Mercredi 15 juillet 2015

- Présidence de M. Hervé Maurey, président-

Deuxième dividende numérique et poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre - Examen du rapport pour avis

La réunion est ouverte à 9 heures.

M. Hervé Maurey, président. - Notre commission a demandé à être saisie pour avis de la proposition de loi relative au deuxième dividende numérique et à la poursuite de la modernisation de la télévision numérique terrestre (TNT), car la couverture numérique du territoire est une de nos préoccupations majeures et ce texte est un bon vecteur pour en réaffirmer le caractère prioritaire. Nous devons rappeler au gouvernement qu'il doit en faire une priorité dans ses relations avec les opérateurs. La commission de la culture a été saisie au fond ; le texte sera examiné en séance publique le 22 juillet, moins d'un mois après son adoption par l'Assemblée nationale dans le cadre de la procédure accélérée - signe de l'impatience, voire de la précipitation du gouvernement...

Je cède la parole à notre collègue Patrick Chaize, spécialiste reconnu de cette question et président de l'Avicca (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel), pour son premier rapport.

M. Patrick Chaize, rapporteur. - Notre commission s'est saisie pour avis de cette proposition de loi qui accompagne le transfert de la bande de fréquences 700 MHz, aujourd'hui affectée à l'audiovisuel, vers l'Internet mobile. L'expression « dividende numérique » désigne la libération de certaines bandes de fréquences radio pour de nouveaux usages, du fait du passage de la télévision analogique à la TNT. Les fréquences de cette bande sont parfois appelées « fréquences en or » car leurs propriétés physiques permettent aux ondes de se propager sur un territoire plus important et de mieux pénétrer à l'intérieur des logements. La définition de leurs conditions d'utilisation par les opérateurs présente par conséquent des enjeux importants pour l'aménagement numérique du territoire et l'amélioration de la couverture mobile. C'est une occasion à saisir pour lutter contre la fracture numérique.

Les fréquences radio étant des ressources rares, qui appartiennent au domaine public de l'État, la loi prévoit qu'elles font l'objet d'autorisations d'utilisation attribuées après appel à candidatures. Le cadre de cette procédure et les obligations imposées aux opérateurs lauréats sont fixés par le ministre chargé des communications électroniques, sur proposition de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep).

S'agissant du réseau 2G, la couverture de la population demeure incomplète. Un programme national de résorption des zones blanches a été mis en oeuvre à partir de 2003, mais certaines communes du programme ne sont toujours pas couvertes, tandis que certaines communes non couvertes ne sont pas intégrées au programme actuel. Il est insupportable qu'en 2015 certains de nos concitoyens soient isolés de toute communication mobile, en plus des autres inégalités territoriales dont ils peuvent pâtir.

En matière de 3G, la situation est encore plus insatisfaisante : plus de 2 200 communes ne sont toujours pas couvertes. En 2010, les trois principaux opérateurs commerciaux, rejoints ultérieurement par Free, s'étaient engagés par un accord collectif à couvrir en 3G l'intégralité des communes situées en zone blanche 2G avant la fin 2013. À ce jour, à peine un tiers de l'accord a été mis en oeuvre. Les communes concernées sont privées d'Internet mobile, voire, pour nombre d'entre elles, d'un haut débit fixe de qualité. Le risque de voir des territoires et des citoyens isolés augmente, alors que le développement des usages rend chaque jour plus pénalisante l'absence d'accès Internet de qualité.

Les licences dans la bande 800 ayant été attribuées en 2012, la couverture en 4G est logiquement inachevée. La progression des déploiements a été plus rapide que prévue : fin 2014, 70 % de la population est couverte par un réseau 4G. C'est positif. Toutefois, ce déploiement rapide en zone dense, ne préjuge en rien de la couverture des territoires moins denses, donc moins rentables pour les opérateurs. La zone de déploiement prioritaire n'a de prioritaire que le nom : elle correspond, de fait, aux territoires qui seront couverts plus tard...

Face à ce constat et aux revendications légitimes de nos concitoyens, le gouvernement s'est enfin décidé à réagir. À la suite du comité interministériel aux ruralités de mars dernier, des dispositions ont été insérées dans le projet de loi sur la croissance et l'activité pour compléter et achever le programme de résorption des zones blanches 2G d'ici la fin 2016, transformer l'accord 3G entre opérateurs en programme obligatoire à mettre en oeuvre d'ici la mi-2017, et améliorer la couverture hors centre-bourg en aidant les collectivités à financer des points hauts. Si ces nouvelles dispositions vont dans le bon sens. Il faudra toutefois faire preuve de vigilance sur leur mise en oeuvre.

À cet état des lieux insatisfaisant s'ajoute la problématique, plus générale, des mesures de la couverture mobile. Les cartes de couverture des opérateurs et les critères visant à évaluer le respect des obligations réglementaires ne correspondent pas à l'expérience réelle de nos concitoyens. En théorie, 99,9 % de la population est couverte par la téléphonie mobile 2G. Or on rencontre ce 0,1 % restant partout ! Il ne suffit pas d'être dans une commune couverte pour avoir accès au réseau, tout comme un accès théorique ne garantit pas une qualité de service acceptable. La connaissance précise de la situation pour les réseaux de différentes générations est la condition sine qua non d'une mise en oeuvre pertinente des actions de résorption des zones blanches.

L'article 8 bis de la proposition de loi, inséré à l'Assemblée nationale, reprend les dispositions de la loi du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique, proposée par Xavier Pintat, pour l'attribution, à l'époque, de la bande de fréquences des 800 MHz. Ces dispositions encadrent le contenu du cahier des charges défini par l'Arcep pour la mise aux enchères des fréquences, en imposant une prise en compte prioritaire de l'aménagement numérique du territoire dans la définition des obligations de déploiement. Ces fréquences ayant vocation à être utilisées pour déployer le réseau 4G, mais également pour un futur réseau 5G, les obligations de déploiement et leurs échéances seront décisives pour l'inclusion numérique de tous les territoires.

Compte tenu du calendrier très resserré retenu par le gouvernement, ce cahier des charges a déjà été défini et approuvé par le ministre de l'économie et la secrétaire d'État chargée du numérique. Je crains que la préoccupation d'aménagement numérique du territoire soit victime de cette précipitation. Tout d'abord, le cahier des charges ne tient pas compte de la possession simultanée de fréquences dans la bande des 800 et dans la bande des 700 pour définir le calendrier des déploiements. S'il est compréhensible que les objectifs puissent être atteints indistinctement dans une bande ou dans l'autre, ne pas prévoir d'échéances rapprochées pour les opérateurs concernés revient à renoncer à une opportunité d'accélérer la couverture en 4G, et ultérieurement en 5G, de nos territoires. Une telle possibilité, envisagée lors de la consultation menée fin 2014, a été abandonnée face à l'opposition attendue des opérateurs et malgré les attentes légitimes des collectivités territoriales. Le calendrier des obligations dans la bande 700 a lui aussi été infléchi dans un sens favorable aux opérateurs.

Enfin, l'obligation, très générale, de couverture des trains du quotidien imposée aux opérateurs lauréats devra être précisée. Il serait plus pragmatique de circonscrire l'obligation en matière de réseau ferroviaire et de prévoir en contrepartie de cet assouplissement une échéance plus rapprochée pour la couverture du territoire, et notamment de la zone de déploiement prioritaire.

Mes regrets ne portent pas tant sur le texte que sur le processus dans lequel il s'inscrit. Les modalités retenues en matière d'aménagement numérique manquent d'ambition. Je crains que le gouvernement, en se précipitant, ne manque une occasion : une telle opportunité ne se représentera pas avant 2030, compte tenu du choix, par ailleurs discutable, de sanctuariser les autres bandes de fréquences affectées à l'audiovisuel jusqu'à cette date. En réalité, la seule urgence qui s'impose à ce texte est d'ordre budgétaire : le gouvernement attend 2,5 milliards d'euros de la vente des autorisations d'utilisation de fréquences, afin d'assurer le financement du budget de la Défense. Selon les opérateurs mobiles, l'utilisation de nouvelles fréquences pour faire face à l'augmentation du trafic de données mobiles ne sera pas nécessaire avant plusieurs années. Une mise aux enchères plus tardive aurait permis de mieux valoriser le domaine public de l'État et d'analyser plus finement les options possibles en matière d'aménagement numérique. La précipitation risque d'être contre-productive pour le développement de la 4G comme de la future 5G.

L'article 8 bis, ajouté à l'Assemblée nationale à l'initiative de Corinne Erhel, généralise la prise en compte des impératifs d'aménagement numérique du territoire dans la définition des obligations de déploiement pour toute bande de fréquences utilisées précédemment pour la diffusion de la TNT. Cette disposition reprend un amendement déposé par Bruno Retailleau lors de l'examen du projet de loi pour la croissance et l'activité. Dès lors que les réserves exprimées portent sur la mise en oeuvre réglementaire de ce principe, je vous propose un amendement prévoyant la saisine obligatoire de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques (CSSPPCE), instance où la présence parlementaire est significative, afin que les élus soient davantage associés au processus.

Il est essentiel que notre commission appuie cette priorité, en séance publique et dans le cadre du groupe de travail sur l'aménagement numérique du territoire.

M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie. Notre groupe de travail sur l'aménagement numérique du territoire, auquel Patrick Chaize participe activement, fera connaître ses propositions au mois d'octobre.

Nous constatons l'écart entre la théorie - les chiffres affichés de taux de couverture - et la réalité : les méthodes de mesure ne sont pas satisfaisantes, et la manière dont l'Arcep répertorie les communes couvertes laisse rêveur.

Je me réjouis néanmoins que le gouvernement rouvre le dossier de la téléphonie mobile, alors que le programme de résorption des zones blanches s'est officiellement clos avec des zones restées sans couverture, comme l'Arcep et l'Agence nationale des fréquences l'ont constaté. Depuis lors, on se regardait en chiens de faïence, les opérateurs ne voulant pas se charger de la couverture, même si la collectivité est prête à financer un pylône... Le dossier est donc rouvert ; j'espère que cela suffira, parce qu'il subsiste de nombreuses incertitudes sur le rythme, le financement et les obligations des opérateurs. Une vigilance particulière s'impose, et nous serons amenés à reparler de ce sujet.

Je partage le regret que la proposition de loi n'aille pas plus loin. Il est vrai que les gouvernements successifs craignent de contrarier les opérateurs. On aurait pu être plus directif, à la fois sur les objectifs et les obligations, mais les considérations budgétaires semblent avoir primé sur l'aménagement du territoire.

L'amendement présenté par le rapporteur encadre la procédure d'attribution des fréquences en prévoyant l'avis de la CSSPPCE. Ce n'est pas une solution miracle, mais cela renforcera le poids et l'information des élus.

M. Gérard Cornu. - Le président et le rapporteur sont des spécialistes du sujet. Je partage l'analyse de ce rapport sans concession, dont le constat est accablant. La fracture numérique entraîne une fracture économique et sociale. Nos concitoyens le ressentent, nous-mêmes le ressentons en tant que parlementaires. L'amendement me satisfait : le Parlement doit être associé en amont à l'aménagement du territoire, tout particulièrement numérique. La proposition de loi va dans le bon sens ; espérons que nous pourrons améliorer les choses, car un certain ras-le-bol s'exprime. Malgré les sorties médiatiques, le problème persiste, notamment sur la couverture des trains.

M. Jean-Jacques Filleul. - Je remercie M. Chaize. Oui, la fracture numérique est une réalité, et une injustice terrible. Le problème est grave, car nombre de territoires ruraux ne bénéficient pas des réseaux nécessaires à l'implantation de petites entreprises ou au travail à domicile, susceptibles d'impulser une dynamique économique. C'est la conséquence de la décision fatidique du gouvernement Fillon de confier la couverture du territoire à des opérateurs privés. Ceux-ci, tout naturellement, ont accordé la priorité aux grandes agglomérations, au détriment des plus petites. La proposition de loi atteste du fait que nous recherchons des solutions pour les territoires ruraux. C'est néanmoins un travail difficile.

Même si cette loi vise avant tout à récupérer 2,5 milliards d'euros, elle a quand même le mérite d'avoir rouvert le dossier, après la loi Macron où le ministre lui-même a introduit de nouvelles exigences vis-à-vis des opérateurs, notamment celle d'un développement rapide de la couverture avec des réunions de suivi tous les trois mois.

Nous voterons l'amendement proposé par le rapporteur, mais convenons qu'il y a urgence. Cette loi ne manque pas d'ambition, et rouvre le dossier.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ- Je salue la prestation du rapporteur sur un texte très technique. Dans les territoires ruraux, nous sommes attendus dans deux domaines : la médecine et la téléphonie mobile. Il ne faut pas manquer cette occasion. Nos concitoyens n'attendent pas un replâtrage, mais une couverture plus complète en téléphonie mobile et la mise en place d'un service numérique efficace pour bénéficier des usages modernes.

Rappelons que la 3G ne couvre pas l'ensemble du territoire. Ne peut-on développer la 4G à travers les points hauts existants, notamment les syndicats d'aménagement numérique qui ont mis en place le WiMax, dans l'attente du déploiement de la fibre optique ? C'est une discussion particulièrement importante ; ne manquons pas à nouveau l'occasion d'améliorer la couverture mobile.

M. Hervé Maurey, président. - N'oublions pas que l'ouverture de l'accès à de nouvelles bandes creuse les inégalités. Que peuvent penser nos concitoyens qui n'ont pas même la 2G devant une publicité pour la 4G ? Ils le vivent comme une injustice. Un maire de mon département m'a dit : « Je serais déjà content si j'avais la 1G ! ».

M. Louis Nègre. - Je félicite notre collègue pour ce rapport. L'amendement proposé est bienvenu : il est toujours bon d'associer les élus, et en premier lieu les sénateurs qui sont les élus des territoires. L'ouverture de cette bande est une fenêtre de tir. Dans les fêtes de village, combien de fois avons-nous entendu : « Nous n'avons pas de couverture mobile, monsieur le sénateur ! »

Vous avez rappelé que les opérateurs n'avaient pas tenu leurs engagements. Des pénalités, des moyens de rétorsion sont-ils prévus ? Les discours ne suffisent pas. C'est une question de civisme.

La fracture numérique persiste dans les transports, notamment ferroviaires, avec les interruptions incessantes de couverture pendant les trajets. Notre pays bénéficie pourtant d'infrastructures de qualité. Que fait-on ?

Une position plus politique pour conclure. Il est scandaleux que nous soyons obligés d'attendre le vote de cette loi pour affecter les 2,5 milliards d'euros que l'on espère ainsi dégager dans l'urgence au budget de la Défense, alors que nos troupes sont déployées simultanément sur plusieurs fronts. On marche sur la tête ! D'après le Centre d'analyse stratégique, la France consacre 7 points de PIB de plus que l'Allemagne aux dépenses sociales, soit 140 milliards d'euros par an de plus qu'outre-Rhin, où l'on ne meurt pas sur les trottoirs. Quand il existe de telles réserves, ce n'est pas la peine de recourir à une vente précipitée de 2,5 milliards d'euros pour boucler le budget de la Défense.

M. Benoît Huré. - D'un point de vue technique, est-on en capacité de déployer la téléphonie mobile sur l'ensemble du territoire, et en particulier sur les lignes de TGV ?

Au-delà des pénalités, a-t-on des moyens suffisants pour réduire ou supprimer les zones blanches restantes ? Sinon, quels moyens sont nécessaires ?

M. Jérôme Bignon- Merci pour ce rapport très complet. Quand les ruraux se plaignent, ce n'est pas parce qu'ils ne peuvent pas appeler leur grand-mère : les chefs d'entreprises n'ont pas la possibilité d'envoyer des plans au micron sur Internet, l'accès à la culture est compromis... Je consacre une partie de ma réserve parlementaire à l'équipement informatique des écoles de mon département : on se heurte, là aussi, à l'absence de réseau. L'avenir de la médecine en milieu rural, ce sont aussi les nouvelles technologies qui relient les maisons pluriprofessionnelles de santé à l'hôpital ou aux laboratoires d'analyse. Il en va de même des relations avec l'administration : la télé-déclaration de la TVA pour les artisans et agriculteurs a été mise en place, mais quel intérêt s'il faut parcourir cinq ou dix kilomètres pour trouver un poste connecté ? Plus récemment, les déclarations PAC ont posé le même problème.

J'ai participé à des déjeuners de travail à l'invitation de Bouygues ou d'Orange. Je ne m'y rendrai plus, tant l'autosatisfaction des opérateurs est horripilante. On se moque de nous ! Il existe un véritable décalage entre les attentes de la population rurale et la perception qu'ont les élites parisiennes de la situation, bien loin de la souffrance et de l'exaspération de nos compatriotes.

M. Patrick Chaize, rapporteur. - Le texte ne concerne que l'ouverture de la bande 700 MHz, qui améliorera la qualité du réseau mais ne résoudra pas l'ensemble des problèmes relatifs à l'aménagement numérique du territoire.

Nous engageons le transfert alors que le besoin n'existe pas ; surtout, la bande pourrait être utilisée demain pour la mise en place, dans deux ans, de la 5G qui apportera plus de débit et un meilleur confort. Or pour compléter la couverture en 4G, les opérateurs vont installer des équipements qui ne seront amortis que dans huit ans ! Autrement dit, pour gagner deux ans d'un côté, on en perd huit de l'autre. Le véritable enjeu est celui de l'aménagement numérique fixe : Bouygues s'est d'ailleurs lancé dans la 4G fixe, c'est-à-dire la mise en place de réseaux domestiques en 4G. Au total, le texte manque d'ambition et de vision.

Pour répondre à Louis Nègre, l'amendement introduit dans la loi Macron donne à l'Arcep des moyens de contrôle et de pénalisation des opérateurs qui ne tiennent pas leurs engagements. Reste à voir comment ils seront mis en oeuvre.

S'agissant de la couverture des trains, le cahier des charges de l'Arcep fixe une obligation de couverture de 60 % au 17 janvier 2022, de 80 % au 17 janvier 2027 et de 90 % à horizon de quinze ans. C'est une avancée, même si ce n'est pas satisfaisant.

Il est en effet regrettable que les recettes produites par les licences ne soient pas affectées au numérique, sous la forme d'investissements dans des réseaux d'initiative publique ou d'aide à la mise en place de pylônes par les collectivités territoriales.

Techniquement, rien n'est impossible ; le critère déterminant est économique. On pourrait installer un nombre suffisant de pylônes pour couvrir l'ensemble du territoire...

M. Benoît Huré. - À condition d'obtenir les autorisations !

M. Patrick Chaize, rapporteur. - En effet, il faut tenir compte de la problématique des personnes hypersensibles, de la proximité des écoles... tout cela entraîne des trous dans la couverture. Enfin, je rappelle que les opérateurs s'engagent sur un pourcentage de la population, et non du territoire.

Les besoins en téléphonie et en réseaux dans les zones rurales, évoqués par Jérôme Bignon, ne font pas débat. En matière de téléphonie, la 4G fixe est une solution d'attente avant l'aménagement filaire des territoires ruraux, qui est l'enjeu le plus important et doit être lancé au plus vite.

M. Hervé Maurey, président. - Merci. L'objectif premier de la proposition de loi est avant tout de dégager des recettes budgétaires. L'objectif d'aménagement du territoire est secondaire ; de plus, comme souvent, on ne veut pas contrarier les opérateurs...

Quant à la responsabilité du gouvernement Fillon, la décision à laquelle M. Filleul fait référence portait sur le très haut débit fixe et non la téléphonie mobile. Que je sache, le gouvernement qui lui a succédé n'a pas fondamentalement changé les choses.

Les avancées sur la téléphonie mobile ne sont pas contenues dans ce texte-ci mais dans la loi Macron ; introduites par le ministre lui-même, elles ont été votées à l'unanimité au Sénat, preuve que nous ne sommes pas dans la politique politicienne. Cette proposition de loi va dans le bon sens, notamment parce qu'elle nous extrait d'un no man's land juridique.

Je rappelle qu'en février 2012, nous avions adopté une proposition de loi sanctionnant les opérateurs qui ne respectent pas leurs obligations. Malheureusement, un lobbying efficace a entraîné le rejet du texte à l'Assemblée nationale par la majorité socialiste, qui l'avait soutenu lorsqu'elle était dans l'opposition. Il s'agissait désormais de ne pas contrarier le gouvernement, qui ne veut pas contrarier les opérateurs...

M. Louis Nègre. - Ils sont puissants, ces opérateurs !

M. Hervé Maurey, président. - Comme bien des lobbies. Je relève enfin que la loi de programmation militaire n'alloue de moyens supplémentaires aux armées qu'à partir de 2017. On mobilise donc ces ressources pour une utilisation qui n'est même pas immédiate !

L'amendement du rapporteur sur l'article 8 bis est adopté.

M. Hervé Maurey, président. - C'est l'unanimité, vous avez passé votre baptême du feu avec brio, monsieur le rapporteur.

Modernisation de notre système de santé - Examen du rapport pour avis

M. Hervé Maurey, président. - L'accès aux soins est une question capitale pour nos concitoyens. C'est un sujet majeur d'aménagement du territoire, au même titre que le numérique. Là aussi, il y a des injustices terribles.

Le projet de loi de modernisation de notre système de santé est passé de 57 à 209 articles à l'issue de son examen à l'Assemblée nationale. Notre commission s'est saisie de 17 articles, dont 16 portent sur les questions de santé environnement et un, introduit par l'Assemblée nationale, sur l'accès aux soins.

Nous devons avoir le courage de prendre des positions fortes sur ce dernier sujet, et inciter le Sénat à nous suivre ; mais la commission saisie au fond étant celle des Affaires sociales, et le lobby médical étant fort, la partie sera difficile. Assemblée des territoires, le Sénat se doit d'apporter une plus-value territoriale à ce projet de loi. Les problèmes d'accès aux soins touchent les zones rurales mais aussi périurbaines, comme le soulignait notre regretté collègue Claude Dilain. Il faut être audacieux. En 2013, nous avons adopté à l'unanimité le rapport du groupe de travail sur les déserts médicaux présidé par Jean-Luc Fichet, dont j'étais rapporteur. Restons sur ces positions.

Je cède la parole à M. Longeot, pour son baptême du feu comme rapporteur.

M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Merci de la confiance que vous m'avez accordée en me chargeant du rapport sur un projet de loi de cette importance. Notre commission s'est saisie de 17 articles sur les 209 que compte le projet de loi : 16 articles traitant des questions de santé et d'environnement et l'unique article relatif à la lutte contre les déserts médicaux. J'ai concentré mes travaux et auditions sur ces deux points.

Nous avons déjà travaillé sur la prise en charge des risques environnementaux pour la santé à l'occasion de la présentation du rapport de Chantal Jouanno et Aline Archimbaud, dont je salue à nouveau le travail.

Quelles sont les dispositions du projet de loi dans ce domaine ? L'article 1er consacre la prise en compte de la notion d'exposome, entendu comme l'ensemble des expositions auxquelles un individu est soumis durant sa vie entière. C'est une rupture importante dans notre politique de santé, qui s'appuie encore sur une logique plus curative que préventive.

Au-delà de ce principe général, plusieurs articles traitent de problématiques spécifiques. L'article 10 améliore la surveillance des pollens et moisissures de l'air extérieur. C'est un outil essentiel de prévention : l'information du public permet aux personnes allergiques d'ajuster leurs traitements et leurs comportements en fonction des concentrations de ces polluants biologiques dans l'air, et donc de réduire les symptômes.

L'article 11 concerne l'amiante et le plomb. Ces substances faisant déjà l'objet d'une réglementation complète et assez protectrice, l'article se contente de renforcer les remontées d'information à l'administration, notamment lors de la réalisation de travaux.

L'article 11 bis A traite de l'exposition au radon, gaz radioactif d'origine naturelle, surtout présent dans le centre de la France et en Franche-Comté, qui représente le tiers de l'exposition moyenne de la population française aux rayonnements ionisants. L'article prévoit la fixation par l'administration de valeurs guides devant servir de référence.

L'article 11 bis B élargit les missions de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) à la délivrance, la modification et au retrait des autorisations de mise sur le marché des produits biocides, actuellement délivrées par le ministère de l'écologie. La loi d'avenir pour l'agriculture ayant opéré le même transfert pour les produits phytosanitaires utilisés en agriculture, il s'agit d'une mise en cohérence.

L'article 11 bis D encadre juridiquement les installations collectives de brumisation d'eau dans l'espace public qui se multiplient sur les terrasses de café, dans les hôtels et les restaurants, ainsi que dans les établissements de soins ou médico-sociaux. Lorsque la température de l'eau dépasse 25°C et que leur entretien n'est pas suffisant, ces équipements peuvent être à l'origine de prolifération de légionnelles, à l'origine de la légionellose. Les dispositifs autorisés à l'avenir devront respecter un ensemble de dispositions techniques prévues par arrêté, concernant notamment l'alimentation en eau, la protection du réseau, la prévention du risque de développement de légionnelles dans l'eau ou encore l'exploitation, la maintenance et le contrôle de la qualité de l'eau.

L'article 11 quater A renforce la lutte contre les espèces invasives, notamment l'ambroisie qui libère un pollen très allergisant. Celle-ci devrait continuer de proliférer depuis la vallée du Rhône sur l'ensemble du territoire, du fait du changement climatique mais aussi des activités humaines. Les mesures à prendre seront définies par décret : couverture des sols par des végétaux ou par des matériaux géotextiles, arrachage, tonte ou faux semis.

L'article 11 quater qui interdit le bisphénol A dans tous les jouets et amusettes risque de se heurter au droit communautaire. La France, qui l'interdit déjà dans les biberons et les contenants alimentaires, est sous le coup d'un contentieux européen. La ministre de la santé a engagé une concertation avec les industriels du secteur du jouet et les autres ministères concernés. Cet article devra donc probablement être retravaillé au cours de la navette.

L'article 11 quinquies A demande un rapport pour évaluer la mise en oeuvre du droit européen en matière d'étiquetage sur la présence de nanomatériaux dans les produits cosmétiques, biocides et l'alimentation. Notre marge de manoeuvre est en effet limitée en la matière. Sur tous ces articles, je vous proposerai d'émettre un avis favorable.

Sur le dernier article de cette série, je vous proposerai de renforcer l'article 5 quinquies E, en interdisant purement et simplement les cabines UV. L'Académie de médecine le recommande depuis des années. Chantal Jouanno l'avait proposé dans son rapport sur les dispositifs médicaux. Le Brésil et l'Australie l'ont déjà fait. Une seule exposition en cabine UV avant l'âge de 35 ans constitue un sur-risque de développer un cancer de la peau de 59 %, et le nombre de mélanomes a triplé en France entre 1980 et 2005, avec 9 780 nouveaux cas et 1 620 décès. Il est temps d'agir, et notre commission s'honorerait à envoyer un signal fort sur cette question.

L'article 12 ter s'inscrit dans la lutte contre les déserts médicaux, cette maladie chronique de notre pays : on n'y a jamais compté autant de médecins (198 365 en exercice régulier en 2015, dont 44,7 % de libéraux) et ils n'ont jamais été aussi mal répartis sur le territoire, avec pour corollaire la disparition des autres professionnels de santé au niveau local et la création de véritables déserts médicaux, dans les zones rurales mais aussi dans certaines villes moyennes ou zones péri-urbaines.

En juin 2012, la commission du développement durable a mis en place un groupe de travail sur la présence médicale sur l'ensemble du territoire, avec Jean-Luc Fichet pour président et Hervé Maurey pour rapporteur, qui a réalisé un important travail pendant huit mois, avec une quarantaine d'auditions, des déplacements dans le Finistère et en Allemagne et le recueil d'une cinquantaine de contributions. À en croire l'Atlas de la démographie médicale que publie le Conseil national de l'ordre des médecins, les déserts médicaux progressent. La densité départementale moyenne, toutes spécialités confondues, diminue : elle est de 266,4 médecins en activité régulière pour 100 000 habitants au 1er janvier 2015 contre 275,7 au 1er janvier 2007. Les écarts de densité varient de 1 à 4 entre les départements : 167 médecins pour 100 000 habitants dans l'Eure, 678,2 médecins pour 100 000 habitants à Paris. L'exode médical du centre de la France vers les régions littorales et la façade Est s'aggrave. Même la région Ile-de-France enregistre une diminution de 6 % de ses médecins entre 2007 et 2015. Des déserts médicaux existent dans tous les départements, y compris les mieux dotés.

M. Michel Vaspart. - C'est vrai.

M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Les écarts de densité varient également d'une spécialité à l'autre : en 2014, ils sont de 1 à 2 pour les médecins généralistes, de 1 à 8 pour les médecins spécialistes, de 1 à 9 pour les infirmiers libéraux, de 1 à 4 pour les masseurs kinésithérapeutes, de 1 à 5 pour les sages-femmes et de 1 à 3 pour les chirurgiens-dentistes. Le constat dressé par Hervé Maurey en 2012 n'a pas changé : trois millions de Français vivent dans un désert médical. Les prévisions ne sont pas optimistes. Alors que la demande de soins augmente avec le vieillissement de la population et les maladies chroniques, la démographie médicale devrait connaître un creux dans les dix prochaines années, sachant que 26,4 % des médecins ont plus de 60 ans. On est passé de 64 778 médecins généralistes en 2007 à 58 104 en 2015, soit une baisse de 10,3 % ; une nouvelle baisse de 6,8 % est à prévoir d'ici 2020. Quatre spécialités sont également en souffrance : la rhumatologie (-10,3 % depuis 2009), la dermatologie (-7,7 %), la chirurgie générale (-24,7 %) et l'ORL (-7,8 %). À cela s'ajoutent les choix d'installation des jeunes médecins, qui ne s'orientent pas vers les zones fragilisées mais plutôt vers le lieu de leurs études et de leurs obligations familiales. Les 14 665 cumuls emploi-retraite enregistrés par l'Ordre des médecins au 1er janvier 2015 ne font que décaler le creux démographique annoncé de quelques années : sans réponse forte, il interviendra en 2020.

Les dispositifs mis en place depuis le début des années 1990 pour lutter contre les déserts médicaux et faciliter l'accès aux soins n'ont pas eu les effets escomptés. Purement déclaratoire, l'article 12 ter, inséré par les députés à l'initiative du gouvernement, rappelle les objectifs du pacte territoire-santé lancé en décembre 2012 : promouvoir la formation et l'installation des professionnels de santé en fonction des besoins des territoires, accompagner l'évolution de leurs conditions d'exercice, prévoir des actions spécifiques pour les territoires isolés. Ces voeux pieux ne changeront rien, et le pacte ne suffira pas à résorber les déserts médicaux. Ses objectifs ont pour la plupart déjà été atteints, et les déserts médicaux subsistent.

On dénombre 1 278 contrats d'engagement de service public, bourses attribuées aux étudiants de médecine en contrepartie d'une installation en zone démédicalisée pour une durée équivalente à celle de l'aide. L'objectif de 1 500 contrats en 2017 devrait être facilement dépassé. Le dispositif du praticien territorial de médecine générale, qui garantit un revenu net mensuel de 3 640 euros en contrepartie d'une installation en zone sous dotée, a attiré 411 généralistes, auxquels s'ajoutent 200 nouveaux contrats de praticien territorial de médecine ambulatoire proposés aux spécialistes en 2015. Quant au référent installation, préconisé par le rapport Maurey, il est en place dans chaque région depuis deux ans. On devrait compter plus de 800 maisons de santé pluriprofessionnelles en 2015, contre 174 en 2012. Depuis 2014, on peut y développer des projets de recherche, indépendamment d'un établissement hospitalier, ce qui renforce l'attractivité de la médecine de premier recours pour les professionnels motivés par la recherche clinique.

En revanche, la télémédecine en est encore au stade de l'expérimentation, avec des chantiers de quatre ans dans neuf régions pilotes pour élaborer une tarification préfiguratrice des actes. La délégation de soins pourrait également être accélérée, pour répondre à la forte demande des autres professionnels, pharmaciens et infirmiers, notamment. Enfin, l'objectif d'accès aux soins urgents en moins de 30 minutes n'est pas atteint en 2015, puisque un million de personnes ne sont toujours pas couvertes. Si le pacte territoire-santé a relancé la dynamique de l'incitation à l'installation des médecins, il ne suffira pas à résoudre l'équation complexe des déserts médicaux. La ministre le dit : « Pour relever ce défi, il n'y a pas de baguette magique, pas de recette miracle ».

Il faut renforcer la professionnalisation des études de médecine dès le stade de la formation. L'âge moyen d'installation des diplômés est passé de 27 ans dans les années 1970 à 35 ans dans les années 2010, ce qui n'est pas sans conséquence sur leur situation familiale et, corrélativement, sur leur mobilité géographique. À ma grande surprise, j'ai découvert qu'environ 25% des médecins diplômés renoncent à s'inscrire au tableau de l'Ordre des médecins pour exercer d'autres professions, dans le journalisme ou l'administration par exemple. Ce sont autant d'années d'études coûteuses qui sont financées en pure perte par la société. À cela s'ajoute un recrutement difficile en médecine générale, où 46% des places ouvertes sont occupées par des internes. Pour éviter que les diplômés n'abandonnent leur vocation après douze années d'études, il faut les immerger dans l'expérience de terrain avant leur choix de spécialisation. Le Canada ou l'Estonie ont déjà réorienté leurs mécanismes de formation vers cette immersion précoce. Ce modèle fonctionne : en Aveyron, de telles initiatives d'immersion profonde dès la deuxième année d'études ont permis d'attirer 35 médecins, dont 20 généralistes. Il se heurte pourtant à l'opposition des universités, qui y voient une dévalorisation de la formation académique.

La logique monolithique qui consiste à orienter la formation uniquement vers l'hôpital, où sont effectués 90 % des stages, est d'autant moins justifiée qu'au final, 40 % des postes n'y sont pas pourvus, les praticiens hospitaliers privilégiant les CHU au détriment des hôpitaux de proximité. Je vous proposerai un amendement pour préciser que les études de médecine doivent former les étudiants « à l'exercice de la médecine ambulatoire, en favorisant leur immersion précoce dans un environnement professionnel ». Je le compléterai en rendant obligatoire un stage d'initiation à la médecine générale dès le deuxième cycle, comme l'avait proposé Hervé Maurey dans son rapport. Le pacte territoire-santé a instauré une indemnité forfaitaire de transport de 130 euros par mois pour les stages réalisés à plus de 15 kilomètres de la faculté : en 2013, 60 % des étudiants avaient effectué un stage de médecine générale, et l'objectif est fixé à 100% pour 2017. Nous pourrions l'avancer à 2016, car les étudiants d'aujourd'hui ne sortiront qu'en 2021 ou 2022, et ne pas comptabiliser les internes en stage ambulatoire. Cette immersion précoce bénéficiera tout autant aux étudiants, confrontés à la réalité du métier, qu'aux territoires et aux finances publiques.

Autre mesure, la mise en place d'une régulation à l'installation des médecins. Le conventionnement sélectif, qui existe chez les pharmaciens, a été expérimenté chez les infirmiers libéraux en septembre 2008, avec un zonage du territoire adapté aux besoins des patients, des aides à l'installation dans les zones très sous dotées et une régulation des nouveaux conventionnements dans les zones sur dotées fondée sur la règle d'une entrée pour un départ. Entre 2008 et 2011, les effectifs ont augmenté de 33,5 % dans les zones très sous dotées et diminué de 2,8 % dans les zones sur dotées, où ils avaient progressé de 8,5 % entre 2006 et 2008. Le dispositif a été consolidé en septembre 2011 : entre 2010 et 2014, l'installation d'infirmiers libéraux a augmenté de 1,8 point en zone très sous dotée et diminué de 13 points en zone sur dotée. En parallèle, le conventionnement sélectif a été progressivement étendu aux sages-femmes, aux masseurs-kinésithérapeutes, aux orthophonistes et aux chirurgiens-dentistes, avec des résultats positifs. Ainsi, fin 2014, l'installation d'orthophonistes en zone très sous dotée a augmenté de 1,4 point et diminué de 2 points en zone sur dotée. Pour les sages-femmes, elle a augmenté de 3,8 points en zone très sous dotée et de 5,1 points en zone sous dotée, diminuant de 9,8 points en zone sur dotée. Inversement, l'annulation du dispositif par le Conseil d'État le 17 avril 2014 a entraîné un bond des installations de masseurs-kinésithérapeutes en zone sur dotée de 25% entre 2013 et 2014, alors qu'elles avaient diminué de 33 % entre 2012 et 2013. Ce dispositif de conventionnement sélectif dissuade l'installation dans les zones sur dotées et complète utilement les mécanismes d'incitation en faveur des zones sous dotées.

Ne cédons plus à la pression des médecins qui défendent à tout prix leur héliotropisme. On ne peut sacraliser la liberté d'installation tout en prétendant vouloir contribuer à l'aménagement du territoire. La commission s'est prononcée à l'unanimité en 2013 ; je vous propose de traduire ce choix dans la loi avec un amendement qui applique aux médecins la règle d'une entrée pour un départ dans les zones sur dotées. Je n'ai proposé qu'un nombre réduit d'amendements mais ils sont porteurs d'enjeux essentiels et sont des marqueurs identitaires pour notre commission. Je les défendrai âprement devant la commission des affaires sociales et dans l'hémicycle. Je voudrais également associer Michel Raison, qui a suivi toutes mes auditions, à ce rapport.

M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie pour ces propositions courageuses qui auront un impact tant en matière de santé que sur la démographie médicale.

M. Hervé Poher. - Ancien médecin, je suis élu du Nord-Pas-de-Calais, région de déserts médicaux. La médecine souffre d'un mal originel : depuis des décennies, on recrute les médecins en fonction de leur savoir scientifique, alors que la médecine est avant tout affaire de philosophes. C'est tout un système qu'il faudrait revoir. Dans les années 1950, la médecine générale jouissait encore d'une certaine considération ; à partir des années 1970, elle a été dévalorisée et réservée à ceux qui ne pouvaient pas se spécialiser. C'est pourtant la vraie médecine, celle du médecin aux mains nues qui sait soigner les gens en rase campagne, avec son stéthoscope et son marteau, son savoir et son expérience.

Autre erreur, on privilégie en France le curatif sur le préventif, qui n'est pas enseigné, pas rétribué. Il est grand temps que la médecine comprenne qu'il faut inverser la tendance : prenons exemple sur la publicité que fait une compagnie d'assurances, qui met l'accent sur la prévention.

J'ai longtemps dénoncé l'imbécillité du numerus clausus qui favorise la réduction des effectifs. Si le CHU de Lille est très prisé par les internes, ils préfèrent, une fois diplômés, s'installer à Paris ou sur la Côte d'Azur. Les médecins concernés par le numerus clausus, qui ont obtenu leur diplôme dans les années 1970, commencent à prendre leur retraite - quand ils ne sont pas sénateurs. Les jeunes médecins n'ont pas la même mentalité que leurs aînés, ils n'acceptent plus de travailler 18 heures par jour. Qui pourrait le leur reprocher ? Quitte à faire réagir, il faut dire que la féminisation de la profession pose aussi problème.

Mme Chantal Jouanno. - Attention à la manière de présenter les choses...

M. Hervé Poher. - Les primes à l'installation ne fonctionnent pas. En tant que praticien, je ne peux que soutenir l'idée d'imposer au lobby des médecins la suppression de la liberté d'installation. Les médecins gagnent leur argent grâce à la sécurité sociale, l'État paye leurs études : on doit pouvoir les obliger à s'installer à tel ou tel endroit.

M. Charles Revet. - Mes compliments pour ce rapport très riche. L'Eure n'est pas le seul département où l'on trouve des déserts médicaux. La Seine-Maritime est également très touchée. Les anciens médecins de famille ne comptaient pas leurs heures. Leurs jeunes collègues se préoccupent davantage de leur qualité de vie et de leurs obligations familiales, on ne peut le leur reprocher. Ils aspirent à intégrer un cabinet de groupe plutôt qu'à exercer de manière individuelle, car ils gagnent en confort et l'expérience de leurs collègues les sécurise. Dans ma commune, on pose vendredi la première pierre d'un cabinet médical. On n'a aucun mal à y recruter des candidats, alors que les médecins qui prennent leur retraite peinent à trouver des remplaçants. Les études médicales se féminisent, c'est un fait. Cette féminisation a-t-elle une incidence sur les 25 % de diplômés qui décident de ne pas s'installer à l'issue de leurs études ? On sait que 20 % des femmes qui terminent leur parcours ne s'installent pas, et que 20 % exercent à mi-temps. Chacun reste libre de ses choix de vie.

M. Gérard Cornu. - Après le lobby des opérateurs téléphoniques, le gouvernement s'attaque à celui des médecins. La tâche ne sera pas plus facile. Notre devoir de parlementaires est de résister. Les pharmaciens ne bénéficient pas de la liberté d'installation. Ils répondent à une obligation de territoire, ce qui fonctionne très bien. On pourrait en faire autant pour les médecins. Les médecins généralistes sont saturés de demandes d'actes banals que d'autres professionnels - pharmaciens, kinésithérapeutes, infirmiers, opticiens ou audioprothésistes - pourraient accomplir à 50 ou 60 %. Mais c'est un point sur lequel le lobby médical ne veut pas céder. Il est stupéfiant de voir que certaines piqûres ne peuvent être administrées que par un médecin et pas par une infirmière. Ou qu'il faut six mois d'attente pour un simple examen de vue chez un ophtalmologiste : alors qu'un opticien, formé pour, est tout aussi compétent, on réserve l'acte à un médecin fort de ses douze années d'études. On n'arrivera à rien si l'on ne vient pas à bout de ce lobby des médecins. L'excellent rapport d'Hervé Maurey en 2013 n'a rien changé. C'est stupéfiant et accablant.

Quant à l'amendement sur les cabines de bronzage, je le trouve bien radical. Sans doute y a-t-il des abus et un manque de formation chez certains professionnels. Plutôt que de détruire toute une filière économique, mieux vaudrait encadrer davantage le secteur, qui ne compte pas que des mauvais professionnels. Évitons de jeter le bébé avec l'eau du bain.

M. Michel Raison. - Ce rapport est une référence à laquelle il nous faudra revenir, tant pour les constats que pour les solutions. Le secteur de la santé est particulièrement complexe car il s'organise comme une toile, avec ses hôpitaux, ses médecins libéraux et spécialisés. À cela s'ajoute une formation trop hospitalière, insuffisamment trempée dans le réel, par manque de stages dans les zones les plus reculées, et sans doute un peu trop longue. J'espère que nous adopterons l'amendement qui régule la liberté d'installation. Je l'avais déjà déposé à l'Assemblée nationale. Le plafonnement des zones sur-dotées fonctionne pour les infirmières. En évitant d'être coercitif, il a l'avantage de ne pas décourager les médecins, qui ne seront pas contraints de s'installer dans telle ou telle zone. Une députée socialiste, médecin de profession, avait reconnu en privé qu'elle avait peut-être eu tort de voter contre cet amendement. Elle est désormais sénatrice, nous lui donnons une seconde chance ! Le rapporteur a fait le bon choix en ne présentant que peu d'amendements. Il leur donne ainsi d'autant plus de force. Insistons tout particulièrement sur celui-ci.

M. Jean-Jacques Filleul. - Ce débat mobilise les élus locaux depuis longtemps. Le lobby médical résiste quelles que soient les majorités. La ministre a tenté d'imposer des règles ; les syndicats ont répondu qu'en tant que profession libérale, il appartenait aux médecins de décider de leur installation. Les parlementaires doivent faire valoir leurs droits ! Nous sommes nombreux à partager l'analyse d'Hervé Poher. Le corps médical a subi tellement de bouleversements que les villes engagent désormais des médecins, avec l'aide de la sécurité sociale. Sans régulation, on continuera à procéder ainsi. La région Centre, elle aussi, est déficitaire, sauf en Indre-et-Loire.

Si je comprends la position du rapporteur sur les cabines UV, je ne serai pas aussi catégorique que lui. Il faudrait une étude d'impact. La sagesse du Sénat serait sans doute de s'abstenir. Enfin, six mois pour voir un ophtalmologiste pour un simple examen de vue, c'est incompréhensible. En tout cas, bravo au rapporteur.

M. Michel Vaspart. - Voilà des années que les gouvernements privilégient les incitations. Il est temps de passer à la contrainte, d'autant qu'une politique incitative appelle des fonds publics. Il faut également mentionner la saturation des services d'urgence, sans doute liée au dysfonctionnement de la médecine générale, ainsi que les difficultés de coordination et d'orientation entre les services du Samu et les pompiers dans certains départements, notamment en ce qui concerne les urgences de terrain.

M. Jérôme Bignon. - Le plafonnement de l'installation dans les zones sur dotées maintient la liberté d'installation sur le territoire. Il obéit à un principe de régulation plus que d'interdiction, ce qui est tout à fait pertinent. Ma seule compétence en matière de bronzage est de préférer le soleil breton à la cabine UV, je ne me prononcerai donc pas. Il est indispensable de développer les maisons de santé dans les zones difficiles afin de de renforcer l'attractivité des territoires ruraux. Les jeunes médecins pourront ainsi avoir accès aux nouvelles technologies et éviter l'isolement, car il n'est plus dans l'air du temps d'exercer seul, sept jours sur sept.

Les ingénieurs ou les avocats complètent bien leur formation par un temps d'apprentissage : c'est sur le terrain que l'on développe un goût pour la pratique, et cela dans toutes les professions. On ne va pas s'installer en zone rurale si l'on ne connait que l'hôpital.

Chacun reconnait que les sages-femmes sont des professionnels remarquables, avec une formation bac + 5, la moitié des études de médecine. Pourquoi ne pas imaginer d'autres spécialités, avec une formation de durée équivalente, auxquelles pourraient être confiées davantage de tâches pour libérer du temps aux médecins ? Cela se pratique déjà aux États-Unis ou au Canada.

M. Louis Nègre. - La première partie de cet excellent rapport fait référence aux facteurs environnementaux. De nouveaux produits apparaissent, comme le bisphénol A et les nanomatériaux, sur lesquels le Sénat s'est penché. L'innovation est en pointe dans ce domaine, or nous ne la maîtrisons pas assez pour établir des contrepoids aux risques que représentent ces nouveaux produits. Il faudrait développer la recherche privée et publique pour en évaluer les éventuels dangers, en veillant à préserver son indépendance.

M. Benoît Huré. - Le rapporteur a fait preuve d'esprit de synthèse. Le rapport d'Hervé Maurey a fait date et s'impose comme une référence, car c'est un travail d'expertise sans parti-pris ni esprit polémique. Soyons pragmatiques : l'incitation ne fonctionne pas. Voilà des années que l'on brandit l'interdiction d'installation. C'est le moment de la mettre en oeuvre, hors remplacement d'un départ, dans les zones sur dotées. On laisserait ainsi un grand champ d'ouvertures possibles. On améliorera également la situation en développant les outils comme les maisons de santé ou les équipements de travail en réseau. Enfin, il est nécessaire de prévenir les étudiants, dès le début de leur parcours, qu'ils n'auront pas la liberté de s'installer là où ils veulent : on évitera ainsi qu'ils le découvrent à trois ans du diplôme. La professionnalisation des études de médecine est essentielle. C'est souvent par méconnaissance ou par appréhension que les jeunes médecins renâclent à s'installer dans les zones peu denses ou en médecine générale. Lorsqu'ils ont eu l'occasion d'y faire un stage, ils sont deux sur trois à s'y installer. Il suffirait d'outils concrets et peu coûteux pour améliorer la situation.

Mme Chantal Jouanno. - En sillonnant l'Ile-de-France, j'ai pu constater qu'hormis Paris et les Hauts-de-Seine, tous les départements étaient confrontés à la désertification médicale, la Seine-Saint-Denis bien sûr, mais aussi le Val-de-Marne.

Toutes les agences que nous avions rencontrées avec Aline Archimbaud ont évoqué les nanomatériaux. Les dépenses de recherche publique sur ce sujet sont dix fois moindres en France qu'aux États-Unis ! Il faudrait également prendre en compte la qualité de l'air, comme nous y invite le rapport sénatorial publié hier. Même si l'on parle encore peu de la nutrition, un rapport de l'Anses devrait relancer le sujet à la rentrée : on pourrait remplacer les protéines animales par des protéines végétales, plus écologiques. Enfin, l'explosion des cancers liés au mélanome est une réalité. L'existence d'une filière économique ne peut pas minimiser l'impact nocif des cabines UV en matière de santé publique. Attendez-vous là aussi à devoir faire face à un lobby très actif : sa présidente est haute en couleurs !

M. Jean-François Mayet. - À mon tour de remercier le rapporteur. Au risque de choquer, le libéral que je suis est convaincu qu'on ne résoudra pas la désertification médicale en comptant sur les seuls médecins libéraux. Première raison : les jeunes médecins refusent le libéralisme : ils se contentent de gagner 3 500 à 4 000 euros par mois ; après dix ans d'études, c'est ridicule ! Une autre cause est la féminisation, puisque 75 % des nouveaux diplômés sont des femmes. Or nonobstant l'égalité, elles sont quand même là pour faire des enfants...

Mme Chantal Jouanno. - Elles ne sont pas là « pour » faire des enfants ; elles font des enfants, c'est différent !

M. Jean-François Mayet. - En effet. Mais ce n'est pas à 50 ans qu'elles en feront. Ma fille a fait des enfants à 41 et à 42 ans : gérer deux enfants en bas âge en même temps qu'une carrière de médecin, ce n'est pas une sinécure !

Mme Odette Herviaux. - Certes, de nombreux médecins ne veulent pas s'installer dans les territoires dont la population diminue ; mais ceux qui viennent rencontrent aussi des difficultés. Ainsi, au centre de la Bretagne, beaucoup de médecins étrangers se sont installés, appelés par des collectivités qui ont payé des fortunes pour leur installation ; au bout de six mois ou d'un an, ils s'en vont, car ils ne se sont habitués ni au type de médecine, ni au style de vie.

Dans les maisons médicales installées près des grandes villes, viennent s'installer des médecins femmes qui y trouvent le moyen de travailler à temps partiel. Sans jugement de ma part, cette installation temporaire ne répond pas à l'image du traditionnel médecin de famille chère à des personnes âgées qui, dès lors, ne leur font pas confiance.

M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Comme le dit M. Poher, il faut valoriser la médecine générale, ce que ne permet pas la spécialisation précoce en deuxième cycle. Toucher au numerus clausus ne règle pas plus le problème, lorsque 25 % des diplômés abandonnent. L'Ordre des médecins nous a indiqué que la féminisation n'avait pas de conséquences sur le temps de travail, puisque c'est plutôt celui des hommes qui a tendance à se réduire. Aujourd'hui, 60 % des nouveaux généralistes sont des femmes.

Ce n'est pas évident, certes, de proposer l'interdiction pure et simple des cabines UV. Nous pouvions imaginer une étude complémentaire, qui aboutirait à un rapport... Mais les preuves scientifiques de la dangerosité des ultraviolets artificiels sont avérées : ils ont été classés comme cancérogènes certains par le Centre international de recherche sur le cancer ; une étude comparative sur une cohorte de mille patients atteints de mélanome l'a confirmé en 2009 ; le lien direct entre cancer et UV artificiels a été validé dès 2003 par l'OMS. Le constat est sans appel, mais s'il y a sans doute des professionnels pires que d'autres...

Trop de médecins sont formés dans le milieu hospitalier ; c'est pour cela que j'ai utilisé le mot d'apprentissage dans mon rapport. Un étudiant en médecine peut découvrir un territoire, s'y plaire, y rencontrer un conjoint, et y rester. La durée des études médicales a été régulièrement allongée pour des raisons essentiellement économiques, car nous avons besoin d'étudiants en médecine pour faire fonctionner les hôpitaux.

Il faut aider les zones sous dotées mais aussi régulariser les zones sur dotées ; c'est le sens de mon amendement qui s'en tient au strict remplacement des départs dans les zones sur dotées.

Un million de personnes supplémentaires ont désormais accès aux urgences en moins de 30 minutes - c'était l'engagement n° 9 du pacte territoire santé, avec le déploiement de médecins correspondants du Samu - mais un autre million en restent privées.

Les problèmes d'environnement sont importants : il faut analyser les risques et les évaluer régulièrement, sans pour autant bloquer l'innovation. Oui à la recherche sur les nanomatériaux.

Ce projet de loi donne l'occasion de mettre en pratique les recommandations du rapport Maurey. J'ai reçu des professionnels de santé qui m'ont demandé un élargissement de la délégation d'actes médicaux à d'autres professions. Il est en effet absurde d'attendre six à huit mois un rendez-vous chez l'ophtalmologiste pour lire « W, X, Y, Z... ». Tout le monde y gagnerait. Idem pour les sages-femmes.

M. Hervé Maurey, président. - Je vous remercie de votre appréciation unanime sur les mesures proposées par le rapporteur en matière de démographie médicale ; il faudra faire du lobbying au sein de vos groupes respectifs pour contrer le lobbying des médecins, et être présents au moment du vote en séance publique. En 2009, je me souviens d'avoir été bien seul pour défendre des amendements à la loi Bachelot un vendredi matin où les médecins de gauche comme de droite, majoritairement présents dans l'hémicycle, s'étaient révélés être des médecins avant tout. On dit souvent que les médecins sont contre la régulation ; Hervé Poher nous montre que c'est faux : ce sont les syndicats de médecins qui le sont - là comme ailleurs, ils ne sont pas forcément représentatifs...

Nous proposons une régulation sans pour autant abandonner l'incitation, car ce sont deux piliers d'une bonne politique. L'Allemagne l'a bien compris, qui a mis en place des mesures incitatives après avoir opté pour la seule régulation. La liberté d'installation y est pourtant inscrite dans la Constitution, mais la Cour constitutionnelle a considéré que le principe, tout aussi constitutionnel, d'intérêt général primait. Ce même principe doit nous guider.

Je remercie aussi Jean-Jacques Filleul : il n'est pas évident pour lui de soutenir une position différente de celle du gouvernement. Ce dernier a, semble-t-il, cédé aux pressions des médecins : je me souviens d'une proposition de loi de Marisol Touraine et Jean-Marc Ayrault qui allait beaucoup plus loin, puisqu'elle soumettait l'installation à autorisation préalable. Le rapporteur ne propose rien qui s'oppose à la liberté d'installation : il exclut simplement du conventionnement les installations dans les zones qui n'ont pas besoin de nouveau médecin. Nous avons vu l'efficacité d'une telle mesure pour les masseurs-kinésithérapeutes, lorsque la convention a été mise en oeuvre, puis annulée : la courbe des installations dans les zones sur dotées a diminué, puis s'est brutalement inversée lors de l'annulation de la convention. Preuve que le système fonctionne !

L'amendement sur la formation est bienvenu. On forme davantage des praticiens hospitaliers que des médecins : les étudiants en médecine de cinquième année n'ont jamais connu que l'hôpital. Il est vrai qu'ils sont largement exploités, payés quelques dizaines d'euros par mois pour des nuits entières.

Je me félicite des mesures fortes et courageuses sur les cabines UV. Lorsqu'il y a un enjeu de santé publique, comme sur les produits phytosanitaires, il faut agir.

M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Sur ce sujet, il est vrai que le règlement est mal appliqué : l'arrêté du 20 octobre 2014 oblige les exploitants à informer le consommateur sur la dangerosité des ultraviolets artificiels. Une récente étude de 60 millions de consommateurs sur cinquante centres de bronzage a montré que de nombreux professionnels passaient cette dangerosité sous silence et ne respectaient pas les règles élémentaires de prévention qui devraient conduire à écarter les personnes à risque, femmes enceintes ou personnes à phototypes incompatibles. Je ne suis pas le seul à demander une interdiction que le Brésil et l'Australie ont déjà consacrée et que réclame le syndicat des dermatologues, entre autres mesures de prévention du mélanome.

M. Gérard Cornu. - Notre commission est saisie pour avis : quelle est la position de la commission des affaires sociales, saisie au fond, sur ce sujet qui relève plus de sa compétence que de la nôtre ? Cela me pose un problème d'intégrer dans le texte de la commission une mesure aussi brutale, qui pénalise les bons professionnels.

M. Hervé Maurey, président. - Nous nous sommes saisis pour avis des articles relatifs à la santé environnement, c'est à ce titre que cet amendement se justifie. La commission des affaires sociales décidera la semaine prochaine si elle retient ou non nos amendements dans le texte de la commission qu'elle élaborera. Nous en parlerons avec le président Milon, qui sera également l'un des rapporteurs. La question est bien la dangerosité des UV et non la qualité des professionnels.

M. Jean-François Longeot, rapporteur. - C'est bien au titre de l'environnement que nous agissons. À défaut de pouvoir réguler le soleil, du moins régulerons-nous ces UV-là.

M. Gérard Cornu. - Nous serions le seul pays de l'Union européenne à le faire.

M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Quelle que soit la qualité du professionnel, les UV artificiels restent dangereux.

L'amendement n° DEVDUR.3 est adopté.

L'amendement n° DEVDUR.1 est adopté.

L'amendement n° DEVDUR.2 est adopté.

M. Hervé Maurey, président. - Belle unanimité pour ces deux derniers amendements.

M. Charles Revet. - Je me demande si nous ne devrions pas aller plus loin dans les secteurs sur dotés, qui, avec un remplacement d'un pour un, le resteront ...

M. Hervé Poher. - Ce sera déjà un grand progrès.

Organisme extraparlementaire - Désignation

M. Hervé Maurey, président. - Nous devons désigner un membre titulaire du Haut Comité de la qualité de service dans les transports, en remplacement de François Aubey, aux côtés de Rémy Pointereau, titulaire et de Jean-Jacques Filleul et Louis Nègre, suppléants. Je vous propose de désigner Jean-Jacques Filleul titulaire et Jean-Yves Roux suppléant.

M. Jean-Jacques Filleul et M. Jean-Yves Roux sont désignés respectivement membre titulaire et membre suppléant du Haut Comité de la qualité de service dans les transports.

La réunion est levée à 11 h 25.