LES COLLECTIVITES LOCALES ET LA CULTURE EN FRANCE ET AU JAPON



Palais du Luxembourg - 31 janvier 2008

L'ACTION CULTURELLE,
UN ENJEU DU DÉVELOPPEMENT LOCAL,
PRÉSIDÉ PAR M. TADASHI TOKISAWA

A. LA CONTRIBUTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES AU DÉVELOPPEMENT DE LA CULTURE EN FRANCE

Mme Catherine MORIN-DESAILLY, sénatrice de la Seine-Maritime, adjointe au maire de Rouen, chargée de la culture, membre de la Fédération nationale des collectivités locales pour la culture (FNCC), présidente du groupe d'études sur les arts de la rue et du cirque

Je vous remercie. Je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui, d'autant que le Sénat est un lieu particulièrement pertinent pour permettre à des élus locaux de s'exprimer sur les politiques culturelles, les sénateurs étant eux-mêmes des élus d'élus et des élus locaux.

La contribution des collectivités locales au développement de la culture est très importante, comme en témoignent les chiffres. Ainsi, cette participation peut représenter jusqu'à 15 %, voire plus, de leur budget. Nous sommes passés, en quelques années, d'une politique de soutien culturel à une véritable politique culturelle des collectivités territoriales.

Rouen, capitale de la Haute-Normandie chargée d'Histoire, dispose de patrimoines remarquables (architectural, muséal et littéraire), sans parler des actions de création et de formation qui constituent les volets de soutien d'une politique culturelle. Entre 2001 et 2007, le budget municipal consacré à la culture est passé de 12 % à 16 %. Il s'agit du troisième budget de la ville, après l'urbanisme et les moyens municipaux. Sur 2 200 employés municipaux, 380 agents travaillent dans le domaine de la culture, du professeur de conservatoire au gardien de musée, en passant par les gestionnaires des salles et les intervenants dans les maisons des jeunes et de la culture. Il ne fait aucun doute que ce secteur est très riche et très varié.

Une organisation spécifique a été mise en place à Rouen, compte tenu de l'importance dudit secteur. Au fur et à mesure que les collectivités territoriales s'emparaient de la question culturelle, les services se sont dotés d'expertises, notamment au fil des formations proposées. Un département culture, tourisme et patrimoine a été constitué. Mon collègue, M. Yves Dauge, abordera tout à l'heure la question de l'impact de la culture sur le tourisme. Force est de reconnaître que, dans certaines villes, culture et tourisme sont étroitement liés.

La décision de constituer des départements spécifiques, dans lesquels travaillent des fonctionnaires formés, découle de l'investissement effectué par les collectivités en faveur du développement de la culture.

Je ne reviendrai pas sur les questions de financement. Je souhaite m'étendre davantage sur les effets de ces dépenses et sur les raisons qui nous amènent à décider d'investir dans la culture, en procédant aussi bien à des dépenses de fonctionnement que d'investissements. Je tiens également à aborder les effets produits par ces activités pour le développement des territoires concernés.

La culture est un élément fondamental du développement durable de nos territoires. En effet, il s'agit d'un élément d'attractivité, de rayonnement, d'identité et de lien social. En outre, il s'agit d'un facteur de développement économique, même s'il faut veiller à ne pas nourrir de trop grands espoirs, les effets étant difficiles à mesurer et les interactions s'avérant parfois complexes.

LA CULTURE EST UN MOTEUR DE DÉVELOPPEMENT LOCAL

La culture produit un effet sur les habitants des territoires eux-mêmes. Ceux-ci en tirent souvent un motif de fierté, d'identification positive, qu'ils fréquentent ou non les institutions ou les manifestations et qu'ils participent ou non aux actions. Tout habitant est susceptible de bénéficier des retombées positives, notamment lorsqu'il entend parler à l'extérieur de sa ville. Les Nantais doivent, par exemple, être très fiers d'entendre parler de leur ville dès lors qu'on évoque le spectacle de rue créé par la Compagnie Royal de Luxe à Nantes.

Le dynamisme culturel d'un territoire participe au dynamisme général de celui-ci et à la mise en mouvement de sa population. Les arts de la rue se sont emparés des villes. A Sotteville-lès-Rouen, nous avons le festival Vivacité. Ce type d'activités culturelles découle d'un projet collectif, pour lequel l'ensemble des services d'une ville (police municipale, service culturel, espaces verts, service technique, petite enfance, etc.) sera concerné et mobilisé. Ces projets contribuent au vivre ensemble et au renforcement du sentiment de bien-être collectif.

Je pourrais vous citer une multitude d'autres exemples montrant à quel point la population s'approprie rapidement un projet :

· le festival de jazz de Marciac ;

· le festival Est-Ouest de littérature de Die - la population joue notamment un rôle crucial dans l'accueil du public ;

· la biennale de danse de Lyon - de nombreux jeunes sont mobilisés par les communes environnantes et les relais socioculturels, y compris ceux vivant dans les quartiers dits sensibles.

Force est de reconnaître que, dans certains cas, le sentiment que le projet culturel contribue fortement au développement local met davantage de temps à naître.

L'annulation du festival d'Avignon en 2003, suite à la crise de l'intermittence, a suscité une prise de conscience très nette chez les Avignonnais. Ils se sont rendu compte que le festival ne s'arrêtait pas aux animations organisées et qu'il avait un véritable impact en termes de retombées économiques.

LA CULTURE PERMET LA REVALORISATION DU TERRITOIRE

L'action culturelle peut également être un élément de réparation et de revalorisation symbolique d'un territoire. A Bilbao, par exemple, le musée Guggenheim a servi de point de départ pour envisager les actions de développement urbain et de modernisation de la ville. Glasgow, en étant désignée capitale européenne de la culture dans les années 80, a pu tirer parti de cette situation. En France, nous pouvons retenir l'exemple de la région Lorraine qui a entrepris, en association avec la Sarre et le Luxembourg, de reconstruire son image, trop fortement associée jusqu'alors à une industrie en déclin.

Dans certaines villes - c'est le cas de Rouen notamment - l'urbanisme a été repensé en se basant sur un équipement culturel structurant. Ainsi, une médiathèque d'envergure régionale est en cours de construction par M. Rudy Ricciotti, laquelle a volontairement été implantée dans un quartier du grand projet de ville, afin de favoriser le désenclavement urbain et culturel. D'autres initiatives portant sur des quartiers importants pour les villes ont été prises à Rennes ou à Clermont-Ferrand. Une initiative qui concerne tout le centre-ville est également menée à Turin.

Quoi qu'il en soit, il me semble qu'aujourd'hui, l'enjeu qui se présente pour les villes consiste à enclencher une dynamique entre le patrimoine et la création. Ces aspects ne sauraient être opposés. Nous sommes amenés à constater qu'en matière de politiques culturelles, disposer d'équipements constitue de plus en plus une véritable priorité pour un nombre croissant de petites villes. Les cinémas ont été évoqués tout à l'heure. Tous les équipements de proximité - écoles de musique, bibliothèques, cinémas, etc. - sont incontournables en matière d'aménagement du territoire.

LA CULTURE CONTRIBUE AU DÉVELOPPEMENT DU VIVRE ENSEMBLE

Je ne peux évoquer l'action culturelle sans parler des festivals, lesquels ont des retombées très bénéfiques sur l'ensemble des emplois permanents créés sur place.

L'organisation de tels évènements génère un surcroît d'activité dans l'hôtellerie, la restauration et les activités liées au spectacle et à la publication en particulier. Outre ces effets connexes, l'organisation de festivals permet également d'apporter la culture au plus grand nombre.

Dans une ville, l'aspect relatif au vivre ensemble est essentiel. Il faut faire le choix de construire une communauté citoyenne et de rassembler les quartiers.

Un autre exemple relatif au volet culturel de la politique de la ville mérite d'être cité, car il permet de rétablir des circulations dans les deux sens. Ainsi, certaines villes s'organisent de sorte à ce qu'au sein des centres, des activités associent des jeunes issus de quartiers dits sensibles et qu' a contrario , en périphérie, soient organisées des manifestations susceptibles d'intéresser toute la population.

A Rouen, nous avons par exemple créé un festival d'été des Arts des Hauts et un festival de cinéma Ecran Total. Ils sont volontairement uniques sur le territoire de la ville, de manière à inciter les Rouennais à se déplacer vers les quartiers concernés. Une telle démarche permet de tisser un lien social à travers la culture, ce qui, à mes yeux, constitue un défi très intéressant.

En conclusion, les villes sont prêtes à investir dans la culture et elles le font de plus en plus. La priorité, aujourd'hui, consiste à veiller à ce que la décentralisation culturelle soit mieux organisée, de manière à éviter dispersion et superposition, compte tenu du foisonnement d'actions culturelles qui peut être constaté. Par ailleurs, dans certains cas, nous attendons de l'Etat qu'il nous accompagne dans l'aménagement du territoire. Ce dernier ne s'implique pas suffisamment dans la stratégie mise en place en matière culturelle alors qu'il serait à même d'accompagner certaines spécificités ou la mise en valeur de certaines identités territoriales, ce qui permettrait de pouvoir compter sur davantage de complémentarité et d'éviter que des politiques culturelles se reproduisent à l'identique sur un territoire.

Mon exposé s'arrête ici. Je sais que M. Yves Dauge a également beaucoup de choses à vous dire.

M. Bruno LEPRAT

Je vous remercie.

Il convient de préciser que vous êtes également membre d'une fédération de collectivités locales pour la culture. Quelle est l'actualité de vos réflexions au sein de cette association ?

Mme Catherine MORIN-DESAILLY

Nous travaillons sur plusieurs sujets, mais nous sommes particulièrement préoccupés à l'heure actuelle par la décentralisation des enseignements artistiques. Je suis d'ailleurs chargée de conduire une mission d'information pour la commission des Affaires culturelles du Sénat sur le sujet.

Je vous rappelle que la loi du 13 août 2004 ne prévoit pas un transfert de compétences, ledit transfert ayant déjà été opéré dans les années 1982-1983.

Il s'agit davantage d'un transfert de financement, de manière à ce que l'enseignement artistique (musique, théâtre et danse principalement) soit mieux équilibré. Aujourd'hui, ce sont les villes qui portent l'ensemble de ces financements à hauteur de 80 %.

Dans un cadre plus vaste, afin d'amener la culture et l'enseignement au plus grand nombre, nous envisageons également les questions relatives au chantier de l'éducation artistique et culturelle. La mise en oeuvre de cette loi, dont l'enjeu est considérable, semble être difficile.

Les collectivités s'étant fortement investies dans le domaine de la culture - je vous rappelle qu'elles financent les deux tiers des dépenses culturelles aujourd'hui - il est essentiel qu'un travail partenarial soit mené avec le ministère. Le temps de l'Etat jacobin et ordonnateur est révolu. Est venu le temps d'un Etat coordonnateur et facilitateur qui amène son expertise de manière à ce que l'organisation de la décentralisation se déroule sans anicroche. A l'heure actuelle, la manière dont les crédits seront transférés et les possibilités de développement en matière d'enseignement et de sensibilisation aux arts et à la culture sont nos principales préoccupations.

M. Bruno LEPRAT

Je vous remercie.

Laissons la parole à présent à M. Yves Dauge, maire-adjoint de Chinon, sénateur d'Indre-et-Loire. Pour information, maire se dit shichô en japonais.

Chinon et le tourisme, Chinon et la culture : comment ces éléments trouvent-ils leur équilibre ?

B LA CONTRIBUTION DE L'ACTION CULTURELLE
EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT LOCAL EN FRANCE :
TOURISME, EMPLOI, QUALITÉ DE VIE, PRÉSERVATION DU PATRIMOINE...

M. Yves DAUGE, sénateur d'Indre-et-Loire, membre de la commission des Affaires culturelles, membre du groupe d'études sur le patrimoine architectural, point focal du Sénat à l'Unesco

J'ai été maire de Chinon pendant plusieurs mandats. Cette précision a son importance, car la politique que je m'apprête à vous décrire doit s'inscrire dans la durée. Nous sommes amenés, les uns et les autres, à développer de véritables dynamiques de politique culturelle.

Chinon, ville de taille moyenne, a la responsabilité de tout un territoire sur le plan culturel. A côté de Tours, qui compte 200 000 habitants, Chinon semble être une petite ville avec son territoire de 80 000 habitants. Il lui revient néanmoins la responsabilité d'assurer la gestion de la politique culturelle à l'échelle de ce territoire rural. Des villes de taille comparable, voire de plus grande taille, se situant dans la périphérie immédiate de Tours, n'effectuent pratiquement pas de dépenses culturelles car elles se reposent sur la ville centre. Plusieurs villes, au sein de chaque département, connaissent la même situation que Chinon.

Chinon est une ville historique disposant d'un patrimoine exceptionnel. Ancienne capitale royale, Chinon est inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco et bénéficie de l'ensemble des dispositifs de protection inventés en France (loi Malraux, etc.). L'articulation entre la culture bâtie autour du patrimoine - la poursuite de la création patrimoniale via l'architecture contemporaine y compris - et le tourisme est un élément déterminant. Ville de 15 000 habitants, elle voit sa population compter 500 000 habitants supplémentaires pendant deux mois. L'attractivité touristique, si elle est extraordinaire, ne doit pas détruire la ville et en faire une ville objet. La qualité du patrimoine bâti de Chinon est exceptionnelle mais son remarquable patrimoine naturel mérite également d'être cité. En tant que président d'un parc naturel régional sur la Loire, je suis en mesure d'affirmer que le patrimoine naturel qui existe autour de la Loire est un élément d'attraction touristique considérable, avec le développement du tourisme culture nature notamment.

Ces richesses patrimoniales sont néanmoins très fragiles et nécessitent sans arrêt de lourds investissements en service, suivi, entretien. Si vous connaissiez le budget consacré à l'entretien du patrimoine de Chinon, vous seriez stupéfaits. Cette situation particulière s'explique notamment par le fait que la ville compte une cinquantaine de monuments historiques classés qu'il convient d'entretenir.

Intéressons-nous aux fondamentaux de la politique culturelle dans les autres domaines. Personnellement, j'ai construit une politique culturelle à partir des contenus. Des éléments de contenu et de programmation ont été construits progressivement autour de l'écrit (lecture, théâtre, animations de rue) et de l'image. Il faut savoir que, dans une ville comme Chinon, si le cinéma n'est pas propriété de la ville et géré par une association, il n'y a plus de cinéma. La majorité des cinémas se trouve dans la périphérie de Tours, au sein de grands ensembles multisalles. Quoi qu'il en soit, je dispose d'un cinéma au coeur de ma ville, lequel propose une excellente programmation et fait intervenir des cinéastes et des acteurs qui adorent se rendre à Chinon. Une sorte de paradoxe peut être constaté : grâce à l'accueil proposé et au sentiment de proximité qui se dégage dans ce type de rencontre, la capacité d'établir des liens avec les artistes est exceptionnelle.

J'ai également largement investi dans le domaine de la musique. Notre école de musique compte 250 élèves. Nombre d'entre eux viennent des alentours mais c'est la ville qui paie. Quelques subventions sont attribuées pour l'achat d'instruments, mais encore faut-il payer les 18 professeurs que compte l'école. Or, nous ne pouvons pas nous en passer si nous souhaitons développer la politique artistique et culturelle, surtout vis-à-vis des jeunes.

M. Bruno LEPRAT

Comment défendre une politique culturelle lorsque le service des affaires économiques, le service social, etc. est également demandeur de budgets ?

M. Yves DAUGE

Il incombe à la ville centre de mettre en place des actions de manière progressive et de trouver des accords politiques. Des arbitrages sont inévitables, les décisions étant rarement prises à l'unanimité. S'il ne fait aucun doute que l'école de musique est une structure incontournable pour la ville, il n'empêche que, chaque année, certains membres du conseil municipal votent systématiquement contre.

Je n'ai pas été en mesure de moduler les tarifs proposés. Outre le travail considérable qu'il faudrait accomplir pour connaître le niveau de revenus des personnes concernées, je suis confronté à des personnes qui sont hostiles aux mesures mises en oeuvre dans le domaine culturel.

Outre la musique, la création architecturale et les arts plastiques ont, pour moi, une place essentielle dans l'action culturelle. J'ai donc créé une galerie d'exposition et je fais intervenir des plasticiens, en ville, sur des créations architecturales, à l'instar du pont qui a été cité pour le Japon.

Ainsi, des artistes connus tels que François Morellet, Erik Dietman et Olivier Debré ont réalisé des créations en ville, dans l'espace public.

De tels projets donnent lieu à de véritables débats au sein du conseil municipal, y compris au sein de la majorité, les gens n'étant pas motivés par ce genre d'actions. Je me trouve constamment confronté à des difficultés lorsqu'il s'agit de faire avancer ce type de dossier, les gens préférant organiser des fêtes, autour du vin en particulier. Si ce type de manifestation est incontournable et fait partie du patrimoine immatériel, il s'avère néanmoins essentiel de développer d'autres actions culturelles. Ma ville doit être à l'avant-garde en matière de culture.

Les maires se heurtent à des difficultés lorsqu'il s'agit de pousser la culture vers l'art contemporain ainsi qu'en matière d'investissement et d'information. Toutes les actions entreprises dans le domaine culturel sont menées en partenariat avec les écoles. Rien n'est mis en oeuvre sans les écoles et sans les associations, lesquelles sont deux leviers constants dans la déclinaison de ma politique culturelle.

Par ailleurs, il est évident que je n'agis pas seul. Un étroit partenariat avec l'Etat a été mis en place. Personnellement, je revendique le développement de directions régionales de la culture puissantes. Il arrive que je sois particulièrement inquiet sur leur devenir, d'autant que nous en avons besoin au titre de la cohérence territoriale et du développement de partenariats sur les contenus. Je cherche à contractualiser au maximum avec l'Etat pour bénéficier de son expertise. Je contractualise évidemment avec la région et le département et j'enchaîne, en séquence, ces contractualisations autour de ma saison culturelle et de mes institutions chaque année.

Vous avez évoqué la question de l'arbitrage budgétaire. Si je travaille bien et que mon programme est bien construit, je serai suivi dans mes projets et j'obtiendrai un budget de fonctionnement assez conséquent.

En outre, je peux compter sur des partenariats privés. Citons l'exemple du centre E. Leclerc de Chinon qui, chaque année, finance de manière importante une association que nous soutenons.

Je me rends également à l'étranger pour établir des partenariats dans le cadre de coopérations décentralisées, notamment autour des villes du patrimoine. Je bénéficie notamment du soutien de M. Antoine Joly qui est présent aujourd'hui et que je salue.

Je me rends à Luang Prabang, ville au nord du Laos, qui a un patrimoine culturel, matériel et immatériel considérable et que l'Unesco nous a demandé de sauver. Là encore, je ne bénéficie pas d'un soutien unanime pour les projets qui sont envisagés.

Pour conclure, il ne fait aucun doute qu'aucun développement n'est possible sans prendre en compte fondamentalement la culture, laquelle est au coeur de nos démarches. Nous ne pouvons pas raisonner de manière sectorielle. L'attractivité de notre ville dépend de cette condition mais nous sommes souvent mal compris par une partie de la population. Nous sommes généralement suivis par les jeunes et nous arrivons à nos fins. Si nous ne pouvions pas compter sur la légitimité et le soutien moral et financier apportés par l'Etat, nous ne serions pas en mesure de développer des actions culturelles, car nous ne disposons pas de la même puissance de feu que les grandes villes.

Retenez que la situation que connaît Chinon est celle rencontrée par trois ou quatre villes par département, soit environ 350 villes concernées en France, lesquelles doivent gérer des territoires importants d'environ 50 à 100 000 habitants. Ainsi, toute l'infrastructure territoriale se trouve irriguée par la politique culturelle. L'action culturelle n'est pas anecdotique. Elle joue un rôle fondamental dans l'aménagement du territoire.

M. Bruno LEPRAT

Des réflexions sur les attributions respectives des collectivités locales sont menées en France. Pensez-vous qu'il y a un époussetage en matière culturelle ? Considérez-vous que cela relève d'une articulation politique organisée par l'Etat ?

M. Yves DAUGE

Ma position est assez proche de ce qui a été dit jusqu'à présent. Les réflexions portent essentiellement sur des compétences générales, peut-être trop larges chez certains. Quoi qu'il en soit, il ne fait aucun doute que la commune a une vocation et une compétence générale dans ce domaine. Selon moi, les compétences du département pourraient être resserrées car je ne pense pas que la culture soit sa vocation dominante, contrairement au domaine social ou au domaine des infrastructures routières.

Les compétences de la région mériteraient néanmoins d'être renforcées, notamment via la définition d'une alliance plus structurée avec l'Etat.

Je ne connais pas la position de ma collègue sur le sujet mais il me semble que davantage de cohérences territoriales devraient être construites au niveau régional. Je suis personnellement soutenu par ma région, mais rien ne l'y oblige. Je tiens à préciser qu'au-delà de mes partenariats institutionnels avec les autres collectivités et l'Etat, je peux compter sur des partenariats avec des institutions qui sont soutenues par l'Etat et les collectivités.

Je pense notamment au Centre de création contemporain et au Centre d'art dramatique de Tours qui sont des institutions nationales, ainsi qu'à l'Opéra de Tours, soutenu par l'Etat. Je m'accroche à ces institutions. Il est nécessaire qu'elles soient poussées, par l'Etat et par tous ceux qui les financent, à venir vers nous. Il nous revient bien sûr d'en exprimer la demande.

Le fonctionnement et la programmation de ma galerie d'art contemporain, qui fonctionne très bien et reçoit des artistes remarquables, sont assurés par le Centre de création contemporain de Tours. En outre, la programmation théâtrale de ma ville est élaborée en accord étroit avec le Centre d'art dramatique de Tours. Je ne peux pas agir seul de mon côté, faute de quoi Chinon connaîtrait la même situation qu'il y a vingt ans, époque où une troupe passait de temps en temps. Nous ne pouvons plus fonctionner de cette manière aujourd'hui. Je privilégie une politique construite, constamment reconstruite et négociée, et pouvant compter sur les relais que constituent l'école et le réseau associatif. Et cela fonctionne !

Mme Catherine MORIN-DESAILLY

Je partage la position de mon collègue sur la répartition des compétences qu'il a décrite. J'ajouterai qu'il existe un échelon de collectivités qui n'a pas été mentionné : l'intercommunalité. Or, l'intercommunalité devrait être davantage impliquée, dans les années à venir, dans les politiques culturelles. Prenons le cas de la ville de Rouen. Il s'agit d'une petite ville centre de 120 000 habitants, au sein d'une agglomération de 400 000 habitants. Si le budget consacré à la culture est si important, c'est que nous portons toutes les charges de centralité. Nous avons su utiliser les outils de la décentralisation, notamment en mettant en place, avec notre Opéra, le premier EPCC de France avec la région et les départements. Certains établissements - notre conservatoire, notre école d'art, nos cinq musées - ont une vocation supra-communale. Ils proposent une politique tarifaire qui s'adresse, certes, à tous les habitants de la ville, mais aussi aux habitants de l'agglomération.

Selon moi, les travaux qui seront envisagés à l'avenir doivent intégrer l'esprit de la loi qui consiste à mieux faire ensemble ce qu'on ne pourra plus faire tout seul, compte tenu de l'augmentation des charges, l'objectif étant de continuer à privilégier une politique culturelle très dynamique et très diversifiée. L'intercommunalité est un échelon très important.

M. Bruno LEPRAT

La ville de Gifu compte également 400 000 habitants. Son premier édile, Shigemitsu Hosoe, va nous décrire à présent les points-clés de la politique et de la richesse culturelles de sa ville.

C. LA CONTRIBUTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES AU DÉVELOPPEMENT DE LA CULTURE AU JAPON

M. Shigemitsu HOSOE, maire de Gifu

Je suis vraiment ravi de ma visite à Paris aujourd'hui. C'est pour moi l'occasion de me souvenir, avec beaucoup de nostalgie, que j'ai étudié pendant un mois à l'INSEAD de Fontainebleau il y a 30 ans.

Je voudrais tout d'abord indiquer que dans le système japonais, contrairement au système français, les maires sont élus au suffrage universel direct par les citoyens, indépendamment des conseillers municipaux. Mon voisin, Monsieur Satô, et moi-même n'avons donc pas le statut de conseiller municipal.

Permettez-moi ensuite de vous présenter la ville dont je suis le maire, Gifu. En premier lieu, puisque les photos apparaissent à l'écran, vous pouvez voir deux tableaux que j'ai moi-même réalisés. Vous me voyez également sur la photo suivante arborant un dossard qui porte le numéro 1. J'ai en effet l'habitude de courir tous les dimanches avec des amis. J'ai d'ailleurs trop couru l'an dernier, à tel point que j'ai dû me faire opérer du genou. En tout état de cause, vous pouvez constater que les activités culturelles et sportives sont un domaine de prédilection pour moi, un domaine très gratifiant, qui enrichit la vie.

PRÉSENTATION DE LA VILLE DE GIFU

La ville de Gifu compte environ 420 000 habitants. La grande tour que vous apercevez est un immeuble d'habitation de 42 étages, dont la construction a été achevée en octobre 2007. Cette tour mesure 163 mètres de haut et est habitée par environ 1 000 personnes. A l'arrière-plan, vous distinguez également le Mont Kinka (Kinka-zan). La tour s'élève environ à mi-hauteur de cette montagne. Depuis son achèvement, la ville a lancé d'autres projets de réaménagement urbain qui vont remodeler son image.

Gifu se trouve au centre du Japon, dans le département du même nom (département de Gifu). Elle se situe au sud du département et en est le chef-lieu. Au Japon, nous n'avons que 1 800 communes, comparé aux 36 000 que compte la France. Le nombre de communes au Japon ne représente donc que 1/20 e de celui de la France. Et la tendance au Japon est toujours à la fusion des communes, dans le but d'en réduire encore le nombre.

Notre ville s'étend sur 200 km 2 , dont 30 % sont occupés par des forêts et 20 % par des terres agricoles. La population avoisine celle de Toulouse, la quatrième ville de France, avec environ 430 000 habitants.

Elle se situe à 2 heures de Tokyo, grâce au train rapide Shinkansen, et à 17 minutes de Nagoya, qui est particulièrement connue pour ses usines Toyota. Nombreux sont d'ailleurs nos habitants qui vont travailler à Nagoya.

Comme vous pouvez le constater, notre ville présente de très beaux paysages. La rivière Nagara, avec ses 166 kilomètres, mesure environ le cinquième de la longueur de la Seine. Le Mont Kinka culmine à environ 320 mètres. A son sommet se dresse le château de Gifu. Le chef de guerre Oda Nobunaga en fit son quartier général il y a 440 ans, dans le cadre de sa campagne d'unification de l'ensemble du Japon. Le château lui-même fut érigé il y a 800 ans, mais il a malheureusement été détruit par un incendie, de sorte que le château actuel est une reconstitution qui date d'une cinquantaine d'années environ.

La photo suivante est une vue de nuit de la ville depuis les hauteurs du château de Gifu. L'été, un grand nombre de gens grimpent jusqu'au sommet du Mont Kinka pour bénéficier de ce magnifique panorama à 360 degrés.

Mais la ville de Gifu est également connue pour ses objets d'arts traditionnels. Nous fabriquons ainsi depuis très longtemps des lanternes et des parapluies traditionnels en papier japonais washi .

LE RÔLE DES COLLECTIVITÉS LOCALES DANS LE DÉVELOPPEMENT CULTUREL

Je suis convaincu que l'administration et la politique ne peuvent se passer de la culture. C'est la raison pour laquelle je m'investis autant que possible en ce qui concerne la culture, les arts et les sports et que je cherche à être un modèle dans ce domaine.

La culture, les arts et les sports qui reflètent la singularité locale donnent une personnalité à la ville, une personnalité propre à créer de la diversité et à donner du dynamisme à la ville.

A une époque où on observe une modification rapide et profonde de l'économie et de la société, nous avons tout particulièrement besoin de cette richesse intérieure. C'est là que réside toute l'importance de la culture.

Un véritable mouvement de décentralisation s'est produit au Japon depuis une vingtaine d'années, c'est-à-dire depuis les années 90. Dans ce cadre, chaque localité cherche son originalité, chaque ville cherche à se diversifier, de sorte que la culture joue un rôle très important dans le processus de décentralisation.

J'aimerais vous présenter les trois axes essentiels autour desquels tournent les actions que nous menons à Gifu pour la promotion des arts et de la culture :

· transmettre, retrouver et créer les arts et la culture ;

· inciter les citoyens à participer aux manifestations culturelles et artistiques ;

· offrir des équipements culturels et des événements culturels de qualité.

Notre ville de Gifu est chargée d'histoire. Nous sommes les héritiers d'une culture singulière que nous nous devons de transmettre. Mais certains aspects de cette culture singulière sont, en quelque sorte, enfouis : nous nous devons de les retrouver. Par ailleurs, il nous faut également créer de nouvelles formes de culture spécifiques à notre ville.

En ce qui concerne la transmission de notre culture singulière, j'aimerais vous présenter trois exemples : la pêche au cormoran, la fête du feu et les feux d'artifice d'été.

Le premier exemple concerne donc la pêche au cormoran. Elle consiste à attacher une cordelette au cou de l'oiseau pour que celui-ci pêche le poisson dans la rivière. Cette technique est riche d'une histoire d'environ 1 300 ans. Autrefois elle constituait une technique de pêche ; elle est devenue aujourd'hui une ressource touristique.

Vous pouvez voir sur la photo qui apparaît à l'écran six maîtres-pêcheurs de cette technique de pêche au cormoran. Chacun manipule 10 à 12 cormorans pour pêcher la truite ayu . Cette pêche au cormoran se pratique dans 13 villes japonaises, mais celle qui se pratique à Gifu sur la rivière Nagara est la plus importante puisqu'elle rassemble chaque année plus de 120 000 spectateurs. Des bateaux emmènent les touristes sur les lieux de pêche entre le 11 mai et le 15 octobre. Le grand comédien Charlie Chaplin y a d'ailleurs assisté à deux reprises, en 1936 et 1961. Les journaux de l'époque relatent qu'il ne tarissait pas d'éloges face à ce spectacle, s'exclamant « Wonderful ! ».

Les rivages de la rivière Nagara ont maintenant été aménagés en lieu de promenade. On peut donc désormais assister à la pêche au cormoran depuis les rives. Pour tenter d'inscrire cette pêche au patrimoine mondial de l'Unesco, d'autres aménagements sont en cours. La pêche au cormoran est déjà enregistrée comme patrimoine immatériel du département de Gifu. Il reste maintenant à la faire enregistrer sur la liste du patrimoine immatériel national, pour la faire ensuite enregistrer sur la liste du patrimoine immatériel de l'Unesco. L'activité de pêche au cormoran bénéficie d'un budget annuel de 3,6 millions d'euros versé par la ville.

Le deuxième exemple que j'aimerais vous présenter concerne la Fête du feu, qui est riche de 300 ans de tradition. Il s'agit d'un feu d'artifice particulier, qui ressemble à des cascades de feu d'une vingtaine de mètres de hauteur, portées par des hommes torse nu dont on dit qu'en participant à cette manifestation ils sont assurés de ne pas tomber malades dans l'année. Cette manifestation est classée sur la liste du patrimoine immatériel important du département de Gifu.

Mon dernier exemple de perpétuation de la culture de notre ville concerne les feux d'artifice d'été. Deux fois chaque été, un grand feu d'artifice très célèbre dans tout le Japon est tiré à Gifu. Chacun de ces deux feux d'artifice, composé de 30 000 tirs, rassemble une foule d'environ 400 000 spectateurs.

Dans le cadre de notre politique qui consiste à « retrouver » des aspects enfouis de notre patrimoine culturel, nous menons plusieurs actions dont je voudrais vous citer deux exemples.

Le premier exemple a trait au personnage d'Oda Nobunaga. Le chef de guerre Oda Nobunaga est l'une des figures historiques les plus célèbres et les plus populaires du Japon. A une époque de division des provinces (l'époque dite de « Sengoku », il y a environ 450 ans), il a installé son quartier général à Gifu dans le but d'unifier tout le pays. Né en 1534, il se donne la mort à 48 ans (1582) dans le temple assiégé et incendié de Honnô-ji. S'il avait vécu, il aurait sans doute eu une carrière encore plus illustre. Il a mené à bien des réformes très difficiles, ce qu'on appellerait aujourd'hui des réformes structurelles, et a même essayé de libéraliser les marchés. A l'époque, un missionnaire portugais qui se trouvait à Kyoto, Louis Frois, a rendu visite à Oda Nobunaga à Gifu. Dans son journal, il décrit la fabuleuse résidence d'Oda Nobunaga, dont il pense qu'elle est sans équivalent en Europe. Le dessin que vous pouvez voir à l'écran et qui représente cette résidence est fondée sur les descriptions de ce missionnaire. Nous envisageons actuellement de faire une reconstitution réelle de cette résidence. Pour l'instant, nous n'en sommes qu'au stade des fouilles sur le site mais nous faisons déjà de ces fouilles une activité touristique, dans la mesure où elles sont menées directement sous les yeux du public. Chaque année, en octobre, est organisée une Fête d'Oda Nobunaga qui rassemble de nombreux spectateurs. A cette occasion, on peut assister à des démonstrations d'arquebuses anciennes, des armes à feu utilisées il y a 450 ans.

Mon deuxième exemple portant sur des aspects enfouis de notre patrimoine culturel que nous essayons de faire revivre concerne le rakugo . Le rakugo est l'art japonais des conteurs. Il s'agit d'un art de la parole. Vous pouvez voir à l'écran un maître de rakugo en train de narrer toutes sortes d'histoires avec des gestes pour faire rire le public. Le moine Anrakuan Sakuden, le fondateur du rakugo , est né à Gifu.

C'est pourquoi, il y a 5 ans, nous avons décidé de lancer un championnat universitaire de rakugo , sachant qu'au Japon il existe des cercles de rakugo dans les universités. C'est ainsi qu'environ 120 étudiants de 30 universités viennent participer chaque année à ce championnat que nous avons déjà organisé quatre fois. La cinquième édition aura lieu au mois de mars prochain. Deux anciens vainqueurs sont maintenant devenus des conteurs professionnels de rakugo .

S'agissant de notre politique de soutien à la création d'une culture contemporaine nouvelle, je citerai tout d'abord le théâtre aux flambeaux. Le spectacle de , qui a 600 ans d'histoire, mêle les arts de la danse, du théâtre, de la musique et de la poésie. C'est l'art scénique le plus ancien. C'est un spectacle musical, mais c'est aussi un théâtre masqué puisque les acteurs portent des masques. Cette forme de théâtre est déjà inscrite sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco. La ville de Gifu propose aujourd'hui un particulier, le aux flambeaux. La représentation est organisée dans le noir, simplement éclairée par des flambeaux. Ce spectacle, organisé avec le Mont Kinka en arrière-plan, est vraiment magnifique et très réputé.

Nous organisons aussi, chaque année depuis dix ans, une exposition de « Flag Art » dans un quartier particulièrement animé de Gifu. Les meilleures oeuvres venues de tout le Japon sont présentées au public sur des drapeaux de trois mètres de haut et deux mètres de large. En 2007, 178 oeuvres nous ont été proposées et nous avons exposé les meilleures après sélection par un jury.

J'aimerais enfin vous parler de la Fête des bateaux nocturnes du solstice d'hiver ( koyomi no yobune ). La rivière Nagara, où se pratique la pêche au cormoran l'été, était assez triste l'hiver puisqu'elle ne bénéficiait d'aucune animation. Depuis deux ans, un jeune artiste dans la quarantaine, originaire de notre région, Monsieur Katsuhiko Hibino, organise une Fête des bateaux nocturnes le 22 décembre. Sur des bateaux traditionnels yakata - dotés d'un toit - sont dressés douze chiffres illuminés représentant les mois de l'année. Ce sont les citoyens qui fabriquent ces douze chiffres illuminés, qui sont en fait des sortes de grandes lanternes traditionnelles en papier japonais. Cette manifestation est désormais caractéristique de la période hivernale dans notre ville.

Le deuxième axe des actions que nous menons dans le domaine de la promotion des arts et de la culture concerne la participation citoyenne. La création culturelle ne peut naître que de l'investissement actif des citoyens et leur participation aux manifestations artistiques et culturelles. C'est pourquoi, chaque automne, nous organisons une Fête de la culture à laquelle chaque citoyen est invité à participer.

Cette Fête de la culture se décline en trois manifestations :

· une exposition de beaux-arts ;

· un festival de littérature ;

· un festival des arts de la scène.

L'exposition de beaux-arts présente des oeuvres de domaines aussi divers que la peinture japonaise et occidentale, la sculpture, l'artisanat, la calligraphie, la photographie et le dessin. Chaque année, environ 1 000 oeuvres nous sont proposées.

Le festival de littérature présente les oeuvres réalisées par les citoyens dans tous les domaines littéraires. 7 500 oeuvres nous sont proposées chaque année par les citoyens.

Le festival des arts de la scène est vieux de vingt ans et présente cinq genres de spectacles différents :

· la musique traditionnelle japonaise ;

· la musique occidentale ;

· la danse japonaise ;

· la danse occidentale ;

· le théâtre.

Les meilleurs spectacles sont primés.

Concernant enfin le dernier axe de nos actions en faveur de la culture, qui consiste à offrir des équipements culturels et des événements culturels de qualité, je voudrais mentionner tout d'abord notre salle de conférences internationales. On peut y organiser des conférences, des concerts, des réunions, des représentations théâtrales, des défilés de mode, dans un espace qui est modulable en fonction de l'événement. Cette salle est en outre équipée de cabines d'interprétation simultanée en quatre langues. Elle offre une programmation autonome, qui inclut notamment des opéras ou des kabuki . Nous disposons également d'un centre culturel. Normalement, il faut se rendre à Tokyo pour assister à des représentations de kabuki mais, grâce à ces équipements, nos citoyens peuvent bénéficier à Gifu même de vraies représentations de qualité. L'an dernier, nous avons eu par exemple le plaisir d'assister à une représentation de la Dame aux camélias par des artistes du théâtre national de Vienne.

Sur la photo qui apparaît maintenant à l'écran, vous pouvez voir le Musée d'histoire où sont exposés des oeuvres de peintres locaux et différents objets d'histoire et de culture locale.

Le petit bâtiment que vous voyez ensuite a été créé par des industriels locaux pour exposer les oeuvres des frères Eizô et Tôichi Katô, deux peintres locaux. Ce musée est maintenant directement géré par la ville.

LES EFFETS BÉNÉFIQUES DE LA PROMOTION CULTURELLE ET ARTISTIQUE

Dans un contexte de décentralisation croissante, on assiste à une compétition entre collectivités locales, chacune cherchant à développer son originalité afin d'assurer sa survie et créer un environnement épanouissant pour les citoyens.

Il y a six ans, en 2002, Gifu a organisé la première Conférence nationale des villes « Slow Life ». 18 villes adhèrent aujourd'hui à cette Conférence.

Notre ville est leader dans ce domaine de la création de villes régies par le concept de « Slow Life ».

En ce qui concerne les enjeux de la promotion culturelle à Gifu, je dirais qu'ils tournent autour de l'investissement citoyen dans la culture. Comment faire pour faciliter la création culturelle autonome et active par les citoyens eux-mêmes ? La ville de Gifu ne ménage pas ses efforts pour jouer un rôle de catalyseur dans ce domaine.

Comme l'a dit le professeur Kobayashi, le Japon doit faire face à des restrictions budgétaires au niveau national. Pourtant, à Gifu, nous avons alloué un budget de 10 millions d'euros à la culture, soit 1,2 % de notre budget général. Vos divers exposés ont montré que ce niveau de dépenses était encore insuffisant.

Je vous remercie de votre attention.

M. Bruno LEPRAT

Arigatô , M. Hosoe. En France, on parle beaucoup d'évaluation des politiques publiques aujourd'hui. Des objectifs chiffrés, avec des indicateurs de pratique culturelle pour les concitoyens par exemple, ont-ils été définis pour votre ville ?

M. Shigemitsu HOSOE

Oui. En fait, au Japon aussi on parle beaucoup d'évaluation des politiques publiques, fondée sur des critères solides, pas seulement des idées mais également des objectifs chiffrés. J'ai moi-même présenté des objectifs quantitatifs à atteindre lors de ma deuxième élection.

Mais, dans le domaine culturel, nous n'avons pas encore adopté d'approche quantitative. Je pense qu'il sera important pour nous aussi de définir des objectifs chiffrés dans ce domaine également.

M. Bruno LEPRAT

Je vous propose de voyager à présent vers une ville de montagne, Utsunomiya. Il s'agit également d'une grande ville puisqu'elle compte 500 000 habitants. On y parle de jazz, de cocktails et de raviolis. Vous allez comprendre en entendant son représentant, M. Eiichi Satô.

D. LA CONTRIBUTION DE L'ACTION CULTURELLE
EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT LOCAL AU JAPON :
TOURISME, EMPLOI, QUALITÉ DE VIE, PRÉSERVATION DU PATRIMOINE...

M. Eiichi SATO, maire d'Utsunomiya

Bonjour, je suis Eiichi Satô, maire d'Utsunomiya. Je vous remercie sincèrement de me donner ainsi l'occasion de m'exprimer dans un cadre aussi prestigieux. Le thème de mon intervention portera sur l'apport de l'action culturelle dans le développement territorial, à partir d'exemples concrets. Du fait du peu de temps qui m'est imparti, je vous présenterai d'abord sommairement notre ville, avant d'introduire notre politique culturelle par quelques actions concrètes, puis de terminer en dressant quelques perspectives pour l'avenir.

PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA VILLE D'UTSUNOMIYA

La ville d'Utsunomiya s'est développée en deux temps, au milieu du IV e siècle d'abord, autour du sanctuaire de Futaarayama, puis à la fin du XI e siècle, autour du château féodal. En 2006, nous avons célébré le 110 e anniversaire de son accession au statut administratif de grande commune. A cette occasion, la ville a fusionné avec deux communes voisines, ce qui fait d'Utsunomiya la première ville de plus de 500 000 habitants dans le nord du Kantô. Situés à environ 100 kilomètres au nord de Tôkyô, nous sommes également très bien desservis par les transports, à une heure de train de la capitale. Notre position centrale dans le département nous place à proximité de nombreuses richesses touristiques, dont les temples et sanctuaires de Nikkô, comme le Tôshôgû, qui sont inscrits au patrimoine de l'humanité. Depuis la fin du XVII e siècle, Utsunomiya a toujours accueilli un grand nombre de visiteurs.

En ce qui concerne les activités économiques, qu'elles soient agricoles, commerciales ou industrielles, tous les indicateurs font d'Utsunomiya une ville de haut développement économique, équilibrée dans ses activités : son dynamisme dépasse largement ce qu'on pourrait attendre d'une ville de sa taille. La zone industrielle de Kiyohara est ainsi, par exemple, la plus vaste zone industrielle non côtière du Japon.

Mais notre ville bénéficie aussi de ressources naturelles et culturelles abondantes. J'aimerais tout d'abord mentionner, dans l'ouest de la ville, le site touristique d'Ôya, dont le parc boisé a accueilli en 1990 le premier championnat du monde de cyclisme organisé en Asie, et qui accueille chaque année la Japan Cup, qui voit s'affronter les meilleurs coureurs cyclistes du monde.

Au centre de la ville, on trouve également le sanctuaire Futaarayama et le parc du château d'Utsunomiya. Au nord, il est possible d'admirer, au musée municipal, des peintures à l'huile de Chagall ou des oeuvres de Georges Ferdinand Bigot.

Nous avons encore de nombreuses autres ressources historiques et culturelles à offrir, dans les domaines des arts et de l'artisanat, de la gastronomie ou de la musique. A ce propos, un de nos concitoyens, le peintre Saotome Yukio, est actuellement installé en France.

LA POLITIQUE CULTURELLE D'UTSUNOMIYA

Notre objectif principal est de faire d'Utsunomiya une ville dynamique, où chacun puisse s'épanouir. Dans ce but, notre action culturelle s'articule autour de trois dimensions :

· créer une ville du sourire où chacun puisse vivre heureux et optimiste ;

· créer une ville attirante par son caractère et son identité ;

· créer une ville durable constamment réinventée par ses citoyens.

Dans un contexte de chute de la démographie et de concurrence entre les villes, nous avons besoin pour atteindre ces objectifs de mener une politique de la ville originale, attractive et dynamique, qui sache tirer parti de nos ressources humaines et culturelles. La culture locale suscite chez nos concitoyens un sentiment d'appartenance, qui constitue une énergie latente dont il est possible de tirer un grand parti. C'est la raison pour laquelle notre politique culturelle cherche à exploiter autant que faire se peut l'histoire et la singularité d'Utsunomiya.

J'aimerais vous présenter cinq réalisations concrètes qui ont permis, et permettent toujours, non seulement d'augmenter la visibilité de notre ville, mais aussi de la dynamiser grâce à une participation active de la population.

- Le festival Furusato Miyamatsuri, fête de la ville

Il y a un peu plus de trente ans, il n'existait pas de « fête de la ville » à Utsunomiya à laquelle toute la population puisse participer. Considérant qu'une telle manifestation faisait cruellement défaut, la première édition du festival Furusato Miyamatsuri fut organisée en 1976, à l'initiative de jeunes entrepreneurs de la ville. Cette fête se tient chaque année au cours du premier week-end du mois d'août. On peut y voir des parades, des fanfares et autres processions le long de l'artère principale d'Utsunomiya, avec en point de mire le sanctuaire Futaarayama, berceau de la ville.

A ce jour, trente-deux éditions ont donc déjà été organisées. Avec environ 550 000 participants réunis sur deux jours, c'est la fête la plus importante des trois départements du nord du Kantô.

Cette fête est désormais très connue et constitue un temps fort de la période estivale. Un grand nombre de visiteurs viennent de l'extérieur du département pour y participer. Mais elle permet aussi de renforcer l'attachement des citoyens à leur ville. J'espère qu'elle continuera à être organisée pendant des centaines d'années, comme la Fête de Jeanne d'Arc à Orléans, ville avec laquelle nous sommes jumelés.

- La rénovation du château d'Utsunomiya

Mon deuxième exemple de réalisation concrète en matière de politique culturelle concerne la reconstitution et la mise en valeur d'une partie de l'ancien château d'Utsunomiya.

Le château fut construit en 940 sur ordre de Fujiwara Sôen, fondateur de la ville, et a connu une grande prospérité à l'époque d'Edo (1603-1867), au point que la ville fut surnommée la « petite Edo » (du nom de la capitale de l'époque). En 1868, cependant, au moment de la guerre de Boshin, qui marque le début de la période de modernisation du pays, la majeure partie du château fut détruite dans un incendie, coupant la ville de tout un pan de son histoire. C'est la raison pour laquelle nous avons entrepris la restauration du site du château d'Utsunomiya, afin de retrouver un socle historique et, ce faisant, non seulement dynamiser le centre de la ville, mais également offrir une zone de refuge pour les habitants en cas de catastrophe naturelle (notamment en cas de tremblement de terre). C'est ainsi que le parc reconstitué du château d'Utsunomiya est redevenu, en mars 2007, un symbole de la ville et constitue désormais une attache émotionnelle pour tous nos citoyens.

Pour la restauration du château, nous avons utilisé des techniques traditionnelles de menuiserie. S'agissant de la tour du donjon, nous avons par exemple imbriqué de multiples poutres sans utiliser un seul clou ; nous avons également réalisé un crépissage en appliquant de la terre et de la paille pendant de longues heures, ce qui permet d'obtenir une isolation thermique et une régulation de l'humidité optimales.

Le jour de l'inauguration, le 25 mars 2007, des démonstrations d'arquebuse ainsi qu'une parade en costumes d'époque ont été organisées. Depuis l'ouverture de ce lieu de détente et de verdure, de nombreuses manifestations y sont organisées, offrant aux citoyens la possibilité de renouer avec l'histoire de leur ville tout en créant une animation dynamisante pour le centre-ville.

- Une ressource pour dynamiser la ville : les raviolis gyôza

Les gyôza sont un plat chinois, mais ils ont été largement diffusés au Japon après le retour des soldats japonais qui avaient occupé la Chine.

Utsunomiya compte de nombreux restaurants de gyôza . Cette cuisine, abordable et appréciée de tous, ne se consomme d'ailleurs pas uniquement dans les restaurants, mais fait également partie de la cuisine familiale.

Une étude menée en 1990 par la municipalité a montré que les habitants d'Utsunomiya sont les premiers consommateurs de gyôza au Japon, en termes de dépenses par foyer. Tout comme on ne peut pas parler du vin sans penser à la France, on ne peut plus parler de gyôza au Japon sans penser à Utsunomiya. Une « association des gyôza d'Utsunomiya », qui regroupe 80 restaurants et possède même une antenne à Tôkyô, a été créée. Chaque année, au mois de novembre, est organisé le Festival des gyôza .

Au total, ce ne sont pas moins de sept millions de visiteurs qui viennent goûter les gyôza d'Utsunomiya tout au long de l'année, et ce nombre est en augmentation. On peut donc dire que la promotion du gyôza a permis de développer le tourisme, l'activité du centre-ville et, en même temps, de faire connaître Utsunomiya dans tout le pays. C'est une vraie réussite.

- La promotion touristique du site d'Ôya

Ôya est une carrière située à l'ouest de la ville, où l'on extrait la pierre dite d'Ôya. Cette pierre est très appréciée en tant que matériau de construction, du fait de sa souplesse et de sa facilité d'emploi. L'architecte américain Frank Lloyd Wright l'a d'ailleurs choisie pour bâtir l'Hôtel impérial de Tokyo. Lors du grand tremblement de terre de 1923, l'hôtel a subi peu de dégâts et la pierre d'Ôya est devenue célèbre dans tout le pays pour ses qualités antisismiques et anti-inflammables.

Mais la carrière d'Ôya constitue aussi une ressource touristique de premier plan. Les rochers aux formes étranges du parc d'Ôya offrent un paysage unique, classé au niveau national. La participation active de citoyens, qui entretiennent les rochers en y retirant par exemple les mauvaises herbes, augmente encore leur attrait.

L'ancienne carrière souterraine d'Ôya offre un décor onirique très recherché pour le tournage de films, l'organisation de concerts ou d'expositions. C'est également un endroit apprécié pour les cérémonies de mariage. Il existe une Commission du film d'Utsunomiya qui se charge de la promotion du site.

Chaque année, au mois d'octobre, une manifestation baptisée « Festa in Ôya » est organisée par les citoyens dans le but de faire connaître le site. D'autre part, des industriels et des universitaires travaillent ensemble à développer des produits utilisant les effets bienfaisants de la pierre d'Ôya.

Utsunomiya compte plusieurs bâtiments historiques construits avec cette pierre. Les actions de préservation et de mise en valeur de ce patrimoine, à l'initiative des citoyens, se multiplient.

- La campagne « mottainai »

Le terme mottainai , qui signifie qu'il faut savoir prendre soin des choses, désigne une valeur ancienne au Japon, qui fut particulièrement prégnante à l'époque d'Edo (1603-1867), où prévalait le souci d'économiser et d'éviter tout gaspillage. La société de cette époque était en effet très tournée vers le recyclage. Or, nous avons estimé que cette valeur traditionnelle devait être remise au goût du jour.

J'ai personnellement pris conscience de cette nécessité en 1996 alors que, membre du groupe international de la Chambre des jeunes entrepreneurs, je me suis rendu dans différents endroits du monde pour présenter ce concept japonais. A Utsunomiya, il consiste à « prendre soin des gens et des choses », par le biais notamment de la protection de l'environnement (« Réduire/Recycler/Réutiliser ») et de la « campagne de l'hospitalité », qui vise à accueillir de la meilleure façon nos visiteurs.

Dans le domaine de l'environnement, Utsunomiya a innové en organisant en août 2007 la première Conférence nationale « mottainai », qui a rassemblé environ 2 300 participants. A cette occasion, Charmine Kôda, directrice du Centre d'information des Nations Unies pour le Japon, a prononcé une allocution, suivie par un débat sur les thèmes de l'environnement et de la paix. De nombreux enfants étaient également présents pour participer à la manifestation, qui a eu beaucoup de succès. Cette année, nous envisageons d'organiser la deuxième Conférence nationale « mottainai » au mois de juin, avec des personnalités japonaises et étrangères représentatives de l'esprit du mottainai .

Au début de 2008, la revue Nikkei Glocal a rendu public les résultats d'une enquête sur le développement durable menée dans 460 villes japonaises. Cette enquête évaluait les villes dans les domaines de la préservation de l'environnement, de la stabilité sociale et du développement économique. Utsunomiya a obtenu la première place dans la catégorie des villes de plus de 500 000 habitants.

En ce qui concerne l'hospitalité, la Chambre de commerce et d'industrie d'Utsunomiya a lancé, en collaboration avec des entreprises locales, une « campagne de l'hospitalité » qui se traduit par la publication d'ouvrages, l'organisation de conférences et d'événements à destination des enfants, dans le but de faire d'Utsunomiya « la ville numéro 1 du Japon pour l'hospitalité ».

Cela fait maintenant trois ans que notre ville s'investit activement dans la promotion du concept de mottainai , et on en sent déjà les effets dans la population. Nous souhaitons être la figure de proue de ce mouvement à l'échelle du Japon, pour contribuer in fine au respect de l'autre et à la paix dans le monde.

ENJEUX ET PERSPECTIVES

Après la présentation de ces exemples concrets, j'aimerais maintenant me tourner vers le futur et insister sur trois nécessités auxquelles notre politique culturelle doit répondre pour continuer à assurer le développement local à l'avenir.

· Redécouvrir, valoriser et faire connaître auprès du grand public les spécificités et les ressources locales, prendre conscience de ces spécificités pour mieux les faire valoir à l'extérieur ;

· Découvrir, former et valoriser des ressources humaines capables de s'investir pleinement dans le domaine culturel ;

· Créer un mécanisme de participation citoyenne et fournir de l'information et des occasions de s'impliquer.

Dans le monde moderne, où coexistent de nombreux points de vue, la clé du développement local réside dans la valorisation de la culture, de l'histoire et des traditions propres à notre terroir, mais aussi dans le partage de valeurs traditionnelles fondées sur la politesse, le respect, la bonté et la morale. Il faut transmettre ce patrimoine et ces valeurs afin que les citoyens se sentent ancrés dans le territoire et qu'ils puissent offrir au visiteur étonnement, plaisir et sécurité.

C'est dans ce cadre que les citoyens, originaires d'Utsunomiya ou d'ailleurs, doivent se rassembler, coopérer et « transpirer ensemble » pour créer les conditions de notre prospérité future.

En tout état de cause, je conçois la culture comme un élément essentiel du développement local, et Utsunomiya comme une ville dont le développement, pour être durable, doit être fondé sur la vitalité, le caractère et une certaine séduction.

Je vous remercie de votre attention.

M. Bruno LEPRAT

M. Hosoe, pouvez-vous nous parler plus précisément du programme Slow Life ?

M. Shigemitsu HOSOE

Le mouvement Slow Life prend son origine dans le courant Slow Food, qui a démarré en Italie, mais ne concerne plus seulement l'alimentation, mais également le mode de vie : il s'agit de retrouver un rythme de vie plus humain.

L'évolution de la civilisation nous pousse vers la rapidité et l'efficacité, ce qui contrarie notre rythme naturel. Les déplacements à pied ont ainsi été remplacés par le recours aux voitures ou aux avions. Dans l'optique du Slow Life, l'homme doit retrouver son axe temporel naturel. S'agissant du tourisme, par exemple, on parle de « Slow Tourism », un tourisme à visage humain plus axé sur le séjour que sur le simple passage.

Dans ce type de tourisme, il ne s'agit pas de visiter en coup de vent l'ensemble des sites célèbres, mais de rester un peu plus longtemps sur tel ou tel site, d'y séjourner, pour s'imprégner de son atmosphère et se faire une idée de la vie des gens qui y habitent. Concernant la production manufacturière, il s'agit d'utiliser ses propres mains, et non les machines, pour fabriquer et réaliser des oeuvres personnelles. En matière d'alimentation, il s'agit de cuisiner soi-même à partir d'ingrédients, des légumes par exemple, que l'on a produits soi-même. Cette dernière thématique est particulièrement importante à une époque où la sécurité alimentaire constitue une préoccupation majeure.

Mais la démarche vise, d'une manière générale, à limiter les répercussions humaines sur l'environnement. La notion de Slow Life est donc très large.

M. Bruno LEPRAT

M. Sato, la culture a-t-elle favorisé la fusion des communes dans le cas d'Utsunomiya ?

M. Eiichi SATO

Utsunomiya a fusionné avec deux communes voisines en 2007. Si, du point de vue administratif, nous sommes devenus une entité unique, la fusion ne peut se faire sans que les citoyens développent un sentiment d'appartenance commun.

Il y a plusieurs façons de développer ce sentiment d'appartenance, dont la culture, qui offre les résultats les plus concrets et les plus immédiats. Il est particulièrement important que les spécificités de chaque ancienne commune soient bien comprises par tous et qu'elles soient partagées par le nouvel ensemble.

C'est de cette façon que se crée le sentiment d'appartenance, autour de valeurs communes. De ce point de vue, la contribution de la culture est particulièrement importante.

E. LA COOPÉRATION DÉCENTRALISÉE ENTRE LA FRANCE ET LE JAPON
DANS LE DOMAINE CULTUREL

M. Jean-Jacques DERRIEN, directeur des relations internationales de la ville de Nantes

M. Bruno LEPRAT

Quelques dizaines de villes ont mené des opérations, plus ou moins ponctuelles ou protocolaires, avec des collectivités locales japonaises, dans le domaine culturel. Nantes en fait partie. M. Jean-Jacques Derrien, fonctionnaire territorial de cette collectivité nous décrira le fonctionnement de cette coopération dite décentralisée avec la commune japonaise de Niigata.

M. Jean-Jacques DERRIEN

De nombreux thèmes de collaboration entre Français et Japonais restent encore à développer en faveur d'un développement respectueux des équilibres actuellement menacés. La coopération décentralisée, c'est-à-dire les relations partenariales entre une collectivité locale française et étrangère, en l'occurrence japonaise, est une liberté acquise depuis un certain nombre d'années, notamment en France. Cependant, cette coopération s'articule toujours avec l'Etat, dans le cadre des relations nouées entre les deux pays. Cette dimension est particulièrement vraie s'agissant des relations franco-japonaises. Pour différentes raisons (éloignement géographique, coût, etc.), nous sommes un nombre de collectivités relativement limité à pouvoir entretenir des relations durables avec une collectivité japonaise. Repose donc sur nous une responsabilité renforcée pour favoriser le dialogue interculturel franco-japonais. C'est pourquoi nous sommes régulièrement en contact avec la délégation pour l'action extérieure des collectivités locales, représentée ici par M. Antoine Joly, et avec l'Ambassade du Japon. Monsieur l'Ambassadeur nous a d'ailleurs récemment honorés de sa présence à Nantes. Le CLAIR est enfin un de nos partenaires les plus anciens.

Les interventions précédentes ont montré que le développement culturel à l'international est largement lié à une progression de la décentralisation et à un repositionnement de l'Etat central. Ce phénomène se vérifie au Japon et en France, mais également dans de nombreux pays. Développement local et développement culturel sont intimement liés, l'un permettant d'amplifier l'autre. La culture est en effet un des principaux vecteurs d'ouverture à l'international des collectivités territoriales. Cette ouverture se réalise par le biais des coopérations décentralisées, mais pas seulement.

A titre personnel, je suis plus particulièrement ces coopérations mais j'essaierai également de montrer brièvement que notre relation avec le Japon va bien au-delà de notre partenariat avec Niigata.

Dans la présentation du début d'après-midi, j'ai été frappé que la représentante de l'Université du Japon débute son évocation des différents secteurs du domaine culturel par la culture traditionnelle. Nous le faisons rarement en France. C'est pourtant un élément très important. Les cultures traditionnelles ont ainsi été l'un des premiers supports des liens entre Nantes et Niigata, avant même que l'acte officiel de partenariat soit signé en 1999. Nous avons en effet organisé plusieurs rendez-vous, entre 1996 et 1998 principalement : Niigata Nantes Expo, Nantes Fair, événements pour lesquels le service culturel de l'Ambassade du Japon était présent. La culture consistait alors avant tout en la présentation de ces arts traditionnels, afin de parvenir à une meilleure connaissance de la signification, si complexe pour nous, de cette dimension japonaise. Parallèlement, grâce notamment à l'association Atlantique Japon, qui regroupait de nombreux couples mixtes, en raison notamment de l'implantation d'entreprises telles que Toyota, nous avons favorisé une meilleure connaissance humaine franco-japonaise. Ces initiatives se sont développées et ont abouti à la signature d'un accord de partenariat le 4 juin 1999.

Quelles sont les principales thématiques culturelles développées au sein de cette coopération décentralisée entre Nantes et Niigata ?

Les arts traditionnels ont, je l'ai déjà évoqué, constitué un premier volet. Ils précédaient la signature du partenariat.

Le jazz constitue notre deuxième thématique. Nantes tient en effet régulièrement au mois de septembre les Rendez-vous de l'Erdre, du nom de notre rivière. C'est un grand festival de jazz, qui reste très grand public puisqu'il est gratuit et regroupe plus de 100 000 personnes en trois jours. A plusieurs reprises, nous avons accueilli des représentants de Niigata, et notamment, en 2007, le groupe de jazz Accomplice. L'association Atlantique Japon tenait par ailleurs un stand, et Monsieur l'Ambassadeur du Japon nous a honorés de sa présence. De même, à Niigata, se tient régulièrement un festival de jazz au mois d'août.

Les relations entre les Musées des Beaux-arts sont la troisième thématique retenue. L'exemple que je développerai montrera le lien possible entre plusieurs thématiques. Nous avons ainsi organisé une opération de grande envergure en 2002, consistant en un prêt de 80 oeuvres du Musée des Beaux-arts de Nantes à son homologue de Niigata. Cet événement a été réalisé à l'occasion de la Coupe du Monde de football de 2002. Niigata accueillait en effet plusieurs matchs, tout comme Nantes en avait accueilli en 1998, et souhaitait amplifier cet événement par un événement culturel de grande tenue.

Nous avons complété cette action par une présentation scénographique originale de la ville de Nantes, sur un espace d'une centaine de mètres carrés. Cette présentation insistait en effet sur la dimension surréaliste, au sens littéraire du terme, de notre ville.

La musique classique est la quatrième grande thématique choisie. Comment, en effet, ne pas évoquer la Folle Journée qui a commencé hier et se poursuivra jusqu'à dimanche soir, à laquelle participent environ 150 000 spectateurs ? Cet événement s'exporte à travers le monde, et notamment au Japon, dans la ville de Tokyo. En avril prochain se tiendra ainsi la troisième édition de la Folle Journée de Tokyo. Nous avons cependant eu le souci d'impliquer également Niigata. Ce fut difficile dans un premier temps, du fait des contraintes financières. Nous y sommes presque parvenus cette année. L'orchestre national des Pays de la Loire, basé à Nantes, se rendra ainsi à Niigata au même moment que cette Folle Journée, dans le cadre d'une programmation parallèle. Nous espérons parvenir à terme à une programmation intégrée.

L'art contemporain, à travers les arts plastiques, constitue la cinquième thématique retenue. J'illustrerai mon propos par un exemple témoignant, là encore, des passerelles entre les différentes thématiques, en évoquant la Biennale d'art contemporain Estuaire 2007, dont la première édition s'est tenue de Nantes à Saint-Nazaire, c'est-à-dire tout au long de l'estuaire de la Loire. Deux oeuvres ont été créées par des artistes japonais. J'insisterai surtout sur l'une d'entre elles pour évoquer une opération parallèle qui a pu se greffer sur cet événement. Il s'agit de la participation de jeunes Japonaises de Niigata, âgées de 13-14 ans, et de jeunes Nantais à un séjour de trois semaines de vacances. C'est l'Agence de développement socioculturel de Nantes qui a organisé ce séjour de vacances sur le site de création de l'oeuvre, situé au milieu de l'estuaire de la Loire. Ce séjour comprenait un travail autour de l'oeuvre en présence de l'artiste. C'est une initiative qui a permis de créer un lien humain entre jeunes à travers un événement culturel majeur.

J'évoquerai, pour terminer, une initiative déjà présentée par le Directeur du CLAIR, les programmes JET et d'échanges de jeunes Français qui se rendent dans de grandes villes japonaises. Grâce à la volonté de Niigata, trois de nos jeunes se sont succédé pour travailler au sein de la Direction internationale de Niigata afin de favoriser les relations entre nos deux villes, notamment en matière culturelle.

Je terminerai par deux éléments d'actualité qui prolongent mon propos et permettent de le mettre en perspective.

C'est d'abord la création en 2007, à l'occasion d'une rencontre qui a eu lieu en juillet, d'un réseau de dialogue culturel des villes franco-japonaises qui ont signé l'Accord de Nantes.

Parmi les villes japonaises présentes, nous comptons Kanazawa, Osaka, Yokohama et Niigata et, parmi les villes françaises, Tours, Lille, Lyon, Reims, Amiens et Nantes.

L'objectif consiste à s'appuyer sur les valeurs et les attraits du développement culturel afin de favoriser le dialogue culturel entre grandes villes françaises et japonaises, et déboucher non seulement sur des réflexions partagées sur cette thématique, mais également sur l'organisation d'événements pendant trois années, à partir de 2008, année du 150 e anniversaire des relations diplomatiques franco-japonaises. Le lien est fort entre la coopération décentralisée bilatérale et les mises en réseaux et les interactions avec d'autres démarches. Ces initiatives trouveront un écho lors des prochaines rencontres franco-japonaises de coopération décentralisée, prévues à Nancy à la fin du mois d'octobre.

Par ailleurs, Niigata fait partie des villes désignées par décret, ce qui a contribué à faire passer sa population de 400 000 à 800 000 habitants et lui a permis de bénéficier de dotations financières plus conséquentes et d'un statut plus important de reconnaissance au sein du Japon. Cet événement a permis d'accélérer le développement des relations entre Nantes et Niigata, qui débouchera en 2008 sur la signature d'un nouveau document de type jumelage entre nos deux villes. Je rappellerai à cet égard que la ville de Niigata avait consacré, au sein des 40 mesures du manifeste rédigé lorsqu'elle a rejoint les villes désignées par décret, son septième point au rôle de la culture dans l'ouverture internationale et dans la vie quotidienne de ses concitoyens.

J'espère avoir présenté les principaux axes de notre coopération décentralisée. Si cette coopération est bilatérale, elle se veut ouverte sur les autres formes de relations franco-japonaises.

M. Bruno LEPRAT

Je vous remercie. Quelles sont les autres villes, du Japon ou d'autres pays, avec lesquelles la collectivité nantaise entretient des liens de coopération bilatérale ?

M. Jean-Jacques DERRIEN

Nous n'avons pas établi de partenariat avec d'autres villes japonaises, la règle générale voulant qu'il n'y ait qu'une seule ville par pays en partenariat. Nous ne dérogeons à cette règle que pour les Etats-unis, mais ce sont, si j'ose dire, presque deux pays, puisque nous sommes en partenariat avec une ville de l'Etat de Floride et une de l'Etat de Washington.

Nous avons noué environ 18 relations partenariales qui vont des relations les plus traditionnelles de jumelage, notamment avec des villes européennes, à des coopérations avec le Sud ou en direction des pays émergents (même si l'expression est parfois impropre pour désigner, en l'espèce, la Chine, le Brésil et l'Afrique du Sud). Nous avons également établi des partenariats axés sur certaines thématiques très spécifiques liées à des contextes particuliers. Cela a été par exemple le cas de la Palestine. La thématique des droits de l'homme nous tient particulièrement à coeur, tant du fait du célèbre Edit signé dans notre ville qu'à travers notre histoire moins glorieuse des derniers siècles.

M. Bruno LEPRAT

Avant la conclusion de M. Antoine Joly, nous allons nous tourner une nouvelle fois vers le Japon, cette fois-ci vers le Grand Est. M. Sato, maire d'Utsunomiya, nous décrira les liens et les apports de la coopération nouée avec la ville d'Orléans.

M. Eiichi SATO

Je voudrais en effet vous parler du jumelage, du sens qu'il a pour nous et des perspectives qui s'offrent à nous dans ce domaine. Utsunomiya entretient, comme vous l'avez précisé, des relations d'amitié avec Orléans, que je souhaiterais bien entendu aborder également. Mon intervention vous présentera donc d'abord les villes avec lesquelles nous sommes jumelés, avant de porter sur les relations culturelles que nous entretenons avec Orléans et de nous tourner vers l'avenir.

La ville d'Utsunomiya est jumelée avec cinq villes du monde. Permettez-moi de vous les présenter succinctement dans l'ordre chronologique, c'est-à-dire du jumelage le plus ancien au jumelage le plus récent :

- Manukau, en Nouvelle-Zélande, qui est une ville en pleine expansion comme Utsunomiya.

Notre programme d'échange permet à des collégiens et lycéens de séjourner dans des familles d'accueil et de suivre des cours dans les structures scolaires respectives de nos deux villes.

- Qiqihar, en Chine, qui est une importante ville agricole, surtout connue pour ses célèbres grues (les oiseaux).

Dans ce cas, nous facilitons les échanges d'étudiants dans le cadre de formations linguistiques.

- Orléans, ville avec laquelle nous allons fêter en 2009 vingt ans de jumelage.

Nos relations avec Orléans remontent à 1989 lorsqu'une délégation d'acteurs économiques orléanais est venue à Utsunomiya pour étudier notre projet de technopole.

- Tulsa, aux États-Unis, qui est une belle ville verdoyante de l'Oklahoma, située à la même latitude qu'Utsunomiya.

Sur la base d'un jumelage antérieur de deux de nos lycées, les deux villes ont décidé de se jumeler. Depuis, nous organisons notamment des échanges de collégiens et un concours de photos.

- Pietrasanta, en Italie, qui est une ville de Toscane productrice de marbre.

Nos liens tournent ici autour de la pierre, entre la pierre d'Ôya et le marbre de Pietrasanta. D'ailleurs, du marbre a été utilisé pour les trottoirs d'une grande avenue d'Utsunomiya.

En ce qui concerne plus spécifiquement Orléans, on peut dire qu'elle présente de nombreux points communs avec Utsunomiya. Elle possède, comme Utsunomiya, une importante zone industrielle non côtière, et présente un bon équilibre dans la répartition des activités commerciales, industrielles et agricoles. L'accord de jumelage entre nos deux villes a été conclu en 1989.

Nous envisageons le jumelage comme une véritable fenêtre ouverte sur le monde. Au fil des années, cette relation privilégiée nous donne l'occasion d'échanger avec des gens du monde entier et permet de sensibiliser les citoyens à l'international, ce qui a, en outre, pour effet de contribuer à l'amitié entre les peuples.

Pour ce qui est de nos actions concrètes, dans les domaines culturels et sportifs, avec Orléans, j'aimerais vous parler tout d'abord de ce que nous faisons dans le domaine de la musique en vous présentant quelques exemples. Ainsi, le choeur d'un lycée de jeunes filles d'Utsunomiya qui a remporté des prix dans des concours européens a visité Orléans et s'y est produit à l'occasion de la Fête de Jeanne d' Arc. Cette fête a aussi été l'occasion pour un orchestre de cuivres d'un autre lycée du nord de notre ville de se rendre à Orléans pour interpréter des airs traditionnels japonais sur la Grand-place, ce qui a donné lieu à des articles élogieux dans la presse régionale.

D'autre part, le Choeur de femmes Takinohara a également donné des concerts, en compagnie d'autres choeurs d'Orléans même et de Roumanie, dans l'église Saint-Marceau.

Dans le domaine du sport ensuite, un club de kendô de l'Union sportive orléanaise (USO) s'est rendu à Utsunomiya pour participer à une rencontre amicale avec l'association de kendô de notre ville. À cette occasion, les membres de l'équipe orléanaise ont pu visiter Nikkô, qui abrite des temples classés au patrimoine mondial de l'UNESCO, et ont ainsi pu découvrir certains aspects traditionnels de la culture japonaise.

D'autre part, j'aimerais également mentionner qu'un bas-relief représentant le château d'Utsunomiya, qui constitue le symbole de notre ville, a été installé à Orléans sur une nouvelle place inaugurée au printemps dernier. C'est pour nous un geste d'amitié particulièrement touchant.

En ce qui concerne les échanges entre citoyens, je pense d'abord au stagiaire envoyé par la ville d'Orléans à Utsunomiya, qui donne des cours de français très appréciés par les participants. Mais des échanges de plus grande envergure entre habitants sont aussi organisés de temps en temps : jusqu'à présent, six échanges ont eu lieu dans les deux sens, impliquant au total 394 personnes.

En ce qui concerne les jeunes, ces échanges sont très réguliers puisqu'ils ont lieu tous les ans : l'Université d'Orléans et l'Université d'Utsunomiya ont conclu un accord d'échange, et dans ce cadre, des échanges d'étudiants sont organisés dans les deux sens chaque année.

La culture est vraiment le meilleur moyen d'impliquer les citoyens dans un dialogue qui favorise la compréhension mutuelle. À travers les échanges culturels, les citoyens apprennent à se connaître, à comprendre leur histoire et leurs traditions respectives, ce qui les sensibilise non seulement à la richesse des autres cultures mais également à l'importance de connaître et préserver leur propre culture.

En outre, à une époque où Utsunomiya accueille un nombre croissant de ressortissants étrangers, les relations de jumelage facilitent la prise de conscience par les citoyens que, par-delà les différences de langues et de coutumes, ils appartiennent tous à une même communauté.

Pour terminer, j'aimerais me tourner vers l'avenir pour vous dire que, si le jumelage est une fenêtre ouverte sur le monde, alors il nous faut l'ouvrir encore plus largement afin de pérenniser les échanges et les relations d'amitié entre nos citoyens. J'espère que nos citoyens seront toujours plus nombreux à porter leur regard vers le reste du monde, tout en étant fiers de leur ville et en contribuant activement à la diffusion de sa culture.

Je vous remercie de votre attention.

Intervention dans la salle :

Je suis très favorable aux relations franco-japonaises, mais je déplore, lorsque je me rends au Japon, le faible nombre d'indications en lettres romanes.

Si l'on ne peut, bien sûr, pas mettre les indications en kanji en France, je crois que des indications en lettres romanes favoriseraient le tourisme au Japon.

M. Bruno LEPRAT

J'adresserai votre question à M. Sato. Lorsqu'il m'a donné sa carte de visite en papier recyclé, une des faces était écrite en braille. Pourriez-vous, dans le même ordre d'idée, traduire certaines indications pour aider les touristes ?

M. Eiichi SATO

Madame, je vous remercie pour votre remarque tout à fait d'actualité. Le gouvernement Koizumi a lancé une campagne de promotion touristique ( Visit Japan Campaign ) pour que davantage de touristes étrangers viennent au Japon découvrir toutes les beautés de notre pays.

Il est donc très important pour nous d'accueillir les visiteurs dans les meilleures conditions. C'est pourquoi, comme vous le faites remarquer, les panneaux d'orientation et de signalisation, par exemple, devraient présenter des informations écrites en alphabet latin, voire en chinois ou en coréen. Ce serait un signe d'hospitalité à l'égard des visiteurs.

Tout comme Gifu, Utsunomiya est une ville touristique, et c'est donc un thème majeur pour nous. Comme je vous l'ai dit, la pierre d'Ôya est une des ressources spécifiques d'Utsunomiya, et nous sommes en train d'en tirer parti en installant progressivement des indications touristiques, écrites notamment en alphabet latin, sur des panneaux en pierre d'Ôya.

M. Jean-Jacques DERRIEN

Je souhaiterais faire une remarque complémentaire par rapport à la question posée. Je pense que nous avons beaucoup à apprendre du souci qu'ont nos amis japonais de renseigner les visiteurs occidentaux un peu perdus. Certes, quelques difficultés de langage peuvent se poser, mais la démarche est très spontanée, ce qui n'est pas toujours le cas en France.

M. Bruno LEPRAT

La progression démographique de Niigata va-t-elle altérer la construction du partenariat entre les deux villes ? Une différence démographique commence en effet à poindre entre Nantes et Niigata.

La coopération intercommunale doit-elle, selon vous, se limiter aux communes d'égale importance économique ou démographique ?

M. Jean-Jacques DERRIEN

Je serais tenté de répondre par une pirouette qui renvoie à la relation évoquée entre une ville japonaise et son homologue chinoise. Nous avons nous-mêmes établi un partenariat avec Qingdao, dont la population est égale à celle des régions Bretagne et Pays de la Loire réunies. Cette situation ne nous pose pas de problème particulier.

D'une manière générale, la taille de la ville partenaire a plus ou moins d'importance selon le pays dans lequel elle se situe et le type de relations que vous voulez établir. La parité démographique n'est pas une règle absolue. S'agissant de Niigata et Nantes, la différence est d'ailleurs quasiment nulle. Niigata totalisait auparavant 400 000 habitants. Le passage à 800 000 habitants a notamment été permis par un agrandissement du territoire. L'agglomération nantaise dépasse quant à elle les 600 000 habitants. Il n'y a donc pas de différence majeure.

En revanche, cette augmentation permettra une reconnaissance globale encore plus forte des autorités japonaises, avec des moyens supplémentaires pour agir, qui serviront aussi le partenariat entre les deux villes.

M. Patrick GEROUDET, président des jumelages de Chartres

Nous sommes jumelés depuis 20 ans avec Sakurai, près de Nara. Notre objectif est d'entretenir des échanges culturels, mais également économiques. Nous avons, par exemple, exporté du blé, la Beauce étant réputée en ce domaine. Une farine portant le nom de Chartres est même désormais produite. Nous tenons régulièrement des stands vendant les produits de nos amis de Sakurai. Une démarche semblable est initiée à Sakurai.

Avez-vous établi, à Orléans ou Nantes, des échanges économiques avec les villes japonaises avec lesquelles vous êtes en partenariat ?

M. Jean-Jacques DERRIEN

Dans bon nombre de nos relations partenariales, nous avons le souci de développer des relations économiques. Cependant, les coopérations décentralisées ou les relations bilatérales doivent également être le fruit d'une analyse comparée des possibilités de chacune des deux villes et de leur volonté réciproque.

Dans notre relation avec Niigata, ce n'est pas l'axe premier qui a été retenu pour différentes raisons, sans doute parce que les tissus économiques des deux régions sont sensiblement différents. Niigata est en effet la capitale d'une riche et grande région agricole, bien que située en bord de mer et dotée d'un port important.

Nous avons davantage privilégié des contacts économiques plus institutionnels, en partageant nos réflexions, notamment entre le port autonome de Nantes et celui de Niigata, ou entre nos deux Chambres de commerce. Des journées France ou Japon ont en outre été organisées dans les deux villes et se sont appuyées sur cette relation franco-japonaise pour sensibiliser les entreprises de la région à cette dimension économique. Il n'y a eu cependant aucune concrétisation aussi probante que celle du blé de Chartres.

M. Eiichi SATO

Comme je vous l'ai dit, Utsunomiya est jumelé avec cinq villes. Je pense, comme Monsieur Derrien, que, dans une relation de jumelage, chaque ville peut apporter ses propres atouts. Par exemple, dans le cas du jumelage avec la ville néo-zélandaise de Manukau, l'aspect économique était important dès le départ, car la motivation du rapprochement résidait en grande partie dans cet aspect. Aujourd'hui, nous importons de Manukau du vin, des kiwis et des produits agro-alimentaires.

La caractéristique de ces échanges est qu'ils ne sont pas centrés sur l'administration mais sont le fait des citoyens eux-mêmes, de manière privée.

Dans nos cinq relations de jumelage, cette relation avec Manukau est de toute évidence la plus spécialisée. En tout état de cause, pour développer nos relations de jumelage, nous nous interrogeons sur les attentes de chacun de nos partenaires, sur ce qui nous est commun et sur les domaines dans lesquels nous pouvons établir une relation de longue durée. Dans le cas de Manukau, c'est donc l'économie qui répond à ces critères. C'est pourquoi nous envisageons de poursuivre nos relations avec cette ville de Nouvelle-Zélande en privilégiant l'aspect économique.

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