci soit sanctionnée pour des erreurs affectant les pensions de retraite.

Mme Danièle Karniewicz, présidente du conseil d'administration de la Cnav, a expliqué que c'est justement à l'occasion de contrôles exercés dans le cadre de la certification que des erreurs ont été repérées. Plus les contrôles sont nombreux, plus la probabilité de déceler des anomalies est forte. Rappelant que 5,4 % des pensions de retraite attribuées en 2008 comportent une erreur financière, dont le montant moyen est évalué à 12 euros, elle a indiqué que la Cnav entend assumer ses responsabilités et remédier à ses manquements. Bien que s'apparentant à une sanction, le refus de certification des comptes doit néanmoins être pris positivement car il est, à terme, porteur de progrès. Elle a toutefois regretté que la Cour des comptes n'ait pas suffisamment mis en avant les bouleversements auxquels a dû faire face la Cnav depuis quelques années (réforme de 2003, augmentation du nombre de pensions liée au « papy-boom » et aux départs anticipés à la retraite). En outre, les parlementaires doivent avoir conscience que les dispositions législatives régissant les pensions de retraite sont de plus en plus complexes et rendent in fine la mission des caisses de plus en plus délicate. Dans le cas des pensions de réversion par exemple, l'attribution sur conditions de ressources suppose que l'ensemble des régimes de retraites de base et complémentaires communiquent à la Cnav les informations nécessaires à la détermination du droit à réversion des assurés sociaux. Or la mise en place d'un tel système d'échange d'informations n'est pas sans poser des difficultés de gestion.

En ce qui concerne les comptes de la branche vieillesse et de la Cnav, les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale tablent sur un besoin de financement de la branche vieillesse de 7,7 milliards d'euros en 2009 qui résulte, d'une part, de la perte de recettes due à la contraction de la masse salariale, d'autre part, de l'absence de redéploiement des cotisations chômage vers les cotisations retraite qui prive la Cnav de 1,8 milliard d'euros. Face au besoin croissant de financement des régimes de retraite, une hausse des cotisations est à terme inéluctable.

Faisant suite aux observations de Danièle Karniewicz sur la complexité des dispositions législatives régissant les pensions de retraite, M. Dominique Leclerc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, a attiré l'attention de ses collègues sur la responsabilité du législateur en la matière. Même si les difficultés de gestion qui en découlent peuvent partiellement expliquer les erreurs commises par la Cnav dans le calcul des pensions, celle-ci ne peut en être totalement dédouanée. Aussi, quelles mesures envisage-t-elle de prendre afin de remédier aux lacunes pointées par la Cour des comptes dans son rapport sur la certification des comptes 2008 ?

Mme Danièle Karniewicz a répondu que, conformément aux recommandations formulées par la Cour en 2007, la nouvelle convention d'objectifs et de gestion de la branche retraite avec l'Etat (2009-2013) fixe des objectifs de réduction des erreurs d'origine humaine et exige la mise en place de partenariats avec les organismes sociaux qui lui adressent des données servant au calcul des pensions (Pôle emploi, Cnam, Cnaf...). La qualité et la rigueur des informations transmises par ces organismes constituent en effet un enjeu de première importance, si l'on veut diminuer la proportion des pensions de retraite qui comportent une anomalie. C'est pourquoi la Cnav souhaite que soit instauré un cadre réglementaire relatif aux notifications de données de carrière effectuées par les organismes sociaux.

Revenant sur l'erreur récemment constatée par la Cnav sur les périodes de chômage assimilées à des trimestres de cotisations retraite, M. Dominique Leclerc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, s'est étonné que les systèmes informatiques de la Cnav et de l'Unedic ne soient pas compatibles et qu'au sein même de la Cnav, les services ne soient pas dotés des mêmes systèmes informatiques. Abordant ensuite la question des comptes de la branche vieillesse, il a tout d'abord demandé à Danièle Karniewicz de dresser un premier bilan des mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 relatives à l'emploi des seniors (libéralisation du cumul emploi-retraite, revalorisation de la surcote) et de faire un point sur le dispositif de retraite anticipée pour carrières longues. Il a ensuite souhaité connaître son avis sur les pistes de réforme envisagées pour le rendez-vous 2010. Enfin, il a rappelé que le débat sur la pénibilité au travail constitue manifestement une spécificité française : aucun pays européen n'a songé à mettre en oeuvre pareil dispositif sur le plan national. En Suède notamment, la prise en compte de la pénibilité a été refusée par les responsables de l'assurance vieillesse. En revanche, le montant des pensions y est modulé en fonction de l'espérance de vie des différentes générations.

Mme Danièle Karniewicz a, dans un premier temps, souhaité faire une mise au point sur le « bug » informatique qui a défrayé la chronique il y a quelques semaines. Lors de la négociation de la convention avec l'Unedic en novembre 2007, la Cnav a en effet découvert que, depuis 1983, des assurés sociaux se sont vus indûment comptabilisés des trimestres de cotisation retraite au titre du chômage. Comme l'a indiqué Dominique Leclerc, cette erreur résulte de l'incompatibilité qui existait alors entre le système informatique de l'Unedic et celui de la Cnav. Il a été depuis remédié à ce dysfonctionnement. A la suite d'une lettre adressée par ses ministres de tutelle, la Cnav s'est par ailleurs engagée à rectifier les comptes de carrière des assurés sociaux nés à partir de 1955. En revanche, la situation des assurés nés avant cette date, qu'ils soient retraités ou encore en activité, et dont les droits ont été ou seront liquidés avec des périodes injustifiées, ne pourra être révisée. Le système informatique de l'Unedic a en effet effacé les données relatives à ces personnes. En conséquence, Mme Danièle Karniewicz a réitéré sa demande d'un encadrement plus rigoureux des flux d'information en provenance des organismes sociaux, qui pourrait défini être par le législateur.

Dans un second temps, elle est revenue sur les deux principales mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 destinées à améliorer l'emploi des seniors, le passage de la surcote à 5% dès le premier trimestre supplémentaire et la libéralisation du cumul emploi-retraite. Concernant la surcote, on constate une augmentation du nombre de bénéficiaires. Après un démarrage relativement lent de la mesure, la proportion des nouveaux retraités bénéficiant de la surcote s'établit à 9,5 % en 2008 -ce qui équivaut à 68 096 personnes- pour atteindre 12,5 % au premier trimestre 2009. Le montant mensuel moyen de la surcote s'élève à 35,6 euros pour une durée moyenne de 6,3 trimestres. Ce montant représente en moyenne une majoration de 5,2 % de la pension. Il est certes relativement modique, mais n'est pas négligeable rapporté au montant moyen des pensions de retraite servies par la Cnav (moins de 700 euros). Parmi les bénéficiaires de la mesure, les polypensionnés sont majoritaires, représentant 63,3 % du flux 2008. Quant à l'âge moyen de départ en retraite des bénéficiaires, il est de 62,6 ans contre 61,6 ans pour l'ensemble des nouveaux retraités (départs en retraite anticipés exclus). S'agissant du cumul emploi-retraite, Mme Danièle Karniewicz a fait observer qu'il est encore trop tôt pour observer les effets de la réforme, entrée en vigueur au 1er janvier 2009. Un recul d'au moins un an est nécessaire pour dresser un premier bilan de la mesure. Néanmoins, la Cnav a lancé une enquête auprès de trois mille nouveaux retraités afin de tirer les premiers enseignements, qui seront connus fin septembre.

M. Dominique Leclerc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, a rappelé que si la double condition de rupture du lien avec le dernier employeur et de plafond de ressources totales a été supprimée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, le dispositif s'applique à tous les retraités à partir de soixante ans, à condition qu'ils aient cotisé la durée nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein ou, à défaut, à partir de soixante-cinq ans.

Mme Danièle Karniewicz a ajouté que les personnes cumulant un emploi et une retraite cotisent, sur la base de leur nouveau salaire, pour les régimes de base et complémentaires, mais que ces cotisations ne sont pas pour autant productrices de droits.

Complétant cette explication, M. Dominique Leclerc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, a précisé que la retraite de ces personnes n'est pas recalculée, une fois qu'elles cessent de cumuler un emploi et une retraite.

S'il est, là encore, trop tôt pour faire le bilan de la libéralisation du cumul emploi-retraite, Mme Danièle Karniewicz a néanmoins tenu à fournir quelques données statistiques sur l'utilisation du dispositif avant l'entrée en vigueur de la réforme. En 2007, 207 000 personnes ont cumulé une pension servie par la Cnav et un salaire d'activité, ce qui représente 1,9 % des pensionnés du régime général. Cette population est constituée à 59 % d'hommes et à 41 % de femmes, dont l'âge moyen est de soixante-quatre ans. On note que 15 % des personnes ayant cumulé une retraite et un emploi ont bénéficié, au moment de leur départ en retraite, de la mesure « carrières longues ». Quant à la pension moyenne mensuelle des assurés cumulant, elle était de 711 euros en 2008, soit respectivement 767 euros pour les hommes et 632 euros pour les femmes. A titre de comparaison, les assurés du régime général ont perçu, en 2008, une pension moyenne de 612 euros (674 euros pour les hommes et 555 euros pour les femmes). En conclusion, on peut estimer que les nouvelles règles du cumul emploi-retraite, plus incitatives, devraient entraîner une montée en charge du dispositif dans les prochaines années.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a demandé un bilan financier de la réforme de 2003 : des économies ont-elles pu être dégagées, comme cela avait été annoncé, alors que le dispositif de départ en retraite anticipé pour carrières longues mis en place en 2004 a coûté sans cesse plus cher à la Cnav ? Par ailleurs, les mesures de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 relatives à l'assurance vieillesse produisent-elles des effets d'ores et déjà observables ? Il a ensuite voulu savoir si le basculement d'une partie des cotisations chômage vers les cotisations retraite, tel que prévu par l'exposé des motifs de la loi de 2003, est encore d'actualité, alors que le Gouvernement a posé en janvier dernier un moratoire à l'augmentation des cotisations retraite. A quelle échéance et dans quelles conditions ce transfert pourrait-il devenir effectif ? Puis, il s'est enquis de la situation financière du fonds de solidarité vieillesse (FSV) qui, après avoir dégagé un excédent en 2008, redeviendrait déficitaire en 2009. Cette dégradation ne risque-t-elle pas d'affecter, par voie de conséquence, les comptes de la Cnav ? Enfin, s'adressant à la fois à la présidente de la Cnav et à la représentante syndicale, il a souhaité connaître l'avis de Mme Danièle Karniewicz sur l'avenir du financement de la protection sociale à court, moyen et long termes, alors qu'on table sur un déficit du régime général de l'ordre de 80 milliards d'euros en 2011. S'agissant de la branche vieillesse, quelles économies pourraient être dégagées par un relèvement de l'âge légal de départ en retraite ?

Concernant les effets financiers de la réforme de 2003, Mme Danièle Karniewicz a distingué deux types de mesures : le passage de la durée de cotisation de quarante à quarante et une annuités, qui est une mesure d'économie ; l'instauration du dispositif de départ en retraite anticipé pour carrières longues, mesure dont le coût est estimé en moyenne à 2,3 milliards d'euros par an. Depuis 2004, 550 000 personnes ont bénéficié d'un départ en retraite anticipé au titre d'une longue carrière. Pour la première fois depuis la mise en oeuvre du dispositif, le rythme des départs anticipés devrait décélérer en 2009 puisque le flux serait de l'ordre de 50 000 (contre plus de 120 000 en 2008). Cette baisse, qui traduit la fin de la montée en charge de la mesure, s'explique par le durcissement des conditions d'attribution, la scolarité rendue obligatoire à seize ans à partir de la génération 1953 et le moindre recours aux régularisations de cotisations arriérées.

M. Vincent Poubelle, directeur chargé des statistiques et de la prospective de la Cnav, a ajouté que la caisse n'est pas, pour le moment, en mesure de chiffrer les économies dégagées par l'augmentation de la durée de cotisation puisque le passage à quarante et une annuités n'est effectif que depuis le 1er janvier 2009.

Mme Danièle Karniewicz a précisé que des données plus fines sur cette question pourront toutefois être transmises à la commission ultérieurement. En tout état de cause, la sécurité sociale est confrontée à un sérieux besoin de financement, ce qui oblige à trouver rapidement des solutions. La Cour des comptes chiffre en effet à 50 milliards d'euros le besoin de financement cumulé du régime général pour 2009 et 2010. En matière de retraite, Mme Danièle Karniewicz a déclaré refuser le discours tenu aujourd'hui aux Français selon lequel l'alternative se réduit à baisser les pensions ou à reculer l'âge légal de départ. Il est impératif que s'engage un véritable débat sur le taux de remplacement qui doit être visé et sur le niveau de vie qui doit être garanti aux retraités. Il en va de la crédibilité, donc de la pérennité, du système de retraite. Le moyen le plus sûr de consolider les régimes de retraite est, à son sens, d'afficher une très grande transparence, en particulier dans les arbitrages auxquels il faut procéder. Enrayer la dynamique actuelle de diminution du taux de remplacement du revenu d'activité suppose en effet que des efforts de financement soient réalisés, soit par un montant de cotisation plus élevé, soit par une durée de cotisation plus longue, soit par un report de l'âge légal de départ en retraite. Cet arbitrage relève d'un choix de société.

S'agissant du relèvement de l'âge de départ, il faut avoir à l'esprit qu'il ne constitue pas l'unique solution au problème de financement du système de retraite. Ainsi, les simulations réalisées par la Cnav montrent que porter l'âge de la retraite à soixante-deux ans permettrait de réaliser 6,6 milliards d'euros d'économies, pour un besoin de financement de la Cnav de 13 milliards d'euros. En 2050, l'économie serait de l'ordre de 6 milliards d'euros pour faire face à un besoin de financement de 46 milliards d'euros. Le report de l'âge légal ne suffira donc pas à combler le déficit de la branche vieillesse du régime général. Convaincue qu'il faut jouer sur plusieurs paramètres et non sur un seul, Mme Danièle Karniewicz a estimé indispensable une hausse des cotisations. Toujours selon les simulations de la Cnav, une augmentation de 0,2 point du taux de cotisation vieillesse engendrerait des ressources supplémentaires de 800 millions d'euros en 2010 et d'un peu plus d'un milliard d'euros en 2020.

La réflexion sur les régimes de retraite doit par ailleurs s'inscrire dans une approche globale du financement de la protection sociale, qui doit permettre d'aborder deux questions : celle de l'assiette de financement et celle de la répartition des ressources entres les différentes branches de la sécurité sociale. Sur la première, elle s'est déclarée favorable à l'élargissement de l'assiette des cotisations, actuellement concentrée sur la masse salariale. Sur la seconde, prenant l'exemple des majorations de retraites pour enfant, elle a estimé que, si celles-ci sont parfaitement justifiées, la question de leur prise en charge par la branche retraite ou par la branche famille n'en est pas moins posée.

Trouver de nouvelles sources de financement pour la protection sociale suppose également de s'intéresser aux niches sociales et fiscales, dont l'assiette est aujourd'hui évaluée à 30 milliards d'euros (15 milliards pour les dispositifs d'intéressement et de participation, 15 milliards pour les mécanismes de prévoyance et de retraite supplémentaire). La remise en cause des niches permettrait certes de dégager des économies non négligeables, mais elle enlèverait aussi tout caractère incitatif aux mécanismes auxquels s'appliquent ces avantages sociaux et fiscaux. Enfin, on peut aussi poser la question d'un possible alignement de la contribution sociale généralisée (CSG) pesant sur les retraites sur celle pesant sur les salaires, dont les gains s'établiraient à 430 millions d'euros par an. Une telle mesure n'est toutefois guère acceptable dans la mesure où le niveau des pensions est bien inférieur à celui des salaires.

En définitive, le rendez-vous 2010, qui offre l'occasion d'engager un vaste débat public sur les fondamentaux du système de retraite et plus globalement sur le financement de la protection sociale, devra impérativement déboucher sur des solutions pour garantir la viabilité des régimes de retraite.

Souscrivant aux propos de Danièle Karniewicz sur la diminution du taux de remplacement, M. Guy Fischer a fait état de la très grande inquiétude des retraités face à l'érosion de leur pouvoir d'achat, évolution qui incite aussi à réfléchir à la dégradation continue des salaires. Il a souhaité que le montant de la pension moyenne servie par la Cnav (environ 700 euros) soit davantage diffusé afin que soit posée la question du niveau de vie des retraités. Par ailleurs, il s'est inquiété de la détérioration des conditions de travail des salariés de la Cnav à qui l'on demande de rendre un meilleur service au moindre coût. Alors que les missions de la caisse sont de plus en plus nombreuses et complexes, il est prévu de diminuer les effectifs de personnels.

Partageant les conclusions de Danièle Karniewicz sur la nécessité d'un système de retraite plus contributif et plus solidaire, Mme Christiane Demontès a souhaité savoir par quels moyens parvenir à cet objectif. Elle a en outre évoqué la question des avantages de retraite accordés aux femmes, aujourd'hui appelés à être réformés en raison d'un récent arrêt de la Cour de cassation. Quelles pistes pourraient être envisagées sans que les femmes soient pour autant pénalisées ?

M. André Lardeux, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour la famille, a tout d'abord rappelé que le défi en matière de retraites consiste à garantir la solidarité intergénérationnelle. Constatant ensuite que le poids des dépenses de retraite dans le Pib ne cesse d'augmenter, il a demandé jusqu'où cette charge pourrait continuer à progresser. Enfin, évoquant la recherche de nouvelles sources de financement de la protection sociale, il s'est interrogé sur la possibilité d'introduire une dose de progressivité dans la CSG, actuellement entièrement proportionnelle.

M. François Autain a approuvé les propos de Danièle Karniewicz selon lesquels le report de l'âge légal de départ en retraite ne constitue pas la panacée. Cette question doit en effet s'apprécier en liaison avec la situation de l'emploi des seniors car un recul de l'âge de la retraite ne conduit pas mécaniquement à un recul équivalent de l'âge de cessation d'activité. Aussi, ne faudrait-il pas d'abord s'attaquer au problème de l'emploi des seniors, avant d'envisager un éventuel report de l'âge légal ?

Concernant l'érosion du taux de remplacement, M. Dominique Leclerc, rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'assurance vieillesse, a rappelé que celle-ci s'explique principalement par la référence utilisée pour établir le montant de la pension, à savoir les salaires des vingt-cinq dernières années.

Faisant suite aux observations de Guy Fischer, Mme Danièle Karniewicz a reconnu que l'évolution des salaires n'est actuellement pas satisfaisante. Or, le niveau de rémunération des salariés affecte directement le financement des caisses de retraite : des salaires plus élevés entraînent des cotisations plus importantes et donc davantage de ressources pour les régimes. Sur le fonctionnement des services de la Cnav, elle a rappelé que ces derniers sont très bien gérés. D'ailleurs, les frais de fonctionnement de la caisse sont inférieurs à 1 % des prestations servies, alors qu'ils s'élèvent, à titre de comparaison, à 20 % dans les fonds de pension. Il est vrai que les salariés de la caisse voient leurs missions s'élargir dans la mesure où l'ambition de la Cnav, pour les prochaines années, est de rendre véritablement effectif le droit à l'information des assurés sur leur retraite.

Répondant à Christiane Demontès sur le choix de société qu'appelle le financement des retraites, Mme Danièle Karniewicz a jugé préférable de consolider le système de retraite par répartition par une augmentation des taux de cotisations, plutôt que par le développement de l'épargne individuelle. Le système de retraite par répartition permet en effet de mutualiser les coûts pour les cotisants et se révèle, à terme, plus rentable et surtout beaucoup plus sûr qu'un mécanisme de rente par capitalisation.

Sur la question d'André Lardeux relative au pourcentage du Pib qui devrait être consacré aux retraites, elle a estimé qu'il est difficile de définir a priori un tel pourcentage. Elle a néanmoins rappelé que les dépenses de retraite pèsent de plus en plus lourd et qu'une fois encore, ce constat conduit à poser la question de l'assiette de financement des prestations vieillesse, et plus largement de l'ensemble des prestations sociales. C'est tout le débat qui doit s'ouvrir l'année prochaine à l'occasion du rendez-vous 2010.

En ce qui concerne les avantages de retraite accordés aux femmes, elle a déploré le fait que la majoration de durée d'assurance dont bénéficient les mères de famille pour le calcul de leur retraite (deux ans de cotisation par enfant) ne leur permette pas toujours de percevoir une retraite à taux plein. Beaucoup de femmes continuent en effet de travailler jusqu'à soixante-cinq ans afin de recevoir une retraite complète. Alors que leur pension est en moyenne égale à 70 % de celle des hommes, les femmes ont cruellement besoin de ces avantages retraite. Cependant, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme sur l'égalité hommes-femmes et celle, plus récente, de la Cour de cassation contraignent à réformer prochainement la majoration de durée d'assurance, sans doute en modifiant ses critères d'attribution. Une réforme est déjà entrée en vigueur dans la fonction publique : d'une part, la majoration a été ramenée à six mois pour les femmes qui ne s'arrêtent pas de travailler pour une durée excédant celle du congé de maternité, d'autre part, les périodes d'interruption ou de réduction d'activité sont prises en compte pour les pères comme pour les mères. Mais cette solution pénalise certaines femmes : celles qui n'interrompent presque pas leur activité professionnelle. En outre, elle ne résout pas le problème des pères qui élèvent seuls leurs enfants sans s'arrêter de travailler, une situation de plus en plus fréquente en cas de divorce ou de veuvage. Une autre piste, plus juste, serait d'accorder les deux années de majoration par enfant au couple. Cette solution a été adoptée dans d'autres pays, en Allemagne notamment. C'est alors au couple de décider qui, des deux parents, bénéficie de ce droit, ou bien de le partager entre les conjoints.

Mme Raymonde Le Texier a rappelé qu'à formation équivalente et à travail équivalent, les femmes continuent à être moins bien payées que les hommes. Réformer leurs avantages retraite reviendrait donc à les pénaliser doublement.

Mme Marie-Thérèse Hermange a estimé qu'une telle réforme ne serait pas sans conséquence sur la natalité.

Pour conclure, Mme Danièle Karniewicz a considéré que la question des avantages familiaux et conjugaux est aussi un enjeu important du rendez-vous 2010 qui justifie de traiter à la fois du financement de la branche vieillesse et de celui de la branche famille.

Etat des comptes de la sécurité sociale - Audition de MM. Pierre Burban, président du conseil d'administration, Pierre Ricordeau, directeur, et Alain Gubian, directeur financier, de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss)

La commission a ensuite procédé à l'audition de MM. Pierre Burban, président du conseil d'administration, Pierre Ricordeau, directeur, et Alain Gubian, directeur financier, de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) sur l'état des comptes de la sécurité sociale.

M. Pierre Burban, président du conseil d'administration de l'Acoss, a d'abord présenté le contexte dans lequel cette agence doit faire face aux besoins financiers des différentes branches de la sécurité sociale : un déficit sans doute proche de 20 milliards d'euros pour le régime général en 2009, soit le double de la prévision initiale, et estimé aux alentours de 30 milliards en 2010 ; par ailleurs, les déclarations du ministre des comptes publics devant la commission des comptes de la sécurité sociale ont clairement fait apparaître qu'aucune reprise de ces déficits n'est à ce jour envisagée, que ce soit par la Cades ou par le budget de l'Etat.

Les relations entre l'Acoss et la Caisse des dépôts et consignations (CDC), sont régies par une convention, signée le 21 juin 2006, qui lie les deux organismes jusqu'en juin 2010. La crise financière et l'évolution de la situation sur les marchés ont conduit la CDC à demander à l'Acoss, à la fin de 2008, une renégociation de ses conditions financières car les nouvelles conditions de marché ont entraîné pour elle une perte de 25 millions d'euros en 2008. L'Acoss a accepté le principe de cette renégociation dès lors qu'un délai suffisant lui serait accordé pour engager des discussions approfondies. Une première phase de négociation s'est conclue début avril sur un constat partagé de la situation ; une seconde phase est en cours d'achèvement et doit aboutir à la signature d'un avenant dans les tous prochains jours. Celui-ci comporte trois points : le premier concerne les volumes que la CDC pourra honorer, à savoir 25 milliards d'euros à des conditions prédéterminées, et en tout état de cause pas plus de 31 milliards ; le deuxième est relatif au coût des sommes prêtées par la CDC, le principe retenu étant que celle-ci ne devra ni perdre ni gagner de l'argent à l'égard de la sécurité sociale ; le troisième point expose les autres conditions et notamment l'engagement de l'Acoss à fournir très régulièrement à la CDC les prévisions les plus précises possible sur le profil de ses besoins. En contrepartie, la caisse a accepté de laisser une plus grande marge de manoeuvre à l'Acoss pour gérer ses émissions de billets de trésorerie. Enfin, l'Acoss a obtenu qu'une évaluation des conditions tarifaires proposées par la CDC dans cet avenant puisse être effectuée d'ici quelques mois par un organisme tiers, évaluation indispensable pour aborder dans de bonnes conditions la négociation de la prochaine convention. L'ensemble des discussions ainsi menées l'ont été en relation étroite avec le ministère des comptes publics.

Puis M. Pierre Burban a évoqué la question des frais financiers supportés par l'Acoss. Ceux-ci se sont élevés à 840 millions d'euros en 2008 dont plus de 300 millions sont imputables à la hausse du taux d'intérêt de référence, c'est-à-dire l'Eonia (Euro OverNight Index Average). Or, celui-ci étant passé de 3,86 % à 0,76 % à la fin mai 2009, on enregistre des charges financières bien moins élevées depuis quelques mois. Celles-ci sont actuellement évaluées à 143 millions d'euros pour 2009.

Si les relations financières avec l'Etat se sont améliorées récemment, en raison d'une rigueur accrue dans la budgétisation des sommes dues à la sécurité sociale, on constate néanmoins la reconstitution d'une dette de l'Etat envers le régime général qui s'élève à 3 milliards d'euros au 31 décembre 2008 et devrait atteindre environ 4,6 milliards à la fin 2009, en l'absence de tout versement dans le cadre d'une loi de finances rectificative. Les frais produits par cette dette se sont élevés à 130 millions en 2008 et pourraient se monter à 30 millions en 2009, soit environ 20 % du total des charges financières supportées par l'Acoss.

Par ailleurs, le décret d'application de l'article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009, qui autorise l'Acoss à rémunérer la trésorerie que des organismes tiers pourraient déposer auprès d'elle, n'a pas encore été publié. En effet, le Conseil d'Etat a exigé que le projet de décret qui lui a été soumis soit présenté au nouveau conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), la consultation qui avait été effectuée n'étant plus valable du fait de l'annulation de la composition de ce conseil par le tribunal administratif de Paris. Plusieurs organismes pourraient utiliser ce dispositif, comme la Haute Autorité de santé, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ou encore la caisse nationale du régime social des indépendants (RSI).

Puis M. Pierre Burban a rappelé que le plafond des ressources non permanentes que l'Acoss est autorisée à emprunter a été fixé pour 2009 à 18,9 milliards d'euros par la dernière loi de financement. Ce montant sera bien entendu insuffisant pour terminer l'année compte tenu du doublement du déficit prévisionnel ; il devrait donc être relevé, par décret, d'environ 10 milliards d'euros d'ici la fin de l'été afin de couvrir les besoins de l'Acoss pour le dernier trimestre. Pour 2010, rien n'est encore décidé mais, en l'absence de toute reprise de déficit, le plafond de trésorerie de l'Acoss devra être fixé entre 50 et 60 milliards.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a fait valoir que, certes, la CDC annonce une perte de 25 millions d'euros en 2008 au titre de sa gestion des engagements de l'Acoss mais il convient de mettre en regard cette perte avec les profits non négligeables qu'elle a réalisés au cours des années antérieures : si une évaluation transparente doit être faite, il est nécessaire qu'elle concerne aussi les années passées. Par ailleurs, existe-t-il une limite aux capacités d'émission de billets de trésorerie par l'Acoss ? Si oui, comment sera traité le solde des besoins de trésorerie de l'Acoss en 2010, sachant que la CDC ne pourra intervenir au-delà de 31 milliards d'euros ? Enfin, l'Acoss a-t-elle déjà provisionné dans ses comptes une charge d'intérêt au titre de la rémunération de la trésorerie d'organismes tiers ?

M. Guy Fischer a souligné que la CDC a été très sollicitée dans le cadre du plan de relance, ce qui n'a pu que restreindre ses disponibilités financières. Il a donc souhaité obtenir des informations supplémentaires sur les modalités possibles pour l'Acoss d'appel au marché financier.

M. François Autain a demandé à combien pourrait s'élever la charge de la rémunération de la trésorerie d'organismes tiers et si on envisage des versements rétroactifs, une fois le décret attendu publié.

Sur cette question, M. Pierre Burban a rappelé que le décret d'application n'est toujours pas publié et qu'il n'aura pas d'effet rétroactif. En ce qui concerne la convention qui lie l'Acoss à la CDC, il est important de souligner qu'elle a permis une amélioration des conditions financières imposées à l'Acoss. Elle a d'ailleurs été signée, en 2006, à la suite d'une première expérience d'appel direct au marché par l'Acoss.

M. Pierre Ricordeau, directeur de l'Acoss, a indiqué que le nouvel avenant sera mis en oeuvre à compter du 21 septembre 2009 ; il s'appliquera pendant trois trimestres, jusqu'au mois de juin 2010. La discussion de ce document n'a pas été facile mais il s'est imposé du fait de l'évolution des conditions du marché depuis la fin 2008 en raison de la crise financière. En effet, si le taux Eonia s'est considérablement réduit, la même chute n'a pas été observée pour le coût des ressources financières, d'une maturité moins courte, de la CDC. En tout état de cause, l'accord de la CDC pour un meilleur approfondissement des éléments du débat est jugé très positif par l'Acoss.

M. Pierre Burban a reconnu qu'une grande incertitude pèse sur la façon dont l'Acoss pourra faire face aux besoins financiers de la sécurité sociale en 2010 mais il a rappelé l'engagement du ministre des comptes publics pour que des solutions soient étudiées.

M. Pierre Ricordeau a fait observer que les conditions actuelles du marché sont très favorables pour les institutions publiques et leurs demandes d'emprunt à très court terme. Cela étant, le marché des billets de trésorerie reste réduit et l'Acoss n'a juridiquement pas le droit d'y recourir au-delà de 11,5 milliards d'euros.

M. Pierre Burban a estimé indispensable que l'Etat prévoie d'accompagner l'Acoss pour la gestion de son découvert en 2010. Ceci dit, il est important de rappeler que la couverture de dépenses structurelles par des moyens à court terme n'est pas satisfaisante, surtout dans des périodes fortement aléatoires ; il n'est pas dans la vocation de l'Acoss de financer des découverts aussi importants.

M. Guy Fischer a souhaité savoir si le projet de création d'une caisse d'amortissement de la dette publique est une solution encore envisagée.

M. Pierre Burban a déclaré ignorer les modalités qui seront retenues par l'Etat ; pour l'Acoss en effet, seule importe la question du financement de ses besoins de trésorerie.

M. Alain Vasselle, rapporteur, a insisté sur la nécessité pour l'Etat d'intervenir puisque la CDC ne pourra être sollicitée au-delà de 31 milliards d'euros et que ne pourra être émis qu'un maximum de 11,5 milliards de billets de trésorerie.

M. Pierre Ricordeau a réaffirmé que les simples mécanismes de marché ne seront pas suffisants et qu'il conviendra de définir des modalités hors marché pour faire face à l'ensemble des besoins. La garantie de l'Etat sera, en tout état de cause, nécessaire.