Mardi 14 octobre 2014

- Présidence de M. Hervé Maurey, président -

Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) - Audition de M. Pierre-Marie Abadie, candidat proposé aux fonctions de directeur général

La réunion est ouverte à 15 heures.

M. Hervé Maurey, président. - En application de l'article 13 de la Constitution, nous entendons M. Pierre-Marie Abadie, candidat proposé aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). Nous procéderons immédiatement après au vote. L'Assemblée nationale a déjà entendu M. Abadie le 30 septembre dernier. Je vous rappelle qu'il ne pourrait être procédé à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Monsieur Abadie, vous avez exercé la fonction de directeur de l'énergie au cours des six dernières années et, à ce titre, vous avez été commissaire du Gouvernement de l'Andra. Vous connaissez donc déjà bien l'organisme auquel le Gouvernement propose de vous nommer.

Vous nous indiquerez où en sont les grands projets portés par l'Agence et quelles sont vos intentions à leur égard. En particulier, comment voyez-vous l'avenir du projet de stockage Cigeo, dont une première phase est en train de s'achever : à quelle échéance seront prises les décisions ? A-t-on enfin prévu d'évaluer son coût de manière un peu plus fiable, comme le recommande la Cour des comptes ?

Au-delà du stockage, l'Andra est-elle suffisamment mobilisée sur la question du traitement et du recyclage des déchets radioactifs ? Comment améliorerez-vous la transparence et l'information sur ces questions - ce qu'attendent en priorité nos concitoyens ? Enfin, quels liens l'Andra a-t-elle tissés avec les organismes similaires qui existent dans d'autres pays ? Comptez-vous les développer ?

M. Pierre-Marie Abadie, candidat proposé aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). - Ayant occupé, depuis 2007, les fonctions de directeur de l'énergie à la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère de l'écologie et celle de commissaire du Gouvernement de l'Andra, je connais bien les enjeux, les défis et les priorités de cet établissement. Toutefois, je reste modeste : l'une de mes premières tâches consistera à comprendre le fonctionnement de l'établissement de l'intérieur, son organisation et ses métiers, notamment en matière de maîtrise d'ouvrage.

J'ai commencé ma carrière en m'occupant du contrôle des installations classées au sein de la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire) de Lorraine. J'ai ensuite acquis une compétence dans le domaine économique et financier à la direction générale du Trésor. Mon expérience au cabinet du ministre de la défense en 2002-2007, où je me suis occupé de la conduite des programmes, de la réforme de la délégation générale pour l'armement (DGA) et des restructurations industrielles, m'a familiarisé avec les enjeux industriels. Enfin, au poste de directeur de l'énergie, une part importante de mes activités comprenait une dimension internationale ; j'étais notamment vice-président du conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Ma vision de l'Andra s'inscrit dans la continuité de celle de mes prédécesseurs, François Jacques et Marie-Claude Dupuy. L'Andra est un établissement public indépendant au service de l'environnement, chargé de faire face aux enjeux de court et de long terme posés par les déchets radioactifs produits par la filière électronucléaire ou par d'autres filières. Il importe de traiter ces déchets et trouver une solution de gestion sûre pour mettre les générations futures à l'abri d'une exposition involontaire. L'Andra a développé une expertise de recherche, de conception et d'exploitation des centres de stockage. Elle a aussi une mission de collecte pour les déchets diffus, de traitement des sols pollués et d'inventaire et de conseil stratégique pour la gestion des déchets radioactifs.

Je souscris pleinement au choix opéré en 1991, à la naissance de l'agence, d'en faire un établissement indépendant, et non dépendant des producteurs de déchets. L'Andra est un exploitant responsable, détaché des enjeux de court terme et pleinement maître d'ouvrage. Elle a accumulé depuis plusieurs années un capital de crédibilité scientifique, technique et sociétale, développé en interaction étroite avec le Parlement. En cette période de crise, ses dotations restent à la hauteur des besoins ; cette situation représente une chance, mais crée également des devoirs.

L'Andra est l'enfant des parlementaires qui ont fait le choix d'un établissement indépendant et voté, depuis vingt-cinq ans, différentes lois relatives aux déchets. Elle avance grâce à la mobilisation collective des élus, nationaux et locaux. Les élus des territoires qui acceptent d'accueillir un centre de stockage, parce qu'ils sont conscients de la responsabilité collective en la matière, attendent en retour d'être soutenus et reconnus au niveau national et de bénéficier de retombées économiques positives au plan local. Il faut maintenir cette dynamique vertueuse.

L'Andra ne doit pas agir seule mais travailler en lien avec son environnement : les évaluateurs, les ONG, le monde scientifique, ses homologues étrangers et les producteurs de déchets qui, en vertu du principe pollueur-payeur, financent le traitement. Dans cette collaboration, il faut veiller à éviter tant le complexe de supériorité, qui empêche l'écoute, que le complexe d'infériorité, qui conduit au repli sur soi. J'encouragerai aussi l'ouverture à l'international qui s'est développée ces dernières années, notamment avec ses homologues européennes, pour établir des comparaisons, échanger, exposer le résultat de nos recherches et favoriser un développement sûr du nucléaire dans le monde.

La nécessaire ouverture de l'Andra renvoie à la question des générations futures. Les déchets radioactifs s'inscrivent dans une perspective de très long terme et posent la question de la réversibilité. Concrètement, il s'agit de transmettre la mémoire de nos débats, de nos acquis techniques et de nos incertitudes aux générations qui nous suivent directement.

Enfin je souhaite préserver la polyvalence des métiers et des compétences de l'Andra, à la fois établissement de recherche, concepteur et maître d'ouvrage de nouveaux sites de stockage et exploitant de sites industriels en fonctionnement. La recherche est un pilier essentiel. Nous devons continuer à avancer afin de répondre aux nouvelles questions, notamment celles qui se posent dans le cadre du projet du Centre industriel de stockage géologique (Cigeo). En outre, l'Andra est un maître d'ouvrage. Il convient de renforcer sa capacité à conduire des ouvrages, faire des choix stratégiques, à déterminer les paramètres, juger la qualité des travaux extérieurs. Nous devons nous appuyer sur des prestataires extérieurs, ne pas être systématiquement maître d'oeuvre. Notre métier s'inscrit au croisement des métiers du souterrain, mines et tunnels, et de la gestion de déchets nucléaires à très long terme. C'est une originalité technique. Enfin, l'Andra exploite des sites industriels qui accueillent 90 % du volume de déchets produit. Il s'agit d'une source de légitimité en France comme à l'international.

À moyen terme, l'agence devra faire face à cinq défis principaux. Il faudra tout d'abord conforter les fondamentaux de l'établissement, tout en faisant évoluer l'organisation et les métiers. L'Andra a beaucoup évolué ces dernières années. Ses projets ont avancé. Par exemple, dans le projet Cigeo, l'esquisse est terminée, la phase industrielle de conception et de réalisation du stockage a commencé. En quelques années, l'établissement est passé de 350 à 650 salariés ; son budget atteint 300 millions d'euros ; les prestataires extérieurs emploient eux-mêmes plusieurs centaines de personnes. Il faudra renforcer la capacité de maîtrise d'ouvrage grâce à un pilotage stratégique, tout en coordonnant les différents sous-projets : la demande d'autorisation administrative, les dossiers auprès de l'ASN, l'intégration dans le territoire, la réalisation industrielle, etc. Pour cela, il convient de développer un fonctionnement en mode projet transversal et matriciel. L'établissement a déjà engagé une démarche de maïeutique en interne, dans le cadre de « Cap 2016 ». Le nouveau directeur général devra prendre une série de décisions organisationnelles.

Cigeo est un chantier hors normes, tant du point de vue technique qu'au regard de son horizon temporel. À l'issue du débat l'an dernier, le conseil d'administration a adopté une feuille de route progressive et réorganisé le calendrier prévisionnel. Le dossier d'autorisation de création sera remis à l'ASN en 2017. En 2015, il faudra donc présenter les options de sûreté, les propositions techniques de récupérabilité et le plan de gestion industrielle pour la prochaine décennie. Une phase industrielle pilote a été introduite afin de faciliter une montée en puissance progressive, gage de la meilleure appropriation de l'outil. L'évaluation des coûts se déroule en ce moment. La Cour des comptes a néanmoins estimé, sur la base des prévisions les plus pessimistes, que le coût de Cigeo pour le consommateur serait limité. L'Andra travaille avec les producteurs pour évaluer le coût du dispositif sur 150 ans, exercice original, jamais réalisé : quand on a construit le viaduc de Millau, on n'a pas cherché à évaluer la charge de la réfection du goudron, ni celle du personnel d'entretien pendant 150 ans ! L'exercice de prévision à 150 ans comprend bien sûr de nombreuses conventions, qui peuvent donner lieu à débat. Les modes d'approche ne sont pas identiques, entre les producteurs qui ont une logique industrielle et l'Andra qui se fonde sur les critères des évaluateurs. Le processus arrive à son terme. Les dernières incertitudes seront levées dans l'élaboration de l'avant-projet sommaire ou lors des études plus détaillées. Les grandes options de design (sur les galeries, sur la construction d'un funiculaire, etc.) ont été tranchées. Il reste des interrogations sur le coût du béton dans 30 ans, les effectifs requis pour exploiter le site dans 10 ans, etc. L'Andra livrera bientôt son estimation, prudente par construction, et le gouvernement arbitrera. Il conviendra de renouveler périodiquement cet exercice d'évaluation. Le dernier remonte à 2005 ; une périodicité d'environ deux ans me semble plus appropriée pour s'assurer régulièrement du respect des coûts, comme dans les programmes d'armement.

Enfin, le projet Cigeo comporte une importante dimension territoriale. L'État a élaboré un schéma interdépartemental de développement du territoire (SIDT). L'Andra doit jouer un rôle dans ce processus, pour fournir des informations aux collectivités locales. Je sais qu'il existe des frustrations et des impatiences, mais l'agence ne saurait délivrer des données dont elle ne dispose pas encore. Avec l'avant-projet, nous en saurons davantage et pourrons partager ces éléments avec les collectivités pour les aider à se préparer. L'enjeu est le développement endogène du territoire : quelle politique de formation, quelles filières dans les lycées techniques dans les IUT,...

Le deuxième chantier concerne les déchets de faible activité à vie longue (FAVL), intermédiaires entre les déchets à faible activité de vie courte et ceux relevant de Cigeo. En 2008, un appel à candidatures avait été lancé directement auprès des communes. Or les communes candidates ont subi de telles pressions qu'elles ont renoncé. Notre erreur a été de nous adresser à elles seules, en négligeant leur environnement intercommunal. Les communes se sont senties abandonnées. Nous avons repris la procédure à zéro en commençant par cibler les sites existants, tels que Soulaines ou Morvilliers. En 2015, nous proposerons des schémas industriels pour les déchets FAVL, articulant des solutions spécifiques avec des projets de sites, une solution de traitement amont et une collaboration avec d'autres filières pour les déchets non pris en charge par ces dispositifs.

Historiquement l'Andra est un concepteur et un exploitant de centres de stockage. Cela ne suffit plus. Il faut jouer un rôle de conseil stratégique en amont vis-à-vis des producteurs. Avec la montée en puissance du démantèlement, les sites de stockage se rempliront de plus en plus vite. Il importe de réfléchir au recyclage, à la réutilisation des poutrelles d'acier ou des déblais, et au prétraitement, ces défis ne pouvant être relevés qu'au travers de l'innovation. La collaboration avec les producteurs de déchets est essentielle sur ces dossiers particulièrement complexes. Un projet d'investissement d'avenir a déjà été retenu. Le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGMDR) a confié à l'Andra une mission de réflexion.

Enfin, l'Andra assume également des missions de service public. Elle prend en charge la collecte des déchets de petits producteurs, hôpitaux par exemple, ainsi que les déchets radioactifs anciens, oubliés, comme les paratonnerres ou les montres au radium. Elle travaille sur des opérations telles que « Diagnostic radium » qui l'a conduite à dépolluer des sites en Île-de-France et dans la région Rhône-Alpes. L'essentiel de ces missions est financé par le ministère de l'écologie et par la cotisation des petits producteurs. Il faut consolider les financements et trouver le bon équilibre entre le traitement proposé et son coût.

Je suis très honoré d'avoir été proposé au poste de directeur général de l'Andra. Je suis conscient des enjeux, des avancées réalisées, comme du chemin à accomplir, et de l'importance de trouver des solutions industrielles sûres et pertinentes.

M. Jean-Jacques Filleul. - Merci pour cette présentation claire de sujets industriels particulièrement sensibles. Vous avez évoqué l'indépendance, la transparence. Quelle est votre indépendance réelle par rapport à certains partenaires comme EDF ? Je suis toujours étonné de voir les manifestations lors du transport de La Hague vers les sites d'enfouissement. Signe que l'information circule tout de même... ce n'est pas forcément cette transparence-là que nous espérons.

Quelle est votre position sur la révision en cours du code minier ? Participez-vous à ce travail ? Enfin je crois qu'il serait judicieux que notre commission du développement durable visite un site de l'Andra.

M. Louis Nègre. - Merci pour votre exposé structuré, qui dessine une orientation claire. Je partage le sentiment de M. Filleul quant à la nécessité d'une visite de site.

L'Andra semble être un établissement de référence. Que font les établissements similaires, à l'étranger ? Où en sont-ils ? L'exemple présenté par M. Filleul illustre l'écart entre la théorie et la pratique. Je songe aussi à Fukushima... J'ai l'impression désagréable qu'en matière nucléaire on n'est jamais assez transparent et qu'on ne prévoit jamais tout. Avoir une vision à 150 ans c'est louable, mais les Hollandais ont dans leur programme de prévention des inondations, vital pour eux, une vision à 10 000 ans !

Vous avez indiqué les difficultés à construire les futurs centres de stockage. Les craintes sont nombreuses. Comment avez-vous persuadé les collectivités territoriales et les riverains ? Vous gérez 90 % des déchets. Où sont les autres 10 % ? Enfin quand serez-vous opérationnel ?

M. Hervé Poher. - Par quel raisonnement pouvez-vous dire que l'Andra est un établissement public au service de l'environnement ? L'Andra est au service de la gestion des déchets et incarne le volet développement durable d'une politique énergétique. Mais comment dire que l'agence sert l'environnement ?

M. Pierre-Marie Abadie. - Les déchets sont là et leur durée de vie est de plus en plus longue. Ils ne disparaîtront pas. Notre objectif est d'éviter l'exposition de nos concitoyens et de rechercher le meilleur mode de stockage pour chaque catégorie de déchets. C'est plus facile pour les déchets à vie courte. Pour les déchets à vie longue, de l'ordre de plusieurs milliers d'années, ni la transmission de la mémoire ni la robustesse d'un ouvrage construit par l'homme ne peuvent être collectivement garantis à cet horizon. D'où le concept de stockage profond, à 500 mètres de profondeur dans d'épaisses couches d'argile - un coffre-fort qui garantit que les générations futures n'y accéderont pas par accident. Nous traitons, pour les minimiser, les conséquences environnementales de la production de déchets.

La France, à la différence de la Suède, a fait le choix, pour traiter les déchets nucléaires, d'un établissement public indépendant des producteurs. Ce choix, source de légitimité, emporte des conséquences : contrôle du Parlement et d'un évaluateur, mode de gestion différent des projets industriels. Il faut toutefois mener ces projets de manière professionnelle, avec le meilleur niveau de sûreté, au meilleur coût. Cet établissement doit disposer d'une expertise propre en matière de maîtrise d'ouvrage et de moyens pour réaliser un pilotage stratégique. Mais il ne saurait agir seul, sans collaborer avec les producteurs de déchets, qui sont également les financeurs. Il ne faut pas faire fi de leurs compétences d'exploitants nucléaires.

Ce travail collaboratif a été long à se mettre en place, malgré les efforts de la DGEC. Les torts étaient partagés, les industriels estimaient détenir seuls les compétences, l'agence ne prenait pas la mesure du passage à la phase industrielle. Ce temps est heureusement dépassé. Il ne s'agit pas que les opérateurs se substituent à l'Andra, mais celle-ci doit travailler avec eux et s'appuyer si nécessaire sur leur expertise. À présent l'agence dispose d'une centaine de personnes pour la maîtrise d'ouvrage, 300 dans les différentes maîtrises d'oeuvre. Les discussions techniques se prolongent, à mesure que le projet avance et soulève de nouvelles questions, mais des points essentiels ont été tranchés.

Les transports de déchets ne relèvent pas de la compétence de l'Andra, ni de la DGEC, mais de la Défense. Une tension existe entre l'exigence de transparence et l'exigence de sécurité des transports. Il convient de se prémunir contre les menaces terroristes et d'assurer l'ordre public : dans le passé, une personne est décédée lors d'un convoi mais les manifestations sont en France d'une ampleur très inférieure à ce qu'elle est en Allemagne où 30 000 policiers sont réquisitionnés lors des transports vers Gorleben !

L'Andra n'est pas concernée par le code minier car le stockage n'est pas une exploitation minière.

Les agences de gestion des déchets radioactifs se réunissent au sein d'une organisation internationale, l'Edram. Parmi les pays très avancés sur le sujet, on compte la Suède, avec des concepts très différents, la Suisse, ou la Corée. Ceux qui travaillent sur le stockage profond considèrent avec intérêt notre concept de laboratoire. L'originalité de notre solution tient aussi à l'existence de massifs d'argile dont nous tirons profit pour le stockage.

Je ne voudrais pas donner l'impression que nous avons tout prévu à 150 ans. Au contraire, notre démarche est progressive ; l'essentiel est du reste la réversibilité, concept politique, éthique, enjeu de gouvernance, qui vise à préserver pour la génération suivante le choix entre différentes options. Ce concept s'applique sur des questions techniques telles la récupérabilité, l'aptitude à sortir les déchets enfouis, ou l'adaptation du projet à l'évolution des déchets. Il convient de conserver des marges de manoeuvre, ne pas devenir prisonniers d'une solution unique, l'enfouissement. C'est pourquoi nous conservons des capacités de stockage en surface.

La phase industrielle pilote prend en compte l'exigence de réversibilité : il s'agit de pouvoir sortir les déchets facilement dans de bonnes conditions. Faut-il sceller ou non les alvéoles ? Comment trancher le débat entre sûreté et facilité d'accès aux déchets ? Laisser les alvéoles ouvertes n'est pas bon pour la sûreté mais facilite l'accès. Nous trancherons en 2020-2025. Nous n'avons pas tout prévu et avançons pas par pas.

Enfin je serai opérationnel à l'issue de cette audition, si vous en décidez ainsi ! Le décret de nomination pourrait alors paraître rapidement.

M. Charles Revet. - La question des déchets radioactifs soulève beaucoup d'interrogations. La population y est très sensible. Mon département compte deux centrales nucléaires. Celles-ci produisent des déchets qui sont expédiés ensuite à La Hague, puis chez un enfouisseur. Quelle est la mission de l'agence dans ce processus : supervision, contrôle, intervention directe ? Quant à vous, avez-vous déjà eu à traiter, au cours de votre expérience professionnelle antérieure, des dossiers relatifs au nucléaire ?

M. François Aubey. - A Mézidon-Canon, il y a une gare accréditée pour le stationnement des « cercueils », ces convois de déchets à destination des autres pays européens. Je connais bien le jeu du chat et de la souris entre les autorités et les organisations comme Greenpeace ou les Robins des bois... La Hague traite de plus en plus de déchets. D'où viennent-ils ? Où repartent-ils ? Cigeo a-t-il vocation à devenir un centre d'enfouissement de déchets nationaux et européens ?

M. Jean-François Mayet. - Vous stockez les déchets lorsqu'ils ont atteint une phase ultime où ils ne sont plus réutilisables. Je suis rassuré que vous cherchiez à garantir un accès dans le temps. En effet, comment savoir si dans 150 ans les chercheurs n'auront pas trouvé une solution pour les réutiliser ou les neutraliser ? Ne sommes-nous pas trop pessimistes ? Le stockage correspond à l'état de nos connaissances, mais le progrès ne s'arrêtera pas.

M. Pierre-Marie Abadie. - L'Andra a pour mission de concevoir et gérer des centres de stockage de déchets radioactifs. Elle ne s'occupe pas de l'ensemble de la filière. Les déchets produits par les centrales restent de la responsabilité des producteurs tant qu'ils ne sont pas transmis à l'Andra. C'est d'ailleurs la justification du principe pollueur-payeur. L'agence exploite des centres d'enfouissement : dans la Manche, le centre a fermé, mais dans l'Aube un site est en activité et en Haute-Marne le projet de centre de stockage est en cours de réalisation. Il serait pertinent que l'Andra remonte dans la chaîne de valeur notamment sur l'entreposage ou le prétraitement. Ainsi nous collectons les paratonnerres ; il faut les entreposer avant de les stocker de façon définitive. En revanche les déchets de la filière nucléaire sont entreposés par les producteurs dans l'attente d'un stockage final. Pour certaines filières, nous nous sommes interrogés sur l'opportunité d'intervenir directement si les opérateurs peinent à assurer de manière fiable le prétraitement : c'est le cas, par exemple, des déchets hospitaliers. L'agence apporte sa contribution à la réflexion stratégique sur l'avenir des filières, le démantèlement des centrales, pour déterminer ce qu'il faut faire avec les gravats ou les aciers utilisés, mais l'Andra ne sera pas opérateur de démantèlement.

La direction de l'énergie au sein de la DGEC s'occupe des marchés - tarifs de l'électricité, du gaz, mise en oeuvre de la loi Nome -, de la sécurité d'approvisionnement en pétrole ou en gaz, des systèmes électriques, du développement des énergies renouvelables, de la programmation pluriannuelle. S'agissant du nucléaire, elle exerce la tutelle sur le CEA, l'Andra, Areva et sur l'export, mais ne s'occupe pas de sûreté. Elle a été corédacteur du plan de gestion nationale des matières dangereuses. Quand j'étais au ministère de la Défense j'ai eu à traiter des fûts de bitume dit de Marcoule, déchets du CEA et d'EDF très composites...

Je ne suis pas compétent pour répondre au sujet de La Hague qui n'entre pas dans le périmètre de l'Andra. En revanche, je puis vous indiquer que la France ne stocke pas de déchets étrangers. La loi l'interdit. La Hague retraite ces déchets, ils sont ensuite réexpédiés. À la différence des Britanniques, nous ne produisons pas plus de plutonium que nous n'en avons besoin pour nos centrales.

Enfin, les déchets que nous stockons sont les déchets ultimes. Le plan national de gestion des déchets radioactifs et des matières valorisables comporte un volet sur les déchets et combustibles usés futurs, volet dit « génération 4 ». Toutefois les déchets actuels vitrifiés ne seront pas réutilisables et nous ne savons rien en faire d'autre que les stocker.

M. Hervé Maurey, président. - Merci pour toutes ces précisions.

M. Pierre-Marie Abadie est reconduit hors de la salle de réunion, puis la commission procède au vote sur sa candidature aux fonctions de directeur général de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, en application de l'article 13 de la Constitution.

M. Hervé Maurey, président. - Voici les résultats du scrutin : 24 voix pour, sur 25 votants.

Simplification de la vie des entreprises - Demande de saisine et nomination d'un rapporteur pour avis

M. Hervé Maurey, président. - Le projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises a été adopté par l'Assemblée nationale le 22 juillet 2014. Son examen en séance publique au Sénat devrait intervenir début novembre. La commission des lois est saisie au fond. Elle a décidé de déléguer un certain nombre d'articles au fond à quatre autres commissions, dont la commission du développement durable. Le projet de loi vise à mettre en oeuvre des mesures préconisées par le Conseil de la simplification pour les entreprises d'ici le 1er janvier 2015. Le projet de loi comprenait initialement 37 articles, 11 nouveaux articles ont été insérés par l'Assemblée nationale et 2 ont été supprimés.

La commission des lois souhaite que nous nous saisissions au fond de trois articles : l'article 8, qui habilite le Gouvernement à prendre une ordonnance pour créer une autorisation unique pour les projets de production d'énergie renouvelable en mer, ainsi qu'une décision unique pour les ouvrages de raccordement au réseau public de ces installations marines ; l'article 11, qui apporte des précisions d'ordre technique aux expérimentations engagées en matière d'autorisations uniques pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et les installations, ouvrages, travaux et activités relevant de la loi sur l'eau ; et l'article 11 bis, ajouté à l'Assemblée nationale, qui autorise les restaurateurs d'altitude à convoyer leur clientèle, le soir, par motoneige.

Nous pourrions également me semble-t-il nous saisir pour avis de trois autres articles : l'article 5, supprimé par l'Assemblée nationale, qui sollicitait une habilitation pour prendre toutes les mesures législatives nécessaires pour fusionner les commissions territorialement compétentes en matière d'aménagement du territoire et des services au public ; l'article 7, qui, au 1°, porte sur l'accélération des procédures de participation du public en prévoyant des modalités alternatives à l'enquête publique ; et l'article 21 qui habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures législatives réorganisant le recouvrement des amendes de stationnement sur la voie publique à la suite de la dépénalisation et de la décentralisation de ces redevances, dispositif adopté dans la loi Métropoles à l'initiative de Jean-Jacques Filleul et de notre commission.

La commission décide de se saisir pour avis du projet de loi relatif à la simplification de la vie des entreprises et nomme M. Gérard Cornu rapporteur pour avis.

La réunion est levée à 16 h 15.