Jeudi 26 septembre 2019

- Présidence de M. Michel Magras, président -

Risques naturels majeurs dans les outre-mer (volet 2) - Audition de M. Bertrand Willocquet, directeur du département « Trois Océans » de l'Agence française de développement (AFD)

M. Michel Magras, président. - Mes chers collègues, Nous accueillons ce matin les représentants de l'Agence française de développement (AFD) afin de conclure notre cycle d'auditions sur le volet 2 du rapport sur les risques naturels majeurs outre-mer, consacré à la reconstruction résilience.

J'ai donc le plaisir de saluer M. Bertrand Willocquet, directeur du département des « Trois Océans », ainsi que M. Philippe Baumel, conseiller stratégie, partenariats et communication au sein de ce même département. Je rappelle que Guillaume Arnell ici présent est rapporteur coordonnateur pour l'ensemble de l'étude, et que nous avons désigné sur le deuxième volet le binôme rapporteur d'Abdallah Hassani, sénateur de Mayotte, ici présent, et Jean-François Rapin, sénateur du Pas-de-Calais, qui nous prie de l'excuser. Nous avons procédé depuis le début de notre travail à une vingtaine d'auditions.

Je vous annonce également la tenue d'une audition de la ministre des outre-Mer, Mme Annick Girardin, le 17 octobre prochain. Cette audition permettra à la ministre de revenir, outre sans doute un point sur la reconstruction des îles du Nord, sur tous les sujets d'actualité à la suite du comité interministériel du 18 septembre dernier.

L'Agence française de développement est l'une des institutions majeures du soutien public, à la fois banque et organisme de coopération. Son action est bien connue pour les pays en voie de développement mais beaucoup moins en ce qui concerne les outre-mer, alors que la masse financière en jeu est conséquente : en 2018, l'AFD a consacré 1,4 milliard d'euros d'engagements, soit 12 % de son activité, dans les territoires ultramarins, pour appuyer les collectivités, financer les infrastructures, et aider à préserver l'environnement.

Il était donc important de vous écouter dans le cadre de cette étude. Je vais donc vous céder la parole sans plus attendre avant que les rapporteurs, mes collègues sénateurs et moi-même vous posions quelques questions complémentaires

M. Bertrand Willocquet, directeur du département « Trois Océans » de l'Agence française de développement (AFD). - Je vous remercie pour votre invitation à nous exprimer devant vous. Nous avons pris l'habitude d'aller au-devant de la représentation nationale pour présenter nos actions. Si la part des outre-mer baisse en poids relatif dans les engagements de l'agence, celle-ci augmente cependant en valeur absolue. La très forte progression du volume des actions à l'étranger ne doit pas faire croire à un désengagement dans les outre-mer.

La question aujourd'hui est de savoir si l'agence française de développement participe à l'amélioration de la résilience des territoires. L'AFD n'intervient pas durant les catastrophes naturelles. Cependant, si elle n'est pas un acteur de l'urgence, l'AFD vient en soutien lors des crises. L'agence apporte un appui financier et/ou technique à ceux - État, collectivités territoriales, ONG - qui interviennent en première ligne lors de situations de crise, telles que des événements climatiques majeurs.

Je tiens à souligner également que, soucieuse de faire vivre la solidarité pour construire « un monde en commun », l'AFD renouvelle son cadre stratégique. « 100 % lien social » est ainsi l'un des cinq engagements clefs de l'AFD dans le cadre duquel l'agence met à la disposition des acteurs concernés son expertise en matière de développement durable, propice à la préservation de la cohésion. C'est le cas après Irma.

Plus qu'une banque, l'AFD participe à la gestion des crises en s'inscrivant dans la durée. Pour proposer des réponses pérennes aux besoins directs - notamment de reconstruction et d'aménagement -, et indirects - extension des réseaux de communication, construction de soins de santé et gestion intégrée des zones côtières -.

L'agence, forte d'un double ancrage dans les outre-mer et les États voisins, participe à une meilleure gestion régionale de l'urgence. La maille régionale apparaît comme un périmètre opportun de réponse pour endiguer ou se relever des crises qui touchent souvent simultanément plusieurs pays et territoires d'un même bassin.

Nous mettons en oeuvre une double stratégie. Le premier enjeu est d'accompagner les acteurs de l'urgence. Cela implique de prendre le relais des acteurs de l'urgence dans une démarche de reconstruction à plus long terme - ce sont les cas d'Irma et de Maria, mais aussi d'anticiper les impacts à court terme d'événements climatiques majeurs en valorisant les acteurs de l'urgence - cela fait l'objet d'un partenariat avec la Croix-Rouge.

Concernant le relais des acteurs de l'urgence, je commencerai par prendre l'exemple de l'ouragan Irma qui est passé sur les Antilles entre le 30 août et le 12 septembre de l'année 2017. L'action de l'AFD à Saint-Martin s'est faite en plusieurs temps. La première a été une phase de mobilisation. L'AFD s'est rapidement mobilisée après le passage du cyclone Irma sur les axes suivants :

- suspension des échéances des prêts accordés à la collectivité sur une période préliminaire de six mois, reconduite ;

- instruction en urgence d'un préfinancement au profit de l'Établissement des eaux et de l'assainissement de Saint-Martin de 3,6 millions d'euros (T4 2017) pour assurer une mission essentielle d'approvisionnement en eau potable ;

- réponse aux sollicitations de la collectivité dans le cadre d'un dialogue engagé un an auparavant sur le fonds de renforcement des capacités mêmes des collectivités locales (T4 2017) ;

- en parallèle, mobilisation, entre octobre 2017 et mars 2018, de 5 missions des départements techniques du siège de l'AFD (développement urbain, santé, eau et assainissement, transports) afin de participer, avec l'État, à l'évaluation des besoins prioritaires en matière de reconstruction et d'anticiper les financements à instruire lors de la phase de reconstruction (T4 2017 / S1 2018). Mission d'expertise financière et organisationnelle Ernst and Young (T1-T2 2018), qui a permis d'identifier un plan d'action de renforcement de court-moyen terme, et d'amorcer la fiabilisation de la programmation pluriannuelle des investissements. Elle a confirmé les grandes fragilités de cette petite collectivité (25 000 habitants sur 50 km²) et son incapacité à réaliser seule les travaux de reconstruction.

À cette première phase a succédé une seconde, d'appui, avec la mise en place d'un dispositif d'assistance technique multisectorielle sur 12 à 24 mois pour un montant de 1 à 1,5 million d'euros. Une assistance au pilotage et à la coordination auprès de la direction générale de la collectivité (septembre - décembre 2018) a été mise en place dans un premier temps afin de permettre une mise en oeuvre efficace de la reconstruction et un développement pérenne, un projet important de renforcement des capacités de la collectivité est en cours ;

- déployer une assistance technique renforcée au sein des services de la collectivité et de ses satellites sur une période longue. Trois experts renforceront son ingénierie pour la structuration des services, le montage de dossiers de financement européen ainsi que la qualité de services pour le secteur de l'eau et l'assainissement.

Dans un second temps, des appuis sectoriels significatifs (janvier à décembre 2019 ou au-delà) sont venus compléter avec sept composantes mises en oeuvre ou pré-identifiées pour permettre à la collectivité d'atteindre les objectifs fixés en termes de PPI, et ceux de son futur contrat de développement : expertise financière ; achats, appels d'offres et suivi des marchés ressources humaines ; aménagement urbain, développement touristique ; eau et assainissement ; réseaux numériques et électriques ; énergies renouvelables. Au-delà de l'année 2020, il faudra voir si une pérennisation de cette aide est nécessaire. Nous sommes dans un dialogue constructif avec la collectivité.

Je vous parlais d'une approche régionale de notre action, et je souhaiterais évoquer le cas du cyclone Maria. À la Dominique, ce sont 2 millions d'euros de fonds délégués de l'UE pour la géothermie, avec l'accord de DEVCO, du champ d'application de la facilité afin de financer une étude de renforcement du réseau électrique de l'île pour renforcer la résilience aux catastrophes naturelles. L'objectif : construire une ligne haute tension enterrée pour connecter les centrales hydroélectriques et géothermiques. C'est aussi une contribution de l'AFD à hauteur de 300 000 euros via l'outil FICOL à un programme porté par la CACEM (Martinique), visant à améliorer l'éclairage public grâce à l'installation de lampadaires photovoltaïques et à l'autonomisation de bâtiments publics à usage collectifs avec un équipement photovoltaïque sur huit sites. Cela permet aussi aux collectivités françaises de développer leur action de coopération décentralisée.

En République dominicaine et auprès de l'Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO), l'AFD a mis en oeuvre de la facilité Adapt'Action pour travailler avec les États sur l'adaptation au changement climatique et la résilience. L'agence a, au total, environ 4 000 000 euros consacrés à la région caraïbe.

Au-delà du relais pris après une catastrophe, le soutien aux acteurs de l'urgence s'incarne aussi dans le fait d'anticiper les impacts à court terme d'événements climatiques majeurs. Nous conduisons ainsi un approfondissement de la logique partenariale au service des acteurs de l'urgence dans les outre-mer en recherchant davantage de synergies avec les acteurs français clés sur le climat dans le cadre d'un partenariat étroit avec la Croix-Rouge.

Plusieurs acteurs expliquent l'ampleur de l'impact des catastrophes naturelles : planification de la réponse peu structurée, schémas de coordination diversement inclusifs, niveaux de capacités opérationnelles et logistiques des acteurs d'urgence fragiles, niveaux de pré-positionnement de biens humanitaires insuffisants, moyens de projection épars.

Depuis 2009, l'AFD soutient la plateforme d'intervention régionale (PIR) de la Croix-Rouge française dans l'océan Indien avec pour objectif d'améliorer la gestion des catastrophes naturelles en faveur des populations vulnérables.

En 2018-2020, l'AFD étend son soutien aux autres bassins, avec des subventions d'un montant de 8 millions d'euros sur cette période afin de :

- renforcer le positionnement des Plateformes d'intervention régionale dans leur bassin d'intervention (PIROI dans l'océan Indien, PIRAC dans la zone Amériques Caraïbe et PIROPS dans l'océan Pacifique Sud) ;

- renforcer les mécanismes de coordination nationaux et régionaux et les capacités des partenaires institutionnels et des communautés vulnérables.

Ce soutien à la Croix-Rouge passe par des actions concrètes. Tout d'abord, nous nous attachons à promouvoir l'intégration de la gestion des risques dans le contexte de catastrophes naturelles et sanitaires. Cela couvre la sensibilisation des acteurs clefs (grand public, autorités locales et nationales) grâce à des supports de communication variés (retours d'expérience, vulgarisation de recherches scientifiques, spots radios...) mais aussi l'établissement de partenariats techniques, opérationnels et institutionnels entre les acteurs concernés par la gestion des risques (États, ONG, organisations régionales, agences des Nations-Unies...).

Nous tâchons aussi de renforcer la préparation aux réponses aux crises, par l'organisation d'ateliers régionaux de renforcement des capacités de gestion des crises et des interventions logistiques avec l'équipement des unités de réponse et le pré-positionnement des stocks de matériels d'urgence (kits d'outillage, stations de potabilisation de l'eau...) dans 7 entrepôts stratégiques (Madagascar, Comores, Seychelles et La Réunion) pour couvrir les besoins initiaux de 5 000 personnes dans l'océan Indien, 4 500 dans l'Atlantique et 2 000 dans le Pacifique.

Dès 2020 commencera la construction d'un centre régional unique en son genre, le « PIROI center », lieu d'expertise, de formation et d'innovation dédiés à la gestion des risques et au changement climatique. Celui-ci sera basé à Saint-Denis de La Réunion. L'AFD a déjà contribué au financement de l'étude de faisabilité de ce centre et envisage également de soutenir sa construction dans les années à venir.

Le second pilier de notre stratégie est de prévenir durablement les crises. Il s'agit ici de déployer une stratégie de renforcement au long cours de la capacité de résilience des territoires ultramarins et repenser les solutions purement nationales au profit d'une approche régionale, mais également de mener des actions d'atténuation et d'adaptation que traduisent des mécanismes concrets que sont l'équivalent fonds Vert, l'initiative adaptation-biodiversité dans le Pacifique et le projet RESCCUE.

Prévenir durablement les aléas climatiques passe tout d'abord par le fait d'accompagner la transition écologique des Territoires français implantés au Sud ; les outre-mer peuvent devenir des démonstrateurs du développement par la résilience. Pour gérer les événements climatiques majeurs, l'AFD accompagne la transition écologique des territoires ultramarins.

Cette stratégie d'adaptation au changement climatique et d'atténuation se traduit par :

- le renouvellement du cadre stratégique de l'AFD : appropriation des ODD et des enjeux spécifiques aux PEID pour devenir la première agence « 100 % Accord de Paris » ;

- le niveau élevé, depuis 2014, des prêts consacrés à l'environnement (31 % en 2017 soit 260 millions d'euros, 25 % en 2018 soit 205 millions d'euros) ;

- le lancement d'initiatives régionales (l'initiative adaptation-biodiversité dans le Pacifique, par exemple) et de mécanismes financiers (l'équivalent fonds Vert, par exemple).

Nos actions de prévention des crises s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie régionale : les Trois Océans.

Nous avons mené une réorganisation de l'AFD autour d'un département mixte de trois « bassins régionaux » créé l'an dernier, avec des délégations régionales mixtes outre-mer/États étrangers pour mieux appréhender trois niveaux d'enjeux - le local, le national et le régional - et valoriser les territoires ultramarins dans leurs zones :

- l'océan Atlantique : Guadeloupe, Guyana, Guyane, Haïti, Martinique, Petites Antilles, République dominicaine, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Suriname ;

- l'océan Indien : Comores, Madagascar, Maurice, Mayotte, Réunion, Seychelles, TAAF ;

- l'océan Pacifique : Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Wallis-et-Futuna, Vanuatu, Fidji, Papouasie-Nouvelle Guinée, Tuvalu, Kiribati, Îles Marshall, Tonga, Samoa, Iles Cook, Niue, États fédérés de Micronésie, Palaos, Îles Salomon, Nauru, Timor Leste.

Nous menons ainsi des déclinaisons régionales d'une stratégie globale, je souhaiterais maintenant, dans le cadre des actions d'atténuation et d'adaptation évoquer plus précisément l' « équivalent fonds Vert ».

Le dispositif a été créé en 2017 à la demande du ministère des outre-mer. Il était destiné à l'origine aux collectivités d'outre-mer du Pacifique, avant d'être étendu à l'ensemble des territoires ultramarins en 2018. Il est composé de :

- un prêt à taux très bonifié à vocation environnementale (climat, biodiversité, risques naturels) ;

- en complément, une subvention d'assistance à maîtrise d'ouvrage dotée de 2 millions d'euros, octroyée chaque année, qui a vocation à financer la structuration, le suivi et l'évaluation des projets à forte valeur ajoutée climat et biodiversité, et protection contre les risques naturels majeurs.

Pour l'année 2018, le bilan dressé est le suivant :

- 56 % des engagements ont permis de financer des opérations d'aménagement urbain durable ;

- 27 % des engagements ont concerné des projets de structures de production d'énergies renouvelables ;

- le financement de projets d'assainissement et de gestion des déchets et d'écoconstruction ont mobilisé 21 % des engagements.

J'en viens à présent aux actions régionales, parmi lesquelles l'initiative « adaptation - biodiversité dans le Pacifique ». Celle-ci a pour fondement, le 12 décembre 2017, l'annonce présidentielle dans le cadre du One Planet Summit du lancement, avec l'Union européenne, d'une initiative d'adaptation au changement climatique et de protection et de valorisation de la biodiversité des 17 petits États et territoires ultramarins insulaires du Pacifique.

Les objectifs sont les suivants : promouvoir des solutions fondées sur la nature ; développer des programmes de gestion intégrée des zones côtières ; réduire les risques de catastrophes ; améliorer la sécurité civile.

Pour ce faire, l'action s'appuie une coalition multi-bailleurs alimentée par la France, l'UE et, le cas échéant, d'autres bailleurs (BM, JICA, BAsD, KfW, etc.). À ce jour, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont déjà exprimé leur intérêt pour cette initiative, même si les montants sont mesurés. Le Canada apporte également son concours à hauteur d'un million de dollars canadiens. Nous voulons aller plus loin sur ce sujet.

Le cadre d'action est régional, pour apporter des réponses à la hauteur des enjeux climatiques, parmi lesquels l'intensification des catastrophes naturelles.

Pour finir, toujours dans le cadre d'actions régionales, je voudrais évoquer le projet RESCCUE.

Initié en 2014, il vise à pérenniser la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) dans une perspective d'adaptation au changement climatique. Projet régional mis en oeuvre dans quatre pays et territoires du Pacifique Sud : Fidji, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Vanuatu, pour un montant total de 6,5 millions d'euros de subventions AFD (2014-2019) du ministère des affaires étrangères.

À Fidji, il s'agit d'activités de reforestation pour lutter contre l'érosion, plantations de mangroves face à l'érosion côtière. En Nouvelle-Calédonie, le travail est consacré au suivi de l'érosion côtière au sein de bassins versants, reboisement et lutte contre les espèces envahissantes (cerfs et cochons sauvages) sources d'impacts majeurs dans les forêts sèches et humides. En Polynésie, le projet porte sur la lutte contre l'érosion des plages et du trait de côte, l'amélioration des pratiques agricoles à l'échelle de bassins versants, la mise en place de mouillages écologiques pour la plaisance, la gestion des déchets issus de la perliculture, la restauration écologique, le reboisement, la lutte contre les espèces végétales et animales envahissantes.

Au Vanuatu, enfin, il s'agit de la rédaction et de la mise en oeuvre d'un plan d'action sur les déchets et les eaux usées, d'actions de restauration écologique et de contrôle de l'érosion des sols.

En conclusion, l'AFD tente de répondre aux acteurs de l'urgence et intervient en amont des crises : voilà son action au bénéfice de la résilience.

M. Michel Magras, président- Il me revient avant tout de vous remercier pour cet exposé très riche et vaste. Je comprends la difficulté qui est la vôtre au vu de la grande variété de missions qui vous est confiée, non seulement sur les sujets qui nous intéressent mais aussi à l'international. J'ai bien noté votre traitement régionalisé et décentralisé, au coeur de la réorganisation de l'agence. Mes collègues et moi-même avons quelques questions à poser, je donne donc la parole à Guillaume Arnell, rapporteur coordonnateur du rapport.

M. Guillaume Arnell, rapporteur coordonnateur. - Je vous remercie également pour votre intervention ainsi que l'éclairage que vous faites de l'action de l'AFD au-delà de l'aspect financier, notamment dans l'accompagnement des collectivités.

Sur le suivi de l'action de l'agence à la suite d'Irma, je n'ai pas un regard neutre, puisque l'AFD a été un acteur important sur mon territoire, Saint-Martin, depuis le passage du cyclone. J'ai donc une vision externe des difficultés que vous avez rencontrées, ainsi que de la diversité de vos missions, y compris dans des domaines plus inattendus tels que l'organisation du fonctionnement de la collectivité, tâche plus ou moins aisée.

Les bilans que nous tirons avec vous montrent qu'en situation de crise, nous avons besoin de l'ensemble des forces qui puissent nous accompagner. Cela vaut à la fois à des fins d'autocritique pour ne pas répéter les erreurs passées, grâce à un avis extérieur, mais aussi pour assister la collectivité lors d'événements tels qu'Irma face auxquels la collectivité n'a pas l'expérience requise pour réagir efficacement.

Ce que je retiens de cette action, c'est qu'il a manqué une certaine pédagogie. Était-ce toutefois à vous de le faire, ou à la collectivité ? Néanmoins, nous avons souvent ressenti la volonté d'une mainmise de l'État sur la collectivité territoriale. Nos populations ont mal perçu le fait que financer signifie ici contrôler.

Pour le travail qui a été effectué, je le salue, et espère que les fruits escomptés vont être produits, et que nous allons gagner en effectivité et professionnalisme, notamment grâce à ce que nous avons appris à vos côtés, pour que dans d'autres situations extrêmes, nous soyons en capacité d'agir d'un point de vue organisationnel, et que la reconstruction s'effectue avec un caractère durable.

M. Abdallah Hassani, rapporteur. - Je voudrais vous demander quelles sont les relations que vous entretenez avec les pays voisins des territoires ultramarins, parfois dans des situations délicates, comme les Comores ? Les aides que vous apportez sont-elles contrôlées, ou les pouvoirs publics en disposent-ils comme bon leur semble ?

Mme Victoire Jasmin. - D'après ce que je comprends, vous intervenez également sur le prépositionnement de services tels que la Croix-Rouge. Co-rapporteure du premier volet sur les risques naturels, je me souviens de nombreux intervenants nous ayant interpellé, dont la Croix-Rouge, sur le coût des moyens et équipements nécessaires pour porter secours. Ceux-ci sont soumis à de nombreuses taxes dont l'octroi de mer, malgré la mission de secours. J'aimerais savoir si vous contribuez, en plus de la formation et des autres prêts et avances pour les collectivités, au financement des secours.

Mme Vivette Lopez. - À titre personnel, j'ai été surprise de voir, lors d'un déplacement à Saint-Martin, que la reconstruction était faite à l'identique malgré les événements. J'ai également pu constater la complexité des opérations de déblaiement. On m'a, en outre, rapporté que l'aide apportée dans de telles situations, alimentaire comme vestimentaire par exemple n'était pas forcément adaptée aux conditions de vie des personnes.

M. Victorin Lurel. - J'aimerais quelques précisions. L'AFD intervient avant et surtout après la catastrophe. Je prends l'exemple de Saint-Martin, dont la collectivité n'est pas en bonne santé financière. N'étant pas une entreprise philanthropique, vous faites des prêts. Les faites-vous quelle que soit la situation financière de la collectivité ? Y a-t-il, avec le Gouvernement, particulièrement le ministère des outre-mer, un système de bonification et de subvention comme celles allouées à la Croix-Rouge ?

Aussi, vous avez des partenaires étrangers dans les trois océans. Dans la Caraïbe, des États étrangers tels que Cuba interviennent après les catastrophes, non seulement avec un service médical important, mais également dans le cadre de la reconstruction. C'est également le cas du Venezuela. Quelles sont vos relations avec ces acteurs ? En outre, d'un point de vue financier, agissez-vous aux côtés d'autres partenaires financiers de la Caraïbe, tels que la Banque de développement Caraïbe ?

J'aimerais enfin des précisions sur l'action de l'AFD en matière de géothermie à la Dominique. Vous avez alloué un prêt sur fonds délégués de l'Union européenne pour le développement de la géothermie et la révision du réseau électrique de l'île. La région Guadeloupe avait réalisé de nombreuses études auxquelles vous avez contribué, et EDF était chargée de l'exploitation de la source géothermale de Wotten Waven. Au dernier moment, EDF a renoncé pour des raisons de rentabilité insuffisante. ENGIE, contactée, a également renoncé après étude. Finalement, la Dominique s'est adressée à des compagnies américaines. Pouvez-vous expliquer ce refus français après tant d'années d'études ? Comment êtes-vous intervenus, avec quels projets ?

M. Gérard Poadja. - Je vous remercie pour votre exposé. Dans le bassin Pacifique, je ne vous ai pas entendu mentionner les îles Wallis et Futuna. Je pense pourtant que ces territoires sont soumis aux mêmes problèmes environnementaux.

Sur un autre sujet, lorsque vous parlez de la surveillance de l'érosion côtière, proposez-vous aux collectivités des règles pour éviter la reconstruction au même endroit. Je signale ce point, d'autant plus que certains projets reçoivent des aides alors mêmes qu'ils dérogent aux documents d'urbanisme ?

Victorin Lurel vient d'indiquer que plusieurs collectivités ont des difficultés financières. Avez-vous la capacité de le vérifier ? En Nouvelle-Calédonie, les collectivités, notamment les provinces, ont des difficultés. Pour les projets où elles se portent garantie, la question du financement se pose.

D'autre part, vous qui vous investissez sur les questions environnementales, avez-vous des actions en ce qui concerne le traitement des batteries usagées ?

M. Michel Magras, président. - Comme vous le constatez, l'étendue des questions posées à l'AFD est équivalente à l'étendue des missions qui lui sont confiées. Ceci m'amène à vous dire que nous réfléchissons à l'idée de mener une étude plus précise sur vos missions et l'appui que vous apportez aux collectivités.

Je voudrais ajouter aux questions de mes collègues une question sur votre réorganisation. Vous vous êtes organisés par bassins océaniques. Dans l'océan Indien, vous êtes basés à La Réunion ; où êtes-vous placés dans l'Atlantique et dans le Pacifique ? Travaillez-vous seulement depuis le territoire français, ou vous installez-vous aussi sur des territoires étrangers ?

Enfin, vous avez abordé le fonds Vert et l' « équivalent fonds Vert ». Nous vous solliciterons pour connaître le montant des fonds qui vous sont alloués par le ministère, les montants engagés ainsi que leur répartition par territoire.

M. Bertrand Willocquet. - Pour répondre à M. Arnell, il est un peu tôt pour estimer les fruits escomptés de notre action à Saint-Martin. La recherche de fonds, notamment auprès de l'Union européenne, prend beaucoup de temps. Pour le moment, l'assistance technique n'est pas aisée à mettre en oeuvre. Il faut qu'elle soit compétente et acceptée, ce qui n'est pas toujours le cas avec des équipes non-résidentes venues de métropole. Sur la question pédagogique, il me semble qu'il y ait en effet un manque - mais je ne suis pas qualifié pour le dire, cela ne relevant pas de nos missions -. C'est à l'État, et donc à la collectivité de réaliser ce travail.

Monsieur Hassani, nous avons conservé une agence par collectivité et une par pays. Nos mandats varient selon les pays concernés, ainsi que le degré d'intégration régionale des territoires ultramarins. Je tiens à vous rassurer sur le fait que nous réalisons énormément de contrôles sur les fonds alloués, particulièrement sur les pays étrangers. En effet, les territoires français sont dans un environnement juridique stable. Nous prenons, dans d'autres pays, des précautions telles que des versements directs aux entreprises pour éviter le transit par des caisses publiques. Nous avons des évaluations à mi-parcours et après les faits pour un projet sur deux. En tant qu'organisme financier, nous sommes soumis à la règlementation anti-blanchiment, financement du terrorisme et corruption ; nous avons un travail de conformité très sourcilleux sur les bénéficiaires de ces projets, qu'ils soient privés ou publics.

Pour répondre aux questions de Mme Jasmin, nous avons surtout financé des stocks de prépositionnement. Nous ne sommes pas dans la réponse immédiate aux crises et nous estimons que les ONG, dont la Croix-Rouge, sont capables d'organiser leurs secours, si besoin en faisant appel à la solidarité nationale. L'AFD agit en amont, pour fournir un socle à la réaction et permettre d'agir avant la solidarité nationale. La question de la taxation n'est pas de notre ressort, et nos subventions ne concernent pas les frais de fonctionnement mis en oeuvre.

Madame Lopez, la reconstruction à l'identique se justifie parfois par la géographie. Dans le cas de Saint-Martin, il est impossible de ne pas construire en zone littorale. La question du type de reconstruction est en revanche pertinente. Mais dans ce cas, le conflit des normes a une grande importance, à la fois en normes sismiques et anti-inondation. Je préfère, sur ce critère, laisser les experts en parler. Sur l'inadéquation de l'aide aux destinataires, la spontanéité de l'assistance populaire ne permet pas une aide adaptée. Ceci justifie le passage par de grands organismes, tels que la Croix-Rouge, qui, eux, savent l'aide requise. Le centre de formation qui sera créé à La Réunion aidera à réaliser les réponses les plus adaptées.

Monsieur Lurel, bien que nous ne soyons pas un organisme philanthropique, nous sommes un établissement public. Nous ne recherchons pas un grand taux de retour sur nos investissements, même si nous devons au titre de la loi bancaire pourvoir à nos fonds propres importants pour ne pas risquer l'insolvabilité des dettes de nos clients. Nous intervenons à la fois par des prêts bonifiés, mais aussi par une enveloppe de subventions qui nous est allouée par le ministère, pour l'assistance maîtrise d'ouvrage aux collectivités. Jusqu'il y a trois ans, c'était l'AFD qui finançait cette aide sur ses fonds propres.

M. Victorin Lurel. - Est-ce ce que vous appelez les financements « pour compte propre » ?

M. Bertrand Willocquet. - Il y a d'abord des prêts au risque de l'AFD, et à côté, des actions de renforcement de capacité des collectivités locales, qui étaient prises jusqu'à il y a trois ans sur le budget de l'AFD. Pour étendre nos capacités, le ministère des outre-mer nous a accordé cette enveloppe. Nous avons commencé avec le « fonds Vert », puis nous l'avons élargie à des investissements structurants. Ce sont des enveloppes budgétaires.

Je précise que nous n'avons jamais refusé de financer des collectivités après une catastrophe. Par exemple, à Saint-Martin, nous avons suspendu le paiement des dettes, et avancé les financements de l'État et de l'Union européenne dans les semaines ayant suivi la reconstruction. Bien sûr, nous veillons à ce que les collectivités ne se mettent pas en situation de surendettement, mais cela relève d'une logique de solidarité nationale. Nous le faisons par conviction, mais aussi par obligation règlementaire, étant contrôlés sur ces sujets.

Sur le sujet de la collaboration avec d'autres États, tels que Cuba et le Venezuela, notre coopération reste limitée, compte tenu des finances fragiles de ces États. En revanche, nous travaillons beaucoup avec d'autres bailleurs de fonds, que nous finançons et qui nous aident à financer nos projets, tels que la Banque de développement des Comores, ou la Banque interaméricaine de développement. Dans ce cadre, nos directions régionales nous permettent d'avoir une vue précise des spécificités locales. De ce fait, nous avons rajouté un directeur régional en Martinique en plus du directeur local, ainsi qu'un directeur régional à Saint-Denis de La Réunion et un autre à Nouméa en Nouvelle-Calédonie. Toutefois, la situation dans le Pacifique est plus compliquée du fait de la diversité des acteurs et de leur positionnement géographique, comme par exemple la délégation de l'Union européenne qui est située aux îles Fidji.

Sur la question géothermique, Monsieur Lurel, je n'ai pas les éléments pour vous répondre aujourd'hui. Nous sommes investis depuis longtemps sur ces types de projets.

M. Victorin Lurel. - Ce type d'étude concernait tout de même un dispositif de près de 500 millions d'euros, c'est pourquoi j'aurais désiré des précisions sur le montage et les partenariats.

M. Bertrand Willocquet. - Si je comprends bien, dans ce cas, ce sont les opérateurs techniques français qui se sont retirés, donc je ne pense pas que c'était une question de financement.

M. Victorin Lurel. - Ce projet devait également alimenter la Guadeloupe, la capacité attendue du projet étant telle qu'elle permettait la création d'un câble sous-marin entre la Guadeloupe, la Dominique et la Martinique. Cela ne s'est pas fait, malheureusement. Vous qui intervenez à travers des subventions, des dotations, sur fonds propres et pour comptes propres, vous intervenez aussi avec des fonds européens et internationaux. Vous avez également parlé de l'équivalent « fonds Vert ». Comment cela marche ? Quels sont les mécanismes d'engagement ? Comment est-il mis en oeuvre ?

M. Bertrand Willocquet. - Nous sommes en dialogue permanent avec les collectivités, ce qui est notre force. Nous réalisons un suivi annuel de leur santé financière, et nous leur proposons, selon leur programmation financière, leurs priorités, et leurs besoins en matière d'investissement, nos outils bonifiés ou non. Lorsque l'on parle de projets environnementaux, on leur propose un dispositif avec des taux d'intérêts quasi-nuls et une assistance à maîtrise d'ouvrage, ce qui permet d'aller identifier les projets, de les mettre en place, de faire une première étude de préfaisabilité... Soit l'on répond à une demande, soit l'on tente de la susciter. Comme vous le faisiez remarquer, ce sont des fonds dédiés par le ministère des outre-mer, ce qui implique une collaboration avec les préfectures sur place et la direction générale des outre-mer à Paris.

M. Michel Magras, président. - Les questions de financement des collectivités sont très importantes. Lors du vote du dernier budget, les coupes telles que l'abrogation de la TVA NPR ont créé des problèmes de redistribution de fonds, ce qui est inquiétant lorsque vous nous faites part de la quantité de blocages et d'incohérences dans la conduite de la réponse aux crises, comme à Saint-Martin.

M. Bertrand Willocquet. - Je précise que nous nous inscrivons dans le droit existant, ce n'est pas notre rôle de le modifier.

M. Michel Magras, président. - Êtes-vous donc limités par les exigences normatives et géographiques des services de l'État ? La question de l'adaptation aux outre-mer est un grand sujet, sur lequel la délégation a déjà travaillé.

M. Bertrand Willocquet. - Nous promouvons à l'étranger des normes très strictes, il serait donc malavisé de baisser la garde sur le territoire national, particulièrement dans les outre-mer. Je rappelle que nous sommes surtout concernés par le financement budgétaire, et pas la conduite au cas-par-cas de projets. Ce que l'on fait à l'étranger, en revanche, s'explique par la confiance que nous accordons, sur le territoire national, aux collectivités locales et aux services de l'État. Cela n'interdit pas de demander des améliorations, mais c'est là le rôle des élus.

Sur le sujet de la Nouvelle-Calédonie, je tiens à préciser que les îles Wallis et Futuna ne sont pas exclues du dispositif mis en oeuvre dans le Pacifique.

Pour revenir aux États étrangers, nous sommes bien plus attentifs et exigeants que la règlementation locale et d'autres bailleurs de fonds, ce qui mène parfois à notre retrait de projets. C'est pourquoi le dialogue avec les décideurs est particulièrement important, pour témoigner à quel point nous faisons confiance à leur expertise. En France, nous appliquons la règlementation nationale, qui a préséance bien que nous essayions de prendre en compte les spécificités locales. Nous relevons ainsi les aberrations, et nous restons souverains dans nos décisions.

Pour ce qui est des batteries usagées, je n'ai pas d'élément pour vous répondre. Notre financement porte surtout sur des panneaux photovoltaïques, qui ne sont pas encore arrivés en fin de vie, ce qui fait que la question de leur recyclage ne s'est pas encore posée. Toutefois, dans les études sur le bilan carbone, nous prenons en compte le coût du recyclage.

M. Gérard Poadja. - Ma question vient du fait que la question du recyclage des batteries se développe en Nouvelle-Calédonie. En effet, nous sommes sur des îles, ce qui mène à des préoccupations sur notre avenir environnemental, mais cela pose également la question du recyclage. Ainsi, pour les batteries, nous devons les envoyer en Nouvelle-Zélande, qui a mis en place les infrastructures nécessaires, mais cela suppose un coût pour nous.

À une époque, nous avions aussi planté un arbre très résineux, le pin maritime, qui représente un danger notamment avec des incendies, et il absorbe énormément d'eau dans le sol. Cela représente donc un danger pour notre agriculture. Il serait bon que l'on ait des visions sur ces sujets-là.

M. Bertrand Willocquet. - Avec les batteries, on rejoint la problématique plus générale du traitement des déchets. Des filières de retraitement doivent être mises en place, mais cela ne nous interdit pas de financer d'autres filières, telles que le photovoltaïque. Bien sûr, nous investissons énormément dans le traitement des déchets, mais les conflits de gouvernance rendent difficiles les décisions.

Pour revenir à Saint-Martin, notre agence est toujours présente sur place via la Guadeloupe et nous avons eu de nombreuses missions d'experts. Ce n'est ni un problème de moyens, ni d'organisation de l'AFD.

M. Guillaume Arnell, rapporteur coordonnateur. - C'est pourquoi je voulais préciser ma pensée. Vous vous êtes vus attribuer une mission élargie pour l'aide financière et une assistance technique. Lorsque je parle de manque de pédagogie, je sais qu'elle ne relève pas de votre compétence, mais le ressenti au sein de la population est que l'État semble avoir profité de la faiblesse de la collectivité pour recentraliser le processus. On a eu l'impression que l'assistance était aux commandes.

Je précise que nous avons avancé sur de nombreux sujets tels que les écoles grâce à votre aide, nos services ayant été déficients en la matière. Mais nos attentes en matière de montage de dossiers de fonds européens ont été déçues. Comment préfinancer dans de telles situations de faiblesse ? On nous a reproché que sur les 43 millions d'euros de fonds européens qui nous ont été alloués, seuls 18 millions ont été mobilisés, et le ministère des outre-mer nous a demandé d'accélérer le processus sous peine de recentralisation des fonds. Je n'exclus pas le fait que dans cette fragilité, il faut faire preuve d'humilité et mutualiser les compétences techniques et intellectuelles dont on dispose sur place, et vous vous êtes comme moi aux certitudes de certains qui ont retardé nos efforts de reconstruction. On comprend bien cela, mais la perte de temps est regrettable, et la population est encore en situation de fragilité. Je comprends bien, toutefois, qu'en tant qu'intervenant extérieur, vous devez adopter une position de recul, mais encore faut-il que votre aide soit facilitée, ce qui n'a pas été à la hauteur de nos attentes. L'essentiel reste, pour nous, que le territoire redémarre.

M. Bertrand Willocquet. - C'est pourquoi notre assistance à maîtrise d'ouvrage est importante, pour monter des dossiers vis-à-vis de l'Union européenne. Nos préfinancements de fonds européens ne sont pas liés à une capacité d'épargne, il s'agit uniquement d'un problème de trésorerie. Tant que le cahier des charges des fonds européens est respecté, la subvention arrive et le prêt est remboursé. Mais tant que le prêt n'est pas consenti, on court le risque que les fonds soient attribués à un autre sujet. Ceci n'est pas forcément lié à la situation financière de la collectivité locale. Si la situation est déséquilibrée, il faut bien sûr se poser la question du pourquoi.

M. Michel Magras, président. - La complexité des dossiers est un frein colossal, et un problème hélas trop récurrent.

M. Bertrand Willocquet. - Les dossiers européens sont des dossiers compliqués. Je ne suis pas sûr que le problème de complexité soit de notre fait. L'AFD va chercher chaque année près de 500 millions d'euros de fonds européens. Nous sommes le premier bailleur bilatéral, et cela est très complexe car l'Union européenne est très sourcilleuse sur les questions de redevabilité.

Notre risque d'ailleurs est important lorsque nous sommes dépositaires de ces fonds, car si le destinataire les utilise mal et qu'il est dans l'incapacité de rembourser, c'est à l'AFD qu'il revient d'éponger les dettes. Les dossiers sont donc lourds, y compris en instruction, mais c'est notre devoir d'aller chercher cet argent. L'AFD a développé cette capacité à aller chercher les fonds européens, et dans le cadre du nouveau plan financier européen, nous souhaitons pouvoir mettre en oeuvre un pilotage de ces fonds en collaboration avec les collectivités locales. Nous aurons probablement l'opportunité de vous en reparler.

M. Michel Magras, président. - Il me reste à vous remercier. Si des éléments supplémentaires venaient à apparaître avant la publication de notre rapport, vous pouvez les transmettre à la délégation.

Il est fort probable que nous nous revoyions dans les mois à venir pour donner une plus forte visibilité à ce que fait l'AFD aux côtés de nos territoires.