Mercredi 28 octobre 2015

- Présidence de M. Jean-Claude Lenoir, président -

Contenu des différentes actions du programme d'investissements d'avenir et leur avancement - Audition de M. Louis Schweitzer, commissaire général à l'investissement

La réunion est ouverte à 9 h 30.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Monsieur le Commissaire général, nous sommes très heureux de vous recevoir aujourd'hui devant notre commission. Vous étiez déjà venu nous voir en juillet 2014, avant le dernier renouvellement de notre commission, donc, et deux mois seulement après votre nomination à ce poste. Vous êtes désormais un habitué de notre Haute assemblée, puisque vous y avez été auditionné, au mois de mars dernier, par nos collègues de la commission des finances. Vous êtes également accompagné, dans le cadre de cette audition, par MM. Thierry Franck, Commissaire général adjoint, et Édouard Bloch-Escoffier, directeur stratégique et financier.

Vous allez bien entendu nous parler du, ou plutôt des Programmes d'investissement d'avenir (PIA), dont je rappelle brièvement que nous en sommes au deuxième volet, avant un éventuel troisième. 35 milliards d'euros ont été mobilisés au profit du premier en 2010, et 12 milliards d'euros pour le deuxième en 2013. Des enveloppes qui devraient être quasi totalement engagées à la mi-2017, avez-vous indiqué ici même.

Nous serions bien sûrs intéressés par un point d'étape sur ces deux premiers volets, en termes de nombre de projets sélectionnés, de financements engagés et de décaissements réalisés, avec la subtile distinction entre les crédits « consommables » et « non consommables ».

Plusieurs secteurs nous intéressent tout particulièrement : le numérique, la recherche, l'industrie, l'agroalimentaire, puisque, comme vous le savez, nous nous penchons depuis plusieurs mois sur des questions concernant ce secteur, et l'agriculture. Nous serions à cet égard désireux de connaître les cibles que vous avez identifiées dans ce dernier domaine, qui a besoin d'investissements soutenus. Avec peut-être un développement sur un mode d'action innovant de votre institution, à savoir les investissements que vous réalisez en fonds propres, par opposition aux mécanismes plus classiques de contractualisation avec de grands opérateurs.

Je tiens également à saluer vos différents collaborateurs, qui font l'unanimité quant à leur qualité.

D'un point de vue plus qualitatif, il serait appréciable d'avoir une véritable évaluation des projets financés à ce jour, dont vous êtes chargés du suivi de la mise en oeuvre. Vous aviez pris soin de déclarer qu'une telle évaluation ne pourrait se faire avant 2020 ou 2025, du fait de ces délais de mise en oeuvre justement. Mais vous avez également laissé entendre qu'une évaluation intermédiaire pourrait avoir lieu en 2015-2016, et nous aimerions vous entendre sur ce point. Notamment, avons-nous déjà une première idée de ce que les PIA ont pu apporter, en termes de croissance et d'emploi?

Toujours en matière d'évaluation, vous avez reçu en 2013 mission du Parlement d'évaluer les grands investissements de plus de 20 millions d'euros de l'État, en-dehors des PIA ; avez-vous commencé à travailler en ce sens ?

Mais revenons aux PIA : plusieurs questions se posent aujourd'hui à leur sujet.

Certains investissements, certes justifiés sur le fond, auraient sans doute pu être financés par des crédits ordinaires du budget de l'État. C'est le cas de financements alloués à Airbus et au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), de votre aveu même ; pourrez-vous développer ce point ?

Les deux premiers PIA, par ailleurs, avaient des « trous dans la raquette ». Les régions n'étaient que peu associées ; dans le contexte de l'application de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, quelle sera votre action en ce domaine, même si les PIA n'ont pas vocation à faire de l'aménagement du territoire ? La question se pose tout particulièrement à la veille de leur reconfiguration en grandes entités au rôle renforcé, d'ici la fin de l'année. De la même façon, l'Europe mériterait sans doute d'être davantage prise en compte. Je crois que vous réfléchissez à une meilleure articulation avec le « plan Juncker », que vous êtes d'ailleurs chargés de suivre pour la France, et qui partage l'esprit du PIA ?

De façon plus procédurale, le traitement des dossiers du PIA a pu apparaître excessivement long. Vous avez d'ailleurs reconnu, je vous cite qu'« un délai de dix, douze, quinze mois, pose des problèmes de trésorerie, et dans certains cas, l'innovation peut avoir perdu de sa nouveauté ». Que comptez-vous faire pour améliorer cet aspect des choses et raccourcir de tels délais?

Certaines interrogations concernent l'agroalimentaire, que j'ai évoqué il y a un instant. Le nombre d'emplois a diminué de manière très forte dans le monde agricole, qui a connu une perte de l'ordre des 4/5èmes de ses actifs. Nombre de régions, à travers notamment les pôles de compétitivité, nourrissent de réels espoirs quant à votre capacité à les aider. À ce titre, Monsieur le Commissaire général, j'ai relevé que vous interveniez dans l'agroalimentaire à Saclay, c'est-à-dire dans la recherche fondamentale. Disposez-vous d'outils adaptés pour la recherche-développement (R&D) et l'application concrète des innovations ? Ce sont là quelques sujets et je suis certain que des membres de notre commission, qui est presque au complet aujourd'hui, ne manqueront pas d'en aborder d'autres !

M. Louis Schweitzer, Commissaire général à l'investissement. - Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous remercie de m'accueillir devant votre commission. Quelquefois, on a pu entendre que les PIA n'étaient pas assez soumis au contrôle parlementaire, et je pense qu'il est très important que le Parlement soit pleinement informé de notre activité. Celle-ci fait d'ailleurs l'objet d'un jaune budgétaire, document très complet, à la lecture quelque peu austère, qui est joint au projet de loi de finances.

Monsieur le Président, vous avez bien voulu m'adresser un grand nombre de questions. Je ne sais si je parviendrai à répondre à toutes dans mon exposé introductif, compte tenu de leur richesse.

Je formulerai une remarque liminaire. Je suis le troisième commissaire général à l'investissement, et je m'inscris à ce titre dans la continuité de mes prédécesseurs, MM. René Ricol et Louis Gallois. Le premier PIA a été mis en place à l'initiative de M. Nicolas Sarkozy par une commission co-présidée par deux anciens Premiers ministres, MM. Alain Juppé et Michel Rocard. Ceux-ci continuent d'ailleurs de présider le comité de surveillance qui suit activement la mise en oeuvre de nos projets et la réflexion sur le troisième programme, qui est l'un des sujets que vous avez évoqué.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? 47 milliards d'euros de crédits ont été ouverts sous différentes formes. Ce sont tous des crédits budgétaires, mais de nature différente. Ainsi, les avances remboursables, qui représentent 40 % de cette enveloppe, pèsent sur le déficit pris en compte par nos engagements maastrichtiens. 40 % des crédits sont par ailleurs constitués de dotations non consommables, qui disposent d'un statut un peu particulier puisqu'on les attribue mais on ne les verse pas : on alloue à l'attributaire l'intérêt au taux des obligations à dix ans du Trésor du capital mobilisé. Par exemple, si une université se voit attribuer un milliard d'euros, nous verserons, pour le premier PIA, 34 millions d'euros par an, et pour le second, 25 millions d'euros par an. Ainsi, le poids sur le budget n'est pas proportionné à l'importance du capital mobilisé. Enfin, notre programme comprend 20% de fonds propres et de prêts qui ne pèsent pas, quant à eux, sur le déficit maastrichtien. En effet, puisque ces fonds propres sont investis à la manière d'un investisseur avisé, ils ne sont pas considérés par la comptabilité nationale ni par les autorités européennes comme des dépenses budgétaires. De même pour les prêts qui sont consentis dans des conditions normales.

Sur ces 47 milliards d'euros, nous en avons engagé, au 30 septembre 2015, 35,8. La contractualisation désigne l'étape suivante, après la décision du Premier ministre d'affecter une somme à un projet ; elle consiste en la signature d'un accord destiné à sa mise oeuvre en rassemblant ses acteurs. C'est à ce moment-là que sont précisés les cofinancements nécessaires. Ils doivent respecter un ordre de grandeur de un pour un, et représentent 29,7 milliards d'euros. Nous n'avons en revanche décaissé - et ce décaissement pèse sur les déficits de l'État au sens communautaire - que 12,6 milliards d'euros car, d'une part, nous assurons en avancement le financement des projets et, d'autre part, de tels décaissements sont très lents et limités dans le temps. Notre programme assure ainsi le financement de quelque 2 500 projets. Après une année 2013 qui a été un peu creuse, nous retrouvons un rythme de l'ordre de 500 projets par an.

Sur le fond, j'ai parlé de la répartition de la nature des crédits. Retenez qu'en pourcentage, sur cette enveloppe engagée de près de 36 milliards d'euros, 52 % va à l'enseignement supérieur, à la valorisation de la recherche et à la formation, 20 % à l'innovation, 15 % au développement durable et 12 % au numérique. Le total de ces pourcentages n'est pas tout à fait égal à 100, puisque la part occupée par l'enseignement supérieur et la valorisation représente quelque 52 % des crédits, mais les ordres de grandeur demeurent.

Nos critères d'intervention sont au nombre de trois. L'excellence arrive au premier plan. Nous ne finançons que les projets pouvant constituer des pôles d'excellence comme dans les universités et dans les laboratoires de recherche. Les projets sont ainsi choisis par un jury international ou sur la base d'avis d'experts extérieurs. Leur sélection n'est nullement opérée par un choix arbitraire de l'administration, pas plus d'ailleurs que de l'excellente équipe qui m'entoure. Je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir rendu hommage à celle-ci, composée de trente-cinq personnes très diverses, chargées de mettre en oeuvre les programmes. L'innovation est notre second critère. Nous octroyons les crédits à ce qui est innovant, comme la création d'entreprises nouvelles ou de start-ups, ou la mise en valeur des innovations universitaires. Cette démarche est essentielle, car la compétitivité de la France dans le monde dépend de notre capacité d'innovation.

La coopération est enfin notre troisième élément. Notre mission consiste à faire travailler ensemble, sur des projets communs, des acteurs qui ne le font pas naturellement. Prenons un exemple. On dit beaucoup, et c'est vrai, qu'en France, la coopération entre l'université, la recherche publique, l'industrie et la recherche privée est moins forte qu'en Allemagne. Les organismes que nous mettons en place, à l'instar des instituts de recherche technologique (IRT), associent des structures pour moitié issues de la recherche privée et pour moitié de la recherche publique. Dans l'industrie, nous privilégions ainsi le concept de filières entre les grandes entreprises et les petites et moyennes (PME). J'étais hier à Saint-Nazaire pour soutenir une opération très innovante visant à réduire la consommation énergétique des grands paquebots de croisière qui y sont construits. Ce projet associait à STX, grande entreprise, trois PME qui apportaient leur concours et requéraient notre financement.

Je voudrais souligner qu'il existe des marges de progrès. La première difficulté que nous rencontrons réside dans la lenteur et la complexité de notre processus. De telles difficultés fragilisent les PME ; aussi nous nous efforçons d'accélérer et de simplifier nos procédures. Une telle démarche s'inscrit dans la continuité de mes deux prédécesseurs. Aussi avons-nous divisé le délai entre le dépôt d'un projet et sa contractualisation par plus de trois depuis 2011. Une telle réduction est sensible. En outre, nous avons lancé des projets spéciaux pour les petites entreprises, comme le concours mondial de l'innovation et l'initiative PME. Les dossiers de candidature à ces processus de sélection ne doivent pas dépasser cinq pages. Nous sommes certes sujet à critique dans certains domaines et la Cour des comptes, dans le rapport qu'elle est en train d'élaborer, ne manque pas de le faire. En effet, subsistent dans les PIA des actions qui auraient pu être financées par les missions du budget de l'État, à l'instar du soutien d'Airbus par des avances remboursables, qui se trouvent en dehors de la logique des investissements d'avenir. La Cour des comptes dénonce l'inscription de ces actions dans notre budget ordinaire, mais il faut noter que le montant de ces dérives, pour significatif qu'il soit, ne représente qu'environ 10 % des 47 milliards d'euros des deux PIA.

Si nous continuons d'avancer au même rythme dans cette voie, nos programmes de consommation prévisionnelle des crédits indiquent que la quasi-totalité des crédits des deux programmes sera engagée à la mi-2017. Ceci m'a conduit à proposer au Gouvernement un troisième PIA, étant entendu qu'il doit faire l'objet d'un vote en loi de finances initiale ou rectificative. Le Président de la République a repris cette proposition en annonçant qu'en 2016, serait présentée au Parlement une loi de finances relative à un troisième programme de ce type, d'un montant de 10 milliards d'euros. Nous proposions d'ailleurs ce même montant.

Nous nous attachons à évaluer tout ce que nous faisons. Cette évaluation ne sera complète qu'après 2025 puisque, par exemple, le développement de la recherche universitaire française se fait au long cours, tout comme la traduction de certaines innovations dans des entreprises de grande taille. Cependant, on ne pouvait s'assurer de la nécessité d'engager un troisième programme sans avoir conduit un examen intérimaire de l'état d'exécution des deux premiers. Choisir les experts habilités pour ce faire ne nous incombait pas. Aussi avons-nous demandé à France stratégie de désigner une commission de six à sept experts présidée par une personnalité, M. Philippe Maystadt, qui a été ministre en Belgique et président de la Banque européenne d'investissement (BEI). Cette commission a d'ailleurs débuté son examen des PIA 1 et 2 avec beaucoup de rigueur et de sérieux, et devrait rendre ses conclusions en mars prochain, avant que ne débute l'examen du troisième PIA.

Pourquoi un nouveau programme de ce type ? Pour une raison simple : il nous paraît que le besoin qui avait initialement justifié sa première version, c'est-à-dire la préservation de l'investissement et des dépenses d'avenir en période de crise économique, dans une situation qu'on pensait alors temporaire, n'a pas fondamentalement changé. Dans les périodes où les déficits publics s'accroissent, on a ainsi tendance à privilégier le présent au détriment de l'investissement futur. Un tel contexte justifiait qu'on continuât d'assurer le potentiel de croissance à venir de la France. Soutenir une entreprise en difficulté permet, sur le moment, de sauver un nombre donné d'emplois. Soutenir la création d'entreprise, comme le fait l'association Initiative France, que j'ai l'honneur de présider, est d'une autre ampleur : cela a facilité la création de 44 000 emplois durant l'année 2014. Quand on innove pour l'avenir, on soutient les emplois de demain davantage que ceux d'aujourd'hui ! Lorsqu'il s'agit d'emplois de chercheurs, ceux-ci sont onéreux et leur effet économique n'est pas visible immédiatement.

L'effet de retour sur emploi de nos programmes demeure ainsi une question ouverte. Je ne pense pas toutefois qu'il s'agisse de l'objet central du PIA. En effet, celui-ci concerne avant tout le potentiel de croissance future.

Ce nouveau programme sera en continuité avec les deux précédents, mais avec quelques inflexions. Je vais à présent exposer nos propositions, qui viennent corroborer la récente annonce faite par le Président de la République d'un projet soumis au Parlement en 2016. Je vous mets en garde à cet égard, car ce ne sont là que des propositions émises par le CGI !

Le nouveau PIA que nous proposons présente à la fois des éléments de continuité et d'inflexion avec les précédents. Nous avions créé, avec le PIA1 et le PIA 2, un certain nombre d'institutions et d'organismes, comme les instituts d'excellence (IDEX), les initiatives «Science - Innovation -Territoires - Économie » (I-SITE), qui sont des universités d'excellence à champ réduit, les instituts de recherche technologique (IRT), ainsi que les instituts pour la transition énergétique (ITE). Nous ne proposons pas d'en accroître le nombre dans le PIA 3, car nous considérons que leurs domaines ont été assez largement couverts. Il faut à présent rendre plus lisible ce paysage.

Nous avons également créé des sociétés d'accélération du transfert technologique (SATT) et une région, la Haute et la Basse-Normandie, qui n'est actuellement pas couverte, souhaite en disposer.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Vous avez bien préparé votre intervention, Monsieur le Commissaire général !

M. Louis Schweitzer. - Nous ne voyons aucune raison que cette région, qui n'était pas prête au moment du lancement des SATT, ne puisse à terme en bénéficier ! Nous avons également créé des instituts hospitalo-universitaires (IHU) qui, comme les IRT ou les ITE, sont implantés localement tout en ayant une vocation nationale. Ces instituts sont spécialisés dans des disciplines médicales spécifiques, à l'instar de celui implanté à Marseille, consacré aux maladies infectieuses, ou encore de celui installé à Strasbourg, qui travaille tout particulièrement sur la chirurgie interventionnelle. Puisque des disciplines médicales demeurent, pour le moment, absentes de ce dispositif, nous n'excluons pas de créer un ou deux, voire trois IHU supplémentaires. Voilà ce qu'il en est pour les institutions.

Nos domaines d'intervention devraient, quant à eux, demeurer inchangés et concerner la recherche et l'enseignement, la valorisation de la recherche et son transfert à l'entreprise, ainsi que la modernisation de notre économie. Ces trois grands champs seront aussi présents dans le troisième PIA autant qu'ils l'étaient dans les précédents. Nous avons proposé des enveloppes de crédits en ce sens au Gouvernement : sur les 10 milliards d'euros, 4 rentreraient en compte pour le calcul du déficit maastrichtien, et 4 seraient mobilisés sous forme de fonds propres, car avec le niveau des taux d'intérêts actuels, l'idée de mettre au budget de l'État les enveloppes de prêts ne me paraît pas pertinente. Une telle intervention en fonds propres est destinée à accompagner la croissance des sociétés innovantes en France, qui reste le pays d'Europe où l'on créée le plus grand nombre d'entreprises, mais où l'on en compte le plus faible nombre de taille intermédiaire. Nos entreprises connaissent un problème de croissance et notre rôle est essentiel dans l'apport de fonds propres. Il nous faut agir comme un bon investisseur, c'est-à-dire en soutenant celles qui présentent un réel potentiel de croissance, afin d'éviter qu'elles renoncent à leur développement ou qu'elles se délocalisent, à terme, dans des pays réputés plus ouverts au financement.

Cette enveloppe de 4 milliards d'euros de fonds propres représente, en proportion, plus du double de ce que contenaient les PIA 1 et 2 ; il y a là une évolution très significative. Les crédits maastrichtiens, au sens classique, sont au contraire moins importants. Nous avons également proposé un nouveau concept, à savoir les dotations décennales, destinées à remplacer les dotations non consommables. Les taux d'intérêt actuels des obligations du Trésor oscillent autour de 1 à 1,5 %. C'est pourquoi ouvrir un milliard d'euros de crédits pour verser 10 à 15 millions d'intérêt par an donne certes une idée de la pérennité de l'État, mais ne paraît guère raisonnable. Aussi proposons-nous de remplacer ces dotations non consommables par des dotations décennales, qui seraient destinées aux universités et aux organismes de recherche, et qui seraient versées, sur onze ou douze ans, avec un plafond de 10% par tranche annuelle. Ces deux milliards d'euros de dotations décennales correspondent à trois fois plus que l'effort réalisé précédemment pour les secteurs de l'université, de la recherche et de l'enseignement. Ils sont, en proportion, identiques aux dotations analogues des PIA 1 et 2 réunis. Nous proposons cependant un changement d'orientation. Alors que nous avions financé la recherche avec les PIA 1 et 2, il nous faut à présent mettre davantage l'accent sur l'enseignement et la formation, aux niveaux du secondaire et de l'université, jusque-là moins considérés. Cette évolution permettrait d'assurer le financement de projets de nature expérimentale de nature à améliorer la qualité et l'efficacité de la formation. À cet égard, l'innovation ne se limite pas au numérique, et l'on voit que les techniques d'enseignement et d'accompagnement des élèves et des étudiants, dans d'autres pays, sont plus avancées qu'en France. Notre stratégie de l'enseignement supérieur a mis au jour de réels problèmes et certaines enquêtes, comme celles conduites par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), montrent que le niveau de formation des jeunes Français de quinze ans n'est pas celui que nous aimerions avoir, c'est à dire le meilleur du monde. Mais si nous souhaitons porter davantage l'accent sur l'enseignement et la formation, nous ne nous désengageons pas pour autant de la recherche fondamentale.

En ce qui concerne les enveloppes économiques, nous pensons que le numérique, auquel vous avez fait allusion, Monsieur le Président, devient transversal puisqu'il se retrouve dans toutes les activités et concerne la modernisation de l'appareil productif. Outre le numérique, qui devient omniprésent, le développement durable, auquel avaient été dédiés des crédits dans les PIA 1 et 2, est également essentiel. À cet égard, une règle selon laquelle 50 % des crédits investis devaient induire des effets bénéfiques sur l'environnement s'appliquait précédemment. Dans ce domaine également, transversalité et approche sectorielle se conjuguent.

Nous souhaitons davantage soutenir la croissance des PME et des très petites entreprises (TPE) dans le PIA 3. Ainsi, dans le cadre du concours France Innovation, nous aidons une idée à se transformer en entreprise, via une subvention de 200 000 euros allouée dans un délai de moins de deux mois. Pour qu'elle puisse créer un prototype, nous pouvons lui attribuer une avance remboursable pouvant atteindre jusqu'à deux millions d'euros. Enfin, nous sommes en mesure de soutenir, à hauteur de vingt millions d'euros avec les fonds propres, le passage de ce prototype à l'échelle industrielle et commerciale. Cet accompagnement, à chacune des étapes de la croissance des entreprises innovantes, implique donc des outils financiers différents.

Monsieur le Président, vous avez fait allusion aux industries agricoles et alimentaires. Celles-ci ne sont pas exclues du PIA, mais reconnaissons qu'elles ne bénéficiaient pas de crédits spécifiques. Dans le cadre du redéploiement de crédits opéré au sein du PIA 2, et que je trouve, pour ma part, excellent, une enveloppe de 120 millions d'euros a été dégagée pour FranceAgriMer et les projets relatifs à l'agriculture et aux industries agroalimentaires. Nous avons de bons projets ; les deux premiers ont concerné, d'une part, des serres énergétiquement plus efficientes et, d'autre part, les abattoirs du futur. Nous souhaitons développer, par l'approche que j'ai évoquée concernant les PME, les jeunes entreprises ou les projets d'entreprises dans ce domaine agricole et alimentaire. L'échelle qui a été jusqu'à présent la nôtre est demeurée modeste, avec 120 millions d'euros sur les 47 milliards des PIA 1 et 2. Avec le PIA 3, nous souhaitons donc aller plus loin dans ce domaine, ainsi que dans celui du tourisme. Dans ce dernier secteur, il y a place, en effet, pour l'innovation et le développement du numérique afin d'éviter, par exemple, que des opérateurs d'outre-Atlantique ne perçoivent une rente de 20 % sur toute l'activité hôtelière française. C'est bel et bien un sujet majeur pour nous.

Vous aviez également évoqué, Monsieur le Président, deux autres sujets. Le PIA 2 consacre une enveloppe de 50 millions d'euros pour cinq régions qui ont été choisies. Chacune se voit affecter 10 millions d'euros, qu'elle se doit d'abonder avec 10 autres millions. Cette enveloppe globale de 20 millions d'euros serait instruite par la Banque publique d'investissement (BPIFrance) et cogérée par l'État et la région au niveau local, sous réserve de notre validation. Cette démarche a effectivement démarré dans quatre nouvelles régions, à savoir : Pays de la Loire, Nord-Pas-de-Calais Picardie, Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA) et Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine. L'Aquitaine, pourtant sélectionnée, ne s'est pas engagée. Ce mécanisme s'avère efficace, puisque les délais de décision se limitent à six semaines. Il assure le financement d'une diversité de projets allant de 100 000 à 500 000 euros. Comme j'ai pu le constater hier, lors d'un déplacement à Saint-Nazaire, nous avons pu financer des projets remarquables dans une grande variété de domaines, notamment technologiques et médicaux.

Au vu du succès de cette expérience, et compte tenu du rôle renforcé des régions en matière économique, nous ne pouvions pas demeurer à cette échelle de 50 millions d'euros sur 47 milliards d'euros. En conséquence, nous proposons de porter cette nouvelle enveloppe régionale à 500 millions d'euros dans le nouveau PIA, c'est-à-dire de passer de 1 pour 1 000 à 1 %. Il s'agit là d'une forte augmentation relative.

Sur l'Europe, le Gouvernement a chargé BPI France de coordonner la réalisation du « plan Juncker » pour la France, ce qui assure une bonne cohérence. Cependant, le territoire concerné par ce plan européen diffère de celui pris en compte par le PIA, et manifeste un appétit pour un niveau de risque plus faible. Il se situe davantage dans la diffusion que dans l'expérimentation. Par exemple, le PIA soutient la conception d'éoliennes marines de grande puissance, alors que le « plan Juncker » va financer des éoliennes terrestres dont le modèle économique est bien connu et la technologie maîtrisée. En outre, le « plan Juncker » finance des infrastructures, ce que ne fait pas le PIA. Il y a donc une complémentarité bien assurée ainsi qu'une certaine logique à ce que les idées développées dans le cadre du PIA trouvent leur extension dans le « plan Juncker ». Nous vérifierons, dans le PIA 3, que cette complémentarité est bien assurée. En outre, le fait que la structure CGI existe, et qu'il y ait en France une certaine acculturation aux investissements d'avenir, expliquent que notre pays soit bien traité et que de nombreux objets soient pris en compte par la Banque européenne d'investissement (BEI). Nous sommes ainsi parmi les plus actifs et porteurs au niveau européen.

Monsieur le Président, mon exposé était certes un peu long, mais vous m'aviez posé de nombreuses questions !

M. Jean-Claude Lenoir. - Vous avez déclaré ne pas avoir consommé la totalité de vos crédits dans le domaine de la transition énergétique, ce qui est surprenant.

M. Louis Schweitzer. - En effet, la Commission Juppé-Rocard avait prévu initialement une enveloppe plus importante pour les sujets relevant de la transition énergétique ; or, nous avons reçus moins de projets qu'attendus dans ce secteur. Deux éléments d'explication peuvent être avancés. D'une part, dans ce domaine, la recherche et l'innovation s'avèrent relativement moins importants que la « diffusion »: autrement dit, ce domaine relève davantage du Plan Juncker que du PIA, même si nous pouvons être saisis de projets très innovants, à l'instar de ceux relatifs à la capacité de stockage des batteries et à leur recyclage. D'autre part, le développement durable se trouve dans beaucoup de projets qui ne sont pas labellisés comme tels. En effet, lorsqu'on conçoit une usine du futur, le premier objectif demeure la réduction de coûts, dont le coût énergétique. Il en résulte que le développement durable se trouve dans d'autres enveloppes que celle qui lui a été initialement attribuée.

Monsieur le Président, je n'ai pas répondu à votre question relative à notre mission de contre-expertise. Nous sommes chargés de recenser l'ensemble des projets d'investissement de plus de 20 millions d'euros et de réaliser une contre-expertise indépendante des investissements de plus de 100 millions d'euros. Nous avons ainsi conduit plus de trente contre-expertises, dont les résultats sont versés aux dossiers d'enquête publique. Cette contre-expertise a deux vertus : elle permet d'améliorer la qualité des projets ainsi que la performance de leur évaluation socio-économique, d'autant que lorsqu'elles s'avèrent défavorables, elles peuvent conduire au réexamen des projets.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je vous remercie, Monsieur le Président, pour votre intervention. Je passe la parole à mes collègues qui se sont inscrits en grand nombre pour intervenir.

M. Daniel Gremillet. - Puisque les PIA 1 et 2 favorisaient la recherche universitaire, ceux-ci n'ont-ils pas en définitive rencontré les mêmes problèmes que ceux du crédit impôt-recherche en contribuant significativement à des programmes de recherche sans déclinaison industrielle ? Les conditions de mise en oeuvre par l'industrie des fruits de la recherche ne sont pas favorables dans notre pays. Vous avez évoqué les entreprises intermédiaires et nous partageons votre constat. En effet, celles-ci sont exclues du champ des bénéficiaires, dès lors que leur chiffre d'affaires ou leurs effectifs dépassent un certain seuil. Il faut ainsi revenir à l'essentiel et assurer également le développement de ces entreprises de taille intermédiaire.

S'agissant des industries agro-alimentaires, un secteur dans lequel nous étions en tête, notre déclin est manifeste suite au désintérêt qui est survenu de la part des pouvoirs publics. Je ne peux donc que me réjouir de l'ambition renouvelée du nouveau PIA dans ce secteur de l'agro-alimentaire pour conforter le savoir-faire et la capacité industrielle française.

Comme élu d'une région bénéficiaire du PIA, j'ai malheureusement pu constater que, dans le cadre du partenariat « un pour un », nous avons financé des projets dont la réalisation était d'ores et déjà terminée. C'est un véritable gâchis ; nous avions sans doute mieux à faire en termes d'investissement d'avenir !

Je partage enfin votre nouvelle orientation conduisant à mobiliser des moyens pour la formation et l'enseignement ; c'est indispensable si l'on veut restaurer la capacité industrielle de notre pays. Beaucoup d'entreprises éprouvent de réelles difficultés à recruter des personnes capables pour faire face aux défis de la nouvelle ère industrielle qui est désormais la nôtre.

M. Martial Bourquin. - Je souhaite vous remercier, Monsieur le Commissaire, pour votre exposé. Nous partageons votre plaidoyer en faveur de l'investissement, en période de crise. Il faut d'ailleurs certainement investir davantage dans un tel contexte, puisque l'investissement demeure le moteur de la croissance et de la productivité. On a pu voir, dans le quotidien Les Échos, que nous étions quasiment en parité avec l'Allemagne dans ce domaine.

Ma première question porte sur les problèmes de la recherche et du développement. Nous sommes excellents en dépôts de brevets mais nous éprouvons de réelles difficultés pour assurer le développement de cette recherche. Nos chercheurs partent pour l'étranger, faute de pouvoir assurer le développement de leurs innovations en France. Que pensez-vous de cette situation ?

Nous enregistrons également un retard dans la couverture de notre territoire en haut débit ; or la couverture numérique est une question essentielle non seulement en matière d'infrastructures mais aussi quant à ses usages. Cette technologie est désormais partout et il faut donner encore davantage de place pour l'innovation.

En outre, le Sénat vient de rendre public un rapport sur la commande publique, qui représente 20 % du PIB et près de 400 milliards d'euros. Nous y mettons en exergue la problématique des PME innovantes : comme le Président de la République l'a déclaré, nous souhaitons qu'elles représentent, à l'horizon 2020, 2 % de la commande publique et 4 % en 2025. Mais leur principale difficulté réside dans l'obtention de marchés sur des produits du futur et, à cet égard, la question des partenariats d'innovation est essentielle. Ces partenariats permettent d'attribuer à une entreprise un marché comprenant la phase de recherche-développement et la phase d'acquisition du produit fini. Il faut assurer leur développement afin que l'État et les collectivités territoriales les utilisent pleinement.

M. Joël Labbé. - Je vous remercie, Monsieur le Commissaire général, de votre exposé complet. Ma question concernera l'agriculture. Tout doit être orienté en faveur du développement durable. Je me méfie de la notion d'innovation dans l'agriculture. Quelle définition en donnez-vous ? L'avenir me paraît davantage dans la sobriété dans l'exploitation des ressources et leur consommation. Que devient l'agriculture familiale et paysanne au-delà de ces innovations technologiques ? Il y a certes des recherches à financer dans le secteur de l'agronomie, à l'instar de l'évolution des prairies permanentes qui a fait l'objet de recherches conduites par l'Institut national de recherche agronomique (INRA) mais dont les travaux s'avèrent en-deçà de ce qui est fait Outre-Atlantique. À mon sens, de telles questions recèlent un véritable avenir et ce n'est qu'avec une agriculture vivante sur des sols vivants qu'on pourra assurer un aménagement du territoire durable.

M. Philippe Leroy. - Je partage les préoccupations de mon collègue Daniel Gremillet au sujet des petites et moyennes entreprises : c'est sur celles-ci qu'il faut concentrer nos investissements pour sauver notre industrie.

Mon interrogation porte sur une vision quelque peu idéale de l'innovation et sur celle un peu négative que l'on donne au transfert de technologie. Où se situe la frontière entre les deux ? On donne la part belle aujourd'hui à l'innovation dans les crédits, mais l'on sait qu'une grande partie du progrès industriel et économique dépend de la capacité des PME à investir dans des technologies connues et nécessitant des efforts de transfert. Je ne suis pas rassuré sur les quelques crédits destinés aux collectivités locales qui pourront certes fournir une aide aux entreprises militantes, mais sans pour autant régler l'essentiel du problème. Cette observation vaut également pour le financement des pôles de compétitivité : on privilégie trop l'excellence au détriment de l'apprentissage et de la mise en oeuvre des technologies nouvelles.

J'émettrai une deuxième remarque, au sujet la recherche fondamentale sur les médicaments. Depuis un certain temps, la recherche médicale conduite en France porte davantage sur l'appareillage, comme les coeurs artificiels, que sur la composition chimique des médicaments. Or, le développement des médicaments, en particulier les génériques, se fait désormais à l'étranger, car nous avons arrêté en France les recherches sur les antibiotiques. Ainsi, lorsqu'on évoque les résistances grandissantes aux antibiotiques, c'est qu'on n'en invente plus de nouveau et ce, alors qu'il faudrait que l'imagination des hommes soit aussi vivace que celle des souches !

M. Franck Montaugé. - J'aurai deux questions. La première porte sur la méthode. Quelle part l'approche prospective prend-elle dans les choix que vous effectuez ? Quelle est ainsi la prise en compte du risque et du risque partagé dans votre processus de sélection des projets ? Ma seconde question concerne les filières, au regard du cadre national et de vos critères de sélection. Comment la structuration de filières de développement et de production est-elle appréhendée par votre commissariat pour être efficiente. Celle-ci peut-elle constituer un point rédhibitoire pour votre acceptation du projet ? Si ce n'est pas le cas, quel peut alors être accompagnement éventuel de l'État, en lien avec les acteurs du tissu industriel concerné ? Je pense, comme mon collègue Daniel Gremillet, à la taille des entreprises qui restent, pour la plupart d'entre elles, des PME faute de pouvoir devenir des ETI dont le développement est entravé par les règles de concurrence européennes.

M. Ladislas Poniatowski. - J'ai deux questions de forme et une question de fond. Sur la forme, quelle est votre indépendance ? Certes, vous émettez des propositions destinées au Président de la République et celles-ci font ultérieurement l'objet d'un vote par le Parlement. Et après ? Quelle est votre marge de manoeuvre ultérieure, quant au suivi des enveloppes d'investissement ? Quelle est également votre capacité de vous retirer de certains projets lorsque leur évolution s'avère contraire à vos prévisions ? S'agissant du rôle du Parlement, est-ce que tout est fixé ? Qu'adviendrait-il si celui-ci n'entérinait ni votre programme ni votre méthode ? Ainsi, vous venez de nous indiquer l'accent porté sur l'enseignement et la formation dans le prochain PIA. Imaginons que votre idée ne m'agrée pas ? Si je venais à présenter un amendement visant cette démarche et préconisant que celle-ci soit abandonnée, quelle en serait la conséquence ?

Sur le fond, j'ai présenté un dossier en tant que président d'un syndicat d'électricité et ma démarche était en tout point conforme aux critères de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR). Si globalement, près de 40 millions d'euros par an sont consacrés à divers travaux d'infrastructures dans mon département, ce sont près de 4 millions d'euros qui sont consacrés à l'éclairage public. A la veille de la COP 21, un tel projet représentait une réelle opportunité de réaliser des économies substantielles : le remplacement de tout un réseau de lampadaires dans une ville génère entre 30 et 50 % d'économie de facture électrique des éclairages publics et celle-ci est bien souvent le second poste de dépenses pour nombre de communes ! Notre démarche, qu'allait emboîter l'ensemble des syndicats locaux d'électricité, a pourtant été rejetée au motif que le projet n'était pas innovant ! Je trouve dommage, dans le contexte que nous connaissons et à la veille de la COP 21, que vous ne souteniez pas les projets destinés à assurer de réelles économies d'énergie ! Je me permets cette observation, à comprendre avec humour et gentillesse...

M. Yannick Vaugrenard. - Merci Monsieur le Commissaire général pour à la fois la clarté de vos propos et l'esprit d'avenir qui a animé votre présentation. Je tenais à saluer votre clarté et le nombre de projets que vous entendez soutenir et ce, dans des délais qui ont été singulièrement raccourcis. Vous vous êtes rendu à Saint-Nazaire pour soutenir l'entreprise STX en apportant un financement de 3.800.000 euros abondant un budget annuel global de l'ordre de 10,5 millions d'euros. Tout cela n'est pas rien ! Comme vous l'avez indiqué, le site de Saint-Nazaire présente un tissu de coopérations avec les PME locales. De manière concrète, STX va ainsi participer à la réduction des besoins énergétiques des grands paquebots et bénéficier en cela d'un temps d'avance sur ses principaux concurrents européens et du Sud-Est asiatique, ces derniers risquant de devenir prochainement concurrentiels dans le secteur des paquebots de croisière. Je voulais aussi saluer votre action en faveur d'une start-up située en Loire-Atlantique et qui a élaboré un système de stabilisation des navires tout en améliorant leur pilotage. Ce système, qui répond aux critères d'excellence et d'innovation, devrait, dès décembre prochain, être embarqué, à titre expérimental, dans le vaisseau Thalassa d'Ifremer.

J'ai une première question sur la mise en place des projets dont les délais sont parfois trop longs. Le PIA 3 va-t-il conduire à l'augmentation du nombre d'organismes, au risque de complexifier le paysage institutionnel ? Ma seconde question porte sur la formation et fait suite à l'annonce du Président de la République de nouveaux financements dans ce domaine. Comment allez-vous mettre en oeuvre ce nouvel accent porté sur la formation ? Allez-vous créer de nouvelles filières ou comptez-vous vous limiter à celles qui existent déjà ? Ma troisième et dernière question concerne le financement des start-ups. Il est plus aisé d'en assurer l'amorçage dans les pays anglo-saxons qu'en France du fait, notamment, de la frilosité du système bancaire dans notre pays. Les conseils régionaux, compte tenu de leurs compétences réaffirmées dans le domaine économique, peuvent jouer un rôle prépondérant en matière d'avances remboursables et de subventions. Mais une telle codécision ne va-t-elle pas provoquer l'allongement des délais ?

M. Yves Rome. - Le numérique est un enjeu majeur de transformation de notre économie. Car la numérisation de notre économie n'est nullement acquise et elle nécessitera le développement d'infrastructures spécifiques ! Le plan très-haut-débit est à son apogée mais nous nourrissons quelques inquiétudes quant à l'accompagnement des financements des infrastructures en zone rurale notamment. Comment comptez-vous accélérer la numérisation de notre économie dans le cadre du PIA 3 ? Quel accompagnement allez-vous mettre en oeuvre pour favoriser le développement des start-ups dont les créateurs recherchent près de 70 % de leurs sources de financement Outre-Atlantique, à défaut de pouvoir les réunir sur le territoire national.

M. Michel Le Scouarnec. - Vous avez débuté votre propos en soulignant que vous n'aviez pas vocation à aider les entreprises en difficulté, mais leur disparition provoque des dégâts considérables, comme c'est le cas dans le Morbihan dans le secteur de l'aviculture.

J'ai bien noté que vous apportiez 120 millions d'euros à France AgriMer, mais je ne suis pas certain qu'un tel montant soit à la hauteur des besoins du secteur agroalimentaire. Dans combien de temps disposerons-nous des abattoirs du futur que vous évoquiez ? Sur nos territoires, nombre de petits abattoirs ont déjà disparu et cette disparition est la source de grandes difficultés pour nos éleveurs. Il faut se concentrer, à mon sens, sur la transition énergétique qui concerne la totalité des secteurs de l'économie ! La pêche est également concernée puisque près de 50 % de la flotte devront être reconstitués dans les dix prochaines années. Sans doute pouvez-vous contribuer à l'émergence du bateau du futur, dont la consommation énergétique et les frais de fonctionnement seraient grandement diminués. En outre, la méthanisation me paraît devoir être développée en milieu agricole et nombre de projets dans ce secteur ne peuvent aboutir, faute des financements suffisants.

M. Roland Courteau. - Un point me préoccupe. Comment peut-on faire dans les quartiers défavorisés pour aider les créateurs d'entreprises dont les projets peuvent s'avérer particulièrement innovants mais ne peuvent aboutir, faute de réseaux et de financements ? Auriez-vous quelque chose à nous dire sur ces situations spécifiques ?

M. Daniel Dubois. - Monsieur le Commissaire général, je rejoins notre collègue Yves Rome sur le numérique car aider les PME et les TPE, alors que le très haut débit n'est pas installé, me paraît illusoire : le réseau est évidemment le premier levier pour que cette aide soit efficace.

Lorsqu'on investit autant d'argent dans les projets innovants, comme vous le faites, le contrôle est essentiel. Dans ces conditions, comment conduisez-vous le suivi des projets? Par ailleurs, vous nous avez indiqué soutenir, dans le PIA 3, l'enseignement, la formation et le numérique en général. N'allez-vous pas en définitive transférer de l'investissement sur des dépenses de fonctionnement et ce, alors que vous avez déjà essuyé un tel reproche de la Cour des comptes? Et comment allez-vous assurer un suivi sur l'efficacité des investissements sur des sujets relevant de thématiques telles que l'éducation et la formation dont l'évaluation peut paraître malaisée ?

M. Marc Daunis. - Nous partageons, Monsieur le Commissaire général, les orientations que vous nous avez données. Je me félicite également de l'annonce d'un troisième PIA et l'accélération des délais me parait une bonne nouvelle.

J'aurai une première question plus générale sur le numérique transversal. Nous sommes engagés dans la troisième révolution numérique. Le risque de saupoudrage est énorme et il vous appartient, comme l'évoquait également mon collègue Ladislas Poniatowski, de faire des propositions et non de décider. Il serait éminemment souhaitable que vous préconisiez le ciblage dans des secteurs tels que le développement de l'intelligence artificielle et ses multiples incidences sur l'ensemble des procédés industriels. Le domaine de la sécurité numérique, ainsi que le traitement des données pourraient être aussi concernés. Or, nous avons accumulé dans tous ces domaines un retard important et ce, malgré nos capacités importantes en matière de méga-données.

Ma seconde question portera sur la croissance des TPE et des PME. Alors que les rapports et les constats se multiplient, comment abordez-vous cette question ? Ne serait-il pas temps de se concentrer sur les accélérateurs, car je ne pense pas que l'amorçage représente le principal problème en l'occurrence. Il serait important d'assurer une continuité entre les orientations prises par les ministères concernés et le PIA.

J'aurai enfin une troisième question : comptez-vous proposer que soit dédiée une enveloppe spécifique à l'économie sociale et solidaire dont le rôle a été renforcé par le législateur mais qui doit désormais être confortée par les projets innovants que vous soutenez ?

M. Jean-Pierre Bosino. - Pourriez-vous nous préciser l'origine de ces 2.500 projets financés ? Vous avez indiqué que vos choix prenaient en compte trois critères, à savoir l'excellence, l'innovation et la coopération. Mais l'emploi est-il pris en compte afin de répondre aux besoins du pays ? S'agissant du soutien aux PME et aux TPE, sur laquelle mon collègue Marc Daunis est intervenu, votre intervention ne supplée-t-elle pas les banques qui ne jouent pas leur rôle ?

Mme Anne-Catherine Loisier. - Monsieur le Commissaire général, êtes-vous saisi de dossiers relatifs à la filière bois ? En effet, la France a certes de nombreux atouts dans ce secteur, mais elle accuse, notamment dans le domaine de la chimie et de l'innovation en matière d'exploitation forestière, un réel retard.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je vous laisse répondre, Monsieur le Commissaire général, à ces questions dont le nombre témoigne de l'intérêt que porte notre commission aux activités qui sont les vôtres.

M. Louis Schweitzer. - Certaines questions, qui m'ont été adressées, se recoupent. Nous finançons certes la recherche universitaire, mais également, de manière conséquente, le transfert de la recherche vers l'économie. Ainsi, le financement des SATT, qui ont pour vocation de faire passer une invention à l'échelle industrielle, et celui des différents organismes que j'ai précédemment évoqués, s'inscrit dans cette priorité. Ces derniers sont toujours cofinancés avec les entreprises, et notre volonté est constante de faire tomber la barrière entre elles et la recherche, fût-elle fondamentale. Ce que j'évoque d'ailleurs pour la recherche universitaire vaut également pour les grands organismes de recherche !

Les ETI représentent un vrai sujet européen. Nous sommes favorables à cette catégorie d'entreprises, et nous y investissons des fonds propres de manière avisée, c'est-à-dire dans une logique analogue à celle d'un entrepreneur, et non comme une forme de subvention déguisée. Mais l'Europe fixe des limites pour les aides aux entreprises et certaines de ces règles peuvent s'avérer de réelles contraintes et augmenter des délais qui demeurent incompressibles.

Nous souhaitons faire plus pour les IAA. Le recyclage des dossiers, qui a malheureusement été évoqué, est, je l'espère, une exception. Il n'est pas de procédure qui soit parfaite et ce genre d'impondérable peut malheureusement survenir.

S'agissant de la formation et de l'enseignement, nous avons financé un grand nombre de centres d'apprentissage avec les régions. Partout, leur taux de remplissage ne dépasse pas les deux-tiers de leur capacité, ce qui me désole ! Ce n'est plus un problème incombant au PIA.

Nous sommes ainsi toujours tournés vers le développement et l'application effective. Sur les usages du numérique, un appel à projets est en cours.

Nous sélectionnons nos projets de trois manières. Nous émettons soit des appels à manifestation d'intérêts, soit des appels à projets, ou encore nous organisons des concours, à l'instar du concours mondial pour l'innovation, au terme duquel nous avons sélectionné 110 lauréats sur 1 100 candidats. Je tiens à rappeler que le nombre de lauréats n'est nullement défini a priori et qu'il procède de l'examen des projets qui nous sont soumis. Les appels à projets, qui sont des objets juridiques, sont désormais l'objet d'un résumé d'une page accessible à la fois sur notre site et dans l'ensemble des institutions partenaires, afin d'en favoriser l'accès.

Je partage votre constat quant aux contraintes qui pèsent sur la commande publique. Les contraintes juridiques européennes nous empêchent de l'utiliser autant qu'aux États-Unis, où elle est un outil d'aide directe, comme le permet le « Small Business Act ». Néanmoins, nous encourageons vivement les partenariats d'innovation à travers certaines de nos actions, notamment dans le domaine du numérique éducatif. Mais des efforts restent à faire afin de se prémunir contre une certaine forme de conservatisme et d'assumer le risque d'innovation dans l'achat.

Sur l'innovation en agriculture, je préside le comité d'éthique de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA). Je trouve, au contraire de ce qui a pu être dit, que de nombreuses innovations s'inscrivent dans une perspective de développement durable et ne se soldent pas par une forme de massification et d'industrialisation de ce secteur.

Je le répète, notre souci constant est d'améliorer la fluidité du transfert entre la recherche et l'industrie. De nombreux progrès ont déjà été enregistrés depuis le temps où j'étais moi-même industriel, mais il reste beaucoup à faire et c'est là l'une de nos priorités. Lorsque nous intervenons dans le soutien, par nos fonds propres, aux projets innovants, nous facilitons ce transfert. D'ailleurs, parmi les lauréats des concours d'innovation que nous lançons se trouvent des candidats issus de structures universitaires.

S'agissant de la recherche sur le médicament, j'ai présidé le conseil d'administration d'une grande entreprise pharmaceutique pendant sept ans. Disons-le, ces entreprises sont loin de manquer d'argent et leur recherche vise avant tout à maximiser la rentabilité de leurs produits. Or, les antibiotiques ne sont pas rentables puisqu'ils ne sont pas destinés à être pris sur une longue durée. Nous n'allons pas financer ces grands groupes pharmaceutiques, mais nous tentons d'encourager le développement de nouvelles approches. Ainsi, l'IHU de Marseille, qui est à la pointe sur les maladies infectieuses, réalise des tests et contribue à l'innovation dans ce domaine, tout comme d'ailleurs l'IHU de Lyon. Ces projets ne sont toutefois pas soutenus au même niveau que les programmes que conduisent les grands groupes du secteur.

Nous acceptons une certaine prise de risques car il faut que nous adoptions l'esprit de ceux qui, aux États-Unis notamment, investissent dans le capital-risque, où les échecs sont compensés par les réussites. Il nous faut trouver un équilibre et éviter de paraître économiquement conservateurs.

Quels sont les problèmes si le porteur du projet n'est pas solide ? Ce point nous préoccupe ; nous essayons de susciter des partenariats entre entreprises pour soutenir les projets avec des appuis réels.

Quelle est l'indépendance de notre Commissariat général ? C'est un service du Premier ministre, au nom duquel je signe des décisions par délégation. Nous ne sommes donc pas une autorité administrative indépendante (AAI). Dans le même temps, nous faisons en sorte d'échapper aux procédures administratives les plus traditionnelles. D'une part, nous disposons dans toutes nos actions d'un mécanisme d'évaluation qui est provisionné. D'autre part, celles-ci font l'objet d'un suivi structurel, à l'instar de l'expertise indépendante dont fait l'objet le fonctionnement des SATT sur une base triennale, ainsi que les autres organismes que nous avons mis en place selon des périodicités différentes. Ces expertises ne sont pas des formalités se caractérisant par leur légèreté. Nous déléguons le suivi de nos 2 500 projets aux différents opérateurs dont c'est le métier. Ainsi, BPI, qui dispose des mêmes moyens qu'une banque pour ce faire, suit la plupart des projets s'inscrivant dans le champ de l'économie concurrentielle.

Quelles relations avons-nous avec le Parlement ? Nous essayons de retenir son avis dans le cadre de la procédure budgétaire et si, à l'occasion de l'examen du PIA 3, les orientations que nous proposons n'étaient pas confirmées, il faudrait nous soumettre sans nous démettre !

M. Ladislas Poniatowski. - Il nous faudra donc essayer une fois !

M. Louis Schweitzer. - Vous pouvez sûrement le tenter ! Une telle démarche prouverait que nous ne sommes pas aussi bons que nous aurions voulu l'être. Le dossier auquel vous avez fait référence, M. Poniatowski, et que nous avons refusé, est excellent pour le « plan Juncker », du fait de sa rentabilité assurée et de la notoriété de la technologie qu'il met en oeuvre. Nous finançons la recherche en LED de nouvelle génération, tandis que la modernisation de l'éclairage urbain peut conduire au regroupement de communes pour obtenir des financements européens, une fois un certain seuil franchi. Un tel projet ne relevait donc pas de notre coeur de métier.

M. Ladislas Poniatowski. - Ma déception était immense tant ce projet répondait aux attentes du Président de la République et des principaux membres du Gouvernement !

M. Louis Schweitzer. - Mais le Commissaire général que je suis est certain que vous trouverez d'excellents financeurs, du fait de la rentabilité assurée de votre projet !

Le Président de la République a annoncé à Saclay une enveloppe de dix milliards d'euros, mais celle-ci représentait l'ensemble de la répartition que nous envisageons avec ce nouveau PIA.

S'agissant des codécisions État-régions, le principe est que la BPI instruise les dossiers localement et que la convergence s'opère rapidement. Si ce mécanisme contribuait à allonger les délais, nous en tirerions les conclusions rapidement

Je le redis, nous avons mis proportionnellement plus d'argent dans les fonds propres. Or, les start-ups en ont particulièrement besoin. Une fois passée l'étape du financement public, le passage à l'échelle de l'entreprise pose problème. Le PIA ne peut investir seul en fonds propres, sous peine d'être suspect d'assurer un financement indirect. Il faut ainsi trouver des partenaires privés, qui attesteront qu'il s'agit bien d'un investissement avisé et non public au sens traditionnel du terme. Il est possible qu'il nous faille élargir le cercle des organismes amenant à nous de nouveaux investisseurs. Car il s'agit désormais de trouver de nouveaux partenaires qui ne nous connaissent pas encore et décident d'investir à nos côtés. Cette ambition est l'une des principales du PIA 3.

S'agissant du très haut débit, qui ne bénéficie plus désormais de crédits spécifiques, une réflexion est en cours pour réduire le coût de couverture de la France en recourant, pour des zones très éloignées, à la voie satellitaire. Nous suivons ces projets, qui aboutiraient à une couverture à 100 % sans générer des coûts insupportables pour la collectivité. Cette démarche permettrait également d'accélérer le déploiement du très haut débit par rapport à un déploiement plus traditionnel.

Le métier du CGI n'est pas de s'occuper des entreprises en difficulté ; cette tâche incombe à d'autres institutions. En revanche, le chalutier du futur relève bel et bien du PIA, en ce qu'il conditionne l'avenir de ce métier et répond à un enjeu d'efficacité énergétique de premier ordre. Si l'on ne fait rien, la part représentée par la consommation énergétique d'un chalutier par rapport au volume de pêche menacera l'équilibre de toute la filière. C'est donc un domaine où en matière d'innovation, nous souhaitons être un acteur majeur. La méthanisation, du fait des technologies éprouvées qu'elle met en oeuvre, relève du « plan Juncker », à l'instar de l'éclairage urbain. Si de nouvelles technologies dans ce domaine venaient à émerger, leur développement nous incomberait.

S'agissant des quartiers défavorisés, la nouvelle Agence nationale de développement économique sur les territoires va bénéficier de fonds propres du PIA à hauteur de 50 millions d'euros. Ceux-ci vont d'abord être investis dans des opérations de franchise, qui sont particulièrement attendues par les quartiers et s'avèrent économiquement efficientes. L'investissement de l'État s'appuie sur des grands réseaux d'aide à la création d'entreprises pour les quartiers défavorisés, et j'ai d'ailleurs évoqué Initiative France à cet égard. D'autres grands réseaux se sont par ailleurs engagés pour soutenir la création d'entreprises dans de tels quartiers. Ce n'est pas le coeur de métier du PIA et nous avons mis en place ce fonds, qui sera géré par BPI France, pour favoriser la création d'entreprises dans ce domaine.

Aucun projet n'est décidé sans une décision du CGI, mais le suivi est délégué à nos opérateurs. Le contrôle n'est pas purement formel, mais est suivi d'effets.

S'agissant de la question qui portait sur un éventuel glissement de l'investissement vers le fonctionnement, certains crédits du PIA sont juridiquement affectés à des dépenses qui ne sont pas, au sens technique, des investissements. Lorsque nous soutenons la recherche, nous finançons des chercheurs et lorsque nous soutenons des SATT, nous finançons les frais de fonctionnement de ces organismes. Pour nous, le sens de ces investissements d'avenir doit être pris au sens large.

Comment prévenir le saupoudrage de nos actions ? Les appels à projets que nous lançons, sous diverses formes, ont un champ qui est discuté avec des organismes de recherche et les ministères concernés. Quand bien même un appel à projets serait signé par le CGI, il ne relève nullement d'une démarche arbitraire, mais est éclairé par une diversité d'avis. Quelquefois, le succès n'est pas au rendez-vous. C'est le cas dans le domaine de la sécurité numérique, à l'instar de la création de deux « clouds » sécurisés en France, que nous avions soutenue et qui n'a pas abouti en raison du refus des acteurs économiques d'assumer les surcoûts induits par cette innovation. Pourtant, ces projets étaient techniquement au point et nous auraient permis de contester le monopole des États-Unis dans ce domaine essentiel.

Le PIA 2 comprend une enveloppe de 100 millions d'euros destinés à soutenir l'économie sociale et solidaire (ESS). La question se posera de savoir s'il faut réitérer cette démarche dans le PIA 3.

Le potentiel d'activités, plus que le nombre d'emplois, est pris en compte par le Commissariat général. Ainsi, dans le cadre du concours mondial d'innovation que j'ai évoqué, le potentiel d'activités en France est pris en compte. Mais celui-ci n'est pas le critère premier et l'exemple de Saint-Nazaire le prouve. En effet, nous y avons vu une usine qui produit des éoliennes maritimes et dont les effectifs devraient atteindre 300 personnes. Cette unité de fabrication n'aurait pas pu voir le jour sans le PIA, mais les retombées en matière d'emplois de nos projets ne sont pas toujours aussi facilement mesurables.

Les banques, ainsi que les compagnies d'assurances, éprouvent de grandes difficultés à intervenir en fonds propres, du fait de la réglementation bancaire. Tout est fait pour les en dissuader ! Lorsque nous intervenons en fonds propres, nous complétons ainsi l'activité des banques. Il y a certes des fonds d'investissement dont c'est le coeur de métier d'intervenir en fonds propres ; nous avons besoin d'eux, car nous ne pouvons pas investir seuls. Nous ne sommes pas concurrents du système bancaire ; la carence des banques en matière d'investissement en fonds propres ne doit pas leur être totalement imputée.

Enfin, la filière bois représentait l'un des 34 plans de la France industrielle qu'avait lancés M. Arnaud Montebourg, mais ce n'est pas celui qui a le mieux fonctionné. Elle connaît un problème de structuration ; ce fut, pour moi, une réelle surprise de le découvrir. J'aimerais que cette filière devienne l'un de nos interlocuteurs significatifs, mais reconnaissons que, jusqu'à présent, cette perspective ne s'est pas vérifiée dans les faits. Cependant, elle compte quelques chefs d'entreprises très actifs qui pourront faire évoluer cette situation.

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Je vous remercie, Monsieur le Commissaire général, au nom de tous mes collègues présents, pour votre audition et les réponses précises aux questions que nous vous avons adressées. Je vous ai vu à l'oeuvre à l'occasion de deux projets modestes dans mon département et je tenais à saluer la qualité du suivi et la proximité de ceux qui en étaient chargés !

Questions diverses

M. Jean-Claude Lenoir, président. - Il a été souhaité que l'ensemble des commissions apporte une contribution à ce qui pourrait être une position du Sénat avant le Sommet de Paris de décembre prochain (COP21). J'ai rédigé un projet de texte qui devrait susciter l'assentiment de tous. Je vous propose de vous l'adresser et je vous remercie de bien vouloir me faire part de vos observations après l'avoir lu. Il s'agit ainsi de rappeler tout ce qui a été entrepris dans le cadre de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique, avec les deux objectifs que sont la nécessité d'oeuvrer pour la fixation d'un cours unique mondial du carbone et la promotion des énergies bas-carbone. Il nous faut, me semble-t-il, nous emparer de ces sujets, tout en prenant en compte la part du nucléaire dans le mix énergétique de notre pays. En outre, je solliciterai sur ces points l'avis de notre collègue, M. Marc Daunis, au titre de sa participation au groupe de travail piloté par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, chargé d'émettre la proposition de résolution. Si vous en êtes d'accord, le texte que je vous propose sera soumis à ce groupe de travail. Mes chers collègues, je vous remercie.

La réunion est levée à 11 h 58.