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Mercredi 2 juillet 2003

- Présidence de M. Jacques Valade, président, et de M. Jacques Legendre, vice-président. -

Audiovisuel - Création d'une chaîne française d'information internationale - Audition de MM. Marc Tessier, président de France Télévisions, et Jean-Paul Cluzel, président-directeur général de Radio France Internationale

La commission a tout d'abord entendu MM. Marc Tessier, président de France Télévisions, et Jean-Paul Cluzel, président-directeur général de Radio France Internationale.

M. Jacques Valade, président, a rappelé que, dans le cadre du projet de création d'une chaîne internationale lancé par le Gouvernement, la commission des affaires culturelles avait décidé d'auditionner les opérateurs publics et privés ayant présenté un projet, mais aussi les différents acteurs susceptibles d'apporter un éclairage sur ce sujet.

M. Marc Tessier a d'abord insisté sur la volonté des deux organismes audiovisuels publics que sont France Télévisions et Radio France Internationale (RFI) de fédérer leurs efforts pour proposer au Gouvernement un projet de chaîne d'information internationale crédible et dont le coût total serait modéré.

Il a précisé que l'intérêt porté par France Télévisions et RFI au projet de chaîne d'information internationale était essentiellement lié au déclin constaté des idées et de la langue françaises en matière d'information télévisée à l'échelle internationale.

Après avoir dénoncé la tendance de la plupart des chaînes de télévision et des organes de presse internationaux à utiliser systématiquement des extraits de journaux télévisés issus des chaînes d'information anglo-saxonnes, il a regretté que les élites mondiales et les « leaders d'opinion » n'aient pas à leur disposition une chaîne internationale porteuse d'une vision française de l'information.

Il a également estimé que l'absence de chaîne internationale française dans le paysage audiovisuel mondial pouvait, à terme, mettre en péril la crédibilité des informations mises à la disposition des chaînes généralistes françaises. En effet, chaque événement est désormais couvert par plusieurs centaines de correspondants et l'accès à l'information est de plus en plus souvent réservé en priorité à ceux appartenant aux quelques chaînes d'information d'envergure mondiale.

Rappelant que les journaux télévisés des chaînes de France Télévisions étaient largement diffusés à l'étranger, il a néanmoins reconnu qu'ils ne répondaient ni dans leur ton, ni dans leur format, aux attentes d'un public international. La transposition pure et simple des programmes d'information nationaux est donc à éviter : intéressante financièrement, elle ferait perdre toute crédibilité au projet français aux yeux d'élites internationales qui souhaitent avoir accès à des programmes originaux et de grande qualité.

Il a par conséquent souligné la nécessité pour la future chaîne de pouvoir réaliser ses propres programmes d'information, qui pourront par ailleurs être diffusés sur les chaînes du service public.

Concernant la structure de la grille des programmes de la future chaîne, M. Marc Tessier a indiqué qu'elle reposait, pour la moitié du temps d'antenne, sur la succession de journaux télévisés, de flashes d'actualité ou de rappels de titres, et pour l'autre moitié, de débats et de magazines permettant de traiter l'actualité internationale en profondeur.

Il a précisé que, conformément aux attentes du Gouvernement, les zones de couverture géographique prioritaires étaient celles dans lesquelles il existe à la fois une forte demande pour l'implantation d'une chaîne d'information internationale française, mais aussi une utilisation croissante de l'anglais, à savoir l'Europe, l'Afrique, le Proche et le Moyen-Orient. Par la suite, cette couverture pourrait être étendue à d'autres continents.

Quant aux langues de diffusion de la chaîne, il a souligné que si le français devait être utilisé en priorité, la mise en place de modules en langue anglaise pouvait être envisagée dès le lancement de la chaîne à destination du Moyen-Orient. La déclinaison de la chaîne en langue arabe et espagnole notamment peut également être concevable à moyen terme, afin d'élargir l'audience de celle-ci dans les zones où la francophonie est peu développée. Mais ce multilinguisme sera très coûteux.

M. Jean-Paul Cluzel a affirmé que l'opérateur de la future chaîne d'information internationale serait une filiale commune, mais indépendante de France Télévisions et de RFI.

Il a précisé que les conditions d'exploitation de la future chaîne ne permettant pas d'appliquer les dispositifs conventionnels et les accords d'entreprise en vigueur pour les journalistes et les personnels de France 2, France 3 et RFI, un projet social innovant permettant de tenir compte de l'évolution des métiers liée à la numérisation des équipements et des qualités de chacun serait proposé aux organisations syndicales.

Après avoir rappelé que la future chaîne d'information internationale serait en concurrence directe avec des chaînes telles que CNN International, BBC World et Al Jazira, il a souligné qu'elle devrait par conséquent proposer une valeur ajoutée, tant au niveau des images qu'au niveau de la ligne éditoriale, afin d'attirer les spectateurs. Pour ce faire, la chaîne pourra s'appuyer sur les images de France Télévisions et sur l'approche originale et internationale des équipes de RFI.

Il a indiqué que le succès de la chaîne auprès du public reposerait sur l'offre quotidienne de programmes et pas seulement sur la couverture d'événements exceptionnels. En effet, pour que les décideurs choisissent de regarder la chaîne pendant de tels événements, il faut au préalable qu'ils aient été fidélisés par une offre de magazines et de journaux télévisés offrant une alternative crédible à la vision anglo-saxonne du monde proposée sur les principales chaînes concurrentes.

Il a affirmé que le réseau de correspondants auxquels la chaîne d'information internationale pourra faire appel sera organisé en trois niveaux.

Le premier regroupera les 20 bureaux permanents de France Télévisions et de RFI dans le monde, ainsi que les trois filiales de RFI (en Bulgarie, en Roumanie et au Portugal). Les journalistes salariés des deux sociétés qui travaillent dans ces bureaux seront mis à contribution pour la production de sujets spécifiques.

Un deuxième niveau sera constitué par le réseau de correspondants pigistes ou salariés de RFI dans une vingtaine de villes dans le monde où se trouvent soit des « media centers », déjà organisés pour la transmission des données à haut débit, soit des bureaux bien équipés de l'AFP, et qui pourront contribuer en papiers vidéo.

Enfin, le troisième niveau sera constitué par le reste des correspondants pigistes de RFI (et le cas échéant de l'AFP), 300 au total, capables d'intervenir ponctuellement à la demande, le plus souvent par téléphone.

Il a noté que cette organisation permettrait de couvrir des pays qui sont quelque peu négligés par les autres chaînes d'information internationales, dont l'intérêt éditorial se limite souvent aux principales zones d'influence de leur diplomatie nationale.

Concernant les publics ciblés par les futures extensions de la chaîne, il a indiqué qu'ils seraient différents : si le signal en arabe sera destiné au grand public, celui diffusé en anglais sera essentiellement tourné vers les décideurs.

Un débat s'est alors engagé.

Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis des crédits consacrés aux relations culturelles extérieures, après avoir souligné la qualité de la présentation réalisée par MM. Marc Tessier et Jean-Paul Cluzel, s'est interrogée sur le coût d'un tel projet. Elle a par ailleurs souhaité connaître la localisation des bureaux mis à la disposition des futurs collaborateurs de la chaîne d'information internationale.

Après avoir rappelé l'échec des tentatives de rapprochement des équipes de TV5 et de RFI, elle s'est demandé dans quelle mesure une coopération entre RFI et France Télévisions pouvait aujourd'hui fonctionner.

Elle a également souhaité savoir si la création d'une telle chaîne n'était pas en mesure de remettre en cause les relations privilégiées qu'entretiennent France Télévisions et TV5.

Rappelant que certains opérateurs privés s'étaient déclarés favorables à un éventuel partenariat avec les chaînes du service public, elle s'est interrogée sur la faisabilité d'une telle association.

Elle a enfin souhaité disposer d'informations supplémentaires quant à l'application d'une convention collective différente pour les employés de France Télévisions et ceux de la future chaîne d'information internationale.

M. Louis Duvernois s'est interrogé sur les coûts de fonctionnement et sur les modalités de financement de la future chaîne d'information internationale. Il s'est également intéressé, compte tenu de la création d'une telle chaîne, à l'avenir de TV5. Il a enfin déploré que l'Amérique ne soit pas considérée, par le Gouvernement, comme une zone de couverture géographique prioritaire par la chaîne.

M. Michel Guerry a souligné que les deux millions de Français établis hors de France devaient constituer une des cibles prioritaires de la future chaîne. Par ailleurs, il a souhaité connaître le nombre de journalistes affectés à cette chaîne.

Insistant sur l'environnement très concurrentiel caractérisant le secteur de l'audiovisuel, M. Daniel Eckenspieller s'est interrogé sur les modalités de distribution de la future chaîne.

En réponse aux différents intervenants, MM. Marc Tessier et Jean-Paul Cluzel ont apporté les précisions suivantes :

- le budget brut du projet proposé est évalué à 52 millions d'euros dont 4,4 millions consacrés à la distribution. Cette estimation repose sur l'expérience acquise par France Télévisions au cours des travaux effectués en vue du lancement de la chaîne d'information continue sur la télévision numérique terrestre (TNT) et a été validée par un cabinet d'audit extérieur ;

- les locaux envisagés pour accueillir les personnels de la chaîne d'information internationale se situent dans les bâtiments de France Télévisions et sont ceux qui étaient théoriquement réservés aux journalistes de la chaîne d'information continue de la TNT. Les conditions particulières d'exploitation de la chaîne d'information internationale et le processus de fabrication associé aux nouveaux outils numériques prévus ne permettent pas d'appliquer les dispositifs conventionnels et les accords d'entreprise en vigueur aujourd'hui pour les journalistes et les personnels techniques et administratifs de France 2, France 3 et RFI.

En effet, sur de nombreux points, une mise à niveau et une modernisation des textes sont nécessaires, en particulier sur les définitions des métiers et les classifications, sur le travail de nuit et de week-end, sur l'application du régime des 35 heures. Un dispositif conventionnel novateur a été préparé dans ses grandes lignes.

Dans un premier temps, il s'appliquera aux personnels de la chaîne d'information internationale comme un engagement unilatéral de sa direction. Dès sa création effective, ce texte sera présenté aux candidats potentiels y compris à ceux en provenance de France Télévisions ou de RFI. Dans un second temps, une négociation s'engagera avec les délégués syndicaux des personnels de la chaîne d'information internationale pour conclure un accord d'entreprise qui donnera une valeur conventionnelle au dispositif provisoire ;

- grâce au projet mis en place par France télévisions et RFI, la future chaîne aura les moyens de projeter ses équipes le plus rapidement possible sur le lieu des événements majeurs. Ainsi, dans un premier temps, un collaborateur de RFI pourra réagir « à chaud » en utilisant éventuellement des moyens techniques mis à sa disposition par une chaîne de télévision locale partenaire, relayé ensuite par une équipe venant d'un des bureaux permanents de France Télévisions, voire par des journalistes dépêchés directement depuis Paris ;

- France Télévisions et RFI sont ouverts à toute proposition de la part d'éventuels opérateurs privés intéressés par une collaboration. Néanmoins, il conviendra de déterminer un cadre équitable reposant sur une égalité des apports de part et d'autre ;

- le projet de chaîne d'information internationale est complémentaire avec le format TV5 qui est une chaîne généraliste francophone et multilatérale. Ces deux projets ne s'adressent pas au même public, mais auront néanmoins un point commun : proposer des programmes en langue française à travers le monde ;

- les effectifs de la chaîne d'information internationale sont fixés à 172 unités, dont 104 journalistes composant la rédaction.

Audiovisuel - Création d'une chaîne française d'information internationale - Audition de M. Serge Adda, président-directeur général de TV5 Monde

La commission a ensuite entendu M. Serge Adda, président-directeur général de TV5 Monde.

Après avoir rappelé que de nombreuses chaînes en langues anglaise, arabe ou espagnole étaient désormais diffusées dans le monde entier, M. Serge Adda a regretté que TV5 soit, pour l'instant, la seule chaîne francophone à posséder cette caractéristique. La création d'une chaîne d'information internationale, souhaitée par le Chef de l'Etat, permettrait de combler cette lacune et d'offrir à notre langue un vecteur de diffusion qui lui fait actuellement défaut.

Il a indiqué que TV5 était favorable à la création d'une telle chaîne. En effet, étant à l'heure actuelle la seule chaîne à diffuser dans le monde entier des programmes d'information français, TV5 est trop souvent considérée comme la voix de la France à l'étranger et se voit par conséquent imposer, malgré elle, une responsabilité dont elle souhaiterait, en partie, être dégagée.

Il a précisé que le projet de chaîne internationale devait éviter deux pièges. Premièrement, cette chaîne ne doit pas être une chaîne au rabais. Il convient au contraire de créer, en y mettant les moyens nécessaires -environ 100 millions d'euros- une chaîne de grande qualité tant au niveau des images proposées qu'au niveau du traitement de l'information susceptible d'apporter une alternative crédible aux chaînes d'information internationales anglo-saxonnes et arabes. Deuxièmement, cette nouvelle chaîne ne doit ni déstabiliser, ni affaiblir les chaînes existantes, à savoir TV5 et Euronews.

A ce propos, il a dénoncé le « franco-pessimisme » consistant à dénigrer notre audiovisuel extérieur et à demander systématiquement sa réorganisation ou sa restructuration. Les trois outils que sont RFI, TV5 et EuroNews fonctionnent bien et, en dépit de la faiblesse relative des moyens dont ils disposent, n'ont pas à rougir de la comparaison avec la Deutsche Welle-TV ou BBC World. Aux Etats-Unis, où TV5 et la langue française étaient absents, sa présence a doublé en un an et ce sont 160.000 foyers qui s'abonnent et payent 10 dollars par mois pour voir TV5. La chaîne vient en outre de signer des accords pour être diffusée au Japon et à Taïwan.

Il a indiqué que la chaîne employait aujourd'hui 220 personnes, pour un budget annuel de 84 millions d'euros. Il a souligné que si la multilatéralité de la chaîne avait, à l'origine, été vécue comme un handicap, celle-ci faisait aujourd'hui figure d'atout pour pénétrer les marchés étrangers.

Il a précisé que cette contrainte multilatérale qui, dans un premier temps, nécessitait de donner satisfaction à chacune des chaînes partenaires, avait pu être dépassée grâce à la professionnalisation de TV5 et notamment à la suppression des tunnels de l'information consistant à enchaîner la diffusion des journaux télévisés des différentes télévisions partenaires. Désormais, l'information proposée par TV5, financée par redéploiement interne des crédits, est composée d'une sélection judicieuse des images proposées par l'ensemble des chaînes partenaires.

En conclusion, il a considéré que la réussite du projet de chaîne d'information internationale passait par la mise en place d'une formule, qui reste à déterminer, permettant d'associer efficacement les différents acteurs du secteur privé et du secteur public de l'audiovisuel national.

Un débat s'est ensuite engagé.

Mme Danièle Pourtaud, rapporteur pour avis des crédits consacrés aux relations culturelles extérieures, s'est d'abord interrogée sur les conséquences que pourrait avoir la création d'une chaîne d'information internationale sur l'avenir de TV5.

Après avoir indiqué que la future chaîne d'information internationale ne lui paraissait avoir aucun avenir commercial et que le soutien financier des pouvoirs publics était par conséquent indispensable, elle a néanmoins souhaité connaître la nature et le montant des éventuels bénéfices commerciaux qu'une telle chaîne était en droit d'espérer.

Alors que certains opérateurs affirment que l'offre de chaînes est saturée et qu'il sera difficile pour une nouvelle chaîne de trouver des diffuseurs, elle s'est demandé si la création d'une chaîne française d'information internationale répondait à la demande de certains bouquets satellitaires ou câblés.

M. Louis Duvernois a d'abord rappelé que la France était le premier bailleur de fonds de TV5 et estimé, qu'en conséquence, le projet de chaîne d'information internationale conduirait inévitablement au repositionnement de cette chaîne.

Il a ensuite souhaité savoir si TV5 et EuroNews, compte tenu de l'expérience accumulée en matière de négociation avec les opérateurs de bouquets satellitaires et les câblo-opérateurs à travers le monde, n'étaient pas en mesure d'intégrer le projet public présenté par France Télévisions et RFI.

Après avoir souligné l'écart existant entre le budget annuel de TV5 et les budgets prévisionnels présentés par les trois opérateurs candidats à la création d'une chaîne d'information internationale, M. Michel Guerry s'est demandé si la future chaîne aurait réellement les moyens financiers de ses ambitions.

En réponse aux intervenants, M. Serge Adda a apporté les précisions suivantes :

- le repositionnement de TV5 n'interviendra que le jour où la chaîne d'information internationale aura une zone de diffusion et une audience potentielle comparable à la sienne, ce qui prendra un certain temps. A titre d'exemple, il a fallu 15 ans de travail pour permettre à TV5 de toucher 130 millions de téléspectateurs. C'est un travail qui demande du temps et beaucoup d'efforts, d'autant qu'il n'existe aucune demande de la part des différents opérateurs du câble ou du satellite dans le monde pour la création d'une chaîne d'information internationale francophone ;

- nul ne sait si France Télévisions, suite à la création de la chaîne d'information internationale, souhaitera réduire ses dons de programmes à TV5. Si cette éventualité se produisait, TV5 devrait se tourner vers les opérateurs privés qui sont déjà souvent désireux de mettre à sa disposition gratuitement un certain nombre de programmes qui connaissent ainsi une notoriété internationale ;

- TV5 est restée volontairement en dehors de « l'appel d'offres » lancé par le Gouvernement car son statut multilatéral, associant des partenaires de nationalités différentes, lui interdisait de prendre la tête d'un tel projet. En revanche, la chaîne est prête à contribuer au succès d'un projet dans les conditions fixées par le Gouvernement. Elle peut ainsi faire bénéficier le projet de son expérience en matière de hiérarchisation de l'information et de distribution mais aussi, par l'intermédiaire de CFI, mettre à disposition de la future chaîne des capacités de diffusion satellitaires, tant sur l'Europe que sur l'Afrique ;

- il ne faut pas attendre beaucoup de recettes commerciales d'un projet tel que celui-ci. En tout état de cause, celles-ci ne seront jamais suffisantes pour amortir le coût du projet. A titre d'exemple, les recettes d'abonnements et publicitaires perçues par TV5 s'élèvent à 5 millions d'euros et les recettes publicitaires de BBC World à 16 millions d'euros ;

- en Egypte, en Argentine et au Brésil, les enquêtes effectuées montrent que TV5 recueille une audience près de deux fois supérieure à la BBC. Ces chiffres s'expliquent par le fait que TV5 n'est pas une chaîne d'information continue et propose, à côté des journaux télévisés, d'autres programmes pouvant intéresser un public très large ;

- le budget de TV5 est de 84 millions d'euros, financé par la France à hauteur de 85 %, par la Belgique, la Suisse et le Canada à hauteur de 10 %, le reste étant composé de diverses recettes propres. La part totale des programmes français diffusés par TV5 est de l'ordre de 70 à 75 %, 35 % d'entre eux étant mis à disposition gratuitement par France Télévisions et Arte.

Culture - Intermittents du spectacle - Communication

A l'issue des auditions, Mmes Danièle Pourtaud et Annie David ont interrogé le président Jacques Valade sur la suite donnée à la demande formulée, lors d'un rappel au règlement en séance publique le 1er juillet 2003 par M. Jack Ralite, relative à l'audition du ministre de la culture et de la communication et de représentants des intermittents du spectacle.

M. Jacques Valade, président, a indiqué que la commission entendra M. Jean-Jacques Aillagon le jeudi 10 juillet prochain.

Jeudi 3 juillet 2003

- Présidence de M. Jacques Valade, président. -

Mission d'information sur la gestion des collections des musées - Présentation du rapport d'information

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Philippe Richert, rapporteur de la mission d'information chargée d'étudier la gestion des collections des musées.

A titre liminaire, M. Philippe Nachbar, président de la mission, a estimé qu'il relevait de la responsabilité du Sénat, soucieux de la protection du patrimoine, de s'attacher à évaluer les conditions dans lesquelles sont gérées les collections des musées.

Après avoir salué le rôle joué par M. Philippe Nachbar dans l'organisation des travaux de la mission, M. Philippe Richert, rapporteur, a souligné que si les musées avaient connu, au cours des dernières décennies, un profond renouveau, leurs modalités de gestion n'avaient pas évolué au même rythme que les investissements dont ils ont bénéficié. A la différence de pays comme les Pays-Bas, qui ont fondé le programme de rénovation de leurs musées sur une remise à niveau des collections, une autre approche a prévalu en France. Cette approche oblige à constater encore, en dépit de l'effort financier qui leur a été consacré, la persistance d'inquiétantes lacunes dans le mode d'administration des collections.

Il a rappelé qu'une des préoccupations à l'origine de la création de la mission avait été de faire le point sur l'état des réserves des musées.

La situation des réserves, qui ne sont ni des brics-à-bracs, ni des cavernes d'Ali Baba, pose moins la question de leur richesse que celle de leurs conditions d'organisation et de fonctionnement.

Le rapporteur a noté que les investissements réalisés jusqu'ici ont permis à l'évidence de doter les musées de bâtiments adaptés à leurs fonctions et, partant, d'améliorer les conditions de stockage des oeuvres qui ne sont pas présentées au public.

Toutefois, il a considéré nécessaire de nuancer cette appréciation, de portée très générale, par un préalable méthodologique et deux observations.

Il a ainsi indiqué que les services du ministère de la culture et de la communication ne disposaient d'aucune évaluation d'ensemble de l'état des réserves des musées de France.

Cette lacune est préoccupante à plus d'un titre. En premier lieu, elle ne permet pas à la direction des musées de France de connaître les conditions de conservation des collections qu'elles abritent. Il y a donc à craindre que des pièces soient détériorées, voire disparaissent, sans qu'aucun dispositif ne permette d'alerter les gestionnaires des collections et leurs autorités de tutelle. Par ailleurs, il ne peut être alloué des crédits à une politique des collections que si les besoins sont quantifiés et identifiés. L'établissement d'un document de synthèse, à l'image de l'état sanitaire du parc immobilier classé dressé par la direction de l'architecture et du patrimoine, apparaît comme une priorité. De même qu'est nécessaire l'élaboration, par la direction des musées de France, de normes techniques concernant l'organisation et le fonctionnement des réserves. Ces normes devraient permettre, d'une part, de normaliser les réserves, et, d'autre part, d'aider les conservateurs à les adapter à une gestion des oeuvres de plus en plus complexe. En effet, les réserves n'ont plus pour seule vocation de stocker des oeuvres dans des conditions de conservation optimales, mais doivent être également conçues pour permettre les mouvements d'oeuvres, de plus en plus nombreux, qui caractérisent désormais une gestion moderne des collections.

Au regard de ces critères, la situation qu'a pu constater la mission, au-delà d'une grande diversité d'une institution à l'autre, fait apparaître que seuls les musées dont la rénovation a été engagée postérieurement à 1995 disposent de réserves satisfaisantes. Il semble que, pour les opérations réalisées avant cette date, la tardive sensibilisation des conservateurs aux exigences de la conservation préventive conjuguée à une action privilégiant les ambitions immobilières sur les considérations liées aux collections a abouti à négliger la réorganisation des réserves. Ainsi, certains musées de conception récente, tels que le Louvre ou Orsay, disposent de réserves trop exiguës voire inutilisables.

A l'avenir, il convient donc que soit prise en compte systématiquement la mise aux normes des réserves dans les opérations de rénovation ou de construction. Au-delà, il importe d'encourager les musées à réfléchir à des solutions innovantes, qu'il s'agisse de réserves visitables, ouvertes au public, ou bien d'espaces communs à plusieurs institutions, solution envisagée par les musées de Marseille, qui seraient de nature à réduire les coûts de fonctionnement de ces espaces.

En ce qui concerne les musées qui n'ont pas bénéficié de programme de rénovation, les difficultés soulevées par l'organisation des réserves font apparaître des retards aux conséquences préoccupantes pour l'intégrité des collections. Il semble à cet égard nécessaire d'attirer l'attention sur trois types de musées pour lesquels la question des réserves se pose avec une particulière acuité. Il s'agit d'abord des châteaux-musées, dont la dimension muséographique pâtit de l'insuffisance des crédits du patrimoine. Par ailleurs, un effort s'impose pour améliorer les conditions de conservation des réserves archéologiques des musées, et au premier chef du musée des antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye dont l'état alarmant des réserves exige un programme de restauration d'envergure, depuis trop longtemps reporté. Enfin, il convient de remédier à la relative pauvreté des musées de sociétés, qui n'ont pas bénéficié de la même attention au cours des dernières années que les musées des beaux-arts et dont la rénovation pourrait répondre à l'intérêt croissant du public pour le patrimoine de proximité.

Au-delà d'un effort financier, la modernisation des réserves exige que les musées puissent disposer des compétences nécessaires. La généralisation de services de régie d'oeuvres apparaît à cet égard comme une priorité, de même qu'il importe d'accroître la part réservée à l'initiation à la conservation préventive dans la formation initiale des personnels, notamment des conservateurs du patrimoine.

M. Philippe Richert, rapporteur, a fait ensuite observer que, faute de disposer d'inventaires exhaustifs et régulièrement récolés, les musées n'ont qu'une connaissance imparfaite de leurs collections.

L'ampleur de ces lacunes particulièrement préoccupantes dans les musées nationaux a été soulignée par le travail accompli par la commission de récolement des dépôts d'oeuvres d'art. Depuis sa mise en place en 1996, cette commission, dont l'objet est limité aux seuls dépôts d'oeuvres d'art effectués par les services du ministère de la culture, a recensé environ 47 800 dépôts, sur un total estimé de 150 000. Les contrôles effectués font apparaître qu'environ 20 % des oeuvres ne peuvent être localisées à ce jour. La proportion est toutefois moins importante pour les dépôts des musées nationaux : sur les 23 000 oeuvres récolées, seulement 2 500, soit un peu moins d'un dixième, n'ont pas été retrouvées.

Les difficultés rencontrées par la commission de récolement font apparaître l'effort que les musées de France doivent accomplir pour se conformer aux dispositions de la loi du 4 janvier 2002, qui prévoit que leurs collections sont inscrites sur un inventaire et récolées tous les dix ans.

Les retards à rattraper trouvent leur origine dans des pratiques qu'il convient de réformer. Si des normes ont été diffusées par la direction des musées de France aux musées territoriaux, du moins pour l'inventaire, les musées nationaux n'ont jamais bénéficié d'un encadrement réglementaire les incitant à une actualisation et à une normalisation de leurs pratiques d'inventaire et de récolement.

La loi de 2002 et ses textes d'application devraient permettre de procéder à une utile remise en ordre. L'élaboration de normes communes à l'ensemble des musées de France, qui feront l'objet d'un arrêté dont la publication est imminente, constituera, de ce point de vue, un progrès appréciable.

L'ampleur des lacunes constatées exige également que soient dégagés au sein des musées les moyens humains et financiers nécessaires pour mener à bien la refonte des inventaires et le lancement d'opérations systématiques de récolement.

Cet effort, coûteux mais parfaitement légitime, au-delà de son enjeu patrimonial, permettra aux conservateurs de mieux connaître leurs collections, ce qui constitue un atout pour assurer une meilleure valorisation des collections.

Le récolement des collections peut notamment être l'occasion de dresser un bilan de l'état des collections et de favoriser l'élaboration systématique de plans de conservation préventive des collections, qui pourront servir de base à des projets de rénovation des réserves et des salles d'exposition, mais également à une meilleure quantification des besoins de restauration. Le rapporteur a noté qu'alors que la restauration des collections publiques était essentiellement opérée par des restaurateurs libéraux, l'absence de planification des travaux de restauration constituait un obstacle au développement d'une profession, déjà sévèrement concurrencée par les entreprises européennes.

Par ailleurs, le récolement constitue le préalable à une gestion plus active des dépôts, en permettant notamment une révision périodique de leur bien-fondé afin d'assurer une meilleure circulation des oeuvres. A cet égard, le rapporteur a souhaité que la création d'antennes « hors les murs » des grandes institutions muséographiques fasse l'objet d'un partenariat équilibré entre l'Etat et les collectivités territoriales.

Il a regretté que l'informatisation des collections ne permette encore qu'à la marge de faciliter les tâches de gestion des collections.

En ce domaine, la mission a constaté, d'une part, un éparpillement de l'effort, et, d'autre part, un retard préoccupant des opérations d'informatisation. D'après les estimations du ministère, il faudrait, à moyens constants, environ trente-cinq ans pour que la totalité des fonds des musées nationaux soit informatisée, l'échéance étant comparable pour les musées territoriaux. Ce bilan, à la mesure de la modicité des crédits qui y sont affectés, exige que l'Etat et les collectivités territoriales accentuent leur effort : l'informatisation doit constituer une priorité de la politique des musées, notamment dans la perspective d'une généralisation de la présence des musées sur internet.

Le rapporteur a observé que l'avenir des musées dépendait des solutions qui seraient apportées à leurs difficultés de fonctionnement.

Dans cette perspective, la mission s'est attachée à examiner trois questions.

La première concerne les besoins en personnels, et plus particulièrement la politique de recrutement des conservateurs du patrimoine. Le métier de conservateur a profondément évolué au cours des dernières années. Cette mutation appelle un effort permanent d'adaptation de la formation des conservateurs, certes déjà engagé, mais également une diversification et une intensification des recrutements. A leur niveau actuel, ces recrutements sont manifestement insuffisants pour couvrir les besoins des musées, notamment dans de nouveaux domaines tels l'archéologie ou l'ethnologie, peu représentés dans le vivier actuel des conservateurs.

La seconde question à laquelle il importe de répondre, dans les années à venir, concerne la capacité de l'Etat à définir une politique nationale des musées. Il s'agit là d'un enjeu essentiel alors que, d'une part, la réforme de 2002 a réaffirmé les pouvoirs de tutelle de l'Etat sur les musées territoriaux et que, d'autre part, le ministère de la culture souhaite conférer aux musées nationaux une plus grande autonomie statutaire.

Il a relevé cependant que, l'autonomie conférée à ces musées devant avoir des contreparties, il serait utile de généraliser une démarche de contractualisation entre le ministère et les musées nationaux érigés en établissements publics, ce qui supposait que soient définies les marges d'action dont disposent ces musées pour améliorer leur gestion.

Par ailleurs, il a insisté sur la nécessaire refonte des statuts des musées de l'Etat dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi relative aux musées de France afin de faire prévaloir le plus souvent possible des règles communes.

Enfin, il s'est inquiété de la faiblesse des services déconcentrés du ministère comme de la modestie des enveloppes budgétaires consacrées par l'Etat au financement des musées territoriaux, qui contrastent avec la réaffirmation, par la loi du 4 janvier 2002, des pouvoirs de tutelle de l'Etat.

Soulignant la nécessité de poursuivre la politique d'enrichissement des collections, il a rappelé qu'à l'initiative de la commission, lors de l'examen de la loi relative aux musées de France, avaient été introduits des mécanismes fiscaux fortement incitatifs en faveur des entreprises pour l'achat des trésors nationaux. La loi en cours d'examen sur le mécénat complète utilement ces dispositifs en relevant significativement l'attractivité des avantages fiscaux attachés aux dons.

Il a toutefois indiqué que même si les ressources du mécénat connaissaient une forte progression dans les prochaines années, les contraintes budgétaires qui pèsent sur les budgets des musées font qu'elles ne pourront être affectées aux seules acquisitions.

La réforme de la Réunion des musées nationaux (RMN) engagée par le Gouvernement apparaît à cet égard nécessaire pour tenter de « sanctuariser » les budgets d'acquisition et consacrer une part plus grande des recettes des musées à l'enrichissement des collections.

Cette réforme qui supprime le mécanisme de mutualisation entre les musées nationaux, qui était à l'origine de la création de la RMN, attribue aux musées la maîtrise de leur politique d'acquisition, qui sera décidée par les chefs d'établissements, après avis de commissions locales, et financée sur leur budget.

Le rapporteur a fait observer que ces évolutions, pour nécessaires qu'elles soient, ne dotaient pas pour autant les musées des moyens de conduire en ce domaine une action ambitieuse. Il a donc estimé indispensable que soient définies les priorités d'achat des musées nationaux, afin que dès lors qu'une oeuvre importante répondant à ces priorités se présente sur le marché, les cofinancements nécessaires puissent être mis en place. A cet égard, le Fonds du patrimoine a un rôle majeur à jouer.

En outre, le rapporteur a estimé nécessaire, dans le cadre de la préparation de la loi de finances pour 2004, d'évaluer de la manière la plus réaliste possible la subvention versée par l'Etat à la RMN. S'il importe de tenir compte des résultats escomptés des mesures de redressement engagées en 2002 et poursuivies en 2003 pour remédier aux déficits des activités éditoriales et commerciales et du secteur des expositions, les surestimer reviendrait à imposer à l'établissement une rigueur qui le priverait des moyens d'assumer ses missions de service public.

En conclusion, le rapporteur a considéré que la politique des musées se devait d'entrer dans une nouvelle ère. Après avoir privilégié l'accumulation puis, à partir des années 70, la recherche de nouveaux publics, grâce à des réalisations ambitieuses, il convenait de remettre les collections au centre de cette politique.

Cette nouvelle orientation exige incontestablement un effort financier de la part des collectivités publiques. A cet égard, une loi de programme sur les musées, à l'image de celle de 1978 qui avait accompagné une politique active de rénovation et de construction, permettrait de garantir les conditions d'un engagement de l'Etat sur le long terme, et d'exercer un effet d'entraînement sur les collectivités territoriales.

M. Jacques Valade, président, après avoir souligné l'intérêt des conclusions de la mission, s'est interrogé sur la possibilité de rendre les réserves des musées plus accessibles au public mais également aux chercheurs.

Mme Annie David s'est inquiétée de la compatibilité d'une plus large décentralisation de la gestion des collections des musées avec l'exigence de leur bonne conservation.

M. Philippe Richert, rapporteur, a indiqué que les lacunes les plus préoccupantes constatées par la mission concernaient les musées nationaux, qui sont seuls concernés par le récolement engagé en 1996.

M. Daniel Eckenspieller a estimé que la mission avait pour objet non seulement de souligner des lacunes, qui sont essentiellement imputables au manque de moyens dont souffrent les musées, mais surtout d'identifier les priorités pour y remédier.

La commission a enfin adopté les conclusions de la mission d'information, à l'unanimité, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Débat national sur l'éducation - Audition de M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, et de M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire

La commission a ensuite procédé à l'audition, ouverte à la presse et aux sénateurs des autres commissions, de M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, et de M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

M. Jacques Valade, président
, a souligné que cette audition, intervenant à la suite des tensions sociales qui ont affecté les établissements scolaires ces derniers mois, constituait un premier jalon de la réflexion sur les grands chantiers de l'éducation nationale menée dans le cadre du débat national sur l'école.

Tout en rappelant que ce débat répondait à un engagement de longue date, renouvelé par le Premier ministre lors du comité interministériel du 27 mai 2003, M. Luc Ferry a regretté que son lancement, prévu initialement dès la parution de la « Lettre à tous ceux qui aiment l'école », ait été perturbé par un certain nombre d'événements, comme lors du déplacement à Rodez, révélant l'étendue de la fracture existant au sein de l'éducation nationale. Il a ensuite confirmé que s'engageait désormais une nouvelle étape, associant au premier chef les parlementaires, qui devrait aboutir à la refondation des missions de l'école au sein d'une nouvelle loi d'orientation.

Il a fait observer que l'urgence de ce débat s'était trouvée renforcée par la crise traversée ces dernières semaines. Toutefois, il a tenu à saluer le sens des responsabilités des enseignants, chefs d'établissements et responsables académiques, qui a permis de garantir un bon déroulement des épreuves du baccalauréat.

Tout en faisant remarquer que le terme de « malaise des enseignants », largement relayé par la presse, avait pu choquer de nombreux enseignants par sa connotation quelque peu excessive et désobligeante, le ministre a souligné qu'il correspondait à une réalité perceptible. Si les revendications concernant les retraites en ont été le révélateur, la crise des vocations restreignant le vivier de recrutement des enseignants du second degré en est une manifestation tangible.

Face à une telle situation, il a fermement rejeté tout recours aux solutions de sortie de crise habituelles, estimant que l'enjeu, à savoir réconcilier l'école avec la Nation, méritait qu'un large débat soit engagé. Il s'agit en effet de refonder les valeurs de la République, alors que les professeurs ont bien souvent le sentiment d'être isolés face à la défense des savoirs, dans un environnement de plus en plus gagné par la logique marchande.

Le ministre a ensuite précisé que ce débat n'avait pas vocation à rester à huis clos, entre experts du système éducatif, mais devait associer un large panel représentatif de la société, à savoir parents d'élèves, élus, partenaires sociaux, chefs d'entreprises, universitaires, etc.

Il a indiqué qu'il serait précédé par l'élaboration d'un diagnostic partagé sur l'école, à l'aide des contributions du Haut comité d'évaluation de l'école (HCEE), de l'Inspection générale de l'éducation nationale (IGEN) ou de toute autre instance. Il a souhaité que ce diagnostic ne sous-estime pas les réussites de l'école, en faisant l'impasse sur les nombreuses initiatives positives mises en place sur le terrain, dans la mesure où l'objectif visé n'est pas de stigmatiser les professeurs mais de souligner les difficultés auxquelles ils sont confrontés.

A ce propos, le ministre a cité une enquête réalisée à la demande de la Fédération syndicale unitaire (FSU) et publiée dans l'annuaire de la SOFRES pour 2002, laquelle relève les difficultés principales rencontrées par les enseignants dans l'exercice de leur métier, à savoir en premier lieu le problème d'autorité et le manque de respect des élèves à l'égard de la discipline et de la culture scolaire ; l'incapacité à résoudre le problème de l'échec scolaire constituant selon cette étude le deuxième motif du malaise des enseignants.

A l'issue de l'intervention du ministre, un large débat s'est engagé.

Rappelant son inquiétude face au risque de pénurie d'enseignants, Mme Marie-Christine Blandin a souhaité que le nombre de postes ouverts aux concours de recrutement puisse faire l'objet d'une publication en amont, afin de les rendre plus attractifs pour les candidats potentiels. Elle a également évoqué le recours à des pré-recrutements, sur le modèle des anciens IPES (instituts de préparation aux enseignements du second degré), notamment afin de remédier à la désaffection des étudiants dans les filières scientifiques.

M. Jacques Valade, président, a apporté son soutien à cette proposition émanant d'une quinzaine d'associations et sociétés savantes représentant les enseignants de sciences et les chercheurs, qu'il a personnellement rencontrées. Il a fait part de sa préoccupation concernant la crise des vocations scientifiques dans notre pays.

M. Jacques Legendre, chargé d'un rapport d'information sur l'enseignement des langues vivantes, s'est interrogé sur les orientations de la politique suivie par le ministère dans ce domaine. Il s'est inquiété, en particulier, de l'annonce de la suppression de l'agrégation d'arabe pour la prochaine session. Il s'est également déclaré favorable au rétablissement d'un dispositif de pré-recrutement de type IPES.

Mme Brigitte Luypaert a regretté que les critères de recrutement dans les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) ne prennent pas suffisamment en compte la motivation des candidats. Elle a ensuite exprimé son sentiment que l'école ne parvenait plus à remplir son rôle d'ascenseur social.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement supérieur, a demandé des précisions sur les orientations suivies dans ce secteur, et notamment sur le calendrier d'examen du projet de loi relatif à l'autonomie des universités.

Mme Annie David a souhaité que les collectivités territoriales participent au débat national sur l'école, que le Conseil supérieur de l'éducation soit associé à l'élaboration du diagnostic préalable et que les étudiants soient représentés. S'agissant du projet de décentralisation des personnels administratifs, techniciens, ouvriers et de service (ATOS), elle a suggéré qu'il ne soit examiné qu'à l'issue du débat.

Mme Hélène Luc s'est réjouie qu'un grand débat sur l'éducation nationale ait enfin lieu, tout en s'interrogeant sur le calendrier prévu pour sa mise en place et en rappelant que ce débat devrait se traduire par l'organisation d'assises locales, au niveau des départements et des régions.

Après avoir souligné le profond attachement qui lie une majorité d'enseignants à l'éducation nationale, elle a appelé l'attention du ministre sur la question des effectifs des assistants d'éducation à la rentrée prochaine, ainsi que sur le projet de délocalisation du Centre national de documentation pédagogique (CNDP).

M. Pierre Fauchon s'est étonné qu'un incident tel que celui relatif à l'épreuve de mathématiques au baccalauréat scientifique puisse avoir lieu.

M. Philippe Richert, rapporteur pour avis du budget de l'enseignement scolaire, a fait remarquer que la place des entreprises dans le système d'éducation devait faire l'objet d'une réflexion, afin que celles-ci soient, sur le modèle allemand, davantage impliquées dans les formations qu'elles ne le sont actuellement dans le cadre de l'alternance.

Tout en jugeant essentiel d'ouvrir un débat concernant le métier d'enseignant qui a profondément changé de nature, M. Henri Weber s'est interrogé sur les modalités concrètes d'organisation de ce débat ; il a par ailleurs souligné l'importance de nourrir la réflexion de comparaisons internationales.

M. Philippe Nogrix a souligné l'importance d'associer les fédérations de parents d'élèves au débat, dans la mesure où le lien de responsabilité entre les parents et l'école est à recréer.

M. Jean-Claude Carle a souhaité connaître le calendrier et les règles d'organisation du débat national.

Mme Anne-Marie Payet s'est demandé si l'examen de la situation des écoles privées ferait également partie de la réflexion.

M. Louis Duvernois a enfin rappelé qu'il ne faudrait pas exclure du débat les établissements scolaires français situés à l'étranger, qui relèvent pédagogiquement du ministère de l'éducation nationale.

En réponse à ces divers intervenants, M. Luc Ferry a apporté les précisions suivantes :

- le recours à un pré-recrutement est une perspective très intéressante même s'il représente une charge budgétaire lourde ; une telle anticipation sur le nombre de postes ouverts aux concours, qui serait envisageable et souhaitable dans le cadre de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, pourrait contribuer à faire émerger des vocations chez les étudiants ;

- concernant l'enseignement des langues vivantes, le ministère poursuit la politique d'apprentissage précoce des langues, initiée en 1995, tout en veillant à assurer à cet enseignement un encadrement de qualité, afin de ne pas en perdre les bénéfices ; il s'agit désormais de mener une action plus volontariste, auprès des familles et des chefs d'établissements notamment, afin de mieux répartir l'offre de langues et d'assurer aux professeurs recrutés qu'ils auront un poste effectif, alors que cela n'est pas toujours le cas actuellement, pour l'allemand en particulier ; quant à l'agrégation d'arabe, elle aura bien lieu en 2004 ;

- il est aujourd'hui devenu nécessaire de faire évoluer les IUFM vers davantage de professionnalisation et de rénover dans le même sens les concours de recrutement, afin de mieux prendre en compte la motivation des candidats ;

- les enseignants ont bien souvent le sentiment d'être désarmés face au problème de l'échec scolaire ; la diversification des parcours du collège devrait permettre une amélioration, en s'appuyant sur le modèle de la réussite des classes en alternance, suffisamment souples pour ne pas créer d'effet de filière et être ressenties comme une orientation subie ;

- le report du projet de loi de modernisation des universités est éminemment regrettable, dans la mesure où cette réforme est indispensable pour permettre, d'une part, aux universités françaises de résister face à la concurrence internationale, en constituant des réseaux d'excellence leur donnant les moyens de mener une véritable politique universitaire et, d'autre part, pour avancer dans le sens de l'intégration des systèmes universitaires européens, afin d'offrir aux étudiants les possibilités d'une véritable mobilité en Europe ; il n'est donc en rien question de régionalisation ou de désengagement de l'Etat, pas plus que de menace sur les petites universités, la mutualisation des moyens visant précisément à organiser leur résistance face à la pression internationale ; ces enjeux méritent que le projet soit réexaminé dès que possible ;

- s'agissant des assistants d'éducation, certains conseils d'administration de collège ont refusé de procéder à leur recrutement qui sera, dans ces cas précis, assuré par l'inspecteur d'académie ;

- le sujet de l'épreuve de mathématiques du baccalauréat scientifique a été choisi par une commission réunissant des inspecteurs généraux et des enseignants de la discipline, puis testé deux fois ; certes un peu innovant, il s'inscrit toutefois pleinement dans le cadre des programmes ; un barème national sur vingt points, élaboré par l'inspection générale, ainsi que des séances d'harmonisation entre correcteurs permettent de garantir que les élèves ne seront pas pénalisés.

En complément aux réponses du ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire, a apporté les précisions suivantes :

- le débat dont il est question n'est pas un débat de l'école sur elle-même, qui n'aboutirait qu'à faire ressortir un regard figé et déprimé, mais un débat de la Nation sur l'école, afin que la Nation redéfinisse, comme elle se doit de le faire, ce qu'elle attend de ce système éducatif ;

- sa mise en place ne répond pas à la situation particulière traversée ces derniers mois, mais correspond à l'accomplissement d'une des promesses formulées par M. Jacques Chirac au cours de la campagne présidentielle ;

- quant à son déroulement concret, il revient à la Commission nationale du débat, qui sera composée d'experts nommés sur proposition des instances représentatives, et dotée d'un secrétariat permanent au ministère, d'en concevoir l'organisation ; d'ores et déjà, il est établi que la première phase consistera à élaborer un diagnostic objectif et partagé sur la situation de l'école, diagnostic qui renvoie à un certain nombre de difficultés qui trouvent un prolongement dans la société elle-même, comme les questions de l'autorité ou de la laïcité ; au cours d'une deuxième étape, le diagnostic sera validé par le Conseil économique et social (CES), les CES des régions, le Conseil supérieur de l'éducation, le HCEE notamment, mais aussi l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et des organismes européens ; parallèlement seront ainsi prises en compte les observations formulées au niveau des académies et des établissements ; enfin, la dernière étape sera une phase de conception, associant les parlementaires, permettant d'aboutir à un document de fond destiné à préparer un projet de loi d'actualisation de la loi Jospin d'orientation sur l'éducation, fixant les nouvelles missions que la Nation assigne à l'école pour les quinze ans à venir ;

- s'agissant du calendrier prévu, la Commission nationale devra être mise en place et débuter ses travaux d'ici la fin de l'année 2003, de sorte que les validations locales puissent avoir lieu au cours du premier semestre 2004, et que la réflexion aboutisse à la présentation de la nouvelle loi d'orientation au cours du second trimestre 2004 ;

- le recours à des éléments de comparaison internationale, tels que les indices PISA (Programme international pour le suivi des acquis des élèves de l'OCDE), sera très utile, même si toutes les expériences ne sont pas transposables, d'autant qu'il existe des exemples probants de réformes éducatives réussies dans d'autres pays, comme en témoigne le succès de la Finlande dans le domaine de la lecture ;

- l'enseignement privé sous contrat fera partie intégrante du débat ;

- quant aux établissements français situés à l'étranger, ils y seront associés dans la mesure du possible.

A l'issue de l'intervention des ministres, M. Jacques Valade, président, a rappelé le soutien unanime apporté par les sénateurs à l'engagement d'une profonde réflexion, devenue aujourd'hui indispensable, sur l'avenir de l'école. La commission sera attentive à ce débat auquel elle souhaite apporter sa contribution.