Mercredi 21 mai 2014

- Présidence de M. Yves Daudigny, président -

Régime social des indépendants - Audition de M. Stéphane Seillier, directeur général

La réunion est ouverte à 9 h 30.

M. Yves Daudigny, président. - Dans le cadre des travaux menés par nos collègues rapporteurs Jean-Noël Cardoux et Jean-Pierre Godefroy sur le régime social des indépendants (RSI), nous accueillons M. Stéphane Seillier, directeur général du RSI et Mme Stéphanie Deschaume, directrice de cabinet.

Je rappelle que le RSI est né le 1er juillet 2006, de l'unification de l'assurance maladie des professions non salariées non agricoles et des assurances vieillesse et invalidité-décès des commerçants et artisans.

Il s'agissait alors de construire un nouveau régime de sécurité sociale mais en tenant compte des structures et des procédures existantes.

A compter du 1er janvier 2008, le recouvrement des cotisations du RSI, jusqu'alors partagé en fonction des différents risques, a été unifié dans le cadre de l'interlocuteur social unique, l'ISU, et délégué aux Urssaf qui ne recouvraient auparavant que les cotisations famille et la CSG-CRDS.

Ce basculement a donné lieu à ce qui est resté dans les mémoires comme « la crise de l'ISU », avec la perte des informations nécessaires au recouvrement des cotisations et au paiement des prestations. Il en est résulté de nombreux dysfonctionnements, des efforts très significatifs de la part des caisses du RSI et une perte de confiance qui perdure.

Un rapport de la Cour des comptes publié en 2012 a documenté ces premières années de la vie du régime et analysé ses difficultés.

Nous avons demandé à nos collègues rapporteurs d'examiner la situation du RSI d'aujourd'hui.

Votre audition, monsieur le directeur général, intervient également dans le contexte des annonces faites par le Gouvernement sur la suppression progressive de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, qui est notamment affectée à l'équilibre des régimes de base du RSI. Les cotisations « famille » des indépendants devraient également faire l'objet d'allégements.

Vous pourrez peut-être nous exposer les enjeux de ces annonces pour le financement du RSI ainsi que les différents scénarii envisageables pour la compensation en recettes et l'équilibre général.

Je laisse la parole à nos deux rapporteurs afin qu'ils introduisent très brièvement votre intervention.

M. Jean-Noël Cardoux, rapporteur. - Je souhaite présenter rapidement quelques éléments de contexte. L'idée de ce rapport est venue des multiples sollicitations des affiliés du RSI que tous nous avons pu recevoir dans nos circonscriptions.

La réforme engagée par le précédent gouvernement et mise en oeuvre en 2006 avait pour objectif louable d'unifier le recouvrement des cotisations sociales payées par les travailleurs indépendants.

Pour cela il a fallu mettre en présence deux institutions - les caisses d'assurances sociales des différents régimes des indépendants, devenues le RSI, et l'Acoss - qui n'avaient pas l'habitude de travailler ensemble et qui n'ont pas vraiment réussi à le faire. Une gouvernance à deux têtes s'est donc mise en place et elle perdure encore aujourd'hui.

Une partition « politique » des compétences a été mise en place. Ainsi, dans les textes, le recouvrement des cotisations incombe aux Urssaf dans les trente jours suivant l'appel de cotisations ; il relève ensuite du RSI. On voit la perversité du système qui a posé plusieurs problèmes d'échange d'informations, d'autant que le RSI n'est pas équipé informatiquement pour ce travail.

Les problèmes informatiques existent aussi du côté de l'Acoss et ne sont toujours pas réglés.

L'arrivée du nouveau directeur général du RSI, M. Stéphane Seiller, a mis de l'huile dans les rouages mais les risques d'explosion demeurent.

Lors de nos auditions, j'ai été frappé par le fait que les interlocuteurs sont conscients des problèmes, sont porteurs de solutions, mais peinent à se parler.

Pour résumer, nous avons donc eu en 2006 une réforme dans ses intentions mais bâclée, sans évaluation préalable et sans suivi. Nous avons aujourd'hui des institutions concurrentes qui aboutissent à une double gouvernance néfaste et sans synergie.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Je m'associe aux propos de mon collègue Jean-Noël Cardoux.

Je rappellerai quant à moi que la performance du recouvrement des cotisations, bien que sur une trajectoire de redressement, reste inférieure à ce qu'elle était avant l'unification au sein des Urssaf.

Il y a bien sûr la crise économique intervenue dans l'intervalle et le fait que les Urssaf pratiquent plutôt le recouvrement de masse, sans pouvoir procéder à un accompagnement personnalisé des débiteurs. Comment expliquez-vous ce différentiel aujourd'hui ?

Cette performance est bien sûr un enjeu pour l'équilibre du régime mais aussi plus généralement pour l'équilibre des comptes sociaux dans la mesure où la C3S, évoquée par le président, est également affectée à la MSA, le solde étant affecté au fonds de solidarité vieillesse.

J'ajoute simplement que je connais de longue date le président du RSI qui était conseiller municipal d'opposition quand j'étais maire de Cherbourg.

M. Jean-Noël Cardoux, rapporteur. - Le RSI mène un important travail d'amélioration du statut social des professions indépendantes, notamment concernant le conjoint collaborateur, mais que ce travail est mal connu. Il faut améliorer la communication sur ce sujet.

M. Stéphane Seiller, directeur général du RSI.  - Je souhaite tout d'abord rappeler que le RSI est l'organisme en charge de la protection sociale des travailleurs indépendants. Il sert chaque année 17 milliards d'euros de prestations maladie, d'indemnités journalières, de prestations invalidité et de retraite de base et complémentaire.

Bien qu'il incarne avant tout la sécurité sociale des travailleurs indépendants, il est trop souvent perçu comme un simple collecteur de cotisations, alors même qu'il délègue cette compétence à l'Acoss. Les administrateurs du régime ont, il est vrai, toujours souhaité que les courriers de recouvrement partent avec le logo du RSI, ce qui a pu renforcer le problème de perception. Il y a de ce point de vue une coresponsabilité du régime avec l'Acoss et sans doute avec les pouvoirs publics.

Le recouvrement des cotisations est tourné vers le versement des prestations. Il y a de ce point de vue une différence notable avec le régime des salariés. Ceux-ci sont couverts que leur employeur paie ou non les cotisations sociales. Le travailleur indépendant ne bénéficie des prestations en espèces que s'il est à jour de ses paiements. Il en découle que le RSI ne peut s'intéresser uniquement à son activité de prestations. Il doit pouvoir contrôler que le travailleur indépendant a déclaré ses revenus.

Ce contrôle s'effectue par exemple lors de chaque arrêt de travail, même si nous sommes en train d'assouplir cette mesure pour les prolongations d'arrêt.

Les administrateurs du RSI ont été élus il y a deux ans par 800 000 travailleurs indépendants. Ils s'efforcent d'apporter aux affiliés la meilleure protection possible, notamment en débloquant des aides de premier secours face aux catastrophes naturelles.

Il est regrettable que les problèmes de recouvrement focalisent l'attention des médias qui sont travaillés par un mouvement de contestation souvent porté par les partisans d'un recours aux assurances privées en lieu et place de l'affiliation obligatoire à la sécurité sociale.

Le RSI s'est néanmoins efforcé de résoudre la crise. Lors de la création de l'ISU, en matière d'affiliation, 10 à 15 % des flux d'informations ne passaient pas entre le RSI et les Urssaf. En conséquence, certaines cotisations n'étaient jamais appelées et les personnes n'étaient pas couvertes. A l'inverse, certaines radiations n'étaient pas prises en compte et les cotisations continuaient d'être appelées.

Aujourd'hui la majorité des administrateurs du RSI et l'Acoss ont pour objectif de travailler ensemble et avec les Urssaf afin de surmonter les problèmes parfois posés par des textes qui établissent des frontières impossibles à respecter.

Ce travail est en cours et c'est la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas ouvrir un nouveau chantier législatif dont l'issue serait incertaine.

Nous avons adopté un plan d'action en 2011 pour sortir de la crise et des textes réglementaires ont été pris qui institutionnalisent des équipes communes RSI-Acoss. Des conventions sont signées au niveau régional selon des modalités définies au plan national.

Six régions se sont engagées dans cette voie dès 2013. A la fin de l'année prochaine, un service commun entre le RSI et les Urssaf disposant d'une direction commune sera mis en place dans toutes les régions de France. Nous procédons de la même façon au niveau national. Au-delà de la bonne entente entre les directeurs généraux, les règles de fonctionnement entre nos deux organismes sont désormais institutionnalisées. En particulier, le RSI et les Urssaf détachent des agents, dont la liste est définie, pour travailler de façon commune en back office.

Nos performances en matière de recouvrement se sont améliorées. Le taux de restes à recouvrer, qui s'était fortement dégradé avec la mise en place de l'interlocuteur social unique (ISU), a diminué de trois points depuis la fin de l'année 2011, ce qui correspond à environ un demi-milliard d'euros. Cette évolution intervient dans un contexte économique dégradé où les restes à recouvrer ont plutôt tendance à augmenter dans l'ensemble des régimes. A-t-on retrouvé pour autant les performances antérieures à la mise en place de l'ISU ? Il est difficile de répondre à cette question car, à l'époque, coexistaient quatre opérateurs de recouvrement différents, qui ne les comptabilisaient pas de la même manière. Certaines régions, comme la Bretagne, ont retrouvé des taux de non-recouvrement historiquement bas. Leurs marges d'amélioration pour les années à venir sont par conséquent réduites. D'autres ont en revanche plus de mal à revenir sur les habitudes qui ont pu être prises au cours des dernières années. Notre objectif en 2014 est de diminuer d'encore un point le taux de restes à recouvrer. Cela sera plus ou moins facile selon les régions.

La Cour des comptes avait parlé en 2012 de « catastrophe industrielle » à propos de la mise en place de l'ISU. Nous sommes aujourd'hui en mesure d'améliorer les choses. Pour ce faire, le RSI encourage les Urssaf à adopter une perspective qui ne leur est pas nécessairement familière afin de tenir compte de deux particularités : d'une part, les cotisations ont pour contrepartie directe le versement des prestations et, d'autre part, elles représentent des sommes peu élevées par rapport à la masse recouvrée par les Urssaf, ce qui implique pour ces dernières d'adopter une approche un peu plus individualisée.

En 2013, le RSI a accordé 320 000 délais de paiement de cinq à six mois en moyenne, ce qui représente un montant de trésorerie de 1,7 milliard d'euros. Il est dans la tradition du RSI d'accorder à ses cotisants de telles facilités. Mais il est vrai que la période de crise que nous avons connue n'a pas facilité la mise en oeuvre de ce type de mesures.

Nous sommes aujourd'hui dans une dynamique d'amélioration du fonctionnement du RSI et de travail en commun avec les Urssaf. De ce point de vue, il ne nous paraît pas nécessaire d'ouvrir à nouveau la boîte de Pandore législative. Revenir au système préexistant constituerait une régression et serait très coûteux. Sans doute aurait-on pu procéder autrement. Je rappelle que l'ISU a été mis en place à une époque où nous engagions un mouvement de fusion de nos caisses sans précédent dans le champ de la sécurité sociale. Nous sommes en effet passés de 90 à 30 caisses et estimons qu'il faudra encore aller plus loin. A l'époque, nous n'avions pas les capacités nécessaires pour envisager un autre scénario qui aurait consisté à effectuer nous-mêmes le recouvrement. Une telle solution aurait d'ailleurs impliqué de reprendre aux Urssaf le recouvrement des cotisations famille et de la CSG, ce qui aurait entraîné des difficultés au sein même de ces structures. Le scénario adopté était donc le plus prudent. Mais la réforme s'est effectuée de façon précipitée et le travail de rapprochement culturel n'a pas été suffisant.

Nous souhaitons par ailleurs porter un certain nombre de mesures de simplification en matière de recouvrement. Jusqu'à présent, les cotisations versées sont calculées sur le dernier revenu déclaré. En pratique, cela crée un décalage de l'assiette de deux ans, situation problématique s'agissant d'activités qui peuvent avoir un caractère erratique. Le Parlement a voté une évolution qui sera applicable en 2015 et permettra de recouvrer les cotisations sur la base des revenus de l'année N-1. En outre, depuis plusieurs années, le travailleur indépendant, lorsqu'il pense que son revenu va baisser, peut en communiquer une estimation afin que les cotisations soient révisées sur cette base. Nous faisons la promotion de ce dispositif qui, bien qu'utilisé par un nombre croissant de cotisants, reste encore trop peu connu. 180 000 personnes y ont fait appel en 2012. Elles étaient 430 000 en 2013. Ces deux changements que je viens d'évoquer permettent de s'approcher du système d'auto-liquidation demandé par certains experts comptables sans remettre en cause notre mode de fonctionnement historique fondé sur l'appel des cotisations.

Beaucoup d'autres mesures de simplification pourraient être mises en oeuvre. Depuis trois ans, le RSI propose chaque année à la direction de la sécurité sociale de ne plus poursuivre les cotisants qui, ayant arrêté leur activité en cours d'année, ne se sont pas acquittés du paiement de leurs cotisations. Actuellement, la réglementation nous oblige à recouvrer ces sommes. Or cela implique, pour des montants très faibles, d'engager un processus complexe à gérer, qui vient augmenter nos restes à recouvrer et suscite de l'incompréhension. Confrontées à l'échec de leur activité, les personnes concernées souhaitent avant tout passer à autre chose et ne coopèrent pas immédiatement, ce qui rend parfois nécessaire l'intervention d'un huissier.

Le RSI porte également un certain nombre de propositions s'agissant des prestations. Je pense en particulier aux règles d'ouverture du droit au versement des indemnités journalières en cas de prolongation d'un arrêt de travail. Dans une logique assurantielle, celui-ci ne devrait pas être subordonné au fait que le paiement des cotisations soit à jour, comme c'est le cas actuellement. Nous travaillons avec l'administration à une mesure de simplification sur ce point.

La dématérialisation constitue également un autre chantier, notamment pour les auto-entrepreneurs. Le RSI salue la simplification du régime applicable aux auto-entrepreneurs, même si la réforme lui semble devoir être mise en oeuvre dans des délais très contraints. Il nous semble cependant que la véritable simplification consiste dans la dématérialisation. Actuellement, 80 % des auto-entrepreneurs continuent d'effectuer leurs déclarations en utilisant des formulaires papiers et de régler leurs cotisations par chèque. Cette situation est très difficile à gérer pour les Urssaf. La simplification des règles applicables aux cotisants devrait donc trouver sa contrepartie dans le fait d'encourager plus vivement ceux-ci à utiliser internet. Si l'on prend l'exemple de l'impôt sur les sociétés, toutes les entreprises ont l'obligation d'utiliser la voie dématérialisée.

Le Gouvernement a annoncé la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S). Il s'agit d'une mesure que le RSI n'avait pas nécessairement demandée. Nous versons 17 milliards de prestations sans être maîtres de la réglementation applicable aux risques couverts, ce qui justifie l'existence d'un dispositif de solidarité nationale nous permettant d'équilibrer nos régimes de base. Jusqu'à présent, c'est la C3S qui assure cette fonction. En 2012, le déficit du RSI s'élevait à 2,7 milliards d'euros. Il était de 2,15 milliards d'euros en 2013 devrait s'approcher de 2,5 milliards d'euros en 2014. La baisse observée en 2013 est liée à l'augmentation des cotisations décidée en loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.

L'autre raison - moins connue - qui justifie nos réticences face à la suppression de la C3S, tient au fait que c'est le RSI qui assure le recouvrement de cette contribution. Il faudra donc être en mesure d'assurer le reclassement des 150 personnes qui vont perdre leur activité si la C3S est supprimée.

Nos administrateurs ont interrogé le Premier ministre pour savoir comment serait compensée la perte de recette pour le RSI. La piste du relèvement des cotisations semble exclue. Le RSI souhaiterait pouvoir disposer d'une ressource bien identifiée plutôt que de versements effectués dans le cadre d'un mécanisme de compensation inter-régimes.

Mme Annie David, présidente. - A combien s'élève le produit de la C3S ?

M. Stéphane Seillier. - La masse recouvrée par le RSI et qui est ensuite reversée à la MSA, au FSV et à nous-mêmes selon le niveau du déficit de nos régimes de base, est légèrement supérieure à 5,5 milliards d'euros. Le Gouvernement prévoit que le produit de la C3S pourrait représenter 6 milliards d'euros à l'échéance envisagée pour sa suppression.

Nous ne disposons pas non plus de tous les éléments sur la façon dont la C3S va être supprimée. Celle-ci pourrait avoir lieu sur trois ans. Le Gouvernement aurait l'intention, sans jouer sur le taux ni sur le seuil d'assujettissement, de réduire progressivement le produit de la contribution à partir de 2015 jusqu'à une disparition totale en 2017. Toutes les entreprises seraient donc touchées dès 2015 et les plus petites d'entre elles sortiraient entièrement du paiement de la C3S cette année-là. Nous n'étions pas demandeurs de cette mesure. Il va falloir réfléchir à la façon dont nos régimes de base pourront être équilibrés et travailler à la reconversion de nos personnels chargés du recouvrement de la C3S.

M. Jean-Noël Cardoux, rapporteur. - Je vous remercie pour cette présentation très complète. Avant de vous poser quelques questions, je souhaite insister sur deux points.

Je comprends tout d'abord la position que vous défendez sur le lissage du système de recouvrement des cotisations. Le régime ayant fait des efforts considérables ces dernières années, vous ne souhaitez pas que cet édifice encore fragile soit bouleversé. Cependant, nous ne pouvons nous satisfaire d'un dispositif qui présente certaines faiblesses. Il faut le faire évoluer de manière progressive. Je rappelle ensuite à mes collègues que le travail que nous effectuons avec Jean-Pierre Godefroy n'a pas pour objectif d'évaluer le bien-fondé des cotisations du RSI, mais de comprendre comment fonctionne le financement et comment les ressources sont recouvrées.

Ma première question concerne les réclamations. Sur les 3 millions de ressortissants actifs que compte votre régime, quel est le pourcentage de cas litigieux et leur nombre en valeur absolue ? J'ai en tête une fourchette comprise entre 5% et 6 %, peut-être me la confirmerez-vous ? Ces chiffres peuvent paraître faibles, mais si on raisonne en valeur absolue, cela fait un nombre important de cotisants mécontents.

Ma deuxième interrogation porte sur d'éventuelles évolutions réglementaires, comme la mise en place d'une déclaration sociale et fiscale unique. Y êtes-vous favorable ? Une réflexion est sans doute à mener sur ce sujet avec la direction générale des finances publiques.

Ma troisième question a trait à l'auto-liquidation. Je crois indispensable de rapprocher le moment où le travailleur indépendant dégage son chiffre d'affaires et le moment où il doit s'acquitter de ses cotisations ; l'effet sera plus indolore. Aussi, calculer les cotisations sur l'année N-1 plutôt que sur l'année n-2 ne changera, à mon avis, pas grand-chose, dans la mesure où les résultats des professionnels indépendants sont très fluctuants d'une année sur l'autre. Il faut faire en sorte que les dates d'enregistrement du chiffre d'affaires et de paiement des cotisations coïncident le plus possible. Les experts comptables ont un rôle à jouer en la matière : au moment où ils établissent un bilan, ils doivent calculer le montant des cotisations sociales qui en résulte, le provisionner dans le bilan pour permettre à leurs clients de bénéficier de l'économie fiscale d'environ 30 %, puis établir le montant des cotisations sociales dont ces derniers devront s'acquitter, enfin définir le montant des acomptes provisionnels. Ils sont prêts à travailler dans ce sens, en collaboration avec le RSI.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Je compléterai l'intervention de mon collègue par deux interrogations supplémentaires. Quelles sont les conséquences, pour le RSI, des nouvelles règles applicables au statut de l'auto-entrepreneur ? Quelles principales difficultés rencontrez-vous avec la mise en oeuvre de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites ?

M. Stéphane Sellier. - Sur nos 3 millions de cotisants, je précise que 700 000 sont des professionnels libéraux, pour lesquels le régime n'intervient qu'au titre des prestations maladie en nature, et qu'1 million sont des auto-entrepreneurs. Les cas de litige ne concernent pas ces deux catégories, mais les 1,4 million de cotisants restants. Nous avons mis en place depuis quelques années un circuit de traitement des réclamations. Celles-ci s'élèvent en moyenne entre 2 500 et 3 000 par mois. Rapporté à 1,4 million de cotisants, cela fait 2,35%. Le plus souvent, il s'agit d'une mauvaise compréhension des règles par les assurés ou d'un mécontentent vis-à-vis du niveau des cotisations. J'ajouterai qu'il est normal d'avoir des réclamations : le plus grave serait de ne pas les traiter !

La déclaration fiscale unique - c'est-à-dire une même déclaration pour le paiement de l'impôt sur le revenu et des cotisations sociales - est effectivement un sujet sur lequel nous devons avancer avec la direction générale des impôts. Je rappelle que cette idée a déjà été lancée et expérimentée par le passé, mais finalement abandonnée. Elle n'est effectivement pas simple à mettre en oeuvre car l'impôt sur le revenu se rapporte au foyer fiscal tandis que les cotisations sociales sont individualisées. C'est pourquoi nous restons pour le moment circonspects sur ce travail d'ajustement très délicat. En revanche, il est nécessaire que nous systématisions les échanges d'informations avec les services des impôts au sujet de la situation fiscale de nos ressortissants.

S'agissant de l'auto-liquidation, ma conviction est que nous disposerons d'un dispositif équivalent en 2015. Deux cas de figure se présenteront : en cas de silence de l'assuré, les cotisations dues pour l'année n seront automatiquement calculées sur la base des revenus déclarés pour l'année N-1 ; en revanche, l'assuré dont le revenu de l'année N est moins élevé que celui de l'année N-1 pourra nous demander de calculer ses cotisations sur la base de son revenu le plus faible ; c'est ce que vous appelez « la limitation volontaire de la cotisation ». Cette possibilité existe depuis longtemps, mais est très peu utilisée car méconnue des professionnels. Je suis d'accord avec vous, les experts comptables auront un rôle à jouer en informant leurs clients de l'existence de ces deux possibilités.

M. Jean-Noël Cardoux, rapporteur. - J'ai parfois entendu la critique selon laquelle le système de l'auto-liquidation génèrerait des honoraires supplémentaires pour les experts comptables dont devront s'acquitter les assurés...

M. Stéphane Sellier. - Le dispositif que nous allons mettre en place, très proche de celui de l'auto-liquidation, n'entraînera aucun surcoût pour nos cotisants.

La création d'un régime simplifié, qui a été proposée par le Gouvernement et discutée par le Parlement, ne changera pas grand-chose pour les auto-entrepreneurs ; elle concernera principalement les ressortissants du régime micro-fiscal, soit 150 000 personnes. Ce nouveau régime permettra à ses ressortissants d'opter soit pour le paiement d'une cotisation minimale, soit pour le paiement d'une cotisation proportionnelle à leur chiffre d'affaires. Je rappelle que dans le régime des indépendants dit « classique », les assurés sont obligés de s'acquitter d'une cotisation minimale. Lors de la présentation du projet de loi, le RSI avait fait part de son opposition à la mise en place d'un droit d'option du paiement de la cotisation minimale pour le régime simplifié : nous estimons en effet que le principe du régime « normal » des travailleurs indépendants est ouvert à ceux qui le souhaitent. Nous prenons désormais acte de l'adoption de cette réforme par le Parlement et de sa prochaine entrée en vigueur, mais nous alertons sur les difficultés que présente sa mise en oeuvre.

La loi du 20 janvier 2014 nous concerne surtout au titre de la retraite de base. L'un de ses articles institue, pour le régime général, la mutualité sociale agricole (MSA) partie « salariés » et le RSI, un système de liquidation unique. Autrement dit, lorsqu'une personne a cotisé à deux ou trois de ces régimes au cours de sa carrière professionnelle, un seul d'entre eux sera chargé de calculer et de liquider la totalité de sa pension. Cette nouvelle disposition nous impacte directement puisque plus de 99 % de nos retraités sont pluripensionnés. Il est très rare aujourd'hui qu'un professionnel indépendant ait fait toute sa carrière en tant qu'affilié au seul RSI. Il s'agit d'une mesure de simplification bienvenue pour les assurés, mais assez compliquée à mettre en oeuvre pour les régimes concernés. C'est pourquoi sa date d'entrée en vigueur a été reportée au 1er janvier 2017.

La réunion est levée à 11 heures 03.