Mercredi 31 octobre 2018

- Présidence de M. Alain Milon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 - Audition de M. Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM)

M. Alain Milon, président. - Je souhaite la bienvenue à M. Nicolas Revel, directeur général de la Cnam. Il est accompagné de Mme Véronika Levendof, responsable du département juridique.

Je vous rappelle que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat.

Le PLFSS pour 2019 prévoit un solde de l'assurance maladie déficitaire de 500 millions d'euros l'année prochaine. Il s'agit d'un résultat qui, il y a quelques années encore, pouvait sembler hors d'atteinte. Malgré des apports significatifs en recettes, les déficits semblaient se stabiliser entre 3 milliards d'euros et 4 milliards d'euros chaque année.

Cette fois encore, une des principales mesures en dépenses concerne les économies à réaliser par rapport au tendanciel sur l'Ondam. Cette mesure est complétée par toute une série de dispositions à caractère plus structurel, qui constituent les premières traductions législatives du plan Santé.

À quel horizon ces mesures pourront-elles porter leurs fruits, alors que nous arrivons au bout du modèle de régulation hospitalière qui a prévalu ces dernières années ? Nous partageons cette interrogation sur quasiment tous les bancs de notre assemblée.

Monsieur le directeur général, je vous laisse la parole pour un propos introductif avant de la passer à notre rapporteur, puis aux commissaires qui souhaiteront vous interroger.

M. Nicolas Revel, directeur général de la Cnam. - Merci, monsieur le président.

Je voudrais souligner deux éléments principaux concernant le volet assurance maladie de ce PLFSS. D'une part, comme vous venez de l'indiquer, cette année 2019 devrait marquer une étape supplémentaire mais très significative de notre capacité à équilibrer les comptes.

Comme vous l'avez rappelé, nous avons connu des déficits chroniques. Nous avons réussi, ces dernières années, à ramener le déficit qui, au pire de la crise de 2008, était de plus de 10 milliards d'euros s'agissant de la branche maladie, à un niveau de 4 milliards d'euros en 2017. En 2018, nous serons à 900 millions d'euros si l'on prend la dernière prévision des comptes de la sécurité sociale, bien que ce chiffre doive évoluer nécessairement. L'année prochaine, la construction s'établit à 500 millions d'euros.

Ces prévisions sont robustes, l'estimation initiale pour 2018 étant elle-même en dessous du milliard.

Ceci n'est évidemment possible que grâce à la conjonction de deux facteurs logiques, une activité économique qui entraîne une dynamique de nos ressources et de la masse salariale plus forte que les années précédentes, mais aussi un effort durable de maîtrise de la progression de l'Ondam dans une fourchette qui s'est stabilisée au fil des années entre 2 % et 2,5 %.

Cette fourchette me semble être celle de l'équilibre. Nous sommes capables de garantir un solde équilibré dès lors que la progression de la dépense se situe dans cet intervalle cohérent avec le taux de progression de nos recettes. Un équilibre revient, par définition, à rapprocher le taux de progression des dépenses et celui des recettes. Ce chiffre me paraît donc cohérent avec notre objectif de couvrir l'évolution des besoins de santé par ces dépenses supplémentaires, là où nous avons un tendanciel de dépenses d'assurance maladie plutôt orienté vers 4 % par an. Je suis convaincu qu'il est possible de couvrir les dépenses de santé en étant à 2 % ou 2,5 %.

Il y a en effet dans l'organisation du système de soins, dans les pratiques des différents acteurs, des marges d'efficience qui ne portent pas préjudice à l'accès aux soins ni à la qualité de ceux-ci. Au contraire, ceci peut nous permettre de modérer la progression de la dépense en respectant l'objectif d'équilibre financier.

C'est, je crois, la meilleure manière de résister à la tentation des déremboursements nourrie par les déficits chroniques. Nous sommes tous attachés à l'idée que notre modèle de sécurité sociale permette de garantir un très large accès aux soins, avec un taux de prise en charge de 78 % constant dans la durée et une couverture encore plus forte des pathologies chroniques et lourdes. Ce modèle est précieux. Pour le préserver dans la durée, nous devons tendre vers l'équilibre. Nous avons, je crois, depuis quelques années maintenant, à peu près stabilisé les conditions pour y parvenir.

Cela passe, vous l'avez dit, par des économies par rapport à une évolution spontanée qui recourt à des pratiques et à des organisations que nous devons améliorer. Le travail est engagé et doit se poursuivre grâce à deux leviers de régulation. Le premier levier est tarifaire et porte sur les produits de santé, les actes et les séjours. Il s'applique aux établissements sanitaires et médico-sociaux, mais aussi en ville, avec des évolutions très maîtrisées de la valeur des actes. Ce levier n'est pas sans inconvénient ni sans effet sur un certain nombre d'éléments...

Le second levier, que nous devons davantage actionner, doit agir sur une meilleure organisation des soins et des parcours, de meilleures pratiques professionnelles, en ayant toujours en ligne de mire le fait qu'agir pour la qualité, c'est éviter la surmédicalisation et les dépenses médicales inutiles, lutter contre la sous-médicalisation et promouvoir la prévention primaire, secondaire ou tertiaire, tout en veillant que les personnes au début d'un processus de pathologie chronique soient correctement prises en charge.

Nous devrons donc à atteindre un quantum d'économies de 3,8 milliards d'euros, un peu en dessous de l'effort de 2018 et même de 2017, mais cela reste évidemment un effort significatif, sur lequel nous remettons chaque année l'ouvrage sur le métier.

Ce PLFSS investit également dans l'accès aux soins, leur organisation, la prévention et l'innovation, grâce à des réformes très importantes comme celle du reste à charge zéro (RAC 0), des actes prothétiques dentaires, des équipements audio-prothétiques et optiques, qui ont beaucoup occupé la Cnam cette année, notamment à la faveur de négociations avec les chirurgiens-dentistes.

Ce RAC 0 traduira une amélioration très significative de l'accès aux soins. On sait en effet aujourd'hui ce que coûte un appareil auditif : en moyenne, une fois qu'on est remboursé par la sécurité sociale et par la complémentaire, on est entre 750 euros à 800 euros de reste à charge par oreille. Pour une couronne céramo-métallique, on est aujourd'hui en moyenne à 250 euros de reste à charge. Demain, il sera possible de réduire ces deux chiffres à zéro pour la moitié des appareils prothétiques et d'accéder à un très large panier s'agissant des couronnes et des actes prothétiques.

La réforme de l'aide à la complémentaire santé et, en termes d'accès aux soins, le financement des assistants médicaux seront l'objet d'une négociation en début d'année prochaine qui doit permettre d'apporter une réponse rapide, pragmatique et efficace à la question du temps médical et de l'accès à un médecin traitant généraliste ou à des consultations de spécialistes de premier ou de second recours.

Beaucoup de débats ont eu lieu sur le fait de savoir comment répondre à la question de la pénurie médicale, avec des scénarios de coercition en matière de conditions d'installation. Travailler sur le temps médical disponible des médecins qui exercent aujourd'hui en faisant en sorte qu'ils puissent soigner plus et mieux en investissant à leurs côtés pour qu'ils bénéficient d'une assistance médicale me paraît une réponse nouvelle dont l'impact peut être beaucoup plus rapide et fort que tout autre moyen.

Le deuxième élément concerne l'organisation des soins, avec la première traduction d'éléments contenus dans le plan Santé 2022, annoncée le 18 septembre dernier par le Président de la République, l'émergence des communautés professionnelles territoriales de santeì (CPTS), le fait de favoriser l'exercice coordonné et la gradation des soins - même si ce sujet trouve, je pense, un débouché plus évident dans le projet de loi sur la santé annoncé pour le prochain semestre.

Nous investissons par ailleurs dans la prévention en élargissant l'objet du fonds « tabac » et en affectant des ressources supplémentaires à la prise en charge à 100 % des examens du jeune enfant ou dans la prise en charge des enfants autistes.

Enfin, nous innovons avec un élargissement de l'article 51 voté dans la LFSS 2018, qui s'ajoute à ce jour aux succès que nous sommes en train d'enregistrer. Cet article a répondu à une véritable attente : les acteurs en ont compris le sens et en ont trouvé le chemin. Cet article doit donner de la souplesse et de la réactivité à la capacité des acteurs à modifier l'organisation des soins, avec des modèles économiques et tarifaires correspondants.

De premiers pas ont été accomplis sur ce qui pourrait constituer une évolution des modes de rémunération, non à titre expérimental mais de manière stable et générale, en matière de prise en charge de pathologies comme le diabète et l'insuffisance rénale chronique (IRC) concernant la partie hospitalière et le séjour hospitalier. Il s'agira d'aller plus loin dans les années à venir.

Ce PLFSS marque donc un retour à l'équilibre, ce qui me paraît constituer la meilleure garantie pour que nous puissions stabiliser, préserver et pérenniser un modèle de protection solidaire. Par ailleurs, ce PLFSS investit dans des éléments stratégiques et structurels clés, que j'ai rapidement balayés.

M. Alain Milon, président. - Merci. La parole est au rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Monsieur le directeur général, merci de ces précisions.

Nous saluons, tout comme vous, l'équilibre ainsi dégagé pour les prévisions budgétaires 2019. La question est évidemment de savoir comment y parvenir. J'aimerais obtenir des précisions sur un certain nombre de points. On a notamment constaté, en 2017 et 2018, un dérapage des soins de ville dans l'Ondam, moins maîtrisés que les soins hospitaliers. Comment entendez-vous pratiquer en 2019 ?

D'une façon plus générale, vous nous avez dit que l'effort demandé à l'Ondam serait globalement de 3,8 milliards d'euros pour 2019. Sur quels points allez-vous faire porter cet effort ?

Nous avons toujours dit qu'il existait des économies à réaliser, des soins inutiles, redondants. Comment entendez-vous le traduire dans les chiffres ?

Vous avez également évoqué le plan Santé. Mme la ministre a indiqué qu'il s'inscrivait dans le PLFSS pour un montant d'environ 500 millions d'euros sur les 3,4 milliards d'euros qui seraient engagés dans les trois à quatre ans à venir. Pourriez-vous nous détailler les éléments principaux sur lesquels vous allez agir ?

Autre point devenu récurrent, celui du dossier médical partagé (DMP), promis pour le mois de novembre. Vous l'aviez déjà annoncé, je crois, pour le mois de juillet de l'année dernière. Nous n'allons pas vous faire un procès à ce sujet, mais nous souhaiterions obtenir d'ultimes précisions sur sa mise en oeuvre.

S'agissant du RAC 0, qui représente, je crois, environ 700 millions d'euros à la charge de l'assurance maladie, certains assurés craignent de voir les cotisations de leur complémentaire augmenter. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, les établissements de santé et les établissements médico-sociaux gèrent l'Union pour la gestion des établissements de caisses d'assurance maladie (Ugecam), un groupement qui représente environ un milliard d'euros de recettes et qui compte 14 000 salariés.

La Cour des comptes demandait en 2017 de normaliser les conditions de financement des Ugecam, de mettre fin au concours dérogatoire de l'assurance maladie, d'organiser un retour rapide à l'équilibre financier, le déficit étant récurrent depuis plusieurs années, d'optimiser l'organisation du travail en renforçant le pilotage national ainsi que les mutualisations d'activités. Les recommandations de la Cour des comptes à ce sujet sont-elles aujourd'hui appliquées ? Ayant un tel établissement dans ma circonscription, je dois dire que cela me paraît nécessaire.

Mme Catherine Deroche, rapporteure pour l'assurance maladie. - Monsieur le directeur général, une réserve prudentielle va s'appliquer pour la première fois sur l'enveloppe des soins de ville. C'est une des préconisations de la Cour des comptes. Cela va-t-il hypothéquer le renforcement des moyens annoncés pour le déploiement des CPTS ou des assistants médicaux, sujets sur lesquels des négociations doivent s'ouvrir entre la Cnam et les professionnels de santé ? Quels seront les objectifs de ces négociations ?

S'agissant du RAC 0, sur quelles hypothèses ont été fondées les évaluations du coût de la réforme pour l'assurance maladie ?

Par ailleurs, les chirurgiens-dentistes, lorsque nous les avons reçus, nous ont dit que la négociation dentaire avait été conduite avant la réforme de l'Aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS). Pouvez-vous évaluer l'impact de la fusion entre l'ACS et la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) sur le dentaire ?

Yves Daudigny, Véronique Guillotin et moi-même avons rédigé un rapport sur l'accès précoce aux médicaments innovants. C'est à cette occasion qu'a été souligné le problème du référentiel des actes innovants hors nomenclature de biologie et d'anatomopathologie (RIHN) et des tests biologiques innovants et compagnons dans la prise en charge des traitements. On a l'impression que la procédure d'inscription de certains actes à la nomenclature traîne, ce qui peut pousser des établissements de santé à renoncer à y avoir recours pour des raisons de coût. Ceci va à l'encontre des objectifs de pertinence des soins et d'adaptation du traitement, selon les résultats des tests compagnons. Avez-vous prévu d'accélérer la procédure d'inscription à la nomenclature de certains actes ?

L'article 43 prévoit de nouvelles mesures en faveur du développement du générique. Les médecins devront désormais justifier la mention non substituable, et les patients s'acquitter de la différence de prix entre le princeps et le médicament générique le plus cher.

Ceci sera-t-il efficace selon vous ? Les médecins et les pharmaciens ne sont pas forcément hostiles au développement du générique, mais préféreraient une politique concertée de développement et un accord conventionnel : les médecins seraient chargés d'informer les patients et les pharmaciens géreraient la substitution, selon des objectifs fixés dans le cadre de cette convention. Cela vous paraît-il envisageable ?

Enfin, l'article 29 quinquies, introduit par le rapporteur général Olivier Véran à l'Assemblée Nationale, prévoit la mise en place d'un forfait de réorientation des patients qui sera versé aux services d'urgence par l'assurance maladie. Cette mesure, certes destinée à désengorger les urgences des hôpitaux, est totalement isolée des autres. Quelle est votre estimation de cette dépense supplémentaire à la charge de l'assurance maladie ?

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure pour la famille. - Je voudrais surtout traiter ici de l'accès aux soins. Je pense que nous avons aujourd'hui devant nous des perspectives tout à fait intéressantes dans le plan « santé 2022 ». J'ai personnellement travaillé sur l'accès aux soins avec deux collègues, dont l'un député. Nous avons pu mesurer la révolution à laquelle nous assistons aujourd'hui sur le terrain et pu observer des projets innovants dans les territoires les plus fragiles.

Je voudrais parler notamment de la télémédecine, qui est un sujet qui, en soi, peut être animé par l'assurance maladie dans le cadre de la formation ou de l'accompagnement. La télémédecine abolit les distances et peut constituer une réponse pour les territoires les plus isolés : cela permet, selon moi, d'optimiser les prises en charge, un certain nombre d'initiatives étant nées sur les territoires.

La télémédecine favorise également la formation continue permanente. Nous sommes allés, tout près de Paris, rencontrer des dermatologues qui travaillent quotidiennement avec des médecins généralistes sur les lésions cutanées. Ces derniers enrichissent ainsi leurs compétences par le biais de ce qu'on peut considérer comme de la formation continue. Cela renforce également les liens entre la ville et l'hôpital, entre le premier et le second recours, et c'est très important. Comment l'assurance maladie compte-t-elle participer à ce déploiement ?

Même s'il s'agit d'une expérimentation assez modeste, depuis que l'avenant numéro 6 a été signé, des initiatives naissent un peu partout sur les territoires. Comment pouvez-vous les accompagner, notamment sur le plan du financement ? Des équipements sont en effet nécessaires, et il faut se les approprier...

Il ne s'agit toutefois pas de se laisser abuser par des fournisseurs d'équipements qui proposent des prix bien trop élevés. Si la formation des professionnels est indispensable, celle des patients est également nécessaire. On entend souvent dire qu'on ne peut pas remplacer les médecins par des robots : or la télémédecine a besoin des professionnels pour accompagner ces dispositifs. Il faut donc valoriser financièrement les actes médicaux ou les actes de professionnels autres que médecins qui travaillent derrière ou à côté des écrans.

Pouvez-vous nous dire comment vous comptez accompagner ce déploiement et cette nouvelle forme de médecine ?

M. Gérard Dériot, rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP). - Monsieur le directeur général, la branche AT-MP est réellement équilibrée - trop, même ! On semble écarter toute nouvelle baisse du taux de cotisation AT-MP. Les recettes de la branche du régime général ont progressé en 2019 de 3,9 %, alors que ces dépenses n'augmenteront que de 1,7 %.

La perspective d'une contribution de la branche AT-MP au désendettement des autres branches est de plus en plus clairement assumée par le Gouvernement, à rebours de la logique assurantielle de notre système de protection contre les risques professionnels. Ne serait-il pas plus vertueux de mobiliser une partie de l'excédent de la branche AT-MP pour renforcer les actions de prévention, qui représentent moins de 3 % des dépenses de la branche ?

Par ailleurs, en 2019, pour la cinquième année consécutive, le transfert de la branche AT-MP à la branche maladie de la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnels sera maintenu à 1 milliard d'euros. Pourtant, la sinistralité baisse et de nombreux efforts de déclaration ont été réalisés. Ne pensez-vous pas que le maintien de ce transfert va finir par paraître assez artificiel ? Ceci ne risque-t-il pas d'envoyer un mauvais signal aux partenaires sociaux ?

Je rappelle que tout cela se décide normalement entre les différents partenaires sociaux. Or cela permet d'annoncer l'équilibre de la branche maladie. Le milliard transféré arrange bien les choses !

Enfin, le rapport de la députée Charlotte Lecocq plaide pour un guichet unique de la prévention, qui réunirait les services de santé au travail (SST) et les préventeurs de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat). Le transfert de l'activité de prévention de la branche à un opérateur privé régional unique me semble personnellement assez problématique, surtout dans les régions ou on court le risque de s'éloigner des bassins d'emploi. Quelle est votre position sur l'enjeu de la réorganisation des services de santé au travail ?

Voici les questions que je voulais vous poser, monsieur le directeur général. Ce n'est pas très nouveau : les mauvaises habitudes perdurent ! Nous souhaiterions que vous puissiez trouver une solution pour estimer un peu mieux les sous-déclarations, qui sont manifestement estimées « au doigt mouillé », je le répète.

Ainsi que je l'ai déjà dit l'année dernière, il me semble que votre organisme est extrêmement compétent. Pour établir des statistiques, il n'y en a pas de pareil ! Dans ce domaine, ce devrait être la même chose.

M. Nicolas Revel. - Monsieur le rapporteur général, vous avez tout à fait raison s'agissant de la question des sous-Ondam et du respect des enveloppes liées aux dépenses de ville : les chiffres parlent d'eux-mêmes. Nous observons depuis maintenant quelques années un dépassement de l'exécution de l'Ondam de ville par rapport au sous-Ondam voté dans le cadre du PLFSS, qui est compris entre 80 milliards d'euros et 90 milliards d'euros. Ce dépassement se situe aujourd'hui à un chiffre de 300 millions d'euros à 500 millions d'euros. Il conduit en effet - ce qui fait toujours réagir les fédérations hospitalières -, pour tenir l'Ondam, à procéder à l'annulation d'un certain nombre de crédits mis en réserve en début d'exercice et délégués dans le respect de l'Ondam voté. Pour faire simple, on pourrait dire que l'hôpital paye pour la ville.

La question est de savoir comment travailler à une régulation infra-annuelle de la dépense de ville. Cette question est légitime. Il me paraît tout d'abord important de rappeler un premier élément : ces notions d'Ondam de ville et d'Ondam hospitalier sont des notions quelque peu « piégeuses ». Vous devez savoir que ce qu'on appelle l'Ondam de ville, c'est-à-dire les dépenses qui s'imputent sur le sous-Ondam de ville englobent tout ce qui est consultation médicales des médecins de ville, médicaments dispensés par les officines de ville, mais intègrent aussi tout le poste consacré aux transports sanitaires, dont les deux tiers sont prescrits par les établissements, à hauteur de 4,6 milliards d'euros, avec une dynamique de 4,5 % à 5 %.

L'Ondam de ville prend par ailleurs en compte tous les médicaments en rétrocession hospitalière prescrits par un médecin hospitalier et délivrés par une pharmacie hospitalière à un patient qui n'est plus hospitalisé. Tous les traitements du VHC, l'hépatite C, ainsi que beaucoup de produits anticancéreux sont aujourd'hui en rétrocession hospitalière. Celle-ci, par une norme comptable, est intégralement imputée à l'Ondam de ville, le patient n'étant plus hospitalisé.

Lorsqu'un chirurgien opère dans un établissement privé, à but lucratif ou non, il y a facturation par l'établissement d'un séjour, mais la rémunération dudit chirurgien relève de l'Ondam de ville. 20 % des indemnités journalières sont prescrites par des médecins hospitaliers. Il faut donc être nuancé.

Deuxième élément : la régulation des dotations versées aux établissements - ce qui constitue toujours une mauvaise nouvelle pour eux - ne porte pas atteinte aux rémunérations des professionnels de santé qui exercent dans ces établissements.

S'il s'agit de réfléchir à des dispositifs de régulation infra-annuelle équivalents pour les professionnels de ville, il faut que la notion de sous-Ondam soit clarifiée, mais il faut probablement aussi s'interroger sur la valeur relative des sous-Ondam entre eux, ceux-ci comportant un léger différentiel. Il est aujourd'hui sans conséquence, faute de dispositif réel de responsabilisation des sous-enveloppes. S'il devait y en avoir un, je pense que le positionnement du taux d'évolution des deux sous-ensembles serait beaucoup plus analysé.

Il ne faut pas perdre de vue qu'une régulation infra-annuelle des professionnels, de ville consisterait à leur verser ou non des éléments de rémunération, ce qui peut tout à fait être envisagé en théorie, à la condition que ceux dont nous réserverions une part des rémunérations soient bien à l'origine du dépassement. Il faut toujours veiller à ce que les choses soient justes et lisibles.

La réponse apportée par le PLFSS est un peu différente. Elle consiste à introduire une réserve prudentielle, terme un peu mystérieux : après avoir observé qu'il existait toujours, ces dernières années, quelques centaines de millions de dépassement en exécution de l'Ondam de ville du fait de toute une série de facteurs, y compris ceux liés à l'activité hospitalière, on a fait en sorte, dans la construction même de l'Ondam et de l'Ondam de ville, de prévoir une réserve qui n'obéisse pas à une logique de régulation, déléguée ou non, mais à une logique de remboursement de soins.

Ceci nous oblige à dégager des économies permettant de supporter, le cas échéant, un dépassement intégré dans la construction ab initio, qui doit donc viser, demain, un dépassement moindre, voire nul.

Cela suppose de réaliser des économies. Vous m'avez demandé de décrire l'ensemble des actions permettant d'atteindre ce quantum d'économies, de modération de la progression de la dépense à hauteur de 3,8 milliards d'euros. Vous êtes habitués à l'annexe du PLFSS : vous avez donc observé qu'il existe une grande stabilité dans les différents leviers d'action, dont certains portent sur des économies touchant à la sphère des établissements, tenant autant à l'optimisation des achats qu'à une action sur les volumes de séjour, la modération de la dépense hospitalière devant amorcer plus rapidement le virage ambulatoire, tout en évitant des hospitalisations et des réhospitalisations inutiles. On enregistre depuis deux ans un ralentissement de l'activité hospitalière - réel en 2017 et qui se poursuit de manière plus modérée en 2018.

Cela peut constituer un élément de tension sur les finances, les financements et les ressources des établissements mais c'est, sur le moyen terme, cohérent avec toute la stratégie que nous voulons déployer pour faire en sorte de mieux organiser les soins, éviter les passages aux urgences et les hospitalisations lorsqu'on le peut, et pouvoir mieux prendre en charge les patients chroniques à domicile.

Il existe par ailleurs toute une série de pratiques qui relèvent davantage de l'intervention de la Cnam. Elles portent sur des actions conjuguées sur les tarifs et sur la pertinence des prescriptions, des actes, des transports. Il me faudrait pouvoir entrer dans chaque sujet pour vous apporter un éclairage : il s'agit en effet à chaque fois de dizaines de programmes et d'actions différentes, que ce soit en termes de transports, d'imagerie, de médicaments génériques, d'infirmiers, de kinésithérapeutes, de biologie, etc.

Nous suivons nos actions. La question est donc de savoir si nous réalisons les économies prévues. Pour tout ce qui est tarifaire, c'est assez facile : nous observons la façon dont nous avons réussi à modérer l'évolution du poste par rapport au tendanciel - actes infirmiers, imagerie.

En 2017, nous avons atteint nos objectifs. Cela n'avait pas été le cas en 2016 : nous étions alors un peu en dessous. Il est trop tôt pour le dire à propos de 2018. Nous ne sommes pas aujourd'hui à 100 % de nos prévisions, mais nous progressons, la fin d'année apportant un redressement de nos résultats.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Travaillez-vous sur les objectifs et les propositions de la Haute Autorité de santé (HAS) relatives à la pertinence des actes ?

M. Nicolas Revel. - Nous avons engagé avec la HAS un travail qui s'inscrit dans le cadre d'un des chantiers de la stratégie de transformation du système de santé. Le Premier ministre, en février dernier, a en effet lancé cinq grands chantiers de transformation. L'un d'eux porte sur la qualité et la pertinence des soins. Le copilotage a été confié à Dominique Le Guludec, présidente de la HAS, Olivier Lyon-Caen, médecin-conseil national de l'assurance maladie et Alain-Michel Ceretti, président de France assos santé. Ce travail a consisté, entre février et septembre, à se pencher sur divers sujets, comme les indicateurs de parcours ou la prise en compte du retour patients.

Enfin, l'assurance maladie a mené une réflexion sur les conseils nationaux professionnels (CNP), qui représentent, par spécialité médicale, les sociétés savantes et les syndicats professionnels, aussi bien en ville qu'à l'hôpital. Il s'agit de lieux de travail scientifiques, médicaux, où les interlocuteurs sont prêts à s'engager dans la formalisation de recommandations de pertinence, de bonnes pratiques et de bonne organisation des soins

Nous avons agi en lien étroit avec la HAS et nous allons poursuivre dans cette configuration pour que les conseils nationaux professionnels produisent et diffusent plus rapidement des éléments de bonne pratique à l'ensemble des soignants. Nous l'avons déjà réalisé pour deux pathologies, l'insuffisance cardiaque et l'ostéoporose. Nous continuons avec l'épilepsie et la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO).

La HAS aura ensuite à les valider, à les retravailler ou à les écarter, car elle doit être dans son rôle et juger la qualité in fine. Cela nous permet d'aller plus vite et d'être dans un dispositif où les médecins sont partie prenante de la démarche et s'engagent dans la diffusion, auprès de leurs confrères, d'un matériau qu'ils auront largement contribué à définir eux-mêmes.

Cela fonctionne. J'ai ainsi signé avec les radiologues, en avril dernier, un protocole devant aboutir à des économies - ce qui n'est pas le but premier des CNP - qui insiste plus sur la pertinence que sur l'aspect tarifaire. Auparavant, nous avions avec les radiologues des protocoles strictement tarifaires. On convenait, dans un rapport de force un peu dur, de programmer des baisses de tarifs. On se dit à présent qu'il y a des économies à réaliser sur des actes inutiles. Ils en conviennent et sont prêts à s'engager vis-à-vis des prescripteurs, notamment en matière de lombalgie ou d'imagerie du rachis, pour leur expliquer qu'il ne sert à rien de réaliser des images trop tôt. On a donc convenu d'économies qui amènent les radiologues à déployer, sur le plan local, des actions de sensibilisation de leurs confrères, qui se traduisent déjà dans nos chiffres par une modération de l'évolution du poste. Cela fonctionne.

S'agissant du plan Santé, la ministre vous a indiqué que celui-ci s'élèverait à 500 millions d'euros en 2019. Il s'agit d'investissements favorisant la transformation, qui comprend trois objectifs principaux.

Le premier concerne l'investissement hospitalier. Ainsi que vous l'avez compris, cette stratégie comporte une orientation très forte en faveur d'une gradation des soins plus affirmée et mieux assumée dans les différents niveaux d'offres de proximité spécialisées et très spécialisées, qui doivent mailler l'organisation des soins hospitaliers dans les territoires.

Le deuxième objectif en matière d'investissements touche à la structuration des soins de ville - assistants médicaux, CPTS, exercices coordonnés.

Le troisième objectif a trait à la coordination ville-hôpital par le déploiement d'outils numériques, le dossier médical partagé étant l'un d'eux, mais non le seul.

Le chiffrage des différents budgets affectés à ces trois sous-ensembles n'est pas achevé. Pour les CPTS et les assistants médicaux, cela renvoie à une négociation. Il n'existe donc pas, par définition, de chiffres connus à ce jour.

Concernant le DMP, je reconnais avoir peut-être été légèrement optimiste. Je m'étais fixé une borne à la fin du premier semestre 2018. Nous avons reporté le lancement à novembre. C'est mardi prochain que la ministre lancera la campagne officielle en direction des patients pour les inviter à créer leur DMP. Il s'agit d'un élément extrêmement important pour les patients en termes d'accès à l'information qui les concerne, mais aussi d'un instrument de bonne prise en charge et de bonne coordination entre professionnels.

Vous savez que l'assurance maladie a repris la responsabilité du DMP grâce à la loi de 2016. Après douze années, le bilan s'élevait à 500 000 DMP ouverts pour toute la population résidant en France. La moitié était vide. Nous avons cherché à comprendre pourquoi et à relancer le DMP avec de meilleures chances de succès.

Le premier axe est de faire en sorte qu'il soit plus simple qu'auparavant d'ouvrir un DMP. Initialement, seul un médecin, grâce à sa carte professionnelle de santé (CPS), pouvait créer le DMP, en présence du patient muni de sa carte Vitale. Il est donc normal qu'il y en ait eu si peu, les médecins ayant autre chose à faire, a fortiori compte tenu de la tension qui s'exerce sur la ressource médicale.

Nous avons investi pour rendre possibles des ouvertures de DMP par les assurés eux-mêmes grâce à d'autres voies et, en premier lieu, par le biais d'un site Internet, après que l'intéressé ait reçu ses éléments d'identification spécifiques en toute sécurité.

Nous avons également rendu possible le fait de pouvoir créer son DMP dans les accueils de caisses primaires, où nous comptons chaque année plus de 30 millions de passages.

En outre, nous avons ouvert à des professionnels de santé autres que les médecins la possibilité de créer des DMP. Nous avons passé une convention avec les pharmaciens à cette fin. Ils seront rémunérés un euro par DMP ouvert. Les pharmaciens ont déjà ouvert des dizaines de millions de dossiers pharmaceutiques. Nous avons donc engagé un partenariat avec eux. Je souhaite le faire aussi avec les infirmières et infirmiers libéraux.

Nous rodons la montée en charge de ces différents canaux. Nous sommes très loin d'avoir atteint leur pleine puissance. Les ouvertures par Internet ne se font pas encore, car nous n'avons pas encore envoyé les identifiants aux patients par e-mail. Les pharmaciens sont quant à eux en train de s'équiper. 8 000 d'entre eux seront en capacité de les créer la semaine prochaine. 1 000 pharmacies supplémentaires s'équipent chaque semaine. Le rythme de déploiement et d'équipement est assez important.

La semaine dernière, nous avons créé 82 000 DMP, contre 500 000 en douze ans. Je ne crois pas me tromper en disant que ce nombre hebdomadaire va fortement augmenter dès que nous allons monter en charge et mener une campagne nationale, à partir de la semaine prochaine.

Je pense que nous pouvons réussir, ce qui est le évidemment la condition sine qua non et première, à convaincre beaucoup d'assurés et de patients d'ouvrir leur DMP. Je me suis fixé l'objectif ambitieux de 40 millions de DMP en cinq ans. Le DMP doit viser cette ambition.

Deuxième condition sine qua non : que ces DMP disposent d'informations, sans quoi nous ne serons jamais à 40 millions de DMP, les gens voyant que cela ne sert à rien.

Pourquoi certains DMP étaient-ils vides ? Auparavant, il fallait qu'un médecin, un professionnel de santé ou un établissement, de manière proactive, y fasse figurer une information. Nous amenons un élément radicalement nouveau : nous injectons pour le régime général, ainsi que pour les assurés de tous les régimes, deux années de remboursement de soins dès la création du DMP : médicaments, praticiens, séjours hospitaliers, examens de laboratoire...

C'est un premier élément, mais il est insuffisant. Il faut pouvoir compléter par des comptes rendus d'hospitalisation, des prescriptions, des comptes rendus d'analyses, etc. Ce travail se poursuit. Environ 600 établissements de santé alimentent les DMP par les comptes rendus d'hospitalisation. Nous continuons à travailler pour monter en charge. Nous sommes également en relation avec les biologistes à cette fin.

Le RAC 0 entraînera-t-il un impact sur les primes des complémentaires santé ? Il est important de rappeler que les primes des complémentaires augmentent chaque année, ce qui est normal, l'augmentation des remboursements augmentant avec la consommation de soins. L'assurance maladie fait face, sans augmenter les taux de cotisation, grâce à la dynamique de la masse salariale, qui constitue l'assiette de nos cotisations. Les contrats des complémentaires ne procèdent pas de la même mécanique. Comme tout contrat d'assurance, ceux-ci sont en effet indexés en euros.

Je ne suis pas en train de justifier les augmentations des complémentaires au cours des dernières années. Ce n'est pas mon rôle et je n'ai pas d'avis particulier sur le sujet. Je dis simplement que, mécaniquement, les contrats des complémentaires obligent à un certain ajustement des ressources au regard de l'évolution des dépenses.

Nous avons étroitement travaillé à ce sujet avec les trois familles de complémentaires pour veiller à un équilibre macrofinancier de la réforme. Il existe des postes dentaires ou d'audioprothèses pour lesquels la dépense est plus importante. Pour le poste relatif à l'optique, la pente naturelle, avant même la réforme, est baissière. En outre, la réforme présente des éléments devant conduire à des économies supplémentaires pour les complémentaires en matière d'optique, compte tenu de la dynamique et de l'évolution des contrats.

Globalement, année après année, nous sommes dans une logique de relatif équilibre. Selon certaines études, il peut exister un impact sur de petits contrats si l'on veut assurer leur équilibre économique. L'argument est imparable mais, aujourd'hui, tous les opérateurs savent qu'ils gagnent sur certains contrats et perdent sur d'autres.

Les opérateurs devront donc implicitement continuer à raisonner en mutualisant leurs différents risques. Il serait donc anormal que l'on connaisse un ajustement total sur le coût des petits contrats : ce ne serait pas le reflet de l'impact économique global de la réforme sur les opérateurs que sont les entreprises et les organismes complémentaires, qui ne doivent pas raisonner uniquement contrat par contrat. Nous serons évidemment attentifs au fait que la nature de ce compromis soit respectée lorsque les entreprises prendront leur décision le moment venu.

Les Ugecam sont un groupe adossé à l'assurance maladie qui gère 240 établissements, 14 000 collaborateurs, un milliard de produits liés à notre activité. On y trouve beaucoup de soins de suite et de réadaptation (SSR), et de médico-social pour l'essentiel.

Un rapport de la Cour des comptes souligne un certain nombre de points fort justes. Nous sommes, vous l'avez dit, sur un milliard de ressources. Le déficit d'exploitation est compris entre 10 millions d'euros et 15 millions d'euros. C'est pour moi un sujet de préoccupation qui tient beaucoup aux établissements sanitaires SSR. Eux-mêmes ont connu une certaine évolution de leurs ressources, même s'il ne s'agit pas uniquement des SSR des Ugecam. On a en effet assisté à une évolution assez sévère des dotations annuelles de financement (DAF), dont nous subissons les effets en tant que gestionnaires d'établissements

Nous avons pour projet de ramener ces déficits d'exploitation à zéro. Beaucoup d'actions sont déployées dans les établissements pour y parvenir, notamment dans les établissements déficitaires. Nous sommes également en train de résorber les financements dérogatoires dans le cadre de la prochaine convention d'objectifs et de gestion (COG). Il n'existera donc plus de financement dérogatoire. Ceux-ci représentaient quelques millions par an. Ils finançaient l'intéressement des collaborateurs.

Enfin, ce retour à l'équilibre nécessite un travail sur la mutualisation. Celle-ci est engagée. Nous mutualisation en ce moment la paye, le support informatique. Nous sommes parfois amenés à retravailler sur les conditions d'encadrement du temps de travail, certains accords locaux méritant d'être revisités. Nous serons, je l'espère, à l'équilibre les prochaines années.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général. - Ce n'est pas la qualité des établissements qui est ici en cause. La Cour des comptes - je ne partage pas cette conclusion - estimait qu'il fallait mettre un terme à l'expansion de l'offre de soins et revenir à une gestion de droit commun. Ces établissements permettent notamment de mailler le territoire.

Nous pensons tous ici bien trop à la proximité, notamment en matière de soins de suite, pour nous plaindre de l'investissement de l'assurance maladie, mais il convient cependant que l'organisation soit encore plus efficace et maille encore un peu mieux le territoire.

M. Nicolas Revel. - La Cour des comptes nous dit de ne pas créer plus d'établissements, considérant que nous sommes déficitaires. En réalité, nous n'avons pas de politique d'expansion. En revanche, il nous arrive de répondre à des sollicitations, notamment dans le champ médico-social.

Il peut arriver, parce que nous sommes un acteur présent dans les territoires lorsqu'il s'agit de reprendre un établissement, que les ARS nous demandent d'agir. C'est un des points sur lesquels j'ai fait savoir à la Cour des comptes que je ne comprenais pas sa conclusion.

Vous m'avez interrogé sur les hypothèses qui ont fondé nos estimations de coûts s'agissant du RAC 0. Celles-ci intègrent une certaine augmentation du volume. Je vous communiquerai des éléments à l'issue de notre réunion.

Par ailleurs, un amendement du Gouvernement, voté en première lecture à l'Assemblée nationale, invite l'assurance maladie et les partenaires conventionnels à ouvrir une négociation dans le mois qui suit la promulgation de la LFSS, fin janvier, concernant deux objets.

Le premier objet concerne l'exercice coordonné, le financement et la constitution des CPTS, dont le président de la République souhaite qu'elles maillent le territoire à hauteur d'environ un millier d'ici 2022.

Au-delà des CPTS, il faut convenir que l'exercice coordonné se joue aussi entre les professionnels sur des échelles plus proches, à deux niveaux. Le premier niveau concerne, sur un échelon territorial assez large, l'organisation de soins non programmés, la mise en oeuvre de structures capables de gérer des parcours complexes, notamment sous l'angle ville-hôpital. Le deuxième niveau consiste à aider les professionnels à mieux s'organiser pour prendre le patient en charge. Ils le font au quotidien, mais il faut leur donner des outils supplémentaires pour le faire mieux. Cette négociation sera pluri-professionnelle. C'est le premier bloc.

Le deuxième objet concerne les médecins : il s'agira de déployer des assistants médicaux et de répondre à toute une série de questions, comme le fait de savoir quel médecin sera éligible au financement d'un assistant médical, quelles seront les conditions pour en bénéficier. Il est clairement indiqué qu'il faut favoriser l'exercice regroupé, coordonné et obtenir des contreparties : si on finance des assistants médicaux, c'est pour améliorer l'accès aux soins. On va donc probablement demander à un médecin généraliste d'augmenter le nombre de ses patients, l'assistant médical lui permettant de travailler mieux et davantage.

J'entends vos réactions : les assistants médicaux sont une idée portée à la fois par l'assurance maladie et le ministère de la santé, mais aussi par beaucoup de professionnels eux-mêmes, en Allemagne et dans d'autres pays européens, mais aussi en France, où certains généralistes ont investi dans cette organisation. Ils sont capables de rendre compte de l'impact de cette organisation en lien avec un profil soignant - sans que ce soit pour autant une infirmière.

Les médecins peuvent ainsi se recentrer sur leur coeur de métier, débarrassés d'une série de tâches qui ne constituent pas le coeur de leur expertise. Les assistants médicaux n'ont pas l'air malheureux non plus. L'impact sur l'activité du cabinet se révèle très significatif en nombre de consultations, avec davantage de patients suivis et un impact réel sur la qualité de vie des soignants et des médecins.

Ce modèle de l'assistance médicale, qu'on découvre en France, que certains font déjà fonctionner, permet une offre de soins primaires qui répond beaucoup mieux à la demande, les médecins pouvant suivre davantage de patients.

L'objectif est de faire en sorte qu'un patient qui perd son médecin généraliste qui part à la retraite puisse plus facilement en retrouver un autre parce qu'on donne les moyens à son remplaçant de suivre davantage de patients que son prédécesseur ne le faisait jusqu'alors. C'est un objectif qui répond à un modèle d'organisation qui a fonctionné et qui fonctionne autour de nous, même en France.

S'agissant de l'impact de la réforme de l'aide à la complémentaire santé, nous avons, grâce à la nouvelle convention qui s'est appuyée sur le règlement arbitral précédent, réalisé depuis maintenant un an la jonction entre les assurés à l'ACS et à la CMU-C, désormais éligibles au même panier de soins et aux mêmes tarifs.

L'impact de cette réforme va en réalité consister - et c'est l'objectif - à faire en sorte qu'il existe plus d'assurés dans ce nouveau dispositif de la CMU-C. La convention prévoit qu'en cas d'augmentation du nombre d'assurés à la CMU-C ou à l'ACS de plus de 10 % ou 12 %, une clause de revoyure des tarifs du panier CMU-C sera automatiquement prévue.

Quant au RIHN, vous avez raison de dire qu'il faut que l'on accélère l'inscription dans le droit commun tarifaire. Le coût des actes innovants qui ne sont pas pris en charge pèse sur ses enveloppes. Les établissements demandent légitimement que nous accélérions l'inscription et le remboursement de ces actes.

Pour ce faire, il faut les évaluer. Nous avons donc travaillé avec la HAS à un calendrier afin qu'elle puisse se donner les moyens d'évaluer par paquets successifs, au cours des trois prochaines années, des actes de biologie ayant vocation, dans le droit commun, à être inscrits et remboursés.

L'article 43 sur les génériques part du constat qu'en France, malgré tous les efforts qui ont été déployés au cours des dernières années, nous avons une part en volume des médicaments génériques très significativement en dessous de ce qu'on voit autour de nous : nous sommes quasiment dans un rapport du simple au double. Cela tient au fait qu'on dénombre beaucoup de prescriptions hors répertoire. Par ailleurs, le pourcentage de prescriptions mentionnant le caractère non substituable de celle-ci a quadruplé en cinq ans. Nous étions à 2 % en 2012. Nous sommes aujourd'hui à 8 %.

Je ne crois pas que cette évolution se fonde strictement sur des raisons médicales. Je le dis comme je le pense. Il faut, à un moment donné, trouver des moyens de responsabiliser les patients, les prescripteurs et les pharmaciens. C'est ce à quoi vise cette disposition.

Vous m'avez interrogé sur la question de savoir s'il pourrait être intéressant de procéder par la voie d'un accord pluri-professionnel entre médecins et pharmaciens. Une des missions de l'assurance maladie est de négocier des accords conventionnels. Je suis par principe intéressé lorsque des professions souhaitent faire évoluer par voie conventionnelle des pratiques en vue d'une plus grande efficience, mais on a essayé beaucoup de choses jusqu'à présent.

J'y suis prêt si le contenu de ce chantier conventionnel peut nous permettre d'espérer des évolutions de pratiques. Proposer un texte conventionnel pétri de bonnes intentions pour prescrire demain moins de mentions « NS » sans aucun mécanisme permettant d'y parvenir serait se payer de mots. Je dialogue sur la question avec les professionnels : pourquoi ne pas ouvrir un chantier pour montrer qu'on est capable d'améliorer la part du générique par d'autres leviers que ceux prévus par la loi, pour autant qu'ils soient prêts à s'engager dans des évolutions qui permettent de sanctionner positivement et négativement certaines prescriptions ?

Aujourd'hui, certains médecins font figurer la mention « NS » sur 20 % de leurs prescriptions. 8 % serait encore trop. Cela n'a ni sens ni fondement. Si les acteurs sont prêts à s'engager dans des dispositifs un peu plus efficaces que de simples intentions, cela peut être intéressant.

Le forfait « réorientation urgences » constituera une expérimentation qui part de l'idée selon laquelle on enregistre trop de passages aux urgences. C'est le cas en France comme dans beaucoup de pays autour de nous. Le nombre ne cesse d'augmenter sans le moindre motif.

Comment faire pour que les établissements, alors qu'ils facturent ces actes, soient incités à renvoyer ces patients vers la ville ? C'est le sens de l'amendement proposé à l'Assemblée nationale par le rapporteur général. Il pose évidemment des questions mais il a été réécrit pour s'inscrire dans un cadre expérimental. Je pense qu'il faut considérer les choses sous cet angle et étudier ce que cette expérimentation peut donner.

S'agissant de la télémédecine, nous avons signé en juin dernier un avenant important à la convention médicale, qui va permettre de passer d'une télémédecine expérimentale trop compliquée pour les acteurs, et qui n'a jamais décollé en France, à des actes remboursés comme n'importe quel acte. La télé-expertise, qui n'est pas encore entrée en vigueur, sera mise en oeuvre en début d'année.

Ainsi que vous l'avez dit, la téléconsultation rend service à un patient auquel on évite un déplacement. La télémédecine ne crée pas de temps médical supplémentaire. En revanche, elle rend service dans des situations très concrètes : je pense à un patient à domicile, avec une pathologie lourde. Son infirmière considère que l'évolution de la situation du patient justifie que le médecin le voie. Celui-ci ne peut passer dans la journée : elle peut déclencher une téléconsultation avec le généraliste.

Vous êtes suivi par un spécialiste éloigné, en ville ou à l'hôpital. Vous avez vocation à aller le voir régulièrement mais, de temps en temps, vous pouvez procéder par téléconsultation, ce qui évite un déplacement qui peut être assez long.

Nous avons souhaité que la téléconsultation respecte un certain nombre de principes de bonne organisation des soins. Nous voulons notamment que le patient et le médecin se connaissent, se soient vus en consultation au cours des douze derniers mois pour que la téléconsultation s'intercale dans une relation de soignant à patient qui demeure fondée sur le principe même de la médecine, qui est d'avoir une consultation présentielle, sans qu'on bascule purement et simplement, parce qu'on éprouve une difficulté à trouver des soignants, dans une consommation de soins par télémédecine, avec des plateformes commerciales qui, aujourd'hui, font croire qu'elles sont remboursées par l'assurance maladie, alors que ce n'est pas le cas. Ce modèle de médecine n'est pas celui que nous voulons favoriser.

La télé-expertise permettra, à compter de l'année prochaine, de gagner du temps médical. On aura ainsi une accélération de la réponse médicale.

Enfin, nous voulons étendre ce dispositif à d'autres professionnels que les médecins. Nous négocions en ce moment avec les pharmaciens et les infirmières la possibilité de les rémunérer pour assister le patient pendant une téléconsultation, certains en ayant besoin.

On pourra faire de la téléconsultation depuis chez soi, sous certaines conditions. C'est au médecin d'en décider mais, bien souvent, il sera utile d'avoir des objets connectés pour obtenir des éléments de diagnostic plus complets que le son et l'image. Cela signifie qu'il faudra accompagner les officines qui veulent s'équiper, ainsi que les infirmières et les infirmiers qui devront avoir avec eux, dans le cadre de leur visite, un kit d'équipement minimal leur permettant d'enrichir le contenu de la téléconsultation.

Les AT-MP sont en effet une branche excédentaire. Cela conduit en effet, dans le cadre de la COG signée avec l'État pour cinq ans, à une augmentation très forte des crédits dédiés à la prévention, notamment des budgets d'aide simplifiée aux entreprises. Nous allons vers un doublement de ce budget à l'échéance de la COG.

Deuxième élément : vous mettez en doute les travaux d'évaluation de la sous-déclaration, qui ne sont pas établis par l'assurance maladie - on pourrait nous suspecter d'être juges et parties, ce qui ne serait pas le cas d'ailleurs puisque nous gérons les deux branches et que nous y sommes attentifs. C'est un conseiller maître à la Cour des comptes qui réalise ce travail et qui a avancé le chiffre d'un milliard d'euros.

On a en effet de moins en moins de sous-déclarations des accidents du travail, même s'il y en a encore. Je ne dirais pas la même chose des maladies professionnelles. Nous voyons augmenter le nombre d'arrêts de travail payés par la branche maladie pour des motifs liés à l'exercice professionnel des salariés. C'est devenu un phénomène prégnant, que ce soit pour des lombalgies, des troubles musculosquelettiques ou pour des motifs liés au stress professionnel, au burn out et à différents motifs médicaux de cette nature.

Je souhaite enfin dire un mot du rapport sur la santé au travail. C'est en effet un rapport qui a pour mérite - et c'était l'objet de la saisine - de poser la question de l'efficacité de la santé au travail en France, qui est un vrai sujet, avec un éparpillement des acteurs, une certaine insatisfaction générale quant au fonctionnement de ces services. La proposition consiste à proposer, à l'échelle régionale, un opérateur unique en charge de la santé au travail, mais également de la prévention sous toutes ses formes, y compris celles relevant de la branche risques professionnels. L'idée est de transférer à cet opérateur les ressources, les missions, les compétences et les effectifs des agents de prévention de la branche.

C'est un choix que je ne partage pas. En effet, en 1946, quand la loi a créé la branche consacrée aux risques professionnels, elle a considéré que, comme pour toute branche de la sécurité sociale, son rôle n'était pas uniquement de payer mais aussi d'agir sur la réduction du risque. Aujourd'hui, l'évolution de la sinistralité des accidents du travail est réelle. Elle tient à l'efficacité du modèle de la branche relative aux risques professionnels, qui jouit d'une capacité d'action dans les entreprises où les situations sont les plus risquées et les plus difficiles.

La branche intervient chaque année dans environ 3 % à 4 % d'entreprises. Nous nous constatons un problème de sinistralité. Nous intervenons avec une mission de conseil, mais aussi en utilisant des leviers juridiques et réglementaires. Lorsque nous constatons un manquement en termes de sécurité dans une entreprise, nous avons le pouvoir d'enjoindre à l'entreprise d'agir. Lorsqu'une entreprise veut agir et que nous pouvons l'accompagner financièrement, nous disposons de budgets de prévention pour ce faire.

Ce modèle est très cohérent et je ne crois pas que l'idée qu'il faille dissocier la mission de prévention et la mission de contrôle soit recevable. C'est, je crois, le modèle sur lequel nous avons construit un certain nombre de nos gestions de risques et sur lequel repose l'efficacité de notre dispositif.

Par ailleurs, comme je l'ai dit, l'enjeu de l'efficacité de la santé au travail - c'est un débat qu'on pourrait avoir avec les auteurs du rapport - ne peut se résumer à du Meccano administratif : on ne peut créer un opérateur régional unique à partir de 250 services de santé au travail sans l'adosser à une structure existante. C'est en soi un pari. J'ai quelques « heures de vol » dans l'administration : créer à partir de rien une entité régionale qui doit piloter et gouverner des services aujourd'hui quelque peu abandonnés à eux-mêmes n'est pas simple...

Il faut donc bien réfléchir à la façon dont ceci pourrait être rendu demain plus efficace : quel pilotage, quelle capacité de management au quotidien ? Ce sont des sujets qui doivent être selon moi traités de très près.

Quoi qu'il en soit la branche relative aux risques professionnels est efficace. La démembrer reviendrait à revisiter le modèle de 1946 et pourrait porter atteinte à un service public qui a fait la preuve de son efficacité. Il faut certainement agir pour rendre les choses plus efficaces et plus simples pour les entreprises. Nous sommes tout à fait ouverts et serons amenés à faire des propositions.

M. Alain Milon, président. - Merci, monsieur le directeur général, pour ces réponses particulièrement complètes.

La parole est aux commissaires.

M. Yves Daudigny. - Monsieur le directeur général, pouvez-vous, en premier lieu, donner une répartition des efforts consentis entre l'assurance maladie obligatoire, les complémentaires et les professionnels pour mettre en place le RAC 0 ?

En deuxième lieu, le panier CMU est-il identique au panier « 100 % » ? Si tel n'était pas le cas, n'existera-t-il pas un problème pour les bénéficiaires de la CMU-C, qui vont payer une cotisation à une mutuelle sans bénéficier du même panier que d'autres affiliés ? Ceci me paraît important et a été peu évoqué.

Troisièmement, concernant le reste à charge en matière optique, la mesure qui limite le remboursement des montures à 100 euros peut entraîner la disparition d'un certain nombre d'emplois de lunetiers. Par ailleurs, les bénéficiaires d'une monture d'un prix supérieur peuvent vouloir garder une monture de prix équivalent et risquent donc de voir leur reste à charge augmenter.

S'agissant de la recherche d'un temps médical plus important, nombreuses sont les mesures en délégation de tâches ou d'activités. Celles-ci touchent très souvent les pharmaciens - il faut s'en féliciter - et quelquefois les infirmières et infirmiers. Les infirmières et infirmiers libéraux sont 120 000. Ils irriguent l'ensemble du territoire, sont présents chez les patients souvent les plus lourds. Sont-ils bien pris en compte dans le rôle qu'ils peuvent jouer en matière de suivi de maladies chroniques ou de médecine ambulatoire ?

Concernant la pénurie de médicaments, un article d'un grand quotidien, ce lundi, ainsi qu'un rapport sénatorial, ont mis en évidence l'ampleur et la gravité d'un sujet que les pouvoirs publics ne soupçonnaient peut-être pas. Cette difficulté ne se réglera ni rapidement ni facilement, mais je voudrais connaître votre opinion à ce sujet.

Enfin, vous avez évoqué l'article 51, en liaison avec l'article 29. Il existe parfois un écart entre les objectifs partagés et leur mise en oeuvre. Or nous avons rencontré, au cours de ces dernières semaines, des acteurs qui ont porté de dossiers très lourds et complexes. Les ARS ont-elles le même souci de souplesse et de réactivité que celui que vous avez évoqué ?

M. Jean-Marie Morisset. - Monsieur le directeur, je souhaiterais évoquer le RAC 0, car beaucoup de questions se posent localement.

C'est une offre gratuite, mais elle a un coût. La répartition se fait à hauteur de 75 % pour l'assurance maladie et de 25 % pour les complémentaires. N'a-t-on pas imaginé que l'assurance maladie prenne le RAC 0 en charge à 100 % ? Cela éviterait toutes les questions que se posent les patients, qui craignent que leur cotisation complémentaire n'augmente ? Par ailleurs, celui qui ne bénéficie pas d'une assurance complémentaire ne pourra bénéficier du RAC 0. Or 4 % des personnes n'ont pas d'assurance complémentaire.

L'extension de la CMU apparaît une bonne chose, mais présente aussi un coût. Celui-ci sera supporté par les complémentaires au niveau de la taxe de solidarité additionnelle. Ne risque-t-on pas d'assister à une augmentation des cotisations ?

En outre, la couverture maladie est aujourd'hui en grande partie gérée par l'assurance maladie et l'aide complémentaire par les complémentaires. Y aura-t-il fusion, gestion, cogestion ?

Enfin, on attend avec impatience de connaître les conditions d'éligibilité s'agissant des assistants médicaux : un médecin qui veut s'installer dans nos campagnes doit aujourd'hui le faire dans le cadre d'une maison de santé, avec le dentiste, etc. Sera-t-il éligible s'il ne pratique pas en cabinet ? Il serait bon que l'on puisse également aider les praticiens qui interviennent en maison de santé - kinésithérapeutes, médecins, dentistes. Est-ce envisagé ?

M. Michel Amiel. - Monsieur le directeur général, concernant l'article 4, a-t-on chiffré les répercussions que peut avoir pour l'Ondam la disparition du Fonds de financement de l'innovation thérapeutique - qui me paraît être une bonne chose -, dans la mesure où, avec l'arrivée de l'immunothérapie, il y a fort à penser que le coût de l'innovation ait des conséquences importantes sur les dépenses ?

En second lieu, comment envisagez-vous l'évolution des relations financières entre l'État et la sécurité sociale ? La question est en effet loin d'être négligeable.

M. Alain Milon, président. - En effet !

M. Michel Amiel. - S'agissant de l'article 41 et de la convergence au niveau des EPHAD, qui concerne essentiellement les forfaits soins, n'y aurait-il pas intérêt à unifier le point GIR, qui relève des conseils départementaux et qui est extrêmement variable d'un département à l'autre ?

Enfin, pourriez-vous préciser quel pourrait en être le profil des assistants médicaux ? Vous avez évoqué un profil de soignant mais, si l'on veut rendre du temps médical aux médecins, n'y aurait-il pas également intérêt à intégrer des profils administratifs, afin que lesdits médecins croulent moins sous les tâches administratives ?

Mme Florence Lassarade. - Monsieur le directeur général, l'hygiène bucco-dentaire a un impact sur les pathologies cardiaques, le cancer et l'alimentation des personnes âgées, en particulier lorsqu'elles sont en EPHAD.

Néanmoins, de manière un peu démagogique, on a préféré prendre en considération les seules couronnes dentaires, sans considérer l'aspect prévention, qui démarre dès l'enfance. Je pense qu'il aurait mieux valu revaloriser les honoraires des dentistes en la matière plutôt que leur imposer le panier de soins 100 %, sans savoir si ceux-ci ne seront pas plafonnés en matière de prothèses dentaires, comme c'est probable. Or les dentistes vivent grâce à cette marge, et c'est un facteur très important pour le maintien de la qualité des praticiens.

Concernant l'autisme, je m'interroge sur le fait que les pédiatres ne sont pas associés à ce problème. Ces médecins sont les premiers à pouvoir orienter les enfants autistes vers des structures adaptées.

On parle par ailleurs beaucoup de la prévention liée au tabac. Or ce n'est pas la nicotine qui est nocive, mais la combustion. La méthode du tabac chauffé est très intéressante. En Suède, le fait de placer de la nicotine sous la gencive a permis de ramener le nombre des fumeurs à 5 %. Personne n'en parle. C'est pourtant la base de la prévention !

Dernier aspect en matière de prévention, le cancer du col de l'utérus. C'est très bien de faire des frottis à 25 ans, mais c'est encore mieux de vacciner garçons et filles à 11 ans !

Mme Sabine Van Heghe. - Monsieur le directeur général, la pédagogie étant l'art de la répétition, je voudrais saluer l'accès au RAC 0.

Il est cependant à craindre, malgré les dénégations du Gouvernement et vos propos rassurants, qu'une hausse n'intervienne et n'impacte les plus fragiles d'entre nous.

Parler d'un RAC 0 après complémentaire est également trompeur, tous les Français ne bénéficiant pas du même accès dans ce domaine. N'aurait-il pas été préférable - et je rejoins les propos de mon collègue Morisset - que l'assurance maladie prenne en charge ces soins à 100 % pour les plus fragiles d'entre nous, notamment ceux qui ne sont pas couverts par une mutuelle ?

Mme Corinne Imbert. - Monsieur le directeur général, 3,8 milliards d'euros d'économies sont prévus sur le PLFSS 2019, dont une part importante, comme chaque année, portée par le médicament, soit 1,360 milliard d'euros, auxquels on pourrait ajouter les 500 millions d'euros d'économies attendus de la maîtrise médicalisée des produits de santé, notamment en volume, concernant les génériques et les biosimilaires.

Vous avez dit que, s'agissant des génériques, nous étions significativement très en dessous de ce qui se fait ailleurs. Je vous trouve un peu sévère. L'objectif est à 90 % de substitution au niveau national : dans mon département, on est à 88,5 %. Peut-être ce taux est-il supérieur au taux national, mais j'ai trouvé que vous aviez la dent dure !

Vous avez parlé des professionnels de santé - médecins, pharmaciens -, mais vous avez oublié les patients. On ne peut reprocher aux médecins ou aux pharmaciens d'être à l'écoute de leurs patients !

Par ailleurs, quelle est l'échéance du tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) ? Comment cela va-t-il se passer pour l'assurance maladie ?

Gérard Dériot a évoqué votre capacité à établir des statistiques : qu'allez-vous faire du numéro de répertoire partagé des professionnels de santé (RPPS) ? Servira-t-il simplement à alimenter le DMP ? Je regrette que les pharmaciens soient pénalisés s'ils ne transmettent pas ledit numéro qui, souvent, ne figure pas sur les ordonnances de l'hôpital !

M. Jean-Louis Tourenne. - Monsieur le directeur général, ma question porte sur l'article 34 du PLFSS relatif à la prise en charge des enfants victimes de handicaps psychiques. Le diagnostic et le suivi doivent normalement être diligentés par les centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP) ou les services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD). Or ceux-ci sont en nombre insuffisant pour accueillir la demande. Il faut souvent un an voire deux ans avant d'obtenir un premier rendez-vous. Un certain nombre de parents inquiets de relever chez leurs enfants des retards ou des difficultés de comportement prennent eux-mêmes l'initiative d'aller consulter le pédopsychiatre, l'ergothérapeute ou un certain nombre de spécialistes pour lesquels ils ne seront pas remboursés intégralement. Si la décision est prise par le CMPP, ils ne sont pas dans la même situation. Certains parents modestes sont totalement démunis intellectuellement, administrativement et financièrement pour faire face à ce type de problème. Quelles sont les mesures concrètes qui vont s'appliquer à partir de l'année prochaine ?

Par ailleurs, on a évoqué l'équilibre de la sécurité sociale. Le cheminement a été long pour parvenir à ce résultat. La trajectoire a été engagée depuis un certain temps. Il n'en reste pas moins que l'État puise à pleines mains dans les caisses. L'exonération sur les heures supplémentaires sera prise en charge intégralement et non compensée par la sécurité sociale, le forfait social abandonné, quant à l'intéressement il sera aussi à la charge de la sécurité sociale. Pire que tout, le CICE sera remplacé par des allégements de cotisations sociales dont une partie sera payée par la sécurité sociale. Pouvez-vous chiffrer ce transfert de charges de l'État vers la sécurité sociale ? Cela ne risque-t-il pas de mettre en péril l'équilibre retrouvé et, surtout, le remboursement de la dette sociale ?

S'agissant des assistants médicaux, je rejoins M. Morisset et je souhaite que les critères retenus permettent de placer ceux-ci de façon prioritaire dans le secteur rural car c'est, me semble-t-il, un outil d'aménagement du territoire.

Enfin, le développement de l'ambulatoire suppose que le patient puisse être accompagné à domicile. Avez-vous prévu d'augmenter les moyens dans ce domaine ? Je pense à l'assistance respiratoire, aux dialyses, etc. Je ne suis pas certain que le projet de budget le prévoie. Ce n'est pas ce que j'ai lu en tout cas.

M. Bernard Jomier. - Monsieur le directeur général, l'Académie de médecine, dans un avis rendu la semaine dernière sur le PLFSS, parle d'un faux-semblant et d'une opération de vases communicants budgétaires, notamment concernant le déficit des hôpitaux, déjà très élevé en 2017 - autour de 900 millions d'euros en cumulé. La tendance actuelle pour 2018 indique que le déficit dépassera certainement le milliard d'euros, voire 1,5 milliard d'euros. On verra les mesures qui pourraient être adoptées d'ici la fin de l'année par le Gouvernement en la matière.

Par ailleurs, s'agissant de la dette sociale, l'Académie de médecine qualifie de majeur le risque de reconstitution d'une dette sociale. L'Académie de médecine est-elle rétive à la communication gouvernementale - qui n'est pas la première, je vous en donne acte - en matière de retour à l'équilibre de l'assurance maladie ?

Ma deuxième question porte sur la mise en oeuvre du plan Santé présenté par le chef de l'État, qui a notamment décliné l'accentuation du virage ambulatoire, idée à laquelle je souscris tout à fait. On sent cependant un décalage entre les effets à en attendre sur la situation économique du système de soins et la situation des hôpitaux.

Il faudra en effet probablement plusieurs années pour que ces bénéfices soulagent la situation des hôpitaux sur le plan financier. Or pendant quelques années, il n'y aura pas de desserrement réel de l'Ondam. Je rappelle que l'inflation attendue se situe entre 1,4 % et 1,5 %, et l'Ondam à 2,5 %.

On ne voit guère non plus apparaître le financement des processus de coordination dans le PLFSS. C'est notoirement insuffisant aux dires de tous les acteurs concernés. Comment voyez-vous la gestion de ce décalage dans le temps ?

Enfin, on voit bien qu'en matière de partage des tâches et d'organisation du système de soins, le pharmacien pourrait mieux faire qu'aujourd'hui...

Mme Élisabeth Doineau, rapporteure. - Davantage, pas mieux !

M. Bernard Jomier. - Tout le monde doit mieux faire : si on n'a pas cet objectif commun, cela risque d'être problématique !

Le rôle du pharmacien est redessiné : il devient un acteur essentiel de santé publique, mais on aurait pu imaginer une place plus centrale pour l'infirmière et l'infirmier en tant qu'acteur de proximité, aux côtés du pharmacien et du généraliste. Pourriez-vous nous dire quelle est votre philosophie en la matière ?

M. Martin Lévrier. - Monsieur le directeur général, l'article 39 prévoit la mise en place et la généralisation de la vaccination antigrippale par les pharmaciens. Un bilan sur les expérimentations a-t-il été tiré en région ? Est-il plus rentable de déléguer cet acte médical ? S'il s'avère que c'est moins cher et plus efficace, peut-on envisager d'encourager ce transfert vers d'autres actes médicaux ?

Par ailleurs, l'article 44 prévoit la revalorisation de certaines prestations sociales - minimum vieillesse, allocation adulte handicapé. Ne peut-on craindre à la suite une révision à la hausse des tarifs des EPHAD et des services d'hébergement pour adultes handicapés ? Si tel est le cas, comment peut-on pallier ces augmentations ?

Enfin, comment les données du DMP sont-elles protégées ? Entrent-elles dans les bases de données sanitaires internationales ? Sont-elles vendables, commercialisables et de quelles protections bénéficient-elles ?

Mme Nadine Grelet-Certenais. - Monsieur le directeur général, comment situez-vous les nouveaux services d'aide à domicile dans le modèle de médecine que vous déclinez ? On connaît aujourd'hui les manques criants de moyens de financement, alors qu'il s'agit d'acteurs incontournables de la prévention.

M. Jean Sol. - Monsieur le directeur général, pensez-vous objectivement que le budget alloué à la prévention réponde effectivement aux enjeux qui sont les nôtres, de l'enfant jusqu'à la personne âgée ?

Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu'un Ondam à 2,5 % amplifie encore l'asphyxie de nos hôpitaux, dont le déficit déjà important ne cesse de croître ?

Pensez-vous vraiment que la mise en place d'auxiliaires médicaux améliore l'organisation, la qualité et la sécurité de la prise en charge des patients et contribue à la réduction effective ou, tout au moins, à la maîtrise des dépenses ?

Enfin, quid des soins d'accompagnement de fin de vie et des soins palliatifs, dont je n'ai pas entendu parler ?

M. Daniel Chasseing. - Monsieur le directeur général, s'agissant des CPTS, il faut essayer d'être pragmatique : dans certains secteurs, on aura des difficultés à atteindre 20 000 habitants.

Quant aux assistants médicaux, il faut, comme le dit M. Morisset, être à l'écoute des territoires ruraux.

M. Alain Milon, président. - Quel succès, monsieur Morisset !

M. Daniel Chasseing. - Par ailleurs, vous n'avez pas évoqué les carences très importantes que connaît la pédopsychiatrie. C'est pourtant une priorité. Certains enfants sont maintenant pris en charge à partir de trois ans en cas de suspicion, mais on a des difficultés à trouver des professionnels.

En ce qui concerne les EPHAD, l'augmentation permettra-t-elle de recruter davantage de personnels infirmiers et aides-soignants, qui sont absolument indispensables ?

Je rejoins enfin ma collègue concernant le tabac : on aurait pu, comme dans quelques pays, tenter certaines actions, puisque ce n'est pas la nicotine qui est nocive, mais la combustion.

M. Guillaume Arnell. - Monsieur le directeur général, je voudrais faire entendre ici la voix des outre-mer. Je rappelle que les outre-mer doivent également participer à l'effort de redressement de l'assurance maladie, tout en tenant compte d'un certain nombre de situations particulières, à la fois conjoncturelles et structurelles.

À ce titre, je veux souligner la très grande augmentation des maladies cardio-vasculaires liées à l'hypertension artérielle (HTA) et au diabète, ainsi que la faiblesse de l'offre de dialyse péritonéale à domicile.

Je voudrais également souligner l'utilisation des transports sanitaires pour tout ce qui relève de la chimiothérapie, de la radiothérapie ou de la dialyse, mais également le problème des évacuations sanitaires (EVASAN) par voie aérienne, lié à la faiblesse de l'offre de mobilité en matière de transport aérien.

Les caisses d'assurance maladie de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane ont récemment fait l'objet d'un rapport de la Cour des comptes critiquant fortement leur gestion : il me semble qu'il est utile de rappeler que ces caisses, à la différence des caisses nationales, accomplissent d'autres missions. Probablement existe-t-il des problèmes d'interconnectivité dans ce domaine.

Ma question est simple : comment comptez-vous accompagner ces caisses dans la maîtrise de leurs dépenses et dans leur transformation, sans altérer la qualité de l'offre de soins et son accessibilité ?

Mme Martine Berthet. - Monsieur le directeur général, le PLFSS 2019 prévoit une réévaluation et un déremboursement progressif des médicaments homéopathiques. Je pense pour ma part qu'il serait dommage de dérembourser cette thérapeutique à faible coût pour l'assurance maladie. Quelle est votre position à ce sujet ?

M. Bernard Bonne, rapporteur pour le secteur médico-social. - Concernant l'homéopathie, quel est le coût réel remboursé par la sécurité sociale et par les mutuelles ? S'il devait demain ne plus y avoir de remboursement, quelles seraient les répercussions sur l'Ondam ?

Par ailleurs, il a été proposé que le médecin coordinateur des EPHAD puisse établir des prescriptions pour éviter la double intervention du médecin traitant et du médecin coordonnateur. Qu'en est-il aujourd'hui ? Cela me paraît constituer une source d'économies assez appréciable.

Je suis très étonné, concernant la prise en charge et le dépistage des enfants atteints de troupes neurologiques, notamment autistiques, qu'on n'ait pas placé les pédiatres en première ligne. On dit que la population serait atteinte d'autisme à hauteur de 15 % : il est dommage qu'on ne profite pas des examens systématiques chez le pédiatre pour le déceler.

Enfin, qui sont les assistants médicaux ? Quelle formation reçoivent-ils ? Dans combien de temps les obtiendrons-nous ? Pourquoi les médecins isolés ne pourraient-ils en bénéficier ? Tous ont besoin d'une aide particulière, mais quelle sera-t-elle ? Les assistants médicaux seront-ils des sous-médecins ? Sur quels critères pourra-t-on les embaucher ?

M. Alain Milon, président. - Monsieur le directeur général, vous avez la parole.

M. Nicolas Revel. - Je ne pourrai répondre à la totalité des questions qui m'ont été posées. Or toutes appellent évidemment une réponse. Je m'engage donc, concernant les points que je n'évoquerai pas ici, à vous communiquer des éléments complémentaires par écrit.

S'agissant du RAC 0, il n'y aura pas de « perte de chance » pour les bénéficiaires de la CMU, contributive ou non. Nous sommes, par exemple, en train de discuter avec les syndicats les chirurgiens-dentistes pour voir si nous pouvons trouver un accord conventionnel, ce qui serait souhaitable. À défaut, il sera procédé par voie réglementaire afin que le panier CMU - contributive ou non, car ce sera le même - intègre bien la totalité des actes prothétiques éligibles au RAC 0. C'était déjà le cas avant, mais nous avons affiné la nomenclature des actes prothétiques, et nous devons le transposer dans le panier CMU-C. Il n'y aura donc pas, de ce point de vue, de difficultés.

Il est incontestable qu'il existe un moindre remboursement des montures dans le cadre de l'évolution des contrats responsables. Le choix a été fait d'investir davantage sur les verres que sur les montures, qui renvoient à des considérations esthétiques tout à fait estimables par ailleurs, mais sur lesquelles il est peut-être moins légitime que porte l'effort financier.

Quant à la négociation dentaire, je souhaiterais lever un point majeur de malentendu : ceux qui vous ont dit que l'accord sur le reste à charge consisterait à investir massivement sur les prothèses - ce qui constitue une forme d'échec thérapeutique - ont tort. Cette réforme est au contraire bien plus globale que le RAC 0. Elle consiste précisément à sortir la profession de chirurgien-dentiste du cercle vicieux dans lequel elle s'est engagée il y a une trentaine d'années. À la faveur de la liberté tarifaire sur les actes prothétiques qui avait été accordée, la sécurité sociale a cessé de revaloriser les soins conservateurs, de telle sorte que le reste à charge s'est creusé sur les actes prothétiques. Les chirurgiens-dentistes ont ainsi été amenés à orienter leur activité vers les actes prothétiques, dont ils dépendent financièrement pour équilibrer leur exercice.

Cette réforme vise à la fois à concilier le financement du RAC 0, qui passe évidemment par des plafonds de prix sur un certain nombre d'actes, que ceux-ci soient compris dans le RAC 0 ou même dans un autre panier qui ne comportera pas de prise en charge intégrale mais des plafonds de prix, en contrepartie d'un investissement historique sur la revalorisation des soins conservateurs et la prévention. On est à 800 millions d'euros en matière de revalorisation des soins, madame !

On revalorise ainsi les soins de conservation de 50 %. Le coeur de la réforme consiste à investir dans la revalorisation des soins. C'est un effort extrêmement significatif. C'est uniquement à cette condition que nous pouvons obtenir en contrepartie des plafonds de prix sur des tarifs prothétiques. Il faut faire en sorte que, demain, cet acte soit mieux valorisé pour les chirurgiens-dentistes. En matière d'accès aux soins, on ne peut parvenir à mieux couvrir les remboursements que si l'on rétablit des plafonds de prix. Ceci ne va pas à l'encontre de la qualité des soins. Si tel n'était pas le cas, il faudrait considérer que tous les séjours hospitaliers ou les prises en charge médicales ne sont pas de qualité sous prétexte qu'elles sont à tarif opposable. Cette réforme fonctionne sur deux jambes.

Pouvions-nous nous substituer aux complémentaires dans la prise en charge d'actes et d'équipements ? Le Gouvernement n'a pas fait le choix de supprimer la couverture complémentaire dans le financement des soins en France. Décider que l'assurance maladie obligatoire finance désormais les couronnes dentaires, les équipements audioprothétiques et l'optique représentait la fin de la couverture complémentaire. Cela aurait constitué un changement de paradigme fondamental, qui aurait relevé d'un débat politique. Il y aurait des incidences financières et économiques non négligeables : les remboursements d'actes et de soins par les complémentaires doivent tourner autour d'une trentaine de milliards d'euros. Ceci aurait par ailleurs nécessité de fixer des tarifs opposables sur l'ensemble de ce champ, ce qui n'était pas simple.

Vous avez raison : le RAC 0 existera au travers des contrats responsables. Il concerne 99 % des Français, sachant que 4 % d'entre eux n'ont pas de complémentaire. Pour certains, c'est un choix. À certains âges de la vie, on peut considérer qu'on peut se passer d'une complémentaire. À d'autres, c'est un renoncement subi pour des raisons financières auquel le PLFSS apporte un élément de réponse, la réforme de la CMU-C prenant en compte les ménages qui perçoivent un petit peu moins de 1 000 euros par mois.

S'agissant des assistants médicaux, c'est à la négociation de définir leurs profils et leurs missions. On ne cherche pas à reconstituer des secrétariats. Un assistant médical, ce n'est pas une secrétaire qui enregistre des rendez-vous. Ce n'est pas ainsi qu'on va regagner du temps médical. On cherche un contenu de fonctions plus riche, qui permette de préparer la consultation - prises de constantes médicales par un personnel compétent, renseignement du dossier médical en sortie de consultation pour la partie ne relevant pas strictement du médecin, tâches administratives lourdes et complexes complémentaires à la consultation. Tout ceci forme un ensemble qu'il va falloir faire correspondre à des compétences.

Cela ouvre un champ des possibles qui ne se résume pas à un profil infirmier, d'aide-soignant ou à un profil administratif. Il va falloir l'étudier. Un profil soignant a du sens si l'on veut aller vers une fonction qui crée un gain en termes de temps médical. Si l'on réalise cet investissement, c'est à cette fin et en termes de nombre de patients suivis. Il appartiendra aux partenaires d'en définir les règles.

Vous avez évoqué le principe de l'exercice regroupé : je suis d'accord avec cette idée. Il peut y avoir des territoires sous-densifiés où exerce un médecin isolé qui possède une forte patientèle, et où l'autre médecin qui s'en va n'est pas remplacé. On ne peut dire au généraliste qui demeure qu'il n'aura pas d'assistant médical parce qu'il n'est pas regroupé avec d'autres praticiens - et souvent dans l'incapacité de l'être. Cela mérite qu'on réfléchisse à une exception. Toute règle doit évidemment en avoir une, mais la règle demeurera car il est important que l'assistant médical, en dehors de ces zones particulières, soit aussi un signal qui pousse au regroupement afin de constituer une forme d'exercice plus efficace que les autres, notamment pour partager des ressources communes aux cabinets.

S'agissant des infirmières et infirmiers libéraux, la question que vous avez posée mérite qu'on s'y attarde. Il existe deux façons de permettre aux infirmières et aux infirmiers de jouer le rôle qui est le leur, et qui pourrait être plus important encore demain. Il y a en effet ce qui relève de la délégation de tâches, avec une montée en compétences potentielle, au travers notamment des pratiques avancées. Un médecin peut ainsi s'appuyer sur les compétences d'une infirmière pour suivre des patients chroniques dans de très bonnes conditions, ce qui lui permet de recevoir plus de patients.

On peut imaginer des délégations de tâches dans des formes d'exercice coordonné qui donnent lieu à une forme de protocole simple entre professionnels et permet de déterminer qui fait quoi. C'est vers cela qu'on doit aller.

Ceci ne relève pas de la délégation de compétences, mais d'une pleine reconnaissance d'un certain nombre d'actes techniques que les infirmières et infirmiers pourraient aujourd'hui réaliser si le décret de compétences était modifié et la nomenclature de leurs actes élargie. Nous réfléchissons avec le ministère à un certain nombre d'actes techniques. Il faut fonctionner sur les deux plans.

L'article 51 engendrera forcément des déceptions, tout comme il existe forcément des diversités de pratiques locales. Pour l'instant, nous sommes encore dans une phase de projets. Tous ne seront pas retenus, c'est la règle du jeu. Les administrations devront veiller à ne pas en instiller d'inutiles complexités. J'entends tout cela. Il faut que l'on sache être au rendez-vous de cette promesse.

L'article 51 n'a jamais été pensé comme un guichet ouvert. On sera amené, pour accepter qu'un projet déroge, à vérifier que son contenu ait un minimum de crédibilité, médicale et économique. Nous l'évaluerons ensuite. La France évalue parfois insuffisamment les projets que nous accompagnons de manière expérimentale. Nous serons attentifs à ne pas céder au risque de complexité administrative, tout en résistant à la démagogie qui voudrait que tout projet qui arrive soit forcément formidable et doive nécessairement être retenu.

Quant à la disparition du fonds de financement de l'innovation thérapeutique, l'impact sur l'Ondam sera modéré. Comme vous le savez, il était très largement financé par une dotation de l'Ondam. Il avait pour vertu de permettre de lisser des à-coups annuels. Ce ne sera plus le cas, la Cour des comptes ayant indiqué qu'elle considérait que la création de ce fonds n'était pas une bonne idée. Ceci nous amènera parfois à devoir subir, sur une année donnée, un impact budgétaire fort, lié à une innovation thérapeutique coûteuse qui arrive en une fois, et qui pourra, en effet, avoir potentiellement des effets d'éviction sur d'autres postes de dépenses au sein de l'Ondam. C'est ce que le fonds cherchait à éviter. Ce sera, pour le coup, le seul véritable impact, qui variera en fonction des années. Parfois, ce sera difficile, parfois moins.

Je ne crois pas qu'il y aura d'augmentation de la taxe additionnelle liée à l'impact de la CMU-C. En revanche, la taxe a plusieurs usages, dont le financement du fonds CMU. C'est la part relative, qui ira au fonds CMU et au reste, qui sera amenée à évoluer.

Relations financières entre l'État et la sécurité sociale, déficit hospitalier, Ondam et inflation... Oui, il existe un creusement du déficit hospitalier qui, d'ailleurs n'est pas le cas de tous les établissements. Il est très concentré. On ne peut dire que la réduction du déficit aggrave le déficit de tous les établissements hospitaliers. Il faut aussi étudier les choses dans leur complexité. Je pense que cela n'enlève rien au fait qu'il existe une réelle amélioration de la situation financière. On va réellement vers l'équilibre.

Oui, il y a forcément un impact de l'inflation sur la dépense de santé, mais l'élasticité n'est pas aussi considérable que vous le dites. Parmi les dépenses de santé, beaucoup de postes ne sont pas liés à l'inflation. Je ne suis pas d'accord avec le raisonnement consistant à calculer un Ondam net d'inflation. L'Ondam n'a en effet pas d'impact sur beaucoup de dépenses de santé prises en charge dans ce cadre.

Les relations financières entre l'État et la sécurité sociale constituent un vieux sujet. Le modèle de financement de la sécurité sociale a été historiquement construit sur les revenus du travail, avec un impact sur la compétitivité et l'emploi que toutes les majorités politiques de ce pays ont considéré comme excessif. L'allégement du coût du travail a été constant de quinquennat en quinquennat, de législature en législature, et considéré comme un élément capable de redonner de la compétitivité, d'assurer l'équilibre financier du budget de l'État et du budget de la sécurité sociale. Ces allégements de cotisations ont été intégralement pris en charge par l'État.

Aujourd'hui, nous sommes dans une période de retour à l'équilibre, liée à une amélioration de nos ressources autant qu'à une bonne maîtrise de nos dépenses. C'est en bonne partie le fruit de cette politique d'allégement des cotisations sociales. L'État, à travers ce PLFSS, propose au Parlement de considérer qu'il existe une légitimité à ce qu'il existe un retour vers le budget de l'État, dont le déficit reste, comme vous le savez, autour de 70 milliards d'euros, là où celui de la sécurité sociale tend vers zéro.

Cela me paraît procéder d'un raisonnement qu'on peut entendre. Ceci ne veut pas dire que l'État se sert dans les excédents de la sécurité sociale. L'État, par le financement d'exonérations, a permis son retour à l'équilibre...

S'agissant du médicament générique, vous avez raison de dire que le taux de substitution est élevé. Je parlais de la part en volume du générique dans la consommation de médicaments en France, qui est notoirement plus faible qu'ailleurs. On est aujourd'hui un peu au-dessus de 40 %, alors que les pays autour de nous sont entre 70 % et 80 %. Cela tient pour une large part à certaines prescriptions au répertoire et non uniquement à la substitution dans la dernière ligne droite de la dispensation sur laquelle porte le dispositif que nous avons aujourd'hui, qui cherche à responsabiliser le patient.

Cela se traduira-t-il par une « TFRisation » des médicaments ? C'est la crainte des pharmaciens. Je ne crois pas que ce soit une hypothèse incontournable. Il faudra en tout cas y veiller. Si tel était le cas, le modèle de rémunération des officines serait dangereusement atteint, pour des raisons que vous connaissez bien, liées à la part de la marque générique dans le modèle de rémunération des officines.

Quant au RPPS, qui est l'identifiant du médecin prescripteur, il est très bien connu en ville, mais moins dans le secteur hospitalier - même s'il l'est de mieux en mieux. Le dispositif de rémunération des pharmaciens renseigne le RPPS sur la prescription. Cette règle, qui crée une obligation, n'est pas contradictoire avec la Rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), créée il y a deux ans, qui porte sur 6 millions d'euros ou 7 millions d'euros par an.

S'agissant de la vaccination antigrippale par les pharmaciens, un premier bilan a été tiré l'année dernière dans les deux « régions test ». Nous passons à quatre régions, avant de généraliser entièrement le dispositif. Lorsqu'on est assez en retard, il me semble assez logique de permettre et de faciliter la vaccination antigrippale par tous canaux - infirmières et infirmiers, médecins, pharmaciens.

Concernant le DMP, les données sont protégées et sanctuarisées quant à leur usage. L'assurance maladie n'y accède pas : il ne manquerait plus que des entreprises puissent y accéder et que quelqu'un puisse les vendre ! Nous allons devoir être clairs dans la communication afin de rassurer les Français.

Pour ce qui est de l'outre-mer et des CGSS, il est vrai que, comme tout rapport de la Cour des comptes, celui-ci est par définition critique. Quand on le lit bien, il ne l'est toutefois pas tant que cela sur la partie maladie, qui est globalement bien gérée par les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) de Réunion, Guyane, Guadeloupe et Martinique. Celles-ci exercent dans le champ de l'assurance maladie, dans un contexte où, par ailleurs, la précarité des populations couvertes est un vrai sujet et une singularité. Je suis très attentivement la situation dans ces quatre organismes avec les équipes de direction. Nous les accompagnons de manière très rapprochée pour les aider à faire face à ce qui est objectivement une mission lourde et difficile.

Le rapport de la Cour des comptes ne porte pas de critiques si dures que cela sur la qualité de service dans ces quatre CGSS, même si, sur les taux de décrochés téléphoniques ou les délais de règlement des intérêts journaliers, nous sommes encore en phase de progression. Nous y arrivons en les épaulant, car il existe des systèmes de solidarité qui font que lorsqu'une caisse est en difficulté, elle peut s'appuyer sur une autre en termes d'appels téléphoniques, de traitement de CMU-C ou d'indemnités journalières. Nous essayons de convaincre ces caisses que le fait de partager un peu de la production n'est pas en soi une dépossession de leurs prérogatives.

Pour ce qui est de l'homéopathie, je n'ai par définition aucune position personnelle sur ce sujet. Je vous renvoie à une position de bon sens, qui est de considérer que tout produit de santé pris en charge par l'assurance maladie doit l'être sur la base d'une évaluation scientifique. C'est aujourd'hui la seule spécialité pharmaceutique, qui n'ait pas donné lieu à une appréciation par la HAS, à qui il est donc demandé une évaluation scientifique. Celle-ci est en cours.

Quant au coût, il doit s'élever à environ 200 millions d'euros. La question n'est pas de savoir ce qu'on en pense, mais s'il est acceptable qu'il existe une exception au principe d'évaluation scientifique des actes et des médicaments pris en charge par la solidarité.

Enfin, concernant le dépistage des enfants souffrant d'un trouble autistique, il ne vous a pas échappé que l'avenant 6 portant principalement sur la télémédecine prévoit la création d'une consultation complexe ouverte aux pédiatres - mais pas seulement.

Pour le reste, je vous répondrai par écrit.

M. Alain Milon, président. - Merci beaucoup, monsieur le directeur, pour toutes ces réponses particulièrement complètes, dont certaines ont démontré une habileté diplomatique que j'admire.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 - Audition de Mme Marine Jeantet, directrice des risques professionnels de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM)

M. Alain Milon, président. - Mes chers collègues, nous recevons Mme Marine Jeantet, directrice des risques professionnels à la caisse nationale d'assurance maladie, que je prie de bien vouloir nous excuser pour le retard, pour évoquer la situation de la branche des accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), aux spécificités de laquelle nous sommes particulièrement attachés. Mme Jeantet est accompagnée de M. Hervé Laubertie, responsable du département prévention des risques professionnels de la Cnam.

Je vous indique que, comme la précédente, cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat.

La branche AT-MP consolide ses excédents en 2019 avec un résultat prévisionnel de 1,1 milliard d'euros. Grace à l'esprit de responsabilité des partenaires sociaux, qui ont fait le choix de réagir très vite face à la dégradation des comptes de la branche pendant la crise en augmentant les cotisations, la situation financière de la branche est saine et elle a totalement apuré sa dette.

C'est ce qui a permis, deux années consécutives, de diminuer le taux des cotisations, au profit notamment de l'augmentation du taux en maladie.

Devant cette situation, la politique conduite par le Gouvernement nous paraît peu lisible. D'une part, les rentes AT-MP sont incluses, pour environ 50 millions d'euros dans le champ de l'article 44 qui prévoit la sous-revalorisation des prestations sociales et d'autre part, alors même que le Gouvernement ramène à zéro à partir de 2020 le solde de branches, comme la branche maladie, qui présentent une dette cumulée, il maintient un excédent de la branche AT-MP dont on comprend qu'il est censé compenser, en trésorerie, la dette de la sécurité sociale non transférée à la Cades.

Cette gouvernance ne nous semble pas conforme aux principes assurantiels qui régissent la branche AT-MP.

Je vous laisse la parole, Madame la directrice, pour un propos introductif, avant d'engager le débat avec les membres de la commission.

Mme Marine Jeantet, directrice des risques professionnels à la caisse nationale d'assurance maladie. - Je vous remercie pour votre invitation et pour cette présentation. La branche AT-MP est une branche centenaire qui a fait ses preuves, d'une part en parvenant à avoir une influence sur la sinistralité de manière continue et d'autre part à travers une gestion maîtrisée et efficiente.

Une nouvelle convention d'objectifs et de gestion vient d'être conclue au terme d'une longue période de négociations. C'est un texte ambitieux qui s'articule autour de plusieurs axes. Nous devrons ainsi poursuivre nos efforts en matière de prévention et continuer à améliorer l'équité, notamment entre territoires, en matière de réparation. En lien avec la branche maladie et Pôle emploi, nous chercherons à avoir une implication forte en faveur du maintien dans l'emploi. Enfin, nous continuerons à développer notre offre de services en faveur des entreprises.

La branche AT-MP est donc un modèle qui a fait ses preuves, mais qui risque d'être remis en cause dans le cadre de la prochaine réforme de la santé au travail. Cette réforme est indispensable mais pose la question de la place qu'aura l'assureur, gestionnaire de risques, et de quels outils il disposera pour remplir ses missions.

M. Gérard Dériot, rapporteur pour la branche AT-MP. - La branche AT-MP connaît un excédent depuis plusieurs années et a su apurer seule sa dette sans que celle-ci soit reprise par la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades).

Dans ce contexte, ne faudrait-il pas mobiliser une partie de ces excédents pour renforcer les dépenses en matière de prévention, qui ne dépassent pas 3 % des dépenses de la branche ?

Pourriez-vous revenir sur les efforts déployés par la caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) et la branche AT-MP pour remédier à la sous-déclaration persistante en matière de maladies professionnelles ? Envisagez-vous de mobiliser davantage les médecins conseils de la sécurité sociale pour mieux identifier les affections de longue durée (ALD) qui sont d'origine professionnelle ?

S'agissant de la création et de la révision des tableaux de maladies professionnelles, pensez-vous que la reconnaissance d'une maladie professionnelle devrait reposer davantage sur une évaluation scientifique et moins sur la négociation entre partenaires sociaux ?

Quant à la reconnaissance des maladies professionnelles résultant de risques psycho-sociaux, pensez-vous que la voix dérogatoire de comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles soit satisfaisante (CRRMP) ? Le taux d'incapacité de 25 % n'est-il pas discriminant ?

Enfin, le rapport de la députée Charlotte Lecoq préconise la mise en place d'un guichet unique de la prévention qui regrouperait notamment les services de santé au travail et les préventeurs des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) ? Or, en tant qu'assureurs, les services de la Carsat savent identifier les entreprises à risque. La réforme envisagée ne risque-t-elle pas d'entrainer la perte de cette approche complémentaire entre assurance et prévention ?

Mme Marine Jeantet. - La question d'un rééquilibrage entre réparation et prévention est complexe. Même si nous ne sommes pas dans un régime de réparation intégrale, il est délicat de réduire les forfaits d'indemnisation. En outre, une part importante de nos dépenses correspond à des rentes viagères sur lesquelles nous n'avons que peu de marge de manoeuvre. Augmenter les dépenses de prévention pourrait donc nécessiter d'augmenter les cotisations.

À l'inverse, il n'est pas facile de dépenser plus en matière de prévention. Nos actions s'inscrivent dans une logique de co-financement avec les entreprises, il faut donc trouver des partenaires qui s'engagent.

Le système de ristournes de cotisations au titre des dépenses de prévention exposées par les entreprises, pratiqué par exemple en Italie, peut être une manière de développer la prévention sans augmenter directement les dépenses. Nous travaillons sur cette question et j'espère pouvoir vous présenter l'aboutissement de ces travaux l'année prochaine.

Sur le sujet de la sous-déclaration, nous nous sommes engagés dans la sensibilisation des médecins traitants mais nous avons parfois l'impression d'arroser le désert, car ces médecins ne traitent pas si souvent des patients atteints de maladies professionnelles. Nous souhaitons donc plutôt comme vous l'évoquiez intervenir auprès des médecins conseils, en particulier en ce qui concerne les dermatoses et les lymphomes. Une campagne est en cours de préparation et sera lancée à la rentrée 2019.

Il convient aussi d'accompagner les demandeurs, qui sont environ 100 000 par an et dont le parcours est très complexe.

Sur la constitution des tableaux, je suis en faveur d'une évaluation scientifique rigoureuse, à l'image du rôle que joue la Haute Autorité de santé (HAS) en matière de remboursement des soins par l'assurance maladie.

C'est sur la base d'une telle évaluation technique que les partenaires sociaux doivent être amenés à fixer un niveau de prise en charge. Il me semble qu'il est temps de faire évoluer nos tableaux, qui ne correspondent aujourd'hui pas toujours aux recommandations des autorités scientifiques. Ce processus va commencer au sujet des maladies causées par les pesticides.

Sur les risques psycho-sociaux, nous constatons une progression continue des demandes, qui atteindraient environ 3 000 en 2017. Il faut savoir qu'environ la moitié de ces demandes sont transmises aux CRRMP, contre seulement 8 % pour les autres pathologies. Le taux de 25 % d'incapacité n'est donc pas vraiment bloquant. Le problème résidait davantage dans le fait que l'on attendait une stabilisation de l'incapacité, ce qui n'arrive jamais réellement pour des maladies psychiques. Depuis 2010, une dérogation existe et un taux prévisible est retenu. Depuis cette date, le nombre de demandes augmente de manière continue, elles sont très souvent transmises aux CRRMP et le taux de reconnaissance est de 50 % contre 20 % pour les autres pathologies.

Une partie importante des maladies psychiques est en outre traitée au titre des accidents du travail.

Sur les préconisations du rapport Lecoq, nous partageons le constat de la nécessité d'une réforme et de la clarification du rôle des différents acteurs. Toutefois, ce rapport n'aborde pas la question de la performance des services de santé au travail, qui a été pointée à plusieurs reprises par des rapports de l'inspection générale des affaires sociales (Igas). Ces services représentent 17 000 personnes, contre 1 500 dans les Carsat.

Nous ne sommes pas convaincus par le modèle d'un acteur unique par région, notamment parce qu'il ne serait pas facile de passer de 250 services de santé au travail à 13 opérateurs régionaux qui manqueraient d'agilité. En outre, le regroupement n'est pas à lui seul le gage d'une meilleure efficacité.

En tant qu'assureurs, nous intervenons auprès des entreprises en ciblant les 3 % des entreprises qui correspondent à 30 % de la sinistralité. Nous nous positionnons dans une logique d'échanges dans un premier temps. L'injonction ne représente que le dernier recours, il ne faudrait pas nous réduire à cela.

Mme Catherine Deroche. - Quelle est la part des accidents de trajet dans les accidents de travail ? Existe-t-il une réflexion sur le bien-fondé de leur prise en charge par la branche AT-MP ?

Mme Corinne Féret. - Je souhaite insister sur l'importance du rôle des partenaires sociaux dans la définition des tableaux de maladies professionnelles. Ils représentent en effet ceux qui travaillent dans les entreprises et ont donc une connaissance précieuse des réalités.

S'agissant de l'instauration d'un guichet unique régional comme le propose Mme Lecoq, je souhaite rappeler l'importance de la proximité.

La Cour des comptes a formulé un certain nombre de recommandations en matière de tarification. Quel regard portez-vous sur ces recommandations ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Comment simplifier le parcours de ceux qui cherchent à obtenir la reconnaissance d'une maladie professionnelle, notamment dans les petites entreprises ?

Les sommes annoncées en faveur de la prévention vous semblent-elles suffisantes ?

Enfin, les médecins qui reconnaissent des maladies professionnelles sont parfois poursuivis par les employeurs. Avez-vous réfléchi à ce problème ?

Mme Marine Jeantet. - Concernant les accidents de trajets, les chiffres restent assez stables. Ce risque est largement dépendant de la politique de prévention routière et des aléas climatiques. Il s'agit d'un risque mutualisé dans le périmètre de notre branche plus pour des raisons historiques que parce que nous le gérons en tant que tel. Dans tous les autres pays européens, il est couvert par les assurances sociales. La question de son maintien dans la branche AT-MP peut donc se poser.

Pour les inscriptions aux tableaux des maladies professionnelles, le programme de travail de la commission spécialisée n° 4 relative aux pathologies professionnelles du conseil d'orientation sur les conditions de travail (COCT) est discuté entre l'État et les partenaires sociaux. L'expertise scientifique n'intervient pas dans la définition du périmètre de la reconnaissance des maladies professionnelles. Elle permet de recenser les symptômes, d'identifier les expositions à risques. Une partie d'évaluation médico-économique intervient également, car les critères retenus détermineront la population ciblée, qui pourra être plus ou moins large. Le dialogue ne se fait donc pas chiffres contre chiffres. Des données objectives viennent rationaliser le débat avant qu'un choix politique s'opère dans le cadre d'un dialogue avec les partenaires sociaux.

Sur la proposition d'opérateur régional unique du rapport de Mme Charlotte Lecocq, un travail technique conséquent de recensement de l'immobilier des services de santé au travail et d'harmonisation de la gestion des ressources humaines s'impose, les agences régionales de santé fonctionnant encore avec neuf conventions collectives. On pourra toujours envisager la présence d'antennes locales qui dépendront de l'entité régionale.

Le plus important sera la capacité à mobiliser l'ensemble des acteurs, car des structures de 1 500 à 2 000 personnes pâtissent mécaniquement d'une certaine forme d'inertie. Il s'agit là d'un enjeu majeur de conduite du changement. Un autre sujet concerne aussi les spécialités par secteur, qu'il faudra peut-être conservés, notamment pour le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) qui dispose de son propre organisme professionnel de prévention (OPPBTP).

Mme Féret évoquait le sujet de la tarification abordé par le rapport de la Cour des comptes. Il faut rappeler que cette tarification est le fruit de l'histoire. La volonté de ce modèle a toujours été de se rapprocher au plus près du risque. Si cette volonté est louable, elle se traduit par une grande complexité de gestion. Nos systèmes d'information sont d'ailleurs assez vieillissants qui vont bientôt faire l'objet d'une révision. Cette complexité engendre de fait une iniquité d'application sur le territoire. Un mouvement de simplification a déjà été engagé puisque nous sommes passés de 600 à 200 codes risques, quand les Allemands sont à 100. Nous partageons donc la plupart des constats formulés par la Cour des comptes, notamment sur la tarification à la section d'établissement, qui résulte de cette volonté de tarifer au plus près du risque en ciblant un groupe de salariés impliqués dans le même type d'activité et qui est d'une complexité folle ! Il faut examiner ce qui est vraiment adapté et opérant et nous allons creuser certains points pour voir ce qu'il reste à faire. Certains de ces sujets sont réglementaires et c'est à l'État d'identifier celles de ces recommandations qu'il souhaite mettre en oeuvre.

La procédure de dossier de maladie professionnelle est en cours de simplification, avec notamment un effort de clarification de l'instruction des dossiers et des délais, grâce à un texte en cours d'examen au Conseil d'État et qui sera publié prochainement. Nous lancerons en parallèle de la publication de ces nouvelles règles une campagne de communication pour informer les assurés de leurs droits. Des documents d'information seront publiés à cette fin quand les textes sortiront. Pour minimiser les risques de contentieux, il faut être attentif à un ensemble de facteurs. La précision et la clarté des critères figurant aux tableaux y contribuent. Des tableaux bien écrits facilitent la constitution des dossiers et évite des différences d'appréciation.

On peut toujours considérer que les crédits alloués à la prévention sont insuffisants, mais il faut au préalable fixer des objectifs précis à proposer aux entreprises en termes de financement avant d'augmenter les cotisations. Il ne faut par ailleurs pas perdre de vue que les entreprises elles-mêmes consacrent des moyens importants à la prévention des risques.

Concernant la contestation des diagnostics effectués par les médecins du travail, leur positionnement est toujours difficile, en particulier lorsqu'ils exercent dans des services intra-entreprise. Ces services-là ne seront d'ailleurs pas affectés par la réforme prévue par le rapport Lecocq, ce sur quoi nous pouvons nous interroger. Nous n'avons pas de vision précise sur leur activité car ils ne dépendent pas de nos services. Par définition notre branche est exposée à un fort risque de contentieux car nous faisons toujours grief à quelqu'un, soit à l'assuré, soit à l'employeur.

M. Michel Forissier. - Je souhaitais attirer votre attention sur la nécessité de sensibiliser les acteurs de la prévention dans les métiers à hauts risques. J'ai moi-même exercé une activité professionnelle dans la taille de pierre et la restauration d'ouvrages historiques, secteur qui se caractérise par le port de charges lourdes et l'intervention sur de hauts édifices. La difficulté aujourd'hui réside dans les reconversions professionnelles. Ces secteurs embauchent aujourd'hui des personnes qui ne sont pas toujours préparées physiquement à ces professions et peu sensibilisées aux risques professionnels. Les entreprises se mobilisent déjà pour la formation de leurs employés. Selon moi, il s'agit donc moins d'un manque de moyens qu'une nécessité de coordonner l'ensemble des services concourant à la formation et à la sensibilisation des personnes.

Mme Marine Jeantet. - Je rappelle effectivement que la plupart des entreprises fonctionnent bien en matière de prévention des risques et leurs employés sont formés et sensibilisés. Comme je le disais, nous n'avons des difficultés qu'avec 3 % d'entre elles qui représentent beaucoup de dépenses supportées par l'ensemble des entreprises. Pour ces entreprises, il faut des moyens significatifs et certaines ont du mal à évoluer dans la prévention : le conseil ne suffit pas toujours, il faut aussi le bâton ! Des moyens d'actions sont donc nécessaires, c'est pourquoi il faut non seulement agir sur le volet conseil mais également sur le contrôle.

M. Alain Milon. - Je vous remercie, madame la directrice, mes chers collègues. Je terminerai par cette formule : quand on fait quelque chose, on a toujours contre soi ceux qui veulent faire le contraire, ceux qui veulent faire la même chose que vous et la grande masse de ceux qui ne font jamais rien !

Je vous remercie.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12h30.