Actes du colloque Vive la Loi


La loi revisitée
ou les nouvelles frontières de la loi

Séance présidée par M. Jean-Paul DELEVOYE, Médiateur de la République

Introduction de la séance

M. Jean-Paul DELEVOYE, Président de séance, Médiateur de la République

Le thème de cette troisième partie du colloque, intitulée « la loi revisitée », m'inspire un certain nombre d'interrogations.

Je constate tout d'abord dans notre pays l'émergence d'une tendance au refus des contraintes imposées par la loi, qui sont jugées intolérables par rapport aux libertés individuelles - ce qui peut sembler contradictoire avec le désir de loi par ailleurs constaté. Un brillant avocat déclarait ainsi récemment que si la loi s'oppose au mariage des homosexuels, il est légitime de lui désobéir.

En outre, s'il est communément admis que la loi doit protéger le faible contre le fort, il semblerait que le législateur soit parfois instrumentalisé pour bâtir des normes qui sauvegardent les intérêts particuliers d'acteurs puissants, notamment du secteur industriel et commercial.

Je me demande par ailleurs si le recul de la morale collective ne s'accompagne pas d'une appétence nouvelle pour la loi comme règle de vie commune. Kant estime que la morale personnelle permet à chacun de se convoquer lui-même au tribunal de sa conscience. La demande de loi compenserait ainsi la vertu que les individus ne souhaitent plus assumer eux-mêmes. Cette problématique renvoie à la demande d'interdits et à la volonté de trouver toujours un coupable et une victime, qui se traduit par un désir de vengeance et/ou de réparation. Ainsi, dans une société qui revendique de plus en plus de liberté, la part de l'interdit est en croissance constante. C'est l'une des fonctions paradoxales attendues de la loi.

Dans le domaine de la science, je m'interroge en outre sur la recherche d'une illusoire sécurité législative, qui viendrait apaiser le climat d'incertitude que fait naître une science faisant sans cesse reculer les limites du possible. La loi devrait en effet protéger les citoyens de tout, car la fatalité ne serait plus acceptable dans nos sociétés post-modernes.

La loi me semble, enfin, fragilisée, d'une part, par l'incapacité de l'administration à l'appliquer, d'autre part, par son impuissance à régir tous les domaines de la vie. Alors qu'il est difficile, par exemple, de légiférer sur une pratique comme celle de l'euthanasie - fût-elle courante -, les citoyens y voient une incompétence du législateur, voire une hypocrisie des parlementaires, là où il ne faudrait voir que limite naturelle à la puissance d'intervention de la norme législative.

Je serai attentif aux débats qui entoureront ces questions.

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