Mercredi 13 décembre 2017

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente, puis de M. Jean-Pierre Leleux, vice-président -

La réunion est ouverte à 11 h 30.

Programme de contrôle de la commission pour le premier semestre 2018

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Mes chers collègues, lors de sa réunion de la semaine dernière, le Bureau de notre commission a arrêté son programme de contrôle et de prospective pour les mois à venir.

La commission va d'abord achever deux travaux de fond, entamés au printemps, l'un consacré à l'avenir des médias d'information, l'autre à l'éducation au, par et avec le numérique. D'ici la fin du premier trimestre 2018, nos collègues Alain Dufaut et Jacques-Bernard Magner termineront leur étude sur les contrats aidés dans le secteur associatif.

Parallèlement, la commission va lancer plusieurs travaux dont les conclusions devraient être remises d'ici à la fin du premier semestre 2018. En premier lieu, une mission d'information associant tous les groupes s'attachera à cerner le rôle et l'importance du mécénat aujourd'hui. Un groupe de travail étudiera l'évolution de la situation des établissements publics de coopération culturelle, compte tenu des profondes transformations de l'organisation territoriale et des politiques culturelles depuis la première étude que la commission leur avait consacrée, en 2012. Autre actualisation des conclusions d'une précédente mission de la commission, un groupe de travail portera sur le métier d'enseignant, au coeur d'un système éducatif en profonde mutation et dont les résultats continuent de constituer un véritable défi pour les décideurs publics. Nos travaux précédents sur le sujet datent désormais de plus de sept ans.

Nomination d'un rapporteur pour avis

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous devons également procéder à la désignation d'un rapporteur pour avis pour le projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024.

M. Claude Kern est nommé rapporteur du projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques 2024.

Nomination d'un rapporteur

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Le Sénat examinera fin février, dans le cadre de l'espace réservé au groupe UC, une proposition de loi de Mme Gatel, visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture des établissements privés hors contrat.

Lorsque l'auteur de la proposition de loi n'est pas membre de la commission à laquelle elle a été renvoyée, en application du « gentleman agreement », c'est un membre du groupe auquel il appartient qui est désigné rapporteur ; je vous propose donc de désigner notre collègue Annick Billon, signataire de la proposition de loi.

Mme Annick Billon est nommée rapporteure de la proposition de loi visant à simplifier et mieux encadrer le régime d'ouverture des établissements privés hors contrat.

Plan national en faveur des nouveaux espaces protégés - Audition de M. Yves Dauge

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente. - Nous sommes très heureux d'accueillir aujourd'hui notre ancien collègue Yves Dauge, urbaniste de formation, afin qu'il nous présente le rapport qu'il a remis au Premier ministre en début d'année pour la mise en oeuvre d'un « Plan national en faveur des espaces protégés ».

De nombreuses villes patrimoniales de taille petite ou moyenne sont aujourd'hui confrontées à un décrochage culturel, social et économique. Les centres historiques se vident peu à peu de leurs habitants et de leurs commerces au profit de la périphérie et des grands pôles urbains ; l'habitat s'y dégrade. C'est un fait que nous avons tous constatés auquel aucun territoire n'échappe.

Il y a quelques semaines, nous nous sommes réjouis, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, qu'une enveloppe de 2,2 millions d'euros soit prévue pour mettre en oeuvre vos préconisations. Une expérimentation a en effet été lancée cet automne dans plusieurs villes des régions Centre-Val de Loire, Grand Est et Occitanie pour définir la manière dont l'État pourrait accompagner les communes dans la construction de leur projet de revitalisation. Peut-être pourrez-vous nous en dire plus, à la fois sur son contenu et ses finalités. Quoi qu'il en soit, cette enveloppe montre à quel point la dégradation des centres anciens est un sujet de préoccupation majeur.

Le Sénat s'en est d'ailleurs saisi. La délégation aux entreprises et la délégation aux collectivités territoriales ont publié conjointement un premier rapport sur le sujet en juillet dernier. Un groupe de travail sur la revitalisation des centres villes et des centres-bourgs a été mis en place dans la foulée. Au-delà de ces deux délégations, il rassemble des membres des commissions concernées par le sujet, à savoir les affaires économiques, les affaires sociales, le développement durable, la culture, les lois et les finances. Il a débuté ses travaux il y a quelques jours. Sonia de la Provôté et Christian Manable y représentent notre commission.

M. Yves Dauge. - À la demande du précédent Gouvernement, j'ai rédigé un rapport au Premier ministre - M. Bernard Cazeneuve à l'époque - sur la mise en place d'un « Plan national en faveur des nouveaux espaces protégés ». Depuis, le sujet a pris de l'ampleur. Le problème est apparu avec la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Nous avions en effet indiqué à l'époque qu'il n'était pas possible de faire une loi sur le patrimoine sans s'intéresser à la réalité de la situation. Or, on constate aujourd'hui un décrochage des villes petites et moyennes, par rapport aux grandes villes. Certes, cela n'est pas nouveau, et le Sénat est beaucoup plus conscient de ce problème que l'Assemblée nationale. Sur ce sujet, le Premier ministre devrait faire demain plusieurs annonces, dont certaines découlent directement du rapport que j'ai rédigé, en collaboration avec Jean-Michel Galley, de l'association des sites et cités remarquables de France.

Les mesures prises doivent s'articuler autour de trois axes majeurs. Tout d'abord, il ne faut pas opposer les grandes villes aux villes petites et moyennes. Au contraire, il faut développer l'idée d'une alliance de ces dernières avec les métropoles, les départements et les grandes régions. C'est en retissant des liens entre les différents échelons que l'on arrivera à faire évoluer la situation dans les petites et moyennes villes. Cette alliance doit se construire autour de tous les sujets : la mobilité, la culture ou encore la santé. C'est ainsi l'ensemble des fonctions urbaines qui doivent être déclinées dans le cadre de ces alliances avec les métropoles, les départements et les grandes régions. L'État a lui aussi contribué aux difficultés de ces villes, par exemple avec la fermeture de près de 150 tribunaux.

Le deuxième axe majeur consiste à mobiliser une ingénierie autour d'un chef de projet pour mettre en oeuvre ces alliances. Cette idée a d'ailleurs été reprise dans le plan qui sera présenté demain à Cahors. Une alliance se construit, se nourrit. Il faut réunir les personnes pour les faire travailler ensemble, afin de définir conjointement un projet. Je pense notamment à l'opportunité d'associer l'agence d'urbanisme la plus proche, ou le conseil d`architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Il faut également associer les services de l'État. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle agence, mais de mettre en place un chef de projet, un référent, autour duquel va se développer le projet. Les grandes villes ont des moyens, elles ont également des compétences : elles ont en effet démontré leur capacité à mettre en valeur leurs centres-villes historiques. Ces derniers sont devenus un lieu d'attractivité culturelle, économique. Or, aujourd'hui, les territoires ne fonctionnent pas ensemble. Ainsi Chinon, dont j'ai longtemps été maire, a très peu de contact avec Tours, située pourtant à cinquante kilomètres à vol d'oiseau.

Bien évidemment, la mise en place et la montée en puissance d'une ingénierie nécessitent des moyens financiers importants. L'État et les régions doivent appuyer les petites et moyennes villes dans le développement de leurs projets. Une expérimentation a été lancée dans trois régions. Je me suis rendu il y a peu en Occitanie, où elle connaît un certain succès, notamment en raison d'un engagement fort du préfet de région, Pascal Mailhos, et de la présidente de la région, Carole Delga. Philippe Richert, alors président de l'association des régions de France (ARF), soutenait également cette démarche. Je dois bientôt voir le nouveau président de l'ARF pour évoquer avec lui ce sujet. Je n'oublie pas non plus le département, qui peut jouer un rôle important. D'ailleurs, mon département, l'Indre-et-Loire, a mis en place une agence dédiée aux collectivités territoriales.

Enfin, le troisième axe concerne le logement. Il faut faire revenir les habitants dans les centres-villes. La ville de Bourges a perdu 12 000 habitants en l'espace de dix ans, alors qu'en périphérie, on construit des lotissements et installe des hypermarchés. Dans de nombreuses villes, la situation est très mauvaise et leur revitalisation est un défi très difficile à relever. À Lodève, il n'y a pratiquement plus de commerces dans le centre-ville, les immeubles sont squattés. Profitons de ce que de très nombreuses villes soient classées au titre des sites patrimoniaux remarquables. C'est un atout, car ce label s'accompagne de documents de protection, les plans de sauvegarde et de mise en valeur et les plans de valorisation de l'architecture et du patrimoine, à l'élaboration desquels l'État doit ou peut apporter son concours. Le ministère de la culture accorde des crédits à ces sites en 2018, même s'il faut reconnaître qu'ils ne permettent de financer que les études préalables.

Il faut monter des programmes de restructuration lourde, avec des acquisitions d'immeubles, des destructions et des reconstructions s'il le faut. Le retour des habitants dans les centres-villes est un préalable au retour des commerces. Les commerces ont besoin d'espace. Ainsi, à Troyes, a été mise en oeuvre l'ingénieuse idée de conserver la façade extérieure historique d'un bâtiment et de réaménager intégralement l'intérieur pour des activités de commerce sur 2 500 m2. Troyes fait partie des villes d'appui, qui se sont pleinement saisies du problème. Cahors, où le Premier ministre se rend demain, a commencé à avancer sur ce sujet. Toutefois, il reste encore beaucoup à faire. Certaines ruelles du centre-ville historique sont encore constituées d'immeubles vides, à réhabiliter. La ville de Pézenas, avec ses moyens, a également fait un travail intéressant. Pour ma part, à Chinon, j'ai dû procéder à la démolition d'un certain nombre d'immeubles, car il n'était pas possible de les rénover.

Il faut aussi construire une nouvelle relation avec les architectes des bâtiments de France (ABF). L'existence d'un projet global de revitalisation du centre historique peut d'ailleurs être un moyen d'obtenir l'accord de l'ABF sur des demandes qui auraient été refusées si elles avaient été présentées séparément. Bien évidemment, cela pose la question de la capacité de l'État à accompagner ces projets et de ne pas figer les centres-villes au nom de la conservation.

Pour soutenir davantage le développement des commerces en centre-ville, j'ai proposé que tout projet de centre commercial hors zone urbaine, qui placerait la région au-dessus d'un seuil moyen de mètres carrés commerciaux par habitant, puisse être interdit. Jugée trop radicale, cette idée n'a pas été suivie mais j'espère qu'elle fera peu à peu son chemin. Par ailleurs, l'échelon départemental ne me paraît pas pertinent pour discuter de la question de l'implantation de nouveaux centres commerciaux car la commission départementale d'aménagement commercial, dans les faits, refuse très peu de projets. Les chaînes de grandes surfaces, qui se livrent une concurrence féroce sur le terrain, élèvent toute création de nouveaux centres commerciaux en contentieux auprès de la commission nationale d'aménagement commercial. Pour moi, la commission départementale devrait être transférée au niveau de la région, afin d'avoir un peu plus de recul sur les projets proposés. Si l'État a été complice de l'abandon progressif des centres-villes, les élus locaux portent aussi leur part de responsabilité : certains ont poussé pour la création de centres commerciaux en périphérie dans l'espoir de retombées financières et de création d'emplois.

En matière de financement, il me paraît aberrant que l'État subventionne davantage, via les dispositifs fiscaux existants, les constructions de pavillons en périphérie des villes, que le logement dans les centres-villes historiques. Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2018, des amendements ont été déposés visant à apporter une modification aux défiscalisations existantes, mais, malheureusement, aucun n'a été adopté. La carte des villes petites et moyennes confrontées à une dévitalisation se superpose partiellement avec celle du vote Front national.

Le dispositif Malraux a sauvé les centres-villes des grandes villes. Toutefois, on peut se poser la question de l'opportunité du maintien de ce dispositif pour financer la rénovation du Marais à Paris, ou du coeur de Bordeaux, compte tenu des moyens financiers de ces villes, alors que les petites et moyennes villes n'y ont pas accès ou très difficilement. En effet, le taux est trop bas pour permettre à ces dernières d'en profiter. D'où ma proposition d'augmenter les taux et de les bonifier particulièrement pour les îlots les plus insalubres, afin d'y attirer l'investissement privé. Celui-ci est nécessaire pour garantir une mixité en centre-ville et empêcher que la rénovation se limite exclusivement à la transformation des immeubles en logements sociaux. Le Premier ministre devrait annoncer une expérimentation demain dans dix villes.

Le dispositif Pinel devrait être étendu aux centres-villes et y être plus avantageux puisque le coût d'achat du logement y est plus élevé.

En outre, il est certain qu'un financement spécifique sera nécessaire pour l'ingénierie. L'État doit prendre sa part.

On peut également imaginer la mise en place de concours d'architectes, afin de changer l'image de nos villes. Nantes, Bordeaux ou Lyon y sont parvenus. Nos petites et moyennes villes pourraient ainsi devenir des hauts lieux de la création architecturale. Certains l'ont fait à l'image de Pézenas.

Je souhaite revenir brièvement sur les services départementaux d'architecture. Les conditions de travail des ABF se sont dégradées : on leur demande de répondre dans des délais plus courts, et ils disposent de moins de moyens. Les ABF sont aujourd'hui menacés car ils sont souvent perçus comme une contrainte. Ce qui soulève la question de leur recrutement et de leur formation pour qu'ils soient davantage dans le dialogue avec les maires et puissent les appuyer dans les projets de revitalisation.

Mme Marie-Pierre Monier. - Lors des discussions sur la loi LCAP, nous avions reconnu qu'il s'agissait d'une thématique multiple, à la fois sociale, environnementale, mais aussi d'aménagement du territoire. Je pense qu'il s'agit d'un sujet sur lequel nous pouvons trouver un consensus au Sénat. Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances rectificative, nous allons déposer un certain nombre d'amendements visant à soutenir nos centres-villes. Le lien entre habitat et commerce est en ce sens primordial. Une expérimentation vient d'être lancée. Savez-vous comment le travail s'est engagé ? À mon sens, il est important de se baser sur les structures existantes, plutôt que de créer de toute pièce une nouvelle agence.

Les ateliers de maîtrise d'oeuvre vont être en charge du diagnostic de la ville, de la conception et de la mise en oeuvre du projet de développement, sous la responsabilité des élus. Comment les élus locaux viennent-ils s'intégrer dans ce dispositif ? Qui va payer les chefs de projet de ces ateliers ? Il faut communiquer sur les réussites pour enclencher un processus national. Enfin, 17 villes ont été sélectionnées au titre de l'expérimentation. Cela semble bien peu au vu des besoins en matière de revitalisation qui sont très nombreux.

Mme Nicole Duranton. - Une mobilisation de l'État et de la région est indispensable pour la réussite des projets de revitalisation. J'identifie aujourd'hui deux obstacles. Premièrement, comment changer le regard des pôles urbains sur les zones rurales ? Deuxièmement, quels sont les moyens financiers prévus ?

Mme Annick Billon. - La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a modifié la répartition des compétences entre les communes et les intercommunalités. Quelle est la bonne échelle pour la revitalisation ? Les documents d'urbanisme - programme local d'habitat (PLH), plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI), schéma de cohérence territorial (SCOT) - sont des outils utiles pour la revalorisation et les alliances de villes que vous évoquez. Ils doivent fixer un cap et être respectueux du territoire. Comment expliquer qu'ils n'aient pas produit les résultats escomptés jusqu'à présent ?

Mme Sonia de la Provôté. - En matière d'aménagement du territoire, les schémas de cohérence territoriale me paraissent l'outil le plus approprié.

Il faut également réfléchir à l'organisation entre les villes. Certaines communes peuvent jouer le rôle de pôle relais, avec la présence de certaines catégories de services. Faire revenir les habitants dans les centres-villes ne se décrète pas : il faut leur donner des raisons de revenir. Dans mon département, une ville de 10 000 habitants ne compte plus que deux médecins généralistes.

Le règlement de copropriété ne serait-il pas un obstacle à la revitalisation des centres-villes ? J'observe que les bailleurs refusent souvent d'intégrer une copropriété.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. - La question de la survie du dispositif Censi-Bouvard qui offre des déductions fiscales pour les investissements immobiliers réalisés dans le neuf en résidence meublée est régulièrement posée dans les médias. Certains proposent de l'élargir à d'autres secteurs de l'immobilier. Pensez-vous qu'une refonte du dispositif soit possible ? Est-il envisageable d'y intégrer par exemple les résidences de tourisme ?

M. Olivier Paccaud. - En ce qui concerne le vote Front national, en tout cas dans mon département, il s'agit beaucoup plus d'un vote rural qu'urbain.

La problématique du pilotage régional de l'aide est très différente selon les régions. Ainsi, dans la nouvelle grande région Hauts-de-France, depuis Lille on a parfois du mal à se rendre compte des projets à mener en Picardie, dans des territoires à la frontière de l'Ile-de-France. Transférer le pilotage à la région me fait peur. En dépit de la concurrence entre certaines villes, le département reste l'échelon qui connaît le mieux la situation au niveau local.

M. Jean-Pierre Leleux, président. - Il me semble que nous avons un travail pédagogique à faire auprès des autres commissions et groupes de travail, car je crains que le consensus existant au sein de notre commission ne soit pas partagé. Il y a un enjeu majeur : c'est de trouver l'équilibre entre la préservation patrimoniale et le confort des populations. Il y a ainsi une question d'assouplissement dans certains cas, mais de renforcement dans d'autres, des règles applicables. Enfin, les ABF doivent s'inscrire plus dans un esprit de dialogue avec les élus locaux et les projets qu'ils mènent.

M. Yves Dauge. - Il faut s'appuyer sur ce qui existe déjà et mettre en synergie ce qui marche. Aujourd'hui, certains projets échouent car ils ne disposent pas d'un maître d'oeuvre urbaine. Il est important de nommer un référent pour chaque projet, capable de créer une dynamique entre des personnes qui travaillent actuellement chacune de leur côté. Il faut s'inspirer des maîtrises d'oeuvre urbaine et sociale qui ont été mises en place dans le cadre de la politique de la ville. Les villes petites et moyennes doivent également mobiliser les pôles des grandes villes les plus proches. Ces dernières ont également beaucoup à gagner. Il faut ainsi créer des dialogues entre les petites et moyennes villes et l'université, l'hôpital, le centre d'art contemporain situés dans le pôle urbain afin de penser ensemble un projet sur le territoire. Aujourd'hui, les portes sont fermées, mais on peut les ouvrir, créer des liens grâce à des projets les englobant. Il faut changer les mentalités. Le chef de projet de revitalisation a ainsi un rôle à jouer pour créer ces liens. Il doit aller à la rencontre de l'État, de la grande ville la plus proche, sinon rien ne changera.

De même, l'État doit avoir un grand projet ambitieux. La question des moyens financiers et humains est fondamentale. Le commissariat général à l'égalité des territoires pourrait être un pilote. Il est important d'y inclure l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Le 1 % logement pourrait également être mobilisé. Il est d'ailleurs prévu de le cibler sur les centres-bourgs.

En ce qui concerne l'échelle la plus pertinente, l'intercommunalité est un niveau intéressant. Parfois, les relations entre la ville centre et les autres communes sont difficiles. Un projet commun doit y être défini. En effet, les villes de périphérie, ou les communes plus petites, peuvent être confrontées à leur échelle à des problématiques similaires.

Les documents d'urbanisme doivent constituer le fondement de ce que l'on peut faire. Ils ne sont pas assez contraignants. Aujourd'hui, l'État n'a pas les moyens de faire le « porter à connaissance », pour défendre les terres agricoles ou un aménagement territorial raisonnable. Il se contente de donner des informations techniques. Au motif des règles européennes en matière de libre concurrence, on refuse d'introduire un seuil économique pour limiter le développement de l'urbanisme commercial. Cette réglementation ne contient pas de critère économique, au nom de la libre concurrence. Or, dans les autres pays, comme en Allemagne ou au Royaume-Uni, des critères économiques ont été mis en place. En outre, l'interprétation de la réglementation d'urbanisme commercial prête à réfléchir. Ainsi, l'accessibilité est comprise comme une proximité de l'échangeur, et la prise en compte de l'environnement comme le fait de planter quelques arbres sur le parking. Un SCOT solide permettrait de régler un certain nombre de problèmes. Le schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET) peut également être intéressant. Il peut régler les questions d'organisation entre les villes. C'est un sujet d'actualité, ils sont en train d'être mis en place.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Tous ces schémas nous étouffent aujourd'hui. Pour le reste, je souscris à vos propos et me demande les raisons pour lesquelles le gouvernement est défavorable à vos propositions en matière de fiscalité. Notre expérience d'élu local nous permet d'apprécier la justesse de vos observations et de vos propositions.

M. Yves Dauge. - Il y a une vraie prise de conscience de la situation catastrophique dans laquelle se trouvent certaines villes petites et moyennes. L'urbanisme reste une question fondamentale.

La copropriété est un vrai sujet sur lequel nous avons formulé des propositions. Si rien n'est fait, il faudra se résoudre au rachat d'immeubles par un opérateur public, voire à des expropriations.

Je suis favorable à une inclusion des résidences de tourisme dans le dispositif existant, afin d'accroître l'attractivité touristique des villes petites et moyennes. Les villes de Loches et de Chinon ont construit deux résidences de tourisme dans les coeurs des villes. À la différence de l'Italie, les petites villes françaises manquent de logements touristiques.

Je crois à l'alliance entre les préfets de région et les présidents de région, ils ont une mission d'appui importante et peuvent apporter les moyens financiers qui font aujourd'hui défaut. Toutefois, les départements restent également un acteur incontournable.

La réunion est close à 12 h 50.