Mercredi 5 février 2014

- Présidence de M. Simon Sutour, président, et de Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales

Institutions européennes - Audition de M. Henri Malosse, président du Comité économique et social européen

M. Simon Sutour, président. - Cette réunion conjointe avec la commission des affaires sociales est une première dont je me félicite.

Les circonstances de ma première rencontre avec M. Henri Malosse sont particulières, car il était venu participer, dans mon département, à la plantation de pieds de clinton, un cépage de vin interdit par la Commission européenne... Il s'agit d'un vin très noir qui avait, à tort, la réputation de rendre fou. Nous militons pour sa légalisation.

A quelques mois des élections européennes, nous avons souhaité faire le point sur des questions telles que l'affirmation de la politique économique européenne, la lutte contre le dumping social ou la coordination de la politique sociale dans la zone euro.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Parler de l'Europe sociale est toujours positif. La commission des affaires sociales est souvent appelée à débattre de textes nationaux empreints d'une dimension européenne, comme la récente directive sur les travailleurs détachés.

M. Henri Malosse. - Deux collègues français m'accompagnent, Joseph Guimet, membre du groupe 3 - groupe des activités diverses - et Bernard Huvelin, membre du groupe employeurs. Mon directeur de cabinet, Rudy Aernoudt est également présent, ainsi que Laure Limousin, chargée de communication.

Cette affaire du clinton montre que l'Union européenne traite de nombreux sujets dont elle pourrait se passer : les cépages interdits, les fromages au lait cru de brebis ou de chèvre... Les sujets fondamentaux comme l'emploi, la défense, la sécurité ou l'énergie se font rares ! Il existe même une règlementation européenne sur les pommeaux de douche ! A-t-on besoin d'une norme à ce sujet ? Ne faudrait-il pas laisser un peu de flexibilité dans ce domaine et se consacrer aux choses essentielles ?

Je rentre de Strasbourg, où à onze heures, ce matin, j'ai signé un accord de coopération avec le Parlement européen et le Comité des régions. Cet accord est important voire historique - le temps le dira. Nos concitoyens ne cessent de déplorer un manque d'écoute sur les questions européennes : Bruxelles est dominé par la technocratie, tout est décidé d'en haut, sans compromis et par avance, et les États sont privés de leur souveraineté. L'accord a été passé entre trois institutions qui représentent les gens à des degrés divers. Le Parlement représente les électeurs. Le Comité des régions est composé des élus des territoires. Le Comité économique et social européen comprend trois groupes, celui des employeurs, celui des travailleurs et un troisième formé de consommateurs, d'associations et de représentants d'activités diverses. Jusqu'à présent, les trois institutions travaillaient séparément. Même si notre comité était saisi des mêmes matières que le Parlement européen, notre travail, s'il n'est pas coordonné avec le sien, risque de rester vain.

L'accord de coopération concentre le rôle de notre comité en amont et en aval du processus législatif. En amont, nous pourrons désormais présenter des avis d'initiative sur des sujets tels que l'excès de règlementation dans l'agriculture ou sur des questions de société, auxquels le Parlement européen donnera une force politique par des résolutions. En aval, nous avions anticipé en lançant des études d'impact pour observer comment les règlementations européennes fonctionnaient sur le terrain.

Trois observatoires ont été privilégiés. Celui du marché unique européen a lancé depuis l'automne dernier une étude d'impact sur la directive relative au détachement des travailleurs. Douze de nos collègues sont allés enquêter sur le terrain dans plusieurs régions et pays d'Europe. Nous attendons les résultats de cette enquête pour le mois d'avril. L'observatoire du marché du travail a lancé une étude d'impact sur l'emploi des jeunes dans l'Union européenne et l'efficacité des programmes mis en place. Loin d'être des études académiques, comme celles que commandite la Commission européenne, nos études s'intéressent au ressenti de situations réelles : un salarié qui paie ses charges sociales mais subit la concurrence d'un travailleur illégal est de toute évidence victime de dumping social. L'observatoire du développement durable examine les conséquences sur la vie des gens des directives européennes sur les énergies nouvelles, qu'il s'agisse du prix de l'énergie ou de l'accès aux nouvelles technologies. Dans l'avenir, je souhaiterais que ces études d'impact portent sur l'excès de règlementations. Ce travail est très utile pour le Parlement européen qui légifèrera ainsi plus facilement.

Pour la phase législative, l'accord prévoit d'identifier les domaines dans lesquels notre comité a une valeur ajoutée. Nous pourrons travailler en complémentarité avec le Parlement européen sur les questions de société, de famille, de démographie. De cette façon, nous sauverons cette particularité d'inspiration française - provenant de Jean Monnet - celle des assemblées consultatives à côté du Parlement européen. Des pôles citoyens pourront se constituer face au Conseil européen des États et à une Commission dominée au fil des ans par l'administration et les vues idéologiques.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Quels liens votre comité tisse-t-il avec les Parlements nationaux ? Différentes nationalités y figurent. Peut-il faciliter les relations des Parlements nationaux avec le Parlement européen ? J'ai apprécié votre volonté de faire entrer des indicateurs sociaux aux côtés des indicateurs économiques.

M. Pierre Bernard-Reymond. - Avez-vous des contacts avec les comités ou conseils économiques et sociaux nationaux ?

M. Henri Malosse. - Nos relations avec les Parlements nationaux sont insuffisantes. J'étais, il y a quelques semaines, à l'Assemblée nationale, mais les contacts sont trop rares, occasionnels. Il faudrait structurer davantage cette coopération. Depuis le début de ma présidence, en avril dernier, nous l'avons fait avec les trois pays qui allaient exercer la présidence tournante de l'Union européenne. Nous nous sommes réunis au mois de novembre avec les présidents des trois groupes. Nous avons eu trois heures de débat avec quatre-vingt-dix députés grecs pour discuter des priorités de la présidence grecque. Nous préparons la même initiative avec l'Italie, qui prendra la présidence au 1er juillet. Avec la présidence grecque, nous avons débattu du chômage, de l'emploi des jeunes et des initiatives à prendre sur ces sujets. Le Premier ministre grec viendra dans notre session plénière, au printemps prochain. Nous avons également mené des débats avec la Lituanie, avant sa présidence.

Je souhaite développer ces contacts et les élargir à d'autres pays qu'à ceux exerçant la présidence. Ces rencontres pourront être ponctuelles, sur des sujets particuliers : nous pourrions, par exemple, vous présenter notre étude d'impact sur la directive relative au détachement des travailleurs. Nous pourrions également facilement organiser des rencontres avec les membres français de notre comité.

Nous entretenons des relations avec les conseils économiques et sociaux nationaux. Cependant, ils n'existent pas partout et la coopération n'est pas systématique. Des pays comme l'Allemagne et le Royaume Uni n'ont pas de conseil économique et social. Dans certains pays, ces conseils ont une structure particulière, incluant la participation du gouvernement. Nous organisons des rencontres régulières avec ceux qui existent, mais le temps nous fait souvent défaut pour ces réunions. J'ai de très bonnes relations avec le conseil économique et social français. Je dois prochainement rencontrer le conseil économique et social espagnol.

M. André Gattolin. - Quel est la représentation syndicale et associative au sein de votre comité ?

Quel est votre point de vue sur les autres instruments de participation citoyenne ? Le comité envisage-t-il de contribuer, d'inciter ou d'aider certains de ses membres à utiliser l'initiative citoyenne européenne qui peut être un levier d'initiative, malgré les exigences de sa mise en oeuvre ?

Quelle place votre comité prend-il dans l'élaboration des « livres verts » et des « livres blancs » par la Commission,  en amont des directives européennes ?

M. Michel Billout. - Quelle est votre analyse de la situation économique dans l'Union européenne ? Pouvez-vous développer votre suggestion d'emprunter de nouvelles voies pour sortir de la crise ? Lors de votre voyage en Hongrie, en novembre dernier, vous avez surpris par votre analyse de la politique économique de M. Orban - taxation du secteur bancaire et des grandes entreprises étrangères, mise sous dépendance de la banque centrale de Hongrie. Considérez-vous que ces solutions, ayant contribué à sortir la Hongrie de la crise, puissent être étendues à d'autres pays ?

Mme Patricia Schillinger. - Quand nous adoptons une loi en France, l'Union européenne ne nous suit pas - cela a été le cas récemment sur la question du Bisphénol A - à cause de l'importance des lobbies. Comment pouvez-vous intervenir pour améliorer la cohérence et la transparence du processus législatif européen ? La mise en place des trois observatoires est une bonne initiative qui cible les domaines pertinents.

Quelles réflexions vous inspire l'éventuelle entrée de la Turquie dans l'Union européenne ?

M. Henri Malosse. - Les traités européens confèrent aux États membres la responsabilité de choisir les membres qui composent notre comité. Le Conseil européen décide sur proposition des États membres à majorité qualifiée. La seule obligation est de respecter le tripartisme, pour avoir des délégations équilibrées. En France, les services du Premier ministre ont nommé une représentation composée pour un tiers d'employeurs, pour un tiers de syndicats, le dernier tiers laissant place à un certain nombre de variations permises par la diversité du groupe 3. Un certain verdissement a été constaté avec l'arrivée d'au moins deux collègues de sensibilité écologiste.

Grâce aux initiatives citoyennes européennes, des groupements de citoyens peuvent soumettre des propositions au Parlement européen. Contrairement au Conseil économique, social et environnemental (CESE) français, les traités européens ne nous ont pas donné de rôle particulier dans ce processus, mais nous l'avons pris. À chacune de nos sessions plénières, j'accueille des porteurs d'initiative : nous avons accueilli une initiative visant à réduire les frais d'itinérance téléphonique, une initiative citoyenne sur l'eau, une initiative « écosite » sur la responsabilité environnementale des entreprises. Dans quinze jours, nous accueillerons une initiative grecque lancée par l'ex-Commissaire Mme Diamantopoulos pour sortir les dépenses d'éducation du calcul de la dette grecque. J'ai été le premier signataire de l'initiative citoyenne sur les frais téléphoniques et de deux autres initiatives sur l'éducation. Nous soutenons ces initiatives citoyennes et nous avons même mis en place un bureau d'assistance pour aider les associations à les lancer. Elles sont en effet très compliquées à mettre en oeuvre, puisqu'elles doivent rassembler plus d'un million de signatures.

Nous sommes impliqués dans le processus des « livres blancs » et des « livres verts » : la Commission européenne nous envoie un questionnaire. Je suis très critique sur ces processus de consultation tous azimuts, car nous n'avons aucune garantie pour en vérifier la légitimité. Si une consultation menée sur internet reçoit 10 000 réponses, quelle est sa représentativité ? Si 9 900 réponses proviennent de la même source, elle n'aura aucune légitimité.

La Commission européenne est sensible aux lobbies, le Parlement européen l'est encore davantage. Je participe à toutes les sessions du Parlement européen et j'ai pu constater l'accroissement du poids des lobbies privés. Il y a deux mois, lors du débat sur les émissions de CO2 par les voitures, j'ai eu l'impression d'être au Salon de l'auto, tant il y avait de représentants de l'industrie automobile ! Lors des débats sur les OGM, c'est la même chose : Monsanto a plus de 1 000 lobbyistes présents à Bruxelles ! J'étais récemment à Lyon, où la dirigeante d'une entreprise de cosmétique m'a interpellé. En tant que citoyenne, elle était pro-européenne ; comme chef d'entreprise, elle était excédée par les règlementations de Bruxelles, dictées par les grandes entreprises, impossibles à appliquer pour les petites entreprises. Je crois beaucoup au rôle que peut jouer le Comité économique et social européen pour améliorer la transparence des procédures de consultation : sa composition qui associe des représentants de grandes, moyennes et petites entreprises garantit l'équilibre de nos débats.

Mon intervention en Hongrie a été très controversée. Les membres de mon comité étaient en grande majorité opposés à la politique de M. Orban. Je l'ai rencontré, ainsi que les leaders de l'opposition et le Conseil économique et social hongrois. La Hongrie a connu en 2007-2008 une crise aussi grave que la Grèce. L'économie magyare se porte mieux que l'économie hellène. Le taux de chômage frôle les 10 %, le chômage des jeunes tourne autour de 12 %, alors qu'en Grèce il est de 50 %, et la Hongrie n'a pas connu le contrôle de la Troïka. M. Orban rappelle volontiers à M. Barroso la prédiction qu'il lui avait faite en 2008 : la crise ne touchera pas l'Europe ! Aux élections législatives prochaines, le parti de M. Orban est bien positionné.

Ce qui m'a intéressé dans sa politique économique, c'est la réussite des solutions mises en oeuvre. Dans la Hongrie des années quatre-vingt-dix, le secteur bancaire étatisé a été pris en mains à 90 % par des banques autrichiennes et allemandes. Le secteur de l'énergie l'a également été. Ces entreprises ont fait des bénéfices énormes. La politique de M. Orban a consisté à taxer les grandes entreprises, tout en réduisant la fiscalité sur les petites et moyennes entreprises, et à contrôler le secteur de l'énergie pour faire baisser les prix. J'ai rencontré des entrepreneurs français, dans le secteur de l'énergie. Certes, la politique de M. Orban ne les rendait pas heureux, mais ils reconnaissaient avoir réalisé des marges énormes dans les années quatre-vingt-dix et retrouver avec cette nouvelle fiscalité des marges normales. En dehors de tout contexte idéologique, la solution fiscale de M. Orban était intéressante.

Un autre exemple est la décision de M. Orban d'interdire la vente du tabac dans les supermarchés, afin que les petits buralistes indépendants récupèrent le monopole de sa distribution. La mesure a contribué au maintien de l'emploi local.

Nous entretenons des relations extérieures avec le monde entier. Nous avons des accords avec la Chine, le Japon, le Chili et d'autres pays, partout où l'Union européenne mène des politiques de coopération. C'est extravagant ! J'essaye de recentrer ces relations sur l'Europe et la Méditerranée. Avec la Turquie, les négociations traînent en longueur. Nous avons un comité d'économie mixte avec la Turquie, qui fonctionne depuis dix-huit ans, sans résultats. C'est d'une grande hypocrisie. Nous savons, en France qu'il n'y aura pas d'adhésion de la Turquie à l'Europe, sans un référendum dont le résultat serait actuellement négatif.

Nous avons des responsabilités en tant que société civile européenne. Je me suis rendu par deux fois en Ukraine. Au-delà de l'opposition politique, les associations sont très intéressées par notre soutien, même si elles savent que leur pays ne rejoindra pas l'Union européenne dans les six mois à venir. Elles se battent pour les valeurs européennes.

M. René Teulade. - Les comités économiques et sociaux sont des lieux de dialogue social exceptionnels. J'ai longtemps fait partie du Conseil économique et social français. La force de ces comités est qu'ils ne sont soumis à aucune législature. Ils mènent des débats d'une grande liberté. Mais, les Gouvernements les écoutent rarement.

Lorsque je présidais la commission des affaires sociales du Conseil économique et social, nous avions élaboré un rapport sur la réforme des retraites qui avait l'accord de tous les partenaires en 2002. Il fut douloureux de me retrouver ensuite au Sénat avec le problème des déficits et la réforme des retraites à mener !

Pourquoi les Gouvernements n'écoutent-ils pas les comités économiques et sociaux ? C'est sans doute parce que l'application de leurs décisions poserait un problème politique. On n'utilise pas assez leur travail.

M. Yves Daudigny. - Le chômage en France est notre souffrance partagée et notre juste obsession. Le taux de chômage dans la zone euro est de 12 %, dans l'Union des 28 il est de 10,7%, légèrement en baisse. Quel rôle joue l'euro sur le taux de chômage ? Pourquoi n'y a-t-il pas d'écart entre la zone euro et l'Union des 28 ? Défenseur de l'euro, j'ajoute que ma question est un peu provocatrice...

L'Allemagne a décidé récemment d'instaurer un Smic. Quel sera l'impact de cette décision ? Ouvre-t-elle la voie à une convergence des salaires minimum de la zone euro ?

Le déficit régulier dans le financement de la protection sociale passe pour une spécificité française. Est-ce aussi votre perception ?

En France, la politique de protection de la santé publique consiste à augmenter les prix du tabac. L'expérience a montré, sous la présidence de Jacques Chirac, qu'il en résulte une baisse du nombre des fumeurs. Mais, qui voyage entre le Luxembourg et la France est tenté de remplir son coffre de cigarettes avant de partir ! Comment uniformiser les politiques de santé publique, étant donné des niveaux de taxation très divers ?

Mme Gisèle Printz. - Les prévisions sont catastrophiques quant à la participation aux élections européennes. Nos concitoyens rendent le Parlement européen responsable de tout ce qui ne va pas. Comment changer cet état d'esprit ? Est-il dû à une méconnaissance du Parlement européen ?

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Quelle représentativité ont les territoires ultramarins dans votre comité ?

Menez-vous une réflexion sur le droit des femmes ?

M. Henri Malosse. - Monsieur Teulade, vous avez raison : pourquoi ne sommes-nous pas écoutés ? Lorsque j'étais rapporteur du Comité sur la directive Bolkestein il y a quelques années, nous avions attiré l'attention sur le dumping social et fiscal qui en résulterait. Pourquoi a-t-on soumis les travailleurs détachés jusqu'à trois mois, aux règles du pays d'accueil, sauf pour les cotisations sociales, contrairement à ce que je préconisais ? Le tollé qu'elle a suscité en France et ailleurs aurait été épargné, en dépit du bricolage postérieur du Parlement européen, qui a repris certaines de nos suggestions.

Depuis une quinzaine d'années, les institutions de l'UE ont tendance à négliger, non seulement le Comité économique et social, mais aussi les acteurs sociaux reconnus, organisations professionnelles, syndicales, consulaires, au profit d'une myriade de lobbyistes. Le Parlement européen a organisé des « agoras citoyennes » : sur 300 personnes, vingt à trente représentent des organisations légitimes, noyés au sein de « la société civile du rond-point Schuman », des gens respectables assurément, mais dont la représentativité se mesure au carnet d'adresses. Cela pose un problème de démocratie.

Du temps de Jacques Delors, le président de la Commission accordait une grande importance à notre comité. Il lui avait demandé un avis exploratoire sur la dimension sociale de l'Europe, qui a inspiré le volet social des traités. Hélas, ce respect et cette confiance se sont dégradés. C'est pourquoi je fonde beaucoup d'espoirs dans notre accord de coopération avec le Parlement européen.

Nous sommes libres, puisqu'il n'y a pas de mandat impératif : nous dialoguons, trouvons des consensus. Ainsi, sur le temps de travail, nous avons dégagé des idées de compromis, qui ont été ensuite reprises par le Parlement ou le Conseil européens. Mais on nous néglige. Nous devons nous battre, prendre la parole...Depuis vingt ans, nous avons été trop « gentils », aussi ne sommes-nous guère écoutés. Il faut être plus directs, planter du clinton à Alès !

Sur le chômage, il faut se garder d'inférer des corrélations hâtives, tant le problème est complexe. La situation géographique entre en ligne de compte. Il y a, hors zone euro, des pays comme la Suède et le Danemark, dont la situation économique est meilleure que celle des autres, pour de multiples raisons. Au sein de la zone euro, l'Autriche, l'Allemagne ont des taux de chômage moins élevés que d'autres pays. Il y a, au sein de la zone euro, des pays qui ont été frappés plus durement par la crise, et ont bénéficié de la solidarité de leurs partenaires. Les conditions posées, l'austérité ont-elles été trop dures ? Certains le pensent. Les relations de cause à effet ne sont portant pas aisées à établir. Le Royaume-Uni fut, des Vingt-Huit, le plus frappé par la crise bancaire, mais aussi celui qui a consacré le plus d'argent public au sauvetage de ses banques ; il n'est pas membre de la zone euro. Contrairement à l'Irlande, à la Grèce ou à l'Espagne, il disposait des ressources pour ce faire.

Sur le Smic, l'Allemagne évolue positivement. Faut-il imaginer un jour un Smic européen ? Nous avons proposé - en relayant la suggestion du groupe des travailleurs - qu'un revenu minimum européen soit établi en fonction du PIB de chaque pays. Lorsque je suis allé en Bulgarie, j'ai fait la « une » des journaux, en évoquant un niveau de 400 € dans dix ans, qui fait rêver là-bas !

La convergence fiscale et sociale doit devenir l'un des piliers de la construction européenne. Depuis quinze à vingt ans, dans la plupart des pays, un sentiment général de la concurrence a fait place à celui de la convergence et de la solidarité. Nos systèmes fiscaux et sociaux sont mis en concurrence, plus qu'ils ne sont incités à converger. Certains s'en sortent mieux que d'autres, lesquels ont le sentiment qu'on leur impose l'austérité, qu'on ne leur propose que de se serrer toujours davantage la ceinture. Il manque des « solidarités actives », selon la belle expression de Jean Monnet, autour d'objectifs communs. Songez qu'il y a un écart de un à douze entre le revenu minimum en Bulgarie et au Luxembourg !

Jacques Delors, pendant son deuxième mandat, avait tenté de proposer aux Gouvernements, ce qui était plus facile à faire à quinze qu'à vingt-neuf, un calendrier progressif vers la convergence, une sorte de « serpent ». Une telle perspective pourrait être expliquée à nos concitoyens : même s'il y aura toujours des fraudeurs, plutôt que de conduire au dumping social, l'Europe pourrait être plus solidaire, plus forte. En Grèce, quand le prix du tabac a augmenté, des cigarettes de contrebande ont été importées de Turquie et de Bulgarie. Si l'on se contente de proclamer « que le meilleur gagne ! », si l'Europe n'est qu'un marché, elle n'a plus de sens.

L'Allemagne a connu de graves déficits de ses comptes sociaux au début du mandat de Gerhard Schröder, lequel a entrepris des réformes l'ayant rendu impopulaire, puisqu'il a choisi de baisser les cotisations sociales. Le déficit a disparu. Les solutions ne sont pas légion : ou l'on réduit les prestations, ou l'on augmente les cotisations. La France elle-même est confrontée à ce choix. Cela étant, l'Europe, vue du reste du monde, reste fondée sur un modèle social qui se caractérise avant tout par son système de protection sociale. D'où l'importance de la convergence.

Les régions appelées ultrapériphériques dans le jargon européen comprennent, outre nos départements et territoires ultramarins, les îles Canaries, les archipels de Madère et des Açores, qui nous permettent de ne pas être isolés. Il est toujours difficile d'expliquer à un Finlandais les spécificités de territoires au climat très différent du sien, au point que certaines prétentions des fonctionnaires européens à réglementer de manière uniforme des dispositifs aussi importants que les toboggans des espaces de jeux pour enfants peuvent s'en trouver contrariées... Ainsi, on interdit à La Réunion, en vertu de la réglementation européenne sur le traitement des déchets lourds, d'expédier ses pneus usagés en Afrique du Sud, pourtant bien plus proche que le continent européen...

Le droit des femmes est un sujet important, mais je dois reconnaître que notre comité n'est pas paritaire...

Mme Gisèle Printz. - Êtes-vous en retard ?

M. Henri Malosse. - Non, bien au contraire... Nous nous sommes autosaisis du rôle des femmes dans l'entrepreneuriat, nous avons soutenu l'initiative de Mme Reding sur la place des femmes dans les conseils d'administration. Nous sommes très actifs dans le domaine de la défense des droits des femmes. L'égalité hommes-femmes au travail a été améliorée par l'UE, compétente en vertu des traités, par des initiatives législatives dont nous sommes souvent à l'origine...

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Très bien !

Mme Patricia Schillinger. - Nous sommes choqués, en Alsace, du niveau très bas des salaires outre-Rhin : ainsi une secrétaire de mairie travaillant depuis 29 ans à Badenweiler perçoit 376 euros par mois ! Ne peut-on lancer des expérimentations avec l'Allemagne ? Il est rageant de constater que l'asperge alsacienne soit vendue deux euros moins chère en Allemagne que chez nous...

M. Pierre Bernard-Reymond. - Vous jouez un rôle important dans la construction européenne. Quel jugement portez-vous sur son avenir ? Êtes-vous plutôt enclin à l'optimisme ou au pessimisme ? Traversons-nous une crise, une période de mutation, ou de déclin ?

Que proposerez-vous pour réformer les traités ou accroître le rôle du Comité économique et social au sein des institutions européennes ?

Les Anglais de votre Comité se comportent-ils conformément à l'attitude générale de leurs compatriotes à l'égard de l'Europe ?

M. Henri Malosse. - Lorsque vous étiez ministre, l'esprit de coopération prévalait sur celui de concurrence, qui l'a emporté aujourd'hui, ce qui m'inquiète beaucoup. Tant de programmes de coopération transfrontalière se sont pourtant développés depuis vingt ans ! Les tensions qui s'expriment portent atteinte à l'idée même d'Europe. Nous sommes dans une crise existentielle. Beaucoup de responsables européens, même au plus haut niveau, n'y croient plus. Ils font carrière plus qu'ils ne portent des convictions. L'enthousiasme n'y est plus.

Pour les prochaines élections européennes, une offre se présente qui consiste à sortir de l'Europe telle que nous la connaissons, pour revenir au système intergouvernemental traditionnel, dont on a vu les résultats au cours des siècles. Un pays puissant agrégerait autour de lui des États vassaux, les Britanniques privilégieraient leur relation avec les États-Unis, les États du sud seraient déstabilisés, ou chercheraient une autre voie. L'autre offre provient de nos amis fédéralistes. Comment faire accepter à nos concitoyens de transférer tous les pouvoirs à Bruxelles, avec ses réglementations stupides et ses lobbies ? La troisième voie serait la pire : elle consisterait à ne rien changer, le système actuel ne pouvant plus prendre de décision. Je reste néanmoins optimiste. Je souhaite m'engager dans une coalition d'idées pour changer les choses, aller vers une convergence sociale et fiscale, dans le cadre d'un nouveau « serpent », renouer avec la méthode communautaire, refonder l'Europe sur des valeurs, la liberté d'entreprendre et la solidarité, mener des politiques industrielle, énergétique, de défense communes.

Il conviendrait de renforcer les compétences des Parlements nationaux dans le contrôle de subsidiarité - les Anglais nous appuieraient - et de confier aux acteurs économiques et sociaux un rôle plus direct dans ce contrôle.

Notre compétence législative générale, des pommeaux de douche à la hauteur des roues des tracteurs, pourrait être recentrée en amont, peut-être autour des initiatives citoyennes, à l'instar du Conseil économique et social français, auxquelles il convient de donner davantage d'ampleur. Actuellement ce ne sont que des gadgets sans conséquences.

J'ai été président de groupe longtemps : les plus actifs chez nous sont les membres britanniques, qui sont les seuls à être évalués par leur Gouvernement, avant leur nomination ou leur renouvellement. Ils considèrent que notre comité ne sert à rien, mais y envoient des gens qu'ils sélectionnent et dont ils contrôlent les activités. Nous nous réunissons avec notre Représentation permanente une fois l'an, les Britanniques une fois par mois. Ils sont actifs, présents, pragmatiques. Certes, la convergence fiscale et sociale n'est pas leur cup of tea...

M. Simon Sutour, président. - Cela fait longtemps que nous n'avions pas entendu un président du Comité économique et social européen. Ce fut une expérience intéressante, partagée entre nos deux commissions. Nous poursuivrons nos échanges. Le Parlement français et le Sénat en particulier disposent depuis la réforme constitutionnelle de 2008 et l'article 88-6 d'un vrai pouvoir de contrôle de la subsidiarité. Nous en avons fait usage sur le droit de grève des travailleurs détachés (« Monti 2 »), où nous avons obtenu avec d'autres parlements la minorité qualifiée du tiers, qui a abouti au retrait du texte par la Commission ; sur le Parquet européen, aussi, pour introduire la collégialité qui n'était pas prévue par le texte initial de Mme Reding, ce qui reviendra sans doute à son successeur. Restons en contact !

M. Henri Malosse. - Volontiers. Merci.

Économie, finances et fiscalité - Audition de M. László Andor, commissaire européen chargé de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion, conjointement avec la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. - Monsieur le commissaire, nous sommes très heureux de vous accueillir pour la première fois au sein de notre commission et nous vous remercions vivement d'avoir accepté de venir jusqu'à nous pour que nous puissions évoquer ensemble l'avenir de l'Europe sociale.

Il y a malheureusement fort à faire... mais vous en avez pleinement conscience, vous qui n'avez de cesse, depuis le début de votre mandat, de faire en sorte que la dimension sociale de l'Europe soit traitée de manière au moins aussi importante, dans un contexte de crise particulièrement difficile, que sa dimension économique.

Je salue tout particulièrement votre engagement personnel à cet égard, au sein de la Commission comme vis-à-vis du Conseil et des États membres.

Nous avons notamment apprécié - et nous vous soutenons - les mises au point que vous avez faites il y a quelques jours, dans le contexte de l'ouverture du marché de l'emploi européen aux travailleurs bulgares et roumains, pour contrer les rhétoriques d'inspiration populiste qui ont fleuri, y compris de la part de certains gouvernements de l'Union. Vous avez notamment souligné que « les travailleurs originaires de l'Est viennent en complément des travailleurs locaux et ont tendance à ne pas prendre l'emploi des travailleurs du pays d'accueil » et qu'ils constituent par ailleurs « des contributeurs nets des systèmes sociaux des pays hôtes ».

L'actualité est particulièrement dense sur les sujets qui nous rassemblent aujourd'hui. Ainsi, le rapport 2013 sur l'évolution de l'emploi et de la situation sociale en Europe, que vous avez présenté le 21 janvier au nom de la Commission, montre qu'un quart des Européens fait face au risque d'être pauvre ou exclu socialement, que le chômage de longue durée est en hausse continue et que le nombre des emplois précaires a encore augmenté.

Vous avez souligné en présentant ce rapport que « même si le chômage se réduit progressivement, comme c'est prévu aujourd'hui, ceci peut ne pas être suffisant pour renverser l'augmentation de la pauvreté, surtout si la polarisation des salaires se poursuit, notamment en raison d'une augmentation du travail à temps partiel ».

Le président Barroso lui-même, dans la préface du rapport de l'Observatoire du dialogue et de l'intelligence sociale (ODIS) sur l'état social de l'Europe, publié la semaine dernière, considère que « chacun perçoit que le risque de dislocation du lien social pourrait menacer la pérennité même du projet européen ». L'ODIS préconise dans son rapport le lancement par la Commission d'un nouveau dialogue public, les « États généraux de l'Europe ».

Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins, avec le devoir de renouer avec la croissance et l'emploi non seulement au niveau national, mais aussi au niveau européen, ce qui dépendra de notre capacité de réorienter l'Europe vers l'emploi et la solidarité et de sortir des paradigmes actuels, largement influencés par la doctrine libérale et le primat de l'économie.

Je ne doute pas que les questions de mes collègues ici présents seront nombreuses.

Je voudrais, quant à moi, vous interroger sur un certain nombre de sujets qui me tiennent particulièrement à coeur.

Je commencerai par la dimension sociale de l'Union économique et monétaire (UEM), qui a été abordée à plusieurs reprises lors de la réunion de la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière qui s'est tenue du 20 au 22 janvier derniers à Bruxelles. Les échanges fructueux que nous avons eus avec vous à cette occasion ont montré que la majorité des parlementaires souhaitaient une plus grande prise en compte de cette dimension de l'UEM. Cela suppose qu'elle soit présente tout au long du semestre européen, et pas seulement lors de l'examen annuel de croissance. La Commission européenne et le Conseil devraient utiliser le tableau de bord social non pas seulement comme un simple instrument de constat, mais comme un outil de définition des orientations des politiques économiques dans leur dimension sociale. Les recommandations par pays devraient également accorder une plus grande place au volet social des politiques économiques.

Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le commissaire, pour qu'il soit davantage tenu compte de la dimension sociale de l'UEM dans le semestre européen ?

Nous avons par ailleurs été nombreux, lors de la Conférence, à demander que le tableau de bord des indicateurs sociaux et d'emploi soit complété. Vous en avez reconnu l'utilité. Les propositions du rapporteur Sergio Gutiérrez Pietro d'inclure un indicateur relatif au niveau de pauvreté des enfants, un indice du travail décent et un indice de salaire vital européen sont intéressantes. Je suggère, pour ma part, que soit pris en compte un indicateur comme le coefficient de Gini qui, au-delà de l'indice retenu par la Commission européenne, permet d'appréhender de manière plus complète l'inégalité des revenus, et pas seulement par le biais des extrêmes. Que pensez-vous de cette proposition et comment entendez-vous compléter le tableau de bord social ?

Je pense en outre que ces indicateurs doivent revêtir un caractère contraignant et que la surveillance des déséquilibres macroéconomiques et des déficits publics excessifs doit être complétée par une véritable surveillance des déséquilibres sociaux. Comment vous semble-t-il préférable de procéder en la matière ?

Pensez-vous que la révision de la directive sur le détachement des travailleurs pourra aboutir rapidement, suite à l'accord partiel obtenu le mois dernier au Conseil ? Ici l'inquiétude est vive à ce sujet, ce qui explique qu'un grand nombre de nos collègues ont déposé une proposition de loi nationale visant à lutter contre la concurrence déloyale, que nous avons adoptée hier, ici même, à l'unanimité. D'autres pays se préoccupent de ce sujet. Si nous ne voulons pas que les populismes s'emparent de cette directive, les choses doivent être clarifiées d'ici quelques semaines.

Notre commission a également confié à notre collègue Philip Cordery une mission sur l'emploi des jeunes, question qui nous préoccupe autant que vous, monsieur le commissaire. Avez-vous un retour de la part de vos services sur la mise en oeuvre de l'initiative « Garantie pour la jeunesse » ? Nous souhaitons voir se développer la mobilité des jeunes en Europe, sur le plan de l'emploi et sur le plan culturel par le biais des formations avec Erasmus et Erasmus Plus.

Qu'en est-il du salaire minimum au niveau européen ? Le fait que le débat soit lancé en Allemagne est-il, selon vous, de nature à permettre que l'idée avance au plan européen, non pas d'une façon transversale mais au sein de chaque État ? Que pensez-vous de l'initiative citoyenne pour le revenu de base universel ?

Quelles sont les initiatives européennes en cours sur la responsabilité sociale des entreprises, autre sujet important ? La directive « travailleurs » va faire bouger les choses dans le secteur du BTP en engageant la responsabilité des donneurs d'ordre vis-à-vis de leurs sous-traitants, mais qu'en est-il pour le secteur agroalimentaire et les transports ?

Enfin, les parlementaires européens ont exprimé le souhait d'élaborer une stratégie européenne contre la multiplication du nombre de sans-abri. Je crois savoir que la Commission n'a pas vu leur requête d'un très bon oeil. Pour quelles raisons ?

M. László Andor, commissaire européen chargé de l'emploi, des affaires sociales et de l'inclusion. - Je vous remercie, madame la présidente, pour votre invitation.

Mesdames, messieurs les députés et sénateurs, je suis ravi et honoré de m'adresser à vous dans le cadre d'une réunion conjointe des commissions des affaires européennes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Mon objectif est de débattre avec vous d'un aspect spécifique de l'intégration européenne, à savoir l'architecture de l'Union économique et monétaire et la nécessité de doter celle-ci d'une dimension sociale.

Vous avez évoqué dans votre introduction, madame la présidente, un certain nombre de sujets sur lesquels je reviendrai, que ce soit dans mes propos liminaires ou, plus tard, en réponse aux questions des parlementaires.

Depuis sa naissance, l'Europe se caractérise par une forte dimension sociale. Celle-ci est présente dans le budget européen grâce au Fonds social européen (FSE), principal instrument de soutien à l'emploi, qui facilite l'accès à de meilleurs emplois et garantit à tous les citoyens de l'Union européenne des perspectives d'emploi plus équitables. Grâce à une enveloppe budgétaire de 10 milliards d'euros par an, le Fonds social européen améliore les perspectives d'emploi de millions d'Européens, en particulier ceux dont l'insertion sur le marché du travail est difficile.

Permettez-moi également de mentionner le nouveau Fonds européen d'aide aux plus démunis. Le Parlement européen et le Conseil sont désormais parvenus à un accord politique sur ce nouvel instrument financier. Il s'agit là d'une grande victoire pour la solidarité européenne et je remercie la France pour le rôle crucial qu'elle a joué dans les négociations.

Le bon fonctionnement du marché intérieur requiert également une forte dimension sociale. Au cours des soixante dernières années, l'Union européenne s'est dotée d'un acquis social englobant des dispositions législatives et des normes sociales, tout en développant le dialogue social à l'échelon européen. Il convient d'étoffer cet acquis. Garantir des conditions de travail décentes demeure toujours un défi et les règles de santé et de sécurité au travail doivent être régulièrement revues et actualisées.

Dans le domaine de la libre circulation et du détachement des travailleurs, l'Union européenne se doit de veiller au respect des droits des travailleurs et des droits sociaux fondamentaux. C'est la raison pour laquelle la Commission a proposé une directive visant à garantir une meilleure application des règles sur le détachement des travailleurs. Nous sommes entrés dans une phase cruciale des négociations et j'espère que le Parlement européen et les États membres parviendront à un accord avant la fin de la législature actuelle.

Les traités prévoient en outre une coordination des politiques de l'emploi et des politiques sociales, le plein-emploi et le progrès social figurant parmi les grands objectifs du traité. Avec la stratégie « Europe 2020 », l'Union européenne s'est fixé des objectifs à atteindre en matière d'emploi, d'éducation et de réduction significative de la pauvreté.

Grâce au renforcement de la « gouvernance économique européenne », la coordination des politiques est l'un des aspects ayant le plus évolué depuis 2010.

Il y a un an, la Commission a lancé un débat sur une Union économique et monétaire véritable et approfondie. Le Conseil européen a favorablement accueilli cette démarche et a souligné la nécessité de doter l'Union économique et monétaire d'une dimension sociale incluant le dialogue social comme un élément capital de l'approfondissement de l'UEM. Enfin, en octobre dernier, la Commission a adopté une communication sur le « Renforcement de la dimension sociale de l'Union économique et monétaire ».

Cette initiative propose des mesures concrètes et de nouveaux instruments, mais elle constitue aussi une contribution essentielle au débat sur le futur approfondissement de l'Union monétaire.

Mesdames, messieurs les députés et sénateurs, je partage l'avis de ceux qui considèrent que la coordination des politiques économiques et de l'emploi mise au point immédiatement après l'introduction de l'euro n'est pas parvenue à garantir les nécessaires modalités de surveillance. C'est ce qui explique que beaucoup critiquent l'Union économique et monétaire conçue à l'époque de Maastricht comme étant peu soucieuse des aspects sociaux.

Permettez-moi de vous exposer mon opinion à ce sujet.

Notre défi majeur, à l'heure actuelle, consiste à gérer les divergences croissantes observées non seulement entre les économies, les marchés de l'emploi et les situations sociales des États membres, mais aussi entre les perspectives de reprise, notamment au sein de la zone euro.

De fait, les écarts se creusent entre les résultats socioéconomiques de nos pays, et plus particulièrement à l'intérieur de la zone euro. Taux de chômage de l'ensemble de la population et des jeunes, évolution du revenu des ménages, pourcentage de la population menacée par la pauvreté ou inégalités de revenus, sur tous ces aspects les disparités entre le « centre » et la « périphérie » de la zone ne cessent de s'accentuer. Pourquoi ?

Indubitablement, l'appartenance à la zone euro confère d'énormes avantages, néanmoins elle prive les gouvernements de leurs principaux mécanismes traditionnels d'ajustement.

Dans la conception actuelle de l'UEM, les pays ayant l'euro comme monnaie commune ne peuvent procéder unilatéralement à des dévaluations. Ils ne peuvent pas non plus, en cas de choc économique, compter sur l'inflation pour diminuer leur dette. Enfin, leur politique budgétaire nationale est sévèrement encadrée par les règles communes.

Une dévaluation interne constitue dès lors le seul moyen de faire face aux chocs économiques et de restaurer la compétitivité à la périphérie de la zone euro. Sur le plan social, puisque les ajustements économiques au sein de l'UEM passent principalement par le marché du travail, le chômage et les crises sociales, à moins d'être anticipés et combattus collectivement, risquent de s'étendre plus encore au sein de l'Union monétaire qu'à l'extérieur de celle-ci.

Il est aussi évident que les problèmes d'emploi et les crises sociales qui touchent les pays de la zone euro ont des répercussions économiques négatives sur l'ensemble de l'Union monétaire.

Avec plus de 26 millions de personnes au chômage en Europe, le revenu des ménages chute dans beaucoup d'États membres. De récentes données montrent qu'en 2012 25 % de la population de l'Union européenne, soit plus de 124 millions de personnes, étaient menacés par la pauvreté ou l'exclusion sociale. Cela représente une augmentation de l'ordre de 6 millions de personnes par rapport à l'année 2010, lorsque l'objectif de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale a été fixé pour la stratégie « Europe 2020 ». En 2012, en France, 12 millions de personnes - soit quasiment 20 % de la population - étaient menacées par la pauvreté ou l'exclusion sociale.

Aujourd'hui, la zone euro subit les attaques d'une crise systémique et d'une crise économique qui se caractérisent par une faible croissance globale et des divergences sans précédent dans la situation socioéconomique des États membres.

Si nous voulons prévenir toute érosion de notre acquis social et, au contraire, développer la dimension sociale d'une véritable union économique et monétaire pérenne, il nous faut des politiques européennes plus fortes dans le domaine social et dans celui de l'emploi, ainsi que des instruments plus performants.

Le renforcement de la dimension sociale dans l'UEM requiert des mécanismes et des instruments de gouvernance économique permettant de déceler en amont les évolutions défavorables de l'emploi et de la situation sociale dans les États membres de l'Union monétaire, puis d'y apporter une réponse.

Dans notre communication sur la dimension sociale de l'UEM, nous avons défini quatre axes d'intervention : premièrement, une surveillance renforcée de l'évolution de l'emploi et des aspects sociaux dans les États membres ; deuxièmement, une coordination accrue des politiques européennes dans le domaine social et dans celui de l'emploi ; troisièmement, des mécanismes de solidarité renforcés et un plus grand soutien à la mobilité de la main-d'oeuvre ; quatrièmement, un dialogue social plus fort, tant à l'échelon de l'Union européenne qu'à celui des États membres.

Afin de surveiller plus étroitement l'emploi et les évolutions sociales, la Commission propose de mieux tenir compte de ces dernières dans l'observation des déséquilibres macroéconomiques. Même si de tels indicateurs auxiliaires sont importants, ils ne seront pas suffisants pour doter l'UEM d'une dimension sociale importante et saisir les principaux enjeux sur le front de l'emploi et en matière sociale.

La Commission a donc également proposé un nouveau tableau de bord d'indicateurs clés dans le domaine social et celui de l'emploi, qui serait utilisé dans le cadre du semestre européen pour la coordination des politiques économiques.

Ce tableau de bord doit servir à repérer les premiers signes de forts déséquilibres et de divergences excessives entre les pays, susceptibles de menacer la stabilité de l'UEM, et de déceler rapidement toute évolution défavorable de l'emploi et de la situation sociale dans un État membre.

Les grands indicateurs proposés pour ce tableau de bord sont les suivants : le taux de chômage et son évolution ; le taux de chômage des jeunes et le pourcentage de jeunes qui ne travaillent pas ou ne suivent ni études ni formation ; le revenu disponible brut réel des ménages ; le taux de risque de pauvreté chez les personnes en âge de travailler ; les inégalités.

Un fort taux de chômage, des inégalités marquées ou un risque de pauvreté élevé se traduisent par une moindre demande de produits et une perte ou une détérioration du capital humain qui minent la productivité future. De tels phénomènes engendrent la fracture sociale. Ils ont aussi des répercussions importantes sur la prospérité économique et la stabilité politique au sein de l'Union monétaire et dans l'ensemble de l'Union européenne.

C'est le fameux effet « tache d'huile » qui explique que des situations ou actions peuvent avoir des répercussions en dehors des frontières nationales. À titre d'exemple, il est certain que les niveaux élevés de chômage des jeunes en Espagne et en Grèce sont préjudiciables aux autres membres de la zone euro. Si, dans ces pays, les jeunes au chômage n'ont pas de revenu et ne dépensent pas, la demande interne dans les autres États membres est également affectée. Par ailleurs, la perte ou la baisse des compétences qui s'ensuit accroît les écarts de compétitivité et de productivité dans toute l'Europe. Il convient de surveiller attentivement de telles évolutions défavorables pour éviter qu'elles prennent une ampleur disproportionnée.

Mesdames, messieurs les parlementaires, la Commission a présenté le tableau de bord d'indicateurs clés en matière sociale et d'emploi, accompagné d'une première analyse, dans le projet de rapport conjoint sur l'emploi. Le tableau de bord, qui a été approuvé par le Conseil européen de décembre, montre comment les divergences persistantes se sont accentuées dans l'ensemble de l'Union, en particulier dans la zone euro.

Avant ce que nous devons désormais appeler la « grande récession », la plupart des indicateurs de performance sociale et de l'emploi convergeaient dans l'ensemble de l'Union européenne. Mais, depuis 2008, l'écart se creuse et même les États membres les plus résistants sont aujourd'hui touchés par les retombées de la crise à travers une baisse de la demande et une érosion de la confiance.

Cet écart est clairement visible dans le taux de chômage des jeunes et, surtout, dans la proportion de jeunes sans emploi qui ne suivent ni études ni formation. On observe également plus de disparités au sein de la zone euro qu'à l'extérieur en termes de revenu des ménages et d'inégalité. Les taux de pauvreté ont augmenté à la périphérie de la zone euro, mais sont restés relativement stables au centre.

En plus de la détection rapide des grands problèmes en matière sociale et d'emploi, il importe de renforcer la coordination des politiques sociales et de l'emploi. Cette coordination doit être fondée sur des critères de référence et des normes élaborées en commun. La « Garantie pour la jeunesse » est le meilleur exemple de ces nouvelles normes. Elle vise à s'attaquer de front au problème du chômage des jeunes, en veillant à ce que tous les jeunes âgés de moins de vingt-cinq ans se voient proposer une offre d'emploi de qualité, un apprentissage ou un stage, ou encore la possibilité de poursuivre leurs études dans un délai de quatre mois suivant le début de leur période de chômage ou la fin de leur scolarité.

Les États membres, dont certaines régions présentent des taux de chômage des jeunes supérieurs à 25 %, ont été invités à présenter des plans de mise en oeuvre de la « Garantie pour la jeunesse » pour le 31 décembre 2013. La Commission européenne procède actuellement à l'évaluation de ces plans, parmi lesquels celui de la France.

Avec la mobilité de la main-d'oeuvre et l'adéquation effective de l'offre et de la demande de main-d'oeuvre dans l'ensemble de l'Union, le troisième axe suppose une solidarité accrue.

La Commission prévoit de réaliser cet objectif en commençant par renforcer les instruments de financement de l'UE tels que les fonds structurels et les fonds d'investissement européens sur la période 2014-2020.

Mais la Commission s'est également interrogée sur la création d'un embryon de capacité budgétaire, liée à des mécanismes de coordination étroite au sein de la zone euro. Je pense notamment à la possibilité d'une coordination plus poussée des réformes des États membres au moyen des arrangements contractuels et de l'« instrument de convergence et de compétitivité ».

Le Conseil européen de décembre a chargé les présidents du Conseil européen et de la Commission de poursuivre les travaux sur la question des arrangements contractuels et des mécanismes de solidarité qui y sont associés. Ils feront rapport au Conseil européen d'octobre 2014 en vue d'un accord sur ces points.

Le Schéma directeur pour une union économique et monétaire véritable et approfondie ainsi que la communication sur le renforcement de la dimension sociale de l'UEM présentés par la Commission mentionnent la possibilité, à long terme, d'un budget autonome pour la zone euro et d'une capacité budgétaire qui fourniraient des instruments de stabilisation à l'échelon de l'UEM.

Plusieurs possibilités existent pour de tels instruments de stabilisation propres à soutenir l'ajustement aux chocs asymétriques, mais la plus efficace, en termes d'effet stabilisateur, paraît être la mise en commun partielle des régimes d'assurance chômage au niveau de l'UEM. Ces stabilisateurs atténueraient les fluctuations économiques et contribueraient à stabiliser la situation économique et sociale dans les États membres les plus touchés par la crise.

Pour être efficaces - c'est-à-dire pour soutenir efficacement la stabilisation de l'économie - les stabilisateurs automatiques devraient entrer en action au bon moment, cibler une population ayant une forte propension à la consommation et avoir ainsi un effet multiplicateur important.

De manière plus générale, un système qui favorise les ajustements aux chocs asymétriques pourrait stimuler la mobilité à long terme de la main-d'oeuvre au sein de l'UEM. Une assurance chômage propre à l'UEM permettrait notamment d'améliorer la portabilité des prestations de chômage à l'étranger.

Une analyse complémentaire est nécessaire pour évaluer de façon plus approfondie les différents stabilisateurs automatiques supranationaux possibles, ce à quoi s'emploient les services de la Commission.

Le quatrième axe invite à une participation accrue des partenaires sociaux à la gouvernance économique de l'UEM. Au cours de son mandat à la tête de la Commission, il y a vingt-cinq ans, Jacques Delors a donné un nouvel élan au dialogue social européen. Il en est résulté un rôle plus important pour les partenaires sociaux au niveau européen.

Nos propositions visent à associer plus étroitement les partenaires sociaux à la gouvernance économique de l'Union, de sorte qu'ils puissent aider à modeler les réformes et contribuer aux réponses politiques.

Nous proposons de consulter les partenaires sociaux de manière plus systématique, au niveau national comme à l'échelon européen, lors de l'élaboration des programmes de réforme et des orientations stratégiques pour le semestre européen.

Nous proposons aussi de renforcer les forums de dialogue social qui existent au niveau de l'Union afin de créer des synergies et d'améliorer la coordination et la cohérence des politiques.

Nous avons commencé à mettre en oeuvre ces engagements et nous continuerons dans les mois à venir.

Au-delà de ces propositions à court terme, les institutions européennes et les États membres devront, à plus longue échéance, revoir la conception de l'Union économique et monétaire. Des travaux en ce sens sont en cours.

Le défi, aujourd'hui, consiste à travailler avec les traités en vigueur et les systèmes de gouvernance actuels pour remettre l'Union européenne, et notamment la zone euro, sur la voie de la convergence économique et sociale.

M. Jacques Myard, député. - Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, monsieur le commissaire. Il semble que votre première qualité soit le courage car c'est le tonneau des Danaïdes que vous nous décrivez. Vous êtes le Sisyphe de la Commission !

Le problème, vous l'avez dit sans l'avouer, tient aux divergences économiques existant dans une zone euro qui n'est pas optimale sur le plan économique et où le travail est devenu une variable d'ajustement. Ainsi, pour tenter de satisfaire les critères de Maastricht, la Grèce a réduit les revenus des Grecs de 40 % et son PIB de 25 %, ce qui est également le cas de l'Espagne qui, pourtant, n'était pas en situation de déficit budgétaire.

La politique conduite au niveau de l'Union européenne est une politique de déflation et la monnaie unique, calée sur des économies divergentes, ne peut pas fonctionner. Kai A. Konrad, conseiller en chef du ministre allemand des finances Wolfgang Schäuble, déclare ainsi dans un article de L'Expansion : « le projet européen doit être sauvé, pas forcément l'euro ». Et de nombreux commentaires d'économistes vont dans le même sens.

J'ai bien compris les quatre axes d'intervention que vous voulez mettre en place et je suis très favorable au programme Erasmus ainsi qu'aux mobilités. Mais vos objectifs - surveillance, coordination, solidarité, mobilité, dialogue social - ne sont pas à la hauteur de ce qui se passe actuellement sur notre continent et qui pourrait casser l'Europe. Regardons la réalité en face : nous ne pouvons pas continuer ainsi ! Si nous ne nous dotons pas d'une politique industrielle, si nous ne reconnaissons pas qu'il faut des champions européens et une réciprocité dans les relations commerciales, si nous ne réfléchissons pas à la position de l'euro et si nous n'investissons pas en Europe grâce à une politique fiscale intelligente - je dis cela pour la France -, nous n'y arriverons pas !

J'admire votre courage et votre optimisme, monsieur le commissaire, mais je suis certain que vous échouerez.

Mme Sandrine Doucet, députée. - Monsieur le commissaire, vous avez souligné l'accroissement des écarts de revenus et le développement de la pauvreté en Europe. Nous ne pouvons que nous féliciter de l'inflexion des politiques européennes vers les questions sociales, car nous courons le risque d'un rejet de l'euro, voire d'un démantèlement de l'esprit européen. Vous déplorez la détérioration du capital humain, mais la politique en faveur des jeunes, concrétisée en France par la « Garantie pour la jeunesse », est de nature à contribuer à la construction d'une Europe sociale. Toutefois, je doute que cela suffise car les 7,5 millions de jeunes européens sans emploi sont victimes du dumping et des restrictions budgétaires, en particulier de la hausse des droits d'inscription universitaires.

Le dispositif Erasmus Plus doit permettre aux jeunes de s'insérer plus facilement dans le marché du travail tout en intégrant une culture européenne. Mais comment faire pour que cette mobilité ne soit pas une nouvelle forme de migration provoquant la fuite des cerveaux et des déséquilibres démographiques ?

Peut-on se satisfaire d'une politique certes soucieuse de l'avenir des jeunes, mais trop parcellaire ? Quelle réponse apporter à la question universitaire ? Peut-on envisager la circulation des jeunes au cours de leur formation en l'absence d'un statut européen de l'apprenti ou du stagiaire ? En d'autres termes, comment envisagez-vous une politique globale de la jeunesse en Europe ?

M. André Gattolin. - Monsieur le commissaire, l'Europe s'est déjà trompée en créant l'euro sans s'être dotée d'une gouvernance économique. Vous nous présentez un catalogue de quatre mesures dont j'ai du mal à voir l'aspect social ! Je veux bien qu'il faille mettre à niveau la formation des jeunes pour répondre au marché, mais faut-il pour cela créer des indicateurs ? Où est notre politique industrielle ? Où est notre politique commerciale ? Nous avons ouvert nos frontières à des partenaires qui ne respectent pas les règles sociales et nous allons nous contenter d'observer la misère et les drames sociaux ! Quand Jacques Delors a commencé à parler de politique sociale, l'Europe ne comptait que 15 pays membres, et nous n'avons pratiquement pas avancé. Les profondes inégalités au sein de la zone euro existaient bien avant la crise. L'Europe regroupe aujourd'hui 28 pays et il est encore plus difficile d'avancer. Nous devons envisager une gouvernance véritablement politique.

En tant qu'élu national et militant européen depuis plus de trente-cinq ans, je ne me reconnais pas dans votre discours et je crains, monsieur le commissaire, que si vous deviez vous soumettre à des élections, comme les parlementaires européens, vous n'ayez bien du mal à être élu. Nous sommes là pour essayer de vendre un discours européen et vous nous parlez d'observation de la misère sociale, d'intégration de plans en la matière dans les contraintes du semestre européen, de dialogue social. Vous ne pouvez pas demander aux Européens d'accepter des conditions de marché de plus en plus difficiles, des salaires de plus en plus faibles et des emplois de plus en plus précaires. Nous ne vivons pas dans le même monde !

Mme Estelle Grelier, députée. - Nous avons déjà auditionné le commissaire Olli Rehn, dont les intentions en termes de discipline budgétaire m'ont particulièrement inquiétée, et le commissaire Karel De Gucht sur la question des négociations avec les pays tiers. Il m'a semblé que tous deux vivaient dans un monde ne correspondant pas du tout aux réalités de notre pays.

En comparaison, monsieur le commissaire, votre discours, même si j'en mesure l'imperfection, me convient plutôt bien, d'autant qu'avant d'être députée, j'ai été parlementaire européen et je sais quel est votre combat pour faire valoir ces problématiques au sein de la Commission. Car nous en sommes là aujourd'hui dans l'Union européenne : il faut qu'un commissaire soit très motivé pour aborder la question sociale. Vous l'êtes et je vous en remercie.

Vous présentez le Fonds européen d'aide aux plus démunis comme l'expression de la solidarité européenne. Je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point, car les Allemands et les Suédois ont justement remis en cause cette forme de solidarité en portant devant la Cour européenne de justice le changement de base légale du programme européen d'aide aux plus démunis.

S'agissant des tableaux de bord, il est bon de dire que la question des divergences sociales est aussi fondamentale pour la pérennité de la zone euro que les questions macroéconomiques de déficit public et de dette, même si face aux situations que nous rencontrons dans nos circonscriptions, la constitution d'un nouveau tableau de bord peut paraître dérisoire.

Le respect des disciplines budgétaires, vous l'avez reconnu, a fragilisé les stabilisateurs automatiques, en France et dans d'autres pays. Est-il possible, selon vous, de laisser à nouveau s'épanouir ces stabilisateurs ? Dans quel cadre ?

La capacité budgétaire de la zone euro fait débat en France. Comment l'envisagez-vous ? Peut-on envisager qu'elle soit gérée par un sous-Parlement européen ?

Votre tableau de bord relatif à l'emploi vise les jeunes jusqu'à l'âge de 25 ans, or j'ai cru comprendre que le dispositif « Garantie pour la jeunesse » avait prolongé la notion de jeune jusqu'à l'âge de 30 ans. S'agit-il d'un simple calage ou d'une mesure d'ordre budgétaire ?

Enfin, j'imagine, monsieur le commissaire, que vous vous sentez parfois un peu seul dans la Commission présidée par M. Barroso et je souhaite que vous trouviez ici une forme d'encouragement, même si nous ne sommes pas dupes quant à l'intention dogmatique des politiques européennes.

M. Jean-Louis Roumegas, député. - Le Parlement européen a adopté une résolution demandant à la Commission la mise en place d'une stratégie européenne sur la question des sans-abri. Déjà en 2011, les écologistes avaient déposé une résolution en ce sens. En décembre dernier, les ministres du logement ont également souligné la nécessité d'une coordination européenne en la matière.

Les demandes de logements d'urgence explosent partout en Europe, de la part de ressortissants nationaux et de personnes venant d'autres pays européens. Puisque la lutte contre la pauvreté est l'une de vos priorités - quelle plus grave exclusion que celle d'être privé d'un toit ? -, pourquoi la Commission ne répond-elle pas à la demande qui lui a été faite ?

M. Gilles Savary, député. - Je salue la lucidité de votre analyse, monsieur le commissaire, quand, à Bruxelles, souvent, les préjugés et l'idéologie empêchent de voir certains problèmes. Vous posez un bon diagnostic, même s'il est difficile à entendre.

La relance de l'emploi procède davantage de la politique économique que de politiques sociales palliatives même si ces dernières ne sont pas superflues. On sait qu'un sparadrap ne soigne pas les plaies...

Malheureusement, l'équation économique est compliquée. Il y a trente ans, la conviction qu'une plus grande ouverture du marché aboutirait mécaniquement à une convergence des économies et des niveaux de vie était partagée par tous. Or, aujourd'hui, chacun fait le constat de la divergence.

Avec la monnaie unique, la dévaluation interne a remplacé la dévaluation monétaire et la baisse du pouvoir d'achat a cédé la place à une austérité graduelle selon le retard de compétitivité sur le pays le plus performant. Nous ne pouvons que constater notre déclin économique et notre baisse de pouvoir d'achat. Mais, alors que la dépréciation monétaire produit des effets immédiats, la dévaluation interne nécessite des réformes dont les effets sont plus longs à se faire sentir.

Phénomène nouveau, la mobilité du travail s'est considérablement accrue. Le monde libéral se caractérisait jusqu'à présent par une vélocité du capital et une viscosité du travail. Or, sous l'effet de la crise, les élites quittent les pays les plus touchés sans que leur destination soit nécessairement européenne. Ce phénomène préoccupant, qui reste à mesurer, commence à toucher la France. Parallèlement, pour les ouvriers, le travail low cost est devenu un facteur de compétition.

Il serait utile que l'Europe, au nom de la subsidiarité, s'intéresse à cette question et mette en place des outils pour éviter la guerre civile du travail en Europe. On assiste en effet à un jeu délétère « perdant-gagnant » au cours duquel les faibles rémunérations des uns détruisent le niveau social des autres. Ce phénomène est mortifère pour les pro-européens que nous sommes. Vous ne pouvez pas demander à un ouvrier de se suicider pour les beaux yeux de l'Europe sous prétexte que des traders d'un nouveau genre se livrent à un commerce de main-d'oeuvre qui sape l'économie, l'emploi et la vie des ménages. L'Europe serait fondée à mettre en place une agence de contrôle du travail mobile.

La directive relative au détachement des travailleurs serait efficace si les bureaux de liaison fonctionnaient. Or, cela ne peut pas être le cas car la qualité des administrations est inégale et certains pays ont intérêt, en temps de crise, à ce que leur main-d'oeuvre aille chercher des revenus ailleurs.

L'Europe devrait se saisir de ce sujet. La subsidiarité ne doit pas toujours être synonyme de repli national. Au contraire, elle a vocation à s'appliquer lorsque les États membres n'ont pas les moyens de mettre en oeuvre les politiques et les contrôles nécessaires. Sur le détachement, une initiative plus forte que la simple révision de la directive s'impose.

M. Jean-Luc Bleunven, député. - La demande à l'égard de l'Union européenne sur les questions sociales est forte. Pour quelle raison ces questions sont-elles si peu traitées ? Est-ce par manque d'imagination et à cause d'un certain conservatisme qui tend à privilégier les systèmes et les réglementations qui sont familiers ? La crainte d'un abandon de souveraineté n'est-elle pas l'une des causes de l'échec de l'Europe sociale ?

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. - Je reviens sur des questions que je vous ai posées en introduction, monsieur le commissaire. La mutualisation de l'assurance chômage peut-elle préfigurer un budget autonome pour l'Union européenne ? Comment l'envisagez-vous ? Qu'en est-il de l'instauration d'un salaire minimum au niveau européen ? Je vous remercie, comme mes collègues, pour vos propos courageux. Vous avez dit des choses fortes. Comment pouvons-nous vous aider à monter le rocher de Sisyphe et à l'empêcher de redescendre ?

M. László Andor. - Je ne ressens pas la solitude que vous évoquez. La dimension sociale est une préoccupation commune à tous les commissaires dont vous connaissez les convictions politiques. M. Barnier, par exemple, y est particulièrement attentif. Nous avons ainsi organisé à Strasbourg une conférence sur l'économie sociale pour réfléchir aux moyens de la développer dans un environnement mieux réglementé et avec une meilleure utilisation des ressources financières de l'Union européenne. Cet exemple illustre les nombreuses initiatives prises par la Commission, dont les effets ne sont pas toujours immédiats, pour assurer la cohésion sociale par le biais de moyens innovants.

Il est vrai que, depuis quatre ans, une question domine : comment faire face aux conséquences de la crise de la zone euro et comment sortir de la crise sociale ? Nous devons bâtir une union monétaire plus résistante, sur le plan économique, financier et social. Afin de mener à bien cette tâche d'envergure, nous devons repenser l'architecture de l'Union.

Nous avons progressé dans certains domaines, comme l'union bancaire, mais il reste à approfondir notre réflexion et à poursuivre la mise en oeuvre des mesures telles que la « Garantie pour la jeunesse ». Certaines propositions sont encore au stade embryonnaire parce qu'elles soulèvent des questions complexes ou rencontrent des obstacles juridiques. La Commission comme les États membres doivent prendre en compte les contraintes économiques et juridiques du moment.

Face à la hausse du chômage, et particulièrement de celui des jeunes, la Commission a proposé de modifier la programmation des fonds alloués dans les pays dont la situation était la plus dégradée. Huit États membres ont été identifiés et 10 millions d'euros sur les fonds structurels ont été dégagés pour aider les jeunes. Pour la première fois, la Commission a fait le tour des capitales pour mettre en place ce projet.

La Commission a ensuite adopté différentes mesures dont la « Garantie pour la jeunesse », destinée à aider les jeunes de moins de 25 ans à trouver du travail ou une formation. Son extension à des personnes plus âgées a fait débat au Parlement européen et au sein des États membres. À titre personnel, il me semble préférable de concentrer l'action sur les moins de 25 ans sans pour autant interdire aux États d'être plus ambitieux. En effet, la principale difficulté réside dans la transition entre l'école et la vie professionnelle. De nombreux jeunes se perdent, quittent l'enseignement sans avoir eu le moindre contact avec le marché du travail. Ce déficit d'éducation est porteur d'un risque social et, dans certains pays, c'est un facteur d'instabilité politique. Le mouvement des indignés en Espagne ou les émeutes de 2011 au Royaume-Uni témoignent d'un mécontentement qui s'exprime aussi dans des pays dont la situation économique est meilleure.

Face à la nécessité d'inventer un nouveau cadre, la « Garantie pour la jeunesse » et la coopération qui l'accompagne semblent une idée robuste. Mes services aident les États membres à améliorer les plans mis en place à ce titre. Le plan français sera ainsi probablement perfectionné dans les prochaines semaines.

La Commission a également pris des initiatives concernant l'apprentissage, concept pour le moins protéiforme en Europe. Nous identifions les modèles les plus performants - par exemple, la formation en alternance dispensée en Allemagne, en Autriche et en Scandinavie - et nous favorisons les échanges entre ces pays et les États les plus en difficulté. La Commission encourage les partenaires sociaux et les entreprises à adhérer à l'Alliance européenne pour l'apprentissage. Certaines entreprises transnationales ont déjà annoncé des plans d'apprentissage massifs. Les Américains s'y intéressent aussi. Notre objectif est d'installer une tradition de l'apprentissage au sein des grandes entreprises, ce dernier étant aussi un moyen pour elles de contribuer aux besoins de formation. Ces entreprises peuvent trouver des avantages à proposer des contrats d'apprentissage.

Quant à la mobilité, elle constitue un élément important mais elle ne suffira pas à elle seule à réduire les déséquilibres au sein de la zone euro. Ce serait une illusion de le croire. Elle ne saurait permettre d'offrir un emploi à chacun dans une Union européenne qui compte plus de 26 millions de chômeurs pour seulement 2 millions de postes vacants.

La Commission a décidé récemment d'améliorer EURES, le réseau européen des services de l'emploi. Le portail européen sur la mobilité de l'emploi offre 1 million d'emplois et tente de faire coïncider la demande avec ces postes vacants. Malgré la totale liberté de circulation, la mobilité est en effet entravée par le manque de transparence du marché du travail européen, dû à la diversité linguistique et à l'imparfaite reconnaissance des qualifications et des diplômes. Même si la mobilité s'accroît, ce sont aujourd'hui moins de 3 % des travailleurs européens qui travaillent et vivent dans un autre pays que le leur. Il ne faut pas l'oublier.

M. Jacques Myard, député. - Cela revient-il à dire que vous n'avez à offrir que l'expatriation comme solution pour trouver du travail ? Dans une Europe qui défend ses citoyens, on pourrait d'abord chercher à donner du travail aux gens dans leurs pays.

M. Gilles Savary, député. - Je suis pour ma part ravi d'aller dans d'autres pays européens et de voir que les jeunes font de même. Toutefois, vos statistiques ne tiennent pas compte des travailleurs détachés qui restent domiciliés dans leur pays d'origine mais travaillent à l'étranger pour quatre ou cinq euros de l'heure. Cette pratique menace des pans entiers de notre économie. Selon la théorie libérale, elle devrait aboutir à une rémunération qui serait une moyenne entre les différents niveaux de salaire. Mais dans les faits, elle nourrit un populisme européen terrifiant et précipite dans la misère de nombreuses personnes. Les abattoirs en Europe sont aujourd'hui sinistrés parce qu'ils ont subi une dérégulation orchestrée par des réseaux légaux et illégaux de trading. La lutte contre ces réseaux ne peut pas être une affaire nationale car, d'une part les intérêts des États divergent et, d'autre part, les réseaux agissent à l'échelle européenne. Je regrette que l'Europe, au nom du principe de subsidiarité, refuse de s'emparer de ce sujet.

M. László Andor. - Nous nous en occupons. En décembre dernier, le Conseil a trouvé un accord sur une orientation générale relative à la proposition de directive visant à contrôler l'application de la législation en matière de détachement des travailleurs, qui couvre de nombreuses questions, comme la responsabilité solidaire. Il s'agit notamment de combattre les sociétés fantômes qui cherchent à tirer profit des dispositions sociales dans certains États membres. L'adoption de la directive n'est pas encore acquise, mais elle constituerait un grand pas vers la solution de ces problèmes.

La question des bas salaires se pose en matière de détachement et de manière plus générale. Nous devons développer le contrôle des pratiques de détachement.

On dénombre 1,2 million de travailleurs détachés, chiffre qui n'est pas négligeable mais doit être rapporté aux 240 millions de salariés dans l'Union européenne. Ces travailleurs forment une minorité, certes importante, qui est de surcroît soumise aux fluctuations économiques. L'effondrement du secteur du BTP, consécutif à la crise, a considérablement fait chuter le nombre de travailleurs détachés. Depuis 2008, la mobilité transfrontière a régressé. En 2010, le nombre de travailleurs mobiles a été divisé par deux. Depuis, celui-ci progresse sans retrouver le niveau qui était le sien avant la crise.

Les risques liés à la libre circulation des travailleurs peuvent être minimisés. Ainsi, la fuite des cerveaux, dans le secteur médical notamment, peut poser un grave problème aux pays concernés. Néanmoins, les restrictions comme le Royaume-Uni les envisage ne sont pas une solution puisqu'elles ne portent pas sur les emplois hautement qualifiés. La libéralisation de la circulation des travailleurs roumains et bulgares ne provoquera pas un afflux massif au regard des mouvements actuels. La clé pour l'Union réside dans un potentiel de croissance et d'emploi retrouvé dans tous les États membres. Il ne s'agit pas d'autre chose.

M. André Gattolin. - Combien d'Européens vivent et travaillent en dehors de l'Europe ? C'est ce chiffre qui peut nous renseigner sur l'attractivité du marché européen.

M. László Andor. - Sur les trois dernières années, la Grèce, l'Irlande et le Portugal ont connu une migration cumulée de 200 000 personnes par pays. Nous constatons que la langue est parfois un facteur plus important que la proximité de l'emploi, ce qui est préoccupant pour l'Europe. Ces personnes décident de s'expatrier de leur propre chef. Nous devons les aider à trouver des emplois en Europe sinon les Portugais partiront en Angola ou au Mozambique et les Grecs en Australie.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. - En Haute-Loire, département confronté à une pénurie de pédiatres, c'est un médecin grec qui est venu s'installer car il n'avait pas été payé depuis six mois dans son pays. La mobilité n'est pas toujours un choix, mais elle est souvent le fait des plus qualifiés.

M. László Andor. - Les disparités de salaires sont l'une des manifestations des inégalités de développement social et économique en Europe. Cette question n'est pas de la compétence de l'Union européenne. Néanmoins, il est de notre responsabilité de corriger les déséquilibres européens.

Une croissance équilibrée repose sur la croissance de la productivité. Mais cette dernière a fait défaut ces dernières années, creusant les déséquilibres au sein de la zone euro. Si les salaires augmentent plus que la productivité, la compétitivité est mise à mal ce qui nuit à une croissance équilibrée. Nous avons donc dû nous intéresser à ces questions et avons engagé un dialogue avec les partenaires sociaux et les États membres.

La Commission avait proposé, il y a quelques années, l'instauration d'un salaire minimum dans tous les États membres. À cet égard, la décision allemande constitue une étape très importante. Au mieux pouvons-nous espérer que chaque pays instaure un salaire minimum adapté à son économie. L'Union européenne pourrait également approfondir sa réflexion sur cette question qui, je le répète, ne relève pas de sa compétence.

En matière sociale, le Parlement européen a récemment discuté de la situation des sans-abri. Certaines ONG ont réitéré leur demande d'une stratégie européenne en la matière. L'une des mesures sociales adoptées il y a un an consiste notamment à comparer les démarches des États membres face à ce problème. La Commission s'est intéressée aux dix États membres dotés d'une stratégie nationale en analysant les réussites et les échecs de celle-ci.

Les États membres peuvent faire appel aux instruments financiers européens, comme le fonds de développement régional ou les fonds structurels. En outre, l'Union européenne finance directement des ONG qui interviennent dans ce domaine ainsi que des coopérations - nous soutenons la coopération des sociétés de chemins de fer européennes puisque ces dernières sont confrontées dans les gares à la présence de nombreux sans-abri.

La Commission se préoccupe de cette question depuis longtemps et a beaucoup agi dans le cadre des mesures sur les investissements sociaux. Il appartiendra à la prochaine commission de décider d'aller plus loin.

En conclusion, nous nous accordons sur la nécessité de revoir l'architecture de l'Union européenne, notamment de l'Union économique et monétaire, pour résoudre les problèmes que nous connaissons.

L'étendue de la crise met en cause le fonctionnement même de l'UEM, mais il ne faut pas oublier la responsabilité des États membres - transparence des finances publiques en Grèce, boom immobilier en Espagne. De nombreuses questions spécifiques se posent aux États membres.

Le constat d'un déficit dans l'architecture des institutions européennes fait consensus. Les hommes politiques français le savent, la monnaie unique n'était pas seulement un projet économique et financier ; elle recouvrait aussi une dimension politique : il s'agissait de maintenir l'unité de l'Europe au moment où la guerre froide prenait fin et où des tensions nouvelles apparaissaient. L'intégration monétaire devait maintenir la cohésion politique de l'Europe.

Or, nous avons appris de la crise récente que l'unité passe par une nouvelle approche dans laquelle l'euro ne crée pas d'asymétrie entre les États. Il est vrai cependant que certains problèmes structurels existaient avant même le début de la crise dans les États membres - en Espagne par exemple - et auraient dû donner lieu à une analyse conjointe.

L'approfondissement de l'Union économique et monétaire sera d'autant plus durable que la dimension sociale sera forte. Tout n'a pas été fait pendant le mandat de cette Commission, mais nous avons fait le maximum pour achever le travail sur l'union bancaire et préparer le terrain pour le prochain Parlement et la prochaine Commission.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes de l'Assemblée nationale. - Je vous remercie, monsieur le commissaire, de nous avoir consacré du temps. Le chemin vers la sortie de crise est compliqué. Vous avez tout notre soutien.