2.10. DÉBAT

M. Takasaki, directeur de la politique locale pour le développement des NTIC (ministère de la gestion publique, des Affaires intérieures, des Postes et des Télécommunications)

Mesdames, Messieurs, bonjour. Au Japon, l'équipement relève d'abord de l'initiative commerciale des entreprises privées. Alors où en sommes-nous à l'heure actuelle ? Selon l'objectif qui a été fixé d'ici à l'an 2005, la ligne à haut débit tel que ADSL devrait couvrir de l'ordre de trente millions de ménages. Et puis dix millions de ménages seraient dotés d'un équipement en fibres optiques. Quant aux communes, les grandes communes seraient couvertes par le réseau de fibres optiques.

Pour les petites communes, ce sont en principe les opérateurs privés qui interviendraient, mais par exemple dans les zones rurales désertées où l'on ne peut pas s'attendre à ce que les opérateurs privés soient intéressés, l'argent public serait utilisé pour permettre cet équipement.

M. Adnot

À votre convenance, Monsieur Takasaki ou Monsieur Kawashima, vous pouvez ajouter quelques mots sur le débat d'une manière générale.

M. Kawashima, président de l'Institut de recherche pour le développement lo cal

Je vous parlerai plutôt de la façon dont les collectivités locales japonaises font face à ces technologies de l'information, ce qu'elles font, comme l'exemple de Yokosuka qu'on a vu, dans le contexte culturel japonais.

Ce que je peux tout d'abord vous dire en deux mots, c'est que sur les technologies de l'information au Japon, il y a deux courants essentiels : le premier est, comme l'a dit le maire de Yokosuka, Monsieur Sawada, ce qu'on appelle la stratégie e-Japan. C'est ce que mène à bien le gouvernement central avec l'objectif de faire du Japon l'un des États les plus avancés en matière de technologie de l'information d'ici à 2005. Il est vrai que nous sommes dans une situation de marasme économique, et la stratégie e-Japan pourrait peut-être nous permettre d'ouvrir de nouveaux horizons.

Les collectivités locales ont relevé le défi. Il y aura d'une part les collectivités locales numériques, et d'autre part le gouvernement central numérique, ce qui pourra créer un nouveau visage du Japon du XXI e siècle. Telles sont les approches retenues. Les collectivités locales ont même pris les devants par rapport au gouvernement central. Le cas de la ville de Yokosuka est un exemple frappant. Il y a également des départements qui ont de l'avance. Ceci dit, dans le contexte politique japonais, parmi les 47 départements et les 3 223 communes qui ne sont pas toutes uniformes, certaines collectivités locales sont toujours très dépendantes du gouvernement central depuis l'ère Meiji, donc depuis 130 ans. Ces collectivités locales s'en remettent au gouvernement pour élaborer leur politique des nouvelles technologies d'information, alors que ces technologies ont tellement d'importance au XXI e siècle. D'autres collectivités locales, au contraire, comme on l'a vu dans l'exemple précédent, sont très en avance sur le gouvernement central. Le concept des collectivités locales numériques s'inscrit dans ce contexte.

Le deuxième courant, comme vient de le dire M. Takasaki, concerne la création, par le gouvernement, d'un système d'enregistrement des citoyens, qui sera fait au moyen de cartes à puce. On a vu comme exemple la "carte urbaine intégrée" de la ville de Yokosuka, avec des applications très diversifiées et des utilisations multiformes. Les communes vont créer des cartes par arrêtés municipaux. Les municipalités mènent leur propre politique des nouvelles technologies dans le contexte de la décentralisation dont la loi est entrée en vigueur en avril 2000. Les collectivités locales vont devoir montrer leur approche spécifique et originale. C'est ce que je voulais vous dire en tout premier lieu.

M. Adnot

Merci. Je vous propose de rester avec nous. Mais je vais demander à Monsieur Jourdan une autre expérience de manière à ce que l'échange soit toujours vivant.

M. Jourdan

Permettez-moi tout d'abord de me présenter. Je m'appelle Philippe Jourdan, je suis à la tête d'une société, Panel on the Web , qui réalise des études en ligne. Nous pensons qu'Internet va aujourd'hui bouleverser la relation au citoyen, la relation à l'administré, et la relation au consommateur. À ce titre, je vais vous proposer de découvrir une approche technologique nouvelle utilisant l'Internet, mais utilisant aussi des outils de visualisation en 3D, de façon à permettre aux administrés de prendre connaissance de projets d'aménagement qui les concernent et ce mode de visualisation, particulièrement original, je vais vous le présenter dans le cadre d'un projet actuel, qui est la refonte du port de la ville de Nice. Je tiens à rendre hommage à la société Realviz avec laquelle nous travaillons pour intégrer effectivement ces technologies de visualisation 3D à Internet.

De quoi s'agit-il ? D'une nouvelle approche technologique de l'étude d'impact visuel d'un projet d'aménagement conséquent, le nouveau port de Nice. Quelle est notre problématique ici ? De plus en plus, les collectivités territoriales se doivent de réaliser des études d'impact, de préparer des débats publics, avec une présentation de visuels sur des projets architecturaux ou d'aménagement de l'espace public. Le citoyen doit être consulté et proactif. Nous pensons qu'aujourd'hui les technologies de l'information peuvent effectivement contribuer à cet objectif.

Quel est ici, très concrètement, l'objectif que nous poursuivions ? Comment faire évaluer un projet en respectant son impact visuel, peut-être demain sonore, sur l'environnement, le quartier, la rue, et puis avouons-le, la préoccupation qui est la mienne, depuis ma fenêtre. Le cahier des charges au départ était très contraignant, très rigoureux, nécessitant de récréer l'environnement à l'échelle pour cadrer le projet, mais aussi d'intégrer chaque projet dans un environnement réaliste, et ce de façon indifférenciée, pour donner aux différents projets toutes leurs chances, afin de permettre au maître d'ouvrage d'apprécier l'impact visuel de chaque projet et de vérifier le respect des contraintes de servitude de vue.

Mais allons un peu plus loin. Aujourd'hui ces technologies nous permettent de constituer un support de communication et un support de consultation pour un large débat public. Un exemple concret : le port neuf de Nice que vous allez découvrir probablement pour la première fois en visualisation 3 D. Les contraintes sont celles de tout projet de cette envergure. La première, la longueur des études traitées par différents bureaux d'études ou cabinets d'architectes.

La deuxième, d'importance bien connue de nos élus, est la résistance au changement de certains riverains, posant le délicat problème des servitudes de vues. Enfin, des problèmes plus techniques, comme l'échange de données hétérogènes entre les équipes, et des problèmes de validation : comment conduire une validation à la fois auprès des administrés et au sein des conseils municipaux ?

Aujourd'hui, les solutions techniques mises en oeuvre sont lourdes et contraignantes. En matière de visualisation, elles se révèlent imparfaites : réalisation de dessins à la table d'architecte, trucages photographiques pour une intégration photo réaliste, des maquettes lourdes et coûteuses, qu'il faut reprendre maintes et maintes fois. Une absence de simulation. Oui, certes, je vois une maquette, supposée être à une certaine échelle mais mon point de vue est-il pris en compte ? Et enfin, une faible intégration dans l'environnement existant, qui empêche bien souvent les élus comme les administrés de se prononcer sur les problèmes de servitude de vue ou d'impact visuel des projets d'aménagement.

Pourquoi recourir à la 3 D et pourquoi recourir aux solutions permises aujourd'hui par les nouvelles technologies de l'information ? Tout d'abord, pour viser la justesse de l'intégration. Je peux évaluer un nouveau projet par rapport à ce que je connais, par rapport à ce que je vois. Enfin, pour permettre l'interactivité avec le public le plus large. Certes l'Internet, nous l'avons vu ce matin, pose encore un problème de taux de pénétration dans les foyers français. Nous sommes profondément convaincus qu'à l'horizon 2005 ce taux de pénétration va évoluer, que le haut débit, malgré les difficultés de sa mise en place sur le territoire français, proposera aussi des solutions innovantes.

Ce que je vais maintenant vous montrer suppose effectivement ce type de technologie. Permettre une diversité des points de vue, permettre d'optimiser les budgets dans une phase de présentation des projets et enfin permettre de répondre à des délais toujours plus courts de réalisation. Bref, l'objectif commun est ici de décider en toute connaissance de cause.

Sans trop rentrer dans la technique, quelles ont été les principales étapes de ce qui va vous être présenté ? La première étape a été de recréer une maquette de terrain en trois dimensions, à l'échelle. La deuxième étape a été d'intégrer dans cette maquette les infrastructures existantes, mais aussi les infrastructures futures faisant partie du projet et, naturellement, un port accueille des bateaux, ce qui bouche la vue de ceux qui habitent à proximité de celui-ci. Nous avons récréé les bateaux à l'échelle, de façon à permettre une maquette globale des terrains, des volumes des bâtiments et la prise en compte des digues et de futurs bateaux. La nécessité d'intégrer aussi ce projet dans le paysage existant. D'où une recherche de points de vue pertinents, des prises de vues réelles, un photo-calibrage des photos prises et une intégration dans le site et ce dans le respect des volumes et des perspectives.

Concrètement vous avez ici la première phase, la création du terrain à l'échelle avec une mise en relief en trois dimensions et la création des surfaces. Rien de bien palpitant à cette échelle. Allons un peu plus loin, nous avons ici une création des surfaces avec un premier rendu des volumes, par un jeu d'ombres, une recréation des infrastructures existantes, ici par un tracé qui ressemble fort à un tracé d'architecte. Une création de la nouvelle digue. Nous sommes encore sur du dessin d'architecte pour l'instant. Une modélisation et une intégration des bateaux en trois dimensions avec une création de la maquette, et c'est ci que commence l'animation 3D. Je ne suis pas aujourd'hui sur une connexion Internet, je suis sur une connexion locale, mais je vous garantis que tout ce que vous voyez là aujourd'hui, avec le haut débit, vous le voyez avec la même précision et la même netteté.

Une recherche de point de vue en prise de vue réelle. Ici nous sommes à Nice, photo-calibrage et synchronisation avec la scène 3D virtuelle. Ensuite, on utilise effectivement des outils qui sont des outils complexes, développés par la société Realviz, permettant l'intégration de la réalité virtuelle dans le paysage existant, donc la création d'images panoramiques pour faciliter un travail de recréation en 3D. Pour un meilleur rendu photo-réaliste, un travail sur les volumétries et sur ce qu'on appelle l'extraction des textures, de façon à viser à une intégration parfaite dans le paysage existant. Création de la volumétrie. Ici la phase d'extraction de texture au niveau des bâtiments, l'assemblage et l'application des textures globales aux photographies du paysage existant. Le calcul des éléments virtuels a été fait séparément. Et l'intégration dans le site.

Je vais maintenant vous montrer effectivement une série de diapositives vous permettant d'apprécier ce projet d'aménagement et peut-être de vous prononcer selon huit points de vue différents. On peut très bien imaginer que demain les habitants de chacun de ces quartiers pourraient être amenés à se prononcer sur ce projet en ayant la vue photo-réaliste qui les concerne. On a donc pris huit quartiers ici, huit points de vue différents sur le même projet. L'intégration dans le site avant, l'intégration dans le site après. Donc ici le point de vue est beaucoup plus éloigné. Ici on est beaucoup plus près. Il est évident qu'ici l'intégration des volumes se fait beaucoup plus présente. Un autre point de vue. Imaginons que nous soyons propriétaires, voilà ce que nous voyons aujourd'hui et ce que nous serions amenés à voir demain.

La digue actuelle du port de Nice. La digue une fois aménagée. Alors vous voyez ici des travaux qui ont porté sur la surélévation de la digue, effectivement pour protéger les bateaux qui sont derrière. À nouveau donc la balade le long du port de Nice. Effectivement le point de vue n'est plus autant ou aussi dégagé qu'avant. Enfin pour ceux et celles qui résident un peu en hauteur voilà ce que donnerait demain le futur port de Nice avec l'intégration des bateaux, de la nouvelle digue, mais aussi la prise en compte d'un terminal d'embarquement et de débarquement des passagers que vous voyez donc sur la droite. Un autre point de vue un peu différent : l'intégration dans le site avant, l'intégration dans le site après. Ici une vue un peu plus détaillée du terminal, donc du nouveau terminal d'embarquement et de débarquement pour les ferries qui sont représentés en arrière plan. Le but de chacune de ces vues est de permettre de développer à terme en fait sur Internet un logiciel permettant la visite virtuelle, c'est-à-dire de se déplacer à l'intérieur, à l'extérieur des bâtiments, de se déplacer à proximité des bateaux, et ce en ayant une vision photo-réaliste des projets.

En réalité toutes ces vues peuvent être intégrées dans une vidéo numérique qui est le prémisse de la balade virtuelle, à laquelle on ajoute ensuite des fonctions clavier pour permettre alors à la personne de prendre connaissance du projet selon l'ensemble de ces points de vue qui vous ont été présentés. Voilà un exemple très concret d'une application qui permettrait demain peut-être de donner au public le plus large accès à des projets d'aménagement, dont la principale difficulté n'est pas de les porter à la connaissance du public, mais bien encore d'offrir un moyen de visualisation qui soit photo-réaliste, accessible à tous, et ce en respectant des contraintes de délais dans la réalisation et des contraintes de budget effectivement dans la mise en oeuvre, puisqu'à ce stade, il ne s'agit que de projets ou d'avant-projet.

Je vous remercie de votre attention.

M. Adnot

Merci, je pense que la technologie en elle-même n'a pas de rapports avec Internet, c'est Internet qui permet ensuite de pouvoir en profiter pleinement et d'avoir une interactivité. Dans mon département - il faut bien que je fasse un peu ma publicité - tous nos concours d'architecture sont jugés à partir d'images de synthèse en 3D qui nous permettent de faire la visite intérieure, la variation des mouvements, etc. Mais je vais donner la parole à la salle, et puis ensuite on demandera à nos interlocuteurs qui sont M. Takasaki et M. Kawashima d'intervenir un peu et de nous dire leur point de vue. Avez-vous une question à poser sur ce qui vient d'être dit ?

M. Julien

Je voudrais revenir un petit peu sur ce qui vient d'être dit, qui se rapproche beaucoup d'ailleurs de ce qui avait été présenté auparavant sur le système d'informations géographique. À Beauvais, dans le cadre de la communauté de communes du Beauvaisis, nous sommes actuellement en train de mettre en place un système d'informations géographiques complètement détaillé et que nous mettons à disposition également de toutes les communes membres de cette collectivité. Nous sommes donc un tout petit peu confrontés à certains élus de cette communauté de communes, surtout des petites communes qui entourent la commune centre de Beauvais, qui demandent : « Qu'est-ce que ça va changer au niveau de ma commune ? ».

La première réponse à leur donner, consiste à dire que nous allons pouvoir mieux coordonner les chantiers, que ce soit l'intervention d'Électricité de France, que ce soit l'intervention en matière de réseaux, que ce soit en matière également de projets qui peuvent être d'urbanisme plutôt intercommunal et en matière également de voirie. Ma question porte donc sur la communication vis-à-vis des élus de petites communes qui ne sont pas habitués aux nouvelles technologies : comment les convaincre de l'utilité des systèmes d'information géographique, lorsqu'ils ne sont pas rompus à ces nouvelles technologies ?

M. Adnot

Merci. Une autre question ?

Question

Xavier Corval. Je représente la société Citiycom , qui a mis en place la web-TV d'Issy-les-Moulineaux. On a eu un exemple à l'instant extrêmement intéressant de collaboration autour des données, et non pas seulement de diffusion de données via un site municipal, un site local, collaborations des données qui peuvent être réalisées autour de la politique publique, mais aussi autour de tout l'événementiel, l'actualité de la vie de la ville, et pas seulement la vie municipale au sens strict. Est-ce que la ville de Yokosuka, qui paraît très avancée en matière d'usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication, a des exemples de collaboration autour des données à nous décrire ?

M. Hirokawa

Souvenez-vous de notre système d'information cartographique. Nous avons une carte de base que nous avons mise au point nous-même et nous la fournissons à des opérateurs privés à titre onéreux. Les prestataires de services ASP ( application service provider ) superposent des données telles que l'emplacement des organismes médicaux et des commerçants, ce qui permet le panachage des informations du secteur privé et du secteur public. Nous voudrions toutefois aller plus loin, par exemple, en associant la compagnie d'électricité et la compagnie de gaz. La discussion avec elles est en cours, mais des barrières organisationnelles font obstacle. On pourrait se demander pourquoi nous voulons associer ces deux compagnies au service d'information cartographique. Quand ces compagnies effectuent des travaux de réseaux d'alimentation enfouis sous la voirie, un embouteillage se forme et les gens se plaignent à l'hôtel de ville alors que ce problème n'est pas forcément de notre ressort ou de notre responsabilité. Le partage d'informations géographiques dans le cadre du partenariat entre la municipalité et le secteur privé nous permettrait de résoudre plus facilement un tel problème.

Question

Monsieur Morfin, Webs de France . J'ai une question pour M. Hirokawa. Vous avez une très forte interaction avec les administrés. Est-ce qu'il y a des associations d'administrés qui interagissent avec vous pour la définition des services et pour une vie plus associative et plus citoyenne, non pas dirigée par la mairie, mais simplement supportée par la mairie ?

M. Hirokawa

Par exemple, il y a une association des personnes qui ont pris leur retraite après avoir travaillé dans une société informatique, qui ont un projet pour aider des gens qui ne savent pas utiliser les ordinateurs. Par ailleurs, il arrive qu'une association en aide une autre. Il y a par exemple une association à but non lucratif qui aide des mères de famille qui travaillent. Un problème de garde d'enfant se pose lorsqu'elles sont retenues pour faire des heures supplémentaires car les horaires des crèches sont fixes, ou lorsqu'elles sont malades. Dans ce cas, cette association trouve une personne disponible pour aller chercher ou garder les enfants. Jusqu'à présent, l'association avait des difficultés. En effet, elle devait téléphoner à plusieurs personnes pour trouver celle qui est disponible, mais la mise en place d'un système informatique a simplifié les choses. Les personnes qui travaillent pour cette association ne savaient pas se servir d'ordinateurs, et c'est une autre association qui a aidé ces personnes à apprendre l'informatique et qui a aidé à la mise en place d'un système informatique nécessaire pour assurer le service.

M. Adnot

Je pense que cette réponse démontre que le risque de fracture pour les personnes qui ne savent pas utiliser la technologie est important. Nous devons donc inventer les réponses. Dans notre département, pour essayer de répondre à cette question, nous avons mis en place des jeunes dans les bibliothèques qui servent d'écrivains publics d'Internet. Parce que la question est que celui qui ne sait pas se servir peut se trouver exclu, aussi facilement qu'autrefois on était exclu si on ne savait pas lire ou écrire. Il faut donc qu'il y ait des médiateurs et je pense qu'il faut inventer des formules pour rendre les choses accessibles à tous, parce que tous n'auront pas un équipement et tous ne sauront pas s'en servir.

Je voudrais poser une question un peu impertinente à M. Takasaki. Monsieur Kawashima a dit qu'il y avait des communes qui étaient trop dépendantes du pouvoir central. Comment est-ce qu'il voit la chose ?

M. Takasaki

Je n'ai pas eu le temps tout à l'heure de parler de ce sujet. Il faut dire que les collectivités locales sont très diverses au Japon, par la population et par la superficie. En ce qui concerne l'informatisation également, vous avez raison de souligner qu'il y a des collectivités qui sont très en pointe et des collectivités où on ne trouve même pas d'ordinateur. Nous apportons donc un soutien aux collectivités locales sous diverses formes pour qu'elles soient mieux équipées en nouvelle technologie pour la simplification du travail et l'amélioration des services aux citoyens.

Je n'ai pas le temps de vous infliger tous les détails de ce discours, mais il y a effectivement trois objectifs que les petites collectivités locales doivent atteindre au stade de l'équipement. Premièrement, il y a la question de la normalisation technique ; deuxièmement, les petites collectivités locales ne pouvant pas toujours s'équiper en un grand nombre de systèmes, il faut rendre leur système polyvalent ; troisièmement, les collectivités locales pourraient se regrouper pour mettre en place un système commun et l'utiliser avec profit, ce qui permettrait de mettre ce dernier à la portée des petites collectivités territoriales.

Il existe quatre grandes infrastructures nécessaires en matière d'Internet. Il y a le LGWAN, c'est-à-dire un large réseau des collectivités locales ; le LGPKI, un système public de clés pour identification ; le PAII, une infrastructure d'authentification publique pour les particuliers, et le GPAS, un système disons d'applications d'accueil plus universel. Les pouvoirs publics soutiennent actuellement les collectivités locales dans leurs efforts.

Prenons tout d'abord l'exemple du LGWAN. Déjà l'ensemble des départements sont reliés depuis octobre 2001. L'ensemble des administrations centrales sera relié cette année et en 2003, c'est l'ensemble des communes qui le sera. Ainsi les collectivités locales pourront traiter en toute sécurité des informations personnelles. Et puis il sera possible, à partir d'une plate-forme d'applications ouverte, de fournir différents services pour les administrés.

Il y a environ 3 300 collectivités locales au Japon mais si elles se regroupent pour mettre un système en commun, il ne sera pas nécessaire que chacune se dote de son propre système. En effet, cette opération commune leur permettra d'offrir des services diversifiés aux administrés à moindre coût et avec une meilleure sécurité. Sur le plan juridique, comme Monsieur Hirokawa l'a précisé tout à l'heure, trois projets de loi seront présentés au Parlement. En 2003, l'ensemble des collectivités locales de l'archipel pourront offrir des services en ligne. Je vous remercie.

M. Adnot

M. Kawashima, vous voulez ajouter quelque chose.

M. Kawashima

Je souhaite apporter quelques précisions complémentaires sur un certain nombre de points. Comme vient de le dire M. Takasaki, les collectivités locales japonaises aussi doivent faire un bond en avant en ce qui concerne les infrastructures. L'aménagement des infrastructures permettra d'offrir aux citoyens des services plus rapides et plus efficaces. Il y aura forcément de multiples possibilités, mais ce qui est clair, c'est que l'utilisation des TIC, comme des appels d'offres numériques ou des votes électroniques, va modifier la culture politique encore plus que l'aspect pratique pour les citoyens. Je pense que c'est là toute l'importance de cette évolution. Pour ce qui est du Japon, le système centralisé a été remplacé par le système décentralisé à l'an 2000. C'est dans ce contexte qu'on développe les TIC des collectivités locales, et les TIC vont transformer la politique locale et l'administration territoriale. Et les collectivités locales doivent prendre conscience des TIC comme moyen de cette transformation. L'informatisation et le mouvement de décentralisation doivent contribuer ensemble à cette transformation. Je pense que c'est là toute l'importance de la numérisation des collectivités locales. Merci.

M. Adnot

Merci. Je vais donner la parole à la salle.

Question

Monsieur le président, permettez-moi d'apporter un témoignage d'un fonctionnaire territorial. J'exerce mes fonctions comme DGS à Douai, Nord, 45 000 habitants, et je voudrais insister sur la difficulté d'appliquer le principe de subsidiarité aux échelons déconcentrés de l'État. La conséquence, c'est une paralysie des collectivités territoriales quant à certains aspects de modernisation des services publics. Exemple concret : la télétransmission des actes soumis au contrôle de légalité. La commune est prête, mais les sous-préfectures, les préfectures doivent attendre des instructions de Paris. Elles sont promises dans un délai de trois à cinq ans. Conséquences : des gains de productivité perdus et aujourd'hui très cruels dans le cadre des 35 heures.

M. Adnot

Je vous remercie de la brièveté de votre intervention. Elle est un peu raide pour ceux qui sont concernés. Je pense que cela ira plus vite que ça. M. Gilonne veut ajouter quelque chose.

M. Gilonne

Oui, sur ce champ précis, il y a en ce moment des expérimentations qui sont en cours dans une vingtaine de communes avec les services de l'État, à base de carte à puce. Je n'en ai pas parlé tout à l'heure puisque nous avons en France un fabricant de cartes à puces de réputation mondiale, qui permettent d'authentifier l'acte par le maire ou par la personne qui est l'origine de l'acte. Donc ces expérimentations sont en cours. L'AMF, l'Association des maires de France, dont je faisais partie encore il y a quelques semaines, les suit de très près, et les bilans qui en seront tirés permettront peut-être de généraliser ce mouvement d'après les informations que je possède.

Question

Gabriel Calamarte, ministère de l'Intérieur, et directeur général de l'association des maires de France pendant dix ou onze ans. Je voulais poser une question à nos interlocuteurs japonais. On a parlé d'accroissement de la décentralisation. Est-ce que au contraire, le système technique qui nous a été décrit, parce qu'il ne peut pas rester uniquement local, car il formerait autant de circonscriptions hermétiques à l'extérieur, ne va pas provoquer la mise en place de normes nationales de plus en plus contraignantes pour que la communication puisse circuler sur l'ensemble du territoire ? Dans ces conditions, peut-on dire que ces techniques vont accroître la décentralisation ou au contraire unifier - et peut-être reconcentrer par la technique - certaines manières de gérer le territoire ?

M. Adnot

Ah, c'est une question intéressante. Monsieur Hirokawa, c'est vous qui répondez, ou c'est un de nos interlocuteurs ?

M. Hirokawa

Vous avez raison de souligner cet aspect qui est bien réel. Je ne connais pas la situation en France, mais en tout cas au Japon, les procédures administratives sont pareilles d'une commune à l'autre, mais la présentation et la taille des formulaire sont différentes. La manière de traiter les choses est également différente. Cela devrait être la même puisque les tâches administratives s'appuient sur les mêmes lois nationales, mais en réalité, il y a des différences d'une commune à l'autre. Il est bien évident qu'il faut normaliser tout cela pour les usagers. Une personne disait tout à l'heure qu'on peut faire un benchmarking du travail des communes et créer une sorte du guide Michelin des communes pour qu'elles assurent les services de certaine qualité. Alors on peut se demander si cela ne risque pas de mener à une uniformisation de mauvais aloi. En effet, il est possible que cela représente un risque. Ceci dit, si certains pensent qu'il y a bien des aspects de la vie courante qui sont les mêmes qu'on soit à Tokyo ou ailleurs, la réalité est bien différente. La vie quotidienne est très différente d'une région à l'autre et cela me remet en mémoire ce que disait quelqu'un tout à l'heure, c'est pour cela que le contenu est important. Le contenu, c'est d'abord les citoyens. Par exemple, il n'y a pas très longtemps, je me suis rendu dans un club de jazz, et des personnes âgées ont rejoint les musiciens à l'improviste et elles ont très bien joué. Cela m'a vraiment touché. Il y a des gens qui sont très intéressants et qui constituent le patrimoine. Je crois que les citoyens sont les détenteurs de ce patrimoine. Et c'est aux communes de mettre en valeur ce patrimoine pour créer leur spécificité. Bien entendu, le beau paysage et la bonne cuisine sont importants, mais ce qui compte d'abord, c'est le patrimoine que représentent nos habitants. C'est qu'il faut essayer de faire ressortir. Désormais, c'est l'ère des contenus.

M. Adnot

Voilà, je crois qu'on pourrait y passer toute la matinée et même beaucoup plus. Personnellement, je trouve très intéressante l'idée d'Internet au service des clubs de jazz.

Je voudrais remercier tous les intervenants. Je crois que l'échange entre les collectivités, l'échange entre les nations, l'échange entre tous ceux qui à un moment donné ou à un autre font évoluer la situation est toujours particulièrement intéressant. Nous avons des enjeux majeurs à relever, au niveau du type d'infrastructure, au niveau de l'équipement harmonieux des territoires, au niveau des contenus, et je partage complètement ce qui vient d'être dit à ce sujet, comme je partageais tout à l'heure l'expression de M. le maire, qui disait : cela peut aussi servir à nous différencier dans une compétition mondiale. Je pense qu'effectivement le foisonnement des idées, le foisonnement de l'interactivité, grâce aux technologies qui nous sont proposées, doivent nous servir à améliorer la situation de nos concitoyens, nous faire mieux connaître, être plus interactifs, gérer mieux, et je pense donc que l'on ne travaille pas au service d'une technologie. On l'utilise pour que notre société vive mieux. Je vous remercie donc tous de votre contribution, et je vous donne rendez-vous à un endroit où l'on va pouvoir se restaurer et continuer d'échanger. Merci.

M. Delcamp

Merci M. le président. Si vous le permettez, M. Ito, qui est le directeur général adjoint du CLAIR, va vous présenter les intervenants japonais de cet après-midi.

M. Ito

Je vais donc vous présenter les deux professeurs, spécialistes japonais des TIC qui vont intervenir cet après-midi. Notre premier intervenant, est M. Ohyama, professeur à l'université de technologie de Tokyo. M. Ohyama nous présentera un exposé fondamental introductif et il prendra part également au débat de la deuxième séance. Je voudrais également vous présenter M. Nakamura, scientifique invité au MIT. Le professeur Nakamura participera au débat de la deuxième séance. Son passe-temps, ce sont les médias.

M. Delcamp

Enfin la séance de cet après-midi sera présidée par M. Jacques Bellanger, qui est sénateur des Yvelines.

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