Mercredi 20 janvier 2021

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 8 h 35.

Proposition de loi visant à renforcer le droit à l'avortement - Examen des amendements de séance

Mme Catherine Deroche, présidente. - Sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à renforcer le droit à l'avortement, il n'y a pas d'amendements de séance, mais une motion n°  1 tendant à opposer la question préalable, déposée par Mme Imbert et les membres du groupe Les Républicains.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Avis défavorable à cette motion, par cohérence avec la position que je défends dans mon rapport, où je soutiens la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale. Il y a encore des progrès à faire pour garantir à toutes les femmes l'accès à l'interruption volontaire de grossesse (IVG), et le Sénat est compétent pour débattre de ces propositions.

Mme Michelle Meunier. - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ne votera pas cette motion. Aussi bien dans notre commission des affaires sociales que dans l'hémicycle, nous avons à coeur le débat, la discussion, pour faire évoluer, pour amender. Sur ce texte, comme sur tous les autres, il serait vraiment dommage de se priver d'améliorations.

M. Daniel Chasseing. - Je ne voterai pas la prolongation à quatorze semaines, mais je pense qu'on peut en parler. Je ne suis donc pas favorable à cette question préalable : même si l'on n'est pas d'accord avec cette proposition, on peut en débattre.

Mme Raymonde Poncet Monge. - Le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires votera contre cette motion. Dommage qu'elle ne soit pas défendue, car je ne comprends pas bien ses motivations. Pourquoi nous empêcher de faire en séance plénière ce que nous avons fait en commission ? Pour moi, ce texte constituerait un progrès pour le droit réel - et non pas, bien sûr, pour le droit à l'IVG, sur lequel le débat est clos depuis 45 ans. Il s'agit de rapprocher le droit réel du droit fondamental et formel. Cela mérite une discussion article par article. Nous voterons contre cette motion, sans comprendre d'ailleurs ce qui la motive.

M. Olivier Henno. - Le groupe Union Centriste votera cette motion. Je suis favorable à l'IVG mais le délai de douze semaines stabilise cette question. L'étendre à quatorze semaines ne sert pas forcément cette cause.

Mme Corinne Imbert. - J'ai déposé cette motion au nom du groupe Les Républicains parce que nous sommes attachés au droit constant sur ce sujet. Le débat sur l'IVG a eu lieu aussi à d'autres moments, lors de l'examen d'autres textes. L'allongement de deux semaines vise à répondre à un petit nombre de situations, puisque 95 % des femmes qui ont recours à l'IVG dans notre pays le font avant la dixième semaine. Nous avons recueilli l'avis de l'Académie de médecine, rendu en septembre, et défavorable. Une majorité de gynécologues sont également défavorables à l'allongement de ce délai. Et la quatorzième semaine, c'est le moment où les organes sexuels du foetus commencent à se différencier... Bref, le délai de douze semaines nous paraît raisonnable.

Pour autant, nous n'ignorons pas que certaines femmes peuvent se trouver confrontées à la limite de ce terme. Il faut plutôt développer la prévention, et faire en sorte que le délai proposé à une femme pour réaliser une IVG ne soit pas trop long. Cela pose la question des moyens et, comme Laurence Rossignol l'a rappelé, la fermeture des maternités a fait que, depuis vingt ans, un certain nombre de centres d'IVG ont disparu. En France, quasiment une grossesse sur quatre se termine par une IVG.

Sur la clause de conscience, je vous renvoie également à l'avis du Comité consultatif national d'éthique, qui dit que la clause de conscience spécifique - un compromis de la loi Veil de 1975 - n'est pas un frein à ce que les IVG soient refusées par les médecins. Si on prolonge de deux semaines, davantage de gynécologues-obstétriciens mettront en avant la clause de conscience. Quant à l'IVG instrumentale réalisée par des sages-femmes jusqu'à la dixième semaine, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoit son expérimentation pour trois ans. Laissons cette expérimentation se dérouler avant de légiférer. D'ailleurs, celle-ci ne fixe pas de délai pour cette possibilité.

Bref, pour des raisons médicales, des raisons éthiques, et des convictions aussi, nous manifestons notre opposition à ce texte, qui n'est évidemment pas une opposition à l'IVG - il ne s'agit pas de relancer un débat qui est aujourd'hui dépassé. L'IVG est un droit fondamental auquel nous sommes attachés. Il correspond aux besoins des femmes, et ce n'est jamais un choix facile : une IVG laisse toujours des traces dans l'histoire d'une femme. Notre groupe est satisfait du droit actuel en matière de délais, et le défend.

M. Martin Lévrier. - Il suffit de voir le temps que notre collègue a pris pour nous donner des explications, très intéressantes et que je comprends parfaitement, pour voir que le débat aurait mérité d'être tenu dans l'hémicycle, de la même façon qu'il l'a été dans notre commission, où il a été très apaisé et très fructueux.

Notre groupe aurait plutôt voté cette proposition de loi. À titre personnel, j'aurais voté contre, mais j'aurais aimé pouvoir m'en expliquer de façon intelligible et, j'espère, intelligente ! Je regretterai toujours ce genre de motion, qui empêche le débat et nuit au bicamérisme. Notre devoir est de montrer à la France entière qu'au Sénat, nous savons argumenter, que nous aimons la controverse et que nous la respectons, car elle fait avancer le débat.

Il est bien évident qu'il n'est pas question de remettre en cause l'IVG. Sur ce point, nous sommes tous d'accord. Mais cette loi mérite un débat, parce qu'elle propose une solution qui, selon moi, n'est pas la bonne. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour aider les femmes confrontées à ce genre de problème : on ne peut pas dire que le débat est clos.

Mme Véronique Guillotin. - Mon groupe s'opposera à la motion, puisque nous ne votons jamais les questions préalables. Le vrai sujet, à mon avis, est de garantir aux femmes l'accès à l'IVG, et surtout de renforcer la prévention. Avec ce texte, on cherche à étendre le délai, peut-être pour rattraper quelques points de pourcentage de femmes qui ont encore des difficultés, et qui partent à l'étranger, ce qui occasionne une rupture sociale. Cette solution n'est pas la bonne, mais le débat aurait peut-être permis de faire émerger des propositions alternatives.

Sur la double clause de conscience, je suis de l'avis de Corinne Imbert. Sur l'IVG instrumentale, pourquoi ne pas attendre la fin de l'expérimentation ? Je n'ai pas d'avis tranché sur le sujet. Si la sécurisation est optimale, et que les sages-femmes sont prêtes à le faire, je n'y vois pas d'obstacle. Nous sommes donc contre la motion, même si notre groupe n'aurait sans doute pas voté unanimement pour cette proposition de loi. À titre personnel, je partage la position de Corinne Imbert.

Mme Émilienne Poumirol. - Les interventions qui précèdent montrent bien que le débat aurait été intéressant ! Votre premier argument est que cela ne concerne que 2 000 femmes en France. Certes, c'est un petit nombre, mais le vécu correspondant, avec les difficultés matérielles et psychologiques auxquelles ces femmes doivent faire face, pose un problème important.

Vous avez invoqué l'avis de l'Académie de médecine. On aurait pu citer aussi l'avis du Conseil consultatif national d'éthique, qui dit que la prolongation du délai de deux semaines ne pose pas de problème d'éthique, et n'expose pas à des complications médicales plus importantes. Il est vraiment dommage que nous ne puissions pas avoir ce débat, car des améliorations importantes peuvent être faites. La réalité, sur le terrain, est que l'accès à l'IVG n'est pas facile en France : ce n'est pas un droit réel, mais un droit théorique. Nous sommes opposés à cette motion.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je rappelle qu'il y aura tout de même une discussion générale, pendant un peu plus d'une heure, puis la présentation de la motion, avant qu'un orateur s'exprime contre, et que chaque groupe, s'il le souhaite, fasse une explication de vote.

Mme Laurence Rossignol, rapporteure. - Trois précisions. Sur l'extension de l'IVG instrumentale aux sages-femmes, si nous avions eu un examen classique de la proposition de loi, j'aurais moi-même proposé un amendement de suppression de l'article en question, parce que la proposition de loi et la loi de financement de la sécurité sociale se sont croisées. La proposition de loi a été adoptée à l'Assemblée nationale avant que la loi de financement de la sécurité sociale le soit. On peut toutefois considérer que c'est le fait que l'Assemblée nationale avait adopté cette proposition de loi, avec cet article, qui a incité à introduire cette mesure, à titre expérimental, dans la loi de financement de la sécurité sociale...

Puis, Corinne Imbert a dit que nous en avons déjà discuté. Oui et non. Oui, nous en avons discuté à l'occasion d'amendements portés par des collègues soit de mon groupe, soit du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste. À chaque fois, on nous a dit qu'on ne pouvait pas discuter de ce sujet par le biais d'un amendement ! On ne peut pas jouer sur les deux tableaux.

Enfin, la discussion a eu lieu en commission. Elle aurait pu avoir lieu dans l'hémicycle. Elle n'aura pas lieu. Pour moi, ce qui compte, c'est que la proposition de loi soit examinée par le Sénat. J'aurais préféré qu'elle soit adoptée. Elle ne le sera pas, mais l'Assemblée nationale pourra reprendre le texte et la navette parlementaire se poursuivra. Mon but est qu'elle aboutisse et que ce texte soit voté. Ainsi, le Gouvernement entendra la voix de la majorité de l'Assemblée nationale et, d'un certain point de vue, celle des citoyens.

La commission émet un avis favorable à la motion n° 1 tendant à opposer la question préalable.

Proposition de loi relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans - Examen des amendements de séance

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons à présent les amendements de séance sur la proposition de loi de M. Rémi Cardon et plusieurs de ses collègues relative aux droits nouveaux dès dix-huit ans.

Article additionnel après l'article 1er

Mme Monique Lubin, rapporteure. - L'amendement n°  rectifié est irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution, puisqu'il porte sur le Parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie, sur lequel le texte ne comporte aucune disposition, pas plus que sur la Garantie jeunes.

L'amendement n° 1 rectifié est déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.

Pétition demandant la désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l'allocation aux adultes handicapés - Communication de M. Philippe Mouiller

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous allons écouter une communication de Philippe Mouiller sur les suites qui pourraient être réservées par notre commission à la pétition déposée le 10 septembre 2020 sur la plateforme du Sénat et demandant la désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Cette pétition avait recueilli près de 67 500 signatures hier soir. Le délai est de six mois, et la fin de la pétition est donc fixée au 10 mars. Sans doute aura-t-elle alors un nombre encore plus important de signataires. Le seuil est de 100 000. Je rendrai compte des décisions de notre commission à la Conférence des présidents cet après-midi.

M. Philippe Mouiller. - Le 13 janvier dernier, le président du Sénat a écrit à notre présidente Catherine Deroche pour lui demander que notre commission fasse connaître à la Conférence des présidents du 20 janvier les suites susceptibles d'être réservées à la pétition déposée le 10 septembre 2020 sur la plateforme du Sénat demandant « la désolidarisation des revenus du conjoint pour le paiement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) ». Vous avez bien voulu me mandater pour faire des propositions à ce sujet.

Je rappelle tout d'abord que la plateforme de pétitions en ligne sur le site du Sénat a été ouverte il y a près d'un an, le 23 janvier 2020. Le dispositif, expérimental, prévoit qu'une pétition proposant une modification législative ayant recueilli au moins 100 000 signatures dans un délai de six mois est transmise à la Conférence des présidents, qui se prononce sur l'éventuelle inscription d'une proposition de loi à l'ordre du jour. Cette expérimentation entre dans le champ du groupe de travail, dont notre collègue Pascale Gruny est le rapporteur, sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat.

Depuis un an, 115 pétitions ont été déposées sur la plateforme sans qu'aucune ne reçoive un soutien massif. Seule la pétition relative à l'AAH a connu une dynamique très significative, avec 70 223 signatures recueillies au moment où je vous parle. Si cette dynamique se poursuit, elle devrait atteindre le seuil nécessaire à un examen par la Conférence des présidents en mars prochain.

Avec la présidente Deroche, nous avons considéré qu'il n'était pas utile d'attendre cette échéance et que la commission pourrait se pencher sans plus tarder sur le sujet. Il est connu de notre commission. Vous vous souvenez sans doute que le Sénat a rejeté une proposition de loi inscrite dans un espace réservé du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste il y a deux ans. Nous sommes régulièrement saisis de témoignages et de demandes depuis que l'Assemblée nationale a adopté une proposition de loi tendant au même objet le 13 février 2020.

Depuis lors, je n'ai eu de cesse de réclamer au Gouvernement des éléments précis permettant d'évaluer l'impact de la mesure ainsi que de celui, connexe, de l'abaissement du plafond pour les bénéficiaires en couple. Force est de constater que les données disponibles sont parcellaires et insuffisantes pour nourrir un débat public et un débat parlementaire éclairé. Le coût pour les finances publiques, estimé à 560 millions d'euros par le Gouvernement, reste à préciser. L'impact pour les allocataires aussi. Il est évident que la mesure bénéficie fortement à certains ménages mais il n'est pas certain qu'elle bénéficie à tous : il serait paradoxal que pour donner satisfaction à des personnes que leur niveau actuel de revenu prive de l'allocation, on écarte des ménages à plus faibles revenus qui en sont actuellement bénéficiaires. C'est ce que nous devons vérifier et, le cas échéant, corriger.

Sur la base de ce constat, mes propositions sont les suivantes. Notre commission pourrait demander l'inscription à l'ordre du jour du Sénat de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale. Afin de disposer d'une étude d'impact, elle pourrait solliciter une évaluation de la part d'un organisme extérieur bénéficiant d'un accès aux données sociales et fiscales. Elle pourrait, à brève échéance, entendre Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, afin d'en débattre avec le Gouvernement. Elle devrait enfin instruire très soigneusement ce texte ; j'ai sollicité à ce titre l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et la Cour des comptes afin d'évaluer, dans un premier temps, la nature et la qualité des données disponibles sur ce sujet.

Voici, Madame la présidente, mes chers collègues, les principales observations et propositions que je souhaitais formuler sur cette première application d'une procédure encore inédite mais qui me paraît promise à un bel avenir !

Mme Pascale Gruny. - Le président Larcher a mis en place cette plateforme expérimentale de pétitions, en effet. D'autres pétitions ont été déposées, mais le nombre de signatures qu'elles recueillent n'atteint pas le seuil. Celle-ci, après six mois, devrait avoir rassemblé plus de 100 000 signatures. Ces pétitions ne correspondent guère à la culture française. Au Parlement européen, j'étais coordinatrice des pétitions, ce qui m'a fait découvrir le sujet. Nos concitoyens sont de plus en plus attachés à cette procédure, qui leur permet de soulever des questions importantes. Bien entendu, c'est le Parlement qui doit se saisir de ces sujets. Prendre en considération cette demande montrera que le Sénat est très ouvert aux attentes des Français. Des amendements ont déjà été déposés sur cette question, qui mérite un débat. Merci à Philippe Mouiller et à vous-même, Madame la présidente, de prendre ce sujet à coeur et de regarder ce qu'il est possible de faire, en toute équité, naturellement.

Mme Michelle Meunier. - Oui, merci à Philippe Mouiller d'avoir repris l'historique et rappelé les faits. Au bout du bout, c'est bien le Parlement qui devra décider. Nous sommes donc en pleine cohérence avec le fonctionnement démocratique de notre pays
- pas comme certaines commissions désignées... Je suis donc partante pour aller jusqu'au bout de cette démarche. Sur le fond, je me souviens de la proposition de loi présentée par nos collègues du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste, et d'amendements déposés sur les lois de finances. Il y a une vraie discrimination à prendre en compte la conjugalité des personnes porteuses de handicaps pour leur allocation. Discutons-en, donc, et reprenons la proposition de loi débattue à l'Assemblée nationale.

M. Olivier Henno. - Je salue à mon tour cette expérimentation, qui montre que le Sénat est à l'écoute de l'opinion et capable de réagir à un certain nombre de sollicitations. Nous représentons les territoires, certes, mais aussi la Nation : le Sénat est un pilier du bicamérisme. Je partage ce qui a été dit par Philippe Mouiller, et notamment ses quatre préconisations. J'ajouterai simplement une question : quid d'un éventuel effet cascade sur d'autres allocations ou d'autres prestations ? Cela pourrait aussi concerner les collectivités territoriales, et notamment les départements.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Je vais quelque peu dénoter, car je ne vous remercie pas. Je trouve dommage qu'il ait fallu une pétition en ligne pour que l'on puisse rediscuter de ce sujet si important. Nous avons déposé une proposition de loi il y a deux ans exactement sur le même sujet, et vous ne l'avez pas votée à l'époque. Je suis évidemment heureuse que l'on s'empare à nouveau du sujet, parce qu'il me semble qu'il y a là une discrimination.

Il est bon, Madame la présidente, que vous puissiez saisir dès cet après-midi la Conférence des présidents, parce que cette pétition arrivera à 100 000 signatures avant mars, je pense : nous en sommes déjà à plus de 70 000. Nous devons donc commencer à organiser le travail d'examen de ce texte. Si nous avions voté tous ensemble notre proposition de loi il y a deux ans, nous n'en serions pas là. Et les personnes discriminées ne le seraient plus depuis déjà deux ans.

M. Daniel Chasseing. - Je suis favorable à cette expérimentation, et je félicite Philippe Mouiller, qui nous indique toutefois que la question n'est pas si simple : il nous faut donc poursuivre nos investigations.

Mme Laurence Cohen. - Je souhaite attirer l'attention de notre commission sur le fait que nous devons être attentifs aux propositions de loi que nous portons, les uns et les autres. Mon groupe a pour ainsi dire l'habitude de semer ainsi de petites graines, qui mettent du temps à pousser - quand elles poussent. C'est ainsi que la proposition de loi que nous avons déposée sur le pôle public du médicament et de la recherche a, de la même manière, été qualifiée par certains groupes d'incomplète, quand d'autres estimaient que ce n'était pas le bon vecteur législatif... La situation que nous vivons en ce moment conduit toutefois de petites voix, dans l'hémicycle, à dire que cette proposition de loi n'était pas si mauvaise, mais qu'il faudrait que ce soit un projet de loi. Désolée, nous ne sommes pas au Gouvernement ! Il serait bon que, quand nous faisons des propositions, chacun y soit attentif et chemine un peu plus vite. C'est toujours embêtant d'avoir raison avant tout le monde, mais voilà au moins deux propositions de loi, entre tant d'autres, qui montrent que nous avions senti la réalité du terrain à partir de nos rencontres avec les populations, les syndicalistes, les élus... Vous avez aussi des rencontres similaires, mais vous n'en tirez pas les mêmes conclusions, ou alors beaucoup plus tard - trop tard.

Mme Raymonde Poncet Monge. - J'entends qu'il y a eu beaucoup d'occasions manquées. Personnellement, je ne vois que l'amendement au projet de loi de finances. On peut regretter le retard pris mais, du coup, l'opinion publique s'est saisie du sujet. Cette loi est attendue. On a toujours intérêt à ce qu'un mouvement de la société civile accompagne une loi. L'enjeu est de lutter contre les discriminations, mais surtout de lutter pour le droit à l'autonomie. J'espère que nous pourrons aboutir.

M. Philippe Mouiller. - L'objet de notre discussion est de mettre à l'ordre du jour cette proposition de loi ; nul ne sait si elle sera adoptée. Cette nuance est importante. J'y suis plutôt favorable, mais il manque encore trop d'informations pour émettre un avis tranché : à première vue, 44 000 personnes seraient perdantes, et justement celles qui ont les revenus les plus bas. Certes, 196 000 personnes handicapées seraient gagnantes. Est-ce vraiment une mesure de justice sociale ? Nous souhaitons faire évoluer la situation, mais il faut bien peser les avantages et les inconvénients. Pour l'instant, nos informations ne sont pas suffisantes pour aller plus loin - et écarter tout effet cascade, aussi.

Ce sujet est en débat au Sénat depuis longtemps. Nous n'avons pas attendu la proposition de loi déposée il y a deux ans pour l'aborder. J'étais rapporteur de la mission « Solidarités » en 2014, et je me rappelle que nous avions abordé la question pendant l'examen du projet loi de finances : nous avions parlé d'individualisation des prestations dans le monde du handicap. Le sujet est donc sur la table depuis plus de six ans, les associations ont été saisies, et je pense même qu'il a déjà été abordé avant moi ! Simplement, la solution technique n'a pas été évoquée. La proposition de loi concerne enfin, outre la déconjugalisation de l'AAH, l'idée de repousser à 65 ans la limite d'âge pour solliciter la prestation de compensation du handicap. Il nous faudra expertiser ce sujet-là également.

Je salue pour finir l'initiative du président Larcher, et l'action de la présidente Deroche. Même si l'on ne peut pas préjuger du vote, nous avons le courage de mettre ce sujet sur la table. J'espère que, collectivement, nous trouverons une solution.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je rapporterai à la Conférence des présidents ce que nous avons dit ce matin. Je proposerai d'inscrire à l'ordre du jour courant mars le texte qui a été adopté par l'Assemblée nationale. Et je soulignerai le besoin de chiffrer les tenants et aboutissants. Pour l'instant, nous avons du mal à mesurer l'impact, et ce n'est pas faute d'avoir sollicité le Gouvernement pour obtenir des chiffres. Or je souhaite que nous puissions débattre en mars en toute connaissance de cause sur ce texte, qui est en effet attendu. Nous avons souvent eu des discussions qui portaient à la fois sur la différence entre une prestation et un minimum social, et sur tout ce qui avait justifié des dispositifs et des critères différents selon les aides apportées.

Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Philippe Mouiller rapporteur sur la proposition de loi n° 319, adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses mesures de justice sociale.

La réunion est close à 9 h 15.

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales, et de M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Sport et santé - Audition de M. Laurent Fleury, responsable du pôle expertise collective, et du Pr. François Carré, spécialiste en cardiologie et maladies vasculaires, de l'Inserm

Mme Catherine Deroche, présidente de la commission des affaires sociales. - Je souhaite la bienvenue aux collègues membres de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication qui nous ont rejoints pour cette audition commune consacrée au sport-santé.

Nous devons nos travaux de ce matin à une initiative de notre collègue Michel Savin, qui nous a saisis, le président Laurent Lafon et moi-même, d'une demande de travaux communs à nos deux commissions sur un thème qui lui est cher et sur lequel je connais son engagement, comme sur l'ensemble des sujets sportifs en général.

C'est très volontiers que les bureaux de nos deux commissions ont accepté de donner corps à cette proposition sous la forme d'auditions plénières. Je remercie le président Laurent Lafon de ce travail en commun.

Nous accueillons ce matin Laurent Fleury, responsable du pôle expertise collective, et le professeur François Carré, spécialiste en cardiologie et maladies vasculaires, de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), pour un premier cadrage scientifique de notre sujet.

Une expertise collective de l'Inserm, publiée en janvier 2019 et réalisée à la demande du ministère chargé des sports, a permis, à partir d'une revue de la littérature scientifique, d'objectiver très sérieusement les bénéfices que nous pouvions intuitivement attendre du sport en matière de prévention et de traitement des maladies chroniques.

Si notre actualité est fortement occupée par une maladie infectieuse, notre système de santé est confronté au défi de la prise en charge des pathologies chroniques, dont le développement est notamment lié au vieillissement de la population, mais aussi aux questions d'hygiène de vie que sont les déséquilibres alimentaires et la sédentarité.

Notre système de santé, très orienté sur le soin, doit aussi mieux prendre en compte des problématiques de santé publique et de prévention pour améliorer l'état de santé global de la population, son bien-être, mais aussi le coût des prises en charge. Ce sont ces enjeux que nous examinerons ce matin, lors de deux tables rondes.

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Les intervenants pourront nous apporter leur éclairage et leur expertise sur une thématique commune à nos deux commissions, à savoir les effets bénéfiques induits par la pratique d'une activité physique régulière sur la santé en général et sur les maladies chroniques en particulier.

Je veux à mon tour remercier Michel Savin, qui est à l'origine de la réflexion de nos deux commissions sur la problématique du sport-santé, trop longtemps délaissée par les pouvoirs publics au niveau national.

À bien y regarder, et malgré le foisonnement des initiatives locales visant à démocratiser la pratique sportive auprès des publics qui en étaient éloignés, les initiatives nationales en ce domaine se sont, en effet, avérées aussi rares que récentes. À croire que nos autorités sanitaires étaient peut-être réticentes à valider l'efficacité des activités physiques et sportives pour prévenir et soigner...

Ainsi, le plan national « Sport, santé, bien-être », qui constitue la première politique publique d'envergure reconnaissant le rôle thérapeutique des activités, n'a été mis en place qu'en 2012.

De même, la possibilité ouverte aux médecins traitants de « prescrire une activité physique adaptée à la pathologie, aux capacités physiques et au risque médical du patient » n'a été reconnue qu'au détour d'un amendement parlementaire adopté lors de l'examen du projet de loi de modernisation de notre système de santé, promulguée en janvier 2016. Ce dispositif fêtera donc ses cinq ans dans quelques jours.

C'est à la veille de cette date symbolique que nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté notre invitation pour nous présenter, en introduction de cette matinée de travail, les conclusions de l'expertise collective réalisée par l'Inserm à la demande du ministère chargé des sports, que vous avez pilotée, monsieur Fleury, et à laquelle vous avez collaboré, monsieur Carré.

M. Laurent Fleury, responsable du pôle expertise collective de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). - Les expertises collectives de l'Inserm existent depuis 1994. Nous en avons, à ce jour, produit plus de 80 - elles sont toutes disponibles sur internet -, sur des sujets très vastes. Elles ont d'abord porté sur des maladies, comme la grippe ou les hépatites, puis sur des thématiques de plus en plus compliquées : défis environnementaux, pesticides, cancers, amiante...

Ces expertises ont pour objet d'analyser et de synthétiser des connaissances scientifiques issues de diverses disciplines. L'idée est véritablement de discuter la littérature scientifique : il s'agit de faire le point.

Nous nous fondons sur les données récentes de la littérature scientifique, biomédicale et des sciences humaines et nous nous appuyons sur le savoir-faire du groupe d'experts. Nous avons la possibilité de réaliser des auditions sur des sujets particuliers.

L'un des objectifs est véritablement de mettre à la disposition des décideurs l'état de la science sur les grands sujets de santé publique pour éclairer leurs décisions. Nous considérons vraiment que ces expertises collectives sont devenues un outil de la démocratie en santé.

Il faut au minimum trois à quatre ans de travail pour réaliser une expertise collective, car nous allons très loin et nous devons réussir à mettre tout le monde d'accord.

Le 14 février 2019, nous avons rendu publique l'expertise demandée par le ministère chargé des sports sur le rôle de l'activité physique dans la prévention et le traitement des maladies chroniques. C'est la troisième expertise que nous réalisons sur le sujet : une première, en 2008, avait porté sur le rôle de l'activité physique sur la santé et une autre, en 2015, sur l'activité physique pour la prévention des chutes chez les personnes âgées. Ces expertises ont joué un rôle important.

Le groupe d'experts s'est caractérisé par sa pluridisciplinarité : il a réuni un psychologue social, un cardiologue, un oncologue, deux biologistes cellulaires et moléculaires, un épidémiologiste de santé publique, un spécialiste en physiologie de l'exercice, un psychologue, un sociologue, un rhumatologue, un spécialiste de l'activité physique adaptée à la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), deux physiopathologistes vasculaires. Ces experts ont croisé leurs regards au travers de l'analyse de la littérature scientifique.

Je vous ai apporté un exemplaire de l'étude. Elle comprend 820 pages et a conduit à l'analyse de plus de 1 800 références bibliographiques. Elle fait véritablement le point sur le sujet.

Nous y avons analysé une dizaine de maladies chroniques - les plus courantes et celles sur lesquelles nous disposions du plus de littérature. Pour toutes les pathologies étudiées, l'activité physique en prévention secondaire, voire en traitement de première intention, est indiscutable. Le rapport bénéfices-risques est très favorable.

Pour plusieurs pathologies, comme le diabète de type 2, l'obésité, la dépression légère, l'artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), l'activité physique doit même être prescrite en première intention, avant tout traitement médicamenteux.

L'enjeu principal n'est plus aujourd'hui de savoir s'il faut ou non recommander l'activité physique, mais de répondre à certaines interrogations précises sur le programme le plus adapté au patient : date à laquelle doit commencer le traitement, type d'activités physiques recommandées, intensité, fréquence...

Pour avoir travaillé dans le secteur du médicament, je peux vous dire que ce sont les mêmes questions qui se posent à propos des médicaments. Au reste, j'ai rarement vu un médicament aussi efficace que l'activité physique...

M. François Carré, professeur, spécialiste en cardiologie et maladies vasculaires. - Voilà près de quarante ans que je m'investis sur ce sujet, qui m'est cher.

Ce n'est pas une question récente : en 1983, le professeur suédois Per-Olof Åstrand, plus grand physiologiste de l'exercice musculaire de l'époque, déclarait déjà qu'un certificat d'absence de contre-indication à la pratique du sport lui paraissait moins pertinent qu'un certificat d'absence de contre-indication à la vie sédentaire et inactive car il faut avoir une santé très forte pour survivre à ce mode de vie !

Les vertus de l'activité physique sont aujourd'hui prouvées pour la prévention primaire, qui vise à ne pas développer de facteurs de risque, pour la prévention secondaire, qui consiste à ne pas tomber malade quand on a des facteurs de risque, et pour la prévention tertiaire.

On sait que l'activité physique prévient toujours la survenue d'une maladie chronique. Elle limite très souvent l'évolution et les complications des maladies chroniques et, parfois, les guérit, à la condition toutefois qu'on la pratique jusqu'à sa mort : puisque c'est un médicament, son effet bénéfique disparaît assez rapidement quand on l'arrête.

C'est la première expertise collective de l'Inserm à laquelle j'ai eu l'honneur de participer. Pour la première fois, les treize experts ont été unanimes sur le fait que ne pas prescrire l'activité physique pour un patient souffrant d'une maladie chronique était une perte de chances pour celui-ci : cela revient à le traiter mal. Toutes les sociétés savantes actuelles mettent l'activité physique en recommandation numéro 1, avec un niveau de preuves A ou B en fonction des pathologies.

Dans l'expertise, nous n'avons abordé que 13 pathologies chroniques, alors qu'actuellement les preuves formelles existent pour 26 d'entre elles.

Il est évident que l'activité physique ne remplace pas les médicaments. Elle s'associe au traitement. Elle diminue la mortalité des malades du cancer du sein de 28 %. Quelle chimiothérapie peut afficher un tel résultat ? Pour les malades du cancer du sein qui continuent l'activité physique alors qu'ils sont en rémission, la diminution des récidives s'élève entre 48 et 50 %.

Les neurologues, qui sont pour nous les intellectuels de la médecine, me disent tous que l'activité physique est la nourriture du cerveau. Il s'agit du premier traitement de la dépression. Selon les gériatres, c'est le seul traitement préventif de la maladie d'Alzheimer et il est encore efficace pour traiter l'évolution de la maladie. Aucun médicament n'a fait ses preuves dans cette pathologie : la marche est le seul traitement, me disent les gérontologues.

L'activité physique, ce n'est pas le sport ; le sport est une forme d'activité physique. Les patients sont évalués et nous leur proposons une activité adaptée à leur pathologie et à leurs limites, une activité physique individualisée qui va évoluer en fonction de l'état du patient, en collaboration avec les professionnels du sport-santé.

M. Michel Savin. - Je voudrais tout d'abord remercier nos deux présidents Catherine Deroche et Laurent Lafon pour l'organisation de cette table ronde.

L'expertise collective de l'Inserm souligne une nouvelle fois l'importance du sport-santé. Ce rapport va très loin, sur la base d'études scientifiques poussées. Ses auteurs affirment même que l'activité physique devrait être prescrite en amont des traitements médicaux de certaines pathologies. Je suis donc très heureux de cette audition commune avec nos collègues de la commission des affaires sociales, car trop souvent l'activité physique est considérée comme un « plus » et non comme une thérapie réelle, parfois plus efficace que les thérapies médicamenteuses. On ne peut que regretter que les recommandations audacieuses de ce rapport ne soient finalement pas suivies d'effet.

Que pensez-vous de la stratégie nationale sport-santé ? Selon vous, si une seule décision devait être prise pour promouvoir l'activité physique sur ordonnance, quelle serait-elle ? Enfin, certaines pathologies devraient-elles être prioritaires pour le déploiement du sport sur ordonnance ?

Mme Florence Lassarade. - Dans la continuité des propos de Michel Savin, que pensez-vous de la prescription de l'activité physique sur ordonnance et surtout de son remboursement dans certaines pathologies ?

Avec la crise sanitaire, on assiste à un arrêt complet du sport collectif et individuel, notamment pour les étudiants. Auriez-vous d'ores et déjà des préconisations ? Le couvre-feu aggrave considérablement le déficit sportif. L'addition de la crise va encore s'alourdir en raison du manque d'activité physique. Je pense en particulier au cancer du sein, qui touche une femme sur cinq. L'absence de prévention par le sport me semble catastrophique.

M. Jean-Jacques Lozach. - Démonstration est une nouvelle fois faite que l'activité physique et sportive, pratiquée de manière adaptée et individualisée, est très largement bénéfique, aussi bien sur le plan préventif que curatif.

Des rapprochements ministériels ont déjà existé entre le sport et la santé : je me souviens d'un secrétariat d'État chargé des sports, placé sous l'autorité d'un ministère de la santé et du sport. Aujourd'hui, nous vivons un paradoxe : alors qu'il y a une prise de conscience individuelle des apports du sport - au moment même où je vous parle, par exemple, des dizaines de personnes sont en train de courir autour du Sénat, dans le jardin du Luxembourg -, il n'y en a aucune sur le plan de la politique nationale sportive. En ce qui concerne le sport sur ordonnance, nous faisons du surplace. Nous ne nous donnons pas les moyens d'avancer : à l'école élémentaire, les enfants ne font même pas une heure trente d'activité par semaine !

Une étude menée en Belgique et en Norvège a démontré que l'activité physique soulageait également les finances publiques : une personne active permettait à la sécurité sociale d'économiser 250 euros par an. Et même si les blessures survenues sur les terrains de football et de rugby entraînent aussi des dépenses, l'aspect positif l'emporte largement.

N'avez-vous pas le sentiment que le meilleur angle d'attaque pour développer le nombre de pratiquants est celui du sport-santé, du bien-être ?

M. Laurent Fleury. - Cette expertise collective se base sur la littérature scientifique. S'il y avait une seule mesure à prendre, permettez-moi de revêtir ma casquette « Inserm » pour vous dire qu'il faut continuer de promouvoir la recherche. Il y a encore beaucoup de choses à faire, notamment en biologie moléculaire. Nous commençons à suivre quelques pistes sur les mécanismes en jeu, sur la détermination de l'activité la mieux adaptée à la personne et à sa pathologie... Je pense également au rôle de l'activité physique dans le traitement des maladies chroniques - il s'agit alors d'un traitement à vie : le jour où la personne arrête, les effets bénéfiques disparaissent plus ou moins vite. Des recherches importantes restent à mener. Nous avons bon espoir : plus de dix projets sur l'activité physique adaptée ont été déposés à l'Agence nationale de la recherche (ANR) et sont en cours d'évaluation.

Par ailleurs, je pense également que le remboursement permettrait très probablement d'améliorer grandement les choses, même si nous n'avons pas traité cette question dans notre analyse.

M. François Carré. - L'Organisation mondiale de la santé (OMS) préconise 150 à 300 minutes d'activité physique par semaine pour les adultes en prévention primaire. Pour les enfants, c'est une heure d'activité par jour : il ne s'agit pas de sport, mais seulement de bouger. Pour l'enfant de zéro à deux ans, c'est au moins trois heures par jour. Nous en sommes à expliquer aux parents qu'ils doivent faire bouger leurs enfants plutôt que les laisser devant la télévision.

Le remboursement a sûrement un rôle essentiel à jouer, notamment en cas de maladie chronique. L'activité agit alors comme un médicament : deux ou trois séances d'activité physique par semaine, de trente à quarante-cinq minutes, associant endurance et renforcement musculaire. Le directeur de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) m'oppose à chaque fois l'argument du coût, mais la question ne se pose même pas pour certains médicaments dont l'effet est bien moins intéressant. Et surtout, a-t-on jamais demandé à un médicament autant de preuves de son efficacité ? Dans cette expertise, nous nous sommes appuyés sur des études regroupant jusqu'à 1 million de personnes !

Le sport sur ordonnance permettrait de redonner aux patients une autonomie. Les gens ont perdu l'habitude de bouger : seuls 5 % des enfants en France suivent aujourd'hui les recommandations de l'OMS d'une heure d'activité par jour. Or c'est dans l'enfance que l'on construit son capital santé. Quand j'ai appris la médecine, le diabétique de type 2 était un homme de 40 ans ; aujourd'hui, nous voyons des diabétiques âgés de 14 ans. Après vingt ans de diabète, on ne peut plus travailler. Dès lors, si les enfants obèses deviennent diabétiques à 15 ou 16 ans, ils arrêteront de travailler à trente-cinq ans. C'est la raison pour laquelle nous parlons si souvent de bombe à retardement. Il faut faire passer le message aux parents. Ne pas bouger, c'est dangereux. Comme l'a souligné M. Savin, l'activité physique n'est pas un « plus » : elle est vitale. Nos gènes ne marchent que si nous bougeons. Il en va de même de la malnutrition et du tabac. Les patients ne comprendraient pas qu'on leur prescrive du sport sur ordonnance comme un médicament et que ce ne soit pas remboursé. Au moins au début, le temps de les convaincre de l'intérêt de l'activité physique. Il s'agit d'une question importante.

La France n'est pas un pays « sportif ». En Suède, l'espérance de vie totale est de 82 ans, comme en France, mais l'espérance de vie en bonne santé y est de 71 ans contre 62 en France. Aujourd'hui, trois Français sur quatre de plus de 65 ans prennent un médicament pour une maladie chronique, c'est-à-dire pour un temps indéfini. Les pouvoirs publics doivent prendre cette question à bras-le-corps. La sécurité sociale et la CNAM sont réticentes, car ils n'arrivent pas à voir le bénéfice qu'ils pourraient en tirer. Une petite étude menée sur 56 coronariens, donc des malades chroniques, a montré que l'activité physique pratiquée par un patient ayant fait un infarctus permettait d'économiser près de 352 euros par an. Ramenez ce chiffre aux 140 000 décès d'origine cardiovasculaire par an en France et vous verrez combien le sport peut être profitable aux finances publiques.

Pourquoi a-t-on besoin en France de prouver ce que les Canadiens, les Norvégiens, les Suisses ou les Belges ont déjà démontré ? Les mécanismes de l'activité physique sont-ils différents chez nous ? Il faut croire que oui, puisqu'on nous demande de refaire une étude cette année. Il y a là un frein évident. C'est bien d'organiser une journée nationale contre le cancer, mais ne serait-il pas mieux de vaincre le cancer ?

Il est important de mettre en avant le bien-être. Nous voulons améliorer la qualité de vie des personnes concernées. Aujourd'hui, nous prenons en charge des patients à covid persistant : avec trois fois 15 minutes par semaine d'activité dans un escalier, nous constatons une amélioration de la qualité de vie de 45 %, une baisse du stress de 25 % et une amélioration du capital santé d'environ 17 %. Il suffit de descendre et monter des marches pendant 15 minutes, trois fois par semaine, à un rythme imposé par un métronome pour obtenir de tels résultats. Or le problème des maladies chroniques est justement la perte de cette qualité de vie. Tout devient plus compliqué quand on est malade chronique.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Brigitte Micouleau, qui n'arrive pas à se connecter à distance, s'interroge sur la place du sport dans la prévention de la consommation de substances psychoactives chez les jeunes. Elle se demande également comment pratiquer une activité physique dans la période actuelle.

Mme Véronique Guillotin. - Je voudrais simplement partager mon expérience de militante et de pratiquante.

Je suis conseillère régionale en charge des questions de santé de la région Grand Est. Nous avons essayé de mettre en place un plan régional d'activités physiques et sportives aux fins de santé. J'ai pu constater tous les freins, toutes les difficultés que vous évoquez, notamment le manque d'acculturation de notre pays à la notion d'activité sportive dès le plus jeune âge. Comme vous l'avez souligné, nos enfants sont en perte d'activité.

Je suis également professeure dans un club de judo, et je constate qu'il faut réapprendre aux enfants certains gestes du quotidien, se retourner, se relever, marcher en arrière. Comment peut-on ancrer chez les enfants, dès le plus jeune âge, la notion d'activité physique et sportive, par le biais de l'école, des mobilités douces, de circuits protégés, etc. ? Cette question est sociétale, et pas seulement sportive ou médicale.

Je suis favorable au remboursement de l'activité physique ; je suis convaincue que ce moyen de prévention, in fine, fait faire des économies.

Les plans fleurissent, et chaque fédération a son propre plan Prescri'Forme d'activité physique sur ordonnance. N'y a-t-il pas un problème de formation des médecins généralistes ? Si le médecin prescrivait, cela débloquerait les choses...

Il faut faire avancer la cause du sport-santé en la structurant via un institut national, pour qu'enfin nous changions de paradigme.

M. Claude Kern. - Ne devrait-on pas plutôt parler d' « activité physique et sportive adaptée » ?

Nous savons que, sur ce sujet, ce sont souvent les collectivités qui sont à la manoeuvre ; 65 d'entre elles sont d'ailleurs en pointe aujourd'hui. Des inégalités territoriales d'accès à la pratique sportive à des fins de santé ont été largement pointées ces dernières années, et le ministère avait dit qu'il s'emparerait de ce sujet. Savez-vous si l'on constate une amélioration de ce côté-là ? Comment les communes peuvent-elles jouer un rôle positif, de ce point de vue, dans les parcours de santé et l'animation des temps sportifs ?

Quel rôle, par ailleurs, pour les fédérations sportives, en lien avec les médecins, les entraîneurs et les pratiquants, pour définir des protocoles d'activité adaptée ?

Mme Corinne Imbert. - Une réflexion, d'abord, en tant que rapporteure de la branche maladie sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à propos de l'éternel débat autour du coût et du bénéfice de la prévention : peut-être faudrait-il un objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) pluriannuel en matière de prévention, ce qui permettrait de se fixer des objectifs dans le temps et de mesurer le bénéfice de la prévention en termes d'économies de dépenses.

L'expertise collective de l'Inserm concernant la prévention et le traitement des maladies chroniques par l'activité physique met en avant la nécessité de développer une recherche de qualité sur les caractéristiques des programmes d'activité physique adaptée ; quels sont les principaux obstacles au développement d'une telle recherche de qualité ?

M. Stéphane Piednoir. - Je partage le constat éclairant qui vient d'être dressé, et suis moi-même convaincu des bienfaits de l'activité sportive.

L'aspect préventif ne fait aucun doute ; concernant l'aspect curatif, j'ai été surpris, dans le bon sens du terme, par les chiffres que vous avez donnés.

Le message doit être adressé le plus précocement possible ; les parents et les pédiatres ont donc bien sûr un rôle à jouer dans l'éducation à l'activité physique et sportive dès le plus jeune âge, afin que ladite activité soit préférée au maniement des tablettes...

Les professeurs des écoles aussi ont un rôle à jouer ; il faut changer leur regard sur l'activité sportive, en promouvant le dépassement de soi plutôt que la performance.

Par ailleurs, lorsque des malades suivent des traitements lourds tels que des chimiothérapies, quels types de traitements peut-on recommander ?

Mme Annick Billon. - Nous sommes tous convaincus de l'importance de la pratique sportive ; les études de médecine donnent-elles une place suffisante, dans leurs cursus, à cette question, de telle sorte que le sport médicament soit volontiers prescrit par le corps médical ? Ou faut-il encore convaincre ce dernier des bienfaits d'une telle prescription ?

Le sport doit être pratiqué tout au long de la vie, jusqu'à la mort, à domicile, à l'école, mais aussi au travail. Certaines entreprises, le plus souvent de taille importante, favorisent la pratique sportive via leur comité d'entreprise, mais ce genre d'initiative est plus difficile à mettre en oeuvre dans le cadre de TPE ou de PME, alors même que les maladies chroniques peuvent engendrer un absentéisme très coûteux pour ces entreprises. Comment, donc, promouvoir la pratique sportive au sein de l'entreprise ?

Concernant, par ailleurs, le regard porté sur les sportifs, je me souviens que, pendant le premier confinement, les sportifs qui sortaient de chez eux pour courir étaient pointés du doigt comme des vecteurs potentiels de la maladie. Ils ont été accusés, attaqués, soupçonnés, ce qui démontre que nous ne sommes pas une nation très sportive... Le couvre-feu, qui ne favorise pas vraiment la pratique sportive de plein air, n'arrange évidemment pas les choses.

M. Jacques Grosperrin. - J'ai le souvenir, il y a de longues années, qu'on empêchait les jeunes qui avaient du diabète de faire du sport ; or c'est le meilleur antidote. Aujourd'hui, un patient opéré est vêtu d'un survêtement, et non plus d'un pyjama.

Mais le dualisme corps-esprit imprègne toujours profondément nos façons de penser : tout ce qui relève du corps est sale, tout ce qui relève de l'esprit est propre. Il suffit de voir de quelle considération jouissent, dans les collèges, les professeurs d'éducation physique par rapport à leurs collègues de mathématiques...

Comment lutter contre les certificats de complaisance dans les établissements scolaires ? C'est important : on sait bien que si un enfant fait du sport, il emmènera ses parents en faire.

Un mot sur la fermeture des clubs dans le cadre de la pandémie : c'est une ineptie qui aura des conséquences durables sur la pratique future des enfants scolarisés aujourd'hui.

Un dernier point : les patients qui décèdent de la covid-19 présentent des comorbidités qui sont le plus souvent elles-mêmes associées à une faible pratique de l'activité physique.

Mme Michelle Meunier. - M. Carré a parlé, pour nos enfants, d'une véritable « bombe à retardement ». Avez-vous poussé dans le détail vos études sur le genre ? Faut-il adresser des préconisations différenciées aux femmes et aux hommes ?

Mme Céline Brulin. - Nous avons tous en tête l'aspect préventif ; quant à l'aspect curatif, qui me semble extrêmement important, je le découvre.

Avez-vous d'ores et déjà une idée de la balance bénéfices-risques de l'arrêt quasi total du sport aujourd'hui, y compris en milieu scolaire ? Avez-vous évalué le nombre d'équipements sportifs rendus nécessaires par une pratique respectant les préconisations qui sont faites ? En tant que sénateurs, cette question nous préoccupe, puisque ce sont les collectivités qui financent en grande partie ces équipements.

Vous avez parlé de l'enfance et du recul de l'activité physique des plus jeunes. N'y aurait-il pas matière à accroître la part dévolue à l'activité physique et sportive dans le cursus scolaire ? Si oui, dans quelle proportion ? Cela n'exigerait-il pas un effort de formation à destination des enseignants du premier degré ?

On parle beaucoup des dispenses de sport ; quel est leur poids réel ? Leur nombre est-il plutôt en hausse ou en baisse ?

M. Bernard Fialaire. - Lors de la réforme des rythmes scolaires, on a créé des temps périscolaires importants, et tous les élus se sont arraché les cheveux pour occuper ces temps. N'a-t-on pas là une occasion simple, peu coûteuse, de faire faire de l'exercice physique aux enfants, et de faire bouger un peu les corps ?

M. Laurent Fleury. - Beaucoup de questions débordent du cadre strict de l'expertise collective ; je laisserai François Carré y répondre.

Nous évoquons le protocole d'activité physique adaptée, et faisons des recommandations. Il faut une concertation entre les médecins prescripteurs, les pratiquants, les gens des clubs de sport. Une sorte de guerre a eu lieu, dans le passé, avec les kinésithérapeutes, mais tout le monde, désormais, se met à travailler ensemble, dans le même sens, pour définir des protocoles thérapeutiques très précis.

La promotion d'une recherche de qualité exige des moyens, des canaux de financement ; la recherche se fait principalement par appels à projets. Dans l'expertise collective, nous sommes assez précis sur les différentes pathologies et sur les besoins en data. J'ai contacté l'ANR, qui finance les appels à projets : une douzaine de projets d'activité physique adaptée sont en ce moment en cours d'évaluation - je m'attendais à beaucoup moins. Autrement dit, des gens se sont emparés du sujet ; reste qu'on ne crée pas des équipes de recherche et des spécialistes en six mois : cela prend du temps.

Quant aux formations dispensées dans le cadre des études de médecine, elles sont déjà extrêmement chargées. Nous avons travaillé avec la Haute Autorité de santé (HAS), qui a édité un guide de prescription pour les médecins généralistes. Si les recommandations que nous émettons visent plutôt les décideurs, tels que vous, celles de la HAS visent plutôt les médecins prescripteurs.

Dernière remarque : alors que, lorsque je faisais mes études, on nous apprenait à mettre les malades au repos en cas de sciatique, aujourd'hui on sait qu'il faut les remettre le plus vite possible en mouvement. Le paradigme a complètement changé.

Nous nous intéressons beaucoup à la question du genre à l'Inserm : de plus en plus d'études explorent ce champ. Je fais partie du comité d'éthique : nous avons mis en place un groupe « genre et santé » avec Catherine Vidal. Nous n'avons pas beaucoup abordé ce sujet dans l'expertise collective, alors qu'il s'agit pourtant d'une véritable question de recherche en santé.

M. François Carré. - On sait que l'activité sportive est bénéfique en matière de lutte contre les addictions. Au sein de la maison sport-santé de Rennes, l'association Escale fait pratiquer une activité sportive à des SDF et à des personnes connaissant des problèmes d'addiction : ils partent, par exemple, faire du vélo pendant 8 à 15 jours. Les résultats sont très satisfaisants, particulièrement chez les jeunes. Environ un tiers des SDF nous demandent par la suite un certificat d'absence de contre-indication à la pratique du sport car ils veulent adhérer à un club ; nous les aidons en leur offrant la licence.

Sur la formation des médecins, je vais vous apporter une réponse claire : la prévention ne fait pas partie des études médicales. À la fin de mes dix années d'études de médecine, j'étais le roi de la nutrition : je savais qu'il fallait manger 5 fruits et légumes par jour ! En matière de prévention, l'investissement ne porte ses fruits que longtemps après... Or certains politiques me rétorquent qu'ils ne seront plus décisionnaires dans vingt ans. Le problème de l'inactivité physique, de la malbouffe et du tabac est que l'on n'est pas malade tout de suite. Les parents à qui j'explique les risques pour leurs enfants ne me croient pas et me répondent que ceux-ci sont en parfaite santé. Mais on meurt d'un infarctus non pas à 20 ans, mais à 40 ou 50 ans.

Néanmoins, les choses changent. Le président de la conférence des doyens a accepté d'insérer la prévention dans la formation. Trois questions sur l'activité physique figurent dans les questions pouvant tomber à l'examen classant national : la faculté doit donc former les étudiants à ce thème. Voilà le moyen détourné que nous avons trouvé pour intégrer la prévention à la formation.

À Rennes, le doyen m'a confié, depuis cinq ans, une formation sur le bénéfice de l'activité physique en médecine. Cet enseignement est optionnel puisqu'une faculté ne peut pas intervenir sur les cours obligatoires. Entre 140 et 180 étudiants, sur une promotion de 210, suivent cet enseignement : les jeunes s'intéressent à la prévention, comme à l'écologie.

S'agissant de la conviction des médecins, je leur dis souvent que pour être convaincant il faut d'abord être convaincu. Quand j'étais jeune, certains médecins fumaient en expliquant à leurs malades que le tabac n'était pas bon pour la santé... Difficile de les convaincre dans ces conditions !

Sur les certificats de complaisance, il y en a, me semble-t-il, moins. La plupart des médecins ont pris conscience que ce n'était pas une bonne solution, et plutôt une perte de chance. Un enfant malade peut même participer à un cours de gym s'il ne pratique pas lui-même : il peut aider l'enseignant, assister au cours...

En ce qui concerne l'école et le genre, les études montrent que les filles se dépensent comme les garçons jusqu'à 8-10 ans ; après, c'est terminé. Moins de 5 % des filles et environ 9 % des garçons respectent l'heure d'activité physique par jour. Les femmes font globalement moins d'activité physique que les hommes ; en revanche, la femme malade bouge plus que l'homme malade !

Pour répondre à Mme Imbert, les groupes d'étude comptent moins de femmes que d'hommes : les bienfaits de l'activité physique sont donc plutôt démontrés chez de grandes populations masculines que féminines, même si les choses changent. Pourquoi ces études sont-elles si difficiles à mener ? Tout simplement parce qu'il faut suivre des populations nombreuses - 30 000 ou 50 000 personnes - sur 10 ans pour relever des maladies et voir si des personnes décèdent. Ces études coûtent cher et, jusqu'à présent, aucun laboratoire pharmacologique n'a proposé de les réaliser ; nous accepterons donc avec plaisir l'aide des pouvoirs publics ! Chaque étude a son protocole d'activité physique : il est parfois difficile d'en tirer des conclusions en raison de la standardisation méthodologique.

J'en viens à la formation des enseignants. Lors d'une interview que j'ai donnée à la chaîne parlementaire de l'Assemblée nationale, j'ai demandé à un député pourquoi l'éducation nationale n'instaurait pas, chaque année scolaire, depuis la maternelle jusqu'au baccalauréat, une première heure de cours pendant laquelle il serait expliqué aux élèves qu'il faut se laver les mains et les dents, ne pas fumer, faire une activité physique et avoir une alimentation correcte. Bref, il faut leur apprendre à prendre soin de leur corps ! On pourrait y ajouter l'apprentissage des gestes qui sauvent, c'est-à-dire le massage cardiaque. Le député m'a répondu que le but était d'apprendre à nos enfants à lire, écrire et compter. Je lui ai rappelé que - toutes les études le montrent - les enfants faisant de l'activité physique avaient de meilleurs résultats scolaires. Le corps enseignant n'est pas au courant de ces études. Il faut arrêter en France de séparer le corps et l'esprit, car les deux marchent ensemble : lorsqu'on fait bouger un muscle, des hormones affluent vers le cerveau.

J'en viens aux mesures simples qui pourraient être mises en place. Une action très efficace a été mise en place par une professeure des écoles écossaise à qui une personne âgée de 85 ans accompagnant les enfants avec elle à la piscine avait fait remarquer la faible capacité physique de ces derniers, qui étaient plus essoufflés qu'elle à l'arrivée. Elle a donc décidé de les faire marcher 15 minutes chaque matin. À la fin de l'année, sa classe était la meilleure tant en termes de mesure du tour de taille que de résultats scolaires. Son initiative a essaimé : en France, 400 ou 500 écoles, me semble-t-il, font la même chose. Ce message est important, car il faut donner à l'enfant l'habitude de marcher, comme il a celle de se laver les dents, un geste qu'on ne cesse de lui rappeler. M. Blanquer a proposé 30 minutes d'activité physique : je m'en réjouis ! Mais, avant de généraliser cette mesure, 2 ou 3 études pilotes vont être menées : pourquoi ne pas laisser les professeurs des écoles tester leurs idées pour faire bouger les enfants 30 minutes chaque jour ?

Peut-on laisser tout le monde, y compris les personnes atteintes de maladies lourdes, faire de l'activité physique ? Oui ! Les laboratoires se sont rendu compte que leurs médicaments marchaient mieux quand le patient faisait une activité physique. Il existe une synergie activité physique-traitement, en particulier pour les cancers : une personne active supporte de plus fortes doses de chimiothérapie. D'après les cancérologues, le seul remède contre la fatigue des traitements anticancéreux est l'activité physique. Les résultats sont les mêmes en matière de préparation à la chirurgie. Une chirurgienne du CHU de Rennes fait marcher ses patients 15 minutes chaque jour durant les 15 jours précédant l'opération : ils sortent 3 jours après, contre 6 jours pour ceux qui ne font pas d'activité.

Le sport au travail est un grand problème : les seuls accidents du travail qui ne diminuent pas sont les troubles musculo-squelettiques, parce que les gens ne sont pas prêts à répéter les mêmes gestes. Certaines grandes sociétés ont mis en place une activité physique
- encadrée au départ, puis libre - tous les matins : on note moins d'accidents durant la première heure parce que les gens sont plus vigilants, mais aussi moins d'accidents à long terme.

S'agissant du confinement, il est étonnant que certains se soient déchaînés contre les sportifs... Le seul moyen d'améliorer l'immunité, c'est l'activité physique. Les études sur la grippe de Hong Kong de 1968-1969 l'ont montré, plus on bouge moins on a de risques d'être touché ; et si l'on est touché, on a moins de risques de développer une forme grave. Pendant le premier confinement, la prise de poids a été majeure, de l'ordre de 6 kilos ; seulement 33 % des personnes concernées ont retrouvé leur poids initial. Dans notre équipe, nous avons remarqué que 60 % des malades chroniques ne sont jamais revenus faire de l'activité physique. Par ailleurs, Mme Duclos a montré que le confinement a diminué de 40 % les capacités cognitives des enfants en primaire.

Concernant les collectivités, les maisons sport-santé peuvent être des modèles pour aider les personnes en difficulté socio-économique, en permettant un maillage du territoire. S'agissant des équipements sportifs, il y en a déjà beaucoup qui ne sont pas tous pleinement utilisés : le surcoût ne devrait pas être trop important. Une des meilleures activités physiques à l'école, c'est la marelle, ce qui ne coûte pas très cher et est très facile à mettre en place.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie de votre présentation.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Sport et santé - Audition du Dr Albert Scemama, chef de projet au service évaluation de la pertinence des soins et amélioration des pratiques et des parcours de la Haute autorité de santé, de M. Matthieu Schuler, directeur de l'évaluation des risques, et de Mme Irène Margaritis, chef de l'unité évaluation des risques liés à la nutrition, de l'Anses, du Dr Alain Frey, médecin du sport et urgentiste, président de la Société française de traumatologie du sport et de Mme Christèle Gautier, cheffe de projet Stratégie nationale sport-santé au ministère des sports

M. Laurent Lafon, président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Nous sommes heureux d'accueillir pour cette table ronde consacrée au sport-santé quatre experts du sujet : le docteur Albert Scemama, chef de projet au service évaluation de la pertinence des soins et amélioration des pratiques et des parcours de la Haute Autorité de santé (HAS) ; M. Matthieu Schuller, directeur de l'évaluation des risques et, en visioconférence, Mme Irène Margaritis, chef de l'unité évaluation des risques liés à la nutrition, de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) ; le docteur Alain Frey, président de la Société française de traumatologie du sport (SFTS) et membre du conseil d'administration de la Société française de médecine de l'exercice et du sport (SFMES) ; et Mme Christèle Gautier, cheffe du projet Stratégie nationale sport-santé au ministère des sports.

Cette table ronde doit nous permettre de faire le point sur la politique élaborée en faveur du sport au service de la santé. Cette politique est encore trop méconnue de la part de nos concitoyens comme de la représentation nationale.

Aucun véritable débat n'a eu lieu afin d'échanger sur les objectifs et évaluer les moyens mis à disposition. Nous sommes donc heureux de pouvoir prendre connaissance de la stratégie nationale sport-santé que nous présentera la représentante du ministère des sports. Les représentants de la HAS et de l'Anses pourront nous expliquer comment ils sont associés à cette politique publique et quelles attentes nous pouvons raisonnablement en espérer. Enfin, le président de la SFTS pourra nous aider à mesurer la distance à parcourir entre ces initiatives publiques utiles et une véritable prise de conscience des Français.

Mme Christèle Gautier, cheffe de projet Stratégie nationale sport-santé au ministère des sports. - La stratégie nationale sport-santé vise à améliorer l'état de santé de la population, en favorisant l'activité physique et sportive de chacun au quotidien, avec ou sans pathologie et à tous les moments de la vie.

Cette stratégie, élaborée à l'échelon interministériel - elle est copilotée par le ministère des sports et par le ministère des solidarités et de la santé -, s'inscrit dans la stratégie nationale de santé et dans le schéma de prévention.

Elle s'inscrit dans le long terme, puisqu'elle a été déployée en 2019 et s'étend jusqu'à 2024 ; cette date n'est pas due au hasard car cette stratégie s'inscrit dans le plan héritage immatériel de l'État vers les jeux Olympiques et Paralympiques, dont un axe vise à amener les Français à pratiquer régulièrement une activité physique et sportive, sachant que les indicateurs de santé de la population sont inquiétants.

Cette stratégie est originale car elle dépasse le cadre classique des interventions du ministère des sports. Elle a vocation à réunir l'ensemble des autres parties prenantes pour faire en sorte que toute la population se mette à pratiquer une activité physique ou sportive adaptée, au quotidien. Elle interagit avec le plan Vélo, avec le plan de prévention contre le dopage, avec la feuille de route obésité, avec le plan Cancer ou encore avec la feuille de route grand âge et autonomie. Enfin, elle contribue au plan héritage de l'État pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024.

La stratégie est ramassée, concrète et elle a été définie par l'ensemble des acteurs ministériels, ainsi que par les mutuelles et l'assurance maladie. Elle s'articule autour de quatre axes.

Le premier axe est la promotion de la santé et du bien-être par l'activité physique et sportive, en ciblant des populations prioritaires : les enfants, qui vont mal et qui représentent une bombe sanitaire, les actifs, dans le champ tant de l'entreprise que du secteur public, et les plus de 70 ans, dont les indicateurs de vie en bonne santé sont dégradés.

Le deuxième axe est le développement de l'offre de l'activité physique adaptée à des fins d'appui thérapeutique. Les médecins doivent prescrire avec confiance de l'activité physique adaptée, en accompagnement d'un parcours de soins. Ne pas prescrire une activité physique adaptée à une personne malade chronique ou en affection de longue durée, c'est la priver d'une chance.

Le troisième axe consiste à mieux protéger la santé des sportifs et à protéger les pratiques ; c'est un volet plus classique d'intervention du ministère des sports.

Le quatrième axe, enfin, consiste à documenter et à diffuser les connaissances relatives aux impacts de la pratique physique et sportive sur la santé.

M. Matthieu Schuler, directeur de l'évaluation des risques de l'Anses. - Je vous remercie de donner à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail l'occasion de s'exprimer sur l'activité physique et la sédentarité.

L'Anses est une agence de sécurité sanitaire. Nos maîtres mots sont : « évaluer, connaître, protéger », puisque nous travaillons sur les connaissances scientifiques permettant d'évaluer les risques et d'éclairer les pouvoirs publics. Nos champs d'intervention sont la santé-environnement, la santé au travail, la santé alimentation ou encore la santé animale. Nous avons une approche globale des risques. Ainsi, en santé alimentation, par exemple, nous nous intéressons aux contaminants chimiques, aux risques microbiologiques et à la qualité nutritionnelle des aliments, mais aussi à ce que l'on en fait, à l'activité que cette alimentation nous permet de fournir ; c'est pour cela que Mme Margaritis, qui est avec nous à distance, gère dans son unité les risques nutritionnels d'une manière globale, du point de vue tant des apports que de l'utilisation.

L'expertise collective est notre outil principal. Nous travaillons avec plus de 800 experts externes, qui permettent de définir des repères. Il a été évoqué le niveau d'activité physique souhaitable - soixante minutes par jour - et le seuil de sédentarité à ne pas dépasser - environ deux heures. La question n'est pas de savoir si les gens se sentent mieux ou moins bien selon qu'ils respectent ou non ces limites ; la littérature scientifique le confirme : une exposition à un niveau inadéquat d'activité physique ou de sédentarité a des conséquences directes sur la santé.

En 2016, l'Agence a établi des valeurs de référence pour l'activité physique et la sédentarité, en fonction de l'âge.

En 2020, nous avons émis un avis sur les risques de l'exposition des enfants et des adolescents à la sédentarité ou à l'inactivité. Quand on s'intéresse à un polluant chimique ou à un risque microbiologique, on constate généralement que quelques points de pourcentage - 3 %, 5 % ou 10 % - dépassent les valeurs de référence ; là, on constate qu'une proportion massive de la population des enfants et adolescents se situe au-delà des seuils, c'est-à-dire au-delà des deux heures, voire de quatre heures trente de sédentarité par jour et en dessous de soixante, voire de vingt minutes, d'activité physique. Cela nous préoccupe et met en lumière l'importance de la stratégie nationale sport-santé, afin que des mesures soient prises et que les comportements changent. L'activité physique et la faible sédentarité contribuent au bien-être mais pas seulement : quand on est en dehors des repères, on se met en risque.

Au cours des phases de l'enfance et de l'adolescence, ce qui se joue, c'est l'apprentissage comportemental pour l'avenir mais ce sont aussi les effets cumulés de l'inactivité sur la santé.

Nous allons mener une évaluation similaire pour les adultes au cours des mois à venir.

M. Albert Scemama, chef de projet au service évaluation de la pertinence des soins et amélioration des pratiques et des parcours de la HAS. - Je représente la Haute Autorité de santé, autorité publique indépendante qui vise à développer la qualité dans le champ sanitaire, médico-social et social et dans l'intérêt des patients. Elle a été saisie pour étudier les thérapies non médicamenteuses et l'activité physique.

En 2011, la HAS a publié des recommandations pour développer les thérapies non médicamenteuses, notamment l'activité physique. Elle a développé des outils visant à favoriser la prescription d'activité physique adaptée en médecine de premier recours. Nous avons mis en place un comité d'experts, qui a étudié les pratiques à l'étranger et en France. Nous avons défini deux stratégies possibles pour promouvoir l'activité physique : la promotion en communauté et la promotion d'activité physique au travers de la prescription médicale.

De nombreux pays ont développé ce type de politique, notamment la Suède en 2001, puis la Norvège, le Danemark, la Finlande, la Suisse, le Royaume-Uni et la Nouvelle-Zélande.

En France, nous observons cinq freins majeurs à la prescription de l'activité physique par le médecin : le manque de connaissances par le médecin des impacts sur la santé de l'activité physique, les craintes liées à l'occurrence de problèmes cardiovasculaires graves pendant l'exercice - mort subite ou infarctus -, l'absence de recommandations sur les modalités de consultation et de prescription de l'activité physique, l'absence de parcours structuré pluriprofessionnel centré sur la prescription et le coût de l'activité physique prescrite pour les patients.

Le but de la HAS a été de développer des outils visant à lever les trois premiers freins. Nous avons ainsi créé un guide de promotion de consultation et de prescription de l'activité physique et sportive pour la santé, pour les adultes, ayant pour vocation d'apporter des connaissances sur les effets bénéfiques de l'activité physique et sur l'activité physique elle-même.

Nous avons en outre défini une consultation en trois étapes : un autoquestionnaire sur l'activité physique, permettant de sélectionner les personnes ayant besoin d'un avis médical. Parmi ceux-ci on distingue ceux qui ont simplement besoin d'une évaluation minimale, rapide. Pour les personnes qui présentent des facteurs de risques, une consultation longue, d'environ trente minutes, est requise.

Nous avons également prévu les modalités de prescription : des conseils d'activité physique et de réduction de la sédentarité, voire une prescription de programme d'activité physique adapté avec un suivi.

Ainsi, deux freins subsistent : les parcours et le problème du coût. Selon la loi de janvier 2016 et ses textes d'application, notamment l'instruction interministérielle de 2017, la consultation médicale telle que nous l'avons définie n'est pas remboursée.

Un cadre est proposé pour le suivi ; il est intéressant de se poser des questions entre ce qui se fait sur le terrain et ce qui est dans les textes.

Aujourd'hui, la HAS a publié un argumentaire, un guide ainsi que des référentiels d'aide à la prescription d'activité physique, par pathologie. Nous l'avons fait, en 2018 et 2019, sur le surpoids et l'obésité, le diabète, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO), l'hypertension et les maladies coronariennes, les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les cancers, la dépression, mais aussi sur des états de santé - je pense aux personnes âgées, fragiles, à risque de chute, ayant des troubles cognitifs, ainsi que les femmes enceintes et post-partum.

Récemment, nous avons été de nouveau saisis par la direction générale de la santé (DGS), mais aussi dans le cadre d'une autosaisine, de onze nouvelles pathologies concernant l'enfance et le handicap. Nous avons également l'intention de produire un guide pour l'enfant et l'adolescent. Enfin, à partir de ces référentiels qui apportent, de manière synthétique, l'ensemble des informations aux médecins traitants pour les aider à prescrire, nous allons développer des « fiches mémo » et des fiches patients. Ces dernières permettront d'informer les patients sur les bénéfices de l'activité physique pour leur pathologie.

M. Alain Frey, président de la Société française de traumatologie du sport et membre du conseil d'administration de la Société française de médecine de l'exercice et du sport. - En tant que médecin du sport depuis plus d'une trentaine d'années, exerçant au sein d'un service de médecine du sport, j'aimerais faire un parallèle avec notre activité pour les sportifs de haut niveau.

Nous essayons d'appliquer les règles de suivi des sportifs de haut niveau aux sportifs loisirs et au sport-santé. Nous alternons, dans notre activité quotidienne, entre ces différents types de sportifs. La finalité des tests d'efforts est la même pour tous : regarder si la pratique d'une activité physique ne pose pas problème, guider le sportif dans son activité physique.

Notre travail a été, au niveau des sociétés savantes, d'appliquer les recommandations du ministère, de la HAS et de la commission médicale et scientifique du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Nous avons ainsi mis en place le e-Vidal pour la partie sport-santé, avec le concours de l'ensemble des médecins fédéraux qui ont proposé des schémas thérapeutiques de prise en charge par sport et par pathologie. Certes, le e-Vidal n'est pas encore complet, mais il continue à se développer. Des dispositifs de prévention - primaire, secondaire et tertiaire - sont progressivement mis en place par les fédérations et discutés au sein de leurs commissions sport-santé. Cela a représenté un important travail, qui se poursuit encore dans quelques fédérations.

En matière de sport-santé, nous n'avons pas attendu les dernières recommandations. Je travaille au service de médecine du sport de l'hôpital de Poissy-Saint-Germain et j'ai été contacté, dès 1998, par la pédiatre de l'hôpital Bullion, qui traite de l'obésité morbide des enfants en Île-de-France. Elle m'avait proposé de prescrire de l'activité physique aux enfants obèses. Nous avons donc commencé à travailler cette question il y a plus de vingt ans.

Nous avons travaillé à la mise en place de cette activité physique pour les enfants, qui s'est depuis développée. Rien que pour l'hôpital de Poissy-Saint-Germain, nous disposons actuellement de six enseignants en activité physique, répartis dans les services de neurologie, de rééducation et de médecine du sport. Ils nous aident au quotidien dans l'évaluation des patients.

En pratique, soit le patient n'a pas beaucoup de facteurs de risque et sera simplement évalué par son médecin traitant, lequel va l'adresser à un éducateur spécialisé qui le prendra en charge directement. Soit il souffre d'une pathologie importante et lourde et sera alors évalué via Prescri'forme, avant d'être pris en charge par un éducateur spécialisé au sein de notre service.

S'agissant de la formation des médecins à la prescription de l'activité physique, les médecins du sport y sont évidemment beaucoup plus sensibilisés. Les spécialistes se tournent systématiquement vers nous, car ils ne savent pas prescrire de l'activité physique. Depuis deux ou trois ans, ils nous adressent systématiquement certains patients pour un bilan et la mise en place d'une activité physique en fonction de la pathologie.

Tout ce réseau nécessite, évidemment, de la formation, notamment pour les éducateurs. Nous avons, au début, mis la charrue avant les boeufs : nous avons commencé à former les médecins, mais il n'y avait pas d'éducateur spécialisé capable de prendre en charge le patient dans telle ou telle discipline permettant de lui assurer une formation en toute sécurité.

Beaucoup d'efforts de formation de ces éducateurs sont faits, soit directement par les comités départementaux olympiques avec l'aide des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, soit par les fédérations. Ces formations sont validées par les commissions sport-santé des fédérations dans lesquelles siègent des médecins et des entraîneurs. Un entraîneur ou un éducateur peut craindre les conséquences d'une activité physique chez les patients ayant une pathologie chronique lourde. Nous leur expliquons que, comme les sportifs de haut niveau, ils ont été évalués et que, si le risque n'est pas nul, nos consignes permettent de tenir compte de leur handicap moteur, cardiovasculaire, pulmonaire ou de surpoids.

Enfin, il est vrai que la visite sport-santé, pour une personne souffrant d'une affection de longue durée (ALD), prend du temps. Outre le questionnaire, l'interrogatoire, l'examen clinique complet, il faut prendre le temps d'expliquer nos propositions au patient pour qu'il adhère au projet. Cela sera plus facile pour un sujet qui a fait un peu d'activité physique dans sa jeunesse que pour une personne qui n'en a jamais fait auparavant.

M. Michel Savin. - Merci pour vos interventions précises et riches.

Les différents intervenants ont mis en avant les effets bénéfiques de la pratique de l'activité physique et sportive sur la santé de nos concitoyens. Malheureusement, l'activité physique est uniquement vue comme un élément contribuant à la bonne santé de chacun, mais nullement comme un réel outil thérapeutique.

Pourtant, le sport constitue un véritable outil thérapeutique qu'il faudrait largement développer. On peut néanmoins noter que, depuis quelques années, des avancées ont été faites, même si elles s'arrêtent souvent au milieu du gué. Ainsi, le sport sur ordonnance peut être prescrit, mais n'est pas remboursé. Les médecins sont, peut-être pour partie, peu ou mal informés de la possibilité de prescrire de l'activité physique et sportive.

Le décret concernant le forfait post-cancer a été publié il y a seulement quelques jours. À nos yeux, il n'a pas été assez concerté, ignore largement les professionnels qui agissent au quotidien et demeure très centré sur les hôpitaux. De nombreux acteurs sont aujourd'hui désabusés et, là encore, la question de la prise en charge des soins se pose.

Espérons que le décret mettant en place le dispositif adopté pour le diabète soit pris beaucoup plus rapidement !

Enfin, en ce qui concerne les maisons de santé, si l'idée a été saluée, nous sommes attentifs à leur mise en oeuvre. Il s'agit désormais davantage d'une labellisation - les acteurs labellisés étant très divers et regroupant de nombreuses réalités. Il ne faudrait pas que le sport-santé devienne un produit marketing.

La logique budgétaire nous contraint très souvent. Aussi, il nous faut dépasser le cadre de cette pensée budgétaire annuelle. Toutes les études le prouvent, un développement ambitieux et soutenu du sport sur ordonnance offrira de nombreuses économies à notre système de santé. L'activité physique et sportive comme traitement s'inscrit dans la durée.

Mme Gautier a présenté la stratégie de l'État en matière de promotion de l'activité physique et sportive. Tout le monde partage cet objectif qui nécessite de faire un travail de fond auprès de l'ensemble des partenaires comme l'éducation nationale, les associations sportives et les médecins. Elle a rappelé que, s'il y a prescription, celle-ci n'est pas prise en charge par la sécurité sociale. Aussi, une partie de nos concitoyens ne peuvent pas, pour des raisons de ressources financières, pratiquer d'activité physique et sportive proposée par des professionnels, même sur une période courte, par exemple dans le cadre du traitement d'une maladie. Le point essentiel de notre réflexion est la prise en charge par la sécurité sociale. Comment démocratiser rapidement et efficacement le recours à l'activité sur ordonnance ?

Enfin, comment comprendre et expliquer que les personnes qui ont une prescription d'activité physique adaptée (APA) ne puissent pas déroger au couvre-feu entre 18 et 20 heures ?

Mme Marie-Pierre Richer. - On parle beaucoup de la nécessité du sport-santé pour les jeunes, et nous sommes tous d'accord pour dire que c'est indispensable, ainsi que pour les adultes.

Vous avez évoqué, madame Gautier, la troisième cible : les 70 ans et plus. Il me semble qu'ils sont, ce matin, quelque peu oubliés. Les salles de sport étant fermées et alors que de nombreuses associations ont développé des activités de sport adaptées à ces personnes, rien ne leur est proposé. On sait que l'émulation crée l'activité sportive ; actuellement, certains ont tendance à se renfermer sur eux, et à rester à leur domicile.

Enfin, je souhaiterais savoir si une étude a été effectuée sur les conséquences de la crise sanitaire dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Non seulement les résidents n'ont pas pu voir les membres de leur famille, mais nombre d'entre eux ont été isolés dans leur chambre : c'est de la sédentarité complète !

Mme Florence Lassarade. - J'ai été longtemps associée au réseau de prévention de l'obésité pédiatrique de Nouvelle-Aquitaine, qui était très vertueux dans sa démarche, avec des consultations de trois quarts d'heure, des entretiens avec un diététicien, et des activités sportives. Proposer ces dernières à l'enfant était beaucoup plus facile en milieu urbain et beaucoup plus difficile en milieu rural. Pour autant, les efforts étaient réels de la part des familles, mais la durée des prises en charge ne dépassait pas deux ans. Après deux ans, les familles étaient à nouveau livrées à elles-mêmes, et l'on revenait à la case départ. Il s'agissait surtout de familles assez défavorisées. Ce type d'association n'est souvent qu'un emplâtre sur une jambe de bois, puisqu'après deux ans on repart complètement à zéro. La prescription de sport par ordonnance, c'est très bien - même si le sport devrait être du plaisir - mais, tant qu'il n'y a pas de remboursement, cela restera complètement marginal.

M. Jean-Raymond Hugonet. - Merci pour l'organisation de ces tables rondes, et merci à Michel Savin de porter cette thématique capitale au sein de la commission de la culture. Nous avons, dans notre pays, de très nombreuses études, d'innombrables travaux ; il existe des stratégies, des plans nationaux. On voit ce que ça donne en ce moment sur une autre thématique... Quand va-t-on prendre concrètement des mesures qui ne coûtent pas un centime à notre pays et qui peuvent rapporter beaucoup ?

Sur le plan symbolique, les deux événements principaux qui viennent de se dérouler sous nos yeux, s'agissant du sport, vont à l'inverse de toutes les recommandations qui sont faites ici. Je pense, d'abord, à la réduction comme peau de chagrin du ministère des sports, désormais sous tutelle du ministère de l'éducation. Je pense aussi à l'occasion inespérée qu'a été la crise sanitaire pour mettre en avant le sport, et au fait qu'à l'inverse le sport a été reconnu de façon nationale comme une activité non essentielle : les salles de sport, les clubs de sport, les remontées mécaniques, bref tout ce qui peut aider à faire bouger les Français a été mis sous le boisseau. C'est insupportable ! Je veux bien qu'on ait des plans, des stratégies. J'aimerais vous croire, madame Gautier. Mais j'aimerais maintenant voir des faits concrets. Promenons-nous dans nos multi-accueils, chers collègues : c'est un désastre. Les enfants ne bougent plus. Ils sont à l'arrêt. Quand allons-nous faire quelque chose ? Cela coûte peu, c'est un quart d'heure par jour, mais il faut que le sport soit mieux considéré dans ce pays, qui n'est pas un pays sportif.

M. Jean-Jacques Lozach. - Le constat est objectif, scientifique, incontestable : l'activité physique et sportive produit des bienfaits, à partir du moment où elle est adaptée. Les difficultés sont claires aussi, notamment la question du non-remboursement de la prescription. La demande est là, le besoin est là, mais il faut une réponse en termes d'accueil et d'offre d'activités physiques et sportives adaptées. Je pense aux clubs, aux entreprises, aux salles de sport privées. Je pense également aux Ehpad. Je mets de côté l'éducation physique et sportive dans les établissements d'enseignement. N'y a-t-il pas une réflexion à mener sur un nouveau métier à créer ? Il faudrait un référentiel de certification, pour une filière de formation santé-sport. Mis à part quelques éducateurs sportifs ici ou là, qui ont bénéficié d'un complément de formation sur ces sujets, cela reste assez marginal. Il y a donc sans doute un nouveau métier à créer, pour offrir une réponse à ce besoin incontestable.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - Merci pour ces auditions très intéressantes. Nous sommes tous convaincus que les effets de l'activité sportive sont très bénéfiques sur toutes les tranches de population et sur toutes les tranches d'âge, que l'on ait une pathologie ou non. J'approuve l'intervention de Michel Savin sur le remboursement des actes.

L'activité sportive est pratiquée par 67 % des cadres, contre 37 % des ouvriers. Et nous savons que les ouvriers sont ceux qui développent le plus de pathologies, notamment dans les grosses entreprises. Pourquoi avoir fermé les parcs ? Le premier confinement a été terrible. Et les salles de sport sont encore fermées... Je suis très inquiète. Si certains jeunes, pendant le premier confinement, ont pratiqué une activité sportive chez eux, avec leurs parents, leur famille, devant des vidéos, pour d'autres la journée se passe tout entière devant un ordinateur, avec du coca, de la malbouffe, des cigarettes. Dans cette crise sanitaire, notre jeunesse va mal, et il y aura des conséquences importantes.

Sur l'appel à projets du ministère en faveur des maisons sport-santé (MSS), j'ai quelques interrogations. Quelle proximité ces centres de santé vont-ils avoir avec les hôpitaux et les centres de santé publique ? Quel impact sur les familles les plus modestes ? D'après les statistiques, ce sont celles qui abandonnent le plus rapidement la pratique d'une activité sportive.

Mme Corinne Imbert. - Quel premier bilan tirez-vous du dispositif de sport sur ordonnance issu de la loi santé de 2016 ? Comment le recours à ce dispositif et son impact sur la santé des patients ont-ils été évalués ? Des évolutions sont-elles nécessaires ? Lors de l'audition précédente, M. Fleury nous disait que l'Inserm avait collaboré avec la HAS pour élaborer un type de prescription pour les médecins généralistes. Ce référentiel est-il suffisamment connu et utilisé par les médecins ? Comment les professionnels de santé sont-ils sensibilisés à ces enjeux ? Enfin, la collaboration entre les acteurs du secteur sanitaire, social et médico-social et les acteurs des activités physiques et sportives est-elle suffisamment développée ? Sinon, quels sont les freins ? Comment se passe le copilotage des actions sport et santé, au niveau territorial, entre les agences régionales de santé (ARS) et les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ?

Mme Christèle Gautier. - Nous sommes tous conscients de l'impact lié à la gestion de la crise sanitaire, bien documenté, et nous faisons le maximum pour le minimiser par des ajustements pour chaque public, des sportifs de haut niveau aux personnes qui se voient prescrire une activité physique adaptée dans le cadre d'un parcours de soins. C'est la raison pour laquelle une mesure dérogatoire, dans le cadre du confinement, a été prise pour toutes les personnes justifiant d'une prescription d'APA. Une réunion interministérielle se tient aujourd'hui, au cours de laquelle ces points seront évoqués, qu'il s'agisse des personnes en situation de handicap ou de celles qui bénéficient d'une prescription d'APA. Nous essayons de trouver les meilleurs ajustements, et c'est complexe.

Nous avons un important effort de communication à faire. La sédentarité est considérée comme un fléau comparable au tabagisme : sitting is the new smoking ! Avec la direction générale de la santé, le ministère des sports et l'ensemble des parties prenantes, en interministériel mais aussi avec les mutuelles, les représentants des professionnels de santé du sport et d'autres, nous avons décidé de mettre en place une action d'information, de sensibilisation et de communication large, à l'instar du mois sans tabac : le mois de l'activité physique et sportive. Ce mois devait avoir lieu, dans sa première édition, au lendemain des jeux Olympiques et Paralympiques, c'est-à-dire l'été dernier. L'idée était d'avoir chaque année un effet massif d'information, de sensibilisation et d'accompagnement des différentes populations par les professionnels concernés et par toutes les parties prenantes. Il faut imprimer dans le quotidien des gens un changement d'attitude, et promouvoir un droit à trouver des solutions autres dans notre quotidien. Pour cela, nous voulions prendre par la main les personnes, en leur disant de manière non culpabilisante qu'elles doivent et qu'elles peuvent trouver une solution, et qu'elles ne sont pas seules pour la trouver. Nous n'avons pas pu le faire l'année dernière. Nous prévoyons la première édition pour 2021, vraisemblablement au mois de septembre. Nous y travaillons avec Santé publique France, avec le Comité national olympique et sportif français et avec les agences sanitaires, et toutes les parties prenantes seront mobilisées.

Les bénéficiaires, qu'il s'agisse des représentants des patients ou du public, seront intégrés aux réflexions que nous menons, afin que nous appréhendions vraiment la situation réelle, sur le terrain, des personnes que nous voulons emmener.

Nous rencontrons une difficulté pour amener l'ensemble des médecins traitants, qui sont majoritairement des médecins de ville, à prescrire l'APA. Quel premier bilan faisons-nous de la loi de 2016 ? Il y a un avant et un après cette loi et les textes réglementaires qui l'ont suivie. On a vu le développement sur les territoires de dispositifs spécifiques, qui mobilisent à la fois les acteurs de la santé, les acteurs du sport, et ceux de l'APA. Il s'agit des médecins traitants, mais aussi des masseurs-kinésithérapeutes, des infirmiers, bref de toute cette communauté professionnelle, sans oublier les pharmaciens. C'est une véritable évolution, qui a nécessité une forte structuration sur le territoire, parce que les cultures professionnelles sont différentes.

Sous l'impulsion de la HAS et des expertises de l'Inserm demandées par le ministère chargé des sports, avec les travaux de l'Anses, ceux des sociétés savantes et professionnelles, avec les études menées par l'Observatoire national de l'activité physique et de la sédentarité (Onaps), nous avons pu documenter la question et accompagner les acteurs, organisateurs sur les territoires de ces structurations, qu'il s'agisse des ARS, des directions régionales de la jeunesse et des sports, et nous tenons cette communauté pluriprofessionnelle pleinement informée.

Au-delà de cette primo-information, il nous faut passer à la réalisation. Dans le cadre de la formation continue, nous allons poursuivre cette sensibilisation et la rendre plus concrète au quotidien et plus facile à mettre en oeuvre. De nombreux médecins nous ont dit que les éléments produits étaient très intéressants, mais qu'ils ne savaient pas comment les mettre en place.

Vous avez évoqué le non-remboursement. Beaucoup de praticiens m'ont demandé pourquoi il n'y avait pas une rémunération sur les objectifs de santé publique associée à la prescription. Ce n'est pas à moi de répondre... Beaucoup de médecins spécialistes - médecins du travail, médecins du sport, oncologues, cardiologues, pneumologues - se demandent aussi pourquoi ils n'ont pas le droit de prescrire. Le dispositif s'est étoffé ; accompagné par les deux ministères pilotes, il s'est déployé sur les territoires. Pour prendre toute sa mesure, nous devons le renforcer par des éléments permettant aux territoires de s'en emparer davantage. Il s'agit de donner la liberté aux acteurs pluriprofessionnels du territoire de s'organiser entre eux et de trouver les bons ajustements. Si un médecin traitant prescrit à son patient, qu'il connaît bien, vingt séances d'activité physique adaptée, avec des limitations fonctionnelles, et que le bilan de la condition physique est réalisé par un spécialiste de l'activité physique et sportive et de l'APA, nous avons des modalités opérationnelles pour une chaîne d'action plus efficiente.

Les médecins doivent être sensibilisés à la nécessité de recommander l'activité physique adaptée dès le plus jeune âge. Aux questions traditionnelles - fumez-vous, buvez-vous, etc. - il faut y ajouter : pratiquez-vous une activité physique ? Avec la direction générale de la santé, nous travaillons à un élargissement de la possibilité de prescrire à d'autres médecins que le médecin traitant, et à d'autres patients que les patients souffrant d'une affection de longue durée, notamment pour certaines maladies chroniques comme l'hypertension artérielle ou l'obésité chronique. En amont, un effort de sensibilisation de la population générale doit être ciblé là où l'on sait que les patients viennent, c'est-à-dire chez les pharmaciens, dans les officines, auprès des infirmiers, des masseurs-kinésithérapeutes. Et il faut tout prendre en charge beaucoup plus tôt, avec des recommandations, et pas seulement des prescriptions.

Pour les temps d'activité des enfants à l'école, le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports met un certain nombre d'outils à la disposition des élèves et des enseignants, avec notamment la mise en place du programme « 30 minutes d'activité physique quotidienne », ciblé sur le niveau primaire pour, dès le plus jeune âge, renforcer le forfait horaire de trois heures. En périscolaire, nous arrivons également à accentuer l'activité afin de limiter l'impact sur la santé. Il existe aussi des apprentissages aux mobilités durables, comme le savoir rouler à vélo ou l'aisance aquatique.

Pour les actifs, nous avons un plan très important de déploiement de l'activité physique et sportive en milieu professionnel. Celle-ci sera intégrée à la fois au volet « qualité de vie au travail » et au volet « santé au travail ». Nous en sommes au quatrième plan « santé au travail » pour les entreprises et au premier pour la fonction publique : c'est une petite révolution !

Pour les aînés, il y a longtemps que le ministère chargé des sports réfléchit à la question. Plusieurs plans se sont succédé. Nous réfléchissons aux conditions dans lesquelles l'APA pourrait être reconnue comme une compensation à la perte d'autonomie. Ce volet complémentaire est déjà bien intégré dans les conférences des financeurs pour la prévention de la perte d'autonomie. Il nous faut aller plus loin, et beaucoup de programmes sont développés qui permettent, jusqu'à GIR 3, d'accéder à une activité spécifique, qui n'est pas une activité sportive. Il faut dire à tous que l'activité physique et sportive s'appréhende à tous les âges de la vie. Elle se décline et s'adapte pour chacun. Les professionnels que nous formons au ministère chargé des sports, et les enseignants d'APA qui sont formés à l'université, ont vocation à accompagner ce mouvement.

Oui, nous devons aller plus loin dans la formation des enseignants et des éducateurs sportifs. Beaucoup a été fait pour que la sensibilisation des fédérations se traduise dans les faits sur les territoires. Celles-ci ont mis en place, ces dernières années, des plans de déploiement de l'activité physique à des finalités de santé, pour les populations de seniors, ou de personnes qui ont des pathologies spécifiques.

Avec la direction générale de la santé, nous avons reconnu un certain nombre de formations diplômantes qui donnent un éclaircissement sur qui peut faire quoi. Prescrire, oui, mais les médecins veulent savoir à qui ils adressent leurs patients ! Nous réfléchissons à une nouvelle filière professionnelle, et les travaux sont engagés avec l'ensemble des parties prenantes. Il faut distinguer entre activité physique et sportive et APA, qui n'est pas de la rééducation.

M. Matthieu Schuler. - Vous avez été nombreux à poser la question de la prescription. L'Anses n'est ni la HAS ni l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Mais si la prescription permet d'avoir une trajectoire thérapeutique plus rapide ou plus sûre, et donc une consommation de médicaments plus faible, alors la présence dans l'eau des résidus de médicaments sera moindre. Il y aura donc un impact environnemental.

Mme Irène Margaritis, chef de l'unité évaluation des risques liés à la nutrition, de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. - Sur le confinement, nous avons rendu un avis en mars dernier, dès que des mesures ont été mises en place, pour caractériser les dangers qui y sont liés. On ne connaissait pas, alors, l'issue de la pandémie et le niveau d'exposition de la population à court ou à moyen terme. Que le confinement soit total, partiel ou horodaté, il apparaît aujourd'hui qu'il pose des problèmes non seulement en termes d'activité physique, mais aussi de temps de sédentarité.

Le problème est lié à la fois à l'insuffisance d'activité physique, qui expose à un risque, bien connu, pour la santé, et à l'augmentation du temps de sédentarité. Nous avons publié un avis relatif à l'activité physique et au temps de sédentarité des enfants et des adolescents. Les deux tiers des tranches allant jusqu'à 17 ans sont des populations particulièrement exposées à des risques sanitaires qui font le lit des pathologies à venir. Il fut un temps où l'on parlait de culture physique. On n'en parle plus. Ces enfants particulièrement sédentaires seront des adultes qui n'auront pas acquis la culture de l'activité physique. On ne peut pas penser la prévention secondaire et tertiaire sans penser la prévention primaire, à la fois d'un point de vue sanitaire et en termes d'acquisition de compétences motrices. Il s'agit d'acquérir des habitudes qui vont permettre, au moment où l'on aura besoin de mettre en place la prévention secondaire et tertiaire, de le faire efficacement. On parle beaucoup d'un continuum, mais la question est celle de la mise en place et de l'acculturation grâce à laquelle ces populations, demain, pourront adhérer à l'approche thérapeutique non médicamenteuse.

La question des filières a été évoquée. Il existe une filière Sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) : il s'agit d'une discipline universitaire depuis 1981, et la filière délivre des diplômes de niveau 1 et 2, qui permettent, avec des spécialisations, de couvrir nombre des compétences dont nous parlons.

Nous travaillons sur l'exposition de la population française aux risques sanitaires liés à l'inactivité physique. Ce qu'on verra chez les adultes est sans doute de nature différente de ce qu'on peut voir chez les enfants et les adolescents. Mais les enfants et les adolescents d'aujourd'hui seront des adultes très différents des adultes d'aujourd'hui, parce que les choses évoluent très vite. Outre la question des écrans, les enfants et les adolescents qui ont vécu cette période de confinement subiront des conséquences irréversibles, car le temps passé à ne pas avoir l'activité physique nécessaire et à avoir eu des temps de sédentarité élevés d'un point de vue physiologique n'est pas forcément rattrapable. De plus, ils n'auront pas la culture qui leur permettra ensuite d'avoir l'activité physique nécessaire à la prévention primaire, et a fortiori à la prévention secondaire et tertiaire.

Quand nous avons travaillé sur le confinement, nous avons aussi pris appui sur nos travaux de 2016 et 2017 sur l'activité physique et la sédentarité. Nous avions identifié toutes les relations épidémiologiques avec les mécanismes physiologiques qui les sous-tendent. Nous avons bien vu que certaines populations étaient plus exposées à certains dangers, et notamment les personnes âgées, les enfants et les adolescents. Pour ces populations, les effets du confinement sont difficilement réversibles. Nous devons penser dès aujourd'hui à la manière dont nous pourrons gérer cette question.

M. Albert Scemama. - Il est important de souligner que nous parlons de prescription d'activité physique, pas seulement de sport. Les effets bénéfiques sont connus, tant en prévention primaire, secondaire que tertiaire, ainsi que sur le maintien de l'autonomie des personnes âgées, ou la prévention des chutes. Les activités physiques de la vie quotidienne sont mobilisées, avec les déplacements actifs, et l'on sait que des programmes se sont développés en France sur la mobilité active. Des exercices physiques peuvent être prescrits, ainsi que des activités sportives de loisir, dans le cadre de programmes particuliers ou de véritables programmes structurés d'activité physique adaptée.

Dans le guide, nous avons utilisé une prescription de thérapeutique du mouvement en quatre niveaux, en s'inspirant des travaux suédois et de la politique « Suède en mouvement ». Le premier niveau est un programme de rééducation. Le second est un véritable programme d'activité physique adaptée. Les niveaux 3 et 4 concernent les activités physiques de la vie ordinaire et le sport-santé, selon la pathologie et les besoins d'activité physique, mais aussi et surtout selon l'autonomie du patient et sa capacité à suivre un programme d'activités physiques de manière autonome en sécurité, soit en groupe, soit en individuel. Les besoins en activité physique de la population française sont considérables.

Les travaux de la HAS ont fait en sorte de ne pas limiter le guide au médecin traitant. Bien sûr, il est adressé en premier lieu à ce dernier, qui est le plus proche, qui suit le patient et qui est le référent du parcours des maladies chroniques. Mais il s'adresse à l'ensemble des professionnels et des médecins, quelle que soit leur spécialité. Il concerne aussi l'ensemble des professionnels qui vont s'intéresser au parcours, puisqu'il apporte des connaissances utiles. Il est prévu que, dans le cadre du parcours structuré, l'évaluation de la condition physique soit faite par un professionnel de l'activité physique, et que la motivation soit partagée entre le médecin traitant et l'ensemble des acteurs du parcours.

Nous avons essayé de ne pas créer de nouveaux freins, et surtout de lever les freins existants. Nos documents sont-ils utilisés ? Difficile à dire. En tous cas, nous apportons des outils, avec les fiches patients, ou des outils plus pratiques encore. Il est essentiel de développer ces parcours de soin, pour que le médecin puisse adresser le patient à une structure. Bien sûr, le patient n'a pas vocation à rester à vie en rééducation, pas plus qu'en programme d'APA. L'idée est de passer par tous les niveaux pour, si possible, arriver à une activité physique autonome. En effet, l'activité physique est efficace tant qu'elle est poursuivie, et ses effets disparaissent à peu près en deux mois si on l'arrête totalement. C'est donc un traitement à vie. Il y a une problématique de prise en charge, en sachant qu'un accompagnement doit être fait vers l'autonomie du patient, pour éviter une prise en charge à vie.

En ce qui concerne les métiers, tout dépend du niveau de prise en charge. La rééducation concerne avant tout les paramédicaux. Au niveau des programmes d'activité physique adaptée, ceux-ci interviennent conjointement avec les professionnels de Staps. Enfin, pour les activités physiques ordinaires et le sport-santé, nous avons des éducateurs formés. Ce qui nous manque, et qui existe dans d'autres pays, ce sont les bénévoles formés qui accompagnent les patients.

Les bénéfices de l'activité physique sont bien démontrés. Surtout, ils sont très largement supérieurs aux risques. Il ne faut pas avoir peur de l'activité physique comme traitement. Le nombre des examens complémentaires est limité et les indications de l'épreuve d'efforts sont aussi très ciblées. Le but est de ne pas mettre en place de freins. C'est pourquoi nous avons rédigé un guide en trois niveaux : tout le monde n'a pas besoin de consulter un médecin, tout le monde n'a pas besoin d'une consultation longue, et tout le monde n'a pas besoin d'examens complémentaires. C'est pourquoi nous avons retenu cette déclinaison au niveau d'un guide, et par pathologie, pour lever un maximum de freins.

Nous avons développé un référentiel pour les personnes âgées sur l'importance de l'activité physique, qui est importante tout au long de la vie : pour un vieillissement réussi, il faut s'y prendre tôt. Dans les Ehpad, la réduction de l'activité physique provoque une dégradation de l'autonomie et, dans le cas de personnes très âgées, avec des troubles cognitifs à plus de 50 %, les effets ne sont pas réversibles. Pendant la crise de la covid, avec les taux de mortalité très élevés, il n'y avait pas d'autre possibilité qu'un isolement en chambre, surtout qu'on manquait de masques. Il y a eu de très grosses difficultés, avec des conséquences qui ne sont pas négligeables.

M. Alain Frey. - J'ai entendu dire que la France n'est pas un pays qui a une culture sportive développée. Oui, c'est vrai, nous n'avons pas cette culture. Cela commence dès le sport à l'école. À mon époque, on en faisait quatre ou cinq heures, durée qui s'est réduite comme peau de chagrin à deux heures ; et si ces deux heures sont placées entre huit et dix, ce n'est pas du sport, ni de l'activité physique... Pour en avoir discuté avec un certain nombre de professeurs dans les collèges, je sais qu'ils se sentent mis à l'écart et se demandent quand nous allons enfin développer cette activité en prévention primaire et inculquer la culture du mouvement. Il est beaucoup plus compliqué de commencer à pratiquer une activité physique à 40 ans !

Je ne reviendrai pas sur la loi de simplification des certificats, mais elle nous a interloqués, à la Société française de médecine de l'exercice et du sport. Nous n'étions pas opposés à l'idée de modifier la délivrance de ce certificat, avec une périodicité de trois ans, qu'on aurait même pu pousser jusqu'à cinq ans pour les personnes bien portantes, suivies et qui ont déjà un engouement pour l'activité physique. Mais la suppression pour les jeunes pose problème. Qui va les voir ? Qui va leur parler d'activité physique ? On espère qu'à l'occasion des trois dernières visites, aux alentours de dix, quatorze et dix-sept ans, le médecin posera des questions sur l'activité physique. Mais ce ne sera pas systématique, à mon avis. C'est dommage. Il y a beaucoup de problèmes de croissance chez les enfants et, pour les problèmes ostéo-articulaires, une intervention à onze ans est souvent plus efficace qu'à quatorze.

Une question a été posée sur les relations entre les MSS et les centres de référence. Dans la ville de Saint-Germain-en-Laye, il y a à la fois une partie de l'hôpital de Poissy Saint-Germain et une MSS, avec laquelle nous travaillons. Une personne peut y aller directement pour pratiquer une activité physique sans passer par la prescription médicale. Ou le médecin traitant, qui connaît son patient, peut le dispenser de l'évaluation par le centre de ressources ou le centre de référence : il prescrit directement l'APA, qui se pratique directement avec un enseignant. Le troisième niveau concerne les pathologies lourdes, pour lesquelles le médecin traitant ou le médecin spécialiste ne se sent pas capable, seul, de prescrire l'activité physique. Alors, une évaluation est faite par les centres de ressources, qui sont globalement des services de médecine du sport, à raison d'au moins un par département. Comme le suivi des sportifs de haut niveau a été simplifié par rapport à ce qui avait été fait en 2004 et 2006, ces centres ont la possibilité d'évaluer les patients et de donner des informations à l'enseignant qui les prend en charge.

La filière Staps-APA est celle qui forme à travailler avec les médecins pour suivre et adapter les programmes d'activité physique. Nous formons aussi des éducateurs sportifs au fur et à mesure, mais c'est long, cela ne se fait pas du jour au lendemain ! Il faut commencer par surmonter leurs craintes, car ils auront une nouvelle population à gérer : une personne de 70 ans, qui est obèse, souffre d'hypertension, à qui on a prescrit de l'activité physique, cela peut leur faire craindre d'être responsable de ce qui peut se passer sur le terrain ! Il y a donc toute une formation à faire. Le processus est enclenché et, dans les Yvelines, il se répand de plus en plus. Président d'un club de tennis, j'incite mes deux enseignants à se former à l'APA pour pouvoir prendre en charge des personnes qui ont une prescription.

Pour l'évaluation, nous avons mis en place un dispositif depuis 2016. Mais une période de six mois à deux ans n'est pas pertinente. Au bout de deux ans, les gens lâchent, surtout s'il n'y a pas de suivi. Nous avons donc essayé de reconvoquer systématiquement les personnes concernées au bout d'un an. C'est un travail lourd, mais cela permet de discuter avec elles, de savoir pourquoi elles ont arrêté, ou pourquoi elles continuent, quels sont les freins... Ces évaluations sont en cours. La comparaison entre 2016 et 2021 va être difficile, toutefois. En tous cas, tout va dans le bon sens.

La formation des médecins se fait par des enseignements postuniversitaires. Le Conseil national de l'ordre des médecins, par sa lettre mensuelle, donne aussi des informations sur le sport-santé. C'est surtout la discussion directe avec les médecins généralistes qui est efficace, pour bien expliquer concrètement, lorsqu'ils ont un patient dans leur cabinet, comment faire : à qui envoyer la prescription, etc.

La médecine du sport a toute sa place dans le dispositif. Ce n'est pas une spécialité actuellement reconnue en France, alors qu'elle l'est dans un certain nombre de pays européens. Son conseil national professionnel souhaiterait que les choses évoluent, car nous sommes à la croisée de tous les chemins et de toutes les spécialités. Même nos spécialistes - cardiologues, urologues, néphrologues, médecine interne, etc. - ne sont pas formés à la prescription d'activité physique. J'ai la chance de travailler dans un hôpital avec plusieurs spécialistes : dès qu'une prescription d'activité physique doit intervenir, ils se tournent vers nous, et nous travaillons de concert avec eux sur les pathologies. Bien sûr, les patients qui ont une activité physique diminuent leur consommation médicamenteuse, cela a été clairement démontré. Je crois donc que nous avons suffisamment mis en évidence l'intérêt de la prescription d'activité physique.

Mme Christèle Gautier. - Le programme MSS est une des mesures phares de la stratégie nationale sport-santé qui a commencé à se déployer en 2019. Déjà, 138 premières structures ont été reconnues, sur la base d'un cahier des charges assez précis mais qui permet, comme nous le souhaitions, à différents types de structures de s'y investir : centres hospitaliers, maisons de santé, associations sportives, cabinets médicaux... La reconnaissance est délivrée par le ministère de la santé conjointement avec le ministère des sports. Ces 138 premières MSS nous ont permis d'éprouver l'impact sur les territoires auprès des bénéficiaires - 70 000 personnes en un an. Ce chiffre est encore insuffisant, vu le nombre de personnes souffrant d'ALD à prendre en charge, mais cette nouvelle mise en réseau des professionnels qui ont besoin de se rencontrer et de se parler pour trouver les bonnes solutions pratiques aidera à mieux prendre en charge les personnes concernées. Nous avons tenu le comité national de programmation lundi pour la nouvelle vague de reconnaissances. L'objectif gouvernemental est d'arriver à 500 d'ici à 2022. Nous annoncerons dans les quinze prochains jours la liste complémentaire des structures référencées. Nous avons reçu 262 candidatures, malgré la crise et l'impact de la covid. Les territoires ont manifesté une forte volonté de s'investir sur ce sujet. Nous disposerons donc d'environ 250 structures reconnues MSS d'ici à la fin du mois.

Pour accompagner ce programme, le ministère des sports avait sollicité auprès de la direction du budget une mesure nouvelle. Celle-ci a été accordée, et 3,5 millions d'euros spécifiquement consacrés à l'accompagnement et à l'amorçage de ces structures référencées par les deux ministères seront alloués au titre de l'exercice 2021. Ce montant vient compléter l'effort important de l'Agence nationale du sport, qui alloue plus de 14 millions d'euros aux programmes mis en oeuvre par les acteurs du sport, en lien avec l'ensemble des acteurs qui mettent en place des programmes d'activités physiques et sportives à des finalités de santé sur les territoires.

La direction générale de la santé et la direction des sports ont confié à l'Observatoire national de l'activité physique et la sédentarité une mission d'évaluation de l'impact des programmes mis en place par les MSS sur leurs bénéficiaires, notamment en termes de condition physique et de recul de la sédentarité. Cette mission s'engage, elle va être menée sur plusieurs années, avec un programme précis, et elle concernera l'ensemble des structures reconnues MSS : le but est d'éviter que ce programme soit une mesure de marketing sans effets réels.

Dans le droit fil des préconisations de l'expertise collective de l'Inserm, nous avons engagé des travaux sur l'axe de recherche médico-économique. Une dizaine de programmes mobilisent, dans le cadre du parcours de soin, l'APA. La mise en place d'un programme de recherche interventionnelle est très complexe, car les conditions de la mise en oeuvre impliquent que l'on s'adresse à des personnes qui sont dans la vraie vie, si j'ose dire. Il y a donc des biais psychologiques, géographiques, et la définition d'un protocole de recherche ne suffit pas à les éliminer. Nous réfléchissons aux conditions dans lesquelles nous pouvons lancer cette grande étude, à compter de 2022 et sur plusieurs années, avec des cohortes importantes.

M. Albert Scemama. - Pourquoi une politique d'activité physique sur ordonnance ? Je n'ai pas de chiffres pour la France, mais la politique « Suède en mouvement » de 2001 a montré que le médecin permet d'atteindre des populations qui ne seraient pas atteintes par des politiques classiques, et que l'ordonnance elle-même est un facteur de motivation important. Les Suédois ont fait une étude en 2017 qui a montré qu'ils étaient capables, avec cette politique d'activité physique sur ordonnance, d'augmenter le niveau d'activité physique de 50 % en six mois, avec une observance de 65 % à six mois, soit l'équivalent d'un traitement médicamenteux. La HAS développe aussi ce type de prescription. Pour le diabète de type 2, notamment, l'activité physique sera l'un des traitements principaux.

M. Alain Frey. - À l'hôpital, nous avons créé une filière post-covid, qui a d'emblée rassemblé internistes, cardiologues, pneumologues, responsables de médecine du sport, pour évaluer les séquelles de ces patients, qu'il va falloir aussi mettre à l'activité physique. Cela commence à prendre, et la prescription d'activité physique commence tout doucement, progressivement, à faire son chemin.

M. Laurent Lafon, président. - Merci pour ces éclairages très précis, qui nous permettent de faire un point d'étape important sur cette problématique commune à nos deux commissions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 40.