Mercredi 25 mars 2015

- Présidence de M. Jean Claude Lenoir, président -

Audition de M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste

La réunion est ouverte à 10 h 00.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Mes chers collègues, j'ai le plaisir d'accueillir M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste, pour nous présenter les comptes 2014 de l'entreprise et ses perspectives d'avenir.

La Poste est le deuxième employeur en France, avec un peu plus de 266 000 collaborateurs. Le groupe est affecté depuis plusieurs années par une forte baisse de son activité courrier, qui se traduit en termes de rentabilité et de résultats. Vous nous présenterez cette évolution et ces chiffres.

Néanmoins, vous enregistrez une progression des ventes sur deux activités, ce qui compense les effets de la dématérialisation par ailleurs. Le développement de la Banque Postale est également très satisfaisant.

De façon plus générale, vous nous présenterez le plan stratégique « La Poste 2020 », qui illustre la transformation radicale de votre modèle économique, imposé par la révolution numérique.

Vous nous parlerez également des missions qui incombent à La Poste à travers plusieurs contrats, présence territoriale et distribution de la presse, qui affectent les comptes.

S'agissant de la présence territoriale, quelles sont vos idées pour valoriser au mieux la richesse que représente le maillage du territoire, avec son réseau de 17 000 points de contact ? Certains projets de loi en cours de discussion comprennent des propositions à cet égard.

Je vous laisse la parole, et je suis certain que mes collègues auront de nombreuses questions à vous poser.

M. Philippe Wahl, président du groupe La Poste - Merci Monsieur le président. C'est toujours un honneur pour moi, en tant que président-directeur-général de cette grande entreprise publique, que de me rendre devant vous pour vous parler de son plan stratégique et de ses perspectives. Mon propos introductif sera bref. Tout d'abord, je dresserai un panorama rapide de ce qu'est le groupe La Poste aujourd'hui, avant d'évoquer nos résultats économiques et la transformation sociale dans laquelle nous sommes engagés.

Dans le monde entier, la mutation numérique est à l'origine d'un bouleversement de l'industrie postale et des modèles postaux. Des chiffres illustrent cette évolution : au Danemark, par exemple, depuis 2008, les volumes du courrier ont diminué des deux-tiers, et d'un tiers en France, soit une évolution de 18 milliards de lettres et d'objets à un peu moins de 13 milliards l'année dernière pour notre pays. Notre prévision est qu'en 2020, nous ne transporterons plus que 9 milliards de ces lettres et objets par courrier. Concomitamment, l'explosion du e-commerce conduit à l'augmentation du nombre des objets transportés. Mais l'évolution du colis ne pourra jamais en valeur compenser en chiffres d'affaires et en marges celle du courrier.

L'enjeu auquel nous sommes confrontés est assez simple : notre modèle stratégique actuel n'est plus viable. Avec mes collègues du comité exécutif de La Poste, nous avons réalisé un tour de France afin de présenter à nos cadres supérieurs, depuis Marseille jusqu'à Fort de France, les raisons pour lesquelles notre modèle stratégique n'était plus valide. Un chiffre permet d'ancrer le défi stratégique, économique et social qui est le nôtre : à prix constant du timbre, nous allons d'ici 2020 perdre plus de trois milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Ce défi stratégique est le plus difficile auquel La Poste est confrontée depuis son origine. Certes, les activités postales ont dû intégrer par le passé des changements de mode de transport. Mais la révolution numérique implique désormais la disparition du message lui-même ! Nous sommes en divergence économique, c'est-à-dire que notre résultat d'exploitation diminue tandis que le groupe utilise sa trésorerie, qui est négative. Une telle situation s'avère extrêmement préoccupante. Le modèle n'est plus viable et il importe de le transformer profondément.

Cette mutation extrêmement profonde impliquera de gérer l'attrition de l'activité traditionnelle du courrier, le développement du colis, de l'international et de la banque, ainsi que celui de nouveaux territoires qui, contre toute attente, permettent de compenser la disparition des activités traditionnelles de La Poste. L'année 2014 traduit bien cette divergence, au sens où notre résultat d'exploitation a diminué, passant de 769 à 719 millions d'euros. Si nous avons puisé dans notre trésorerie, notre chiffre d'affaires a continué à progresser. Les activités en croissance ont, en chiffre d'affaires, plus que compensé les activités déclinantes ou en situation difficile. La traduction structurelle de ces résultats se fait cependant attendre. Lorsque les nouvelles activités permettront de compenser en résultats comme en trésorerie les activités en déclin, nous aurons changé notre modèle économique. Rendez-vous donc en 2020, car il nous faudra plus que cinq ans pour compenser les chocs répétés chaque année de la baisse du volume du courrier.

La Poste est en recul en l'année 2014, avec un résultat net d'exploitation en baisse, bien que celui-ci ait été soutenu par le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), dont notre entreprise demeure le premier bénéficiaire. Mais 2014 est aussi marquée par une bonne nouvelle : le budget de La Poste s'accroît de 100 millions d'euros, ce qui montre que le plan stratégique a produit ses premiers effets, en matière de revenus et de contrôle des coûts.

Nous sommes entrés dans une dynamique économique de croissance, et la Banque Postale est devenue notre premier métier. En effet, son résultat net est supérieur à celui de la totalité de notre groupe. En matière de financement des collectivités locales, nous avons tenus nos engagements, passés à la fin de l'année 2011 devant votre commission : la Banque Postale est devenue la troisième institution bancaire auprès des collectivités, en leur accordant, en 2014, près de 3,5 milliards d'euros de crédits à moyen et long termes et ce, en moins de deux ans. Nous sommes d'ailleurs devenus le leader auprès des plus petites communes et avons conforté notre expertise en matière de proximité et de ruralité. Votre interrogation a ainsi rejoint notre préoccupation.

Notre filiale Geopost est également en forte croissance. Elle est déjà numéro deux du colis en Europe derrière l'opérateur allemand DHL, que j'espère nous dépasserons grâce à la mise en oeuvre du plan stratégique pour 2020. Nous sommes d'ailleurs leaders en France, qui est notre marché domestique, mais aussi en Espagne, au Portugal, en Pologne depuis l'année dernière, ainsi que numéro deux en Allemagne et au Royaume-Uni. La croissance du développement international est de l'ordre de 13 % par an et bénéficie à l'activité française elle-même puisque les colis que nous collectons au niveau européen profitent aux plateformes françaises. Être plus fort en Europe permet d'attirer plus de flux pour l'ensemble des plateformes logistiques. La poste japonaise a d'ailleurs passé son premier accord international avec Geopost.

Enfin, la transformation d'une entreprise comme La Poste n'a de sens que si elle se fait pour les postiers, qui sont très engagés au quotidien dans le service public et demeurent très appréciés de nos compatriotes. Cette transformation doit être conduite avec eux : c'est pourquoi des discussions ont été engagées avec les six centrales syndicales qui sont consultées lors de cycles durant lesquels j'examine, avec chacune d'elles, le contenu du plan stratégique. Je leur ai rappelé que le modèle économique actuel n'était pas viable, et qu'il fallait le transformer.

Par ailleurs, nous avons négocié ensemble et abouti, le 5 février dernier, à la signature historique de trois accords majoritaires dans notre groupe. Ils portent, d'une part, sur l'accompagnement social induit par la mise en oeuvre du plan stratégique - celui-ci étant signé par les centrales syndicales majoritaires au sein de notre entreprise - et d'autre part, sur la classification et le complément de rémunération concernant la situation des reclassés. Ce dernier accord a été signé par la totalité des syndicats du groupe, à savoir : SUD, la CGT, la CFDT, FO, la CFTC, l'UNSAAF et la CGC. Toutes ces organisations syndicales ont signé par ailleurs l'accord sur les grilles, qui implique leur modification pour les reclassés.

Nous sommes dans une dynamique de dialogue social qui permet de faire de la pédagogie en matière stratégique et reflète notre volonté de dialogue et de contrat. Le 5 février dernier, nous sommes parvenus à un accord majoritaire avec les différentes centrales syndicales, de manière concrète.

La transformation dans laquelle nous sommes engagés représente le défi historique majeur de notre histoire, vieille de plusieurs siècles. Il nous faut transformer radicalement La Poste si nous souhaitons qu'elle poursuive son développement. Nos efforts commencent à payer ; ils sont conduits par l'ensemble des personnels du groupe, à commencer par les postiers eux-mêmes. D'ailleurs, la rationalisation des plateformes logistiques et le regroupement des sept sièges parisiens en un seul reflètent cette logique d'efficience appliquée à tous les niveaux de notre organisation. Cette transformation n'a pas d'autre sens que de servir nos millions de clients, que ce soient des particuliers, des entreprises ou des territoires, et notre pays.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je vous remercie de vos propos, Monsieur le Président, et je passe la parole à mon collègue Philippe Leroy, qui représente le Sénat à la Commission supérieure des postes et des communications électroniques (CSPCE).

M. Philippe Leroy. - Je commencerai mon propos en évoquant un syndicat des fonctionnaires que j'ai reçu, qui se réclame de La Poste et qui s'inquiète du problème des reclassés. Ce syndicat ne semble pas être l'un des signataires des accords que vous évoquiez dans votre présentation...

M. Philippe Wahl, président du groupe La Poste - Je n'ai pas cité dans ma présentation un syndicat extrêmement minoritaire qui se nomme la Confédération nationale des travailleurs (CNT), d'obédience anarchiste. Mais le syndicat que vous évoquez ne me semble pas représentatif au sein de La Poste !

M. Philippe Leroy. - Ce syndicat se voulait représentatif des agents qui avaient refusé le statut proposé lors de la réforme de La Poste.

M. Philippe Wahl, président du groupe La Poste - Cette question des reclassés est très importante, et il convient de la mettre en perspective. En 1991, la « loi Quilès » modifie le statut des postes et des télécommunications. Plus de 90 % des fonctionnaires de La Poste, qui étaient auparavant des fonctionnaires d'État, choisissent de rejoindre un corps de fonctionnaires géré par le groupe. Seule une petite partie des effectifs refuse ce transfert. Dès lors, les deux carrières se suivent sans pour autant se ressembler. Vingt-quatre ans après, ceux qui avaient fait le choix de ne pas suivre les 90 % autres dénoncent la différence de statut alors qu'ils ont opté en ce sens !

Nous essayons cependant d'intégrer, en termes d'équité, les différences de statuts ; nous avons ainsi corrigé les règles de promotion et de passage du statut de reclassé au statut majoritaire. D'ailleurs, le Conseil d'État nous a interdit toute reconstitution de carrière qui aurait conduit à assimiler les deux voies. Nous avons assuré des compléments de variation et d'amélioration de la situation de ces reclassés. Mais il n'en demeure pas moins que la totalité des syndicats représentatifs de notre société a signé l'accord !

M. Ladislas Poniatowski. - A combien de personnes estime-t-on ces personnels restés fonctionnaires de l'Etat ?

M. Philippe Wahl, président du groupe La Poste - Il en reste un peu plus de 3 000 en activité sur 266 000 salariés de La Poste et 122 000 fonctionnaires. Il faut assumer la différence choisie initialement ! Certes, nous nous efforçons de proposer des passerelles entre les deux statuts, mais il nous est impossible d'aller au-delà.

M. Philippe Leroy. - Je souhaitais que ce problème soit évoqué. J'aurai une autre question : quel est le niveau-plancher que vous imaginez pour le courrier ? Enfin, qu'en est-il des compensations de l'État pour les activités d'intérêt général ? L'État a en effet la fâcheuse habitude de ne pas régler aux établissements l'intégralité de ce qu'il leur doit. Aussi, celui-ci va-t-il assurer une compensation intégrale, ou envisagez-vous une participation des collectivités locales ?

M. Yannick Vaugrenard. - La Poste reste un service public et un service rendu au public. Mais La Poste assume également un rôle incontestable en matière d'aménagement de nos territoires. Quelles sont les relations de La Poste avec les acteurs de la vie locale, à l'instar des autres opérateurs comme EDF-GDF, des syndicats intercommunaux, des services de santé, qui font que le métier de postier d'aujourd'hui n'a plus rien à voir avec le métier tel qu'il existait il y a cinq ou dix ans ? En tant qu'élus, nous sommes d'ailleurs souvent sollicités pour transformer un bureau de poste en relai postal ou en agence. Il me semble essentiel que soit assumée une obligation de solidarité territoriale.

Conduire des changements à marche forcée risque de porter atteinte à l'image de marque de La Poste, qui est extrêmement positive. Je me souviens d'une enquête d'opinion qui avait placé les postiers en seconde position parmi les figures les plus positives aux yeux des Français et ce, juste après le boulanger et avant le sapeur-pompier. En outre, le coût réel des timbres s'avère beaucoup plus élevé pour les services de La Poste dans le Cantal qu'en région parisienne. La solidarité tarifaire doit ainsi s'imposer. Ce qui est vrai pour les timbres doit se vérifier pour les agences postales et les bureaux de poste en général.

Par ailleurs, pourriez-vous nous préciser comment s'est opérée la mutation de la poste danoise, que vous évoquiez dans votre intervention ? Enfin, alors que certains parmi nous vont rejoindre tout à l'heure la commission spéciale du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, que pensez-vous de l'idée de faire passer le permis de conduire par les agents de La Poste ?

M. Gérard César. - Nous avons constaté, à l'occasion des échéances électorales de dimanche dernier, la détresse du monde rural, qui voit ses bureaux de poste fermer ou être réorganisés avec des horaires qui ne sont pas toujours adaptés. Dans le cadre de votre plan stratégique, comptez-vous poursuivre le réaménagement de ces bureaux, le développement des agences postales ainsi que les relais-postes ? Les montants des retraits d'argent dans ces relais nous semblent notoirement insuffisants ; comment comptez-vous remédier à cette situation ? Enfin, s'agissant de la Banque Postale, quel est son résultat ?

M. Roland Courteau. - La Poste est certes en grande mutation, mais de graves difficultés demeurent quant à l'acheminement et à la distribution du courrier. J'en ai éprouvé, personnellement, les vicissitudes dans mon département de l'Hérault, à l'occasion des toutes dernières échéances électorales puisque certaines convocations à des réunions, adressées en temps et en heure, n'ont jamais été distribuées ! Par ailleurs, les locaux de La Poste ne sont plus adaptés en termes d'accessibilité et de confidentialité. Un plan d'investissement est-il prévu pour les adapter aux besoins des usagers ? Enfin, les retours qui nous parviennent sur la situation des reclassés ne nous paraissent pas du tout enthousiastes...

M. Philippe Wahl, président du groupe La Poste - L'évolution à long terme du courrier amène à s'interroger sur le moment où son déclin s'arrête. Celle-ci peut être comprise de deux manières. À la lueur du pays le plus avancé dans le secteur postal que sont les États-Unis d'Amérique, précurseurs en ce domaine, la baisse du courrier est continue. Jusqu'où ira-t-elle ? Il m'est impossible d'y répondre. Je pense toutefois que dans la société numérique de demain, l'encombrement des boîtes à e-mails sera tel que ce service de remise d'un objet ou d'un message à domicile demeurera, mais devra être beaucoup plus onéreux. Si son déclin est réel, je pense ainsi que le courrier continuera d'exister, notamment via l'essor prévisible du marketing direct, qui permet de susciter l'attention de clients tendant à ne plus lire les messages électroniques.

Les Danois ont massivement redéployé leurs effectifs et fait de leur poste un moteur du changement numérique. Une telle démarche, qui vise à établir la confiance des usagers dans le numérique, devrait également nous inspirer en France.

S'agissant de la solidarité territoriale, La Poste a décidé de confirmer le maillage des 17 000 points de contact. Certes, certaines situations ne sont pas satisfaisantes et il convient de privilégier la recherche de solutions locales aux problèmes qui se posent localement. Néanmoins, la réduction des horaires dans nos points de contact est consécutive à la baisse de leur fréquentation. En outre, les transformations des bureaux de poste vont continuer, mais de nouvelles formes d'implantations de La Poste devraient prochainement intervenir en zones rurales : le facteur-guichetier, qui assurera l'ouverture d'un guichet à mi-temps afin de garder un ancrage local pour l'emploi et l'activité - leur nombre devrait atteindre le millier d'ici 2017 - et les maisons de service au public, dont l'ouverture a été décidée à l'automne dernier, lors de la réunion des présidents des commissions départementales de présence postale territoriale, afin de favoriser la mutualisation des services. De ce point de vue, les relations de La Poste avec l'Association des maires de France (AMF) demeurent essentielles. Nous avons signé début 2014 un accord tripartite impliquant également l'État. Les maisons de service au public interviennent ainsi au moment où l'ensemble des opérateurs, qu'ils soient publics ou privés, organisent la réduction de leur présence physique sur le territoire.

La Poste ne suivra pas une telle démarche et maintiendra ses 17 000 points de contact, qui représentent un coût annuel de 4,2 milliards d'euros. Nous invitons à l'inverse les opérateurs à nous rejoindre et à bénéficier de nos prestations, qui peuvent également être monétaires. La Poste peut ainsi devenir à la fois le réseau des 17 000 points de contact prévu par la loi, et le réseau secondaire de tous ces opérateurs. Notre engagement est d'ouvrir, si les relations de confiance nouées avec l'État, les collectivités territoriales et les différents opérateurs se maintiennent, 1 000 maisons de service au public d'ici la fin 2016. Car l'ouverture de ces nouvelles entités, et la mutualisation des services à laquelle elle a pour vocation de donner lieu, devraient nous permettre d'augmenter leur fréquentation. Celle-ci est nécessaire au maintien du réseau de La Poste, qui est le plus vaste de l'Union européenne. À cet égard, nous pourrions devenir, à terme, le réseau secondaire de la Mutualité sociale agricole (MSA) dans les espaces ruraux les plus isolés.

Dans nos orientations stratégiques, il est prévu que nous participions à la modernisation de l'action publique. Les facteurs, par leur mobilité, ou les guichetiers, par leur présence, peuvent contribuer à l'action publique. Ceux-ci n'ont pas vocation à faire passer le permis de conduire. Mais si le projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques est adopté, nous comptons mettre à profit l'expérience de notre filiale Mobigreen. Celle-ci a formé à la conduite écologique, facteur d'une baisse significative de la consommation de carburant, nos 90 000 facteurs, qui se sont vus remettre un certificat. Ce que nous avons fait pour nous, nous sommes bien évidemment capables de le faire pour les autres. Lorsque les ministres de l'économie et de l'intérieur nous ont interrogés, nous avons proposé notre savoir-faire pour réduire drastiquement les délais de passage de l'examen du code et, le cas échéant, pour assurer l'examen pratique. Nous disposons de l'ensemble des moyens nécessaires à la réussite de cette mission. Notre démarche, si elle venait à aboutir, permettrait de réduire les délais auxquels sont exposés les jeunes actifs et d'augmenter le chiffre d'affaires pour La Poste. Nous recherchons ainsi de nouvelles activités.

Les travaux dans le réseau rural vont continuer, en privilégiant l'accessibilité pour les handicapés et en tirant parti de l'aménagement des futures maisons de service au public.

Toute l'évolution du métier des postiers se fait en accord avec eux, puisqu'ils ont compris qu'il fallait s'adapter. Le soutien des sept syndicats représentatifs au sein de notre groupe à l'accord de février dernier est de ce point de vue essentiel, même si, çà et là certaines divergences peuvent s'exprimer.

S'agissant des compensations par l'État, La Poste assume quatre missions de service public fixées par la loi, en conformité avec la réglementation européenne. Il s'agit de l'aménagement du territoire, de l'accessibilité bancaire, du service public du transport de la presse et du service universel postal. Chacune de ces missions de service public a, en janvier 2013 et juillet 2014, fait l'objet d'une décision publique et explicite de la Commission européenne, qui en a validé la légitimité et indiqué qu'elles n'étaient pas surcompensées. Elles sont, dans les faits, sous-compensées. Ainsi, le port de la presse coûte à La Poste plus de 350 millions d'euros, en sus de la compensation de l'État. Ceci car le prix du journal ne couvre pas les frais occasionnés par son acheminement dans les zones les plus reculées. En revanche, la situation actuelle de l'accessibilité bancaire est satisfaisante et La Poste négocie avec l'État une prolongation pour les années à venir.

Concernant l'aménagement du territoire, nous bénéficions d'une compensation, que vous avez votée, d'une partie de la taxe à la valeur ajoutée (TVA). Selon l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP), elle devrait s'élever à 250 millions d'euros, alors qu'elle n'atteint que 180 millions d'euros. Aussi il est essentiel que tous les acteurs s'engagent au maintien de ce réseau postal local, car seule la fréquentation des bureaux de poste peut, à long terme, légitimer notre présence territoriale.

La régularité de la distribution du courrier est suivie chaque semaine par un institut de sondage indépendant. Les statistiques montrent que la qualité de service sur la lettre rouge est au-dessus de l'objectif qui nous est fixé - à 87 %, lorsque l'objectif de service public est à 85 % -, tandis que nous sommes tout prêts de l'objectif pour les lettres vertes. Que se passe-t-il au niveau local ? Aujourd'hui, à 14 heures, nous aurons distribué 85 millions d'objets et on ne parlera que de la petite centaine d'objets qui aura posé problème ! La différence entre la perception individuelle et les statistiques en est la cause. Les problèmes rencontrés localement doivent se résoudre au niveau local.

M. Michel Le Scouarnec. - La Poste et l'école ont joué un rôle essentiel dans la construction de notre République. N'oublions pas, au-delà des chiffres commerciaux et des résultats d'activité, le sens de la proximité qui a, depuis son origine, caractérisé La Poste dans ses relations avec les usagers. Assurons la mise en oeuvre de cette proximité pour que le service public demeure, y compris dans des territoires qui se sentent abandonnés ! Même s'il y a moins de courriers, il ne faut pas que cette baisse affecte la qualité du service rendu.

M. Gérard Bailly. - Nous souhaitons tous ici la pérennité de La Poste ! La Banque Postale et son accompagnement des communes de moins de 2 000 habitants ont toujours été soutenus par le Sénat. Dans mon département, je constate que l'acheminement de la publicité est assuré par d'autres porteurs que les facteurs et je ne peux que m'interroger sur les conséquences économiques et écologiques de cette situation. Par ailleurs, je souhaite que La Poste travaille davantage avec les filières, notamment agricoles, comme celle du fromage de Comté pour ce qui me concerne. Un tel partenariat permettrait d'en diminuer le prix de vente auprès des consommateurs, qui pourraient ainsi s'approvisionner directement auprès des coopératives. Cette démarche pourrait être dupliquée pour de nombreuses filières.

M. Ladislas Poniatowski. - Vous nous avez indiqué que vos 17 000 points de contact vous coûtaient 4,2 milliards d'euros. Aucun n'est-il rentable ?

Ma question porte sur le développement de l'énergie issue de l'hydrogène pour les véhicules, que j'étudie actuellement avec le groupe d'études sur l'énergie que je préside. Nous vous avons sollicité à ce sujet et n'avons reçu, à ce jour, aucune réponse de votre part. Alors que vous renouvelez périodiquement votre flotte de véhicules, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) s'est déclarée prête à vous soutenir pour adapter des réservoirs spécifiques et implanter des recharges à hydrogène. Quel est votre avis sur cette démarche ?

M. Franck Montaugé. - La Poste semble vouloir s'engager dans la filière émergente de la « silver économie », en s'appuyant sur les relations que peuvent nouer vos postiers avec les personnes âgées en milieu rural, voire très rural, qui sont souvent isolées. Je me pose la question de la compatibilité de l'action de vos personnels vis-à-vis de ces usagers avec les dispositions réglementaires qui régissent notamment l'action sociale, voire médico-sociale. Ce type d'activités nouvelles peut aussi induire de réelles incidences sur les opérateurs existants. Comment les prestations de La Poste, qui sont ainsi vouées à évoluer, vont-elles être tarifées ?

M. Philippe Wahl, président du groupe La Poste - La Poste s'efforce de conduire le mieux possible les missions de service public qui lui ont été confiées par le législateur. Pour preuve de sa singularité, elle a d'ailleurs créé trois nouvelles missions d'intérêt public que sont le tiers de confiance numérique, la transition énergétique et la modernisation de l'action publique, qui concerne à la fois le maillage rural et les zones sensibles urbaines sensibles (ZUS). Que La Poste assure à la fois un service public et des activités grand public s'inscrit dans l'héritage qui est le sien. Par ailleurs, la prochaine étape du développement de la Banque Postale concerne le soutien aux professionnels et aux très petites entreprises (TPE), qui devraient trouver, d'ici à 2020, mille conseillers bancaires dans notre réseau.

S'agissant de la distribution des imprimés publicitaires, celle-ci est soumise à la concurrence de deux acteurs : La Poste et Adrexo. Certes, une telle concurrence peut avoir des conséquences environnementales défavorables, mais elle tire également les prix vers le bas.

Le travail avec les filières est important pour La Poste. Pour preuve, le travail de Chronopost à Bordeaux avec la fédération des vins du Bordelais pour élaborer des emballages spéciaux en vue d'assurer l'envoi de bouteilles en France et vers l'international. Je serais ainsi ravi de voir de nouveaux produits participer à ce développement.

Lorsque je mentionnais le coût de notre réseau, qui s'élève à 4,2 milliards d'euros, celui-ci génère naturellement des revenus ! Mais l'ARCEP nous rappelle que l'existence d'un tel réseau n'est pas justifiée d'un point de vue strictement économique et que l'écart entre le réseau réel et sa version idéale justifie la compensation. L'optimisation de ce réseau requiert la mobilisation de tous !

Nous avons déjà des véhicules postaux à hydrogène qui fonctionnent. Deux bases d'expérience se trouvent à Lons-le-Saulnier et à Dole, dans le département du Jura. Nous allons regarder cette nouvelle technologie ; le déploiement de tels véhicules requiert le financement de l'ADEME et de l'Union européenne. Toutefois, la compression de l'hydrogène, préalable à son injection, oblige à se doter d'un compresseur et d'un autoclave, qui sont sources de dépenses supplémentaires. La Poste est acquise aux nouvelles technologies, comme en témoigne son parc de 6 000 véhicules électriques unique au monde !

La transition énergétique est très importante à nos yeux, comme en témoignent trois de nos réalisations. La première concerne la mobilité électrique en milieu urbain. La seconde vise à faire de nos facteurs des acteurs engagés dans la rénovation thermique des habitats à l'origine de gaspillages énergétiques dont ils sont en mesure d'identifier les adresses au gré de leur tournée. La troisième, enfin, concerne la gestion énergétique de nos bâtiments, qui représentent 6 millions de m; elle est à l'origine d'un savoir-faire dans la rénovation thermique et la transition énergétique susceptible de bénéficier à d'autres.

La Poste est en effet présente dans la « silver économie » et entend se développer dans ce domaine. Notre service « bonjour facteur » est pour le moment avant tout relationnel, quand bien même il n'y aurait pas de courrier à distribuer. Un tel service va devenir essentiel en France dans les vingt prochaines années. Certes, des problèmes de responsabilité se posent et la prestation se limite à une dimension humaine, le facteur n'ayant pas vocation à se substituer au médecin ou à l'aide-soignante. Par contre, nous réfléchissons à lier des relations et au développement conjoint de prestations avec des réseaux de soins. Il nous faudra répondre à la croissance exponentielle du nombre de personnes âgées et très âgées ; la création d'une filiale de La Poste, travaillant en partenariat avec les opérateurs de santé, pourrait s'avérer adaptée. Elle s'adosserait sur notre réseau de proximité et de confiance pour rendre de nouveaux services. D'ailleurs, les personnels du groupe interrogés sur l'opportunité d'une telle démarche s'en sont dits convaincus.

Cette prévalence du partenariat s'exprime pleinement dans nos relations avec la MSA, qui est certainement l'un des acteurs de notre pays qui connait le mieux le vieillissement et la ruralité. Aujourd'hui, nous avons signé un partenariat pour accueillir ses affiliés, et demain ce sera peut-être pour créer une filiale commune destinée à proposer des services de prévention ou de santé aux aînés, qui seront en croissance considérable. La Poste a donc un intérêt à la fois économique et en termes de cohésion des territoires à prendre en compte la mutation démographique de la population française.

La tarification de tels services, qui ne s'inscrivent pas dans nos quatre missions de service public, dépendra de nos relations avec nos partenaires. Ce seront des prestations qui bénéficieront d'un service sous-jacent. Ni les coûts marginaux, ni les coûts moyens ne seront, en définitive, retenus comme critères. Enfin, ces nouveaux services ne manqueront pas de transformer à la fois l'image et les métiers du groupe La Poste. Cette mutation est engagée et peut ainsi recevoir deux sources de financement, en provenance soit des collectivités territoriales, soit des familles, qui peuvent avoir un intérêt réel à assurer le maintien à domicile de leurs aînés.

M. Daniel Gremillet. - La Poste est le seul opérateur dont les personnels parcourent l'ensemble du territoire six jours sur sept. La France est en retard sur la question du vieillissement. La directrice de l'agence régionale de santé (ARS) compétente pour mon département m'indiquait d'ailleurs que la mauvaise médicalisation des personnes âgées dans leur domicile représentait un enjeu considérable et induisait de réelles conséquences économiques. Par ailleurs, je trouve excellente l'idée d'utiliser la couverture territoriale de La Poste pour réaliser le diagnostic énergétique du bâti. Aussi, comment concevez-vous le développement des services payants que vous allez mettre en oeuvre ?

J'en reviens à votre métier de départ. Il faut être réaliste et ce n'est pas parce qu'un bureau de poste ferme que le service disparaît. D'ailleurs, dans ma région Lorraine, nous avons créé les premiers points-relais de La Poste. Serait-il possible d'améliorer la performance de délivrance des courriers recommandés, qui ne se fait plus le jour même, mais plutôt le lendemain ?

M. Bruno Sido. - Sur les trois secteurs d'activité, si je vous comprends bien, deux secteurs sont positifs, à savoir les colis et la banque, et le secteur courrier connaît une décroissance. Comment votre plan stratégique va-t-il permettre au courrier de redevenir une activité rentable ? La distribution du courrier un jour sur deux pourrait-elle être une solution ?

M. Marc Daunis- À vous entendre, on pourrait penser que, dans ce monde libéralisé à outrance, le postier incarne désormais le nouveau « hussard de la République » qui va assumer les dernières missions de service public sur l'ensemble du territoire. Cependant, les 17 000 points de contact relèvent de la loi et représentent autant d'atouts pour La Poste ; ils ne peuvent par conséquent être présentés que sous la seule logique financière. La culture de La Poste est liée au service public et je crains que cet acquis ne s'affaiblisse au profit d'une banalisation de la culture d'entreprise.

Par ailleurs, la longueur des tournées a considérablement augmenté même si le poids des sacoches tend à se réduire. En outre, j'ai toujours été frappé lors des auditions avec les présidents successifs de La Poste de l'écart entre les propos qui y sont tenus et l'expérience des personnels et des usagers sur le terrain au quotidien. Je reçois d'ailleurs des messages de maires qui, dans ma circonscription, ne reçoivent aucune information de votre groupe quant au devenir de leur bureau de poste. Comment comptez-vous renforcer la concertation avec les élus locaux ?

En outre, les vicissitudes que décrivait précédemment notre collègue Roland Courteau dans son département se retrouvent également dans ma circonscription où certains candidats, en période électorale, choisissent par conviction La Poste pour acheminer leurs documents de campagne et ne reçoivent pas le service dont ils ont au préalable acquitté le coût. La confiance avec votre groupe est altérée par de tels incidents, qui ne sont pas sans poser par ailleurs un problème démocratique.

Enfin, l'accord sur les personnels reclassés, en date du 5 février 2015, est loin de faire l'unanimité au sein de vos effectifs. J'ai adressé à cet égard une question au ministre de l'économie, que je souhaitais vous adresser directement : nous confirmez-vous, Monsieur le Président, le rattrapage qui se solde par 5 points d'indice, soit 25 euros bruts, par rapport aux respectivement 17 et 12 années de blocage de carrière pour les anciens des PTT et de France Télécom ? En outre, le Comité européen des droits sociaux a évoqué une discrimination par rapport à ce non-rattrapage des carrières et le Conseil d'État a, quant à lui, évoqué une inégalité fautive.

Mme Anne-Catherine Loisier. - La présence territoriale de La Poste est bel et bien un atout. Je regrette cependant que ce capital-confiance soit érodé à l'occasion de la fermeture de certains bureaux de postes en zone rurale sans que ne soient informés les usagers. Ne négligez pas ce travail de proximité et de confiance !

M. Alain Chatillon. - Avec les résultats financiers qui sont les vôtres, pourquoi devez-vous puiser dans votre trésorerie ? Combien de dividendes distribuez-vous ?

M. Philippe Wahl, président du groupe La Poste - 170 millions d'euros.

M. Alain Chatillon. - Mon souci est calculer la différence entre ce que l'État vous apporte et ce que vous lui rapportez comme dividendes !

M. Michel Houel. - Si La Poste a évolué durant ces dernières années, les élus ont également changé depuis les débats qui ponctuèrent la loi de modernisation postale. Il nous incombe, à nous élus, d'expliquer la chance qu'ont nos concitoyens de bénéficier d'un tel réseau postal.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Avant de me rendre à la réunion de la commission spéciale constituée à l'occasion de l'examen du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, je tenais, à mon tour, à vous livrer quelques remarques. J'aimerai, d'une part, obtenir votre réaction sur le contenu du dernier rapport de la Cour des comptes sur La Poste, s'agissant notamment de la rémunération de ses dirigeants, la gestion des ressources humaines et la couverture sociale des postiers.

Je partage l'opinion exprimée quant à votre regard lucide, pertinent et prospectif du devenir de votre groupe. Au plan local, chacun peut témoigner que les postiers sont des gens extraordinaires. Mais on ne saurait occulter certaines réalités, comme l'attitude non coopérative de certains agents, que leur hiérarchie passe sous silence. Ainsi, en période électorale, certains plis, confiés et payés à l'avance, ne sont jamais distribués ou abandonnés aux intempéries dans certains endroits, comme dans ma propre circonscription. Il m'importait de vous en informer Monsieur le Président.

En outre, imposer la pause méridienne aux postiers a été, dans mon département, la source de nombreux dérèglements. Une telle mesure me paraît manquer de souplesse et ne prend pas en compte les réalités locales.

Enfin, la distribution de colis par Chronopost me paraît devoir être améliorée car, en cas d'absence, il faut bien souvent aller les récupérer dans une plateforme parfois distante de plusieurs dizaines de kilomètres des domiciles ! Quelle solution proposez-vous face à une telle situation ? Je cède mon siège à mon collègue Gérard César, premier vice-président.

M. Philippe Wahl, président du groupe La Poste - La proximité est bel et bien un élément clé de notre compétitivité et de notre avenir. Pour moi, le postier est le héros de la proximité et La Poste est le seul opérateur capable d'apporter un service humain pour tous et partout sur le territoire six jours sur sept. Cette proximité est même fondatrice de notre identité, et les coûts ainsi que les revenus n'ont de sens que pour assurer sa pérennisation.

La Poste a ainsi initié plus d'une centaine de nouvelles expériences de proximité impliquant une bonne vingtaine de services. Je revendique, à cet égard, l'idée d'une expérimentation « tous azimuts » car nous nous trouvons dans une sorte de laboratoire en direct de la transformation postale. D'autres services peuvent ainsi être mis en oeuvre, comme le relevé de compteurs ou la livraison de courses lors de la tournée du courrier dans les territoires ruraux, comme celle que nous expérimentons actuellement dans le Jura. À la fin de cette année, nous serons en mesure de tirer un premier bilan de ces expériences initiées en 2013 et de choisir celles qui seront développées. Je sens, à cet égard, la possibilité du développement entrepreneurial des services destinés aux personnes âgées et nous avons noué des contacts avec les ARS sur cette question.

L'équilibre entre nos trois principales filières - le courrier, les colis et la banque - s'inscrit dans la durée. Lorsque M. Jean-Paul Bailly est devenu président de La Poste en 2002, les postiers étaient au nombre de 320 000, puis de 267 000 en 2013, avant d'atteindre désormais le nombre de 260 000. Nous avons géré la baisse des effectifs.

Pourquoi ne pas passer la distribution à un jour sur deux ? Pour la simple raison que réduire ainsi notre acheminement du courrier remettrait en cause le service universel postal que définissent les directives européennes transposées dans la loi française. En outre, le passage quotidien de La Poste sur l'ensemble du territoire national, sur lequel s'appuient les différents services et prestations que nous avons mis ou comptons mettre en oeuvre, serait remis en cause. Il faut cependant que ces nouveaux services donnent du sens, à l'horizon d'une dizaine d'années, à la proximité continue de La Poste.

C'est là tout l'enjeu du plan stratégique : il importe ainsi que les nouveaux services permettent de compenser, à terme, la baisse continue du courrier. En outre, si le nombre de kilomètres à parcourir demeure le même, celui des boîtes à lettres a tendance à croître. Cette tendance n'est pas spécifique à la France et s'est traduite, dans les autres pays, par une baisse concomitante de la qualité du service et de la fréquence de la distribution du courrier. Nous essayons, à l'inverse, d'assurer la continuité du service universel postal.

Nous ne demeurons pas inertes quant à l'adaptation des effectifs à ces nouvelles missions. Celle-ci est inévitable puisque le chiffre d'affaires du groupe est en baisse.

Par ailleurs, la question de la culture est fondamentale. En effet, ce qui fait la force de la proximité réside dans l'engagement, qui va au-delà de la simple présence physique. En tant que président de La Poste, j'ai en tête ce sujet de l'identité culturelle du groupe en permanence ! Nous sommes ainsi fidèles à l'héritage du service public et à l'histoire de La Poste. Mais nous pensons que dans la société numérique de demain, il nous faudra inventer de nouveaux services d'intérêt général.

Il importe également que vous nous signaliez les dysfonctionnements existants, afin que nous puissions y remédier.

La question des dividendes est culturelle. La Poste doit, d'une part, continuer à assumer ses missions de service public et, d'autre part, convaincre ses postiers qu'elle est une entreprise comme les autres. Dès lors, le paiement de dividendes est la contrepartie des gains qu'une entreprise peut réaliser. Cependant, alors que l'Etat et la Caisse des dépôts et consignations (CDC) auraient pu exiger, conformément aux stipulations du contrat que nous avons signé avec eux, une somme de 220 millions d'euros, les actionnaires ont accepté de n'en recevoir que 170, afin de soutenir notre redéploiement stratégique. Nous devons ainsi convaincre que si notre entreprise n'est pas en mesure de rétablir sa trésorerie, elle ne sera pas capable de mener à bien sa transformation.

La rémunération fixe des 400 principaux dirigeants de notre groupe a été bloquée depuis ces deux dernières années. Tout le monde doit ainsi faire un effort pour transformer l'entreprise.

S'agissant des reclassés, le Conseil d'État a bel et bien insisté sur le fait qu'il ne saurait y avoir de reconstitution de carrières dès lors que la loi a laissé initialement aux intéressés le choix. L'indice terminal de la carrière a été augmenté de cinq points, ce qui représente vingt-sept euros qui bénéficient immédiatement aux salariés et qui seront intégrés dans le calcul des pensions de retraite. La situation économique du groupe ne permettait pas de donner plus !

M. Marc Daunis. - Le Conseil d'État n'a-t-il pas souligné qu'il s'agissait d'une inégalité fautive ?

M. Philippe Wahl, président du groupe La Poste - Non, mais le juge administratif nous a interdit de procéder à la reconstitution des carrières. Je vous adresserai un complément d'information sur ce point.

Par ailleurs, la pause méridienne doit être organisée au niveau local.

S'agissant enfin des échecs de distribution, il faut que nous parvenions à ce que le bureau de poste localement compétent se voit attribuer les colis acheminés par Chronopost, en cas d'absence de leurs destinataires. Plus globalement, sur les colis, nous suivons une démarche triple : d'une part, prévenir, comme l'expérimente à présent notre filiale anglaise, par texto ou courriel les clients de l'horaire de distribution des colis. D'autre part, laisser aux clients toute latitude pour décider d'un autre lieu de livraison que leur domicile, en cas d'absence, ce dispositif devant prochainement être généralisé. Enfin, nous entendons développer un immense réseau de consignes connectées, en commençant par les gares du réseau RER et les stations dans les grandes villes. En outre, nous expérimentons actuellement à Angers une forme dissociée de distribution qui se répartit entre, d'une part, le courrier pour les entreprises et les particuliers le matin et, d'autre part, les lettres recommandées et les colis le soir. Une telle répartition, qui permet de faire chuter le taux d'instance de 14 à 3 % puisque les usagers se trouvent davantage à leur domicile, suscite l'assentiment des postiers. La diffusion de ce modèle de distribution à toutes les villes moyennes et les métropoles est pour l'heure à l'étude, mais il est vrai que celui-ci n'est pas adapté aux territoires ruraux.

Nous allons également étudier si la réduction de la présentation, au bureau de poste, des courriers en recommandé, est possible. Il importe, à mon sens, de privilégier la restitution de ces courriers et des colis à proximité du domicile de leurs destinataires.

M. Gérard César, président. - Monsieur le Président, je vous remercie, au nom de notre commission, pour votre intervention et vos réponses à nos questions.

La réunion est levée à 12 h 10