Mardi 30 octobre 2018

- Présidence de M. Jean Bizet, président -

La réunion est ouverte à 14 h 5.

Projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du Royaume Uni de l'Union européenne - Examen du rapport et du texte de la commission

M. Jean Bizet, président. - Notre ordre du jour appelle l'examen du rapport de Ladislas Poniatowski sur le projet de loi d'habilitation que notre commission spéciale est chargée d'examiner. Je me réjouis de la présence de nombreux collègues, qui dénote de l'importance du sujet.

Je tiens à remercier très sincèrement le rapporteur du travail qu'il a accompli dans le délai très court qui nous était imparti, ainsi que l'ensemble des membres de la commission qui se sont mobilisés sur la question.

Comme je l'ai fait valoir à Mme Loiseau lors de son audition, le Brexit nous met dans une situation paradoxale : après plus de quarante ans d'imbrications et de convergence, il nous faut travailler à la désimbrication et apprendre à gérer la divergence avec le moins de dégâts possible. Cette faute géostratégique majeure est imputable aux seuls Britanniques et a provoqué une onde de choc, avec la question de la frontière entre l'Ulster et la République d'Irlande.

Nous devons par ailleurs faire face à la forte incertitude qui pèse sur l'issue des négociations d'un accord de retrait. L'audition de l'ambassadeur du Royaume-Uni a montré que la situation reste, à ce stade, encore très figée. Au-delà de l'affirmation de la volonté de trouver un accord et du constat positif sur un très grand nombre de points en discussion, on voit que la question irlandaise demeure encore le noeud gordien de la négociation.

Je retiens aussi des propos de l'ambassadeur le message positif et rassurant sur la situation des Français et autres citoyens européens installés au Royaume-Uni, et l'inquiétude perceptible des ressortissants britanniques installés en France.

Il nous faut de toute façon nous préparer à toutes les hypothèses, y compris celle de l'absence d'un accord sur les modalités de retrait. C'est ce qu'entend faire le Gouvernement à travers le projet de loi d'habilitation qu'il a soumis au Sénat. Soulignons que les mesures à prendre ne sont pas seulement d'ordre législatif. Nombre d'entre elles relèveront de l'Union européenne ou seront d'ordre réglementaire.

Parallèlement, tout un travail de préparation doit être conduit par les acteurs publics ou privés concernés. L'audition de M. Darmanin nous a plutôt rassurés : l'administration douanière française a anticipé les difficultés. Le message a en tout cas été clairement passé aux ministres lors de leurs auditions. Nous le renouvellerons en séance publique.

Pour ce qui est du volet législatif, le rôle de notre commission spéciale est de veiller à ce que l'habilitation que le Gouvernement sollicite du Parlement soit précise, comme l'exige l'article 38 de la Constitution. Pour l'instant, le Gouvernement n'est pas exactement sur notre ligne.

L'incertitude qui plane sur l'issue des discussions avec le Royaume-Uni justifie un besoin de flexibilité. Le contenu des ordonnances sera par ailleurs subordonné à la réciprocité des mesures prises par le Royaume-Uni. Il sera aussi conditionné par les mesures adoptées dans le même sens par les autres États membres ; la France devra, en effet, rechercher une harmonisation avec les grands États membres, en particulier l'Allemagne.

C'est donc ce difficile équilibre entre précision et flexibilité que nous devons rechercher au travers du rapport et des amendements que nous allons examiner.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je souhaiterais remercier nos collègues qui ont travaillé au sein du groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne. L'Assemblée nationale ne travaille sur la question que depuis le début de l'année, alors que, pour notre part, nous avons mené depuis deux ans de nombreuses auditions et rendu plusieurs rapports d'étape. J'ai longtemps été député, et je peux vous assurer que le travail du Sénat est approfondi. L'Assemblée nationale n'a toujours pas désigné de rapporteur pour le projet de loi d'habilitation, alors qu'elle doit examiner le texte le 15 décembre prochain.

Je veux également remercier Jean Bizet, qui préside le groupe de suivi, lequel continuera d'exister après le Brexit.

Nous sommes à la veille de la sortie du Royaume-Uni de l'Europe, qui doit intervenir le 30 mars 2019. Le Brexit sera-t-il hard ou soft ? Les dernières auditions ne m'ont pas rassuré. Quant au dernier conseil européen, il s'est mal passé : alors qu'il devait aboutir à un accord de retrait, il n'a pu conclure. Je n'étais d'ailleurs pas optimiste. Le plan de Chequers proposé par Theresa May n'était en effet absolument pas acceptable.

Je voudrais insister sur le rôle de Michel Barnier, qui n'a cessé de rencontrer les chefs d'État, les chefs de gouvernement et les parlementaires. Grâce à lui, les Vingt-Sept sont restés unis sur la question du Brexit, alors qu'ils sont divisés sur de nombreux autres sujets. Theresa May espérait avoir affaire à un front divisé. Juste avant l'été, elle avait d'ailleurs rencontré séparément Emmanuel Macron et Angela Merkel, mais sa stratégie n'a pas fonctionné.

Au moment où nous examinons ce projet de loi, la plus grande incertitude demeure donc sur la possibilité de conclure un accord de retrait avec le Royaume-Uni. Ce point devrait être clarifié d'ici à la fin novembre.

Mais même si un accord de retrait était finalement conclu, il faudrait encore qu'il soit ratifié, tant par le Parlement européen que par le Parlement du Royaume-Uni. Les choses se passeront certainement bien au Parlement européen ; en revanche, il risque de ne pas en aller de même côté britannique. Theresa May avait approuvé la proposition de backstop de Michel Barnier, mais a ensuite essuyé un refus tant de son gouvernement que de son parti. Elle a dû renoncer à présenter cette proposition devant le Parlement.

Il se pourrait donc, même si un accord était trouvé, qu'il ne puisse pas être ratifié, ce qui nous ramènerait à l'hypothèse du no deal.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement nous propose de prendre par ordonnances une série de mesures. Il s'agit de régler la situation des Britanniques qui résident ou travaillent en France, celle des Français qui sont dans la même situation au Royaume-Uni et les mesures d'urgence à prendre pour gérer les flux de personnes et marchandises dans les infrastructures portuaires, ferroviaires, aéroportuaires et routières.

Le Parlement n'aime jamais les ordonnances. Mais tous les gouvernements y recourent en cas d'urgence... Je considère qu'ici l'urgence est avérée, ce qui m'incite à vous proposer d'accepter l'habilitation sollicitée par le Gouvernement. Toutefois, accepter le principe des ordonnances ne signifie pas donner un blanc-seing à ce dernier pour agir à sa guise.

Je regrette vivement que le Gouvernement n'ait pas publié l'avis du Conseil d'État ; l'argument de la nécessaire discrétion sur le déroulement des négociations avec le Royaume-Uni ne me semble pas pertinent. Ce faisant, il a créé un mystère là où il n'y en a en réalité aucun.

Par ailleurs, toute habilitation doit répondre à une exigence de précision. Le Conseil constitutionnel y veille. Mes amendements vont en ce sens. Il s'agit ici non pas de gêner l'action du Gouvernement, mais au contraire de la consolider juridiquement.

Je vous proposerai également des amendements confirmant le caractère temporaire des mesures à prendre, dans l'attente d'accords bilatéraux entre la France et le Royaume-Uni.

S'agissant des délais d'habilitation, le Gouvernement nous propose un délai de 12 mois aux articles 1er et 2 et un délai de 6 mois à l'article 3.

Cette asymétrie est paradoxale, notamment pour les articles 1er et 2 qui ont vocation à s'appliquer en cas de non-accord. Le Gouvernement nous dit qu'il y a urgence, mais se laisse ensuite un an pour agir... Je vous proposerai de réduire le délai de dépôt des projets de loi de ratification, prévu à l'article 4. Certaines décisions doivent être prises très rapidement.

Enfin, le projet de loi n'a pas vocation à résoudre tous les problèmes liés au Brexit. Certaines questions ne relèvent pas de notre compétence, même si vous êtes plusieurs à vous en préoccuper.

Il s'agit, d'abord, des questions à résoudre au niveau de l'Union européenne.

Ainsi, les problèmes relatifs au transport aérien, à la pêche, aux médicaments ou encore la décision éventuelle de rétablir des visas de court séjour pour les ressortissants britanniques relèvent de l'Union européenne.

Ces questions sont toutes cruciales, et il ne faut pas hésiter à les évoquer lors du débat en séance publique, afin de faire part de vos inquiétudes au Gouvernement. Il ne servirait à rien, en revanche, de déposer d'éventuels amendements.

Je pense, ensuite et plus généralement, aux mesures d'aides aux entreprises, notamment aux PME fragilisées par le Brexit, qui devront être envisagées. L'Irlande souhaite, par exemple, mettre en place des prêts à faible taux d'intérêt à destination de ses PME. Les Pays-Bas ont, eux aussi, mis en place un système d'aide aux PME. Je ne propose rien, car une aide financière tomberait sous le couperet de l'article 40 de la Constitution, mais nous devrons néanmoins évoquer ce sujet en séance.

Comme l'a indiqué devant nous Gérald Darmanin, les Douanes ont engagé le recrutement de 700 douaniers : 250 l'ont déjà été, 350 le seront en 2019 et 100 en 2020. Je ne sais pas si ce nombre sera suffisant. C'est la raison pour laquelle le groupe de suivi sur le Brexit continuera à avoir un rôle important à jouer. D'autres pays vont recruter davantage. Je pense aux Pays-Bas, qui ont prévu 1 000 douaniers supplémentaires. L'Irlande, quant à elle, devrait en embaucher 900. Pourtant, ni la République d'Irlande, ni le Royaume-Uni, ni aucun des vingt-sept États membres ne veut d'une frontière avec l'Ulster ! Néanmoins, la situation va changer : 80 % du trafic commercial entre l'Irlande et l'Europe passe par l'Angleterre ; demain, ce ne sera plus le cas.

Gérald Darmanin a essayé de nous rassurer en évoquant les réunions d'information organisées par les directions régionales des douanes en direction des PME. Les régions principalement concernées sont l'Île-de-France, les Hauts-de-France, la Normandie, l'Auvergne-Rhône-Alpes et l'Occitanie. Pour autant, ces efforts n'ont pas payé. Le ministre avait invité des centaines d'entreprises à une réunion organisée dans les Hauts-de-France : seules 40 sont venues... Or 30 000 entreprises françaises ont une activité commerciale avec le Royaume-Uni. L'administration a fait son travail, mais le monde économique n'est pas tout à fait conscient des transformations à venir...

D'après la Commission européenne, cinq pays sont aujourd'hui les mieux préparés au Brexit : la France, l'Allemagne, les Pays-Bas, la Belgique et l'Irlande. Ces États ont déjà pris des mesures législatives et inscrit des dépenses budgétaires. Cela signifie que de nombreux autres pays, moins concernés il est vrai, n'ont encore rien fait ou sont en retard...

D'autres problèmes, qui ne relèvent pas du projet de loi d'habilitation, devront être traités. Je veux évoquer la question migratoire, qui est cruciale. Des migrants tentent déjà, à l'heure actuelle, de se cacher dans des camions pour atteindre le Royaume-Uni. Qu'en sera-t-il, à l'avenir, si la circulation est ralentie du fait des contrôles ? Dans les Hauts-de-France, il est prévu de créer, à 9 kilomètres du tunnel, une aire de parking avec des hangars, qui pourrait attirer ceux qui essayent de passer de l'autre côté de la Manche.

Le rapport traite aussi d'autres questions, notamment celle des conseillers municipaux de nationalité britannique, soit environ 900 personnes. Le Gouvernement nous a confirmé qu'ils resteraient conseillers municipaux jusqu'aux prochaines élections municipales en 2020.

M. Jean Bizet, président. - D'ici à la fin novembre au plus tard, le Royaume-Uni devra prendre une décision sur le Brexit. Après cette date, il sera ensuite administrativement trop tard pour lancer le compte à rebours.

Par ailleurs, aucune date n'a été fixée pour un Conseil européen spécifiquement dédié au Brexit puisque Theresa May n'a mis sur la table aucune proposition tangible.

Le Sénat doit être pragmatique. Certes, nous n'aimons pas que le Gouvernement ait recours aux ordonnances. Mais, si nous devons faire preuve de flexibilité, nous devons aussi exiger des précisions. Le Gouvernement est pour l'instant plutôt sourd à nos demandes... J'espère qu'il évoluera sur la question.

Certaines questions ne relèvent pas du projet de loi. La commission des affaires européennes a nommé un groupe de travail constitué de Pascal Allizard, Didier Marie et Jean-François Rapin, trois élus de la façade maritime de la Manche, car la Commission européenne doit revoir le mécanisme pour l'interconnexion en Europe. La Commission veut attendre 2023 pour le faire, alors que nous estimons qu'elle devrait agir maintenant, le Brexit ayant changé la donne. Les flux commerciaux transitant actuellement par le Royaume-Uni risquent de prendre d'autres chemins.

S'agissant du soutien aux entreprises, certains pays ont déjà pris des décisions pour tenir compte du Brexit : ainsi, les Pays-Bas ont abaissé de 25 à 22,5 % le taux de l'impôt sur les sociétés. À bon entendeur, salut ! Notre pays devrait lui aussi s'employer à rester agile, réactif et compétitif.

L'époque particulière que nous vivons montre que le Sénat a eu raison de mettre en place un groupe de suivi sur le Brexit en juillet 2016, un mois après le référendum. Au vu des questions que nous venons d'aborder, ce groupe de suivi aura également un important travail à mener après le Brexit.

M. Jean-François Rapin. - Le Sénat doit débattre ce soir en séance de la gestion européenne de la crise migratoire. Le Royaume-Uni a déjà annoncé son intention de s'orienter vers une immigration choisie, avec les conséquences que cela peut avoir pour notre pays en termes de personnes refoulées.

Sur la circulation des produits, il me semble que le système du transit sous douane permet à un camion irlandais scellé de transporter des marchandises vers l'Europe en transitant par le Royaume-Uni sans être taxé. Sinon, notre mission sur le sauvetage du corridor n'a pas de sens... Je souhaiterais que l'on m'apporte une réponse précise sur ce point.

M. Didier Marie. - Je félicite le rapporteur pour le travail qu'il a effectué dans des délais très courts. La France est certes l'un des cinq bons élèves de l'Europe, mais nous aurions pu disposer de davantage de temps pour examiner ce projet de loi d'habilitation.

Sur le plan politique, nous arrivons en bout de course. Le prochain sommet européen en décembre est le dernier rendez-vous avant le Brexit.

Theresa May n'a de majorité pour aucune des solutions qu'elle pourrait retenir. Si des miracles sont toujours possibles en politique,...

M. Jean Bizet, président. - De moins en moins !

M. Didier Marie. - ... nous devons aussi nous préparer à un no deal. C'est la raison pour laquelle l'urgence nécessite le recours aux ordonnances.

Je regrette l'opacité du Gouvernement sur l'avis du Conseil d'État. Chacun le sait, quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup... On peut s'en inquiéter, d'autant que certaines dispositions présentent un risque constitutionnel.

Sur la situation des personnes, le principe doit être la réciprocité.

S'agissant des ports, notre mission permettra de faire des propositions. On peut considérer que les douaniers seront en nombre suffisant. En revanche, le compte n'y est pas pour les agents chargés des contrôles phytosanitaires et vétérinaires : il en faudrait au minimum 150 selon certains experts, alors que l'on nous annonce 40 recrutements.

Que prévoit le Gouvernement en matière d'aides financières pour accompagner les PME ? Que compte-t-il faire auprès de l'Union européenne pour mobiliser des fonds spécifiques d'accompagnement à la transformation des entreprises ?

Pour ce qui concerne le contrôle des ordonnances, les délais de ratification proposés sont peut-être trop longs. Le rapporteur a déposé un amendement sur le sujet auquel je suis favorable. Nous devrons mettre en oeuvre une mission de contrôle des ordonnances en attendant un éventuel accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ou un accord bilatéral.

M. Jean Louis Masson. - Je ne ferai pas d'observation de fond sur le texte, car je suis à peu près le seul dans cette enceinte à être de mon opinion... En revanche, une grande partie des Français sont de mon avis et ne sont pas satisfaits de l'Union européenne dans sa forme actuelle.

Sur la forme, je veux revenir sur l'absence de transmission de l'avis du Conseil d'État. Par le passé, j'avais essayé de faire avancer, auprès de la commission des lois, l'idée qu'il fallait rendre obligatoire la communication par le Gouvernement au Parlement des avis du Conseil d'État. On m'avait répondu que cela n'était pas nécessaire, car cette transmission était habituellement faite. On le voit bien, c'est justement lorsqu'on a besoin de ce document que le problème se pose...

Je reconnais au Gouvernement le droit de refuser la communication de cet avis. C'est aussi notre droit d'en tirer les conséquences. D'après la presse, le Conseil d'État émet des réserves sur la constitutionnalité du projet de loi d'habilitation. Le Gouvernement, par la voix de Mme Loiseau, a avancé des prétextes fallacieux pour ne pas nous apporter de précisions sur les ordonnances. Il est scandaleux que nous, parlementaires, acceptions de voter un texte sans en connaître tous les tenants et aboutissants.

Un citoyen peut-il déposer une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la base d'un vice de forme ? D'après certains, le Conseil constitutionnel n'examine que les QPC soulevant un problème de constitutionnalité affectant le fond du texte.

M. Richard Yung. - Monsieur le rapporteur, je vous ai trouvé pessimiste ! Selon moi, les négociations vont aller à leur terme. Nous sommes pour le moment dans la phase de durcissement, mais il n'est pas exclu que le calendrier soit prolongé. Qu'adviendrait-il alors des délais d'habilitation prévus dans le texte ?

M. Olivier Henno. - Pour ma part, il m'a semblé que le rapporteur, dont je salue le travail, était plutôt lucide !

Jean-François Rapin a soulevé une question essentielle : celle de la mesure de la réciprocité. Nous devrons nous ajuster aux décisions prises par le Royaume-Uni.

Comment mesurer cette réciprocité, notamment sur la question migratoire ou sur la circulation des marchandises ?

Mme Fabienne Keller. - Je félicite à mon tour le rapporteur pour la qualité de son travail. Je veux souligner le pragmatisme des Britanniques. Ils sauront être d'autant plus réactifs qu'ils ne seront plus soumis à des critères d'harmonisation européens. Ils retrouveront leur liberté, comme en témoignent les récentes annonces budgétaires de Theresa May. Elle lâche du lest pour répondre aux inquiétudes de ses concitoyens.

Sur la question de la réciprocité, devrons-nous l'évaluer seuls ou à Vingt-Sept ?

M. Bruno Sido. - Je salue également le rapporteur, qui a fourni un travail considérable.

Les Britanniques sont effectivement pragmatiques et ne se posent pas autant de questions que nous. Cela fait bien longtemps qu'il y a des Français en Grande-Bretagne et des Britanniques en France ! Je ne comprends pas pourquoi le président Pompidou a absolument souhaité que le Royaume-Uni entre dans le marché commun ; le Général de Gaulle, lui, ne le voulait pas ! Les Français qui ont choisi de travailler au Royaume-Uni doivent assumer leurs responsabilités ; quant aux Britanniques qui ont préféré le soleil de la France à la fraîcheur de la Grande-Bretagne, qu'ils fassent de même ! Nous ne devons faire aucun cadeau au Royaume-Uni, car c'est lui qui a ouvert les hostilités.

La question du nombre de douaniers n'en est pas une : il suffit d'en recruter ou de transférer des personnels...

On se fait une montagne de questions qui n'en valent pas vraiment la peine ! Les Britanniques veulent sortir de l'Union européenne et penchent vers le no deal... Vouloir allonger les délais de négociation est bien français, mais les Vingt-Sept ne pensent pas forcément comme nous. Allons de l'avant sans état d'âme, et sans nous faire de souci : nous sortirons bien de cette situation !

M. Éric Bocquet. - Comme l'a relevé Fabienne Keller, les Britanniques sont pragmatiques. Ils avancent pas à pas, avec confiance, alors que l'Union européenne veut dès maintenant une architecture globale qui réponde à tous les problèmes. Les propos de l'ambassadeur du Royaume-Uni étaient rassurants : même en cas de no deal, les droits des ressortissants européens vivant et travaillant sur le sol britannique seront préservés. Son ton n'était pas belliqueux : ce n'est pas la guerre de Cent Ans qui recommence !

À la veille du débarquement en Normandie, Churchill avait dit à De Gaulle que lorsque la Grande-Bretagne devrait choisir entre le grand large et l'Europe, elle choisirait toujours le grand large... Le Brexit a déstabilisé pendant quelques jours les Anglais, qui en ont ensuite fait une opportunité. Dégagé des contraintes que l'Europe voulait lui imposer, le Royaume-Uni va s'ouvrir encore davantage au monde : il a pour cela les fuseaux horaires - de Hong Kong aux Bermudes -, la langue anglaise, l'ingénierie financière...

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je partage ce qui a été dit par Éric Bocquet. Je vis depuis trente-cinq ans au Royaume-Uni : c'est un peuple travailleur, qui sait saisir les opportunités. Même des responsables politiques pro-remain comme le directeur de Chatham House, l'Institut royal des affaires internationales, veulent aller de l'avant et sont devenus pro-Brexit.

Revenir sans cesse à de Gaulle qui ne voulait pas de la Grande-Bretagne dans le marché commun revient à entretenir une atmosphère contreproductive. La presse anglaise nous a toujours été hostile : elle ne cesse d'alimenter le sentiment anti-français. Nous devons prêter attention à nos propos en tant que responsables politiques.

Les choix des ressortissants français en Grande-Bretagne et britanniques en France ont été faits en fonction d'un contexte donné, qui favorisait l'échange de droits. Les Britanniques installés en France ont tout vendu, ont restauré des villages dans notre pays, ont contribué à l'économie locale : s'ils devaient retourner en Grande-Bretagne, ils n'auraient plus les moyens de s'acheter quoi que ce soit.

Jean-François Rapin a raison, la Grande-Bretagne voudra une immigration choisie, car son pragmatisme la pousse à préférer des travailleurs qui contribueront à son économie. La semaine dernière a été annoncée la création d'un fonds, doté de 9 millions de livres sterling, pour aider les Européens démunis vivant en Grande-Bretagne à faire leurs demandes de résidence permanente. C'est un petit pas, mais qui n'est pas suffisant.

Un no deal posera surtout des problèmes à la France : de nombreux jeunes Français partent travailler, certes pour de petits salaires, en Grande-Bretagne, qui connaît presque le plein emploi : cela permet d'améliorer nos statistiques sur le nombre de chômeurs.

Nous devons faire preuve de davantage de pragmatisme, comme les Anglais, qui sont tous quasiment prêts pour l'après-Brexit. Les entreprises françaises, elles, ne le sont pas, comme l'a souligné le rapporteur. En tant que parlementaires, nous devons alerter nos ressortissants et les inciter à aller de l'avant.

J'approuve également les propos de Didier Marie sur les droits réciproques des personnes. J'ai déposé un amendement sur ce sujet.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Monsieur Rapin, vous avez mis le doigt sur un point sensible, la crise migratoire - Theresa May a d'ailleurs évoqué l'immigration choisie. Ce sujet pourra être évoqué en séance publique. Cela ne concerne pas directement le texte, mais on ne peut y échapper et il faut en parler.

En ce qui concerne votre question sur l'Irlande, vous avez raison du point de vue juridique ; les conteneurs transportant des marchandises pour le marché européen pourront traverser le Royaume-Uni sans faire l'objet de taxes.

L'Irlande a d'ailleurs bien compris la situation : c'est pourquoi elle se prépare en aidant les PME à opter pour le transit par la mer, vers les ports français. En face, nous aussi, nous devons être réceptifs ; c'est une occasion pour les ports normands, qui sont - on le voit bien sur une carte - proches de l'Irlande. Soyons la terre d'accueil du trafic qui part d'Irlande.

Monsieur Marie, vous avez raison quant aux délais trop courts.

Je suis également d'accord avec votre analyse politique, je pense que Theresa May ne trouvera pas de majorité, quel que soit le scénario. J'ai un moment pensé qu'elle pourrait y parvenir avec Jeremy Corbyn en délaissant une partie des conservateurs et une partie des dix membres de sa majorité élus de l'Irlande du Nord, mais je n'y crois plus.

Sur l'opacité du Gouvernement, vous affirmez que l'absence de transmission de l'avis du Conseil d'État, contrairement à ce que les gouvernements ont toujours fait depuis 2015, cache quelque chose de louche. En général, c'est vrai, mais, en l'occurrence, ce n'est même pas le cas ! Mme Loiseau n'a rien voulu entendre sur ce point.

En outre, le Conseil constitutionnel censure les lois d'habilitation lorsqu'elles ne sont pas assez précises. Plusieurs de mes amendements tendent donc à préciser le contenu des ordonnances. Je sais que le Gouvernement s'en est ému, mais nous devons demander plus de précision dans les habilitations.

La réciprocité est une notion centrale dont je souligne l'importance tant dans mon rapport que dans mes amendements.

Sur la dimension sanitaire des importations, j'ai l'intention de reprendre un amendement de M. Duplomb en rectifiant l'un de mes amendements. Sans doute les quarante équivalents temps plein (ETP) prévus ne suffiront-ils pas, d'autant que douze seulement seront vétérinaires, mais tout ne sera pas figé. Le Parlement, notamment le groupe de suivi sur le Brexit, a son rôle à jouer. À nous d'être vigilants lors de l'examen du budget.

Enfin, je considère que les ratifications d'ordonnance sont trop peu nombreuses, et cela relève tant du Gouvernement que du Parlement. En général, le Gouvernement dépose dans les délais requis les projets de loi de ratification, respectant ainsi la Constitution, mais ceux-ci ne sont jamais inscrits à l'ordre du jour. Or celui-ci est, je le rappelle, partagé entre le Parlement et le Gouvernement ; nous partageons donc la responsabilité de cette situation. Sur les soixante ordonnances qui devaient être ratifiées en 2016 et en 2017, seules sept l'ont été. Le groupe de suivi sur le Brexit a donc un rôle à jouer sur ce sujet ; au Parlement de faire preuve de vigilance.

Monsieur Masson, vous avez raison sur le fond, les parlementaires n'aiment pas les ordonnances et je sais pouvoir compter sur vous pour le souligner en séance publique. En ce qui concerne les QPC, n'importe quel citoyen, vous compris, peut en adresser au Conseil constitutionnel dans le cadre d'un litige.

M. Jean Louis Masson. - Certes, mais le Conseil ne considère comme recevables que les QPC portant sur un vice de fond, non celles qui portent sur un vice de forme, par exemple les conditions dans lesquelles le texte a été adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Vous avez raison, la question prioritaire de constitutionnalité doit porter sur une question de fond, à savoir l'atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

M. Jean Bizet, président. - La Cour de cassation et le Conseil d'État exercent une fonction de filtre sur ces questions.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Monsieur Yung, vous êtes optimiste, vous pensez qu'il y aura un allongement du délai et qu'un accord sera trouvé. Pour ma part, je ne vois pas comment... Il faut l'unanimité du Conseil européen pour proroger le délai au-delà du 30 mars 2019, et je n'y crois pas du tout. En revanche, si un accord est obtenu, il n'y a pas besoin d'une seconde prolongation, on aura un an et neuf mois pour résoudre tous les problèmes soulevés dans le rapport.

Cela dit, je suis plus inquiet que vous ; il faut d'abord un accord sur le retrait, puis un vote au Parlement britannique, qui ne me paraît pas évident.

Monsieur Henno, il n'est pas prévu de dispositions formelles d'évaluation sur la réciprocité, mais c'est dans l'esprit de tous. Dans les deux premiers articles du texte, toutes les mesures prévues sont sous réserve de réciprocité. Je pense qu'il faut procéder avec confiance, l'intérêt de la France est de défendre les Français et l'intérêt du Royaume-Uni est de défendre les Britanniques, ce qui plaide pour un accord réciproque pour les étudiants, les actifs ou les retraités installés de part et d'autre. Là aussi, le groupe de suivi sur le Brexit aura un rôle central à jouer.

Monsieur Sido, je suis d'accord, les Français qui ont décidé de vivre au Royaume-Uni et les Britanniques installés en France doivent assumer leur choix, mais votre présentation est trop négative. Il faut que cela continue. J'espère que, après le Brexit, des Français travailleront ou étudieront toujours là-bas et que des Britanniques viendront encore en France.

M. Laurent Duplomb. - Et qu'ils investiront...

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - J'ai déposé quelques amendements pour protéger les Français installés au Royaume-Uni et les Britanniques installés en France, même pour ceux qui s'installeront après le Brexit.

Monsieur Bocquet, vous dites que les Britanniques sont pragmatiques et qu'il ne faut pas rechercher une réponse globale, sous-entendu cartésienne. Je suis d'accord, il faut être pragmatique. M. Bizet revient d'Angleterre où il a été impressionné par les représentants du monde des affaires, qui se préparent bien au Brexit. La finance britannique va perdre le passeport financier et n'aura plus le droit de proposer ses produits sur le marché européen, mais elle a déjà conçu des solutions de rechange.

Le Royaume-Uni deviendra un pays tiers et il espérait pouvoir continuer à bénéficier des avantages de l'appartenance à l'Europe tout en la quittant. La fermeté des Vingt-Sept à cet égard est une bonne chose ; si les Britanniques sortaient gagnants sur tous les tableaux de la négociation, ce serait une incitation trop forte à les imiter pour d'autres pays.

M. Jean Bizet, président. - Je remercie le rapporteur, qui s'est plongé avec pragmatisme dans ce sujet !

EXAMEN DES ARTICLES

Motions

M. Jean Louis Masson. - La motion n°  COM-1 tend à opposer l'exception d'irrecevabilité.

La presse nationale du mardi 16 octobre 2018 a confirmé que le Gouvernement refusait de rendre public l'avis du Conseil d'État relatif au projet d'ordonnance d'habilitation au sujet du Brexit. C'est exact ; les membres de la commission spéciale du Sénat qui ont demandé à connaître cet avis ne l'ont pas obtenu. À l'évidence, le Gouvernement espérait que le Sénat ne serait pas informé des réserves du Conseil d'État au sujet de ce projet de loi.

C'est un manque de loyauté à l'encontre des parlementaires, qui sont appelés à voter sur un texte sans en connaître les tenants et les aboutissants. De plus, c'est contraire à la pratique habituelle, car, si le Gouvernement n'est effectivement pas tenu de publier l'avis du Conseil d'État, c'était devenu un usage habituel. Quoi qu'il en soit, la presse a eu connaissance de cet avis, rendu le 27 septembre 2018.

Selon le journal Le Monde, le Conseil d'État regrette que le projet de loi n'énumère que les têtes de chapitre des domaines pouvant donner lieu à ordonnance, mais sans préciser, dans la plupart des cas, la portée des mesures envisagées. Le Gouvernement explique ces choix par le souci de ménager la position de la France dans les négociations en cours, en préservant ses marges de manoeuvre.

Or, selon le Conseil d'État, la Constitution oblige le Gouvernement à indiquer au Parlement la finalité des mesures envisagées avec une précision suffisante. Tout en admettant que le projet du Gouvernement s'inscrit dans un contexte très particulier, le Conseil d'État considère, au stade où il est saisi, que le respect de cette exigence constitutionnelle suppose de préciser davantage l'énoncé de la finalité des mesures.

C'est la raison pour laquelle j'ai déposé cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je rappelle que le Gouvernement n'est pas contraint de publier les avis du Conseil d'État sur ses projets de loi.

M. Jean Louis Masson. - Je le sais, je viens de le dire !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - En outre, mes amendements visent à préciser les finalités des habilitations à légiférer par ordonnances, dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

La motion n° COM-1 n'est pas adoptée.

M. Jean Louis Masson. - La motion n°  COM-2 tend à opposer la question préalable.

Le site internet de l'hebdomadaire Le Point résume très bien la duplicité des négociateurs de l'Union européenne dans l'affaire du Brexit. Sous le titre « Brexit, cette négociation qui n'en est pas une », ce périodique explique que, malgré une apparente bonne volonté, l'Union européenne ne cherche pas à négocier réellement ; en fait, les Européens ont posé d'emblée leurs exigences et ils refusent toute discussion.

Ces exigences reposent sur quatre points : le refus de traiter séparément la circulation des personnes, des biens, des services et des capitaux ; le statut des ressortissants européens résidant en Grande-Bretagne ; le solde financier et le paiement par la Grande-Bretagne des projets déjà engagés ; le refus de toute frontière physique entre l'Irlande du Nord et le reste de l'île.

Les négociateurs européens savent très bien que cette dernière condition est, à elle seule, un obstacle quasiment insurmontable, car, dans le même temps, ils veulent créer une frontière physique avec le reste de la Grande-Bretagne. Cela revient donc à obliger les Britanniques à accepter un dépeçage de leur pays, lequel serait littéralement coupé en deux par une véritable frontière.

Le Point résume très bien la finalité des responsables : ils veulent absolument que les Britanniques perdent tous leurs avantages et qu'ils vivent moins bien, tout cela afin qu'ils regrettent leur départ. À la veille des élections européennes, leur seul but est de faire croire à nos concitoyens que l'évolution vers une Europe fédérale serait la seule solution de bon sens pour l'avenir.

Ainsi, l'impasse actuelle des négociations sur le Brexit est en grande partie due à la stratégie politicienne des dirigeants de l'Union européenne. D'où cette motion tendant à opposer la question préalable.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je rappelle que la question préalable signifie que l'on s'oppose à l'ensemble du texte ou qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération. Je suis donc totalement défavorable à cette motion, car ce projet de loi est nécessaire pour tirer les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. La France devra agir rapidement pour préserver ses intérêts nationaux, y compris économiques, mais également pour protéger la situation des Français présents au Royaume-Uni et des intérêts des Britanniques présents en France.

Avis défavorable.

M. Bruno Sido. - S'il était au Gouvernement, M. Masson ferait exactement la même chose. On ne sait pas comment les choses vont évoluer, donc il est impossible de présenter des habilitations ultra-précises. Elles sont forcément larges pour préserver les marges de manoeuvre du Gouvernement.

La motion n° COM-2 n'est pas adoptée.

Article additionnel avant l'article 1er

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je reconnais que le nombre de sièges français au Parlement européen est un sujet très intéressant, mais je dois dire que cette question, portée par l'amendement n°  COM-3, est hors sujet ici.

M. Jean Louis Masson. - Pas tout à fait, car, si les négociations du Brexit n'aboutissent pas, on sera en contradiction totale avec le traité de Lisbonne.

Les partisans d'une Europe à tendance fédéraliste piétinent la souveraineté des États membres pour imposer une sorte de pensée unique. Ainsi, le résultat de plusieurs référendums a été contourné par les tenants de cette pensée unique, qui n'hésitent pas à bafouer la volonté des électeurs dès qu'elle ne va pas dans leur sens.

Aujourd'hui, le président Macron est à la pointe de la coalition qui essaie de torpiller le Brexit en pourrissant la négociation. Là aussi, il s'agit de désavouer le suffrage universel en poussant les Britanniques à organiser un nouveau référendum. À la veille des élections européennes, le but est de faire croire à nos concitoyens que l'évolution vers une Europe fédérale serait la seule solution possible pour l'avenir.

Au lieu de saboter le Brexit, la France devrait plutôt réclamer sa juste part dans la répartition des sièges au sein du Parlement européen. Actuellement, chacun des six députés maltais représente seulement 69 352 habitants, alors que chacun des soixante-quatorze députés français représente 883 756 habitants. Pis encore, la France a, en totale violation du traité de Lisbonne, un ratio d'habitants par siège nettement plus défavorable que l'Allemagne.

De plus, si les opposants au Brexit parvenaient à leurs fins, cette injustice au détriment de la France subsisterait. D'où cet amendement, qui n'est pas totalement indépendant du Brexit.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Cette question est hors sujet dans le cadre de ce texte. Avis défavorable.

L'amendement n° COM-3 n'est pas adopté.

Article 1er

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'amendement n°  COM-4 est un amendement de suppression.

M. Jean Louis Masson. - Deux conceptions de l'Europe s'opposent : d'une part, une Europe des Nations respectant la souveraineté des États membres et les choix de chaque gouvernement démocratiquement élu, et, d'autre part, une Europe à tendance fédéraliste, qui piétine la souveraineté des États membres pour imposer la pensée unique des pseudo-élites.

Le résultat de plusieurs référendums a déjà été contourné par les tenants de cette pensée unique, qui n'hésitent pas à bafouer la volonté des électeurs dès qu'elle ne va pas dans leur sens. Aujourd'hui, le président Macron est à la pointe de la coalition qui essaie de saboter le Brexit en pourrissant la négociation.

Là aussi, il s'agit de désavouer le suffrage universel en poussant les Britanniques à organiser un nouveau référendum. À la veille des élections européennes, le but est de faire croire à nos concitoyens que l'évolution vers une Europe fédérale serait la seule solution possible pour l'avenir.

MM. Macron, Juncker et Barnier sont-ils de bonne foi lorsqu'ils prétendent négocier des conditions loyales et honnêtes de sortie, alors que, dans le même temps, ils exigent la création d'une frontière douanière à l'intérieur du Royaume-Uni pour en disjoindre l'Irlande du Nord ? C'est aussi machiavélique que si, demain, l'Europe demandait à la France de créer une frontière douanière à l'intérieur de notre territoire, par exemple en séparant l'Alsace-Lorraine du reste du territoire.

Tous les problèmes qui justifieraient de prendre, par ordonnances, des mesures en urgence sont manifestement dus à la mauvaise volonté des responsables de l'Union européenne et à l'action du président Macron, qui a organisé une véritable coalition pour essayer de pourrir les négociations sur le Brexit. On ne doit pas cautionner cette politique au travers de laquelle quelques tenants de la pensée unique se targuent à donner des leçons de démocratie à des pays tels que la Hongrie ou l'Italie, dont les gouvernements sont pourtant élus de manière parfaitement démocratique.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Cet article de même que les articles 2 et 3 sont indispensables, car la France doit se préoccuper des Britanniques présents sur son sol, comme le Royaume-Uni doit se préoccuper du sort des Français présents sur le sien. Avis défavorable.

L'amendement n° COM-4 n'est pas adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Au travers de mon amendement n°  COM-10, j'introduis plus de précision dans les habilitations. L'article 1er du projet de loi tire les conséquences du Brexit en l'absence d'accord sur la situation des Britanniques en France et sur la préservation des activités économiques et des flux de marchandises et de personnes.

En outre, je rectifie mon amendement en insérant un alinéa supplémentaire concernant les finalités de l'ordonnance, à savoir « garantir un niveau élevé de sécurité sanitaire en France ». Cela permet de reprendre l'amendement de M. Duplomb.

M. Laurent Duplomb. - Je retire donc mon amendement n°  COM-26.

Je suis favorable, sur le principe, à cette disposition, qui prend tout son sens au regard de deux mensonges de M. Darmanin. D'une part, il a affirmé que tous les postes demandés par le ministère de l'agriculture pour contrôler les produits britanniques importés en France auraient été accordés, alors que, sur les 90 ETP demandés, seuls 40 ont été créés. D'autre part, il a soutenu qu'il ne s'agissait que de contrôler les produits entrants, alors qu'il faut certifier les produits sortants, vers le Royaume-Uni. On estime que, selon les modalités du Brexit, 80 à 900 personnes supplémentaires seraient nécessaires pour assurer ces fonctions de contrôle.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Mais la certification des produits ne se déroule pas forcément aux frontières.

M. Laurent Duplomb. - Tout à fait, je n'ai pas dit cela, mais aujourd'hui, 130 personnes sont affectées à cette tâche.

L'amendement n° COM-10, ainsi modifié, est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Mon amendement n°  COM-16 concerne le cas des salariés britanniques appelés à travailler en France après le Brexit. En effet, le projet de loi ne traite que du cas des salariés britanniques déjà installés en France, mais le monde ne s'arrêtera pas de tourner le lendemain du 30 mars prochain ; des salariés britanniques continueront de venir s'installer en France, car des entreprises britanniques s'y implanteront forcément pour ne pas se couper de leur marché.

M. Didier Marie. - Autant on peut considérer qu'il faut permettre aux salariés installés en France d'y rester, autant je m'interroge sur la compatibilité d'une telle disposition avec le droit européen concernant des salariés qui viendraient après l'accord. Cela ne devrait-il pas relever plutôt d'un accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Vous avez raison, cela concernera les Britanniques s'installant partout sur le territoire européen, mais je défends l'attractivité économique de la France et je veux montrer que ces travailleurs sont bienvenus.

M. Didier Marie. - Je comprends l'objectif de la disposition et je le partage, mais est-ce compatible avec le droit européen ?

Notre groupe s'abstiendra donc sur cet amendement.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Le Parlement européen risque de devoir adopter une mesure similaire pour arrêter les conditions de travail des Britanniques qui s'installeront sur le sol européen.

Mme Fabienne Keller. - Le droit communautaire à ce sujet est une nébuleuse, et il est possible que le présent texte se télescope avec un texte européen adopté entretemps sur cette question.

M. Jean Bizet, président. - Certes, mais nous n'en sommes pour l'instant qu'au stade de l'habilitation.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - En outre, il y a urgence à traiter ce sujet, car il faut tenir compte de la réciprocité...

M. Jean Bizet, président. - ...et de l'harmonisation.

M. Didier Marie. - Le présent amendement est-il valable pour la période qui courra du 30 mars prochain à l'éventuelle signature d'un accord ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Absolument. Cela peut d'ailleurs prendre la forme d'un accord bilatéral entre la France et le Royaume-Uni ou d'une mesure d'harmonisation de l'Union européenne pour tout son territoire.

L'amendement n° COM-16 est adopté, le groupe Socialiste et républicain s'abstenant.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Mon amendement n°  COM-17 repose sur le même principe, mais traite de la reconnaissance des qualifications professionnelles. Cela s'applique avant et après le Brexit et est conditionné à la réciprocité.

L'amendement n° COM-17 est adopté, le groupe Socialiste et républicain s'abstenant.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Mon amendement n°  COM-18 applique le même principe à l'accès à la protection sociale.

M. Richard Yung. - Cela implique un accord avec la sécurité sociale.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Oui, ce sera d'ailleurs un peu compliqué, car se pose une question de compensation financière entre caisses, d'autant que le nombre de personnes et d'entreprises concernées risque de bouger, à cause des délocalisations possibles d'entreprises britanniques sur le territoire français.

M. Didier Marie. - Le groupe Socialiste et républicain s'abstient sur cet amendement, comme il l'a fait sur les deux précédents.

L'amendement n° COM-18 est adopté, le groupe Socialiste et républicain s'abstenant.

L'amendement rédactionnel n°  COM-20 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'alinéa 9 de l'article 1er est ce que j'appelle l'alinéa « balai » du projet de loi ; il permet au Gouvernement de « prendre toute autre mesure nécessaire au traitement de la situation des ressortissants britanniques résidant en France ou y exerçant une activité ainsi que des personnes morales établies au Royaume-Uni et exerçant une activité en France ». L'expression « toute autre mesure » n'admet donc aucune limite.

Dans un premier temps, j'ai envisagé de vous proposer la suppression pure et simple de cet alinéa, mais il faut reconnaître que les habilitations larges sont parfois nécessaires pour faire face à l'imprévu. Néanmoins, la rédaction actuelle va très loin ; je propose donc d'ajouter un garde-fou : il faut que cela soit fait pour « préserver les intérêts nationaux de la France en matière économique, financière, de défense et de sécurité ». Tel est l'objet de mon amendement n°  COM-11.

Le Gouvernement ne sera pas favorable à cet amendement, estimant que je vais trop loin. Pourtant, je lui rends service, car cela renforce la constitutionnalité de son texte.

M. Richard Yung. - Cette précision me semble inutile, il va de soi que le Gouvernement défend les intérêts de la France. Je m'abstiendrai sur cet amendement.

Mme Fabienne Keller. - Je propose de retirer l'adjectif « nationaux ». Ce sont les intérêts de la France qu'il faut défendre.

M. Jean Bizet, président. - C'est vrai que c'est un peu un pléonasme.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Nous pouvons peut retirer ce mot.

L'amendement n° COM-11, ainsi modifié, est adopté, le groupe La République en Marche s'abstenant.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'article 1er du projet de loi permet au Gouvernement d'accorder un traitement plus favorable aux ressortissants britanniques, sous réserve de réciprocité. Il renvoie à un décret pour fixer la date de cette réciprocité.

Sans remettre en cause l'exigence de réciprocité, mon amendement n°  COM-12 supprime le renvoi à un décret, qui doit être opéré directement dans les ordonnances, non dans la loi d'habilitation.

L'amendement n° COM-12 est adopté.

M. Jean Bizet, président. - L'amendement n°  COM-5 subordonne l'entrée en vigueur de l'article 1er au règlement de la question nord-irlandaise.

M. Jean Louis Masson. - Si la plus grande incertitude subsiste aujourd'hui au sujet des modalités du Brexit, c'est parce que, au sein de l'Union européenne, beaucoup de responsables font tout leur possible pour compliquer les négociations. En fait, ils souhaitent punir les Britanniques d'avoir décidé de sortir de l'Union européenne. Ils pensent en effet que, plus les Britanniques rencontreront des difficultés, plus nos concitoyens accepteront l'idée selon laquelle l'évolution vers une Europe fédérale serait la seule solution pertinente pour l'avenir.

Manifestement, ils ne sont pas de bonne foi lorsqu'ils prétendent négocier des conditions loyales et honnêtes de sortie, alors que, dans le même temps, ils exigent la création d'une frontière douanière à l'intérieur du Royaume-Uni, pour en disjoindre l'Irlande du Nord. Que dirions-nous si, demain, l'Europe demandait à la France de créer une frontière douanière à l'intérieur de notre territoire, par exemple en séparant l'Alsace-Lorraine du reste du territoire ?

Or ce projet de loi sur les ordonnances n'est théoriquement justifié que par l'urgence. C'est donc la conséquence directe du retard pris par les négociations du Brexit, lequel résulte lui-même des exigences volontairement extravagantes formulées par l'Union européenne.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Personne n'a jamais voulu rétablir de frontière entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande. La paix de 1998 a été obtenue très difficilement - je le rappelle, il y a tout de même eu entre quatre et cinq mille morts. D'ailleurs, on s'est empressé, sur place, de retirer toutes les matérialisations de la frontière ; aujourd'hui, il n'y a plus rien. D'où la difficulté du processus actuel.

Avis défavorable.

M. Jean Bizet, président. - Les choses demeurent très tendues en Ulster. Tous les soirs, à 18 heures, une douzaine de portes sont fermées pour séparer catholiques et protestants. Lors de la signature des accords de 1998, l'Union européenne, qui n'était pas formellement partie prenante, était très active dans l'ombre. Elle et le Royaume-Uni ont investi des sommes colossales sur cette question. Ce sujet est donc d'une grande difficulté.

L'amendement n° COM-5 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 2

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Je suis défavorable à l'amendement de suppression n°  COM-6 rectifié de M. Masson.

L'amendement n° COM-6 rectifié n'est pas adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Mon amendement n°  COM-13 comporte quelques ajustements rédactionnels et une précision : les mesures prises par ordonnances ont vocation à s'appliquer jusqu'à l'entrée en vigueur de traités ou d'accords bilatéraux bilatéraux entre la France et le Royaume-Uni.

L'amendement n° COM-13 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'amendement n°  COM-19 comporte les dispositions réciproques de celles que nous avons examinées précédemment : l'article 1er concerne les intérêts britanniques en France, l'article 2, les intérêts français au Royaume-Uni.

L'amendement n° COM-19 est adopté.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Au-delà de la bonne volonté affichée par tout le monde à l'égard des ressortissants d'un côté et de l'autre de la Manche, certaines difficultés peuvent se faire jour dans la mise en oeuvre. Des exemples concrets montrent que les bonnes paroles ne sont pas toujours suivies d'effet... Par conséquent, mon amendement n°  COM-27 tend à prévoir la constitution d'un comité de suivi constitué de parlementaires des deux pays. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'évoquer un tel comité avec des diplomates et des parlementaires britanniques, qui se sont montrés enthousiastes.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - J'y suis défavorable pour deux raisons : une raison de forme, la question des ressortissants britanniques figure à l'article 1er du texte, et une raison de fond : je suis totalement opposé à l'alinéa 2 de votre amendement. Que dirions-nous si un parlement étranger exigeait demain la constitution d'une commission incluant des parlementaires français ?

Pour ma part, je fais confiance au président du groupe de suivi du Sénat sur le Brexit pour s'assurer de la mise en oeuvre réciproque des mesures adoptées. Ce groupe de suivi a produit, pour l'instant, un excellent travail.

M. Jean Bizet, président. - Je vous le rappelle, le Royaume-Uni deviendra pour l'Union européenne un pays tiers, les Britanniques ne pourront plus avoir les mêmes droits.

M. Laurent Duplomb. - La composition de ce groupe de suivi peut-elle évoluer ? Peut-on en devenir membre ?

M. Jean Bizet, président. - Le groupe de suivi est composé de vingt membres, dix sont issus de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et dix sont issus de la commission des affaires européennes. Un nouveau membre ne peut y être admis que si l'un de ses membres la quitte, et il faut qu'il soit membre de l'une de ces deux commissions.

M. Laurent Duplomb. - La commission des affaires économiques n'y est pas représentée ?

M. Jean Bizet, président. - Les membres de la commission des affaires européennes ont une double appartenance.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Je m'attendais à cette réponse du rapporteur, mais on enverrait avec cette mesure un signal positif au Parlement britannique. S'il ne souhaite pas y donner de réponse favorable, dont acte, mais il me paraît opportun de le faire figurer dans le texte. Du reste, si cet amendement n'est pas adopté, on peut le faire au travers du groupe d'amitié.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Pour ma part, je ne veux pas réserver à deux « super-sénateurs » privilégiés le soin d'assurer ce suivi. Je suis un parlementaire à plein temps, ce sujet m'intéresse et je souhaite qu'il reste de la compétence du groupe de suivi.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Mais cela restera de sa compétence ! Simplement, ce groupe de suivi est interne au Parlement français. Là il s'agirait d'une coopération entre les Parlements des deux pays.

Mme Fabienne Keller. - Je comprends cette idée. Y a-t-il un comité chargé de suivre, à l'échelon européen, la question de la réciprocité des actions mises en oeuvre ?

M. Richard Yung. - Cet amendement aurait du sens si le Gouvernement était associé à cette coopération.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam. - Exact !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Par ailleurs, il faut cesser de multiplier les comités ! Leurs membres ne disposent ensuite pas du temps nécessaire pour y participer. Je l'ai moi-même expérimenté dans le cadre d'une commission d'enquête, dont la moitié des membres ne sont jamais venus !

M. Éric Bocquet. - Je soutiens cet amendement.

L'amendement n° COM-27 n'est pas adopté par 17 voix contre et 3 voix pour.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'amendement n°  COM-7 de M. Masson conditionne l'entrée en vigueur du présent article au règlement préalable de la question nord-irlandaise. Avis défavorable.

L'amendement n° COM-7 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 3

L'amendement n°  COM-8 n'est pas adopté.

L'amendement rédactionnel n°  COM-14 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Les ordonnances ont vocation à traiter une situation d'urgence. Néanmoins, elles doivent être temporaires, d'où mon amendement n°  COM-21. À nous d'être attentifs à la ratification des ordonnances.

L'amendement n° COM-21 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Mon amendement n°  COM-22 introduit une précision concernant les procédures simplifiées mises en oeuvre en vue du Brexit.

L'amendement n° COM-22 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Mon amendement n°  COM-23 est également un amendement de précision.

L'amendement n° COM-23 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Mon amendement n°  COM-25 rappelle le nécessaire respect des droits et libertés garantis par la Constitution et établit une exigence de proportionnalité des mesures qui seront prises par rapport aux finalités poursuivies.

L'amendement n° COM-25 est adopté.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'amendement n°  COM-9 de M. Masson vise, comme plusieurs amendements précédents, à faire du règlement de la question nord-irlandaise un préalable. Avis défavorable.

L'amendement n° COM-9 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 4

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Mon amendement n°  COM-15 tend à réduire les délais de ratification.

L'amendement n° COM-15 est adopté.

L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Intitulé du texte

L'amendement rédactionnel n°  COM-24 est adopté.

M. Jean Bizet, président. - Je vais mettre aux voix le texte de la commission.

M. Jean Louis Masson. - Je vote contre.

M. Éric Bocquet. - Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste réserve son avis. Il l'exprimera en séance.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

M. Jean Bizet, président. - En conclusion, je souhaite réagir aux propos d'Éric Bocquet, qui a indiqué ne pas être inquiet pour les Britanniques. Moi non plus... Vous l'avez dit, c'est un peuple pragmatique ; il n'a jamais été envahi et cela demeure très présent à leur esprit.

Sans doute, il y aura une période un peu creuse pour eux, mais ils sauront rebondir, dans le domaine financier et dans les autres. Bien qu'ils perdent l'accès au passeport financier, le siège de l'Autorité bancaire européenne et les chambres de compensation, ils ont une remarquable maîtrise de l'ingénierie financière. Ils créeront, si vous me passez l'expression, une sorte de « Singapour sur la Tamise ».

Le groupe de suivi sur le Brexit aura le choix entre deux attitudes : le défaitisme ou le sursaut ; nous n'opterons pas pour la première... Sa tâche majeure sera de convaincre le Gouvernement de changer d'attitude à cet égard. En effet, la présence à nos portes d'un pays plus agile, plus réactif et s'adonnant au dumping, sinon environnemental, du moins fiscal et social, incitera à l'émergence d'une Europe à plusieurs cercles.

Nous vivons une période de mutation. Les difficultés actuelles de l'Allemagne montrent que le partenariat franco-allemand ne pourra rester aussi fort. La commission des affaires européennes a réagi rapidement au Brexit en se rendant aux Pays-Bas, mais il nous faut un troisième partenaire.

Je sais que M. Duplomb a une voix suffisamment forte pour faire parvenir au groupe de suivi des messages, qui seront, je vous l'assure, entendus.

D'ici à l'examen en séance du texte, nous essaierons d'obtenir de Mme Loiseau davantage de précisions.

La réunion est close à 16 h 15.