Mercredi 10 mars 2021

- Présidence de Mme Sophie Primas, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Audition de M. Bruno Arcadipane, président d'Action Logement Groupe

Mme Sophie Primas, présidente. - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui M. Bruno Arcadipane, président d'Action Logement, pour faire le point sur la situation du groupe paritaire et sur les négociations avec le Gouvernement pour sa réforme.

Je souhaite tout d'abord vous remercier de votre disponibilité, monsieur le président, car je sais que vous avez bousculé votre agenda et je vous suis reconnaissante d'être devant nous ce matin.

Je crois que le moment est important. Depuis plusieurs années, le groupe Action Logement est sous le feu des critiques. On lui reproche d'être trop riche, mal géré et inefficace. L'été dernier, le Gouvernement a affiché sa volonté de parvenir de gré ou de force à une réforme profonde, voire au démantèlement du groupe, en utilisant une habilitation à légiférer par ordonnance qu'il voulait introduire dans le projet de loi de finances.

Comme vous le savez, notre commission et plus largement le Sénat se sont opposés vigoureusement à ce scénario. Le Gouvernement a reculé. Nous sommes hostiles à la liquidation d'un patrimoine social commun, fruit de plus de 70 ans de cotisations et d'un paritarisme au service du logement des salariés. Nous pensons fondamentalement qu'Action Logement est une chance pour le logement dans notre pays en sanctuarisant des moyens et en étant un partenaire des élus dans les territoires. C'est aussi le « navire amiral » du logement social qui tient la mer dans la tempête.

L'année 2020 a été catastrophique pour le logement social. Moins de 90 000 logements ont été agréés, plus de 40 % sont dus à Action Logement. C'est dire son importance.

Action Logement est la première foncière européenne. Si nous étions dans l'industrie, on parlerait d'un fleuron stratégique et nous espérerions que Bruno Le Maire monte au créneau pour le défendre...

Après les craintes de l'automne, Action Logement sort d'une négociation exigeante avec le Gouvernement sur la réorientation du Plan d'investissement volontaire, le PIV. Action Logement a accepté d'accroître fortement son effort y compris dans le cadre de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), sans pour autant obtenir un engagement quant à la préservation de sa ressource, qu'il s'agisse des prélèvements budgétaires directs lors des projets de loi de finances, ou du montant de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction, la PEEC. Je voudrais donc que vous détailliez ce PIV-Relance et que vous nous rassuriez sur la soutenabilité financière d'Action Logement.

Après un temps de trêve, le groupe entre maintenant dans le dur de la négociation avec le Gouvernement sur ses missions, ses ressources et sa gouvernance. Quel est le calendrier de ces négociations ? Certains parlent de les achever avant fin avril. Est-ce réaliste ou plutôt une manière de tordre le bras des partenaires sociaux ?

Quels sont les objectifs du Gouvernement ? Ces négociations déboucheront-elles sur une loi, comme Mme Wargon l'a promis ? À quelle solution souhaitent aboutir les partenaires sociaux ? Sont-ils attachés à un groupe intégré comme le dessinait la loi ELAN ?

Voilà, monsieur le président, les premières questions. Avant de vous passer la parole, je tiens à préciser que notre réunion est diffusée en direct sur le site internet du Sénat et relayée sur les réseaux sociaux, notamment Twitter et LinkedIn.

Monsieur Arcadipane, vous avez la parole.

M. Bruno Arcadipane, président d'Action Logement Groupe. - Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, merci de nous accueillir dans cette maison que nous avons la chance de bien connaître et d'apprécier énormément.

Je vais essayer de répondre à l'ensemble de vos questions, qui sont nombreuses.

Ainsi que vous l'avez dit, 2020 a été une année catastrophique pour le secteur du logement et du logement social en particulier, avec 90 000 agréments - année record dans le mauvais sens du terme -, un effondrement des zones les plus sensibles pour notre pays. Je ne citerai que deux exemples, mais ils sont flagrants : - 30 % en Île-de-France et - 28 % en PACA, ce qui montre bien que des difficultés existent en matière de politique de logement depuis quelques années.

Le groupe Action Logement est un groupe jeune, qui n'a que quatre ans sous sa forme actuelle, la réforme que les partenaires sociaux ont souhaité lancer en 2016 ayant vu le jour par décret en octobre de cette même année. Notre groupe compte 18 000 salariés et plus d'une cinquantaine d'opérateurs sur l'ensemble du territoire hexagonal et les territoires ultramarins.

Nous sommes présents partout. Notre groupe est territorialisé, et puise sa force et son énergie dans des territoires et les bassins d'emploi. Son ADN, depuis plus de 65 ans, réside dans le lien emploi-logement. Sa mission revêt une utilité sociale toute particulière, celle de loger dans les meilleures conditions les salariés des entreprises au plus près de leur emploi.

Le contexte, de façon générale, est extrêmement difficile. Ce groupe jeune n'est pas mal géré, tant s'en faut. Les chiffres, au bout de quatre ans, sont extrêmement positifs et favorables. J'y reviendrai, et la directrice générale pourra compléter mes propos concernant cet aspect technique.

Ce groupe est efficace et le démontre au quotidien. J'imagine qu'on pourra évoquer des exemples concrets, factuels, des exemples de terrain, là aussi extrêmement importants. Comme vous l'avez dit, il s'agit d'un groupe massif, solide, qui pèse environ 18 % des logements sociaux en France et produit plus du double de son poids économique. Nous devons donc rester extrêmement stables et fiables pour le pays, car nous sommes l'acteur français - et peut-être même européen - le plus prégnant sur le marché.

Nous avons fait l'objet de beaucoup de critiques depuis l'été dernier, qui a été particulièrement compliqué, je dois le dire. La plupart des critiques s'appuyaient sur des rapports difficiles à accepter de l'intérieur, et même difficiles à lire. Un groupe de cette taille, après quatre ans d'existence, évolue à une vitesse extraordinaire. Nous avons réalisé des centaines de fusions de sociétés, sous l'impulsion des partenaires sociaux, garants de la bonne gestion du groupe. La plupart des rapports se basent sur des chiffres passés, parfois très anciens. Certains font même référence à la situation d'avant la réforme d'Action Logement. Cela ne veut donc absolument plus rien dire.

Nous étions plus d'une centaine de collecteurs. Or la collecte est aujourd'hui très numérisée et a ramené 1,7 milliard en 2020 pour un coût de seulement 1,5 millions d'euros. Il ne s'agit plus du tout du même groupe que celui qui existait en 2016, 2017, 2018, voire 2019.

Nous sommes un groupe extrêmement agile, dynamique, qui avance. Nous sommes loin d'être parfaits - et je suis devant vous aujourd'hui pour m'en expliquer. Il est naturel qu'un groupe de cette taille, au bout de quatre ans, ait encore besoin d'évoluer, évolution que l'on réclame depuis 2018. La loi ELAN nous a permis d'opérer des avancées fortes et puissantes, mais le décret d'application n'est jamais sorti.

Ce sont ces questions que l'on doit se poser plutôt que de relayer des critiques très virulentes, qui s'appuient sur des éléments aujourd'hui sans fondement. À cet égard, le rapport de votre commission est excellent, rédigé rapidement avec des chiffres à jour. Je remercie l'ensemble des sénatrices qui ont participé à ce rapport, rédigé en un temps record, sur la base de chiffres clairs et à jour. Pour nous, ce rapport est le premier qui a pris acte de la vitesse d'exécution du groupe Action Logement depuis quatre ans. Merci beaucoup. Les discussions que nous avons eues ont été extrêmement transparentes. Elles ont été d'une très grande utilité et ont eu un résultat unique.

Quelques chiffres pour vous prouver qu'Action Logement, en 2020, n'est absolument pas dans le marasme. Le groupe a réalisé une très belle année. Fort heureusement pour la France et pour nos territoires, nous avons continué à tenir un rythme extrêmement soutenu. Sans cela, l'effondrement serait bien plus important et calamiteux pour notre pays.

Nous avons, en 2020, obtenu 42 000 agréments sur les 90 000 que j'évoquais tout à l'heure. Pour être clair, nous pesons 34 % de la part du marché social locatif. Nous avons réalisé 31 500 mises en route de chantier, avec une très belle progression par rapport à 2019. Comment avons-nous réussi à mettre en route 7 à 8 % de chantiers supplémentaires par rapport à 2019 ? Très vite, nous avons demandé à nos entreprises sociales pour l'habitat (ESH) de tout mettre en oeuvre pour relancer les chantiers, notamment les chantiers du BTP mais aussi les systèmes d'information et de numérisation. Nous avons apporté des aides aux entreprises et avons veillé à ce que l'ensemble des salariés de nos ESH soient le plus rapidement possible mis en télétravail pour ceux qui pouvaient l'être, mais avons également gardé l'ensemble de nos collaborateurs au contact de notre clientèle sur place, pour apporter notre soutien à nos clients. Nous sommes un groupe extrêmement efficient de ce point de vue.

Ce sont près de 24 000 logements qui ont été totalement réhabilités en 2020. Notre activité d'accession sociale a elle aussi augmenté, dans une période où l'ensemble du marché s'est effondré.

Un mot encore de notre activité de services aux salariés. On n'en parle pas souvent, mais c'est extrêmement important. 89 000 logements sociaux et 9 000 logements intermédiaires ont été attribués par nos filiales ESH et par In'li à 58 % de salariés.

On ne peut pas, même si on le souhaitait, attribuer 100 % de nos logements aux salariés, car nous sommes extrêmement encadrés par la loi. Une fois qu'on a enlevé les bénéficiaires du droit au logement opposable (DALO), le contingent préfectoral, etc., 40 % de logements en moyenne peuvent être attribués à des salariés. Nous avons là aussi réalisé une performance en leur en attribuant 58 %.

Près de 600 000 aides ont été attribuées, soit plus de 1,1 milliard d'euros de prêts et de subventions directement destinés aux salariés, aux jeunes et aux ménages primo-accédants et autres, qui font partie de l'histoire du groupe. 2,4 milliards d'engagements financiers ont été pris au bénéfice des bailleurs sociaux et intermédiaires. Enfin, vous avez tous pu le lire, 1,4 milliard a été versé au bénéfice des politiques nationales (ANRU, FNAP, etc.).

La campagne de collecte 2020 a également été très bonne, celle-ci s'appuyant sur la masse salariale 2019. Je tiens à souligner que l'État nous a versé 290 millions d'euros, correspondant à la compensation de la loi Pacte, ce qui a fait passer la collecte de 20 à 50 salariés pour l'ensemble des entreprises françaises. Je crois malheureusement que ce sera la dernière fois que nous aurons l'occasion de toucher cette compensation compte tenu de la modification de la loi par le dernier projet de loi de finances, et au-delà du milliard d'euros de ponctions.

Nous sommes un des piliers du secteur du logement. Les ponctions et les absences de compensations vont à terme extrêmement fragiliser la trésorerie du groupe. Le modèle économique change : on ne fait pas la même chose avec 1,3 milliard d'euros en plus ou en moins.

Je suis à présent à votre disposition pour répondre à vos questions.

Mme Sophie Primas, présidente. - Merci, monsieur le président. J'ai noté que vous aviez enregistré une importante progression des mises en chantier cette année. Je note au passage que vous n'êtes donc pas victime des maires qui refusent de construire ni de l'effet des élections municipales !

Je relève également qu'on vous a versé 290 millions d'euros, mais qu'on vous a pris 1,3 milliard.

Je vais passer la parole à nos quatre rapporteurs pour une première série de questions, auxquelles vous pourrez ensuite répondre, puis ceux qui le souhaitent pourront s'exprimer.

La parole est à Valérie Létard, cheffe de file du groupe de suivi Action Logement.

Mme Valérie Létard, rapporteure. - Il était nécessaire, madame la présidente, de resituer le sujet comme vous l'avez fait et de dire toute l'importance et l'intérêt que porte la commission des affaires économiques, au travers de la « mission flash » que nous sommes quatre à mener depuis plusieurs mois maintenant et qui va continuer son travail tout au long des discussions visant à la transformation et à la mue d'Action Logement.

Notre souhait collectif, comme vous l'avez rappelé, est de voir sanctuariser les moyens mobilisés par les partenaires sociaux au travers d'une contribution salariale affectée au logement.

On voit combien les politiques publiques, l'aide à la mobilité, l'accompagnement des salariés et la sanctuarisation de cette enveloppe ont contribué à assurer les résultats, autant que faire se peut dans cette période de crise difficile pour le logement. C'est pourquoi il nous faut être vigilant à l'avenir concernant ces moyens et leur protection.

La semaine dernière, Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, est venu visiter un chantier de rénovation thermique d'une filiale d'Action Logement avec Mme Wargon. Il y a affirmé la volonté du patronat de revenir à l'ADN d'Action Logement. Qu'est-ce que cela veut dire exactement ?

S'il s'agit de s'attacher à déployer un lien entre emploi et logement sur les territoires, nous sommes pleinement d'accord. C'est ce que nous avons soutenu dans notre rapport, mais certains pourraient l'entendre comme une ouverture à un partage d'Action Logement entre ce qui relèverait des politiques publiques et ce qui relèverait des partenaires sociaux. Ce scénario séduisant est potentiellement un piège, car non seulement la frontière est difficile à tracer, mais si la moitié de la ressource est ainsi affectée, cela ne remet-il pas en cause le statut de la PEEC, son montant et son mode de gestion ? Action Logement n'est-il pas un bloc dont la cohérence doit être affirmée ?

Concernant les finances du groupe Action Logement et sa trésorerie, nous sommes inquiets de constater que, de prélèvements en relances, en passant par une contribution exceptionnelle à l'ANRU, l'essentiel des ressources est capté, sans garantie que cela cesse. L'an passé, 1 milliard d'euros a été mobilisé pour les APL et il faudra bien trouver les ressources quelque part l'an prochain...

Nous comprenons d'après les négociations en cours qu'il existe un désaccord avec Bercy sur les réserves prudentielles du groupe. Pouvez-vous nous en dire plus ? Cette divergence de vues ne pourrait-elle pas justifier des prélèvements futurs ou le refus de lever les emprunts prévus sur les marchés ?

Concernant la rénovation énergétique, le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE) des logements ferait basculer 800 000 logements, dont 200 000 HLM, en classe F et G, dites passoires thermiques. L'Union sociale pour l'habitat (USH) estime que cela représente un surcoût de 8 à 10 milliards d'euros. Action Logement a-t-il évalué l'impact de cette nouvelle réglementation sur son parc ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Monsieur le président, le Gouvernement a annoncé sa volonté de prolonger et de réformer l'article 55 de la loi SRU. Comment Action Logement se positionne-t-il par rapport à ce projet et aux propositions qui sont formulées ?

Action Logement, ce n'est pas que le logement social. C'est plus largement le logement abordable pour les salariés. Pensez-vous qu'il pourrait être envisagé, dans le cadre de la réforme de la loi SRU, d'adopter un objectif en matière de logement intermédiaire en plus de celui concernant les logements sociaux ?

Dans l'avant-projet de loi 4D, le Gouvernement a annoncé sa volonté de territorialiser les politiques d'attribution et d'ajouter les travailleurs clefs aux publics prioritaires, déjà très nombreux. Quelle est la vision d'Action Logement, alors que l'on parle de repousser au-delà de fin 2021 l'application des attributions de logements sociaux en flux, voulue par la loi ELAN ? Quelle est votre vision de la mixité sociale dans et par le logement que le groupe que vous présidez entend promouvoir, et à travers la défense d'un modèle français et universel du logement abordable ?

Mme Viviane Artigalas, rapporteure. - Merci d'avoir resitué le contexte de cette audition très importante pour nous.

Le Gouvernement a annoncé une enveloppe de 2 milliards d'euros supplémentaires pour l'ANRU. Vous l'avez évoquée. Cet argent sera principalement apporté par Action Logement sous forme de subventions. On ne peut que s'interroger sur cette décision, alors que l'ANRU accroît ses réserves, qu'elle ne mobilisera pas cet argent avant longtemps et que l'urgence dans les quartiers est sociale et même alimentaire ! En sait-on plus sur le calendrier de décaissement ? Les bailleurs, eux, ne paieront pas avant la fin du programme. Qu'en est-il de son affectation alors que seulement 400 millions de besoins supplémentaires seraient identifiés ?

Action Logement a mobilisé une enveloppe de 1,5 milliard d'euros pour le logement outre-mer. Cette priorité a été maintenue dans le PIV-Relance, mais certains craignent que les commissaires du Gouvernement mettent des obstacles à leur déploiement et peut-être même plus largement au PIV-Relance, lors du prochain conseil d'administration, comme ils l'ont fait précédemment. Qu'en est-il ? Pouvez-vous nous rassurer à ce sujet ?

Mme Marie-Noëlle Lienemann, rapporteure. - Au-delà des questions qui ont été posées, je crois qu'une des grandes batailles qui est devant nous, à court terme, c'est le maintien de la PEEC à son niveau actuel. Bercy tente de longue date de mettre la main sur la PEEC et de fiscaliser ce mécanisme. Je crains qu'on n'ait pas totalement conjuré ce risque. Pensez-vous que le Gouvernement soit sur le point de modifier les règles de la PEEC et sa gestion ?

Par ailleurs, je crois très important qu'Action Logement réaffirme que ses financements ont vocation à servir au logement social. De ce point de vue, quelle part des financements d'Action Logement va à l'ensemble du logement social, hors ANRU, et quelle part va en direction du groupe Action Logement ? Les offices et autres structures ont aussi besoin de loger des salariés et d'avoir un juste retour sur les prélèvements obligatoires de la PEEC, ainsi qu'une certaine équité dans la représentation.

Enfin, quelle part va à l'accession sociale à la propriété ? C'est un sujet qui, vous le savez, m'obsède. Les salariés les plus modestes l'attendent avec impatience. Des crédits sont prévus : lesquels ? Il existait, je crois, un accord entre Action Logement et le mouvement HLM pour mettre en place une prime exceptionnelle afin d'accompagner l'accession sociale sécurisée. J'ai cru comprendre que le Gouvernement exerçait des pressions pour en réduire le montant. Le Sénat est déterminé sur ce point, qui touche les territoires périurbains, ruraux, où les attentes sont fortes. C'est une forme d'aménagement du territoire et un soutien à l'activité du bâtiment.

Enfin, comment imaginez-vous améliorer le lien entre l'action territoriale et l'intervention d'Action Logement ?

Mme Sophie Primas, présidente. - Monsieur le Président, vous avez la parole.

M. Bruno Arcadipane. - Je vous remercie pour la précision de vos questions. Je ne suis toutefois pas surpris, car je connais votre implication à toutes les quatre dans le secteur de façon générale.

Je vais essayer de vous répondre sur l'aspect politique. Nadia Bouyer, directrice générale du groupe, vous communiquera les quelques chiffres extrêmement précis que vous avez souhaité obtenir.

Je vais revenir sur ce que vous avez dit, madame la présidente, à propos de la problématique des maires qui ne souhaitent pas construire. Notre part de marché est importante, et nous sommes touchés comme tout le monde. Il faut de l'argent pour construire et beaucoup de détermination, mais cela ne suffit pas. Le sujet de la construction en général ou de la réhabilitation lourde est une question complexe, avec un cheminement particulier extrêmement précis, du fait de diverses lois qui se sont empilées les unes sur les autres et qui complexifient le travail de l'ensemble des opérateurs, publics comme privés.

Construire demain matin là où on veut des logements, sociaux ou non, relève d'une utopie totale. Ce n'est pas pour demain. Il ne faut donc pas croire que le dynamisme du groupe n'est basé que sur le fait que les fonds propres et la trésorerie de l'entreprise sont conséquents. C'est là aussi discutable. Nous sommes touchés par l'ensemble de ces coups de frein.

Nous n'avons absolument pas besoin d'une politique de stop and go. Il est important de travailler dans la durée. C'est un métier qui a besoin de stabilité et de visibilité. C'est vrai pour beaucoup de métiers, mais particulièrement pour celui-ci, où l'on s'engage sur des dizaines d'années et où l'on touche directement des millions de personnes.

On pourra revenir sur cette complexité réglementaire lors d'une autre audition. Le groupe Action Logement et moi-même, à titre personnel, restons à votre disposition. Si nos résultats de mises en chantier sont excellents, c'est parce que nous avions du stock en termes d'agréments, de mises en chantier, de permis de construire, etc. On a mis les bouchées doubles pour compenser la pandémie et l'ensemble des difficultés que nous avons rencontrées. Nous avons, comme tout le monde, été arrêtés sur l'ensemble de nos chantiers durant des semaines et des semaines. Il a fallu, au deuxième semestre, faire un effort considérable auprès de l'ensemble de nos équipes et de nos partenaires pour que ces derniers puissent rattraper le retard et dépasser les objectifs que nous nous étions fixés.

Quelle est la position des partenaires sociaux et particulièrement du Medef ? Je ne suis pas porte-parole, mais j'ai la chance et l'honneur de présider le groupe Action Logement. Le Medef nous a dit clairement, ainsi qu'au Gouvernement, qu'il n'y aurait pas de démantèlement du groupe. La PEEC est pour l'instant, selon nous, sanctuarisée à ce niveau et à ce stade de la discussion. Il n'est pas question de dire que c'est ad vitam aeternam. Par ailleurs, nous savons que la collecte de la PEEC va baisser en 2021, 2022 et très certainement 2023. C'est ainsi. Nous devons y faire face. Nous avons trouvé que ce n'était pas le moment de tout mélanger. Cette réforme a été engagée fin 2016. Nous souhaitons apporter de la fluidité et de l'efficience au système, être au plus proche des territoires, des salariés et des entreprises. Il n'y a pas, de façon générale, au niveau des partenaires sociaux, de question sur le fait de découper le groupe, couper la PEEC ou la baisser.

Pour l'instant, nous sommes focalisés sur l'efficience de la gouvernance du groupe et la mise en place rapide des mesures que nous prenons. Vous avez pu le constater ces derniers mois, la progression est extrêmement rapide et forte. Le budget de 1 000 euros que nous nous étions fixé concernant l'aide pour les jeunes primo-accédants à l'emploi a été pulvérisé en quelques jours. Nous sommes montés à plus de 1 800 demandes à l'heure sur notre plateforme, qui a malgré tout tenu. Ce sont des choses que nous aurions été dans l'incapacité de faire il y a encore quelque temps.

Les objectifs de la rénovation énergétique sont atteints et dépassés. Tout ce qu'on a mis en route ces derniers mois fonctionne très bien, et les objectifs sont atteints dans leur ensemble.

Concernant les emprunts prévus, les discussions avec le Gouvernement et les commissaires du Gouvernement sont habituelles. Pour être clair, si on n'a pas accès aux emprunts, je ne vois pas comment le groupe va pouvoir continuer à fonctionner. On ne peut piocher dans la trésorerie en permanence et espérer qu'il y en ait encore. Nous sommes certes un groupe paritaire, et l'on parle beaucoup de la singularité de la gouvernance, mais parlons aussi de la singularité de la ressource, qui est exclusivement celle des entreprises ! C'est la participation de 0,45 % qui fait tourner le moteur et permet au groupe d'avancer.

Une chose est sûre : on sait d'où vient notre ressource. Elle est unique et singulière, et il faut la protéger. Nous sommes tous d'accord pour continuer à la flécher exclusivement vers le logement. Action Logement est la seule structure qui sanctuarise cela. Les choses sont dites.

Quant aux propos de Mme Wargon sur la loi SRU, le sujet est d'une grande complexité. Il faut être extrêmement précis. Peut-être faut-il travailler de façon plus fine, en opérant des changements, avec des modes de calcul plus structurés, plus complexes, comportant des objectifs locaux et un objectif en fonction du bassin d'emploi par exemple. C'est quelque chose dont il faut discuter. Il est impératif que tous les acteurs se réunissent autour de la table pour parler de ces sujets qui mériteraient de voir leur mise en place facilitée pour atteindre les objectifs auxquels nous souhaitons tous parvenir.

S'agissant du logement intermédiaire, In'li a montré ces dernières années une évolution assez incroyable et une efficience très grande. Le groupe a des objectifs extrêmement ambitieux sur le logement intermédiaire, qui correspond à une vraie demande des Français, que la pandémie a encore accentuée. Un groupe comme le nôtre doit être exemplaire, leader et innovant.

Vous faisiez allusion au chantier que nous sommes allés voir avec Geoffroy Roux de Bézieux et Mme Wargon. C'est un véritable modèle, un exemple pour le futur. On a ajouté des balcons à des logements sociaux ainsi que des terrasses. C'est pour les clients une bouffée d'oxygène en pleine pandémie. Récupérer plus de 20 % de la surface en logement, en y mettant un petit box pour pouvoir y placer des choses qui ne trouvent plus de place dans des logements exigus est extraordinaire, sans parler de l'agencement de l'environnement direct de cette structure.

Il s'agit en fait d'une véritable résidentialisation de nos logements sociaux. C'est l'avenir. On ne pourra pas mettre tout le monde au même endroit : il faut donc apporter plus de confort, plus d'efficacité thermique. Celle-ci est réalisée en laine de roche de 150 millimètres sur l'ensemble de la résidence. On est donc plus vert, on apporte du confort et une vraie vision à ces locataires qui ne savaient plus vraiment pourquoi ils étaient là. L'ambiance pouvait se dégrader. Ici, on a remis du vert partout, ajouté des mètres carrés habitables, refait jusqu'aux garages et aux sous-sols : tout ceci est permis par l'exemplarité d'un groupe leader. Nous devons aller vers cette innovation verte, et nous en sommes très fiers.

Par ailleurs, Action Logement participe aux 2 milliards de l'ANRU à hauteur de 1,4 milliard. 200 millions d'euros viendraient de l'État, je dois le souligner aussi. Le reste vient de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).

Par ailleurs, le milliard et demi alloué à l'outre-mer est pour les partenaires sociaux un objectif majeur. J'ai effectué peu de déplacements depuis le début de ma présidence, mais mes visites ont été extrêmement efficaces. Beaucoup de maires m'ont montré des choses incroyables. Je me suis rendu notamment à Saint-Laurent-du-Maroni. Quand on a fait ça une fois dans sa vie, on ne regarde plus la France de la même façon. Saint-Laurent-du-Maroni est en France, et les partenaires sociaux prennent leurs responsabilités, investissent lourdement. Il y aura là aussi des échanges et des discussions. Nous sommes déterminés à continuer à investir sur ces territoires, qui en ont un besoin énorme.

Pour tout dire, nous réunissons une fois par mois une commission d'investissement où siègent les partenaires sociaux du plus haut niveau, avec le vice-président, moi-même, la directrice générale. Ensemble, nous étudions des investissements réalisés outre-mer. Nous nous penchons tous les mois sur l'avancement des engagements que nous avons pris.

C'est grâce à nos comités territoriaux et régionaux que les dossiers remontent jusqu'au siège, financés par les équipes de back office. On redonne ensuite la main aux territoires pour que ces derniers puissent avancer. Il sera compliqué de nous empêcher d'avancer sur les territoires ultramarins.

Enfin, je ne reviendrai pas sur le maintien de la PEEC. Je pense avoir été assez clair à ce sujet.

Pour ce qui est de l'accession sociale, le combat a déjà démarré. Nous ne sommes pas près de lâcher. Nous sommes tous derrière. Nous ne voulons pas qu'on nous « fasse les poches » pour financer autre chose. La détermination est réelle.

Les chiffres vont maintenant vous être présentés par Nadia Bouyer.

Mme Nadia Bouyer, directrice générale d'Action Logement Groupe. - Quelques précisions relatives à certaines questions concernant les finances d'Action Logement. Le modèle avait déjà un peu changé avec le PIV. Le plan d'investissement volontaire visait à mobiliser les réserves du groupe, décidé après la publication des premiers comptes consolidés, en 2018. Il comportait un emprunt de 6 milliards d'euros.

Depuis, du fait des différents prélèvements réalisés dans la loi de finance et des effets de la non-compensation et de la baisse prévisible des recettes de la PEEC en raison de la crise économique en 2020, le recours au marché est envisagé à hauteur d'environ 11 milliards d'euros ces prochaines années.

On n'est donc plus du tout dans la même situation financière, mais les choses demeurent possibles au regard du modèle d'Action Logement et de la ressource de la PEEC, telle qu'elle est et telle qu'on la projette, malgré la réduction dont je parle. Nous avons établi un nouveau plan à moyen terme au moment de la rédaction et de la validation de l'avenant signé pour participer à la relance.

Action Logement Services (ALS) est une société de financement soumise à un ratio de solvabilité et aux règles de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (APCR). Ce ratio de solvabilité a un plancher à 10,5 %. Nous sommes quant à nous bien au-delà, avec toutes les dépenses prévues dans le PIV, dans l'avenant à la relance et dans nos engagements à plus long terme par rapport à l'ANRU. Cela va baisser petit à petit, mais il nous faut rester au-dessus du ratio prudentiel.

Nous pensons que nous devons avoir un matelas et nous situer plutôt autour de 20 % pour deux raisons. Aujourd'hui, dans les banques, la moyenne tourne en France autour de 14,5 %. Certaines banques spécifiques, que je ne citerai pas, sont autour de 18,5 %. Or ALS n'est pas une banque et jouit d'un statut spécial. Nous avons besoin de maintenir un ratio. Il nous faut sur ce point un accord global avec l'État. La discussion va sans doute aboutir. Nous pensons que ce ratio se situe autour de 20 %. ALS ne pourra jamais augmenter son capital. Ce n'est pas Action Logement Groupe, qui a un statut associatif, ou les partenaires sociaux et les entreprises qui viendront renflouer ALS.

En second lieu, les investisseurs ont apprécié très positivement ALS, compte tenu de notre solidité financière et de la convention avec l'État. Nous sommes dans un modèle ad hoc. Si le ratio commence à baisser, il sera plus difficile pour nous de lever les emprunts dont nous avons besoin pour remplir ces engagements.

D'autre part, nous sommes très impactés par le DPE. Au niveau du secteur HLM, cela concerne environ 200 000 logements, vous l'avez dit. Nous sommes à environ 20 % du secteur HLM. Ce sont donc environ 40 000 logements qui vont basculer en F et G.

Nous nous étions déjà organisés pour résorber nos passoires thermiques dans les deux ans. On réhabilite à peu près 25 000 logements chaque année. Si on en ajoute 40 000, on va avoir devant nous une à deux années de réhabilitation. Nous serons dans les temps par rapport à la loi, qui prévoit trois dates : le 1er janvier 2023 pour les passoires thermiques, 2025 pour la classe G et 2028 pour la classe F. Si on démarre les chantiers dans les trois ou quatre ans, les choses risquent d'être justes.

Nous étions en avance, car cela fait déjà deux ans que toutes les ESH sont mobilisées. Le secteur HLM est globalement en avance sur la résorption des passoires thermiques. Ce sont là des éléments factuels. Il reste à réaliser ces DPE. Il s'agit d'estimations. Des campagnes vont démarrer pour ajuster notre plan d'investissement.

Concernant les attributions de logements, le système est aujourd'hui très complexe. On ajoute à chaque fois des quotas ou de nouveaux éléments à respecter. J'ai établi un schéma comportant toutes les contraintes liées aux attributions. À la fin, le bailleur, se retrouve avec un champ tel que cela devient très compliqué de savoir quelles contraintes on doit respecter.

Il faudrait aussi, s'agissant de l'équilibre dans nos logements sociaux, raisonner par résidence. Il en existe de très fragiles, et si l'on continue à mener des politiques de peuplement qui les fragilisent encore plus, on peut aggraver les problèmes sociaux. À l'inverse, il est beaucoup plus facile, dans certains endroits, de recourir aux critères d'attribution d'aujourd'hui.

Comment, grâce aux instances territoriales, caractériser une sorte de cotation de l'offre qui permettrait d'obtenir un accord territorial qui fournisse au bailleur la possibilité d'un vrai équilibre dans les résidences ? Action Logement y prend toute sa part puisque, en logeant des salariés, on apporte de la mixité dans ces immeubles.

C'est un très beau sujet qui est devant nous, et c'est une bonne chose de s'en préoccuper aujourd'hui.

Enfin, une enveloppe consacrée à l'accession sociale de 200 millions d'euros est prévue dans le cadre de l'avenant signé avec l'État. Il s'agit d'une prime de 10 000 euros pour tous les primo-accédants dans le neuf, en accession à la propriété à prix maîtrisé. Elle va être déployée prochainement. Les modalités seront décidées lors du prochain conseil d'administration du groupe. C'est une mesure très forte.

Dans l'avenant qui vient d'être signé, toutes les aides mises en place sont universelles, notamment une enveloppe supplémentaire pour le logement social afin de soutenir la production de tous les bailleurs sociaux qui vont recourir à des prêts locatifs à usage social (PLUS) ou des prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI), avec une impulsion simple et automatique destinée à encourager la construction de logements sociaux dans les deux prochaines années. C'est là une volonté forte.

Mme Sophie Primas, présidente. - En effet, on ne revient pas d'un voyage dans les DOM-TOM avec la même vision du logement. On voit l'importance d'aller au bout de la rénovation et de la construction dans ce domaine.

La parole est aux commissaires.

M. Jean-Marie Janssens. - Monsieur le président, le groupe Action Logement travaille sur la problématique du lien entre logement et emploi. L'une des missions de votre groupe est de construire et de financer des logements sociaux, notamment dans les zones qui en manquent, en contribuant aux enjeux d'éco-habitation, de renouvellement urbain et de mixité sociale.

Or pour être menés à bien, ces enjeux forts nécessitent d'être accompagnés et encouragés avec souplesse et pragmatisme. En matière de logement, le projet de loi Climat, actuellement en débat à l'Assemblée nationale et qui arrive bientôt au Sénat, vise notamment à combattre les passoires thermiques. Ces objectifs, que nous partageons toutes et tous, s'accompagnent de mesures très fermes, telles que l'interdiction de vendre ou de louer des logements classés F et G dans les diagnostics énergétiques dès 2028.

Pouvez-vous nous expliquer les contraintes et les éventuelles opportunités que des mesures aussi contraignantes et rapides auraient sur votre activité et, plus largement, sur les professionnels du logement ?

M. Bernard Buis. - Monsieur le président, madame la directrice générale, merci pour vos propos introductifs, qui ont été très clairs.

Aujourd'hui, il faut tendre vers zéro artificialisation nette des terres agricoles. Nous partageons cet objectif. En même temps, vous allez devoir construire 250 000 logements sociaux en 2021 et 2022 pour les travailleurs, notamment autour des grandes métropoles.

Comment financer la construction si le foncier devient plus rare, donc plus cher ? Allez-vous retourner vers les grands ensembles d'habitations qui ont fait le « charme » de la France des années 1960 ? Avec la montée du télétravail, envisagez-vous la réaffectation éventuelle de zones de bureaux en logements ?

M. Franck Menonville. - Monsieur le président, madame la directrice générale, permettez-moi de vous dire l'attachement que nous éprouvons pour votre groupe paritaire, notamment dans mon département de la Meuse, dont l'OPH vient de constituer à vos côtés une société anonyme de coordination (SAC) qui va donner un nouvel élan au logement social et à notre office départemental.

Nous sommes tous mobilisés en faveur de ce plan de relance de l'État, mais aussi en faveur des politiques départementales et régionales. La construction est indéniablement un levier important de relance pour les activités du bâtiment et de l'artisanat. Vous avez évoqué dans vos propos introductifs le fait que les moyens financiers ne suffisaient pas pour créer une dynamique de construction. Quels sont les freins les plus prégnants que vous identifiez ? Quels leviers actionner pour y remédier, compte tenu de la loi climat et de la loi 4D, qui pourraient peut-être constituer un véhicule législatif de simplification ?

M. Franck Montaugé. - Monsieur le président, vous avez parlé d'innovations, et je partage tout à fait cette ambition et cette nécessité.

Quelle est votre démarche spécifique concernant la question de la mobilité des salariés sur le territoire national, afin que ceux-ci puissent passer d'une région à l'autre pour aller vers l'emploi qu'ils ne trouvent pas forcément là où ils résident ? C'est un des points de difficulté que nous avons dans beaucoup de filières. Je pense que ceci va évoluer compte tenu des transformations que pourrait connaître l'économie de notre pays. Comment cette problématique est-elle prise en compte par votre organisation ? Il y a là un chantier qui ne vous concerne pas seulement, mais qui est fondamental, en lien avec les filières économiques nationales et les représentants des entreprises.

Je partage votre avis sur ce que vous avez dit à propos des ajouts de balcons et de terrasses sur les logements sociaux pour y avoir été confronté en tant que maire et président d'agglomération. Je trouve que les bailleurs sociaux sont beaucoup trop timorés sur cette question, souvent à cause des capacités de financement. Cet aspect, qui peut paraître anecdotique ou secondaire, ne l'est pas du tout : il permet de redonner du lustre à des logements qui n'en ont pas ou qui n'en ont jamais eu. Ce n'est pas en faisant de la peinture ou de l'isolation qu'on facilite la mixité sociale et la mixité géographique.

Enfin, je confirme que l'efficience des politiques de mixité sociale et de mixité géographique nous permettra d'aller vers la coexistence de catégories sociales très différentes dont on a besoin partout, et en particulier dans les programmes de l'ANRU.

Mme Sylviane Noël. - Monsieur le président, madame la directrice générale, merci pour les chiffres très encourageants que vous nous avez indiqués, qui nous prouvent, s'il en était besoin, la nécessité de préserver l'indépendance et l'autonomie de vos ressources financières qu'une budgétisation remettrait dramatiquement en question. On sait bien que l'État a la fâcheuse tendance de s'intéresser aux bons gestionnaires et cherche à avoir une mainmise sur leurs recettes, comme on a pu le voir avec les agences de l'eau il y a quelques années.

Je souhaite pour ma part vous interroger sur un point particulier. La filiale sociale d'Action Logement est engagée aux côtés de nombreuses collectivités pour la rénovation urbaine.

Je souhaitais, en complément de ce volet investissement, en savoir davantage sur les modalités de gestion de ces logements par vos différentes filiales. Beaucoup d'élus pensent qu'il faut remettre de l'humain dans ces copropriétés, employer des gardiens en lien avec les municipalités, non sur un modèle de gardien d'immeuble classique, comme on a pu en connaître par le passé, mais en inventant un modèle plus pertinent, à l'échelle d'un secteur, dont le rôle sera la médiation, le service aux aînés et la surveillance.

Que pensez-vous de cette proposition ? Seriez-vous prêt à vous engager aux côtés des collectivités dans cette démarche ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian. - Monsieur le président, je représente les Français de l'étranger et, à ce titre, je rencontre beaucoup de jeunes qui rentrent en France après le bac pour suivre un cursus universitaire. Ils ont bien entendu besoin d'un logement. Or beaucoup de bailleurs, en France, refusent purement et simplement les garanties des parents non-résidents. Une des solutions à ce jour consiste à se tourner vers la garantie Visale, mais nombre d'agences immobilières ou de bailleurs privés n'ont visiblement pas confiance dans celle-ci. Ils n'ont d'ailleurs pas l'obligation de l'accepter, puisqu'ils ne sont pas tenus de louer.

Certains propriétaires bailleurs qui ont loué à de jeunes Français venant de l'étranger, qui bénéficiaient de ce dispositif de précaution, ont été victimes d'impayés qui n'ont pas été pris en charge par Visale pour diverses raisons. Beaucoup sont méfiants et déconseillent d'y recourir.

Quels sont les moyens déployés pour promouvoir ce dispositif auprès des agences immobilières et des bailleurs, notamment concernant les garanties de remboursement dans le cas où des loyers seraient impayés ?

M. Yves Bouloux. - Monsieur le président, madame la directrice générale, le rapport d'information sur Action Logement adopté par la commission des affaires économiques le 17 novembre 2020 détaille quatre axes structurels d'amélioration.

Le deuxième axe concerne le lien avec les territoires et les élus. Les rapporteurs estimaient que ce lien s'était dilué avec la réforme, gênant par là même le déploiement des politiques et leur adaptation.

J'aurais souhaité connaître votre sentiment concernant cette piste.

M. Daniel Gremillet. - Je vais présenter dans quelques instants à mes collègues un rapport sur les conséquences de la mise en oeuvre de la RE 2020. Vous êtes directement concerné par la fin des chaudières gaz. Toutes les études, y compris les rapports du ministère, mettent en avant une augmentation du coût du logement comprise entre 5 % dans l'immédiat et 15 % en 2030.

Si l'on ajoute à ceci l'objectif de zéro artificialisation des sols, comment allez-vous aborder cette question pour atteindre vos objectifs, mais surtout rendre le logement accessible aux familles, celles-ci devant être, au final, en capacité de faire face à ce surcoût ?

Mme Anne-Catherine Loisier. - Comment, face à cette augmentation imprévisible des coûts du logement, avez-vous anticipé l'éventuelle augmentation du coût du foncier, du fait des dispositifs de lutte contre l'artificialisation des sols ? Avez-vous des réserves foncières ou des stratégies de démolition et de reconstruction ?

Mme Sophie Primas. - Voilà une belle équation économique qui porte sur le coût du foncier, de la RE 2020 et de l'amélioration de la qualité de vie !

M. Bruno Arcadipane. - Vos questions démontrent une fois de plus l'intérêt que vous portez tous au logement et à l'habitat de nos concitoyens.

Vous avez évoqué à plusieurs reprises la mixité sociale. C'est l'un des axes forts du groupe Action Logement. Une de nos structures dédiées ne travaille d'ailleurs depuis des années que sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et sur des problématiques de mixité. Elle fait un travail remarquable. Il s'agit de l'Association Foncière Logement, que beaucoup d'entre vous connaissent.

La Foncière Logement doit aujourd'hui également intervenir sur des copropriétés dégradées ou des logements indignes. La mixité est un vrai sujet qui, comme beaucoup, doit être remis totalement à plat. On doit être nombreux autour de la table de négociations pour faire avancer les choses, et on doit le faire sans tabou et sans carcan.

Dans les années 1970 ou 1980, un grand nombre d'entre nous - enseignants, professions libérales débutantes, chercheurs, pions, accédants à l'emploi - vivaient dans ces quartiers où l'on était plutôt bien. On y trouvait déjà, à l'époque, des étrangers, des migrants, des gens issus d'autres cultures, et des Français.

D'une façon générale, on a dû se tromper fortement pour en arriver à cette ghettoïsation que d'autres ont dénoncée avant moi. Parmi les questions qu'on peut se poser - je suis prêt à en débattre -, on peut citer le surloyer. Je sais qu'il ne faut absolument pas aborder ce sujet, mais le surloyer a quand même fait partir de tous ces quartiers les jeunes cadres que j'ai cités tout à l'heure ! On les a fait partir des quartiers difficiles, mais pas du 7e, du 8e, ou du 1er arrondissement de Paris. Même en payant un surloyer, c'est beaucoup moins cher que le privé : cela démontre bien l'inefficacité de cette règle. On a amplifié les problématiques sans les régler.

Cette question est prégnante, et il faudra la traiter. À un moment ou un autre, il faudra agir. Vous avez évoqué les règles d'urbanisme, la fluidité, vous vous êtes demandé ce qui pourrait améliorer les choses. Il faudrait une grande discussion sans carcan pour y parvenir, faire avancer les choses, régler cette complexité extrême et surtout arrêter de mettre en place des règles désincitatives.

On montre aujourd'hui les maires du doigt parce qu'ils ne veulent pas de permis de construire, pas de nouvelles populations, etc., mais compense-t-on en totalité ce qu'on leur prend ? Cela répond à un certain nombre de questions que vous avez posées en creux. Il faut là aussi avancer en faisant table rase du passé. On doit revoir globalement la réglementation et arrêter d'en ajouter de nouvelles règles, que ce soit dans la 4D ou ailleurs ! Il va bientôt nous rester un trou d'aiguille pour passer !

Je vous invite tous à participer à une commission d'attribution des logements (CAL). Tout à l'heure, on évoquait les travailleurs clés du public prioritaire : il est évident que l'on doit s'en occuper, mais comment faire si l'on ajoute des publics prioritaires aux publics prioritaires, des PP 5, des PP 6, des PP 7 ? Il va bien falloir travailler ensemble, laisser ceux qui doivent prendre leurs responsabilités le faire, sans ajouter au millefeuille ni complexifier les choses.

Quant à l'aspect purement technique, Nadia a été directrice générale d'une ESH - et pas la moindre. Elle peut donc vous parler du carcan dans lequel travaille l'ensemble des opérateurs. Nous sommes pour remettre les choses à plat, les retravailler. RE 2020 ou pas, une chose est sûre : il faut construire mieux, utiliser des matériaux plus naturels, voire biosourcés, recyclables ou recyclés dans certaines conditions, avec des règles de sécurité vérifiées par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), organe très puissant et très efficace, mais avec une efficience qui ne nous fasse pas perdre encore quelques années, et sans déstabiliser un secteur qui n'en a pas besoin. Je le disais tout à l'heure : le stop and go est quelque chose d'extrêmement compliqué.

Nous avons déjà répondu à la question concernant notre mission. On a été assez clair sur ce point. La question de l'artificialisation et des 250 000 logements apparaît en effet complètement schizophrène, mais c'est ainsi. On va y participer parce que c'est la volonté des partenaires sociaux. Nous allons conserver notre rythme de progression, mais la non-artificialisation est une vraie problématique, une question forte qui doit être discutée, débattue.

Les 250 000 logements doivent être construits dans des bassins d'emploi où les Français ont envie d'habiter et de travailler. Ce n'est donc pas si simple. L'objectif n'est pas de faire tourner des bétonnières pour le plaisir, mais d'être précis, puissants, efficaces. Pour cela, il faut du dialogue, une volonté forte et simplifier les choses plutôt que de les complexifier.

Quand on est capable de dialoguer, d'avoir une vraie vision entre professionnels, entre l'office public et une ESH dynamique et puissante, on arrive à faire de belles choses. C'est ce qu'on a fait dans la Meuse, mais aussi avec nos voisins de Haute-Marne et l'office de Saint-Dizier. Le fait de trouver ces alliances, de travailler mieux, en écoutant et en respectant les territoires et les cultures est innovant, presque futuriste. C'est vers les territoires que l'on doit aller de plus en plus, sur des bassins très spécifiques. Ce qui est remarquable, c'est que cela a été fait avec l'accord de chacun. Nous en sommes assez fiers. En tant que président du Medef pour cette région, j'avoue que c'est une opération exemplaire que l'on étudiera de très près, dont nous espérons qu'elle essaimera dans le futur.

La mobilité des salariés est une question que l'on suit de très près. Il m'est arrivé de me déplacer en Vendée, où l'on trouve des entreprises qui fonctionnent plutôt bien qui recherchent des salariés, comme beaucoup d'autres. On peut citer le Pays de Gex, etc., ou d'autres zones tendues où il n'existe pas de logement. La mobilité y est freinée, et c'est pourquoi le président Roux de Bézieux notamment disait que l'on doit se recentrer sur la reconstruction, la rénovation, la réhabilitation pour que les salariés puissent venir en masse où l'emploi se trouve, où ils ont envie d'être et se trouvent bien. Il existe toute une déclinaison de produits pour inciter les travailleurs qui sont à plus d'une demi-heure de leur emploi à se rapprocher. Il faut également stimuler les jeunes qui sont dans leur premier emploi.

On doit aussi, à travers l'accession et autres services, aider les salariés à acheter et, si possible, stimuler la vente de logements. C'est bien pour les opérateurs du logement, mais aussi pour les salariés. L'ensemble de tous ces produits doivent aider les Français qui en ont envie à bouger.

Ce que vous me dites concernant la garantie Visale m'étonne beaucoup. C'est un produit qui fonctionne fabuleusement bien. 380 000 passeports ont été donnés à des jeunes de moins de 30 ans. Cette garantie est certainement la plus efficace du marché. On assure à la fois les loyers impayés, mais également les dégradations qui pourraient être occasionnées. Je dois d'ailleurs souligner qu'il y en a peu. On est sur des pourcentages très faibles. Cela montre bien qu'il existe beaucoup de jeunes responsables qui payent leurs loyers et ne dégradent pas leur logement. C'est quelque chose qui se règle sur le site, en quelques jours, à la fois en termes d'impayés et de travaux.

Si vous avez des cas en tête, n'hésitez pas à revenir vers moi, je vous garantis qu'ils seront traités. Je n'ai pas connaissance de dossiers en retard chez Visale. C'est l'un des fleurons de cette maison, qui aide les jeunes à bouger.

Mme Sophie Primas, présidente. - Je crois que la question de notre collègue portait sur les jeunes dont les parents sont expatriés.

M. Bruno Arcadipane. - La loi interdit le cumul des garanties. S'il existe une garantie Visale, les parents n'ont pas besoin d'une autre. Peu de gens le savent, mais elle est valable dans l'Hexagone et dans les territoires ultramarins. Envoyez-nous les dossiers des bailleurs réticents. Nous en discuterons avec eux. Il s'agit d'une méconnaissance, car cela fonctionne très bien.

Quant aux quatre axes de la « mission flash », et notamment celui portant sur la proximité entre les élus et nous, nous n'en sommes qu'au début de la discussion de la phase 2. Je ne peux donc pas en dire grand-chose, mais les partenaires sociaux y sont extrêmement favorables.

Concernant la RE 2020, je l'ai dit, on doit simplifier les choses et ne pas ajouter une nouvelle couche.

Enfin, nos ESH disposent bien évidemment de réserves foncières. Elles sont variables en fonction de l'opérateur. Leur utilité est de très court terme, avec une attribution systématique supervisée par notre holding animatrice, Action Logement Immobilier. Le conseil d'administration du groupe supervise également tout cela.

Je passe la parole à Nadia Bouyer, qui connaît bien le sujet.

Mme Nadia Bouyer. - Votre question est très intéressante. Notre champ est sévèrement contraint du fait de l'obligation de zéro artificialisation nette. Où va-t-on pouvoir construire ? Deux pistes s'offrent à nous.

En premier lieu, le plan d'investissement volontaire d'Action Logement a prévu la création de la Foncière de transformation immobilière, dédiée à la transformation de locaux en logements, avec des expertises techniques et un modèle économique. Cet opérateur travaille en partenariat avec des bailleurs sociaux, mais aussi des acteurs privés en assurant le portage des bureaux. Grâce à un système de bail à réhabilitation, la gestion de l'immeuble est confiée à des bailleurs sociaux.

La Foncière de transformation immobilière a été créée juridiquement durant l'été 2020. 133 000 mètres carrés de bureaux ont déjà été identifiés pour 2 700 logements, en très large majorité réservés à la production de logements sociaux.

Un des apports du groupe est de permettre de recourir à ces outils très spécialisés. Il existe cependant un certain nombre de freins à cette transformation, à propos de laquelle nous pourrons à l'occasion revenir discuter avec vous, car je pense qu'on peut progresser un peu plus vite. Cet outil opérationnel est d'autant plus important du fait des débats qui s'ouvrent aujourd'hui.

En second lieu, comment accompagner des collectivités dans des projets urbains avec une densité maîtrisée ? On peut sans doute construire davantage par rapport à la conception de ces quartiers. Juridiquement, pas mal de modalités ont été introduites dans la loi depuis plus de dix ans, mais peu de bailleurs se sont attaqués à ces fameuses sociétés mixtes, où l'on s'associe à un acteur privé. L'enjeu n'est pas forcément social dans ces quartiers, mais de pouvoir accompagner un projet.

Nous avons plusieurs projets en cours. Dans le dialogue avec les services de l'État, un accord du préfet est toujours nécessaire. On nous dit que cela fait dix ans que cela existe. Un levier de production existe, que ce soit dans cette transformation de locaux ou dans le foncier. Les bailleurs sociaux sont-ils trop timorés par rapport au financement ? Le mandataire social est responsable de la bonne santé financière. Il existe sans doute de petits leviers que l'on peut actionner pour faciliter la rénovation.

Nous avons réussi une opération de ce type la semaine dernière. Je pense que l'on doit pouvoir permettre aux bailleurs de s'engager dans cette direction, car il existe une demande d'amélioration de l'habitat.

M. Laurent Duplomb. - Monsieur le président, je vous remercie des propos que vous avez tenus.

J'ai vécu jusqu'à l'âge de 17 ans en HLM. Pour vivre ensemble correctement, il y a des règles de vie commune à respecter. Ces règles sont aujourd'hui totalement oubliées. On ne claquait pas les portes, on ne parlait pas dans le couloir. Cela paraît aujourd'hui ridicule, et plus personne ne respecte ces règles de vie commune !

M. Serge Mérillou. - J'ai le sentiment qu'il reste dans les territoires ruraux un trou dans la raquette concernant les petits projets de communes qui ont besoin de construire ou de réhabiliter trois ou quatre logements. Action Logement y paraît moins présent.

Quant à la garantie Visale, il me semble qu'un certain nombre de publics en sont exclus, ce qui peut poser problème. Je sais que vous n'y pouvez rien. Visale fonctionne très bien pour les publics éligibles, mais il en reste un grand nombre qui ne le sont pas.

M. Bruno Arcadipane. - Il existe un produit que l'on retrouve dans 222 villes moyennes. Je ne sais où vous mettez la jauge pour les plus petites villes, mais il est important, pour le président d'Action Logement, de rappeler l'investissement extrêmement fort et lourd que nous avons réalisé à travers le programme Action coeur de ville (ACV) et le traitement de beaucoup de « dents creuses » que l'on réalise dans des villes de petite et de moyenne taille.

Pour les villes les plus petites, l'ADN même d'Action Logement, ce sont les logements des salariés. Les bassins d'emplois sont ciblés en priorité. Il nous arrive régulièrement d'intervenir dans de petites villes où une ou plusieurs entreprises expriment des besoins. On crée souvent une dynamique autour de ces dernières. Nous intervenons également dans les petites villes de demain. Je crois que Mme Gourault y travaille, peut-être plus avec la Caisse des dépôts qu'avec Action Logement. On ne peut intervenir partout. L'argent reste un sujet extrêmement important et doit être destiné à notre cible prioritaire.

S'agissant de Visale, il existe deux territoires sur lesquels nous n'intervenons pas, faute de compétence, la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie. Pour le reste, je demeure convaincu que ce produit est véritablement performant et idéal.

Mme Nadia Bouyer. - Tous les publics ne sont pas éligibles à Visale, mais tous les jeunes le sont. Pour les plus de trente ans, on était jusqu'alors dans un système de double mobilité : on change de travail, on change de région. Les choses vont un peu évoluer : à la suite de l'avenant signé le 15 février dernier, Visale va être ouvert à tous les salariés modestes gagnant moins de 1 500 euros nets par mois, même s'ils ne sont pas en train de changer de région ou de travail. Un salarié modeste qui « décohabite » - divorce ou autre situation -, peut demander le passeport Visale, alors que ce n'était jusqu'à présent pas possible pour les plus de trente ans. On élargit les publics à partir de cet été.

Il faut avoir en tête que Visale donne un petit avantage à l'accès au logement. Si tout le monde y a accès, on reconstitue la file d'attente. On accorde donc un petit plus aux jeunes et aux salariés modestes.

M. Bruno Arcadipane. - Quant à la transformation de bureaux en logements, celle-ci est très coûteuse. Ce sont des opérations déficitaires. Nous avons estimé qu'il était du rôle d'Action Logement d'intervenir sur ces questions. Les chiffres sont importants. Nous les avons rappelés. La foncière a été armée avec les fonds propres suffisants. Nous continuerons dans cette voie.

L'idée nous est venue début 2019, et nous l'avons lancé dans le cadre du premier plan d'investissement volontaire, qui remonte à avril 2019, bien avant la pandémie. Les très grosses entreprises mondiales comme Google ou Twitter ne veulent plus voir de salariés dans leurs locaux. D'autres suivront. Le télétravail va transformer de façon importante la vision que l'on a pu avoir des sièges sociaux. Ceci pourra donner une bouffée d'oxygène dans les zones extrêmement tendues pour créer des logements sur les sites les plus recherchés. J'y crois beaucoup plus qu'au fait de transformer des friches industrielles situées loin de tout. Beaucoup de raisons expliquent pourquoi ces sites sont devenus des friches. C'est parfois très compliqué.

Les résultats de cette foncière ont été immédiats. Les premiers chantiers démarrent de façon très forte.

Je vais passer la parole à Nadia Bouyer au sujet des gardiens. Nous avons une très belle école de gardiens, à laquelle elle a largement participé à l'époque où elle était directrice générale de Sequens. C'est un métier d'avenir où l'on doit innover. Nous avons sollicité beaucoup de nos clients dans toutes les ESH de France et des DROM. Certaines n'avaient plus de lien avec l'extérieur. Il était de notre responsabilité de continuer à savoir comment se portent les personnes isolées ou en difficulté. Le rôle des gardiens est de ce point de vue important. Nous avons reçu des centaines de mots de remerciements.

On a rencontré un gardien mardi dernier, lors de la visite d'Emmanuelle Wargon et de Geoffroy Roux de Bézieux. C'est une personne tout à fait remarquable, très attachée à sa résidence. On doit maintenir cette culture d'entreprise, la développer, mais aussi regarder plus loin. Ce sont des professions qui doivent se transformer, de vrais métiers proactifs, donc d'avenir.

Mme Nadia Bouyer. - Le métier de gardien d'immeuble est celui qui arrive en tête parmi les 18 000 salariés du groupe Action Logement. Nous y sommes attachés. On avait il y a quelques années des difficultés à recruter. Peut-être faut-il redorer l'image du gardien d'immeuble. Une école a été créée à Pantin par Action Logement et plusieurs sociétés comme In'li, Sequens, Immobilière 3F, et Erigere. On y forme chaque année les gardiens dont on a besoin. Les gardiens n'exerçaient pas le même métier il y a dix ans. Beaucoup sont, aujourd'hui, superviseurs. Ils constituent souvent le premier lien avec le locataire et permettent le lien social indispensable à la bonne vie de nos résidences. C'est tout l'enjeu du maillage.

Le mécanisme de regroupement des bailleurs fait sens en matière de proximité, car il permet de bénéficier, dans un groupe d'immeubles assez proches les uns des autres, de la présence d'un relais local en lien avec l'ensemble de nos correspondants. Nous y sommes très attachés. C'est un métier qu'il faut continuer à promouvoir.

Mme Sophie Primas, présidente. - Merci à tous.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Impact économique de la règlementation environnementale 2020 (RE2020) - Présentation du rapport d'information

Mme Sophie Primas. - Je vais passer la parole à notre collègue Daniel Gremillet, qui va nous présenter les conclusions de la mission flash que notre commission lui a confiée.

M. Daniel Gremillet. - Madame la Présidente, mes chers collègues,

Le 20 janvier dernier, notre commission m'a confié une mission flash sur l'impact économique de la RE2020, c'est-à-dire des nouvelles normes de performance énergétique des bâtiments neufs, individuels et collectifs, à usage d'habitation.

J'ai rencontré 60 intervenants lors de 25 auditions : professionnels de la construction ; bailleurs privés et sociaux ; grands énergéticiens ; filières du gaz, de l'électricité, du fioul, de la chaleur, du bois et des énergies renouvelables ; administrations de l'énergie et de la construction.

Observant l'insuffisance de l'évaluation préalable réalisée par le Gouvernement, la commission a commandé une étude d'impact indépendante.

Parce que les émissions de gaz à effet de serre (GES) des secteurs tertiaire et résidentiel représentent 19 % de nos émissions nationales, la diminution de la consommation d'énergie des bâtiments est une nécessité pour atteindre l'objectif de « neutralité carbone » à l'horizon 2050, que nous avons voté.

Si aucun professionnel n'est opposé à la RE2020 en tant que telle - bien au contraire - la plupart demandent l'adaptation de cette réglementation aux réalités locales et à la conjoncture économique.

Sur la méthode, les professionnels regrettent le manque d'association, et même d'information, dans lequel intervient cette réforme. Nous l'avons hélas constaté également.

En outre, ils estiment que l'étude d'impact du Gouvernement, réalisée selon une méthode « en silo », ne permet pas d'apprécier l'impact global de la réglementation.

Sur le fond, dans sa version initiale, la RE2020 bouleversera la compétitivité des différentes filières, dans les secteurs de l'énergie comme de la construction.

Tout d'abord, cette réglementation est défavorable au gaz.

D'une part, elle conduit à l'exclusion de facto des chaudières à gaz des logements neufs. Or, 100 000 chaudières à gaz sont installées chaque année, dont 60 000 en logements collectifs et 40 000 en logements individuels. En outre, on dénombre environ 36 usines intervenant dans leur fabrication et 15 000 entreprises dans leur installation.

L'étude commandée par le Sénat identifie une perte de 2,95 milliards d'euros de chiffre d'affaires et de 8 280 équivalents temps plein (ETP) pour cette filière d'ici 2024.

D'autre part, il n'est pas tenu compte du biogaz. Il est regrettable que cette énergie renouvelable, porteuse d'externalités positives pour nos territoires ruraux, ne soit pas promue dans ce cadre !

Plus encore, la RE2020 a un impact sur les réseaux de chaleur.

En effet, les deux tiers de ces réseaux nécessitent des travaux de décarbonation, lourds et coûteux, pour se conformer à cette nouvelle réglementation, que les gestionnaires des réseaux et les collectivités territoriales concédantes auront du mal à réaliser.

Enfin, la RE2020 entraîne l'extinction des chaudières au fioul ou des chaudières au charbon dans les logements, neufs comme existants.

Voilà pour les filières qui y perdent !

Toutefois, il faut reconnaître que cette réglementation constitue une opportunité pour l'électricité, nucléaire comme renouvelable.

L'étude commandée par le Sénat évalue un gain de 2,95 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour les pompes à chaleur (PAC), de 504 millions d'euros pour l'électricité décentralisée et de 145 millions d'euros pour la biomasse d'ici 2024 ; 6 014 ETP seront nécessaires pour les PAC et 313 ETP pour la biomasse.

Si la RE2020 bouscule le secteur de l'énergie, il en est de même pour celui de la construction - que je ne mentionnerai que brièvement, car ce n'est pas le coeur de la mission qui m'a été confiée.

Les professionnels craignent en effet que la réglementation ne pénalise les matériaux de construction traditionnels, compte tenu du critère de l'analyse selon le cycle de vie (ACV) dit « dynamique » : en l'espèce, les filières du béton, de l'aluminium, des tuiles, des briques et des laines minérales.

À l'inverse, ils estiment que les modes de construction moins émissifs, tels que le bois-construction, les matériaux bio-sourcés ou le béton « bas-carbone », peuvent en tirer profit.

À l'évidence, la RE2020 fera évoluer le recours aux différents équipements de chauffage dans les bâtiments neufs.

L'étude commandée par le Sénat estime que la proportion de chaudières à gaz passera de 29 % à un taux nul dans les logements individuels, de 69 % à 10 %, dans les logements collectifs, et de 31 % à un taux nul, dans le secteur tertiaire. A contrario, les PAC croîtront fortement.

Cette réglementation aura des répercussions sur le pouvoir d'achat des ménages, à travers le prix des équipements de chauffage, mais aussi de la consommation d'énergie.

L'étude commandée par le Sénat estime que le prix annuel du chauffage au gaz est de 669 euros, en logements collectifs, et de 1 231 euros, en logements individuels, contre respectivement 304 et 560 euros pour la PAC. Si le coût d'acquisition d'une chaudière à gaz est équivalent à celui d'une PAC aérothermique, il est deux à trois fois moins élevé que celui d'une PAC géothermique.

Selon cette étude, la RE2020 pourrait donc se traduire par :

- un prix d'acquisition comparable et un prix de chauffage divisé par deux en cas de remplacement d'une chaudière à gaz par une PAC aérothermique ;

- un prix d'acquisition deux à trois fois supérieur et un prix de chauffage divisé par deux en cas de remplacement d'une chaudière à gaz par une PAC géothermique.

Les éléments transmis par les professionnels sont encore plus inquiétants. Les professionnels du gaz anticipent ainsi des surcoûts compris entre 3 000 et 6 000 euros pour les logements individuels ou collectifs. En effet, il n'est pas possible d'installer des PAC partout.

Quant aux promoteurs immobiliers et aux bailleurs sociaux, ils sont très préoccupés par l'extinction des chaudières à gaz dans les logements collectifs : c'est un « tournant majeur », car elles y représentent les trois quarts du marché !

Au total, la RE2020 augmentera les coûts des bâtiments neufs, résidentiels comme tertiaires.

En effet, la hausse des coûts des matériaux et des systèmes de chauffage, générée par cette réglementation, renchérira les coûts de construction des logements neufs, qui se répercuteront à leur tour sur les prix de l'immobilier et l'accès à la propriété.

Dans son évaluation préalable à la RE2020, le Gouvernement reconnaît lui-même des surcoûts jusqu'à 5 % en 2021, 8 % en 2030 et 15 % après 2030.

De leur côté, les professionnels du bâtiment évaluent une hausse à court terme jusqu'à 10 % des coûts de construction.

L'étude commandée par le Sénat prévoit une hausse des prix de construction de 3,4 % pour les logements individuels, de 4,2 % pour les logements collectifs et de 2,7 % pour le secteur tertiaire d'ici 2024. À elle seule, la réglementation liée au gaz explique la moitié de cette croissance.

Si les logements neufs seront donc plus chers, ils seront aussi moins nombreux !

Les professionnels du bâtiment craignent en effet l'arrêt de 300 000 mises en chantier par an.

L'étude commandée par le Sénat prévoit quant à elle un ralentissement de la croissance du nombre de logements neufs, de plus de 1,5 point, tous secteurs confondus.

Il convient également d'évaluer le calendrier de la réforme, car la construction de logements prend du temps et un temps court soulève des problèmes pour certains projets - et peut même les stopper.

Enfin, la RE2020 fera évoluer la consommation d'énergie et les émissions de GES du secteur du bâtiment.

Dans son évaluation préalable à la RE2020, le Gouvernement a prévu une baisse de 7,4 TWh du gaz et une hausse de 1,5 TWh de l'électricité d'ici 2030, les émissions de GES diminuant de 1,6 mégatonne de dioxyde de carbone.

L'étude commandée par le Sénat prévoit une diminution de 1,2 % de la consommation de gaz ainsi qu'une hausse de 0,4 % pour l'électricité et de 1,1 % pour le bois d'ici 2024. Les émissions de GES diminueront quant à elles de 0,2 %.

Si cette évolution est utile et nécessaire, elle a une portée limitée.

En effet, il faut rappeler plusieurs points :

- la RE2020 s'applique à 1 % par an du parc immobilier, contre 37 millions de logements existants ;

- la diminution porte sur 7,4 TWh de gaz d'ici 2030, contre une consommation totale de 427 TWh, soit 1,6 % ;

- la baisse de GES porte sur 1,6 mégatonne de dioxyde de carbone d'ici 2030, contre des émissions totales de 48,3 mégatonnes pour le secteur résidentiel, soit 3,3 %.

En somme, les véritables enjeux en matière de réduction de la consommation d'énergie et des émissions de GES des logements résident sans doute moins dans leur production que dans leur rénovation.

Dans ce contexte, j'ai formulé 20 propositions, réunies en cinq axes : elles visent à donner aux ménages et aux professionnels les moyens de décarboner les bâtiments neufs.

Le premier axe tend à introduire un cadre réglementaire adapté et proportionné, gage de sa bonne application.

Pour ce faire, je suggère de prévoir une clause de revoyure dans la RE2020 et un « groupe de suivi » sur son application.

De plus, je préconise de consolider l'étude d'impact de la RE2020 en lui adjoignant une évaluation globale - portant sur les coûts complet et cumulé de ces normes - et en actualisant ses hypothèses macroéconomiques - à l'aune de la crise économique.

Dans le même esprit, il est crucial d'identifier les besoins en termes d'emplois, de compétences et de formations. Concrètement, un installateur de chaudières à gaz n'est pas nécessairement en capacité d'installer des PAC.

L'axe II tend à amortir le « choc de compétitivité » dans le secteur de l'énergie.

Il est nécessaire d'introduire de la progressivité dans l'application des normes, en particulier pour les chaudières à gaz et les réseaux de chaleur, afin de préserver la pluralité des énergies de chauffage.

Pour accompagner les mutations de la filière du gaz, je suggère d'instituer un plan d'urgence pour les 36 usines fabriquant des chaudières à gaz et un plan de formation pour les 15 000 entreprises les installant. Je souligne que ces usines et ces entreprises se trouvent en France.

Il est aussi indispensable de reconnaître les spécificités du biogaz et de favoriser le recours au bio-fioul dans le cadre de la RE2020.

En parallèle, la structuration d'une filière française des PAC et de la chaleur renouvelable est attendue, tant sur le plan de leur fabrication que de leur installation. Nous devons accompagner cette transition. Pour l'heure, nous fabriquons moins de PAC que de chaudières à gaz. Il ne faudrait pas que ces évolutions conduisent à importer des produits venant d'autres pays.

L'axe III entend prévenir tout « risque de rupture » dans le secteur de la construction.

À cette fin, je préconise d'achever le travail de normalisation de l'ACV « dynamique » avant de se prononcer sur sa généralisation, afin de ne pas déstabiliser les filières de construction de matériaux traditionnels.

Complémentairement, la structuration de la filière bois-construction est indispensable pour répondre à la demande croissante d'ossatures et de matériaux de second rang en bois générée par la RE2020.

L'axe IV vise à compenser, pour les ménages et les professionnels, les surcoûts induits par la RE2020.

Une réévaluation du montant du chèque énergie, telle que la commission des affaires économiques l'a déjà soutenue dans le débat budgétaire, et un allègement de la fiscalité sur les logements neufs, comme la TVA, y contribueraient.

Le dernier axe propose d'évaluer les répercussions de la RE2020 sur la sécurité et la consommation énergétiques.

À cette fin, je souhaite confier :

- à Réseau de transport d'électricité (RTE) une étude sur l'impact de la RE2020 sur la sécurité d'approvisionnement à l'horizon 2050 ;

- au Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) et au Conseil supérieur de l'énergie (CSE) une évaluation portant sur l'efficacité, du point de vue des entreprises, et la soutenabilité, du point de vue des ménages, de la politique engagée par le Gouvernement en direction de la rénovation énergétique du parc immobilier existant.

Voilà en substance les conclusions de mes travaux !

J'espère que le Gouvernement tiendra compte de ces recommandations dans la publication des décrets et arrêtés à venir. Je vous remercie de votre confiance. La notion de soutenabilité pour les familles nous paraît cruciale.

Mme Sophie Primas. - Merci à notre collègue Daniel Gremillet pour ce travail. Nous voyons bien qu'il y a la question du temps court, politique, et la question du faire. Nous parlons de 0,2 % des GES, mais nous oublions les efforts qui ont été faits par les constructeurs de la filière des chaudières à gaz. Ces efforts représentent probablement une amélioration du même ordre de grandeur.

M. Laurent Duplomb. - Je tiens à féliciter et à remercier Daniel pour la qualité de cette mission flash, qui met en évidence ce que nous pouvions craindre. Une fois de plus, nous sommes dans l'idéologie, à travers un décret qui ne passe pas par une étude d'impact argumentée. Cela soulève de nombreuses questions pour tous les corps intermédiaires.

Cette question est la problématique principale des zones rurales, dont certaines ont investi dans un réseau et des travaux de gaz urbain, qui était loué comme étant une solution d'avenir il y a encore quelques années. Les jeunes couples n'auront pas les moyens de dépenser 30 000 à 40 000 euros de plus pour construire des maisons qui sont de plus en plus chères en raison des réglementations et des normes.

Nous sommes déjà incapables d'apporter des réponses en termes de logement, comme nous l'avons vu ce matin et nous limitons encore plus l'accès à la primo-propriété. Nous ferons tomber ces personnes dans la catégorie de celles qui ne seront plus capables d'acheter une maison et qui resteront sur le marché de la location. C'est encore l'exemple d'une politique qui se tire une balle dans le pied.

Nous avions un secteur efficient technologiquement avec la filière des chaudières gaz en France et nous estimons qu'il faut l'affaiblir pour créer autre chose. Nous ouvrirons encore plus la porte à l'électricité allemande venant des centrales thermiques au charbon, car nous ne serons pas en capacité de produire toute l'électricité induite par cette réglementation.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je suis très inquiète de cette réglementation. Pendant des années, on nous a expliqué qu'il fallait arrêter le chauffage électrique. Or il faudrait maintenant arrêter totalement le chauffage au gaz. La mixité des accès au chauffage me paraît toutefois déterminante.

L'association négaWatt a régulièrement fait des simulations sur l'atteinte de nos objectifs en termes de GES. Elle préconise le développement du gaz dans ses scénarios, en particulier lorsqu'il s'agit d'introduire du gaz « vert ». Par conséquent, le basculement vers le tout électrique me paraît dangereux.

En outre, je partage ce que dit Daniel sur les coûts et l'impact de la RE2020 sur l'accessibilité pour les familles. Je voudrais insister sur un point complémentaire, à savoir la constitution de filières françaises sur les pompes à chaleur et les matériaux.

S'agissant des matériaux, il faudrait introduire la notion de bilan carbone total, en prenant en compte les transports, et notamment les intrants. En effet, les bilans carbone survalorisent les économies de carbone faites en France, mais les importations ne sont pas comptabilisées. Or il est fondamental de penser que nous faisons venir du granit de Chine, par exemple.

Il faut donc intégrer les critères d'intrants et de proximité. Cela devrait consolider nos filières et les mutations locales qui sont possibles dans certains domaines.

M. Franck Montaugé. - Je remercie tout d'abord notre collègue Daniel Gremillet pour ce travail de qualité.

J'aimerais revenir sur notre premier objectif, qui est d'atteindre 100 % de décarbonation du parc immobilier. Nous avons eu ce matin une communication sur une étude du Building Performance Institute Europe (BPIE) à propos de huit stratégies de rénovation à long terme développées dans plusieurs pays européens, dont la France. Aucune des stratégies examinées ne vise 100 % de décarbonation du parc immobilier.

En outre, la mission flash traite des bâtiments neufs et des bâtiments publics, mais non des bâtiments existants. Je pense donc que nous sommes loin du compte. Le rapport que je cite dit que nous avons peu de chance d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, y compris les objectifs intermédiaires.

Par ailleurs, sur la forme, j'ai compris qu'une étude avait été commandée par le Sénat pour alimenter cette mission flash, mais je n'en ai pas eu connaissance. Il serait tout de même intéressant que les membres de la commission puissent bénéficier de l'étude en amont de la présentation du rapport.

Enfin, il serait également intéressant de travailler collectivement sur les missions flash. Il est regrettable que nous ne puissions pas travailler de manière consensuelle sur des travaux aussi importants que celui-ci. Le groupe socialiste s'abstiendra, pour toutes ces raisons.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Merci à notre collègue Daniel Gremillet pour ce travail éclairant. Pour rebondir sur ce que vient de dire notre collègue Franck Montaugé, la RE2020 concerne tous les logements neufs, dans le public comme dans le privé. En effet, la réhabilitation de l'existant n'est pas prise en compte.

Je voulais aussi souligner quelques éléments concernant les matériaux. Aujourd'hui, nous sommes à 6 % d'utilisation de bois dans la construction alors que nos voisins allemands sont aux alentours de 40 %. Notre objectif est d'arriver à 25 % de matériaux bio-sourcés d'ici à 2030. Il y aura des changements, mais cette évolution est douce dans le temps et accessible pour la France. Je rappelle qu'en France, nous n'utilisons pas l'accroissement annuel des forêts. Il y a donc une marge de manoeuvre importante.  

En termes de transformation du bois, il y a effectivement des efforts à faire. Nous avons ciblé des investissements qui pourraient être fléchés dans le Programme d'investissements d'avenir (PIA) afin que les industries de transformation soient en capacité de répondre à la demande. En effet, il convient de ne pas augmenter les importations.

Je salue l'initiative de notre collègue Daniel Gremillet de proposer un suivi sur la sécurité énergétique et sur l'évolution des coûts pour nos concitoyens.

En outre, il me semble que la ministre Emmanuelle Wargon a finalement ouvert des possibilités par rapport au gaz. Elle a dit qu'il ne s'agissait pas de remettre en cause les efforts qui ont été faits, notamment autour du biogaz. Qu'en est-il réellement ?

M. Jean-Claude Tissot. - Certes, il y a un coût supplémentaire pour la sur-isolation, mais j'aimerais savoir si le gain de fonctionnement a été pris en compte. Il s'agit d'un gain important si nous l'étalons sur 20 ans, par exemple. De plus, il faut savoir si nous intégrons la question de la dette climatique dans nos calculs.  

Nous pourrions aussi imaginer qu'il y ait une mise en place de la RE2020 dans un premier temps dans les territoires très denses afin de permettre aux territoires ruraux d'amortir les montants astronomiques qu'ils ont investis il y a quatre ou cinq ans.

M. Joël Labbé. - Merci à notre collègue Daniel Gremillet pour la qualité de son travail qui nous éclaire bien. Nous sommes dans une situation d'urgence faute d'anticipation.

Parmi les matériaux bio-sourcés, nous avons évoqué les importations forcées, mais cela ne semble ni vertueux ni durable. Pour avoir rencontré les acteurs de la production du chanvre, j'aimerais dire que le chanvre est un matériau extraordinaire pour l'isolation. Il permet d'arriver à la construction de bâtiments passifs. Il y a donc toute une filière à soutenir, autant en agriculture qu'en alimentaire et dans les différents usages. De plus, la culture du chanvre ne nécessite pas d'intrant et peut entrer dans les rotations de cultures agricoles.

Mme Martine Berthet. - J'aimerais évoquer le sujet du chauffage urbain et des réseaux de chaleur qui ont été construits ces dernières années par de nombreuses communes. Ces réseaux combinent souvent des chaufferies bois et des compléments en chaufferie gaz. Il a été difficile de mettre en oeuvre ce chauffage urbain en gardant des coûts faibles pour les utilisateurs. Les amortissements seront remis en cause s'il faut à nouveau intervenir sur la source de chauffage.

M. Patrick Chaize. - Je voudrais savoir si nous avons réfléchi à ces réseaux qui ont été mis en place par les collectivités, notamment dans les communes rurales. Des contrats avec des opérateurs ont été conclus pour la distribution du gaz. Or le fait de remettre en cause le principe de l'utilisation du gaz fera en sorte que l'équilibre financier de ces contrats sera perturbé. Comment pourrons-nous gérer cela ? La collectivité pourrait être appelée à compenser le déséquilibre pour les opérateurs privés.

M. Franck Montaugé. - Je m'interroge sur le fait que nous consacrions des dépenses du Sénat à une évaluation ex ante de règlement. Cela relève plutôt des prérogatives du Gouvernement. Le rôle du Sénat est davantage de faire des évaluations ex post.

Mme Sophie Primas. - Notre rôle est de contrôler l'action du Gouvernement. La RE2020 entrera en vigueur sans que le Parlement ait pu en débattre, ce qui est problématique.

Je laisse notre collègue Daniel Gremillet répondre à vos questions.

M. Daniel Gremillet. - Tout d'abord, notre collègue Laurent Duplomb a raison dans ses propos. En effet, nous avons constaté dès le début qu'il y avait peu d'informations sur ce sujet. La décision est intervenue à la fin de l'année sans discussions et sans étude d'impact. Nous ne connaissons pas l'ensemble des conséquences pour la filière et pour nos concitoyens. Je vous rappelle que c'est le Sénat qui a introduit la notion de bilan carbone pour les matériaux. Ce point prendra de l'importance à l'avenir, sur les matériaux, mais aussi de manière générale. Il s'agit d'une notion stratégique. De plus, le coût a été un élément très révélateur pour nous.

Pour répondre aux propos de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann, je me rappelle que nous avons aussi entendu des discours contradictoires sur le diesel, par exemple.

En outre, je suis surpris par les propos de notre collègue Franck Montaugé. En effet, je rappelle que toutes les auditions étaient ouvertes. Plusieurs membres de la commission y ont d'ailleurs participé. Il était tout à fait possible d'y assister.

De plus, l'étude n'a été commandée qu'à la fin du processus. Nous avons auditionné 60 personnes et l'étude a été faite pour confirmer et préciser les données sur les coûts, dont nous ne disposions pas. La présentation d'aujourd'hui n'a été organisée que lorsque nous avons eu les résultats de l'étude, qui vous sera restituée dans sa totalité. Tous les documents seront disponibles.

Nous savons que l'habitat a un rôle majeur à jouer. Cela dépasse notre périmètre, mais nous voyons que de nouvelles opportunités peuvent également émerger. Il n'y a pas que des éléments négatifs. Nous devons vraiment faire en sorte que les nouvelles installations soient fabriquées chez nous.

Par ailleurs, le ministère s'est montré très intéressé, mais aussi inquiet, quand il a appris que nous faisions une mission flash. Il a souhaité avoir accès au compte rendu de la mission en amont, mais aucune information n'est sortie avant aujourd'hui.

Concernant le biogaz, il existe une vraie contradiction entre le texte que nous avons voté il y a un an et demi et le verdissement effectif du gaz dans nos territoires. Nous avons déjà gagné six mois. Il y a aussi eu des exceptions sur certains permis de construire, car il n'est pas possible de faire de la géothermie partout. C'est un vrai sujet.

Enfin, la plupart des réseaux de chaleur qui ont un chauffage bois ont aussi une chaudière gaz. Ce point fait donc partie de nos recommandations sur les réseaux de chaleur.

Mme Sophie Primas. - Je remercie à nouveau notre collègue Daniel Gremillet.

Je rappelle le principe de la mission flash. Il s'agit d'une mission de très courte durée - un ou deux mois - sur un sujet très précis. Nous en avons réalisé quatre à ce jour. L'imminence de la sortie de la RE2020 soulevait de nombreuses questions sur le gaz. Ces missions sont attribuées à un rapporteur pour des raisons d'agilité, mais l'ensemble des auditions sont ouvertes à tous les membres de la commission.

Je signale également que le rapport réalisé par le cabinet qui a mené l'étude dont parle notre collègue Daniel Gremillet sera évidemment accessible. Je peux aussi témoigner que la pression du ministère a été assez forte pour connaître les résultats de la mission. Je me félicite donc des travaux qui ont été menés.

M. Fabien Gay. - Je remercie notre collègue Daniel Gremillet pour son travail. Je suis preneur d'une discussion spécifique en Bureau sur le rôle des groupes minoritaires dans le fonctionnement de la commission. Cela serait intéressant, notamment dans le cadre de la réforme du Sénat.

Mme Sophie Primas. - Il est dans mon rôle de présidente d'appliquer les règles en cours au Sénat y compris celle relative au fait majoritaire tout en incluant la majorité d'entre vous dans les réflexions qui sont les nôtres. J'essaie d'appliquer les règles et d'impliquer tout le monde dans les travaux.

M. Laurent Duplomb. - Je voudrais redire que nous avons la chance que notre présidente Sophie Primas ait de l'empathie et essaie de fluidifier le fonctionnement de la commission.

Mme Sophie Primas. - J'ai bien noté les remarques sur le fonctionnement de la commission.

Le rapport d'information de la mission flash sur l'impact économique de la RE2020 de notre collègue Daniel Gremillet est adopté.

La réunion est close à 12 h 20.

Désignation de rapporteurs

Mme Sophie Primas, présidente. - Il nous revient de procéder à la désignation d'un rapporteur sur la proposition de loi n° 389 (2020-2021) de M. Daniel Gremillet tendant à inscrire l'hydroélectricité au coeur de la transition énergétique et de la relance économique, qui a été renvoyée au fond à la commission des affaires économiques.

L'inscription de ce texte sera confirmée par la prochaine Conférence des Présidents, selon le calendrier suivant : nous l'examinerons en commission le mercredi 31 mars au matin et son passage en séance publique est prévu l'après-midi du mardi 13 avril.

Je vous propose, s'il n'y a pas d'opposition, de désigner notre collègue M. Patrick Chauvet rapporteur de ce texte.

Il est en ainsi décidé.

La réunion est close à 12 h 25.