Jeudi 5 novembre 2020

- Présidence de M. Serge Babary, président -

La réunion est ouverte à 10 heures.

Audition de MM. Philippe Dorge, directeur général adjoint du groupe La Poste en charge des services Courrier-Colis, et Thierry Chardy, fondateur et directeur général de la startup Ma Ville Mon Shopping

M. Serge Babary, président. - Mes chers collègues, messieurs les Directeurs généraux, merci d'avoir répondu à notre invitation.

Compte tenu de la situation sanitaire et économique que nous connaissons, et notamment le « reconfinement », notre délégation a décidé d'auditionner des personnalités du monde économique au sujet des conséquences de la crise actuelle sur les entreprises et des réponses à lui apporter. Nous souhaitons vous entendre tous deux :

- M. Philippe Dorge, en tant que directeur général adjoint du Groupe La Poste en charge des services Courrier-Colis ;

- M. Thierry Chardy, en votre qualité de fondateur et directeur général de la start-up Ma Ville, Mon Shopping. Il s'agit d'une plateforme de commerce en ligne locale qui offre aux commerçants et aux petites entreprises la possibilité d'avoir une boutique en ligne et de pratiquer le click-and-collect ou la livraison par La Poste, dont vous êtes une filiale. La digitalisation des petits commerces, cruciale pour répondre aux changements de comportements des consommateurs à l'heure du numérique, est rendue d'autant plus urgente compte tenu des fermetures administratives qui frappent beaucoup d'entre eux aujourd'hui.

Pouvez-vous nous présenter la stratégie du Groupe La Poste pour encourager et accompagner les professionnels dans leurs réponses aux attentes des consommateurs dans le contexte que nous connaissons ?

Plus spécifiquement, pouvez-vous nous exposer le fonctionnement de la plateforme Ma ville, mon shopping et comment elle s'intègre dans cette stratégie ? Quelle est son évolution depuis sa création et quelles sont les actions menées auprès des commerçants suite au confinement de mars et, désormais, au reconfinement d'octobre ?

Présentez-nous aussi les éventuelles difficultés auxquelles vous êtes confrontés. Au cours de ses travaux de 2019-2020, notre délégation aux entreprises a beaucoup travaillé sur la problématique du retard pris par les TPE et PME françaises pour opérer leur transformation numérique. Afin d'accompagner les entreprises dans cette mutation, la délégation a insisté sur deux éléments essentiels : l'accès au très haut débit et l'accompagnement de l'écosystème numérique. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

J'aurai ensuite d'autres questions à vous poser ainsi que mes collègues, après votre intervention liminaire.

M. Philippe Dorges, directeur général adjoint en charge de la branche service courrier colis du Groupe La Poste. - Merci monsieur le Président, mesdames, messieurs les sénateurs, heureux de répondre à vos questions aujourd'hui.

Je suis le DGA du groupe La Poste en charge de la branche Courrier Colis, de la livraison du colis postal et de la livraison transfrontière. Notre branche a accéléré la diversification de ses activités notamment avec notre offre « colissimo » portée par le e-commerce.

Nous cherchons aujourd'hui à répondre aux besoins de la société par le service logistique numérique, avec deux axes stratégiques :

- D'abord, rester présents en proximité dans tous les territoires ; de là nous vient la confiance des Français en leur facteur ;

- Ensuite, être présents sur le numérique puisqu'il affecte toutes nos activités. Les technologies numériques viennent donc enrichir nos services.

Nous travaillons sur trois aspects :

- L'adoption du e-commerce par les artisans et les commerces traditionnels ;

- Les accompagner dans ce mouvement et les aider à se digitaliser ;

- Garantir à nos citoyens la possibilité de consommer des produits locaux : sur ce point nous avons un coup d'avance avec la neutralité carbone de notre service de livraison.

Ma ville Mon Shopping est détenu à plus de 70 % par le Groupe La Poste, le reste par son directeur général, Thierry Chardy. Nous avons souhaité mettre à disposition une plateforme de vente en ligne locale qui inclut également la solution logistique du Groupe La Poste. Cette plateforme, créée en 2017, permet de relier les commerçants locaux et leur permettre de proposer leurs produits en ligne très facilement. Cette solution peut être déployée partout, en garantissant à la fois une proximité locale et une portée nationale offerte par le Groupe La Poste.

C'est une solution pour les artisans locaux, avec un accompagnement pour la création d'une boutique en ligne, en saisissant simplement les produits qu'ils veulent mettre en ligne. S'ils ont déjà un catalogue, ils peuvent le verser directement sur la plateforme. Nous proposons aussi un parcours de commande simple pour les consommateurs et un système de paiement sécurisé avec le choix du mode de retrait :

- Le click&collect ;

- Le commerçant s'arrangeant pour faire sa propre livraison ;

- Le service « proxicours » qui est la collecte par le facteur et la livraison en J+1 ou J+2 ;

- La livraison rapide avec notre service de coursiers à vélo : Stuart.

Ces livraisons ne passent pas par le grand réseau logistique ; on est dans la proximité, les facteurs collectent les produits et le lendemain matin, les mêmes facteurs les livrent.

Dans le parcours, il y a aussi un service client disponible 6 jours sur 7 à la fois pour les commerçants / artisans mais aussi pour les consommateurs, ainsi qu'un référencement internet et des moyens de communication avec une plateforme 100 % sécurisée, conforme au Règlement général de protection des données (RGPD), où tous les utilisateurs peuvent facilement créer un compte.

Notre objectif est d'accélérer rapidement sur ce sujet. Le Groupe La Poste met à disposition des développeurs et s'apprête à répondre à des dizaines, voire des centaines de milliers de commandes en ligne.

Le Groupe La Poste a tous les atouts pour aider les commerçants avec :

- Une présence locale et une couverture nationale ;

- L'engagement des postiers, postières et surtout des facteurs qui connaissent très bien le territoire ;

- Une organisation logistique robuste avec ses filiales facteur, Stuart (livraisons express disponibles dans une centaine de territoires), Colissimo et Chronopost ;

- Un savoir-faire numérique pour aider à la digitalisation et aider les commerçants dans cet univers ;

- Un engagement du Groupe La Poste d'un point de vue technique et la volonté de pérenniser cette solution dans la durée ;

- Une position souveraine et de tiers de confiance du Groupe La Poste sans pour autant être e-commerçant.

M. Thierry Chardy, fondateur et directeur général de Ma Ville Mon Shopping -Philippe Dorges a bien décrit la plateforme. Il faut retenir qu'au départ, nous avions l'idée de digitaliser les commerces avec le but de préserver le commerce physique et adjoindre de nouveaux services numériques aux commerçants. Comment travailler via le web notre zone de chalandise ?

En tant que consommateur, vous êtes géo-localisé dans votre ville, on retrouve tous les commerces autour de vous et vous pouvez réserver le produit et le payer en magasin, choisir le click&collect ou encore demander la livraison via des solutions du Groupe La Poste (facteur, Stuart...). Il y avait une vraie difficulté pour les commerçants à gérer la livraison car cela signifiait laisser leur commerce pour envoyer des colis. Désormais, nous proposons une véritable solution avec les facteurs qui viennent directement chercher les produits en boutique, comme l'a expliqué Philippe Dorge.

Côté commerçant, nous avons imaginé un parcours simple pour la mise en ligne des produits en 5 minutes. Nous avons deux niveaux de mise en ligne avec une page simple où le commerçant référence rapidement ses produits et un mode avancé où il est possible d'ajouter plusieurs informations, comme les différents modèles disponibles ou les différentes tailles. Nous avons essayé de simplifier au maximum en proposant aussi une assistance en ligne.

M. Serge Babary, président. - Quelle est votre implantation géographique ? Comment envisagez-vous de vous développer sur le territoire national ? Avez-vous des partenariats avec les collectivités territoriales ? Par ailleur, êtes-vous partie prenante et avez-vous des liens avec les chambres consulaires comme les Chambres de Commerce et d'Industrie et les Chambres des Métiers et de l'Artisanat ? Une remarque aussi sur les clients de la plateforme, organisez-vous une formation pour les commerçants avec lesquels vous travaillez ?

En cette période particulière et lors du premier confinement, vous mettiez en place une gratuité de la commission, envisagez-vous la même facilité pour ce reconfinement ?

M. Thierry Chardy, fondateur et directeur général de Ma Ville Mon Shopping. -Pour répondre à la question de notre implantation géographique, nous rendons la plateforme accessible à tous les professionnels de France, tous peuvent se mettre en ligne. Aujourd'hui, nous accompagnons 6 000 professionnels présents dans 1 300 communes de toutes tailles. Nous avons des territoires partenaires, notamment en Loire-Atlantique, avec 15 % des indépendants qui sont digitalisés chez nous. Nous sommes également implantés dans les Deux-Sèvres et en Mayenne, et nous « attaquons » aujourd'hui la région normande. Nous sommes moins bien implantés dans le sud-est. L'idée est de pouvoir avancer à cet égard.

Nous travaillons en concluant des partenariats avec les collectivités ou les chambres consulaires. En travaillant avec les chambres, nous améliorons sensiblement la prise en main par les commerçants et artisans. Il y a deux types de professionnels : ceux avec une capacité de savoir-faire et une volonté de se numériser et ceux qui ont plus de mal à s'orienter vers le numérique et le e-commerce. Notre objectif est de dire qu'on ne peut pas laisser certains professionnels au bord de la route ; c'est pour cela que nous mettons en place beaucoup d'accompagnement en ligne et par téléphone. Nous travaillons en permanence à l'amélioration de notre parcours d'inscription pour la mise en ligne, ce qui nous permet d'accompagner les professionnels.

M. Philippe Dorges, directeur général adjoint en charge de la branche service courrier colis du Groupe La Poste. - Nous passons des partenariats toujours plus nombreux avec le réseau des CCI et des CMA avec qui nous avons noué de très bons contacts. Nous mettons à disposition des commerçants des outils de formation mais nous voulons être dans un écosystème ouvert. Nous avons un plan de communication en cours et le Groupe La Poste va mettre les moyens pour communiquer plus largement, avec éventuellement des facteurs qui délivreraient des flyers notamment.

Sur le programme « Action Coeur de ville », nous avons, avec la Caisse des Dépôts et Consignations, travaillé ce sujet. Nous présentons nos solutions à l'équipe « Action Coeur de ville » même si elles vont au-delà des 220 collectivités identifiées. La Banque des territoires subventionne déjà les collectivités qui souscriraient l'abonnement à la plateforme, à hauteur de 20 000 euros me semble-t-il.

S'agissant du modèle économique, il y a un abonnement de la chambre consulaire ou de la commune, de l'ordre de 50 centimes par habitant et dégressif par tranche. Le commerçant peut ainsi accéder à la plateforme. Nous prenons 9 % de commission ce qui se situe dans une fourchette basse pour le monde des places de marché, où la fourchette se situe habituellement entre 12 et 15 %.

J'ajoute que pendant le confinement, l'accès à la plateforme est gratuit pour les collectivités territoriales qui s'engagent ensuite à s'abonner pendant un an. En outre, la commission est nulle pour les commerçants des territoires bénéficiant déjà d'un partenariat tandis que pour les autres la commission est diminuée de moitié.

La Poste n'est ni un commerçant ni un e-commerçant mais un tiers de confiance. Les écarts de tarifs entre la plateforme et les prix constatés sur d'autres plateformes, comme Amazon, relèvent de la responsabilité des commerçants. Cette plateforme manifeste l'importance que revêt l'activité économique des zones rurales aux yeux de La Poste. Nous accordons une attention particulière à la logistique proposée par la plateforme, qui accueille non seulement des commerçants mais également des coopératives ou des associations locales. Elle répond à un besoin de lien social, à l'image de celui apporté par les facteurs auprès des Français. La plateforme permet de développer les complémentarités et d'assurer la proximité physique.

M. Thierry Chardy, fondateur et directeur général de Ma Ville Mon Shopping. - La plateforme n'est pas un outil conçu pour l'activité commerciale pendant le confinement mais un outil de numérisation des commerces qui est proposé depuis 2015. Le monde de demain devra combiner le commerce en ligne et le commerce physique afin d'assurer l'activité des villes. Nous proposons des solutions de transformation numérique dans les territoires sans concurrencer le commerce physique. Le commerce en ligne est une révolution d'une ampleur comparable à celle de la carte bancaire, à laquelle les consommateurs comme les commerçants ont souscrit. Aujourd'hui, les commerces doivent proposer aux consommateurs le paiement à distance et la livraison à domicile. L'outil numérique, qu'est la plateforme que nous proposons, est un outil pérenne qui permet au commerce physique d'approvisionner sa zone de chalandise, pas de s'inscrire dans une concurrence commerciale globalisée. Les commerçant mettent en ligne leurs produits définissent leurs prix et nous ne contrôlons pas ces éléments. Le succès est tel qu'actuellement, avec entre 1 000 et 5 000 connexions simultanées, le débit est ralenti mais cette lenteur de connexion est temporaire et sera bientôt résorbée. Avec cette plateforme, qui permet la livraison des produits locaux dans des zones rurales, La Poste réaffirme son engagement dans la cyber-économie et son ancrage dans les territoires.

Mme Nicole Bonnefoy. - Cette plateforme se veut autant rurale qu'urbaine mais elle s'appelle cependant « ma ville ». Elle semble manquer de notoriété. Quels outils développez-vous pour la faire connaître et la référencer sur internet ? Son développement territorial semble privilégier actuellement le sud-ouest. Le coût facturé aux collectivités locales de 50 centimes par habitant est dégressif selon les tranches de population, mais avez-vous imaginé un abonnement annuel avec un droit d'entrée fixe ? La commission de 9 % est-elle le seul prélèvement que vous effectuez sur l'achat ? Quel intérêt aurait un artisan à se faire référencer sur la plateforme ? Enfin, vous avez évoqué l'assistance en ligne mais allez-vous proposer des guichets physiques et comment, tout simplement, vous contacter ?

Mme Martine Berthet. - J'aurai trois questions concernant cette intéressante initiative. Quelle fiabilité garantir aux commerçants pour l'encaissement des achats effectués sur la plateforme et quel est leur traitement comptable ? Depuis le premier confinement, au printemps, avez-vous procédé à des mises à jour ? Quels sont les délais de livraison compte-tenu des recrutements auxquels vous avez procédé pour un déploiement qui privilégie les zones urbaines ou les zones rurales ?

Mme Anne Chain-Larché. - Je demeure dans la partie rurale de la région-capitale. La Région, où je siège et où je suis chargée de la ruralité, aide également à la numérisation des commerces. Comment construire un partenariat entre les régions et votre plateforme afin de favoriser cette évolution indispensable ?

M. Thomas Dossus. - Sauver les commerces de proximité est une urgence absolue. Quels sont vos délais de déploiement en zone rurale ? Pour les grandes agglomérations, avez-vous imaginé un coût dégressif ? S'agissant de la logistique, vous avez présenté le facteur comme un intermédiaire mais ne faudra-t-il pas également adapter les locaux des bureaux de poste à cette nouvelle activité commerciale ?

M. Daniel Laurent. - La Poste connaît une diminution forte et continue de son coeur de métier, l'activité postale. L'activité commerciale en croissance ne va-t-elle pas supplanter la distribution du courrier dans vos priorités ? J'ai récemment indiqué à M. Joël Giraud, Secrétaire d'État auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, que nous avions toujours besoin de services postaux de proximité et que cette activité ne devait pas être marginalisée. Je sais cependant que M. Philippe Wahl y est très attaché. Ne pourrait-on pas enfin cesser d'utiliser le « franglais » et employer les termes « place de marché » ou « cliquer et collecter » ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. - La Poste demeure un service public au service de l'égalité des citoyens, quelle que soit leur localisation. Or, les bureaux de poste ferment ou sont regroupés. Cette activité commerciale nouvelle ne doit pas se développer au détriment de cette mission traditionnelle. Je souhaite par ailleurs connaître le nombre d'emplois que vous avez créés et quelles sont les collectivités locales adhérentes à la plateforme, par département. Une plaquette de présentation serait utile. S'agissant du coût d'accès, pour un département comme le Pas-de-Calais dont je suis l'élue, avec 900 communes, un coût d'accès de 50 centimes par habitant reste onéreux. Quelle dégressivité pourrait-être proposée ?

M. Fabien Gay. - Je souhaiterais tout d'abord évoquer le cas du groupe Pages Jaunes devenu SoLocal, première entreprise disposant des données de nos TPE et PME. Après le virage du numérique, il est en train de devenir le leader des pages internet de ces entreprises, et est convoité par Google. Ne peut-on pas envisager un rapprochement avec un groupe français pour éviter un tel rachat par une société étrangère ?

J'ai également une question concernant le fonctionnement de Stuart. En effet les livreurs sont en général des salariés déguisés qui travaillent à la tâche et ne bénéficient d'aucune protection contre le licenciement.

Mme Jacky Deromedi. - Le coût de 50 centimes par habitant est-il un minimum requis ? Si la collectivité ne souhaite pas s'abonner, les commerçants peuvent-ils néanmoins bénéficier des services de la plateforme ? Enfin que recouvre le concept de « position souveraine » ?

M. Vincent Segouin. - Avant cette audition je suis allé sur votre site et j'ai constaté la lenteur du moteur de recherche, qui est loin d'être optimal pour le consommateur en quête de produits. Par ailleurs, j'ai interrogé ma commune qui a reconnu que votre plateforme proposait peu de produits et peu de réponses aux recherches lancées. Aussi je crains qu'aujourd'hui les internautes ne se tournent encore vers Amazon qui demeure la référence en termes d'efficacité.

M. Jean-Pierre Moga. - Pour les zones rurales, il est très intéressant et important de maintenir un lien social et un accès aux services. Or la Mutualité sociale agricole (MSA) propose des projets similaires ; avez-vous échangé avec ses responsables ?

M. Philippe Dorges, directeur général adjoint en charge de la branche service-courrier-colis du Groupe La Poste. - Concernant Stuart, nous établissons un suivi -comme nous l'impose le devoir de vigilance- et offrons un dialogue social avec les personnels qui y travaillent.

La plateforme n'est pas seulement une solution urbaine et peut offrir une alternative aux zones rurales. Mais pour répondre aux critiques qui sont aujourd'hui émises et que vous avez relayées, nous avons besoin de bien plus d'adhésions. Nous allons vous adresser la liste des adhérents ainsi que des brochures de présentation, en espérant que vous pourrez nous aider à promouvoir la plateforme.

Les artisans peuvent également proposer leurs productions, ils peuvent y vendre leurs oeuvres.

Nous avons une fiabilité au niveau de l'encaissement qui est certifié et le virement est immédiatement fait au bénéfice du commerçant. Il s'agit d'une solution de paiement pour « compte de tiers » : c'est comme si on créait un compte au commerçant, relié à son compte habituel, et tenant compte des délais de rétractation du consommateur. La plateforme Ma Ville Mon Shopping n'est donc jamais propriétaire des marchandises qui transitent sur la marketplace.

Pour répondre à la question relative à d'éventuelles difficultés de tri du courrier pendant la crise sanitaire, je peux vous assurer que nous avons une organisation robuste face à cette crise : des mesures barrières sont en train d'être mises en place au niveau des équipes de facteurs qui peuvent être organisées en brigades. En dehors de cela, nous assurons nos raccordements J+1 et nos raccordements aériens, nous scrutons l'absentéisme lié au coronavirus et aux personnes cas contact. Pour ce qui est de la qualité de service, nos niveaux de satisfaction clients sont bons en cette période d'état d'urgence sanitaire.

Par ailleurs, je peux vous assurer que les actions menées dans le cadre de Ma Ville Mon Shopping n'entrent pas en concurrence avec l'activité de notre réseau physique, sur lequel nous constatons par ailleurs une baisse de fréquentation de l'ordre de 15 à 20 % pour les bureaux de poste. Dans les territoires ruraux, nous allons continuer à développer les formats « facteurs-guichetiers ». Nous avons donc créés des emplois spécifiquement pour la plateforme Ma Ville Mon Shopping mais prévoyons de les doter de renforts dans le cas d'un « boom » dans la croissance de cette activité, notamment pour la collecte et la remise par les facteurs. La Poste a actuellement recours à plus de 9 000 renforts dont plus de 5 000 dans la branche courrier-colis. Nous allons vous transmettre la liste des collectivités adhérentes à Ma Ville Mon Shopping, une plaquette de présentation et le nombre de contrats signés à ce jour.

Pour répondre à la question sur l'adaptation des locaux du groupe et des modes opératoires, c'est en effet un sujet très important pour le groupe. Nous cherchons à adapter les plateformes de préparation du courrier : nous avons ainsi commandé plus de 100 caisses mobiles pour transporter le frais, et poursuivons l'adaptation logistique dans nos plateformes.

Je vous confirme par ailleurs que les délégués territoriaux de La Poste sont bien vos interlocuteurs privilégiés au sujet de la plateforme Ma Ville Mon Shopping et des chantiers du groupe en général. Nous répondons actuellement à des appels à projet dans ce cadre et sommes en discussion avec trois régions, notamment les Hauts-de-France, la région Grand-Est et la Bretagne.

M. Thierry Chardy, fondateur et directeur général de Ma Ville Mon Shopping. -Mesdames et messieurs les sénateurs, n'hésitez pas à me saisir directement pour évoquer les situations particulières de vos départements. Mme Chain-Larché, nous pourrons discuter ultérieurement en tête à tête de la situation en Ile-de France. Je souhaiterais insister sur le fait que Ma Ville Mon Shopping n'est pas une expérience de confinement, mais bien une opération que nous souhaitons pérenne car nous avons la volonté de nous attaquer à la digitalisation des PME et d'apporter ce service aux territoires et aux commerçants. Je vous remercie.

Échange de vues sur les travaux de la délégation à la suite de la réunion du Bureau

M. Serge Babary, président. - Chers collègues, passons maintenant au second point à l'ordre du jour.

L'actualité, particulièrement sombre pour nos entreprises, nous invite à considérer notre mission avec une certaine gravité. Plus que jamais, les entreprises ont besoin que nous jouions activement et efficacement notre rôle pour faire entendre leurs voix, pour répondre à leurs besoins et pour interpeller le Gouvernement et les autorités administratives quand nécessaire.

Notre première réunion de Bureau, organisée jeudi dernier, a permis d'ores et déjà d'arrêter un certain nombre de décisions et de définir des pistes d'action pour notre feuille de route, que nous souhaitons vous soumettre aujourd'hui.

Avant d'aborder les sujets de fond, nous avons rappelé les différents outils qui sont à notre disposition : auditions, tables rondes et publication de leurs comptes rendus ; éventuelles études de droit législatif comparé et travaux conjoints avec des groupes interparlementaires d'amitié ; études commandées à des prestataires extérieurs (qui ne sont pas forcément d'actualité pour l'heure car la situation de nos PME nécessité une certaine rapidité d'action) ; courriers, communiqués de presse, propositions de résolution, questions orales et écrites pour interpeller le Gouvernement ; visioconférences et questionnaires pour faire remonter les attentes des chefs d'entreprise sur le terrain.

Le Bureau a ensuite identifié un certain nombre d'événements qui pourraient constituer notre agenda pour les mois à venir :

Dès demain matin, l'audition de M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la relance, en charge des petites et moyennes entreprises. Nous l'entendrons en visioconférence de 8h30 à 10h. Certains d'entre vous l'ont auditionné en début de semaine dans le cadre des travaux de la commission des Affaires économiques mais beaucoup de nos membres appartiennent à une autre commission, cette diversité fait partie de nos spécificités, et dès lors il nous paraissait opportun de l'entendre à nouveau, sur des sujets plus larges que lors de la réunion de lundi qui était dédiée à la fermeture des commerces dits « non essentiels ». Seront évoqués demain les sujets de la relance, des charges de PME et TPE ainsi que toutes les questions que vous souhaiterez poser.

La semaine prochaine se tiendra une table ronde consacrée aux travailleurs indépendants, qui ont exprimé leur inquiétude et le sentiment d'être exclus de nombreuses aides prévues ce qui leur donne l'impression d'être « en dehors des radars ». Leur éclatement entre de nombreux statuts ne facilite par leur représentation alors que leur situation est très périlleuse sur le plan économique. Cette table ronde se tiendra le jeudi 12 novembre prochain.

Ultérieurement pourrait se tenir une table ronde sur l'état de préparation des entreprises à la crise. Toutes les confédérations et certains syndicats ont travaillé sur un protocole de fond ; la délégation pourrait s'emparer de ce sujet.

Nous pourrions également travailler sur l'accompagnement des entreprises dans la crise et surtout tirer parti du premier confinement pour améliorer la situation à venir. De nombreux sujets doivent être creusés tels que le prêt garanti par l'État (PGE) ou le chômage partiel. Seront par ailleurs traitées les nouvelles formes entrepreneuriales et managériales particulièrement d'actualité, comme le télétravail et les nouveaux usages liés à la transition numérique, mais il faudra aller plus loin que la seule constatation de leur utilisation.

Enfin, notre collègue Jacky Deromedi a accepté de réaliser une mission « flash » sur les petits entrepreneurs établis hors de France, dont la situation est parfois catastrophique.

D'autres sujets de fond ont été évoqués lors de la réunion du Bureau mais mis de côté pour l'instant, comme la santé au travail et en particulier le fonctionnement de la médecine du travail ; la situation des salariés allant vers l' « ubérisation » ; le rôle et la situation des entreprises de taille intermédiaire (ETI), eu égard à leur très grande importance économique et territoriale et à leurs particularités (ce sont très souvent des entreprises familiales et patrimoniales). Notre Bureau a évoqué toutes ces possibilités mais nous avons aussi besoin de vos idées, chers collègues, alors n'hésitez pas à nous les transmettre.

Par ailleurs, un vademecum et des infographies sur les aides aux entreprises sont en train d'être élaborés par nos services. Ce document sera proposé aux sénateurs pour que nous puissions répondre d'une façon précise et efficace à toutes les entreprises qui nous sollicitent, quelle que soit leur forme ou bien leur secteur d'activité.

Réunis le lendemain de l'annonce d'un deuxième confinement par le Président de la république, les membres du Bureau ont tous lamenté la fermeture administrative des petits commerces déjà en très grande difficulté, alors même qu'ils ont complètement joué le jeu des protocoles sanitaires. En espérant que pour les fêtes de Noël celua puisse être pratiquement réglé, ce qui est loin d'être sûr. Nous avons souhaité diffuser un communique de presse conjoint avec la commission des Affaires économiques afin de réagir à ces décisions.

En complément, j'aimerais vous proposer d'agir en leur faveur en diffusant les bonnes pratiques des élus locaux qui ont mis rapidement en place des initiatives s'inscrivant dans le cadre légal pour soutenir les petits commerces touchés par les mesures de confinement. Nous vous ferons passer une fiche d'information où vous pourrez noter ce dont vous avez connaissance sur vos territoires. Nous pourrions ensuite les relayer sur la page internet de la délégation.

Voilà, mes chers collègues, quelques éléments d'actions immédiates, un peu dans l'urgence, pour répondre à l'urgence, et « embrayer » tout de suite. N'hésitez pas à nous fournir d'autres éléments pour enrichir cette liste de propositions.

Merci de votre participation et de vos nombreuses questions à nos invités. Je note votre fort intérêt pour le sujet de la numérisation des TPE et PME. Il était fort utile de découvrir l'une des réponses proposée à ce vaste défi ; la présence du groupe La Poste y apportant un relief particulier. Nous ne manquerons pas de vous relayer les informations relatives à Ma Ville Mon Shopping qui nous seront transmises.

La réunion est close à 12 heures.

Vendredi 6 novembre 2020

- Présidence de M. Serge Babary, président -

La réunion est ouverte à 8 h 30.

Audition de M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises

M. Serge Babary, président. - Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir répondu favorablement à l'invitation à distance de la délégation sénatoriale aux entreprises. Cette délégation est constituée de 42 sénateurs, membres des différentes commissions législatives du Sénat. Certains de ces derniers vous ont entendu le 2 novembre devant la commission des Affaires économiques au sujet de la fermeture des commerces de proximité ne vendant pas de produits dits de première nécessité, pour ne pas dire essentiels. Notre délégation aimerait désormais vous entendre sur l'ensemble des problématiques intéressant les petites et moyennes entreprises (PME) et les très petites entreprises (TPE).

Le gouvernement table dorénavant sur une récession de 11 % cette année, le contexte économique est fortement dégradé et l'allongement du confinement n'est pas exclu. Alors que le Sénat s'apprête à entamer la discussion en vue du projet de loi de finances pour 2021, le gouvernement a présenté mercredi en conseil des ministres un quatrième projet de loi de finances rectificative prévoyant 20 milliards d'euros supplémentaires de soutien à l'économie, dont 10,9 milliards pour abonder le Fonds de solidarité. Si les règles et critères des différents dispositifs d'aide aux entreprises se sont assouplis, la délégation reste soucieuse de leur accessibilité réelle pour chaque artisan, indépendant, commerçant, TPE et PME.

Malgré de bonnes initiatives, dont la mise en place d'un numéro vert pour guider les dirigeants d'entreprise, des difficultés persistent, comme le temps d'attente de dix sans obtenir un interlocuteur en ligne. Par ailleurs, le plan de relance cible de manière préférentielle les PME industrielles. Pouvez-vous détailler les mesures concernant les PME non industrielles ? Je souhaiterais également que vous précisiez les modalités de la territorialisation du plan de relance. Comment les différents intervenants se coordonneront-ils ? Comment le suivi sera-t-il assuré ? La proposition de notre délégation d'intégrer des sénateurs dans les comités régionaux de suivi sera-t-elle adoptée par le gouvernement ? Merci, Monsieur le ministre, pour votre présentation liminaire et vos réponses à ces questions. Mes collègues et moi-même aurons de nombreuses autres questions à vous poser par la suite. Je vous laisse la parole.

M. Alain Griset, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Petites et Moyennes Entreprises. - Je vous remercie, Monsieur le président. Dans mes fonctions précédentes, j'avais entretenu des contacts réguliers avec Mme Lamure et votre délégation. Je vous confirme ma disponibilité quand vous le souhaitez afin de pouvoir aborder les différents sujets.

Comme confirmé une nouvelle fois hier par Olivier Véran, la circulation du virus est très importante sur notre territoire. Ce paramètre a amené le Président de la République à décider ce confinement, différent de celui du mois de mars puisque les collèges et les lycées ont été laissés ouverts bien que le ministre de l'Éducation ait indiqué hier que des modifications seraient instaurées. Naturellement, l'objectif prioritaire est de garantir la sécurité sanitaire des Français mais aussi d'éviter un effondrement de l'économie. Il est pour ce faire permis, dans des conditions sanitaires satisfaisantes, à une majeure partie de l'économie de fonctionner, en dépit de la décision de fermeture d'un certain nombre de commerces ne vendant pas des produits de première nécessité. Vous avez eu raison, Monsieur le Président, de rappeler qu'un débat s'est tenu à ce sujet avant l'annonce de la décision prise dimanche par le Premier ministre.

Concernant les mesures de soutien, nous partons du principe que les commerces fermés n'ont aucune responsabilité avérée sur la propagation du virus. Notre objectif n'est ni de les stigmatiser, ni de les accuser. Ce sont des hommes et des femmes qui, entre mars et aujourd'hui, ont investi de l'argent et pris beaucoup de précautions pour respecter les gestes barrières, notamment en fournissant du gel hydroalcoolique, afin d'adapter leur commerce. Je souhaite ici leur rendre hommage car leur situation est compliquée. Avec Bruno Le Maire, nous avons proposé au Premier ministre, au regard de cette situation compliquée, des dispositifs tout à fait inédits, extrêmement puissants et uniques au monde. Comme le Président de la République l'avait souligné dès le mois de mars, ces dispositifs ont pour objet de maintenir le tissu économique français en vue du redémarrage de l'économie lorsque la propagation du virus s'affaiblira. À cet égard, suite au déconfinement le 11 mai, la reprise économique a été plus importante que prévue. Au moins d'août dernier, l'activité économique atteignait 95 % de celle enregistrée au mois d'août 2019.

Ceci étant, je suis conscient que certains secteurs économiques sont particulièrement affectés, à savoir la restauration, l'hôtellerie, l'événementiel, la culture et le sport. En l'absence de tourisme, ces secteurs font l'objet d'un suivi particulier. J'ai personnellement reçu les représentants de l'ensemble de ces branches, à l'exemple des traiteurs. Ces derniers ont perdu 90 % à 95 % de leur chiffre d'affaires. J'ai ainsi décidé de mettre en place pour près de 200 traiteurs un suivi individualisé par les structures spécifiques de Bercy de façon à les accompagner en fonction de la situation de leur entreprise.

Plus généralement, les quatre dispositifs ayant montré leur efficacité depuis le début de la crise restent en vigueur, à savoir : le Fonds de solidarité, l'exonération des cotisations, l'activité partielle et les Prêts garantis par l'État (PGE). Je peux détailler ces quatre dispositifs et leur évolution depuis le premier confinement.

Concernant le Fonds de solidarité, deux niveaux étaient distingués. D'une part, le niveau 1 qui permettait, via le site « info.gouv », aux entrepreneurs déclarant un chiffre d'affaires en baisse de 50 %, de percevoir, en 72 à 96 heures, jusqu'à 1 500 euros. Comptabilisant 1,7 million de bénéficiaires, ce dispositif de niveau 1 a été extrêmement efficace. En accord avec les régions, un niveau 2 a par la suite été mis en place afin de concevoir un dispositif anti-faillite assez complexe, reposant sur un certain nombre de critères. Dans mes fonctions précédentes, j'avais oeuvré à la simplification de ce dernier car sa gestion par les régions le rendait, du point de vue des entrepreneurs, plus compliqué. Le constat a été clair, seulement 45 000 bénéficiaires du niveau 2 ont été recensés.

En vue de ce nouveau confinement, seul le Fonds de solidarité de niveau 1 sera utilisé, comme décidé avec le président Muselier, à part pour les discothèques. Le gouvernement a en outre décidé d'élever le Fonds de solidarité de 1 500 à 10 000 euros par mois de compensation de chiffre d'affaires non réalisé, ce qui est absolument considérable. Pour le mois de novembre uniquement, le coût de ce dispositif est évalué à 6 milliards d'euros, comparable au montant atteint entre mars et juin derniers. J'espère que ce dispositif, qui m'apparaît également comme indispensable et justifié, pourra couvrir 85 % à 90 % des indépendants, c'est-à-dire les artisans, les commerçants et les professionnels libéraux. Le critère relatif au nombre de salariés a en outre été modifié, ce dernier peut désormais s'élever à 50 contre 10 précédemment. Les limitations en termes de chiffre d'affaires ont par ailleurs été supprimées.

Une distinction entre les secteurs d'entreprise S1 et S1 bis doit toutefois être prise en compte. Le secteur S1 regroupe les entreprises les plus affectées de manière directe par la crise, à savoir celles liées au tourisme, à la culture ou au sport et celles fermées par décision administrative, pour qui il est automatiquement possible de percevoir les 10 000 euros. Le secteur S1 bis rassemble, quant à lui, les entreprises pouvant aussi bénéficier des 10 000 euros de compensation à condition de justifier d'une baisse de 50 % de leur chiffre d'affaires pendant le confinement. Pour ces entreprises, le chiffre d'affaires réalisé grâce au « click and collect » (« retrait commande ») sera décompté du chiffre d'affaires pris en compte pour bénéficier des 10 000 euros.

Les entreprises fermées bénéficieront en outre d'une exonération des cotisations sociales. L'activité partielle à 100 % est, quant à elle, garantie jusqu'à la fin de l'année et pourrait être prolongée au-delà du 31 décembre. Le gouvernement, qui mène des discussions à ce sujet, ne s'interdit pas de présenter au Parlement un projet de prolongation de cette mesure. Concernant les prêts garantis par l'État (PGE), 125 milliards d'euros des 300 milliards d'euros alloués ont été utilisés jusqu'à présent. 95 % de ces 125 milliards d'euros ont été versés aux entreprises de moins de 20 salariés. Au total, 600 000 entreprises ont bénéficié d'un PGE. L'enveloppe n'ayant pas totalement été utilisée, l'accès aux PGE est prolongé jusqu'au 30 juin prochain. Par ailleurs, dans le cadre des négociations avec les banques, ces dernières pourront accorder au cas par cas une deuxième année de différés de remboursement. À cet égard, votre concours sera extrêmement utile au gouvernement, les entrepreneurs devant signaler à la fin de la première année les banques qui imposent un remboursement immédiat au lieu d'un étalement pouvant aller jusqu'à six ans. Nous avons négocié une fourchette de taux avec les banques entre 1 % et 2,5 %, toutes garanties confondues. Le taux de 1 % s'appliquera par exemple pour l'entrepreneur choisissant de rembourser sur deux ans.

Depuis le 14 octobre, les entreprises de moins de 50 salariés peuvent bénéficier en quasi fonds propres d'un prêt participatif par l'intermédiaire de la Banque publique d'investissement (BPI) de 10 000 à 50 000 euros. Nous avons travaillé avec Bruno Le Maire pour qu'à partir du 1er janvier, les PME plus importantes puissent également bénéficier de prêts participatifs, dont les taux sont en cours de discussion avec les banques, et qui pourraient s'échelonner sur 7 ans sans rentrer dans le bilan des dettes des entreprises.

Le ministère de l'Économie travaille par ailleurs branche par branche et secteur par secteur en vue de se projeter dans l'avenir en dépit de cette crise sanitaire qui risque de durer encore plusieurs mois. Or il est extrêmement difficile pour un entrepreneur d'ouvrir et de fermer son commerce successivement. Nous oeuvrons donc à l'amélioration des garanties à la fois pour le consommateur et les salariés mais aussi pour le ministère de la Santé afin de préserver une activité économique malgré la présence du virus. Cette équation représente tout l'enjeu du travail actuellement mené avec l'ensemble des branches dans le but de déterminer les solutions et les garanties que chacune d'entre elles peut proposer.

M. Serge Babary, président. - Merci, Monsieur le ministre. Nous allons procéder aux questions.

Mme Anne Chain-Larché. - Comme vous l'avez indiqué, Monsieur le ministre, le problème risque malheureusement de se pérenniser pour quelques mois. Bien que vous ne le souhaitiez pas, l'économie est déjà pénalisée. Les commerces de proximité que vous jugez non essentiels ont fait les efforts financiers et logistiques afin d'accueillir la clientèle dans de bonnes conditions et de maintenir une activité économique a minima. Pourquoi attendre de constater que la crise sanitaire s'éternise pour prendre des décisions permettant à ces commerces de se remettre au travail ? Pourquoi attendre une fois de plus de prendre des décisions alors que vous connaissez dès à présent les conclusions de vos réflexions ?

M. Alain Griset. - Connaissant la sensibilité des entrepreneurs, Madame la sénatrice, je préfère les termes « produits de première nécessité » aux « produits essentiels ». Je reconnais totalement mon incompétence sur le plan médical mais je crois qu'aucun pays au monde n'est en mesure de mesurer avec certitude la vitesse à laquelle ce virus peut se développer, particulièrement depuis quelques semaines. Sur le plan économique, de nombreuses avancées ont été établies depuis le mois de mars en vue de mettre en place des protocoles sanitaires.

La nouvelle vague arrivant, le conseil scientifique et le conseil de défense ont considéré qu'un des moyens les plus efficaces pour ralentir la propagation du virus est la limitation des déplacements de populations. Tout en laissant une partie de l'économie fonctionner, le confinement consiste à limiter ces déplacements. Ni Bruno Le Maire, ni moi-même ne souhaitions fermer les commerces, mais je dois respecter les décisions prises, parmi lesquelles la fermeture des commerces ne vendant pas ces produits de première nécessité afin de limiter les déplacements. Face à ces décisions, nous avons instauré des mesures d'accompagnement et nous continuons de travailler avec chacune des branches professionnelles pour donner aux responsables de la santé des garanties suffisantes permettant à tout le monde de travailler. À cet égard, je ne pense pas qu'il y ait eu de retard ou d'hésitation mais une adaptation nécessaire à la situation sanitaire. La situation est identique dans tous les pays du monde et nous travaillons sans relâche en vue d'éviter à notre économie une situation dramatique. Bien que le contexte soit très difficile pour les entrepreneurs, j'insiste ici sur le fait qu'à la date d'aujourd'hui, il n'y a pas eu en 2020 davantage de défaillances d'entreprises qu'à la même période en 2019. Cette donnée indique que l'accompagnement assuré par l'État a permis de maintenir les entreprises.

Alors que les entrepreneurs font face avec courage à cette crise, notre travail consiste à les accompagner au maximum. Le numéro vert que j'ai proposé à Bruno Le Maire a été mis en place le 2 novembre. Il a pour objectif, d'une part, de renseigner les entrepreneurs sur les dispositifs de façon à ce que chacun puisse en bénéficier. D'autre part, un service d'écoute sur le plan psychologique est également proposé via ce numéro. J'ai bien noté, Monsieur le président, que des efforts restent à fournir pour réduire le temps d'attente sur cette ligne. Olivier Dussopt est aujourd'hui à Nancy pour visiter un des centres d'appel. Pour ma part, j'irai prochainement dans un autre centre, probablement géré par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf) à Douai. Nous ferons en sorte que les entrepreneurs obtiennent des réponses rapides et efficaces.

M. Serge Babary, président. - Merci, Monsieur le ministre, pour cette première réponse. Je laisse désormais la parole à Thomas Dossus puis à Michel Canevet.

M. Thomas Dossus. - En tant que sénateur du Rhône, j'entretiens des contacts fréquents avec des élus en lien avec des commerçants et des Très Petites Entreprise (TPE). Je souhaitais vous interroger sur la question des loyers commerciaux. Il semblerait que, contrairement aux petits bailleurs, les gros bailleurs entreprennent des efforts pour bénéficier du crédit d'impôt en renonçant à la perception de leur loyer. Que comptez-vous mettre en oeuvre pour inciter les petits bailleurs à faire de même ?

Par ailleurs, si le gouvernement est parvenu, de façon quelque peu absurde, à réguler dans les grandes surfaces le commerce de certains biens, qu'est-il prévu pour réguler la vente en ligne ? Cette dernière détruit en effet les commerces de proximité et crée un problème de distorsion de concurrence. Je souhaitais à cet égard connaître votre avis sur la proposition de la convention citoyenne de moratoire de construction d'es entrepôts de commerces en ligne.

J'aurais enfin une dernière interrogation concernant le plan de relance pour lequel les collectivités, à l'exemple de la métropole de Lyon, pourraient demander à être mieux associées malgré la méthode verticale choisie par le gouvernement qui pose un certain nombre de problèmes de territorialisation des aides.

M. Michel Canevet. - Comme Anne Chain-Larché l'a précédemment souligné, une certaine incompréhension a gagné les territoires suite à l'obligation de fermeture des commerces de prêt-à-porter, alors que la vente de textile n'apparaissait originellement pas dans le décret régissant les différentes activités appelées à être suspendues. J'ai toutefois bien compris qu'une décision avait été prise à ce sujet par Matignon. Des adaptations, notamment par action des préfets, sont-elles envisageables pour les commerces dans lesquels les mesures sanitaires sont respectées ainsi que dans les territoires peu affectés par l'épidémie, à l'instar de la Bretagne ?

Je voulais également attirer votre attention sur le cas des commerces récemment installés. Beaucoup d'entreprises d'indépendants créées en début d'année ne peuvent bénéficier d'aucune indemnisation, faute de référence à une activité antérieure. À propos des exonérations de cotisations sociales, je souhaitais m'assurer que ce dispositif concernait aussi les indépendants et les gérants non-salariés en cas de baisse significative du chiffre d'affaires. Enfin, je voudrais savoir si les clubs de sport étaient éligibles à l'indemnisation de chômage partiel, les dirigeants du club de basket de Quimper m'ayant indiqué ne pas pouvoir en bénéficier malgré la perte de leurs recettes.

M. Alain Griset. - Monsieur le sénateur Canevet, l'étendue des questions que vous soulevez démontre la diversité des sujets et des secteurs sur lesquels nous travaillons pour essayer de trouver des solutions adaptées. En ce qui concerne les clubs de sport, s'il s'agit d'une association, ces derniers peuvent bénéficier de l'activité partielle.

M. Michel Canevet. - Non, Monsieur le ministre, il s'agit d'une entreprise.

M. Alain Griset. - Ce statut est d'autant plus avantageux. À ma connaissance, qu'il s'agisse d'un club de sport ou d'une structure exerçant une activité économique de quelque sorte, ces organisations sont éligibles à l'activité partielle. Concernant les exonérations de cotisations sociales, je vous confirme qu'elles s'appliquent à tous les acteurs soumis à une fermeture administrative, comme au mois de mars. Précisions toutefois que cette exonération, qui relève du dispositif dépendant des Urssaf, sera visible sur le plan financier en 2021. Néanmoins, le gouvernement a demandé à ces derniers de faire preuve d'ouverture d'esprit à l'égard des entreprises en difficulté en leur accordant des délais de paiement.

Vous m'avez interrogé sur les difficultés rencontrées par le secteur du textile. De nombreuses discussions se sont tenues à ce sujet. La fermeture des magasins de vêtements se justifie par le risque de propagation du virus via les essais et les échanges de vêtements entre différents consommateurs. Comme vous l'avez signalé, un travail sera effectué avant le 12 novembre et au regard de la situation sanitaire afin de déterminer si certains métiers peuvent envisager une reprise d'activité. J'ai conscience à cet égard que la période de Noël est fondamentale en termes de chiffre d'affaires pour un grand nombre d'entreprises, à l'exemple des bijoutiers et des parfumeries. J'ai cependant peu d'espoir qu'une ouverture élargie à de nombreux commerces soit décidée le 12 novembre. Nous travaillons secteur par secteur et branche par branche dans le but de soumettre prochainement au ministère de la Santé des propositions ciblées.

Monsieur le sénateur Dossus, dès ma nomination début juillet, j'ai été alerté par de nombreuses branches sur la question des loyers commerciaux. Le précédent dispositif régi par les départements n'ayant pas produit les résultats escomptés, j'ai pris l'initiative de reprendre les discussions avec les différentes parties en recevant trois fois les bailleurs, notamment aux côtés des représentants des locataires à deux occasions. La question des loyers est difficile en raison de la diversité des bailleurs, de par leur taille, leurs moyens et leur catégorie. À l'issue de ces concertations, j'ai proposé à Bruno Le Maire et au Premier ministre un dispositif à partir duquel l'État compensera en crédit d'impôt les bailleurs renonçant au moins à un mois de loyer sur les trois mois d'octobre, novembre et décembre. La compensation en crédit d'impôt s'élèvera à 30 % du montant du loyer. Le Parlement a en outre voté en faveur de la reconduction du dispositif permettant d'éviter l'expulsion du locataire. Néanmoins, d'après les représentants de l'hôtellerie et de la restauration, ces dispositifs s'avèrent insuffisants. Nous envisageons donc de proposer au Parlement des dispositifs plus contraignants à l'égard des bailleurs.

Permettez-moi de mentionner un autre sujet présentant de grandes difficultés, à savoir la question des congés payés sur l'activité partielle qui pose des problématiques financières pour beaucoup d'entreprises. Élisabeth Borne conduira des concertations entre les organisations syndicales et patronales afin d'aborder cette question.

Au sujet de la vente en ligne, il me semble vain de vouloir nier l'évolution technologique. Non seulement de nombreux dispositifs technologiques permettent aujourd'hui cette vente en ligne mais aussi de nombreux consommateurs l'utilisent. Notre objectif prioritaire est ainsi de permettre aux entreprises, quelle que soit leur taille, de s'approprier les outils permettant de développer leur chiffre d'affaires grâce à la vente en ligne, tout en maintenant le commerce physique. Le commerce physique étant indispensable à la vie sociale et à l'aménagement du territoire, la vente en ligne ne peut qu'être une activité complémentaire. À cet égard, contrairement à ce qui est généralement admis, le commerce en ligne en France est opéré à 70 % par des plateformes françaises.

Concernant les entrepôts des entreprises de commerce en ligne, aucune décision arbitrée n'a pour l'heure été prise sur le projet de moratoire de la convention citoyenne. Néanmoins, le Premier ministre a pour sa part présenté un projet de moratoire sur l'extension de l'implantation de la grande distribution. Ces sujets sont actuellement discutés et feront l'objet de décisions dans les prochains mois.

À propos du plan de relance, je tiens à ce que les très petites entreprises puissent bénéficier des dispositifs prévus. Notre objectif est de rendre ces derniers visibles et accessibles. Il ne fait aucun doute que l'économie n'existe pas sans les territoires ou sans le concours des collectivités. Le plan de relance doit ainsi être travaillé sur les territoires avec les élus locaux, y compris les sénateurs.

M. Serge Babary, président. - Merci, Monsieur le ministre. Compte tenu des nombreuses demandes de questions, je demanderai à chacun d'être assez rapide. Je laisse la parole à Jacky Deromedi puis à Martine Berthet.

Mme Jacky Deromedi. - Monsieur le ministre, allons-nous parvenir à aider les entrepreneurs français établis à l'étranger ? Leur situation est désormais dramatique. Ils n'ont bénéficié d'aucun soutien alors qu'ils représentent 25 % à 30 % de notre commerce extérieur. Les entreprises françaises à l'étranger sont, en principe, des sociétés de droit local. Il est toutefois possible de s'assurer de la nationalité de l'entrepreneur si celui-ci est inscrit au registre des Français établis à l'étranger. Nous demandons des avances remboursables afin d'éviter un retour en France de ces entrepreneurs, ce qui pèserait davantage sur le budget de l'État.

M. Gilbert-Luc Devinaz. - J'ai été interpellé hier par des élus de la zone rurale de l'ouest lyonnais sur la question de la fermeture des restaurants dans leur secteur où le reste de l'activité économique dépend de l'ouverture des restaurants à l'heure du déjeuner.

Par ailleurs, on assiste sur la métropole de Lyon à une restructuration de grands groupes industriels, comme General Electric, risquant de créer des départs vers des pays où la main d'oeuvre et l'ingénierie sont moins coûteuses. Vos services établissent-ils une analyse des conséquences en France de ces restructurations ?

M. Olivier Rietmann. - Mes questions sont d'ordre pratique et concernent quatre différentes corporations. Premièrement, les exploitants de sapins de Noël pourront-ils exercer leur activité cette fin d'année ? Deuxièmement, un arbitrage a-t-il été rendu au sujet des auto-écoles qui demandent à bénéficier de la fermeture administrative ? Ces dernières ne peuvent en effet pas survivre financièrement en assurant le passage du permis de conduire sans dispenser de cours de conduite. Troisièmement, un arbitrage a-t-il également été rendu en ce qui concerne les grossistes de boissons, apparemment exclus de nombreux dispositifs d'État ? Enfin, quatrièmement, que peut-il être mis en oeuvre pour garantir la prise des repas dans de bonnes conditions des salariés et ouvriers du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) en l'absence des restaurants ?

Mme Martine Berthet. - Des adaptations sont-elles envisageables pour certaines filières particulièrement affectées par le ralentissement de l'économie à l'approche de l'hiver et des fêtes de fin d'année ? Je relaie notamment les inquiétudes qui prévalent au sein de la filière hélicicole, où la question de l'écoulement de la marchandise se pose, ainsi que pour la filière hôtelière et commerciale en stations de sports d'hiver.

M. Alain Griset. - J'essayerai d'être concis malgré la diversité des sujets qui caractérise la forte attente des professionnels de nombreux secteurs.

Monsieur le sénateur Rietmann, de nombreuses concertations sont en cours au sujet des auto-écoles. Le ministère de l'Économie souhaite, pour sa part, leur permettre de dispenser des cours de conduite. J'ai en tous les cas déclaré devant l'Assemblée nationale que les auto-écoles devraient être en fermeture administrative à partir du moment où elles ne sont pas en mesure d'assurer ces cours. Concernant les sapins de Noël, un arbitrage devrait être rendu pour permettre la mise en place de points de distribution, notamment dans les jardineries, les marchés de plein vent et les parkings de la grande distribution. Par ailleurs, il me semble que les grossistes de boissons appartiennent à la catégorie S1 bis, les rendant éligibles aux dispositifs relatifs à cette dernière.

À propos de la prise des repas dans le secteur du BTP, la position sur les bars et les restaurants, défendue par les responsables du ministère de la Santé et du corps médical, reste très ferme. Je suis malheureusement contraint de vous annoncer que, dans l'immédiat, aucune réouverture de restaurant n'est envisagée, quelles qu'en soient les raisons.

La restructuration de General Electric est un dossier suivi au quotidien par ma collègue Agnès Pannier-Runacher. Outre le groupe, cette restructuration affectera l'ensemble des sous-traitants. Nous travaillons actuellement dans le cadre du plan de relance sur l'accompagnement des filières industrielles particulièrement impactées, dont l'aéronautique et l'automobile.

Madame la sénatrice Berthet, le confinement a pour le moment été annoncé par le Président de la République jusqu'au 1er décembre. J'espère, sans aucune garantie, que nous sortirons de celui-ci après cette date. Le cas échéant et avec beaucoup de précautions, l'activité économique propre à la saison hivernale pourrait reprendre bien qu'elle s'annonce difficile. Tous les dispositifs seront mis à la disposition de l'ensemble des acteurs des stations de sport d'hiver et un accompagnement spécifique sera prévu en cas de grandes difficultés. Quant à la filière hélicicole, mon collègue Julien Denormandie suit ce sujet. Nous tenons une réunion hebdomadaire avec les partenaires du secteur agricole ainsi que le ministre de l'Agriculture et la ministre déléguée auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance chargée de l'Industrie.

Madame la sénatrice Deromedi, les PME françaises à l'étranger font partie du plan de relance, l'État ayant restructuré depuis 2017 les outils pour les entreprises à l'export en vue de les accompagner. Ces dispositifs nous permettent de surveiller de près la situation de ces entreprises, ce que je ferai avec attention dans les semaines à venir aux côtés de mon collègue Franck Riester, chargé du Commerce extérieur.

Mme Marie-Christine Chauvin. - Monsieur le ministre, je crains les conséquences de la détresse morale dans laquelle se trouvent les artisans et les commerçants. Il m'apparaît nécessaire de redonner confiance en envoyant des messages très clairs. Je tiens à insister sur le soutien moral qui est aussi important que le soutien financier. Par ailleurs, bien que vous souhaitiez développer le commerce en ligne, celui-ci reste compliqué en milieu rural où le débit Internet est faible et où les clients n'ont pas la maîtrise de la pratique du numérique.

M. Fabien Gay. - Une entreprise ayant déjà contracté un PGE entre mars et juin pourra-t-elle en contracter un deuxième ? La presse rapporte ce jour l'existence d'une fraude massive au chômage partiel à hauteur de 255 millions d'euros. Quels moyens supplémentaires vont être mis en place pour contrôler l'activité partielle ? Par ailleurs, comment peut-on définir qu'une activité est essentielle ou non essentielle ? La question revêt une dimension politique et philosophique. Enfin, les GAFAM vont-ils voir leurs impôts de production allégés ? Il s'agirait pour l'État de récupérer l'argent de l'évasion fiscale pratiquée par ces multinationales, mais aussi de les priver des dispositifs d'exonération fiscale comme le Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

M. Jacques Le Nay. - Je souhaiterais vous faire part d'un état d'esprit qui remonte du terrain. En privilégiant la fermeture de certains commerces, les autorités provoquent mathématiquement une concentration des déplacements et de la présence physique dans un nombre restreint de surfaces commerciales, risquant de favoriser la propagation du virus. Il n'a, à cet égard, jamais été démontré que les petits commerces ont constitué un vecteur de propagation du virus. Par ailleurs, pouvez-vous nous indiquer si les coiffeurs à domicile peuvent continuer à exercer ?

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Comment justifier d'un point de vue sanitaire et économique la fermeture des petits commerces au profit des grandes surfaces ? Une taxe sur les bénéfices des plateformes en ligne comme Amazon est-elle envisageable afin d'être reversée pour aider les petits commerçants ? Quel rôle comptez-vous jouer vis-à-vis des assureurs ? Les assureurs de certains petits commerçants ne semblent pas vouloir prendre en charge les problématiques des loyers et des pertes d'exploitation. Pouvez-vous nous préciser les dispositifs du suivi individualisé mis en place pour les traiteurs ?

M. Alain Griset. - Madame la sénatrice Apourceau-Poly, il convient de rappeler que le ministère de l'Économie n'envisageait pas la fermeture des commerces ne répondant pas aux produits de première nécessité. La situation sanitaire est telle qu'après discussions et débats, une décision a été prise pour tenter de ralentir la propagation du virus. Je ne peux qu'appliquer cette décision en essayant de mettre en oeuvre des mesures permettant de compenser au maximum la perte financière des professionnels. Je connais l'envie de travailler et la détresse de ces derniers face à cette situation.

Le code d'activité des traiteurs est le 5621Z. Or la majorité des traiteurs en France exercent une spécialité qui leur octroie un autre code NAF ou APE. Seuls les traiteurs figurant dans la catégorie 5621Z ont pu être identifiés dans un premier temps. En outre, le Fonds de solidarité était originellement limité à dix salariés avec un chiffre d'affaires et beaucoup de traiteurs disposaient de plus de vingt salariés, les écartant du dispositif. C'est pourquoi, nous avons rehaussé le seuil limite à cinquante salariés et supprimé les critères du chiffre d'affaires et du revenu de l'année précédente qui constituaient des blocages. N'hésitez pas, Madame la sénatrice, à me transmettre les coordonnées d'un traiteur qui ne serait pas suivi. Le ministère le contactera.

Depuis le début de la crise, il convient de reconnaître que les assureurs n'ont pas fait preuve d'une grande habileté, notamment en termes de communication, alors qu'ils ont contribué au Fonds de solidarité à hauteur de 400 millions d'euros. Aujourd'hui, leur contribution aux différents dispositifs est à hauteur de 2,3 milliards d'euros. Il n'empêche que de nombreux professionnels considèrent que les assureurs n'ont pas tenu leurs engagements, particulièrement sur la question des pertes d'exploitation. Par conséquent, de nombreuses procédures sont en cours devant les tribunaux. Parallèlement, nous menons avec Bruno Le Maire des négociations auprès des assureurs afin d'instaurer dès l'année prochaine dans les contrats une partie « assurance pandémie ».

Si Amazon représente un acteur essentiel, je rappelle qu'il réalise moins de 30 % du commerce en ligne en France et que nous restons vigilants pour préserver l'activité des acteurs français. Monsieur le sénateur Gay, le gouvernement français est aujourd'hui en Europe le gouvernement le plus en pointe au sujet de la taxation de l'optimisation fiscale des GAFAM. Nous espérons qu'une prochaine décision de la Commission européenne contraindra ces entreprises gagnant beaucoup d'argent à contribuer à la solidarité nationale.

Monsieur le sénateur Le Nay, les professionnels de la coiffure et de l'esthétique ont reconnu que les conditions sanitaires inhérentes à la coiffure à domicile étaient significativement moins satisfaisantes que celles en salon. Compte tenu de ces considérations sanitaires et du point de vue de l'équité, la coiffure à domicile n'a pas été autorisée.

Il est vrai que la fermeture de certains commerces générait un atout pour la grande distribution, d'où l'équité de traitement décrétée par le Premier ministre en demandant la fermeture des rayons de produits non considérés comme de première nécessité. Les dirigeants de la grande distribution sont, en outre, prévenus que le gouvernement sera extrêmement sévère en cas de non-respect des jauges. Des contrôles sont mis en oeuvre en ce sens.

Je reconnais que la détresse morale gagne de nombreux commerçants. Je connais de surcroît de nombreux secteurs, dont celui de la coiffure, pour lequel le Fonds de solidarité à 10 000 euros additionné à l'exonération des cotisations sociales permettra à ce secteur de sortir de cette crise sans perte de chiffre d'affaires. À cet égard, les organisations professionnelles de la coiffure et de l'esthétique nous demandent une ouverture à partir du 1er décembre. Le ministère de l'Économie étudiera cette demande en accord avec le ministère de la Santé.

Je suis conscient des difficultés qui persistent dans les « zones blanches » pour accéder au réseau Internet. C'est pourquoi, le gouvernement maintient une position particulièrement proactive pour accélérer la couverture de l'ensemble du territoire.

Concernant, le PGE, les entrepreneurs n'ayant pas réalisé 25 % de leur chiffre d'affaires pourront contracter un second PGE jusqu'au 30 juin prochain.

La fraude au chômage partiel peut apparaître importante, mais elle est en réalité faible par rapport au nombre d'entreprises qui ont bénéficié de ce dispositif. Muriel Pénicaud avait à cet égard décidé d'affecter un certain nombre de contrôleurs en vue de sanctionner les entreprises susceptibles de tricher avec ce dispositif extrêmement important pour les salariés.

M. Serge Babary, président. - Monsieur le ministre, merci d'avoir répondu à cette multitude de questions qui caractérisent la difficulté du moment ainsi que la relation constante que les sénateurs entretiennent avec les entreprises sur notre territoire. J'ai pour ma part bien noté votre appel à vous faire remonter les cas particuliers qui sont propres à cette situation. Je réitère cet appel à mes collègues de la délégation.

M. Alain Griset. - N'hésitez pas, Mesdames et Messieurs les sénatrices et sénateurs, le ministère de l'Économie est totalement à votre écoute.

La réunion est close à 10 heures.