La ruralité,un atout pour demain à défendre ensemble



Palais du Luxembourg, 28 mai 2003

Nicolas JACQUET Délégué à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale

Je voudrais souligner quelques éléments clé. J'ai bien aimé les quatre défis de Ladislas Poniatowski parce que je crois qu'on est au coeur du sujet : quel est le défi pour le monde rural ? J'ai bien aimé le tournant du XXI ème siècle du président Gérard Larcher. Car nous sommes effectivement à un moment tout à fait fondamental où il nous faut définir ce que nous voulons pour le rural demain. C'est bien là une question virage. Ce n'est pas seulement quelle politique rurale ou quelle politique de développement rural imaginer. C'est fondamentalement quel monde rural voulons-nous dans vingt ou trente ans, avec quels types d'activités économiques, avec quelles populations, avec quelle attractivité ? Je crois que ce virage du XXI ème siècle et cette ambition sont là. La DATAR a un peu oublié le monde rural ces dernières années et je peux vous assurer que je pense bien redonner à cette maison toute sa dimension de développement rural. Le rural doit reprendre toute sa place dans l'aménagement du territoire. C'est en tout cas le mandat qui m'a été donné. Je recrée d'ailleurs une unité avec un conseil pour le rural. Nous repartons dans une vraie dynamique de développement rural.

Il faut d'abord parler des problèmes de la population. Il faut se méfier des chiffres. Je peux le dire avec d'autant plus de force que je maîtrise assez bien la DATAR. Il y a quelques mois, je disais que le monde rural regagne de la population. Et nous retrouvons avec 13,5 millions d'habitants dans le monde rural, la même population que dans les années 1965. La courbe s'est inversée.

Quand je vois les taux donnés par l'INSEE, c'est la catastrophe. Le monde rural n'a plus que 10,6 millions d'habitants. Il y a une explication à ça. Entre-temps, l'INSEE a changé ses modes de calcul. Plus le rural se développe, plus il devient du « urbain » ou du « périurbain. ». Il y a une vraie tendance qui est que le rural redevient attractif. Mais il y a plusieurs mondes ruraux : certains territoires ont repris une vraie attractivité et le rural isolé peine un peu plus, même si sa population se stabilise.

Un fait est toutefois très important à comprendre dans les chiffres des dix dernières années. En effet, quand on dit qu'il y a eu plus de 400 000 ou plus de 500 000 habitants en plus, il faut voir que cela résulte du solde migratoire. Le bilan naturel lui est tout à fait négatif avec 150 000 décès de plus que les naissances. C'est donc bien le solde migratoire qu'il est important de prendre en compte, et c'est là qu'on voit l'attractivité.

Mais comme l'a excellemment dit Yves Censi, on ne développera pas le monde rural s'il n'y a pas des femmes et des hommes. Je crois que nous sommes là au coeur du sujet. Le président de l'UPA qui évoquait les problèmes de l'AHNA et de l'habitat a raison. On ne peut pas imaginer une politique ambitieuse pour le rural si parallèlement on n'a pas une politique ambitieuse pour l'habitat. J'en suis totalement convaincu et je crois qu'il nous faut, pour ce CIAT, centrer cette loi vers des vraies mesures en la matière. Je crois que c'est tout à fait indispensable.

Il ne faut pas négliger l'aspect économique. Pour que des femmes et hommes vivent sur un territoire, il faut bien qu'il y ait une activité économique. Le rural peut-il vivre sans l'agricole ? Ma réponse est clairement non. Il est vrai que l'agricole ne fait pas ou ne fait plus le rural. Mais il en constitue le socle. Les situations agricoles varient certes selon le type de rural où l'on est. Un territoire de grande culture n'est pas tout à fait la même chose que l'agriculture de montagne. Mais on sait la capacité d'invention du monde rural et sa volonté d'aller vers la qualité et vers les logiques de label. Je me souviens, quand j'étais Préfet de Haute-Loire, que nous avions là des avancées intéressantes.

Tout l'intérêt de l'activité économique est bien évidemment la valeur ajoutée. Et je crois qu'il faut que le monde agricole, comme il le fait aujourd'hui, aille le plus loin possible à la quête de valeur ajoutée de façon à ce que les produits soient vendus le moins bruts possible et le plus transformés possible. Derrière l'emploi agricole qui, je le redis, est le socle du rural, je crois que la montée en puissance, comme cela a été évoqué tout à l'heure, du tertiaire, est une chose qui est complètement claire et évidente et il ne faut pas que cela fasse peur. Il faut au contraire s'appuyer sur cette dynamique nouvelle. Aujourd'hui, le tertiaire pèse un peu plus de 40 % des emplois ruraux. N'oublions pas que notre société, au niveau national, est à 60 % employée avec du service et du tertiaire. C'est-à-dire que l'augmentation de la part du tertiaire est sans doute encore à venir mais je crois que l'économie rurale, en se tertiarisant, peut aussi trouver de nouvelles potentialités.

Construire une politique ambitieuse à vingt ans pour le rural c'est bien évidemment réveiller l'attractivité : nouvelles technologies et téléphonie mobile. D'ici un mois, nous aurons un plan de téléphonie mobile pour que l'ensemble de notre territoire soit couvert, y compris tout particulièrement les zones blanches. Il en est de même pour le haut débit : comment une entreprise, comment un artisan peuvent-ils rester dans le monde rural si parallèlement il ne peut plus dialoguer avec la ville ? Donc il faut là aussi un plan ambitieux en matière de nouvelles technologies et de haut débit.

Il faut enfin un plan ambitieux en matière de transports. Dans l'étude prospective que nous avons faite et qui a introduit le débat à l'Assemblée et au Sénat, nous avons parlé des territoires isolés, en essayant de trouver les moyens de faire communiquer le territoire rural pas seulement avec Paris. Paris était important mais aujourd'hui on raisonne sur l'Europe. Il faut que nos territoires ruraux rentrent dans le système européen de transports et rentrer dans le système européen, cela veut dire qu'il faut que chaque territoire ait la possibilité d'accéder en moins d'une heure à une autoroute, en moins d'une heure à un aéroport. Nous avons dit en 45 minutes ou 72 minutes en TGV mais c'est ça, c'est bien l'idée de se mettre dans le système européen des transports.

Voilà les éléments d'attractivité. Ce qui est en jeu, c'est l'ambition que nous avons pour le rural et pour qu'il soit symbole de modernité et symbole d'une nouvelle vision, d'une nouvelle façon de vivre.

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