Mardi 3 novembre 2015

- Présidence de M. Jean-Noël Cardoux, président de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale -

La réunion est ouverte à 18 heures.

Audition de M. François-Xavier Selleret, directeur général de l'Agirc-Arrco (Association générale des institutions de retraite des cadres - Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés)

M. Jean-Noël Cardoux, président. - Je remercie François-Xavier Selleret d'être venu aussi promptement devant la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss) du Sénat pour présenter le contenu de l'accord du 30 octobre 2015 dont l'encre est à peine sèche. Il y a quelque temps encore personne ne croyait en la possibilité de trouver un accord. Il faut donc se féliciter de l'attitude responsable d'une majorité de partenaires sociaux.

La mesure phare de ce texte est l'instauration d'une décote temporaire de 10 % sur la retraite complémentaire, si un salarié décide de partir à la retraite l'année d'obtention de son taux plein pour le régime de base. S'il accepte de reculer d'un an son départ à la retraite, il bénéficiera immédiatement de l'intégralité de sa retraite complémentaire.

Bien sûr, il n'y a pas que cette disposition dans l'accord. La fusion des régimes Agirc-Arrco, à compter de 2019, au sein d'un nouveau régime unifié est un élément structurant qui reprend une recommandation ancienne.

Au total, cet accord est susceptible de ramener le déficit des régimes à 5 milliards d'euros en 2017 et à 2,3 milliards d'euros en 2020.

Est-ce qu'à moyen terme ces mesures suffiront à assurer le financement des régimes de manière pérenne ? Par ailleurs, pensez-vous que cet accord va avoir une influence directe sur l'âge de liquidation de la retraite du régime général ?

M. François-Xavier Selleret, directeur de l'Agirc-Arrco. - Dans la négociation se jouaient deux éléments : l'engagement et la confiance.

L'engagement, c'est celui des partenaires sociaux, acteurs intermédiaires dans un pays qui s'en méfie, à continuer à porter une part de l'intérêt général. En effet, la gestion d'un régime obligatoire de droit commun, que sont les régimes Agirc-Arrco, participe de l'intérêt général. L'enjeu de la négociation était donc de montrer que les partenaires sociaux avaient à coeur de continuer à porter cet intérêt général, sans s'en remettre à la puissance publique.

La confiance ensuite, en particulier envers les jeunes générations qui ont une forte interrogation quant à l'avenir du système de retraite par répartition. L'accord permet de restaurer la confiance, au-delà des simples déclarations d'intentions.

Cet accord est une bonne nouvelle pour notre pays.

L'équilibre financier des régimes était en danger. Je veux d'abord rappeler que si l'Agirc et l'Arrco connaissent des déficits depuis quelques années, ces régimes n'ont pas un euro de dette. Cette situation est le résultat de la gestion paritaire qui, pour des raisons tant techniques que politiques, avait permis de constituer des réserves financières dont le montant cumulé avoisine aujourd'hui les 60 milliards d'euros. L'objectif de ces réserves, accumulées pendant une dizaine d'année au cours d'une période économiquement plus favorable, était de pouvoir les mobiliser afin de faire face aux déficits qui allaient forcément survenir dans le futur, comme le prévoyaient les projections démographiques et économiques. Les déficits actuels sont couverts par les réserves financières, comme continueront de l'être les déficits à venir.

L'une des caractéristiques de la négociation a été la prudence dans les chiffrages retenus. Si rien n'avait été fait, les régimes complémentaires auraient enregistré un déficit d'un peu plus de 8 milliards d'euros en 2020. De même, les pensions de l'Agirc auraient également pu être baissées de 11 % en 2018. L'épuisement des réserves financières de l'Agirc était en effet programmé dès 2018, alors que celui des réserves de l'Arrco n'aurait dû intervenir qu'à l'horizon 2030.

D'où l'urgence du calendrier qui s'est tout de même étalé tout au long de l'année 2015. Ce calendrier a été précédé d'un certain nombre de travaux qui ont permis aux partenaires sociaux de s'approprier l'ensemble des leviers à leur disposition. Plusieurs leviers de pilotage ont été mobilisés au cours de la négociation. Ils concernent à la fois le montant des prestations et des cotisations, l'âge de départ à la retraite et la durée de cotisation.

Le point commun de ces mesures est d'être à impact rapide. En matière de retraite, 2020 c'est demain, et dans ce domaine les dépenses sont assez certaines car les équilibres se font notamment sur la base d'éléments liés à la démographie. Les recettes peuvent en revanche connaitre des aléas liés à la situation économique.

L'accord du 30 octobre combine à la fois des mesures paramétriques, applicables dès le 1er janvier 2016 et des mesures systémiques, qui entreront en vigueur en 2019.

J'aborderai tout d'abord les mesures paramétriques applicables dès 2016. L'accord prévoit la poursuite, pendant trois ans, de la sous-indexation des pensions de 1 point par rapport au taux d'inflation. Cette mesure, qui était déjà appliquée depuis l'accord du 13 mars 2013, est accompagnée d'une « clause plancher » permettant le gel des pensions en cas d'inflation négative ou inférieure à 1 %. Elle devrait permettre de générer 1,3 milliard d'euros d'économie en 2017, 2,1 milliards en 2020 et 2,6 milliards en 2030.

Le décalage de la date de revalorisation des retraites complémentaires du 1er avril au 1er novembre a également été instauré. Cette date n'avait pas été reculée au moment où le Gouvernement décidait de le faire au 1er octobre pour les régimes de base. La mesure devrait permettre de rapporter 300 millions d'euros dès 2017 avec une montée en charge progressive pour atteindre 1,5 milliard d'euros en 2015.

L'accord prévoit ensuite une augmentation du prix d'achat du point Agirc-Arrco qui va peser sur les actifs en diminuant légèrement le rendement du point. Il devrait passer entre 2016 et 2019 de 6,56 % à 6 %. C'est une montée en charge très progressive et qui ne concerne que l'acquisition des nouveaux points.

Le salaire de référence sera désormais fixé en fin d'année pour pouvoir être appliqué au premier janvier de l'année suivante. Les partenaires sociaux ont voulu réaffirmer qu'un régime de retraite par répartition dépendait de l'évolution de la masse salariale. La question de l'indexation sur les prix ou sur la masse salariale est un long débat. Dans les modalités de pilotage retenues par les partenaires sociaux, la référence au salaire moyen permet de rappeler l'ancrage sur l'évolution de la masse salariale.

D'autres mesures seront applicables à partir de l'année 2016, parmi lesquelles l'extension de la cotisation à destination de l'Association pour la gestion du fonds de financement (AGFF) aux salaires équivalents à la tranche C de l'Agirc, soit les salaires compris entre 12 680 et 25 360 euros. Il s'agit d'un mécanisme qui donne la possibilité pour les hautes rémunérations de cotiser, ce qui leur permet en cas de départ en retraite avant 65 ans, et demain 67 ans, de ne pas subir d'abattement sur leur pension.

De même, l'accord prévoit le maintien de la contribution exceptionnelle et temporaire à 0,35 % ainsi que celui du pourcentage d'appel des cotisations à 125 % jusqu'en 2018. Ce dernier augmentera de deux points à partir de 2019.

Un effort sur la dotation de gestion sera également accompli. Cette dotation est en baisse sur la période 2016-2018, le montant constaté au titre de l'exercice précédent, en euros constants étant de -4 %. Une baisse annuelle de 2 % de la dotation d'action sociale a aussi été décidée.

Je veux également citer la réaffirmation du souhait, formulé par les partenaires sociaux, de mettre en place des échanges d'information entre l'Acoss et les Urssaf sur les redressements d'assiette. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 prévoyait cette mesure qui n'avait toutefois jamais été appliquée.

Par ailleurs, et l'on y reviendra, l'une des dispositions qui a été décidée est la création d'un régime unifié de retraite complémentaire. Ce régime reprendra à compter du 1er janvier 2019, les droits et les obligations de l'Agirc-Arrco. Dans cette perspective, les organisations syndicales souhaitaient que la définition de l'encadrement puisse donner lieu à l'ouverture d'une négociation interprofessionnelle.

Le rendement de ces mesures devrait approcher 2 milliards d'euros en 2017 et 6 milliards d'euros en 2020. Pour l'année 2016, le rendement va dépendre de l'inflation observée au cours des deux prochaines années. L'hypothèse retenue pour l'année 2016 est une inflation égale à 1 %. D'ici 2017, le rendement attendu de ces mesures s'élèverait donc à 1,7 milliard d'euros.

J'en viens maintenant aux mesures systémiques applicables à partir du 1er janvier 2019. L'accord prévoit la création d'un nouveau régime unifié de retraite complémentaire (NRU) qui reprendra les droits et obligations de l'Agirc-Arrco. Le NRU implique d'harmoniser les tranches de cotisation. L'augmentation du taux d'appel des cotisations à 127 % à partir de 2019 sera répartie à 60 % à la charge des employeurs et à 40 % à celle des salariés, ce qui implique d'augmenter la cotisation salariale de 0,56 point puisque la répartition actuelle se fait sur la base 62-38 à l'Agirc.

Un groupe de travail va être constitué afin de préciser les modalités de fonctionnement et de gouvernance du NRU. Des décisions des commissions paritaires de l'Agirc-Arrco seront présentées en 2016.

Les futurs retraités seront également mis à contribution avec la mise en place du coefficient de solidarité, qui est le fameux « bonus-malus » qui a concentré l'attention à la suite de l'annonce de l'accord. J'en rappelle brièvement le principe. Ce mécanisme prévoit qu'un salarié, en âge de liquider sa retraite de base à taux plein, ne puisse bénéficier de l'intégralité de sa retraite complémentaire que s'il reporte la fin de son activité d'un an. En cas de départ à la retraite l'année d'obtention de son taux plein au régime de base, il se voit appliquer le coefficient de solidarité, c'est-à-dire une décote de 10 % sur le montant de sa retraite complémentaire pendant trois ans. Ce mécanisme ne s'applique plus après l'âge de 67 ans et ne concerne donc pas, en réalité, les salariés à la carrière incomplète. Pour les assurés qui décalent la liquidation de leur retraite complémentaire au-delà de la date à laquelle les conditions du taux plein sont remplies dans le régime de base, il est prévu dans l'accord une majoration des droits à retraite complémentaire pendant 1 an de 10 % pour ceux décalant de 8 trimestres, de 20 % pour ceux décalant de 12 trimestres et de 30 % pour ceux décalant de 16 trimestres.

J'insiste sur ce point : les notions retenues ne sont pas, à proprement parler, des critères d'âge. L'accord met en avant cette idée de retraite à la carte, laissant le salarié libre d'arbitrer entre une durée de cotisation et un montant de pension.

Il avait été question, pendant la négociation, de mesures de fixation d'un âge en dessous duquel la liquidation de la retraite complémentaire n'aurait pas été possible. L'accord n'est pas dans cette logique mais plutôt sur celle d'un couple âge/durée qui permet à chacun de déterminer, en fonction de l'âge à partir duquel il peut prétendre au taux plein au sein du régime de base, l'âge auquel il souhaite partir. Par définition cet équilibre est différent d'une personne à une autre. Les partenaires sociaux ont souhaité partir de l'élément individuel permettant de traiter chaque retraité de manière personnalisée en fonction du moment où il remplit la double condition d'âge et de durée.

Ce coefficient de solidarité sera appliqué au 1er janvier 2019 pour les générations nées après le 1er janvier 1957. Il ne s'applique toutefois pas aux assurés, dont le revenu fiscal au moment de la liquidation de la retraite leur permet d'être exonérés de cotisation sociale généralisée (CSG). De même, les retraités assujettis à un taux réduit de CSG ne pourraient se voir appliquer une décote que de 5 % seulement.

De même, le coefficient ne s'appliquant pas après 67 ans, il ne concernera pas les salariés aux carrières incomplètes. Je vous rappelle que des abattements viagers s'appliquent déjà à l'Agirc-Arrco pour les carrières incomplètes. L'accord ne prévoit donc pas une double peine.

Enfin, ce mécanisme ne s'appliquera pas non plus aux assurés handicapés remplissant les conditions d'un départ anticipé lié à l'amiante, ni même aux assurés inaptes avec un taux d'incapacité permanente partielle de 50 % médicalement constaté. Enfin seront également exonérés de cet abattement, les assurés ayant apporté une aide effective à leur enfant handicapé.

Au final, près de 30 % des salariés partant à la retraite ne seront pas ou très peu concernés par ce système d'abattement. J'ajoute que la décote ne porte que sur le montant de retraite complémentaire. Elle devrait représenter en moyenne de 40 à 50 euros, le montant moyen de retraite complémentaire s'élevant en France entre 400 et 500 euros.

Je veux enfin évoquer la mise en place d'un pilotage pluriannuel au sein du futur NRU. Au cours de la négociation, il y a eu une volonté de la part des partenaires sociaux de se doter d'éléments de gouvernance afin d'assurer la pérennité des retraites complémentaires.

Le pilotage du régime complémentaire se fera sur la base d'un niveau stratégique et tactique.

Le niveau stratégique permettra aux partenaires sociaux au niveau national de mener une négociation tous les quatre ans afin de fixer les objectifs en termes de trajectoire d'équilibre du régime en fonction du scénario économique. Une fois ce cadre fixé, ils pourront déterminer les critères de soutenabilité sur 15 ans du régime (en particulier le niveau de réserves à conserver) ainsi que les paramètres (valeur d'achat du point, taux d'appel...).

S'agissant du niveau tactique, le conseil d'administration réuni annuellement aura pour mission d'ajuster en tant que de besoin les paramètres dans la limite fixée par le pilotage stratégique.

Les organisations représentatives seront par ailleurs réunies obligatoirement en vue d'ajuster les ressources ou les charges du régime unifié en cas d'alerte par le conseil d'administration ou de changement significatif de la conjoncture économique.

Un dernier mot s'agissant de l'objectif de dépenses de gestion. Les partenaires sociaux ont fixé un objectif supplémentaire d'économie de gestion de 300 millions d'euros qui se cumule aux 300 millions d'euros d'économie déjà demandés sur le montant annuel global. Cette décision amène à un total d'économie de gestion globale de 600 millions d'euros.

En conclusion, les points fixés au cours de cette négociation amèneront dans tous les cas à des ajustements qui seront permis grâce au pilotage semi-automatique mis en oeuvre.

De même, les hypothèses de modification de comportement, à la suite de la mise en oeuvre des coefficients temporaires, sont extrêmement prudentes. Si la modification de comportement est plus importante que prévue et si le rendement de la mesure des 10 % donne un résultat plus élevé, ce sont aussi des éléments qui pourront donner lieu à un reparamétrage par les partenaires sociaux.

M. Jean-Noël Cardoux, président. - L'accord est très récent. L'affichage médiatique de cet accord s'est réduit à l'expression selon laquelle pour pouvoir liquider les retraites complémentaires, il va falloir travailler au moins jusqu'à 63 ans. Or, ce que vous nous exposez est beaucoup plus complexe. L'élément essentiel à retenir est le coefficient de solidarité. Ce coefficient est à géométrie variable et se calcule en fonction du taux plein et de l'âge de la personne assurée. Les choses restent toutefois pour les non-initiés relativement compliquées. Avez-vous prévu dans les jours à venir un gros effort de communication ? Sur la fusion des caisses, quel sera le nombre de salariés concernés et quelles seront les répercussions de la fusion sur l'ensemble des salariés ?

M. François-Xavier Selleret. - Sur le premier point, la volonté des partenaires sociaux est de bâtir un système de retraite à la carte. Cela suppose de pouvoir répondre de manière très personnelle et très individuelle aux interrogations des assurés. C'est un changement culturel majeur. Nous sommes actuellement dans un système ou chaque assuré est traité de la même manière. Il existe pour autant un souhait social de pouvoir tenir un double équilibre, à savoir, d'une part, un régime de retraite obligatoire par répartition, qui reste légitime car il couvre la totalité des salariés du privé, et d'autre part, une demande d'accompagnement individualisé à chacun des assurés.

Cela suppose aussi de mettre un certain nombre d'informations à disposition de l'assuré afin de lui permettre de faire ses propres choix. C'est pourquoi, dans les prochains jours, l'Agirc-Arcco va déployer un premier simulateur de retraite complémentaire personnalisé, qui sera perfectionné à l'avenir avec les données réelles de l'assuré. In fine, chaque assuré pourra en trois clics effectuer sa propre simulation individualisée. Cela va permettre d'accompagner de manière beaucoup plus fine et plus précise l'assuré dans son choix. La retraite complémentaire doit pouvoir « coller » à la situation des personnes. Si l'accord réaffirme le principe d'un régime de retraite obligatoire par répartition dont la force est la solidarité interprofessionnelle, il introduit dans le même temps des éléments de retraite à la carte dont la mise en oeuvre obéira à des facteurs éminemment individuels et variables.

En ce qui concerne les incidences de la fusion sur les effectifs, il y a une pyramide des âges qui est plutôt favorable pour cette réforme. Le régime unifié c'est d'abord l'occasion unique d'une remise à plat de notre modèle organisationnel interne. La mutualisation peut prendre différentes formes : un groupe de protection sociale pourra gérer une tâche pour le compte de plusieurs, les achats pourront être regroupés... Les sommes engagées dans la gestion doivent être justifiées au premier euro. Comme les efforts sont demandés à tous, il est normal que la gestion contribue en retour à l'équilibre des régimes. L'objectif est de continuer à moderniser les régimes pour qu'ils puissent à la fois répondre au mieux en termes de qualité de service et de coûts de gestion.

M. Gérard Roche, rapporteur pour l'assurance vieillesse. - L'accord des partenaires sociaux sur les régimes complémentaires a été salué par tous les responsables politiques. C'est en effet un accord important mais qui malheureusement ne ramènera pas à l'équilibre les régimes d'assurances complémentaires. Il devrait simplement permettre de reporter dans le temps l'extinction des réserves financières du futur régime unifié. Nous nous en félicitons. En revanche je m'interroge. L'avis du comité de suivi des retraites avait indiqué qu'en l'absence d'accord, le déficit de ces régimes constituerait la part prépondérante du déficit du système de retraites à l'horizon 2020. Pensez-vous que cet accord soit allé assez loin ?

Par ailleurs, je considère que le fameux dispositif du « bonus-malus » est particulièrement astucieux. Pensez-vous qu'il soit suffisamment incitatif pour permettre un changement de comportement ? C'est en tout cas une mesure nécessaire et nous préparons une proposition forte au Sénat à l'occasion de la discussion du PLFSS qui commence demain, pour accompagner cette mesure. Je proposerai d'augmenter l'âge légal d'un an pour la génération 1957 à compter du 1er janvier 2019 pour éviter que cet accord n'introduise une nouvelle distorsion entre le public et le privé.

J'aurais également une question plus technique à vous poser. La presse s'est faite l'écho vendredi soir de l'éventuel rétablissement d'une taxe frappant les entreprises sur les licenciements des seniors. Est-ce le rétablissement de la contribution « Delalande » ? Et si non, pouvez-vous nous donner plus d'éléments sur ses futurs contours ?

Mme Annie David. - Tout d'abord pouvez-vous préciser qui a signé l'accord ? Concernant la fusion des caisses, vous avez parlé d'une baisse de 11 % des retraites de l'Agirc en 2018. Est-ce que cela veut dire que les non cadres vont être solidaires des cadres ?  Quelle sera la participation des cadres pour rétablir les comptes de leur régime de retraite complémentaire ? Hormis ce qui est fait à l'heure actuelle, quelle est la solidarité des employeurs dans cet accord ? Ensuite, je souhaite vous poser des questions sur les conséquences concrètes du régime unique. Vous nous avez parlé de la somme de 40 euros par mois, je suis assez sceptique sur ce montant. Pouvez-vous nous préciser quelles seront les conséquences de cet accord sur le niveau de pension des retraités actuels ? Quelles seront également les conséquences de cet accord sur la durée de cotisation ? Que prévoyez-vous pour les salariés privés d'emploi ainsi que pour les salariés qui sont en carrière longue ou ceux en invalidité ?

Enfin, je ne partage pas du tout votre point de vue selon lequel cet accord serait une bonne chose pour notre pays. Tous les responsables politiques n'ont pas salué cet accord, loin de là.

M. François-Xavier Selleret. - Pour commencer d'où partons-nous sur la question du régime unifié ? L'Arrco couvre l'ensemble des salariés de notre pays, cadres comme non cadres. Les cadres, qui cotisent à l'Arrco depuis 1973, cotisent en plus à l'Agirc. Si on devait comparer les contributions nettes par catégories socio-professionnelles, on constaterait que les cadres contribuent plus à l'Arrco que ce qu'ils n'en reçoivent. Le système de subventionnements croisés est en fait assez difficile à mesurer. S'il n'y avait pas eu d'accord, en raison de l'extinction probable des réserves financières de l'Agirc dès 2018, il aurait fallu équilibrer les recettes et les dépenses, ce qui aurait conduit à baisser de 11 % les retraites de l'Agirc.

Les organisations représentatives des salariés signataires de l'accord sont la CFDT, la CFTC et la CGC. Ces organisations ont souhaité aussi créer ce régime unifié afin que dans l'attente de la montée en charge des mesures, les réserves de l'Arrco puissent être mobilisées au profit de l'ensemble de la communauté. L'une des difficultés de l'Agirc, c'est aussi la traduction de l'évolution de la notion de cadre dans la société française. Les lignes hiérarchiques sont plus courtes. Le nombre de cotisant à l'Agirc n'a pas nécessairement suivi l'évolution de la population. Cette volonté d'arriver à un régime unifié a d'abord été portée par une organisation comme la CFDT.

Pour répondre à M. Roche concernant les projections du comité de suivi des retraites, sachez qu'aujourd'hui les hypothèses retenues rapportent 6 à 8 milliards d'euros à l'échéance de 2020. Si plus de personnes décalent leur départ à la retraite, à la fois du fait de l'attractivité du coefficient majorant, et du coefficient de solidarité, il y aura de facto un effet positif pour l'ensemble des régimes. Les carrières ne sont plus linéaires et certains assurés, après avoir cotisé à l'Arrco par exemple, ont pu entrer dans la fonction publique ou sont devenus indépendants. Aujourd'hui 90 % des Français ont des points à l'Arrco. La modification de comportement en lien avec le coefficient de solidarité pourra avoir des conséquences sur tous les régimes. Il est donc difficile d'en mesurer le plein effet.

Sur la contribution en cas de licenciement des seniors, les partenaires sociaux se sont fixés, dans l'article 9 de l'accord, un objectif lors de la prochaine négociation Unedic de mise en place d'une contribution aux régimes Agirc-Arrco assise sur le montant des transactions accordées à la suite de la rupture du contrat de travail. À ce stade, le terme de « transaction », de même que le taux de contribution et l'âge minimal n'ont pas été précisés. La prochaine négociation sur l'Unedic devrait se tenir dans les prochains mois.

Sur les différentes catégories de populations concernées par le mécanisme d'abattement, je rappelle que 30 % des salariés devraient en être exclus. En sont exonérés les futurs retraités qui ne seront pas assujettis à la CSG. Les assurés qui le seront à un taux réduit verront le coefficient de solidarité divisé par deux. Ces situations concernent les personnes dont le revenu imposable est compris entre 1 et 1,3 Smic par mois.

Pour pouvoir rentrer dans le dispositif carrière longue, il faut la même durée de cotisation que le dispositif de droit commun sauf qu'il faut avoir commencé à travailler plus tôt. Autant par le passé le dispositif carrière longue supposait d'avoir deux ans de cotisation de plus que la durée classique et attendue, autant depuis le décret de 2014, les conditions de carrière longue ont été revues. Retenons qu'aujourd'hui, 30 % des départs à la retraite sont dus au dispositif de départ anticipé. Les conditions d'entrée en carrière longue ont été élargies. C'est un régime qui a plus évolué vers un dispositif de « carrière précoce » que vers un dispositif de carrière longue car le nombre d'annuités nécessaires est moins élevé qu'auparavant. Pour les retraités ayant disposé du dispositif de carrière longue, la retraite moyenne à l'Arrco est de 30 % plus élevée que la retraite moyenne. Pour les personnes ayant liquidé leur retraite en 2013, la retraite moyenne à l'Arrco est à 5 000 euros par an, contre 7 000 euros pour une carrière longue. Ce sont des éléments qui ont amené les organisations syndicales à traiter les carrières longues de la même manière que les autres. En effet, l'âge effectif de départ pour les personnes ayant eu une carrière est rarement à 62 ans.

Les partenaires sociaux ont prévu une clause de revoyure en 2021 pour pouvoir apprécier l'effet modification du comportement.

En ce qui concerne le chiffre de 40 euros, il faut préciser que dans le flux des personnes qui partent en retraite, le montant moyen de la retraite en France est de 1 600 euros par mois. En moyenne la retraite Arrco représente le tiers soit environ 500 euros. On arrive donc bien autour de 40 à 50 euros en moyenne.

Mme Annie David. - On ne connait pas les mêmes retraités.

M. François-Xavier Selleret. - Je parle de ceux qui partent actuellement en retraite et non de ceux qui sont déjà en retraite. La retraite moyenne en France est de 1 200 euros par mois pour le stock mais pour le flux elle est de 1 600 euros. De plus, au risque de me répéter, les personnes qui percevront des petites retraites ne seront pas concernées par l'abattement. En revanche, les personnes exonérées de l'abattement sont éligibles au « bonus ». Ces personnes peuvent, si elles le décident, prolonger leur activité et bénéficier du coefficient majorant.

La mise en place de ce mécanisme rejoint le débat qu'il y a eu il y a 10 ans, au sein du régime général, au moment de l'adoption de la décote et de la surcote viagère. À cette époque, personne ne savait anticiper la modification de comportement. Aujourd'hui au régime général en moyenne 11 % de personnes partant à la retraite ont une surcote liée à une durée d'activité équivalente à 8 trimestres supplémentaires. Il y a donc bien eu des effets de modification du comportement. La différence avec le débat au sein du régime général, c'est que la décote sur l'assurance complémentaire est temporaire et non viagère. La prudence est donc de mise pour l'évaluation de l'impact du dispositif. De même, l'abattement de 10 % s'appliquera sur un montant très variable de retraite complémentaire. La part de l'Arrco dans le montant total de la retraite d'un salarié non-cadre est de 30 % en moyenne. Si cette part est inférieure, le poids des 10 % sera moindre.

À l'inverse, un abattement de 10 % rapporté aux salaires des cadres représente une somme plus élevée. La part de la retraite complémentaire dans la retraite totale des cadres est plus élevée que pour les salariés non-cadres.

Mme Annie David. - Vos réponses m'ont semblé floues sur les conséquences de la fusion des régimes. Sur un autre sujet, vous avez dit qu'en l'absence d'accord les personnes qui sont à l'Agirc auraient vu leur retraite diminuer de 11 %. Or, leur retraite de l'Agirc vont être maintenues, mais à quel prix ? Vous dites que 90 % des Français sont à l'Arrco. Tous les cotisants de l'Agirc sont à l'Arcco, en revanche tous les cotisants de l'Arrco ne sont pas à l'Agirc. Donc si on veut maintenir le niveau de retraite complémentaire de l'Agirc, ce sont les cotisants de l'Arcco qui vont payer et pas le contraire. J'ai bien compris que pour pouvoir toucher leur retraite à taux plein, les salariés vont devoir travailler plus longtemps avec un point moindre. Donc le montant de leur pension va diminuer automatiquement. Pour le moment, la pénibilité ne permet pas de prendre en compte la situation des cotisants ayant un travail éprouvant pour les organismes.

M. François-Xavier Selleret. - Le compte pénibilité n'est pas finalisé. Par construction, il ne pouvait entrer dans le champ de l'accord qui vient d'être signé.

M. Jean-Noël Cardoux, président. Je ne pense pas que le régime complémentaire puisse supprimer l'effet de la bonification. La pénibilité relève de la loi.

Mme Annie David. - Les travailleurs auront bien le coefficient majorant mais pour avoir

M. Jean-Noël Cardoux, président. - Nous sommes dans la phase de mise en oeuvre. Il sera nécessaire de refaire le point dans un an. M. Selleret, nous vous remercions.

La réunion est levée à 19 heures.