Mardi 4 février 2014

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Reconquérir l'économie réelle - Examen des amendements au texte de la commission

La commission procède à l'examen des amendements sur la proposition de loi n° 7 (2013-2014), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à reconquérir l'économie réelle dans le texte n° 329 (2013-2014) adopté par la commission le 28 janvier 2014 dont Mme Anne Emery-Dumas est la rapporteure.

Article 1er

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 35 supprime l'article 1er : je ne peux qu'y être défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 35.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement supprime les alinéas 6 à 17 relatifs à l'information des salariés et de l'administration en amont de la fermeture d'un établissement : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 44.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Abaisser de 1 000 à 500 le nombre de salariés des entreprises concernées, n'est pas souhaitable tant qu'un premier bilan du dispositif n'a pas été établi : avis défavorable à l'amendement n° 15 s'il n'est pas retiré.

M. Dominique Watrin. - Cet amendement de fond étend le champ d'application d'une proposition de loi que nous estimons trop restreinte. Nous le maintiendrons.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 15 et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Le texte de la commission fait référence à un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), c'est-à-dire à un licenciement de plus de 10 salariés sur trente jours dans une entreprise de plus de 50 salariés. Le dispositif visait initialement les établissements d'au moins dix salariés des entreprises d'au moins 1 000 salariés. Par pragmatisme, la commission a relevé de dix à cinquante le seuil de salariés par établissement. Ce nouveau seuil est sage : conservons-le. Avis défavorable à l'amendement n° 16 qui le supprime.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 2 remplace le seuil de 50 salariés par celui de 10. Nous avons eu ce débat la semaine dernière et nous l'aurons en séance. En attendant, avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 2.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 45 remplace un conditionnel par un participe présent. Avis défavorable : si l'entreprise est vertueuse et engage une procédure de recherche de repreneurs très en amont, il n'y aura pas de PSE, d'où le conditionnel.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 45.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 17 cible les employeurs qui minorent le nombre de leurs licenciements pour motif économique afin d'éviter d'atteindre le seuil de 10 salariés, au moyen soit de ruptures conventionnelles, soit de plans de départs volontaires. Or ceux-ci sont assimilés à des PSE, et, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, ils ne rendent pas obligatoire l'établissement d'un plan de reclassement interne. En outre, des recours existent contre l'abus de ruptures conventionnelles. Laissons au juge son pouvoir d'appréciation : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 17.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 18 rectifié, qui oblige l'employeur à informer le comité d'entreprise des aides financières publiques perçues par l'entreprise, est satisfait par la loi de sécurisation de l'emploi et le décret du 27 décembre 2013 relative à la base de données économique et sociale et au délai de consultation du comité d'entreprise et d'expertise. Cette base de données, qui sera mise en place avant le 14 juin 2014 dans les entreprises de 300 salariés et plus, fera état des aides économiques perçues : l'amendement est satisfait.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 18 rectifié.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 5 réintroduit la référence à la loi du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives ouvrières de production (Scop). Nous l'avions supprimée en commission afin de ne pas alourdir des dispositions qui ont vocation à être codifiées au code du travail. Mais si son auteur y tient...

M. Jean Desessard. - Oui !

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - ... je peux y être favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 5.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Je peine à comprendre l'amendement n° 3, qui remplace « expert » par celui, plus étroit, d' « expert-comptable ».

M. Jean-Noël Cardoux. - Les cours d'appel établissent tous les ans une liste des experts judiciaires. En matière d'économie, on peut y figurer sans être expert-comptable, Pourquoi fermer la porte à des experts souvent spécialisés dans les reprises d'entreprise ?

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 49 supprime l'expression « sans délai » de l'alinéa 20, que le code civil emploie pourtant dans de nombreux cas. Avis défavorable.

Mme Catherine Procaccia. - « Sans délai » n'a aucune valeur juridique. S'agit-il de douze heures ? De quarante-huit heures ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Le plus rapidement possible.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 49.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 14 oblige les entreprises à informer le président de l'établissement public de coopération intercommunale concerné de la fermeture de site envisagée. Nous avons déjà eu ce débat. Conservons le texte d'origine, plus simple, et renvoyons à une circulaire aux préfets le soin d'établir la liste des élus concernés. En général les préfets les préviennent d'ailleurs d'eux-mêmes.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 50, qui supprime les mots « par tout moyen approprié », procède d'un raisonnement analogue à celui relatif au....

Mme Catherine Procaccia. - ... « sans délai. ».

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 50.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 51 oblige le juge à infliger des dommages et intérêts aux repreneurs potentiels violant leur obligation de confidentialité. Celle-ci est déjà prise en compte.

Mme Catherine Procaccia. - Oui, mais pas la sanction.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - En effet : l'article 1382 du code civil autorise le juge à infliger de telles pénalités sans qu'il soit nécessaire de le mentionner dans la loi. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 51, ainsi qu'à l'amendement n° 47.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 52 supprime l'obligation pour l'employeur d'apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 52.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 20 est inutile : l'article L. 2313-13 du code du travail dispose déjà qu'en cas de carence du comité d'entreprise, les délégués du personnel exercent ses missions.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - S'il revient au juge d'en apprécier les limites, le code du travail ne prévoit aucune exception au principe de confidentialité protégeant les informations relatives à l'emploi transmises au comité d'entreprise. L'amendement n° 19 fragiliserait les membres de ce dernier : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 19.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 55 supprime la possibilité pour le comité d'entreprise de participer à la recherche d'un repreneur : défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 55.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 48 encadre les frais de recours aux experts : avis défavorable.

Mme Catherine Procaccia. - Imaginez que l'entreprise fasse appel à un expert étranger, aux prestations coûteuses. Cet amendement ne fixe aucun montant : il renvoie au décret le soin de fixer un plafond.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Le droit commun prévoit que le comité d'entreprise est libre de choisir un expert et oblige l'employeur à le rémunérer.

Mme Annie David, présidente. - Cet amendement modifierait en profondeur le fonctionnement des comités d'entreprise. Je comprends l'avis donné par notre rapporteure.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 48.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 34 est satisfait : aucune disposition n'exclut les repreneurs potentiels à raison de leur nationalité.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 37 supprime la procédure de sanction devant le tribunal de commerce : avis défavorable, compte tenu des débats de la semaine passée.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 37, ainsi qu'à l'amendement n° 10.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 36 supprime les alinéas 54 à 77 : avis défavorable.

Mme Catherine Procaccia. - On ne comprend pas pourquoi ce texte revient sur l'accord national interprofessionnel de janvier dernier.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 36.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 56 a été rectifié pour compléter son dernier paragraphe. Il est préférable que les dispositions relatives au contrôle du tribunal de commerce figurent au livre VII du code de commerce, d'autant que notre texte exclut du dispositif de recherche de repreneur les entreprises en conciliation, en sauvegarde, en liquidation judiciaire ou en redressement, qui font l'objet de ce livre. De plus, le chapeau de l'article L. 770-1 distingue la procédure de vérification de celle de sanction. Avis favorable à cet amendement, ainsi qu'à tous ceux de la commission des lois, qui revoient la procédure devant le tribunal de commerce : ils forment un tout cohérent.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 56 rectifié, ainsi qu'à l'amendement n° 57.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 21 substitue le tribunal de grande instance au tribunal de commerce : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 21.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 46 entre en concurrence avec le 57 de la commission des lois : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 46.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 58, ainsi qu'aux amendements nos 59 et 60.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Avis défavorable à l'amendement n° 30, par cohérence. L'adoption de celui de M. Desplan le ferait d'ailleurs tomber.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 30.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Répondant aux engagements que j'avais pris la semaine dernière, mon amendement n° 74 supprime la notion de ressources propres et renforce l'exigence de caractère sérieux de l'offre de reprise à la lumière des critères dégagés par l'amendement n° 11 : le paiement du prix de cession et le paiement des créanciers. En outre, la référence à l'ancrage territorial favorise indirectement les offres de reprise présentées par les salariés.

L'amendement n° 74 est adopté.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 22 réintroduit une disposition supprimée la semaine dernière : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 22.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 61.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Avis défavorable au n° 31 pour les mêmes raisons que sur le n° 34.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 31.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 33.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 62.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 38 restreint le contrôle du tribunal de commerce : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 38.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Imposer la cession du site ou de l'activité serait anticonstitutionnel. Avis défavorable à l'amendement n° 7.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 23 oblige le juge à prononcer une sanction. Laissons-le libre d'en décider.

M. Dominique Watrin. - Il aurait encore le choix : il y a sanction et sanction...

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 11 est satisfait par le n° 74 que nous avons adopté.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 11 et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 63 est de coordination.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 63.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 39 supprime l'alinéa 74 relatif à la demande de remboursement des aides publiques : avis défavorable.

Mme Catherine Procaccia. - Pourquoi supposer que les aides ont été perçues indûment ?

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 39.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 64.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 68 est de coordination avec le n° 18 sur lequel nous avons émis un avis défavorable : même avis.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 68.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - En obligeant les personnes publiques à demander le remboursement des aides versées aux entreprises, l'amendement n° 24 va à l'encontre du principe de libre-administration des collectivités territoriales : celles-ci peuvent en effet avoir de bonnes raisons de ne pas le demander. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 68.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement rédactionnel n° 25 tombera si nous adoptons celui de la commission des lois réécrivant l'alinéa 74.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 25.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Il faut respecter les situations acquises. J'aurais été défavorable à l'amendement n° 26 si l'adoption du n° 68 de la commission des lois ne le faisait tomber.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 26.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 65 est de coordination : avis favorable. De même pour les amendements nos 66 et 67.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 65, ainsi qu'aux amendements nos 66 et 67.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 12 renforce l'obligation d'informer le maire de la commune et le président de l'EPCI des procédures de sauvegarde. Or celles-ci sont exclues du champ d'application du texte : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12, ainsi qu'à l'amendement n° 13.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 8 confère aux salariés un droit de préférence, à offre équivalente, à la reprise de leur entreprise. Mme Lienemann entend surtout, je crois, susciter le débat en séance. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.

Article additionnel après l'article 1er

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 6 reprend la proposition de loi socialiste déposée le 28 février 2012. Ne revenons pas en arrière en faisant fi du travail accompli depuis lors par l'Assemblée nationale : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6.

Article 2

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 40 supprime l'article 2 : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 40.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Mon amendement n° 75 est de coordination.

L'amendement n° 75 est adopté.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 27 précise que le rapport remis par le gouvernement indique le nombre de sanctions prononcées, leur montant, et le nombre de demandes de remboursement d'aides publiques. Il semble satisfait.

M. Jean Desessard. - Vous êtes dure ! L'amendement est intéressant : le rapport est d'ordre général...

Mme Catherine Procaccia. - Encore un rapport...

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Nous pouvons aller jusqu'à un avis favorable...

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 27.

Article additionnel après l'article 3

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 1 introduit un critère d'ancrage territorial destiné à guider le choix du tribunal de commerce lorsqu'il choisit une offre de reprise à la suite de la mise en redressement ou en liquidation judiciaire d'une entreprise. C'est le mécanisme retenu à l'article 1er : avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1.

Article 4 ter A

La commission émet un avis favorable à l'amendement rédactionnel n° 69.

Article additionnel après l'article 4 ter

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Je propose que la commission sollicite l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9.

La commission demandera l'avis du gouvernement sur l'amendement n° 9.

Article 5

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 41 supprime l'article 5 : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 41.

Article 6

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Avis favorable au n° 72, qui précise les missions des experts-comptables désignés dans le cadre d'une offre publique d'achat.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 72.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Le n° 71 renforce les droits du comité d'entreprise, en suspendant automatiquement, lorsque le TGI est saisi, le délai d'un mois prévu pour qu'il rende son avis sur une OPA. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 71.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Avec l'amendement n° 73, le comité d'entreprise serait, en cas d'OPA amicale, saisi un mois avant la date officielle. Avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 73.

La commission émet un avis favorable à l'amendement rédactionnel n° 70.

Article 7

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 28 supprime l'article 7 : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 28.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 29 conditionne l'attribution d'actions gratuites à la signature d'un procès-verbal de désaccord lors de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 29.

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Je comprends l'esprit du n° 4, mais son application risque d'être difficile. Avis de sagesse, teintée d'approbation...

La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 4.

Article 8

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - L'amendement n° 53 supprime l'article 8 : avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 53.

Article 8 bis

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Même chose pour le n° 54.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 54.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteure. - Les amendements nos 42 et 43 modifient l'intitulé de la proposition de loi : avis défavorable.

Mme Catherine Procaccia. - Reconquérir l'économie réelle : cela ne veut rien dire ! C'est ridicule.

Mme Annie David, présidente. - Le président du Comité économique et social européen, que nous auditionnerons demain, emploie le terme d'économie réelle.

Mme Catherine Procaccia. - Le terme est européen ? Il n'est décidément pas clair...

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 42, ainsi qu'à l'amendement n° 43.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 1er
Obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement

Mme PROCACCIA

35

Suppression de l'article

Défavorable

Mme PROCACCIA

44

Suppression des alinéas 6 à 17 qui portent sur l'information des salariés et de l'administration en amont de la procédure

Défavorable

M. WATRIN

15

Abaissement du seuil d'effectifs des entreprises concernées de 1 000 à 500 salariés

Défavorable

M. WATRIN

16

Suppression du seuil de 50 salariés pour les établissements menacés de fermeture

Défavorable

M. DESESSARD

2

Fixation à 10 salariés, au lieu de 50 salariés, du seuil des effectifs pour les établissements menacés de fermeture concernés par la nouvelle procédure de recherche de repreneur

Défavorable

Mme PROCACCIA

45

Suppression de l'utilisation d'un verbe au conditionnel pour évoquer le PSE

Défavorable

M. WATRIN

17

Extension du dispositif de recherche de repreneur aux entreprises qui procèdent à plus de 10 ruptures de contrat de travail d'un commun accord avec les salariés sur une période de 30 jours

Défavorable

M. WATRIN

18 rect.

Obligation pour l'employeur d'informer le comité d'entreprise sur l'ensemble des aides publiques financières obtenues

Défavorable

M. DESESSARD

5

Réintroduction de la référence à la loi du 19 juillet 1978 sur les Scop

Favorable

M. DESESSARD

3

Remplacement de la notion d'expert par celle d'expert-comptable

Défavorable

Mme PROCACCIA

49

Suppression de la notion "sans délai" pour informer l'administration d'un projet de fermeture

Défavorable

Mme N. GOULET

14

Obligation pour l'administration d'informer le président de l'Epci concerné

Défavorable

Mme PROCACCIA

50

Suppression de la possibilité pour l'employeur de la possibilité d'informer, par tout moyen approprié, des repreneurs potentiels de son intention de céder

Défavorable

Mme PROCACCIA

51

Précision que le non-respect de l'obligation de confidentialité des repreneurs potentiels peut entraîner le paiement de dommages et intérêts

Défavorable

Mme PROCACCIA

47

Possibilité d'utiliser les dispositions de l'article L. 1382 en cas de violation de l'obligation de confidentialité des repreneurs

Défavorable

Mme PROCACCIA

52

Suppression de l'obligation pour l'employeur d'apporter une réponse motivée à chacune des offres de reprise reçues

Défavorable

M. WATRIN

20

Précision selon laquelle les délégués du personnel exercent par défaut les missions du comité d'entreprise

Défavorable

M. WATRIN

19

Exception au principe de confidentialité des informations communiquées au comité d'entreprise

Défavorable

M. DESPLAN

55

Suppression de la possibilité pour le comité d'entreprise de participer à la recherche d'un repreneur et de formuler des propositions.

Défavorable

Mme PROCACCIA

48

Encadrement des frais de recours à l'expert choisi par l'entreprise en prévoyant un montant fixé par décret

Défavorable

Mme N. GOULET

34

Imposition de règles identiques pour les candidats quelles que soient leurs nationalités

Défavorable

Mme PROCACCIA

37

Suppression de la procédure de contrôle et de sanction devant le TC au profit d'un renforcement de la convention de revitalisation

Défavorable

Mme FÉRAT

10

Remplacement de la procédure devant le tribunal de commerce par un renforcement de la convention de revitalisation

Défavorable

Mme PROCACCIA

36

Suppression des alinéas 54 à 77

Défavorable

M. DESPLAN

56 rect.

Refonte de la procédure devant le tribunal de commerce

Favorable

M. DESPLAN

57

Introduction d'un jugement d'ouverture

Favorable

M. WATRIN

21

Remplacement du tribunal de commerce par le tribunal de grande instance

Défavorable

Mme PROCACCIA

46

Instauration d'un jugement d'ouverture

Défavorable

M. DESPLAN

58

Possibilité pour le tribunal de commerce de se faire assister d'un juge commissaire

Favorable

M. DESPLAN

59

Possibilité pour le tribunal de commerce de désigner un administrateur judiciaire

Favorable

M. DESPLAN

60

Coordination juridique et rédactionnel

Favorable

Mme N. GOULET

30

Obligation pour le tribunal d'entendre le maire de la commune et le président de l'Epci

Défavorable

Rapporteure

74

Critères du caractère sérieux de l'offre de reprise

Adopté

M. WATRIN

22

Rétablissement de la disposition de l'Assemblée nationale s'agissant du motif légitime de refus de cession

Défavorable

M. DESPLAN

61

Délai d'un mois pour que le juge rende son jugement à l'issue de la procédure de vérification

Favorable

Mme N. GOULET

31

Imposition de règles identiques aux entreprises candidates à la reprise quelles que soient leurs nationalités

Défavorable

Mme N. GOULET

33

Introduction de règles spécifiques en cas d'offre présentée par une personne étrangère

Défavorable

M. DESPLAN

62

Instauration d'une procédure de sanction spécifique

Favorable

Mme PROCACCIA

38

Restriction du contrôle du tribunal de commerce uniquement aux règles procédurales, sans qu'il se prononce sur les justifications du refus d'une offre sérieuse

Défavorable

Mme LIENEMANN

7

Possibilité pour le tribunal de commerce d'imposer la cession du site si l'employeur a refusé une offre de reprise sérieuse

Défavorable

M. WATRIN

23

Obligation pour le tribunal de commerce de prononcer une sanction si les conditions prévues à l'article L. 615-1 sont réunies

Défavorable

M. MARSEILLE

11

Précision sur la notion de caractère sérieux de l'offre

Défavorable

M. DESPLAN

63

Coordination juridique

Favorable

Mme PROCACCIA

39

Suppression de l'alinéa 74 relatif à la demande de remboursement des aides

Défavorable

M. DESPLAN

64

Nouvelle rédaction pour la procédure de demande de remboursement des aides

Favorable

M. WATRIN

68

Amendement de coordination juridique avec l'amendement n° 18 rectifié des mêmes auteurs

Défavorable

M. WATRIN

24

Obligation pour les personnes publiques de demander le remboursement des aides publiques versées à l'entreprise sanctionnée par le tribunal de commerce

Défavorable

M. WATRIN

25

Rédactionnel

Défavorable

M. WATRIN

26

Suppression de l'obligation de respecter les conditions d'attribution des aides publiques lors de leur demande de remboursement

Défavorable

M. DESPLAN

65

Coordination juridique

Favorable

M. DESPLAN

66

Coordination juridique

Favorable

M. DESPLAN

67

Coordination juridique

Favorable

Mme N. GOULET

12

Possibilité pour le tribunal de commerce d'entendre le maire de la commune où l'entreprise est implantée et le président de l'Epci compétent

Défavorable

Mme N. GOULET

13

Obligation pour le juge commissaire et le ministère public d'informer le maire de la commune où est situé l'établissement et le président de l'Epci compétent

Défavorable

Mme LIENEMANN

8

Introduction d'un droit de préférence, à offre équivalente, au profit des salariés lors d'une procédure de recherche de repreneur

Défavorable

Article additionnel après l'article 1er
Coordination juridique

Mme LIENEMANN

6

Reprise des dispositions de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste le 28 février 2012 pour les entreprises de moins de 1 000 salariés

Défavorable

Article 2
Demande de rapport sur la mise en oeuvre de l'obligation de rechercher un repreneur

Mme PROCACCIA

40

Suppression de l'article 2

Défavorable

Rapporteure

75

Coordination

Adopté

M. WATRIN

27

Précision sur le contenu du rapport

Favorable

Article additionnel après l'article 3
Information des salariés de la possibilité de proposer une offre de reprise
de leur entreprise en redressement judiciaire

M. DAUNIS

1

Introduction du critère de l'ancrage territorial lorsque le tribunal de commerce doit choisir une offre de reprise d'une entreprise en redressement ou liquidation judiciaires

Favorable

Article 4 ter A
Dérogation au dispositif de caducité pour les offres publiques d'acquisition

Le Gouvernement

69

Rédactionnel

Favorable

Article additionnel après l'article 4 ter

M. MARINI

9

Possibilité pour le règlement général de l'AMF d'autoriser temporairement le dépassement du seuil de 30 % relatif au déclenchement obligatoire d'une OPA lorsque ce dépassement résulte d'une opération mettant en jeu des titres financiers complexes qui ne sont pas des actions

Avis du Gouvernement

Article 5
Droit de vote double

Mme PROCACCIA

41

Suppression de l'article 5 sur les droits de vote double

Défavorable

Article 6
Instauration d'une procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise
en cas d'offre publique d'acquisition

Le Gouvernement

72

Précision sur les missions de l'expert-comptable désigné dans le cadre d'une OPA

Favorable

Le Gouvernement

71

Aménagement de la procédure devant le TGI

Favorable

Le Gouvernement

73

Possibilité pour le comité d'entreprise d'être informé et consulté sur une OPA dès son annonce et sans attendre son dépôt.

Favorable

Le Gouvernement

70

Correction d'une erreur matérielle et coordination juridique

Favorable

Article 7
Relèvement du plafond d'attribution des actions gratuites

M. WATRIN

28

Suppression de l'article

Défavorable

M. WATRIN

29

Conditionner l'attribution d'actions gratuites à la signature d'un procès-verbal de désaccord lors de la négociation annuelle obligatoire sur les salaires

Défavorable

M. DESESSARD

4

Fixation d'une règle de répartition équitable entre salariés lors de l'attribution des actions gratuites plafonnées à 30 % du capital de la société

Sagesse

Article 8
Neutralité des organes de gouvernance en cas d'OPA

Mme PROCACCIA

53

Suppression de l'article 8 relatif au principe de neutralité des organes de gouvernance

Défavorable

Article 8 bis
Rapport au Parlement sur l'activité de l'Etat actionnaire

Mme PROCACCIA

54

Supprimer cet article

Défavorable

Intitulé de la proposition de loi

Mme PROCACCIA

42

Changement d'intitulé de la PPL

Défavorable

Mme PROCACCIA

43

Changement d'intitulé de la PPL

Défavorable

Mercredi 5 février 2014

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Choix libre et éclairé d'une assistance médicalisée pour une fin de vie digne- Examen du rapport et du texte de la commission

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission procède à l'examen de la proposition de loi n° 182 (2013-2014) relative au choix libre et éclairé d'une assistance médicalisée pour une fin de vie digne dont M. Jean Desessard est le rapporteur.

EXAMEN DU RAPPORT

M. Jean Desessard, rapporteur. - La proposition de loi déposée par le groupe écologiste se compose de dix articles. Le premier ouvre la possibilité pour une personne malade de disposer d'une assistance médicalisée pour une fin de vie digne. L'article 2 concerne les personnes majeures capables, en phase avancée ou terminale, même sans diagnostic de décès à brève échéance, dès lors qu'elles se trouvent dans une situation grave ou à tendance invalidante et incurable et leur inflige une souffrance physique ou psychique constante et inapaisable qu'elles ne peuvent supporter. Aux termes de l'article 3, la mort médicalement assistée sera considérée comme une mort naturelle. L'article 4 prévoit une procédure de contrôle de la situation et de la volonté de la personne par deux médecins. Le médecin assistera lui-même la personne dont la volonté est établie. L'article 5 instaure l'obligation de respecter les directives anticipées d'une personne. Les articles 6 et 7 adaptent la procédure au cas où la personne, incapable de s'exprimer, a désigné une personne de confiance. L'article 8 énonce une clause de conscience pour les médecins. L'article 9 réaffirme le droit d'accès aux soins palliatifs. L'article 10 est un gage.

Cette proposition de loi s'inscrit dans la continuité d'un débat déjà dense. A la suite d'une question orale avec débat déposée par Jean-Pierre Godefroy, la commission des affaires sociales a, en avril 2009, constitué en son sein un groupe de travail associant des sénateurs de tous les groupes afin de déterminer si la loi Leonetti du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie devait ou non être complétée. Après une vingtaine d'auditions de personnalités compétences issues de toutes les familles de pensée, ce groupe a rendu un rapport en juin 2010. En janvier 2011, la commission a examiné trois propositions de loi émanant des groupes CRC, socialiste et UMP relatives à l'aide active à mourir. Le texte commun qu'elle a élaboré ayant été rejeté en séance publique, il a été repris sous forme de propositions de loi par plusieurs de nos collègues. Le Président du Sénat les a soumises au Conseil d'Etat dont l'assemblée générale a rendu un avis en février 2013.

Loin de se substituer au travail approfondi mené par nos collègues, l'actuelle proposition de loi prolonge le débat parlementaire dans l'attente du projet annoncé par le Président de la République lors sa conférence de presse le 14 janvier dernier.

Depuis la loi Leonetti, chaque occasion de débattre a fait progresser la réflexion collective au-delà des points de vue également respectables des partisans et opposants à l'euthanasie. La création de l'Observatoire national de la fin de vie en 2010 a posé les prémices d'une étude scientifique et objective de la situation dans laquelle on meurt en France. Le troisième rapport annuel de l'Observatoire dressait ainsi un portrait de la fin de vie des personnes âgées dans notre pays au travers de sept parcours ordinaires.

Conformément à ses engagements de campagne, le Président de la République a depuis juillet 2012 engagé un débat public sur la fin de vie. A sa demande, une commission présidée par le professeur Didier Sicard a été constituée. Elle a remis le 18 décembre 2012 son rapport, Penser solidairement la fin de vie. Saisi d'une demande d'avis sur la question suivante : « Fin de vie, autonomie de la personne, volonté de mourir », le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) a considéré en juin 2013 que la réflexion devait se poursuivre sous la forme d'un débat public avec des états généraux réunissant « des conférences de citoyens choisis pour représenter la société dans sa diversité ». Le CCNE, qui a organisé une conférence des citoyens, remettra un rapport préalable au dépôt d'un projet de loi, sans doute en mars. La conférence des citoyens a pour sa part rendu un avis citoyen le 14 décembre dernier.

Tous les rapports et avis d'instances publiques collégiales ou de citoyens dénoncent les conditions dans lesquelles on meurt aujourd'hui en France ; tous considèrent que la sédation profonde ou terminale doit être possible à la demande des malades en fin de vie ; tous estiment qu'une procédure d'assistance au suicide, à l'image de celle qui existe dans l'Oregon, peut présenter un intérêt. Il n'y a en revanche aucun consensus sur l'euthanasie définie comme le fait de donner une mort immédiate par un acte délibéré.

Si, comme le souligne Jean-Claude Ameisen, les mots masquent parfois la réalité ou les intentions, le constat dressé sur les conditions de fin de vie en France est sévère. Didier Sicard parle d'un « mal mourir » en France, dans lequel il voit une cause de la demande de cette bonne mort qu'est étymologiquement l'euthanasie. Comment nos concitoyens veulent-ils que se déroule leur fin de vie ? Selon l'Observatoire national de la fin de vie, ils souhaitent mourir chez eux, entourés et apaisés. Or l'on meurt pourtant en Ehpad ou à l'hôpital, dans 80 % des cas sans prise en charge palliative et dans de trop nombreux cas, seul, sur un brancard, dans un service d'urgence.

Les personnes auditionnées voient dans la situation réelle de la fin de vie en France la conséquence d'un refus collectif de penser la mort, de l'admettre comme intrinsèquement liée à la vie. Le plus souvent, la mort est vécue comme un échec médical : l'on meurt parce que l'on n'a pas eu accès assez tôt au traitement le plus avancé. Comme si la médecine avait le pouvoir de nous faire vivre éternellement ! Cette vision technique se combine avec un certain utilitarisme, qui conduit à isoler les personnes non productives parce qu'âgées, dépendantes ou malades en fin de vie.

Le dernier rapport de l'Observatoire national de la fin de vie est sévère. La mort des personnes âgées, dit-il, survient en plusieurs temps : d'abord l'exclusion de « "la vraie vie", celle des gens qui bougent, qui vont vite, qui travaillent et produisent, qui sont rentables », ensuite le regroupement et l'exclusion « par isolement en dehors du regard de tous dans des établissements », enfin la mort à l'hôpital - un constat. Cette situation est une spécificité française. En Allemagne, la mort à domicile est la règle. Il n'y a bien sûr aucun pays modèle. Reste que nous devons nous interroger sur la manière dont notre système de prise en charge aboutit à ne pas respecter la volonté des personnes.

Le premier enjeu est d'aider le plus possible les personnes en fin de vie à rester à domicile, accompagnées par des aidants. Le système suédois se révèle moins coûteux que la prise en charge en établissement ; il distingue les aidants professionnels, qui pourvoient aux besoins de la personne dépendante au quotidien, et les aidants familiaux qui fournissent autant que possible un réconfort émotionnel.

Le second enjeu tient à la prise en charge de la douleur. Malgré l'impressionnante qualité du travail des équipes de soins palliatifs, les progrès restent insuffisants. Seules 20 % des personnes en fin de vie accèdent à ces soins. De plus, l'intervention des équipes de soins palliatifs n'est obligatoire que dans les trois dernières semaines de vie alors même qu'il est impossible de prévoir avec certitude la date du décès.

Une telle approche renforce l'idée que la médecine palliative est une médecine de la mort alors qu'il s'agit d'une médecine de l'accompagnement, du soulagement de la douleur et de l'écoute, utile dès le début de la prise en charge des maladies engageant le pronostic vital. Le terme même me paraît être source d'erreur, comme s'il s'agissait d'une médecine de l'échec de la guérison. Les médecins ne consacrent qu'une heure par an de leur formation aux soins palliatifs. La dimension palliative n'est pas intégrée à l'ensemble des prises en charge. Si l'accès aux soins palliatifs était généralisé, les images de souffrances associées aux derniers moments de certains malades cesseraient de marquer de manière indélébile les familles. Toute expérience d'une mort douloureuse renforce le désir d'une mort douce et rapide.

La proposition de loi du groupe écologiste, pas plus que celles qui l'ont précédée, ne propose l'assistance médicalisée pour mourir comme une alternative aux soins palliatifs. Au contraire, elle réaffirme le droit d'accès à ces soins, qui devrait être effectif depuis la loi du 9 juin 1999.

Un certain nombre de choix sociaux concernant la fin de vie doivent être réévalués parallèlement à l'ouverture de la possibilité d'une aide médicalisée pour mourir, voire avant. Le séjour en Ehpad coûte jusqu'à 2 000 euros par mois à la charge de la personne ou de sa famille. S'il existe une assistance médicalisée pour mourir, l'euthanasie ne risque-t-elle pas d'être choisie en raison du coût de ce séjour ? Cela serait à l'évidence inacceptable.

A l'inverse, avant de mettre en place l'assistance médicalisée à la mort faut-il attendre que les soins palliatifs aient atteint un développement complet et que notre politique de prise en charge du vieillissement ait été refondue ? Lors de son audition, Jean-Claude Ameisen a indiqué que cette question peut avoir un autre aspect sachant que certains droits ne seront jamais pleinement effectifs. Ceci doit-il empêcher toute évolution du droit ?

Que faut-il faire face à une demande d'euthanasie ? Certains, comme les membres de l'association Alliance Vita considèrent qu'il s'agit toujours d'un appel à l'aide à prendre comme tel. On ne peut abandonner les personnes à leur désir de mort puisque lorsqu'on ranime ceux qui font une tentative de suicide, 90 % d'entre eux ne feront pas de nouvelle tentative. Doit-on en conclure qu'une personne saine d'esprit ne peut vouloir mourir ? L'Académie de médecine distingue les arrêts de vie des personnes en bonne santé, que sont les suicides, et la fin de vie des personnes malades, lesquelles ne sont plus capables de se prononcer raisonnablement. Des soignants affirment au contraire que les patients en fin de vie sous dialyse sont en pleine possession de leurs facultés mentales. Il ne peut y avoir qu'une analyse au cas par cas.

La proposition de loi prévoit que la capacité d'une personne à exprimer sa volonté soit évaluée par deux médecins indépendants. Si sa lucidité est reconnue, et que son choix ne résulte pas d'un défaut de prise en charge, au nom de quel droit cette demande ne serait-elle pas satisfaite ? Certains craignent que la possibilité d'une mort assistée n'en fasse une mort socialement souhaitable, imposée à terme aux plus faibles. Cependant, ni en Belgique ni aux Pays-Bas, les cas d'euthanasie n'augmentent d'année en année.

Donner les moyens de se suicider suppose que la personne peut toujours changer d'avis : il ne s'agit pas d'un suicide assisté comme en Suisse, où la décision revêt un caractère définitif. Cette possibilité existe aux Etats-Unis dans l'Oregon et dans l'Etat de Washington. Une personne en fin de vie peut y obtenir un poison sur prescription médicale. Si elle n'en a pas fait usage dans les six mois, elle devra obtenir une nouvelle prescription. Seule la moitié des personnes remplissant les critères demande le poison, et moins de la moitié de celles qui l'obtiennent en fait usage. Cette solution apparaît au professeur Sicard comme une piste à explorer. A supposer que ces modalités soient transposables en France, elles concerneraient seulement les personnes physiquement capables de prendre elles-mêmes la substance. Qu'en est-il des autres ?

Je n'imagine pas que la loi puisse répondre à tous les cas de figure. Cependant il apparaît légitime de pouvoir laisser des directives anticipées sur la manière dont on souhaite terminer sa vie si l'on n'est plus capable de s'exprimer le moment venu. Bien sûr, ces directives doivent être régulièrement actualisées et conservées. Il serait envisageable de les inscrire dans le dossier médical personnalisé suite à un entretien avec le médecin traitant ou sur la carte Vitale. Il est important que ces directives soient respectées. Pour l'heure, elles sont considérées comme des souhaits. Les médecins de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs désirent pouvoir y déroger sous réserve d'une justification écrite. La conférence des citoyens réclame pour sa part l'opposabilité, c'est-à-dire l'application stricte.

Reste le cas de ceux qui n'ayant pas laissé de directives anticipées, se trouveront dans l'incapacité de s'exprimer sur la manière dont ils entendent terminer leur vie. Pour eux, la loi Leonetti interdit l'obstination déraisonnable (l'acharnement thérapeutique), dont il appartient à l'équipe médicale de déterminer où elle commence. De ce point de vue, les médecins de soins palliatifs m'ont alerté sur le jugement rendu le 11 janvier dernier par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne à propos de l'arrêt des traitements de Vincent Lambert. Substituant l'appréciation du juge à celle de l'équipe médicale, il retient une conception particulièrement restrictive et qualifie de raisonnable tout traitement maintenant une interaction avec le monde extérieur. Selon les médecins de soins palliatifs, la confirmation de ce jugement par le Conseil d'Etat, qui doit se prononcer jeudi, anéantirait tous les progrès réalisés par la médecine palliative depuis quinze ans.

L'ensemble des personnes auditionnées m'ont indiqué que, huit après son vote, la loi Leonetti reste peu connue des soignants. Pour Didier Sicard, le texte, issu d'une initiative parlementaire, n'a pas bénéficié du plein appui des administrations.

Le malade en fin de vie capable de s'exprimer peut demander la fin des traitements qui le maintiennent en vie. Parfois, cela entraînera sa mort à brève échéance. Dans d'autre cas, comme celui des patients en coma végétatif, c'est la fin de la nutrition et, surtout, de l'hydratation qui entraînera le décès. Peut-on faire mourir quelqu'un de soif ? Il y aurait là quelque chose de difficilement acceptable. Certains pensent que l'on ne peut jamais interrompre l'hydratation ou l'alimentation, qui ne seraient pas des traitements, mais des soins. Pour la médecine palliative, la soif est un symptôme qui peut être pris en charge et l'on peut être privé d'hydratation sans subir les symptômes de la soif - la sensation de soif disparaît en phase de sédation profonde.

L'augmentation progressive des traitements antidouleurs jusqu'au point de donner la mort est possible dans le cadre de la loi Leonetti, mais non la sédation profonde ou terminale à la demande du patient. Sur ce point, l'ensemble des rapports remis souhaite ou admet une évolution de la loi.

Dès lors que l'on accepte de faire advenir le décès, pourquoi refuser que celui-ci soit le résultat immédiat d'un acte volontaire ? La violence de l'acte pour les familles et les personnels chargés de l'injection létale est souvent mise en avant. Donner la mort serait perdre un repère fondateur de la mission de soignants. La position des professionnels varie toutefois considérablement d'un pays à l'autre. La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec et le Collège des médecins du Québec ont sollicité une loi sur l'aide médicale à mourir. L'essentiel est d'admettre une clause de conscience pour l'ensemble des professionnels, comme pour l'avortement. Si la volonté de la personne est claire et libre de toute influence, les professionnels de santé qui sont prêts à le faire devraient pouvoir lui procurer l'assistance qu'elle souhaite pour une mort immédiate et sans douleur.

Reste le cas des personnes qui, sans être en fin de vie, se trouvent réduites à une situation physique qu'elles jugent intolérable. La proposition de loi leur ouvre la possibilité de bénéficier d'une assistance médicalisée pour mourir. Selon moi en effet, seul le malade est capable de juger de la dignité de sa vie.

Complexe, la situation de fin de vie soulève de nombreuses questions. Le débat est aujourd'hui engagé dans la société et le législateur doit y répondre. La majorité des personnes auditionnées se sont prononcées en faveur d'une évolution de la loi. Parce que la proposition de loi aborde le sujet avec lucidité et franchise tout en prévoyant un cadre strict, je vous demande de la soutenir.

M. Jean-Pierre Godefroy. - L'excellent rapport que nous venons d'entendre reflète fidèlement les auditions menées. Nous abordons ce sujet tous les trois ans. Après la loi Leonetti de 2005, votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale mais non au Sénat, contrairement à ce qu'écrit la presse, nous avons posé une question orale avec débat à Roselyne Bachelot en 2008, puis, en 2011, la commission des affaires sociales a déposé une proposition de loi. J'espère que nous ne reviendrons pas sur ce thème en 2017...

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - En fin de mandat...

M. Jean-Pierre Godefroy. - Je partage la philosophie exposée par notre rapporteur. Cinq autres propositions de loi ont été déposées au Sénat sur le même sujet et ont été soumises à l'avis du Conseil d'Etat. Muguette Dini a présenté un texte assez proche. L'ensemble des propositions ne peuvent-elles être reprises et portées comme en 2011 par la commission dans le cadre d'un texte unique à l'élaboration duquel toutes les formations politiques seraient associées ? Cette démarche présenterait l'intérêt de dépasser les clivages politiques.

Le texte ne dépénalise pas l'euthanasie dans le code pénal ; il introduit une exception d'euthanasie dans le code de la santé publique. S'il n'appelle pas d'objection de fond, l'article 2 vise une « affection grave et/ou à tendance invalidante ». Je m'interroge sur la validité juridique de la double conjonction et sur le sens précis de la notion de « tendance invalidante » qui semble ouvrir la voie à des interprétations larges.

Il n'est pas juste d'opposer soins palliatifs et assistance médicalisée à la fin de vie ; les deux démarches sont complémentaires. Il est louable d'aider le plus grand nombre de patients à mourir à domicile. Si le précédent gouvernement a ouvert la possibilité aux proches de malades de prendre un congé de fin de vie de trois semaines, cette disposition se heurte à des difficultés pratiques, car il est impossible de déterminer la date d'un décès. De même, le développement des soins palliatifs n'est-il pas entravé par des enjeux financiers dès lors qu'ils ne sont pas rentables pour les hôpitaux ? Au demeurant, doivent-ils demeurer une spécialité ou au contraire relever du cursus médical général ?

La question de l'opposabilité des directives de fin de vie appelle un véritable débat. Doivent-elles avoir une fonction testamentaire ou une validité limitée dans le temps ? Il serait bon de solliciter l'avis du Conseil d'Etat.

Je suis réservé sur l'adoption de dispositions proches de celles qui existent en Oregon. Les législations belge, luxembourgeoise et néerlandaise me semblent plus satisfaisantes. Confier un poison constitue une forme d'abandon de la personne, outre que cela soulève des inquiétudes sur l'utilisation du produit. Un rapport québécois conclut que l'acte de donner la mort doit faire partie du parcours de soin des médecins. Cela semble intéressant.

Toutes ces remarques plaident pour un retour du texte en commission, non pour l'enterrer mais pour qu'il soit porté par tous. Dans son avis sur les propositions de loi qui lui ont été soumises par le Président du Sénat, le Conseil d'Etat a rappelé que le législateur dispose d'une grande liberté d'appréciation sur le sujet en l'absence de norme constitutionnelle ou conventionnelle faisant obstacle par principe à la législation envisagée. La compétence du législateur n'est pas épuisée. Il conviendra d'être attentif à la décision que rendra le Conseil d'Etat au sujet de l'arrêt des traitements de Vincent Lambert, car elle pourrait remettre en cause la loi Leonetti.

Le CCNE va remettre un rapport. Bien que nous n'ayons pas l'obligation d'attendre son dépôt, il semble préférable d'en tenir compte. Cela milite également en faveur d'un renvoi du texte en commission.

M. Alain Milon. - La proposition de loi aborde un sujet sensible. Alors que le Gouvernement vient de retirer son projet de loi sur la famille pour se concentrer sur les questions économiques et sociales, sur la baisse des dépenses publiques et sur le pacte de responsabilité, est-il opportun d'examiner une question sociétale qui divise les Français, à savoir la légalisation de l'euthanasie ? Le débat sur la fin de vie doit être mené dans un respect profond des personnes et des convictions, car il renvoie chacun à son approche personnelle de la vie et de la mort. Il soulève des questions aussi graves que les débats sur l'IVG, la peine de mort, le pacs ou le mariage pour tous.

La loi du 4 mars 2002 a reconnu aux patients le droit de refuser une thérapie même si cela met leur vie en danger. Bien qu'elle ne règle pas tous les cas de figure, comme l'ont montré les affaires Humbert et Sébire, elle a constitué une réelle avancée en faisant passer les patients du rôle de spectateur de leur maladie à celui d'acteur, en leur reconnaissant ce que certains se sont empressés de qualifier de droit à l'euthanasie passive. La réitération de ce principe par la loi du 22 avril 2005 ne donne pas au patient la liberté d'être acteur de sa propre mort. Depuis lors, le débat, sans cesse relancé, autour de l'accompagnement à la mort reste souvent stérile. A la volonté de certains de contrôler le début de la vie répond chez d'autres la tentation de maîtriser la fin de vie. La loi Leonetti offre la possibilité d'interrompre un traitement déraisonnable et d'apaiser les douleurs physiques par l'administration de produits qui peuvent accélérer la mort, celle-ci survenant comme un processus naturel.

Les heures que nous consacrons à débattre de la fin de vie nous rappellent ce qu'Albert Camus nommait l'absurdité de la condition humaine : notre mort et celle de nos proches demeurent révoltantes. Pour autant, grâce à la conscience de cette mort inéluctable nous goûtons le moment présent. La loi Leonetti garantit l'accès aux soins palliatifs. N'est-il pas préférable de continuer à informer sur ce texte qui reste méconnu du grand public plutôt que de relancer des polémiques ?

Respect de la vie, dépendance, vieillissement, dignité de la personne humaine, autant de thèmes qui s'entrecroisent. Le droit à la mort reste contraire aux valeurs des médecins et aux sources morales de notre démocratie. Il est inacceptable que la société assigne à la médecine la tâche de tuer un patient. Pour moi, le suicide est une liberté et non un droit. La proposition risque de créer un nouveau métier, celui d'euthanasieur. Nous sommes tous convaincus qu'il convient de rendre la mort plus douce et plus naturelle, il ne nous appartient pas de la provoquer. L'acte de tuer est incompatible avec le devoir de ne pas nuire. L'autoriser saperait la confiance des familles vis-à-vis des soignants. Le devoir d'humanité consiste à prendre soin de l'autre. Nous devons accepter notre condition de mortel tout en refusant la douleur. Renoncer à l'acharnement thérapeutique, rompre l'isolement des malades en fin de vie, épargner le désarroi aux familles, éviter la culpabilité des soignants tous ces objectifs peuvent être atteints par le développement de la culture palliative. Il est indispensable de confirmer l'importance des soins palliatifs, de créer des unités dans tous les services et de former les médecins. Le refus de la souffrance, la solidarité avec les plus faibles nous réunissent. L'aide au suicide, l'euthanasie masquent une fuite de nos responsabilités. Leur légalisation consacrerait moins la victoire de la liberté que la défaite de la volonté.

Certains veulent légaliser l'euthanasie au nom du respect et de la dignité de la personne; cette approche n'est ni complète ni sereine. Rendre effectif et équitable l'accès aux antalgiques, accompagner en fin de vie et favoriser les soins palliatifs, voilà le combat politique que nous avons à mener, les engagements que nous devons à nos concitoyens.

M. Gérard Dériot. - Très bien !

Mme Muguette Dini. - Ayant déposé une proposition de loi sur l'assistance médicalisée à la mort, je partage les vues de Jean-Pierre Godefroy. L'expression « fin de vie » recouvre des réalités diverses. Il importe de distinguer la mort des personnes âgées de celle des personnes qui meurent d'une longue maladie, ainsi que de la situation des personnes incapables d'exprimer leur volonté. Dans les hôpitaux et les Ehpad, les malades sont bien soignés mais abandonnés, faute de moyens d'accompagnement. Cela doit nous alerter. Sur la fin de vie proprement dite, j'estime avoir le droit de demander qu'on mette fin à ma vie parce que je ne la supporte plus. Pourquoi ne me reconnaît-on pas ce droit ?

Ce sujet ne peut être traité au détour de l'examen d'un seul texte alors que le Gouvernement s'apprête à déposer un projet de loi et que diverses propositions de loi l'ont été. Je suis donc favorable à un retour du texte en commission.

Les directives anticipées doivent être opposables. Les états généraux qui seront réunis avant la présentation du projet de loi doivent constituer des lieux d'échange et de discussion véritables, ce qui n'a pas été le cas des états généraux de la bioéthique, que Marie-Thérèse Hermange avait qualifiés de lieux de formation. Enfin, gardons à l'esprit qu'en pratique, la proposition de loi concernera peu de malades car si les soins palliatifs sont bien développés, rares sont ceux qui demanderont à mourir : accordez-leur ce droit ! La dignité est un sentiment qui s'applique à autrui comme à chacun : si je ne veux plus vivre ma vie comme elle est, je dois pouvoir demander à mourir.

M. René-Paul Savary. - La fin de vie est un sujet qui provoque forcément l'émotion. Nous y avons tous été confrontés, particulièrement les médecins. Je partage le point de vue d' Alain Milon. Je suis sensible à ce qui vient d'être dit. La situation d'évidence où une personne affirme résolument vouloir en finir n'est pas la plus fréquente. Au contraire, combien disaient vouloir en finir, et n'arrivent toujours pas à franchir le pas dix ans après ? Il est très difficile de dissocier la volonté d'en finir de l'évocation de la fin de vie. Chaque situation est un cas particulier difficile à appréhender. Je ne suis pas sûr que le législateur soit en mesure de répondre à tous ces cas.

La loi Leonetti n'est connue ni des soignants, ni des particuliers. Nous devrions travailler à la faire connaître plutôt que d'en refaire une, d'autant qu'elle résout bien des problèmes, notamment en milieu hospitalier. Certes, des solutions restent à trouver pour faciliter le choix d'une fin de vie à domicile. Beaucoup croient que ce choix est préférable, sans voir que le maintien à domicile provoque parfois des situations de souffrance extrême, liées à l'isolement ou à un état de dénutrition.

Les soins palliatifs devraient faire l'objet d'une organisation transversale avec des équipes suffisamment formées se déplaçant dans les différents services hospitaliers, mais aussi au domicile des patients en fin de vie. Ainsi, et dans le cadre de la loi Leonetti, la possibilité d'une fin de vie accompagnée à domicile deviendra-t-elle réelle.

Le recours aux médicaments qui soulagent la douleur comporte un risque, inévitable au cours du traitement d'un patient en fin de vie. Le médecin doit savoir mesurer le rapport bénéfice-risque et estimer le soulagement procuré au patient à la mesure du risque encouru. Dans certains cas, il prescrira des antidouleurs, quand il s'y refusera dans d'autres. La loi Leonetti offre un cadre propice à un équilibre entre bénéfice et risque dans le traitement des patients.

Le dispositif doit être amélioré sans laisser place à la polémique qui accompagne tout débat de société. Je suis tenté de rejoindre la position de mon collègue Godefroy pour dire que le débat mérite d'être approfondi. Le professeur Sicard a dit les conséquences de la méconnaissance de la loi Leonetti. Parce qu'elle est d'origine parlementaire et non gouvernementale, cette loi n'a pas eu la résonance qu'elle méritait. Donnons-la-lui !

Mme Michelle Meunier. - S'il y a à faire connaître la loi Leonetti, il faut aussi la faire évoluer et respecter le processus et le calendrier proposé. Le Président de la République s'est engagé sur ce dossier, de nombreux travaux ont été réalisés, le Comité d'éthique a formulé des propositions en juin, la commission consultative s'est prononcée, et en mars prochain le comité consultatif national d'éthique (CCNE) présentera un rapport enrichi de la conférence citoyenne.

M. Godefroy a raison, ce texte vient trop tôt. Il n'en a pas moins le mérite de montrer l'attention que le législateur prête à un sujet qui nous concerne tous. Souffrance et dignité sont les mots-clefs qui définissent le champ d'une réflexion commune. Restons prudents et ne réduisons pas le débat à l'exception d'euthanasie : nous éviterons de commettre la même erreur que dans le débat sur la famille où l'accent avait été porté à tort sur la PMA.

L'ensemble du texte mérite d'être enrichi. Le parcours de formation des étudiants en médecine doit notamment être amélioré, car les auditions ont maintes fois fait apparaître que les futurs praticiens n'avaient pas actuellement la nécessaire formation aux soins palliatifs. Nous voterons le renvoi du texte en commission.

M. Jean-Noël Cardoux. - Je serai plus pragmatique. Les propos philosophiques que nous avons entendus le confirment, nous sommes loin d'aboutir à un consensus national. Quitte à être besogneux, mieux vaut dès lors apporter chaque jour sa pierre à l'édifice.

Manque de communication sur la loi Leonetti, aide aux aidants, maintien à domicile, nous disposons de pistes pour améliorer les conditions de fin de vie à partir du texte sur la dépendance. Encore faudrait-il que chacun cesse de se mêler de tout. Président de commission au conseil général, je vois bien que nous ne sommes pas audibles parce que toute organisation s'occupant des personnes âgées a son petit système de communication qui brouille nos messages. Il est temps de désigner un chef de file avec une compétence dédiée : les conseils généraux, qui sont les mieux placés, conventionneraient avec les agences régionales de santé (ARS) pour mettre en place tout ce dont nous avons parlé. Cela enlèverait de son acuité au débat et apporterait plus d'humanité aux personnes concernées.

M. Gérard Dériot. -  Pour avoir été rapporteur de la loi Leonetti au Sénat, je sais que le débat sur la fin de vie ne s'arrête jamais. Il est difficile de trouver des solutions acceptables par tous sur un sujet aussi personnel. Je me range à la déclaration d'Alain Milon, qui a rappelé la dimension philosophique de ce sujet. La loi Leonetti a été votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale et à celle des présents au Sénat, même si certains groupes politiques ont préféré partir.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Il n'était pas possible d'amender !

M. Gérard Dériot. - Si le sujet n'est pas traité complètement, du moins la loi existe-t-elle. Chacun s'accorde à dire qu'elle n'est pas assez connue. Est-ce à cause de son origine parlementaire ? A mon avis, une cabale a été montée autour de cette loi sans doute par les plus extrémistes dans le débat sur la fin de vie. Cela a été catastrophique parce que cet outil équilibré envisage presque toutes les situations, hormis l'acte de tuer, l'euthanasie, que les professions médicales n'ont pas été habituées à penser. En revanche, la loi répond à un problème qui nous préoccupe tous, celui de la douleur à atténuer. L'acharnement thérapeutique est interdit. La loi donne presque toutes les solutions ; appliquons-la !

Les soins palliatifs doivent avoir une organisation transversale. Quand on les limite à un service spécifique dans un hôpital, y transférer un patient, c'est l'emmener à la morgue !

M. Jean Desessard, rapporteur. - Cela arrive.

M. Gérard Dériot. - Appliquer la loi, toute la loi serait déjà une grande avancée : tout y est. Organiser l'accompagnement du suicide assisté ne me paraît pas envisageable. L'ancien pharmacien que je suis refuse que les officines se transforment en armureries. Appliquons la loi et faisons-la appliquer. Le ministère de la santé a les moyens de lui donner la publicité nécessaire.

Mme Laurence Cohen. - Ce sujet politique entre en écho avec l'intime, d'où la difficulté à légiférer. Comment produire une loi applicable à tous dans des situations qui touchent à des convictions personnelles forgées par l'histoire de chacun ? Cela transcende les clivages politiques : hier, le groupe CRC n'a pas été unanime.

La loi Leonetti, sans tout régler, propose des solutions. Pourquoi n'est-elle pas appliquée et pourquoi n'est-elle connue ni des patients, ni des soignants ? Comment améliorer cette situation, aider au respect de la loi et inciter le Gouvernement à une campagne d'information ?

Je suis sensible à ce qu'a dit Muguette Dini sur le droit à la dignité et au choix de pouvoir arrêter de vivre. Le souci actuel du législateur est que tous, quelle que soit leur origine, puissent avoir également accès à ce droit.

Pour que l'hôpital et les équipes soignantes jouent un rôle, il faut des moyens financiers et humains. Ne soyons pas hypocrites : il y a un paradoxe et une contradiction à se plaindre de moyens insuffisants tout en votant un objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) historiquement bas.

L'instrumentalisation de ce sujet épineux peut entraîner la crispation de certains milieux conservateurs. Gérard Dériot a parlé d'une cabale autour de la loi Leonetti. Elle se heurte en tout cas à des conservatismes et provoque des réactions très dures. Les mêmes conservatismes s'étaient mobilisés contre le droit à l'IVG.

Nous avons tous la frustration de ne pas pouvoir débattre dans l'hémicycle. Je ne comprends pas pourquoi le groupe écologiste n'a pas demandé ce débat plutôt que de déposer cette proposition de loi. Par principe, nous nous opposerons à ce renvoi

Mme Catherine Deroche. - Le sujet touche au vécu de chacun, à sa conception de la vie et de la mort et à la manière dont il a vécu le départ d'êtres chers. A titre personnel, je partage le point de vue d'Alain Milon et je n'aurais pas voté ce texte en séance, car il va au-delà du rôle des médecins en leur demandant de donner délibérément la mort. Avant de franchir ce pas, la loi Leonetti doit être appliquée et développée.

Nous avons tous des positions différentes dans notre commission. Le débat reviendra à chaque fois que le texte ira en séance. Les interrogations demeurent : où est le droit de la personne à finir sa vie ? Comment la société répond-elle à cette demande ? Le renvoi en commission n'apportera pas de réponse.

J'ai été surprise que le rapporteur dise qu'il était plus difficile de mourir en France qu'ailleurs. Mourir est toujours difficile. On mourrait moins bien chez nous parce qu'on ne décède pas à domicile, dans un climat serein et apaisé ? Combien sont-ils seuls chez eux, et ceux qui disent qu'on meurt moins bien en France ne sont-ils pas les premiers, le moment venu, à demander que leur parent soit mis en Ehpad ou à l'hôpital, car la mort à domicile fait peur ? Qui garde encore une personne décédée à domicile ? Le plus souvent, elle est placée dans une chambre funéraire. Autrefois, le défunt était veillé, cela ne se fait plus.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Cela se fait encore !

Mme Catherine Deroche. - Aujourd'hui, l'hôpital est mieux à même de prendre en charge le moment difficile de la mort. La dignité est un sujet difficile. Toute fin de vie reste digne. J'entends ce que dit Mme Dini sur la dignité qui appartient à chacun et n'est pas dans le regard de l'autre. Nous avons tous vécu l'expérience de la mort : jamais le mourant n'est jugé indigne. L'être humain reste digne jusqu'à la fin de sa vie, quel que soit son état de détérioration physique ou de délabrement.

Mme Isabelle Debré. - Il ne s'agit pas de la personne, mais de leur situation.

Mme Catherine Deroche- L'expression « fin de vie digne » n'est pas acceptable. Oui, la méconnaissance de la Loi Leonetti est évidente et oui, les pratiques d'accompagnement au suicide, comme en Oregon, me paraissent curieuses et incohérentes. Alors que nous créons des observatoires du suicide, des systèmes de veille, comme ces sentinelles qui se mettent en place dans mon département, nous laisserions tout à coup des personnes partir avec leur petite fiole en leur donnant six mois pour se suicider... Pour toutes ces raisons, j'attends le renvoi en commission.

Mme Isabelle Debré. - Je garde un souvenir extraordinaire du débat sur la loi Leonetti : quel moment formidable quand, dans l'hémicycle, tous les clivages sont dépassés ! Certains groupes sont partis, car ils voulaient aller plus loin.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Non !

Mme Isabelle Debré. - J'ai voté la loi en 2005 ; je n'aurais pas voté cette proposition de loi. J'approuve les positions d'Alain Milon.

La formation des soignants peut passer par un cycle obligatoire pour toutes les professions médicales ou restreint à certains services. Encore faut-il choisir. Je pense qu'il faut l'étendre à tous, en incluant même les professions paramédicales.

Quelle valeur juridique les directives anticipées ont-elles, sont-elles testamentaires, opposables ? J'ai découvert récemment qu'elles devaient être renouvelées tous les trois ans sous peine de devenirs caduques. Si les personnes veulent mourir, laissez-les le demander, dit Mme Dini. Mais, certaines personnes ne peuvent pas ou ne peuvent plus le demander. D'autres l'avaient demandé, qui ont changé d'avis quand la possibilité leur a été donnée. Toutes les familles offrent des exemples de gens qui choisissent la mort à froid, et ne le veulent plus une fois malades.

Le rapport Sicard conclut que les pratiques peuvent évoluer en appliquant la loi Leonetti non à la lettre mais dans son esprit. A la différence de certaines associations, je suis d'accord avec cela.

Mme Chantal Jouanno. - Les nombreuses auditions auxquelles j'ai assisté confirment l'exception française du mal mourir. Elles indiquent que la loi Leonetti n'est ni connue des particuliers ni appliquée par le corps médical. Elles s'accordent sur une évolution à la marge de cette loi : les fameuses trois semaines, l'opposabilité des directives anticipées, peut-être la sédation profonde, voire l'assistance médicalisée au suicide,  mais sans convergence sur l'injection létale. Le rapport du Comité consultatif national d'éthique est attendu sur cette question. Enfin, tous nous l'ont dit, la question de la fin de vie est indissociable de celle de l'accompagnement des personnes âgées et des conditions dans lesquelles on arrive au grand âge. Voilà pourquoi nous sommes plutôt favorables à cette motion.

M. Gérard Roche. - En dépit de mes quarante-trois ans de pratique médicale et de fréquentation quotidienne de la mort, je n'ai pas l'envie d'entrer dans ce débat. Il s'impose pourtant à cause de l'évolution de la population et de celle des techniques médicales. Il nécessite de la compassion, il requiert de la dignité. Loin des vindictes, il doit être empreint de laïcité républicaine : ni une philosophie, ni une religion imposant sa loi, mais la loi de la République respectant les philosophies et les religions.

L'acharnement thérapeutique existe toujours et les pratiques de l'Oregon sont excessives. Pour rétablir un équilibre, il faudrait proposer une loi sur l'éthique de la mort, basée sur la loi Leonetti et inscrite dans le parcours de soins.

Mme Annie David, présidente. - Nous devons en effet avoir ce débat en raison de l'évolution de la société.

Mme Patricia Schillinger. - On peut encore mourir à la maison, avec un cercueil qui reste trois jours dans la chambre du défunt et les prières des proches. Cela s'est produit dans ma commune, la semaine dernière. Et c'est de plus en plus fréquent.

Pour avoir travaillé en Suisse où les pratiques sont différentes, j'ai une approche particulière de ce débat important. L'idée de déplacer l'hôpital à la maison m'inquiète. S'occuper d'un jeune souffrant d'un cancer en phase terminale est une lourde charge pour une famille : la vision de la mort est difficile à domicile. Je m'interroge sur l'évolution en cours.

M. Jean Desessard rapporteur. - Vous n'avez pas posé de questions, c'est que mon rapport devait être complet !

Le Comité consultatif national d'éthique et l'Observatoire national de la fin de vie mènent une réflexion intéressante. Nous devrions nous appuyer sur ces institutions dont les présidents sont des médecins philosophes.

Je remercie Chantal Jouanno d'avoir rendu compte des auditions : tout le monde a convenu de l'existence d'un mal mourir en France. Les conditions d'accompagnement de la fin de vie sont mauvaises, parce que les gens veulent rester chez eux pour mourir. Les aidants familiaux ne sont pas des aidants professionnels. L'aide psychologique de la famille trouve ses limites dès lors que les aidants familiaux doivent également assurer les soins quotidiens. Une réflexion reste à mener sur les aidants.

Il faut néanmoins favoriser pour ceux qui le veulent le retour à domicile, même si l'hôpital leur offre de meilleures conditions. Cela nécessite des moyens ; c'est le rôle du législateur de les obtenir au moment où il vote le budget.

Je ne suis pas médecin, mais animateur social de formation. La définition précise des soins palliatifs m'a surpris : accompagnement, soulagement de la douleur et écoute. Je croyais avec naïveté que c'était pratique courante. Accompagner ? Evidemment ! Soulager la douleur, bien sûr. Ecouter, parce qu'on ne le fait pas tout le temps ? Précisément, les médecins de soins palliatifs demandent que cela ne soit pas réservé à la fin de vie.

Pourquoi la loi Leonetti est-elle mal connue ou mal appliquée ? Les moyens manquent pour l'appliquer. L'accompagnement des patients demande des moyens humains, l'écoute prend du temps, le soulagement n'est pas toujours possible. Le temps de la médecine productiviste qui croyait pouvoir tout résoudre à force de technicité est révolu. Aujourd'hui, une réflexion différente est en cours et le rôle du médecin aura certainement changé dans dix ans. Nous arrivons à un tournant. Les soins palliatifs ne guérissent plus le patient, les médecins l'accompagnent dans la phase terminale de sa maladie.

M. Alain Milon. - Ou vers la guérison !

M. Jean Desessard, rapporteur. - Non, pas vers la guérison : les auditions ont été plus nettes que cela. Les auditions ont montré que la loi Leonetti n'apportait pas toutes les réponses. La sédation profonde, dont on a beaucoup parlé, n'y figure pas.

Mme Isabelle Debré. - Dans son esprit.

M. Jean Desessard, rapporteur. - Depuis quand le législateur peut-il se satisfaire qu'une loi soit respectée dans l'esprit ? La sédation profonde reste un motif de condamnation. Certains médecins disent que c'était pratique courante dans les années 1960. La question reste posée.

L'aide au suicide dans l'Oregon n'est pas un modèle enviable : qui voudrait d'une fiole pour en finir ? Nous devrons cependant aborder ce débat. Le mot « euthanasie » est mal choisi...

Mme Muguette Dini. - Il est attaché aux crimes nazis.

M. Jean Desessard, rapporteur. - Pendant la conférence des citoyens, les gens ne le comprenaient pas, croyant qu'il s'agissait d'une injection administrée sans qu'on l'ait demandée. Au contraire, la proposition de loi affirme clairement que la décision est prise par la personne consciente ou bien figure dans des directives anticipées, actualisées et opposables - c'est-à-dire auxquelles on ne peut pas s'opposer.

Pourquoi me refuser la liberté de demander la mort et de me l'administrer ? Parce que, répondent certains, donner cette liberté à chacun changerait la représentation de la société : plutôt que de céder à la facilité de l'individualisme, les opposants au suicide assisté défendent des valeurs fortes et contraignantes qui sont vues comme fondatrices d'une société ; dans cette représentation volontaire de la société, laisser à chacun la liberté de mourir change l'effort de la société à l'égard de tous. Tel est le débat que sous-tend la proposition de loi.

Je donne un avis de sagesse favorable à la motion de M. Godefroy de renvoyer le texte en commission. Le groupe écologiste y est favorable.

Mme Isabelle Debré. - Dans la discussion, le serment d'Hippocrate n'a jamais été mentionné : j'informerai le patient, je donnerai mes soins, je ne provoquerai jamais la mort délibérément...

Mme Annie David, présidente. - C'est pour cette raison qu'une clause de conscience est inclue dans la proposition de loi.

M. Gérard Roche. - S'agissant du serment d'Hippocrate, beaucoup d'autres choses ont été oubliées.

M. Alain Milon. - Pendant quelques mois à l'époque du débat sur l'IVG, ceux qui passaient leur doctorat de médecine ne prêtaient plus serment.

L'UMP ne prendra pas part au vote sur le renvoi en commission.

Mme Muguette Dini. - Nous voterons la motion de renvoi en commission. Le mot « euthanasie » renvoie à une mort violente. Il doit sortir de notre vocabulaire.

Mme Annie David, présidente. - La proposition de Gérard Roche de parler d'éthique de la mort éviterait beaucoup de crispations.

La motion n° 1 est adoptée.

Mme Annie David, présidente. - La commission déposera cette motion et, en conséquence, n'adopte pas de texte.

La discussion portera en séance publique sur le texte initial de la proposition de loi.

Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat

La commission renouvelle la nomination de M. Jean-Pierre Cantegrit comme membre titulaire appelé à siéger au sein de la Commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger.

Audition de M. Henri Malosse, président du Comité économique et social européen

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi sous la présidence conjointe de Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales et de M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes, la commission procède à l'audition de M. Henri Malosse, président du Comité économique et social européen.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes. - Cette réunion conjointe avec la commission des affaires sociales est une première dont je me félicite.

Les circonstances de ma première rencontre avec M. Henri Malosse sont particulières, car il était venu participer, dans mon département, à la plantation de pieds de clinton, un cépage de vin interdit par la Commission européenne... Il s'agit d'un vin très noir qui avait la réputation de rendre fou. Nous militons pour sa légalisation.

A quelques mois des élections européennes, nous avons souhaité faire le point sur des questions telles que l'affirmation de la politique économique européenne, la lutte contre le dumping social ou la coordination de la politique sociale dans la zone euro.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. - Parler de l'Europe sociale est toujours positif. La commission des affaires sociales est souvent appelée à débattre de textes nationaux empreints d'une dimension européenne, comme la récente directive sur les travailleurs détachés.

M. Henri Malosse, président du Comité économique et social européen. - Deux collègues français m'accompagnent, Joseph Guimet, membre du groupe 3 - groupe des activités diverses - et Bernard Huvelin, membre du groupe employeurs. Mon directeur de cabinet, Rudy Aernoudt est également présent, ainsi que Laure Limousin, chargée de communication.

Cette affaire du clinton montre que l'Union européenne traite de nombreux sujets dont elle pourrait se passer : les cépages interdits, les fromages au lait cru de brebis ou de chèvre... Les sujets fondamentaux comme l'emploi, la défense, la sécurité ou l'énergie se font rares ! Il existe même une règlementation européenne sur les pommeaux de douche ! A-t-on besoin d'une norme à ce sujet ? Ne faudrait-il pas laisser un peu de flexibilité dans ce domaine et se consacrer aux choses essentielles ?

Je rentre de Strasbourg, où à 11 heures, ce matin, j'ai signé un accord de coopération avec le Parlement européen et le Comité des régions. Cet accord est important voire historique - le temps le dira. Nos concitoyens ne cessent de déplorer un manque d'écoute sur les questions européennes : à leurs yeux, Bruxelles est dominé par la technocratie, tout est décidé d'en haut, sans compromis et par avance, et les Etats sont privés de leur souveraineté. L'accord a été passé entre trois institutions qui représentent les gens à des degrés divers. Le Parlement représente les électeurs. Le Comité des régions est composé des élus des territoires. Le Comité économique et social européen comprend trois groupes, celui des employeurs, celui des travailleurs et un troisième formé de consommateurs, d'associations et de représentants d'activités diverses. Jusqu'à présent, les trois institutions travaillaient séparément. Même si notre Comité était saisi des mêmes matières que le Parlement européen, notre travail, s'il n'est pas coordonné avec le sien, risque de rester vain.

L'accord de coopération concentre le rôle de notre Comité en amont et en aval du processus législatif. En amont, nous pourrons désormais présenter des avis d'initiative sur des sujets tels que l'excès de règlementation dans l'agriculture ou sur des questions de société, auxquels le Parlement européen donnera une force politique par des résolutions. En aval, nous avions anticipé en lançant des études d'impact pour observer comment les règlementations européennes fonctionnaient sur le terrain.

Trois observatoires ont été privilégiés. Celui du marché unique européen a lancé depuis l'automne dernier une étude d'impact sur la directive relative au détachement des travailleurs, dite Bolkestein. Douze de nos collègues sont allés enquêter sur le terrain dans plusieurs régions et pays d'Europe. Nous attendons les résultats de cette enquête pour le mois d'avril. L'observatoire du marché du travail a lancé une étude d'impact sur l'emploi des jeunes dans l'Union européenne et l'efficacité des programmes mis en place. Loin d'être des études académiques, comme celles que commandite la Commission européenne, nos études s'intéressent au ressenti de situations réelles : un salarié qui paie ses charges sociales mais subit la concurrence d'un travailleur illégal est de toute évidence victime de dumping social. L'observatoire du développement durable examine les conséquences sur la vie des gens des directives européennes sur les énergies nouvelles, qu'il s'agisse du prix de l'énergie ou de l'accès aux nouvelles technologies. Dans l'avenir, je souhaiterais que ces études d'impact portent sur l'excès de règlementations. Ce travail est très utile pour le Parlement européen qui légifèrera ainsi plus facilement.

Pour la phase législative, l'accord prévoit d'identifier les domaines dans lesquels notre Comité a une valeur ajoutée. Nous pourrons travailler en complémentarité avec le Parlement européen sur les questions de société, de famille, de démographie. De cette façon, nous sauverons cette particularité d'inspiration française - provenant de Jean Monnet - celle des assemblées consultatives à côté du Parlement européen. Des pôles citoyens pourront se constituer face au Conseil européen et à une Commission dominée au fil des ans par l'administration et les vues idéologiques.

Mme Annie David, présidente. - Quels liens le Comité économique et social européen tisse-t-il avec les Parlements nationaux ? Différentes nationalités y figurent. Peut-il faciliter les relations des Parlements nationaux avec le Parlement européen ? J'ai apprécié, dans vos prises de position, votre volonté de faire entrer des indicateurs sociaux aux côtés des indicateurs économiques.

M. Pierre-Bernard-Reymond. - Avez-vous des contacts avec les Comités ou conseils économiques et sociaux nationaux ?

M. Henri Malosse. - Nos relations avec les Parlements nationaux sont insuffisantes. J'étais, il y a quelques semaines, à l'Assemblée nationale, mais les contacts sont trop rares, occasionnels. Il faudrait structurer davantage cette coopération. Depuis le début de ma présidence, en avril dernier, nous l'avons fait avec les trois pays qui allaient exercer la présidence tournante de l'union européenne. Nous nous sommes réunis au mois de novembre avec les présidents des trois groupes. Nous avons eu trois heures de débat avec quatre-vingt-dix députés grecs pour discuter des priorités de la présidence grecque. Nous préparons la même initiative avec l'Italie, qui prendra la présidence au 1er juillet. Avec la présidence grecque, nous avons débattu du chômage, de l'emploi des jeunes et des initiatives à prendre sur ces sujets. Le Premier ministre grec viendra dans notre session plénière, au printemps prochain. Nous avons également mené des débats avec la Lituanie, avant sa présidence.

Je souhaite développer ces contacts et les élargir à d'autres pays qu'à ceux exerçant la présidence. Ces rencontres pourront être ponctuelles, sur des sujets particuliers : nous pourrions, par exemple, vous présenter notre étude d'impact sur la directive relative au détachement des travailleurs. Nous pourrions également facilement organiser des rencontres avec les membres français de notre Comité.

Nous entretenons des relations avec les conseils économiques et sociaux nationaux. Cependant, ils n'existent pas partout et la coopération n'est pas systématique. Des pays comme l'Allemagne et le Royaume-Uni n'ont pas de conseil économique et social. Dans certains pays, ces conseils ont une structure particulière, incluant la participation du gouvernement. Nous organisons des rencontres régulières avec ceux qui existent, mais le temps nous fait souvent défaut pour ces réunions. J'ai de très bonnes relations avec le Conseil économique et social français. Je dois prochainement rencontrer le Conseil économique et social espagnol.

M. André Gattolin. - Quel est la représentation syndicale et associative au sein de votre Comité ?

Quel est votre point de vue sur les autres instruments de participation citoyenne ? Le Comité envisage-t-il de contribuer, d'inciter ou d'aider certains de ses membres à utiliser l'initiative citoyenne européenne qui peut être un levier d'initiative, malgré les exigences de sa mise en oeuvre ?

Quelle place votre Comité prend-il dans l'élaboration des « livres verts » et des « livres blancs » par la commission, en amont des directives européennes ?

M. Michel Billout. - Quelle est votre analyse de la situation économique dans l'Union européenne ? Pouvez-vous développer votre suggestion d'emprunter de nouvelles voies pour sortir de la crise ? Lors de votre voyage en Hongrie, en novembre dernier, vous avez surpris par votre analyse de la politique économique de M. Orban - taxation du secteur bancaire et des grandes entreprises étrangères, mise sous dépendance de la banque centrale de Hongrie. Considérez-vous que ces solutions, ayant contribué à sortir la Hongrie de la crise, puissent être étendues à d'autres pays ?

Mme Patricia Schillinger. - Quand nous adoptons une loi en France, l'Union européenne ne nous suit pas - cela a été le cas récemment sur la question du bisphénol A - à cause de l'importance des lobbies. Comment pouvez-vous intervenir pour améliorer la cohérence et la transparence du processus législatif européen ? La mise en place des trois observatoires est une bonne initiative qui cible les domaines pertinents.

Quelles réflexions vous inspire l'éventuelle entrée de la Turquie dans l'Union européenne ?

M. Henri Malosse. - Les traités européens confèrent aux Etats membres la responsabilité de choisir les membres qui composent notre Comité. Le Conseil européen décide sur proposition des Etats membres à majorité qualifiée. La seule obligation est de respecter le tripartisme, pour avoir des délégations équilibrées. En France, les services du Premier ministre ont nommé une représentation composée pour un tiers d'employeurs, pour un tiers de syndicats, le dernier tiers laissant place à un certain nombre de variations permises par la diversité du groupe 3. Un certain verdissement a été constaté avec l'arrivée d'au moins deux collègues de sensibilité écologiste.

Grâce aux initiatives citoyennes européennes, des groupements de citoyens peuvent soumettre des propositions au Parlement européen. Contrairement au Conseil économique, social et environnemental français, les traités européens ne nous ont pas donné de rôle particulier dans ce processus, mais nous l'avons pris. A chacune de nos sessions plénières, j'accueille des porteurs d'initiative : nous avons accueilli une initiative visant à réduire les frais d'itinérance téléphonique, une initiative citoyenne sur l'eau, une initiative « écosite » sur la responsabilité environnementale des entreprises. Dans quinze jours, nous accueillerons une initiative grecque lancée par l'ex-commissaire Mme Diamantopoulos pour sortir les dépenses d'éducation du calcul de la dette grecque. J'ai été le premier signataire de l'initiative citoyenne sur les frais téléphoniques et de deux autres initiatives sur l'éducation. Nous soutenons ces initiatives citoyennes et nous avons même mis en place un bureau d'assistance pour aider les associations à les lancer. Elles sont en effet très compliquées à mettre en oeuvre, puisqu'elles doivent rassembler plus d'un million de signatures.

Nous sommes impliqués dans le processus des « livres blancs » et des « livres verts » : la Commission européenne nous envoie un questionnaire. Je suis très critique sur ces processus de consultation tous azimuts, car nous n'avons aucune garantie pour en vérifier la légitimité. Si une consultation menée sur internet reçoit 10 000 réponses, quelle est sa représentativité ? Si 9 900 réponses proviennent de la même source, elle n'aura aucune légitimité.

La Commission européenne est sensible aux lobbies, le Parlement européen l'est encore davantage. Je participe à toutes les sessions du Parlement européen et j'ai pu constater l'accroissement du poids des lobbies privés. Il y a deux mois, lors du débat sur les émissions de CO2 par les voitures, j'ai eu l'impression d'être au Salon de l'auto, tant il y avait de représentants de l'industrie automobile ! Lors des débats sur les OGM, c'est la même chose : Monsanto a plus de 1 000 lobbyistes présents à Bruxelles ! J'étais récemment à Lyon, où la dirigeante d'une entreprise de cosmétique m'a interpellé. En tant que citoyenne, elle était pro-européenne ; comme chef d'entreprise, elle était excédée par les règlementations de Bruxelles, dictées par les grands groupes, impossibles à appliquer pour les petites entreprises. Je crois beaucoup au rôle que peut jouer le Comité économique et social européen pour améliorer la transparence des procédures de consultation : sa composition qui associe des représentants de grandes, moyennes et petites entreprises garantit l'équilibre de nos débats.

Mon intervention en Hongrie a été très controversée. Les membres de mon Comité étaient en grande majorité opposés à la politique de M. Orban. Je l'ai rencontré, ainsi que les leaders de l'opposition et le Conseil économique et social hongrois. La Hongrie a connu en 2007-2008 une crise aussi grave que la Grèce. L'économie magyare se porte mieux que l'économie hellène. Le taux de chômage frôle les 10 %, le chômage des jeunes tourne autour de 12 %, alors qu'en Grèce il est de 50 %, et la Hongrie n'a pas connu le contrôle de la Troïka. M. Orban rappelle volontiers à M. Barroso la prédiction qu'il lui avait faite en 2008 : la crise ne touchera pas l'Europe ! Aux élections législatives prochaines, le parti de M. Orban est bien positionné.

Indépendamment de toute considération d'ordre politique, car ce n'est pas du ressort de notre Comité, ce qui m'a intéressé dans sa politique économique, c'est la réussite des solutions mises en oeuvre. Dans la Hongrie des années 1990, le secteur bancaire étatisé a été pris en mains à 90 % par des banques autrichiennes et allemandes. Le secteur de l'énergie l'a également été. Ces entreprises ont fait des bénéfices énormes. La politique de M. Orban a consisté à taxer les grandes entreprises, tout en réduisant la fiscalité sur les petites et moyennes entreprises, et à contrôler le secteur de l'énergie pour faire baisser les prix. J'ai rencontré des entrepreneurs français, dans le secteur de l'énergie. Certes, la politique de M. Orban ne les rendait pas heureux, mais ils reconnaissaient avoir réalisé des marges énormes dans les années 1990 et retrouver avec cette nouvelle fiscalité des marges normales. En dehors de tout contexte idéologique, la solution fiscale de M. Orban était intéressante.

Un autre exemple est la décision de M. Orban d'interdire la vente du tabac dans les supermarchés, afin que les petits buralistes indépendants récupèrent le monopole de sa distribution. La mesure a contribué au maintien de l'emploi local.

Nous entretenons des relations extérieures avec le monde entier. Nous avons des accords avec la Chine, le Japon, le Chili et d'autres pays, partout où l'Union européenne mène des politiques de coopération. C'est extravagant ! J'essaye de recentrer ces relations sur l'Europe et la Méditerranée. Avec la Turquie, les négociations traînent en longueur. Nous avons un Comité d'économie mixte avec la Turquie, qui fonctionne depuis dix-huit ans, sans résultats. C'est d'une grande hypocrisie. Nous savons, en France qu'il n'y aura pas d'adhésion de la Turquie à l'Europe sans un référendum dont le résultat serait actuellement négatif.

Nous avons des responsabilités en tant que société civile européenne. Je me suis rendu par deux fois en Ukraine. Au-delà de l'opposition politique, les associations sont très intéressées par notre soutien, même si elles savent que leur pays ne rejoindra pas l'Union européenne dans les six mois à venir. Elles se battent pour les valeurs européennes.

M. René Teulade. - Les comités économiques et sociaux sont des lieux de dialogue social exceptionnels. J'ai longtemps fait partie du Conseil économique et social français. La force de ces comités est qu'ils ne sont soumis à aucune législature. Ils mènent des débats d'une grande liberté. Mais, les Gouvernements les écoutent rarement.

Lorsque je présidais la commission des affaires sociales du Conseil économique et social, nous avions élaboré un rapport sur la réforme des retraites qui avait l'accord de tous les partenaires en 2002. Il fut douloureux de me retrouver ensuite au Sénat avec le problème des déficits et la réforme des retraites à mener !

Pourquoi les Gouvernements n'écoutent-ils pas les comités économiques et sociaux ? C'est sans doute parce que l'application de leurs décisions poserait un problème politique. On n'utilise pas assez leur travail.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Le chômage en France est notre souffrance partagée et notre juste obsession. Le taux de chômage dans la zone euro est de 12 %, dans l'union des 28 il est de 10,7 %, légèrement en baisse. Quel rôle joue l'euro sur le taux de chômage ? Pourquoi n'y a-t-il pas d'écart entre la zone euro et l'union des 28 ? Défenseur de l'euro, j'ajoute que ma question est un peu provocatrice...

L'Allemagne a décidé récemment d'instaurer un Smic. Quel sera l'impact de cette décision ? Ouvre-t-elle la voie à une convergence des salaires minimum de la zone euro ?

Le déficit régulier dans le financement de la protection sociale passe pour une spécificité française. Est-ce aussi votre perception ?

En France, la politique de protection de la santé publique consiste à augmenter le prix du tabac. L'expérience a montré, sous la présidence de Jacques Chirac, qu'il en résulte une baisse du nombre des fumeurs. Mais, qui voyage entre le Luxembourg et la France est tenté de remplir son coffre de cigarettes avant de partir ! Comment uniformiser les politiques de santé publique, étant donné des niveaux de taxation très divers ?

Mme Gisèle Printz. - Les prévisions sont catastrophiques quant à la participation aux élections européennes. Nos concitoyens rendent l'Union européenne responsable de tout ce qui ne va pas. Comment changer cet état d'esprit ? Est-il dû à une méconnaissance du fonctionnement de l'Union et du Parlement européen ?

Mme Annie David, présidente. - Les territoires ultramarins sont-ils représentés au sein du Comité économique et social européen ?

Menez-vous une réflexion sur le droit des femmes ?

M. Henri Malosse. - Monsieur Teulade, vous avez raison : pourquoi ne sommes-nous pas écoutés ? Lorsque j'étais rapporteur du Comité sur la directive Bolkestein, il y a quelques années, nous avions attiré l'attention sur le dumping social et fiscal qui en résulterait. Pourquoi a-t-on soumis les travailleurs détachés jusqu'à trois mois, aux règles du pays d'accueil, sauf pour les cotisations sociales, contrairement à ce que je préconisais ? Le tollé qu'elle a suscité en France et ailleurs aurait été épargné, en dépit du bricolage postérieur du Parlement européen, qui a repris certaines de nos suggestions.

Depuis une quinzaine d'années, les institutions de l'UE ont tendance à négliger, non seulement le Comité économique et social, mais aussi les acteurs sociaux reconnus, organisations professionnelles, syndicales, consulaires, au profit d'une myriade de lobbyistes. Le Parlement européen a organisé des « agoras citoyennes » : sur 300 personnes, 20 à 30 représentent des organisations légitimes, noyées au sein de « la société civile du rond-point Schuman », des gens respectables assurément, mais dont la représentativité se mesure au carnet d'adresses. Cela pose un problème de démocratie.

Du temps de Jacques Delors, le président de la Commission accordait une grande importance à notre Comité. Il lui avait demandé un avis exploratoire sur la dimension sociale de l'Europe, qui a inspiré le volet social des traités. Hélas, ce respect et cette confiance se sont dégradés. C'est pourquoi je fonde beaucoup d'espoirs dans notre accord de coopération avec le Parlement européen.

Nous sommes libres, puisqu'il n'y a pas de mandat impératif : nous dialoguons, trouvons des consensus. Ainsi, sur le temps de travail, nous avons dégagé des idées de compromis, qui ont été ensuite reprises par le Parlement ou le Conseil européens. Mais on nous néglige. Nous devons nous battre, prendre la parole... Depuis vingt ans, nous avons été trop « gentils », aussi n'étions-nous guère écoutés. Il nous faut être plus directs, planter du clinton à Alès !

Sur le chômage, il faut se garder d'inférer des corrélations hâtives, tant le problème est complexe. La situation géographique entre en ligne de compte. Il y a, hors zone euro, des pays comme la Suède et le Danemark, dont la situation économique est meilleure que celle des autres, pour de multiples raisons. Au sein de la zone euro, l'Autriche, l'Allemagne ont des taux de chômage moins élevés que d'autres pays. Il y a, au sein de la zone euro, des pays qui ont été frappés plus durement par la crise, et ont bénéficié de la solidarité de leurs partenaires. Les conditions posées, l'austérité ont-elles été trop dures ? Certains le pensent. Les relations de cause à effet ne sont portant pas aisées à établir. Le Royaume-Uni fut, des 28, le plus frappé par la crise bancaire, mais aussi celui qui a consacré le plus d'argent public au sauvetage de ses banques ; il n'est pas membre de la zone euro. Contrairement à l'Irlande, à la Grèce ou à l'Espagne, il disposait des ressources pour ce faire.

Sur le Smic, l'Allemagne évolue positivement. Faut-il imaginer un jour un Smic européen ? Nous avons proposé - en relayant la suggestion du groupe des travailleurs - qu'un revenu minimum européen soit établi en fonction du PIB de chaque pays. Lorsque je suis allé en Bulgarie, j'ai fait la « une » des journaux, en évoquant un niveau de 400 euros dans dix ans, qui fait rêver là-bas !

La convergence fiscale et sociale doit devenir l'un des piliers de la construction européenne. Depuis quinze à vingt ans, dans la plupart des pays, un sentiment général de la concurrence a fait place à celui de la convergence et de la solidarité. Nos systèmes fiscaux et sociaux sont mis en concurrence, plus qu'ils ne sont incités à converger. Certains s'en sortent mieux que d'autres, lesquels ont le sentiment qu'on leur impose l'austérité, qu'on ne leur propose que de se serrer toujours davantage la ceinture. Il manque des « solidarités actives », selon la belle expression de Jean Monnet, autour d'objectifs communs. Songez qu'il y a un écart de un à douze entre le revenu minimum en Bulgarie et au Luxembourg !

Jacques Delors, pendant son deuxième mandat, avait tenté de proposer aux Gouvernements, ce qui était plus facile à faire à quinze qu'à vingt-neuf, un calendrier progressif vers la convergence, une sorte de « serpent ». Une telle perspective pourrait être expliquée à nos concitoyens : même s'il y aura toujours des fraudeurs, plutôt que de conduire au dumping social, l'Europe pourrait être plus solidaire, plus forte. En Grèce, quand le prix du tabac a augmenté, des cigarettes de contrebande ont été importées de Turquie et de Bulgarie. Si l'on se contente de proclamer « que le meilleur gagne ! », si l'Europe n'est qu'un marché, elle n'a plus de sens.

L'Allemagne a connu de graves déficits de ses comptes sociaux au début du mandat de Gerhard Schröder, lequel a entrepris des réformes l'ayant rendu impopulaire, puisqu'il a choisi de baisser les cotisations sociales. Le déficit a disparu. Les solutions ne sont pas légion : ou l'on réduit les prestations, ou l'on augmente les cotisations. La France elle-même est confrontée à ce choix. Cela étant, l'Europe, vue du reste du monde, reste fondée sur un modèle social qui se caractérise avant tout par son système de protection sociale. D'où l'importance de la convergence.

Les régions appelées ultra-périphériques dans le jargon européen comprennent, outre nos départements et territoires ultramarins, les îles Canaries, les archipels de Madère et des Açores, qui nous permettent de ne pas être isolés. Il est toujours difficile d'expliquer à un Finlandais les spécificités de territoires au climat très différent du sien, au point que certaines prétentions des fonctionnaires européens à réglementer de manière uniforme des dispositifs aussi importants que les toboggans des espaces de jeux pour enfants peuvent s'en trouver contrariées...Ainsi, on interdit à La Réunion, en vertu de la réglementation européenne sur le traitement des déchets lourds, d'expédier ses pneus usagés en Afrique du Sud, pourtant bien plus proche que le continent européen...

Le droit des femmes est un sujet important, mais je dois reconnaître que notre Comité n'est pas paritaire...

Mme Gisèle Printz. - Etes-vous en retard ?

M. Henri Malosse. - Non, bien au contraire...Nous nous sommes autosaisis du rôle des femmes dans l'entrepreneuriat, nous avons soutenu l'initiative de Mme Reding sur la place des femmes dans les conseils d'administration. Nous sommes très actifs dans le domaine de la défense des droits des femmes. L'égalité hommes-femmes au travail a été améliorée par l'UE, compétente en vertu des traités, par des initiatives législatives dont nous sommes souvent à l'origine...

Mme Annie David, présidente. - Très bien !

Mme Patricia Schillinger. - Nous sommes choqués, en Alsace, du niveau très bas des salaires outre-Rhin : ainsi une secrétaire de mairie travaillant depuis vingt-neuf ans à Badenweiler perçoit 376 euros par mois ! Ne peut-on lancer des expérimentations avec l'Allemagne ? Il est rageant de constater que l'asperge alsacienne soit vendue 2 euros moins chère en Allemagne que chez nous...

M. Pierre-Bernard-Reymond. - Vous jouez un rôle important dans la construction européenne. Quel jugement portez-vous sur son avenir ? Etes-vous plutôt enclin à l'optimisme ou au pessimisme ? Traversons-nous une crise, une période de mutation, ou de déclin ?

Que proposerez-vous pour réformer les traités ou accroître le rôle du Comité économique et social au sein des institutions européennes ?

Les Anglais de votre Comité se comportent-ils conformément à l'attitude générale de leurs compatriotes à l'égard de l'Europe ?

M. Henri Malosse. - Lorsque vous étiez ministre, l'esprit de coopération prévalait sur celui de concurrence, qui l'a emporté aujourd'hui, ce qui m'inquiète beaucoup. Tant de programmes de coopération transfrontalière se sont pourtant développés depuis vingt ans ! Les tensions qui s'expriment portent atteinte à l'idée même d'Europe. Nous sommes dans une crise existentielle. Beaucoup de responsables européens, même au plus haut niveau, n'y croient plus. Ils font carrière plus qu'ils ne portent des convictions. L'enthousiasme n'y est plus.

Pour les prochaines élections européennes, une offre se présente qui consiste à sortir de l'Europe telle que nous la connaissons, pour revenir au système intergouvernemental traditionnel, dont on a vu les résultats au cours des siècles. Un pays puissant agrégerait autour de lui des Etats vassaux, les Britanniques privilégieraient leur relation avec les Etats-Unis, les Etats du sud seraient déstabilisés, ou chercheraient une autre voie. L'autre offre provient de nos amis fédéralistes. Comment faire accepter à nos concitoyens de transférer tous les pouvoirs à Bruxelles, avec ses réglementations stupides et ses lobbies ? La troisième voie serait la pire : elle consisterait à ne rien changer, le système actuel ne pouvant plus prendre de décision. Je reste néanmoins optimiste. Je souhaite m'engager dans une coalition d'idées pour changer les choses, aller vers une convergence sociale et fiscale, dans le cadre d'un nouveau « serpent », renouer avec la méthode communautaire, refonder l'Europe sur des valeurs, la liberté d'entreprendre et la solidarité, mener des politiques industrielle, énergétique, de défense communes.

Il conviendrait de renforcer les compétences des Parlements nationaux dans le contrôle de subsidiarité - les Anglais nous appuieraient - et de confier aux acteurs économiques et sociaux un rôle plus direct dans ce contrôle.

Notre compétence législative générale, des pommeaux de douche à la hauteur des roues des tracteurs, pourrait être recentrée en amont, peut-être autour des initiatives citoyennes, à l'instar du Conseil économique et social français, auxquelles il convient de donner davantage d'ampleur. Actuellement, ce ne sont que des gadgets sans conséquences.

J'ai été président de groupe longtemps : les plus actifs chez nous sont les membres britanniques, qui sont les seuls à être évalués par leur Gouvernement, avant leur nomination ou leur renouvellement. Ils considèrent que notre Comité ne sert à rien, mais y envoient des gens qu'ils sélectionnent et dont ils contrôlent les activités. Nous nous réunissons avec notre représentation permanente une fois l'an, les Britanniques une fois par mois. Ils sont actifs, présents, pragmatiques. Certes, la convergence fiscale et sociale n'est pas leur cup of tea...

M. Simon Sutour, président. - Cela fait longtemps que nous n'avions pas entendu un président du Comité économique et social européen. Ce fut une expérience intéressante, partagée entre nos deux commissions. Nous poursuivrons nos échanges. Le Parlement français et le Sénat en particulier disposent depuis la réforme constitutionnelle de 2008 et l'article 88-6 d'un vrai pouvoir de contrôle de la subsidiarité. Nous en avons fait usage sur le droit de grève des travailleurs détachés (« Monti 2 »), où nous avons obtenu avec d'autres Parlements la minorité qualifiée du tiers, qui a abouti au retrait du texte par la Commission ; sur le Parquet européen, aussi, pour introduire la collégialité qui n'était pas prévue par le texte initial de Mme Reding, ce qui reviendra sans doute à son successeur. Restons en contact !

M. Henri Malosse. - Volontiers. Merci.