Travaux de la commission des affaires économiques



Mercredi 9 juin 2004

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Environnement - Charte - Audition de MM. Ernest-Antoine Seillière, président, et Jean-Pierre Rodier, président de la commission « environnement » du MEDEF

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a, tout d'abord, procédé à l'audition de M. Ernest-Antoine Seillière, président, et de M. Jean-Pierre Rodier, président de la commission « environnement » du MEDEF, sur le projet de loi constitutionnelle n° 329 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la charte de l'environnement.

Se disant très heureux d'accueillir les deux responsables du MEDEF dans le cadre de l'examen de ce texte, M. Jean-Paul Emorine, président, a rappelé que celui-ci était soutenu par le Président de la République et qu'il avait déjà fait l'objet de modifications en première lecture par l'Assemblée nationale. Rappelant que la commission des lois était saisie au fond, il a indiqué que M. Jean Bizet avait été désigné rapporteur pour avis par la commission des affaires économiques.

Souhaitant s'exprimer au nom des quelque 700 000 adhérents qui composent le MEDEF, M. Ernest-Antoine Seillière a fait part de son inquiétude au sujet de l'inscription du principe de précaution à l'article 5 du projet de loi constitutionnelle et a indiqué que ses craintes étaient partagées par de nombreux experts, intellectuels, professeurs et institutions, telles que l'Académie des Sciences ou l'Académie de Médecine. Précisant qu'il fallait écarter toute vision manichéenne, selon laquelle le MEDEF chercherait uniquement à préserver un hypothétique droit à polluer, il a souligné que les entreprises avaient intégré, depuis des décennies, la prise en compte de l'environnement.

Soulignant que les réticences de son mouvement étaient motivées par la volonté de mieux encadrer un principe de précaution nulle part défini, afin d'éviter que ses extensions jurisprudentielles ne risquent d'entraver tout développement économique, il a indiqué que le MEDEF était favorable à l'élaboration d'une charte du développement durable, qui aurait l'avantage de faire référence à une notion internationalement reconnue, qui prendrait en compte les aspects non seulement environnementaux, mais aussi économiques et sociaux du développement.

Insistant sur le fait que les entreprises n'étaient pas, en elles-mêmes, hostiles à l'idée de précaution, il a estimé que le refus de toute prise de risque ne pouvait cependant être érigé en principe d'action économique et il a plaidé pour que l'équilibre gains/coût soit réintroduit dans la définition du principe, proposée à l'article 5.

Il a ensuite fait état de quatre éléments étayant la réticence de son organisation envers le principe de précaution :

- l'incitation au développement d'une culture du « risque zéro », qui s'étendrait à tous les pans de l'activité humaine, entrave considérable au développement économique et scientifique ;

- la crainte d'un affaiblissement de notre compétitivité économique, d'autant plus grand que notre pays est déjà en retard en matière de recherche et d'innovation ;

- l'introduction d'une nouvelle contrainte de nature asymétrique, la France étant le seul pays, avec l'Équateur, à inscrire dans sa constitution un principe de précaution que l'Union européenne tente simplement à l'heure actuelle de définir ;

- l'absence de sécurité juridique, du fait tant de l'indéfinition du principe de précaution que de son invocabilité directe et de l'acception très large de l'intérêt à agir, qui auront pour effet, sous la pression des médias et de l'opinion publique, d'accroître très sensiblement le nombre des contentieux.

Après avoir estimé que l'amendement à l'article 1er de la Charte de l'Environnement, qui fait référence au droit pour chacun de vivre dans un environnement « respectueux de » - et non plus « favorable à » - sa santé, allait dans le bon sens, M. Jean-Pierre Rodier a expliqué que ce n'était qu'en approfondissant l'examen du projet de loi constitutionnelle qu'il s'était alarmé, après s'être aperçu qu'on ne maîtrisait pas les conséquences juridiques de la reconnaissance constitutionnelle du principe de précaution.

D'un point de vue juridique, il s'est inquiété également du caractère directement applicable de l'article 5, ce qui contribue à donner au juge le pouvoir de fixer le contenu du principe, sachant que son extension à la santé n'est pas évaluée à l'heure actuelle. Rapportant avoir constaté sur le terrain un durcissement des mesures administratives envers les entreprises au nom du principe de précaution, il a craint que ce climat d'incertitude juridique ne soit pas levé avant une dizaine d'années, délai nécessaire à la jurisprudence pour être en mesure de donner une interprétation suffisamment homogène du principe, mais délai trop long en termes de sécurité juridique pour les entreprises.

D'un point de vue plus culturel, il s'est inquiété de voir se développer, à côté d'une bonne application du principe, consistant à évaluer objectivement chaque risque et à décider ou non de l'assumer en fonction de sa gravité et de la potentialité de sa réalisation, une mauvaise application tendant à ériger en règle ultime la maxime « Dans le doute, abstiens toi » et à encourager la recherche du risque zéro.

Considérant que l'agitation médiatique constatée autour du principe de précaution avait eu pour effet d'en dévoyer le sens, il s'est dit interloqué des déclarations du rapporteur du texte de la commission des lois de l'Assemblée nationale, selon lesquelles la mise en oeuvre de ce principe permettrait d'éviter de transformer le monde pour l'épargner, et de celles du président de l'Union syndicale des magistrats (USM) à propos de l'affaire d'Outreau, pour qui la présomption d'innocence doit progressivement s'effacer devant le principe de précaution.

S'interrogeant rétrospectivement sur le point de savoir si certaines inventions ou innovations comme l'aspirine, les tunnels ferroviaires, ou encore les téléphones portables auraient eu lieu s'il avait été fait application du principe de précaution, il a craint que ce dernier ne retarde la prise de décisions opportunes et n'encourage les délocalisations, sachant que ce qui ne se fait pas en France peut se faire à l'étranger, même en matière de recherche qui se délocalise à l'heure actuelle vers la Chine et même en Inde.

En vue d'améliorer le projet de loi, il a proposé que le Parlement puisse encadrer la définition et le caractère directement applicable du principe de précaution, en renvoyant à la loi le soin d'en détailler le processus d'application suivant les différents secteurs d'activité, et de préciser notamment sur qui reposerait la responsabilité de décider du niveau de risque acceptable, ainsi que les procédures correspondantes.

M. Jean-Paul Emorine, président, a souligné que le texte était de nature constitutionnelle et qu'il serait, en tant que tel, complété par l'élaboration de dispositions législatives.

Reconnaissant avoir eu à l'origine les mêmes appréhensions vis-à-vis du projet de loi constitutionnelle que les deux responsables du MEDEF, à travers le dossier des organismes génétiquement modifiés (OGM) où le principe de précaution était assimilé à un principe d'inaction, M. Jean Bizet, rapporteur, s'est toutefois voulu rassurant en expliquant que le projet de loi clarifiait le contenu d'un principe, dont l'absence de définition dans la loi du 2 février 1995 le consacrant en droit positif avait rendu son utilisation excessive et inadéquate.

Ainsi, il a tout d'abord distingué le principe de précaution du principe de prévention, expliquant que le premier avait pour objet les risques inconnus, incertains ou éventuels, tandis que le second ne s'appliquait qu'aux risques connus et quantifiés. Il a ajouté que, seul, le dossier des pesticides et des OGM relevait, à l'heure actuelle, du principe de précaution en tant que tel. D'autre part, il a précisé qu'il revenait aux pouvoirs publics, et non aux entreprises, de définir et de mettre en oeuvre les mesures rendues nécessaires par l'application du principe. Enfin, il a indiqué avoir demandé au garde des sceaux que le Parlement puisse se saisir d'office d'un projet de loi d'application, afin d'être certain que ce soit bien aux assemblées parlementaires, et non aux juges et aux experts, de débattre du sujet.

Estimant que le principe de précaution aurait dû conduire à ne pas examiner un texte de cette nature, mais reconnaissant qu'il fallait à présent chercher à l'améliorer, M. Philippe Leroy a souhaité obtenir du MEDEF des informations sur l'actualité du principe au niveau mondial, que ce soit dans les législations, institutions ou colloques internationaux. Faisant état de l'inquiétude des élus locaux, qui gèrent des équipements sources de grands risques, il a exprimé le désir que soit élargi le principe de précaution aux collectivités territoriales.

Disant partager entièrement les propos du président du MEDEF, M. Jean-Paul Emin a toutefois nuancé sa position en estimant que le projet de loi permettrait de définir un principe qui ne l'avait jusqu'ici jamais été. Rappelant que la Constitution européenne en cours de finalisation faisait référence à ce principe, il a insisté sur le fait qu'il ne pourrait, en aucune manière, paralyser une entreprise, car sa mise en oeuvre reposerait sur les seules autorités administratives. Il a cependant exprimé ses craintes quant aux possibles divergences d'interprétation qu'en donneraient ces autorités.

Considérant par ailleurs que la notion de développement durable, présente dans le texte, était très fréquemment mise en avant par les entreprises, et que la très grande majorité des mesures en la matière relevaient du domaine règlementaire, il s'est félicité que l'examen des textes législatifs pris en application de ce texte donne, au Parlement, l'opportunité de les encadrer davantage.

M. Henri de Richemont s'est demandé dans quelle mesure l'industrie française avait besoin, à travers ce texte, d'une protection constitutionnelle pour ne plus craindre le pouvoir des juridictions quant à l'application du principe de précaution. Il s'est également demandé si un glissement du principe de précaution vers un droit de protection n'était pas à l'oeuvre. Il s'est aussi interrogé sur l'utilité d'une loi qui viendrait préciser les conditions d'application d'une disposition censée être d'effet direct, suggérant que plusieurs lois viennent plutôt les préciser dans chacun des secteurs économiques concernés.

Se référant à son expérience personnelle de responsable d'une entreprise de taille moyenne intervenant en matière d'innovation, M. Michel Bécot s'est inquiété de ce que le principe de précaution empêche ce type d'entreprises de se développer.

Se réjouissant de la proximité entre le point de vue qu'il avait développé et celui de plusieurs des intervenants, M. Ernest-Antoine Seillière a regretté que les responsables politiques nationaux, en voulant anticiper et donner au monde une image positive de la France, ne risquent d'y paralyser l'activité économique et d'inciter les entrepreneurs et les chercheurs à s'expatrier, alors qu'aucun autre pays européen n'a choisi de se doter d'une telle contrainte.

Assurant avoir compris les craintes du MEDEF à l'encontre du principe de précaution, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, s'est voulu rassurant en rappelant que son application serait encadrée par de futures lois. Il a estimé que l'éventualité du déplacement de l'article 6 du projet de loi constitutionnelle après son article 2 permettrait de mettre en valeur le triptyque économie-environnement-social. Soulignant que le principe de précaution figurait dans l'une des dispositions du Traité de Maastricht, il a fait observer qu'il n'était inscrit qu'en pointillé dans les textes relatifs à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et a regretté que les Etats-Unis ne soient pas prêts à ratifier le protocole de Kyoto. Il a ainsi exhorté les responsables politiques et économiques à faire pression pour que le principe de précaution s'applique au niveau mondial, jugeant impensable qu'il ne puisse être appliqué qu'au niveau européen.

Mercredi 16 juin 2004

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Environnement - Charte de l'environnement - Examen du rapport pour avis

La commission a examiné le rapport pour avis de M. Jean Bizet sur le projet de loi constitutionnelle n° 329 (2003-2004) relatif à la Charte de l'environnement.

Après avoir justifié le caractère inédit de la saisine pour avis sur un projet de loi constitutionnelle par l'objet de ce texte, qui excède le cadre de l'organisation même des pouvoirs publics, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a observé que la réforme du Préambule de la Constitution aux fins de donner valeur constitutionnelle à « des principes fondamentaux relatifs au droit à un environnement protégé et au développement durable » relevait de la compétence de la commission des affaires économiques en raison de la prise en compte de l'environnement et de son articulation avec le développement économique.

Ayant constaté le contexte passionné des affrontements, notamment sur la reconnaissance constitutionnelle du principe de précaution d'une part, et le mésusage qui avait été fait d'un tel principe dans le cadre du dossier des organismes génétiquement modifiés (OGM) d'autre part, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a tout d'abord fait part de sa réserve initiale sur l'intérêt d'une telle réforme qui pouvait conduire à entraver la recherche scientifique, l'innovation technologique et le développement économique, voire à l'inaction au nom de l'impossible quête du risque zéro.

Il a ensuite expliqué la raison de la levée de ces réserves, après un examen en profondeur du texte à la lumière de nombreuses auditions conduites avec le rapporteur au fond de la commission des lois, M. Patrice Gélard, dont il a salué le travail, de deux études réalisées par M. Michel Prieur et M. Bertrand Mathieu, respectivement spécialistes de droit de l'environnement et de droit constitutionnel. Citant M. Yves Jegouzo, Conseiller d'Etat, membre de la commission Coppens, à propos de l'ampleur de cette réforme constitutionnelle : « En définitive, il ne faut en attendre ni l'enfer vert, ni d'ailleurs le paradis », M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a alors entrepris d'exposer le contenu de la charte, en insistant sur l'article 5 qui traite du principe de précaution et en présentant les améliorations adoptées par l'Assemblée nationale en première lecture, qui l'ont conduit à proposer d'adopter conforme ce projet de loi.

A titre liminaire, rappelant qu'à l'initiative du Président de la République, lors de son discours d'Avranches le 18 mars 2002, ce projet était destiné à consacrer, dans la Constitution, aux côtés des droits civils et politiques, ainsi que des droits économiques et sociaux, un droit fondamental de l'homme à l'environnement, véritable reconnaissance d'une écologie humaniste, mais également des devoirs de l'homme quant à sa préservation, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a indiqué que le choix s'était porté sur une Charte de l'environnement de 2004, à laquelle allait se référer le Préambule de la Constitution, de la même manière qu'à la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946.

M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, insistant sur la démarche participative présidant à l'élaboration de ce texte, a rappelé en premier lieu le consensus sur les propositions de la commission Coppens remises au Premier ministre, qui ont pris en compte toutes les sensibilités exprimées dans les secteurs concernés par le projet de Charte et qui ont servi de base au projet de loi constitutionnelle. Afin d'illustrer le caractère participatif de la procédure d'élaboration du texte, il a attiré l'attention des commissaires, en second lieu, sur la consultation nationale, relayée par des assises territoriales de la de l'environnement, qui ont permis de dégager les attentes fortes de la société sur ce sujet.

Rappelant que le projet de loi constitutionnelle était initialement composé de deux articles -l'article 1er complétant le préambule de la Constitution et l'article 2 définissant le contenu de la Charte- M. Jean Bizet, rapporteur pour avis a indiqué que l'Assemblée nationale avait adopté un article additionnel, pour compléter l'article 34 de la Constitution définissant le domaine de la loi, afin que celle-ci puisse déterminer les principes fondamentaux relatifs à la préservation de l'environnement, confirmant ainsi le rôle du Parlement, notamment dans la définition du contenu des principes inscrits dans la Charte.

Poursuivant l'examen de l'article 2 du projet de loi, constitué de sept considérants et de dix articles, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a insisté, d'une part, sur la valeur constitutionnelle des considérants et, d'autre part, sur la vision constructive de la prise en compte de l'environnement que l'on pouvait en déduire, car ces considérants conciliaient développement économique, progrès social et préservation de l'environnement en établissant non seulement un lien entre environnement et humanité, mais aussi en affirmant la nécessité de la préservation de l'environnement dans une perspective de développement durable.

S'agissant de la proclamation des dix articles de la Charte de l'environnement, tous à valeur constitutionnelle, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a établi une distinction, quant à leur portée juridique, entre l'article 5 de la Charte d'une part, et les autres articles, d'autre part, soulignant que, seul, l'article 5, qui consacre le principe de précaution était d'application directe, à la différence des autres articles, y compris l'article 1er, aux termes duquel « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé », selon la modification adoptée par l'Assemblée nationale.

M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a illustré la nature d'objectif à valeur constitutionnelle des articles par le commentaire de l'article 6 de la Charte, qui fixe comme objectif aux politiques publiques la promotion du développement durable, en conciliant la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social. Il s'est félicité que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale mette ces trois éléments constitutifs sur un pied d'égalité, et indiqué qu'il aurait, pour sa part, préféré que cet article vienne immédiatement après les deux premiers articles de la Charte afin de fortifier l'éclairage dynamique du texte.

Quant aux articles 3, 4 et 7 de la Charte qui donnent valeur constitutionnelle aux principes de prévention, de réparation, celui-ci englobant le principe « pollueur-payeur » et d'information et de participation en matière d'environnement et prévoient que la loi en fixe les conditions d'application, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a fait valoir que leur reconnaissance au niveau constitutionnel faisait obligation au législateur d'en tenir compte dans toutes les politiques sectorielles.

Le rapporteur pour avis a ensuite abordé l'examen du très controversé article 5 de la Charte de l'environnement relatif au principe de précaution, insistant sur le fait déclencheur et sur son champ d'application. Il a considéré que la distinction était aussi clairement établie avec le principe de prévention, dont il a fait valoir que l'application en matière d'environnement était de pratique courante, alors que celle du principe de précaution restait exceptionnelle afin de prendre en compte précocement des risques potentiels.

Rappelant tout d'abord les éléments cumulatifs exigés pour la mise en oeuvre du principe de précaution, à savoir une incertitude scientifique sur la réalisation d'un dommage, c'est-à-dire sur l'hypothèse même du risque, en l'état actuel des connaissances scientifiques, d'une part, et le caractère grave et irréversible d'un dommage porté à l'environnement, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a ainsi mis en évidence le rôle stratégique de l'expertise et la nécessité de veiller à ce qu'elle soit collégiale, légitime et indépendante.

Il a ensuite précisé le champ d'application du principe d'action imposé par l'article 5 de la Charte, fondé sur l'anticipation pour prévenir ou limiter les dommages résultant d'un risque potentiel. Relevant qu'à la différence de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, cette obligation d'agir ne s'imposait qu'aux seules autorités publiques -Etat et collectivités territoriales-, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, ayant évoqué les craintes, tout à fait légitimes, des petites communes confrontées à l'absence de moyens d'expertise nécessaires à l'application du principe de précaution, a indiqué que le champ d'intervention des autorités publiques devait être entendu dans le cadre de leurs domaines d'attribution, ainsi que cela avait été précisé, très judicieusement, par l'Assemblée nationale.

Indiquant que le deuxième élément du principe de précaution impliquait l'adoption de mesures provisoires et proportionnées, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a observé que ces mesures pourraient être réversibles ou modifiées en fonction de la progression des connaissances. Il a ensuite considéré que le critère de proportionnalité exigé pour ces mesures devait s'entendre au regard du risque lui-même, mais aussi au travers d'un bilan coût/avantage, tant par rapport aux avantages attendus, que par la prise en compte de l'impact économique des mesures évalué à court et long terme. En définitive, a-t-il ajouté, l'obligation qui pèse sur les autorités publiques leur impose de définir un niveau de risque acceptable afin d'arrêter des mesures limitées à ce qui est effectivement nécessaire.

Puis M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a ajouté qu'il était également fait obligation, de façon concomitante à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées, de poursuivre les recherches afin d'évaluer les risques encourus, ce qui constitue un aiguillon pour la science et l'innovation technologique.

Enfin, a-t-il précisé, le choix, par l'Assemblée nationale, des termes « parer à la réalisation du dommage » plutôt qu'« éviter la réalisation du dommage », indique qu'il n'y a pas une obligation de résultat imposée aux autorités publiques, mais une obligation de recours aux meilleurs moyens disponibles.

S'interrogeant sur le risque d'une judiciarisation de la vie économique et la multiplication des contentieux à la suite de l'introduction dans la Constitution du principe de précaution, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, sans l'exclure, a néanmoins atténué cette crainte, en observant que la constitutionnalisation de la Charte devrait, au contraire, permettre de clarifier la jurisprudence, grâce à la description très précise qu'elle donne du principe de précaution. En ce qui concerne l'éventuelle invocation du principe de précaution dans le contentieux de la responsabilité pénale, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a très clairement écarté cette éventualité en rappelant qu'un texte constitutionnel n'est pas un texte d'incrimination pénale, en application du principe selon lequel la loi pénale est d'interprétation stricte.

Il a ensuite fait valoir, pour s'en féliciter, qu'en dépit du caractère d'application directe de l'article 5 de la Charte, au contraire de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, rien n'interdisait au législateur d'intervenir pour en préciser les conditions de mise en oeuvre, puis il a conclu en demandant à la Commission de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi constitutionnelle qui permet de donner plus de cohérence au droit existant et d'inscrire résolument la préservation de l'environnement dans une démarche de développement durable.

Au cours du très large débat qui s'est alors ouvert, M. Marcel Deneux, après avoir félicité le rapporteur pour avis, ayant fait part de son trouble résultant de l'application du principe de précaution dans des affaires récentes, s'est prononcé en faveur d'une « abstention dubitative », tout en ne demandant qu'à être convaincu.

M. François Fortassin s'est interrogé sur la nécessité d'inscrire le principe de précaution dans la Constitution, eu égard aux nombreux dispositifs juridiques nationaux et communautaires existants. En outre, insistant sur les difficultés de mise en pratique d'un tel principe, il a émis des craintes quant aux définitions, plus ou moins subjectives des différentes notions qui pourraient être en jeu, telles que la dangerosité du tabagisme passif ou des OGM et sur le rôle essentiel dévolu à l'expertise des scientifiques, alors même que les risques encourus sont potentiels. Rappelant l'adhésion des élus locaux à la sauvegarde des milieux naturels, M. François Fortassin a cependant exprimé son inquiétude s'agissant des entraves aux initiatives économiques des collectivités territoriales pouvant résulter de l'application de la Charte. Afin d'illustrer son propos, il a évoqué les risques d'interruption de la construction d'une route en raison de la protection de la migration des crapauds accoucheurs, qui, dans son département, n'arrivent, semble-t-il, à l'âge de la maturité qu'à vingt-cinq ans au lieu de trois ans dans les autres départements.

M. Jean Pépin, acceptant l'idée de l'intégration dans la Constitution de la Charte sur l'environnement, s'est néanmoins interrogé sur la distinction entre le principe de précaution et celui de prévention. Il s'est déclaré gêné par l'interprétation à venir du texte plus que par sa rédaction et il a insisté sur l'inadéquation entre les extrapolations mathématiques à un moment donné et l'oeuvre du temps qui voit se réaliser des progrès inenvisageables à l'époque des prévisions. A titre d'illustration, évoquant un projet de stockage de déchets nucléaires dans son canton dans les années 1986-1992, il a souligné la lente progression des connaissances en ce domaine, puisque la recherche sur les déchets nucléaires n'a débuté qu'en 1983, alors que le Commissariat à l'énergie atomique avait été créé en 1945.

Leur répondant, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a insisté sur le bien fondé de l'objectif de ce projet de loi constitutionnelle, qui est de prévenir toutes les dérives déjà constatées, observant par ailleurs que le principe de précaution n'était pas une nouveauté, mais faisait partie du droit positif, notamment dans le code de l'environnement et dans les traités communautaires. Il a rappelé d'une part que la Charte concernait directement l'environnement et non la santé, et que beaucoup d'exemples évoqués par les commissaires relèvent en réalité du principe de prévention et non de précaution. Relevant que, comme la prévention, la précaution est fille de la prudence, il a fait valoir que l'amélioration des connaissances scientifiques sur un risque potentiel pouvait permettre de sortir du champ d'application du principe de précaution pour appliquer le principe de prévention.

Ayant fait part de ses réserves sur le texte du projet de loi constitutionnelle, et rappelant que l'ampleur du domaine de l'environnement conduirait à prendre en compte les problèmes de santé à l'avenir, M. Philippe Arnaud a craint le risque de paralysie des initiatives économiques dans de nombreux domaines à la suite de l'application de l'article 5 de la Charte. Considérant que la mise en oeuvre du principe de précaution par l'administration conduirait à interdire tout ce qui n'est pas expressément autorisé, M. Philippe Arnaud a pris pour exemple l'arrêt de la construction d'une desserte pour poids lourds dans une zone susceptible d'être intégrée dans le « Réseau Natura 2000 » par la direction régionale de l'environnement au nom de la protection du vison d'Europe, alors même que cette zone ne constitue qu'un habitat potentiel de cet animal.

M. Yves Détraigne a attiré l'attention des commissaires sur la difficulté qui consistait, dans la pratique, à distinguer les cas où le principe de prévention est en jeu parce que le risque est connu et avéré, ainsi que cela fut invoqué dans le cas de l'interdiction de consommation des farines animales, de ceux où il n'est question que de précaution en raison d'un risque qui n'est que potentiel, comme cela fut jugé dans le cas de l'interdiction de la viande bovine. Il s'est également prononcé en faveur de l'intégration, à l'article 5 de la Charte, de la phrase « dans les conditions définies dans la loi » afin de tarir toutes les sources d'inquiétude légitime qui s'expriment face à la multiplication probable du contentieux.

Intervenant tout d'abord au nom de M. Jean-François Legrand, MGérard Bailly a souhaité connaître la juridiction compétente en cas de litige sur l'application du principe de précaution, puis s'est félicité de la référence au développement économique dans l'article 6 de la Charte. Il a ensuite exprimé son désaccord sur l'égale importance qui semblait être établie entre protection de l'homme et protection de l'environnement, soulignant que la seconde ne devait être qu'accessoire. Insistant sur les dérives réalisées au nom de la protection de l'environnement, il a fait valoir que la protection de l'homme, ainsi que sa santé, constituaient des objectifs primordiaux qui ne sauraient souffrir d'atteintes, à inscrire en priorité dans le projet de loi constitutionnelle, devant la préservation de l'environnement.

Après avoir félicité le rapporteur pour avis, pour le travail de synthèse établi tant sur le plan du droit constitutionnel que sur celui des connaissances scientifiques, M. Joseph Kergueris s'est interrogé en premier lieu sur les effets du projet de révision constitutionnelle en matière de contentieux. Faisant valoir qu'un certain nombre d'associations tenteraient d'utiliser les dispositions du texte afin de retarder ou empêcher la réalisation de certains projets, il a exprimé ses craintes quant à la création d'une jurisprudence défavorable aux initiatives économiques. En outre, il a jugé que les dispositions ainsi prises risquaient de porter atteinte à l'attractivité économique de la France, du fait d'un durcissement, en matière d'environnement, bien que, selon le ministère de l'écologie et du développement durable, celles-ci ne soient pas productrices de délocalisations.

M. René Monory a tenu à rassurer les commissaires sur l'absence de laxisme dans le domaine du nucléaire, ainsi qu'il l'avait personnellement constaté à deux reprises, notamment lors de la création des centres de production nucléaire de Civeaux réalisée avec l'aide de M. le Premier ministre Pierre Mauroy, ainsi qu'à l'occasion de la vente de quatre centrales à la Chine.

En réponse, reprenant la distinction à établir entre principe de précaution et principe de prévention, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a opposé la nature du risque en cause, potentiel dans le premier cas, avéré dans le second. Il a indiqué que les juridictions compétentes en matière de responsabilité seraient celles de l'ordre administratif, s'agissant de l'application de l'article 5 de la Charte, et il a considéré que l'articulation et le contenu des considérants permettaient de confirmer la primauté de l'homme en matière environnementale, répondant aux inquiétudes de M. Gérard Bailly.

Il a souligné qu'il appartenait à chaque pays de fixer son niveau d'exigence en matière de protection de l'environnement et qu'en conséquence la recherche scientifique française devait être renforcée afin de favoriser l'innovation technologique et éviter de trop grandes distorsions de concurrence, notamment face aux Etats-Unis, qui non seulement combleront prochainement leur retard en matière de sécurité environnementale, mais imposeront également des normes supérieures, que la France ne pourra éventuellement pas satisfaire. Il a considéré que le législateur pouvait d'ores et déjà préciser l'application de l'article 5 sans qu'il soit besoin d'inscrire « dans des conditions définies dans la loi », et jugé cette intervention hautement souhaitable.

Mme Evelyne Didier regrettant le faible nombre d'auditions organisées en commission sur un sujet aussi important, s'est interrogée sur la mise en oeuvre du principe de précaution, dans des cas où l'environnement causerait des dommages à la santé. Ayant rappelé que les contentieux et les dérives existaient déjà indépendamment de la Charte, elle a souligné le recadrage du dispositif de mise en oeuvre du principe de précaution par le projet de loi et la qualité du travail des scientifiques. Ayant conclu à la nécessité de légiférer à la suite de la constitutionnalisation de la Charte, elle a interrogé M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, sur les intentions du gouvernement.

M. Bruno Sido, a fait part de son inquiétude sur le manque de précision du projet de révision constitutionnelle quant à la distinction à établir entre le champ d'application du principe de précaution et celui de la prévention, puis son souhait de voir le gouvernement se saisir de cette question. Il a ensuite souligné qu'en tout état de cause, et plutôt en dépit qu'à cause de la constitutionnalisation du principe de précaution, les contentieux résultant de la mise en oeuvre de ce principe se poursuivront et constitueront autant d'obstacles aux initiatives locales en matière de développement économique. Il a enfin souligné les risques de voir ce principe servir de fondement à des incriminations pénales par les juges à l'encontre des élus locaux, en dépit des arguments invoqués par les juristes.

Puis M. Jean-Paul Emin, se déclarant proche du parcours intellectuel réalisé par le rapporteur pour avis, s'est interrogé néanmoins sur la cohérence générale de l'application des différentes règles environnementales par différentes entités telles que la direction régionale de l'environnement (DIREN) ou la direction régionale de l'industrie de la recherche et de l'environnement (DRIRE). Il a alors proposé qu'une réflexion s'ouvre à l'occasion de l'examen du projet de loi, sur une nouvelle organisation, verticale et non transversale, des services techniques de l'Etat sous l'autorité déconcentrée des préfets, afin de garantir cette cohérence et faciliter l'action économique des collectivités territoriales.

M. François Gerbaud, relevant « l'étrange PACS entre la sémantique et l'environnement » mêlant « prévention précautionneuse et précaution préventive », a d'abord insisté sur les difficultés d'application du projet de loi et les risques d'entrave à l'action des collectivités territoriales qu'il induisait. S'agissant de la mise en oeuvre du principe de précaution, il a conclu en citant Talleyrand, que l'« on ne va jamais aussi loin que lorsque l'on ne sait pas où l'on va.»

M. André Trillard, observant que les questions environnementales ont été dans le passé soit abordées dans une démarche de qualité, soit au contraire à travers le prisme des peurs qui placent les individus dans un refus du progrès, s'est déclaré préoccupé de la manière dont le principe de précaution était défini par l'article 5 de la Charte, jugeant que sa formulation se fondait sur le refus de prise de risque, ce qui risquait d'entraîner un arrêt de la recherche et donc du progrès.

Soulignant les légitimes inquiétudes des élus locaux quant à l'application de l'article 5 de la Charte, d'autre part, M. Gérard César, a proposé qu'une définition claire des principes de précaution et prévention soit introduite dans le projet de révision constitutionnelle, afin d'éviter qu'ils ne soient pas attraits devant les juridictions de manière abusive.

M. Jean Boyer s'est déclaré choqué par l'introduction, à l'article 2 de la Charte, de l'obligation incombant à tout citoyen s'agissant de la préservation et de l'amélioration de l'environnement.

M. Max Marest, étant convenu de la nécessaire concision d'une loi constitutionnelle, a néanmoins souhaité que le législateur intervienne afin d'encadrer ce dispositif.

Lui répondant, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a relevé que l'article 5 de la Charte exigeait, pour la mise en oeuvre du principe de précaution, l'hypothèse d'un dommage grave et irréversible à l'environnement, et que l'exigence des précautions à prendre s'agissant du domaine de la santé résultait tant de la jurisprudence communautaire que nationale. Il a considéré que l'encadrement normatif opéré par l'article 5, complété par des textes législatifs ultérieurs, était de nature à rassurer les chefs d'entreprise, même si toutes les difficultés d'interprétation n'étaient pas résolues pour autant. L'article 5 de la Charte traduit désormais une opération d'action anticipatrice pour passer à la réalisation d'un dommage.

Il a également fait valoir que les associations de protection de l'environnement étaient globalement satisfaites de l'avancée constituée par la constitutionnalisation des principes de préservation de l'environnement.

Il a précisé que l'article 7 de la Charte de l'environnement transposait la convention d'Aarus sur l'information et la participation dans le domaine de l'environnement, mais que la prise en compte de la démocratie participative ne devait pas aboutir à la remise en cause du pouvoir décisionnel reconnu aux élus locaux.

S'agissant de la plus grande cohérence souhaitée pour l'application de la réglementation relative à l'environnement par l'administration déconcentrée, il a considéré inopportune l'éventuelle fusion envisagée entre les DRIRE et les DIREN.

M. Jean-Paul Emorine, président, après s'être félicité de la qualité des interventions des commissaires, a déclaré, s'agissant de l'article 5 de la Charte, partager le souhait exprimé par la majorité d'entre eux sur la nécessité d'une loi pour préciser un texte de valeur constitutionnelle nécessairement concis par nature.

Après les explications de vote exposées par MM. Gérard Bailly, Daniel Raoul et Philippe Arnaud, la commission a donné un avis favorable à l'adoption du projet de loi constitutionnelle sans modification, les groupes communiste républicain et citoyen et de l'union centriste s'abstenant, le groupe socialiste votant contre.

Aménagement du territoire - Modalités de calcul de la participation pour voirie et réseaux - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Philippe Arnaud sur la proposition de loi n° 311 (2003-2004) de M. François Marc et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée relative aux modalités de calcul de la participation pour voirie et réseaux (PVR).

Après avoir rappelé que l'objectif initial de la participation pour voies nouvelles et réseaux (PVNR), créée par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », était de sécuriser juridiquement les participations financières demandées par les communes aux particuliers pour la construction de nouveaux équipements, M. Philippe Arnaud, rapporteur, a déploré que celle-ci ait en fait connu, dans la pratique, beaucoup de vicissitudes et engendré des contentieux. L'interprétation restrictive de la « loi SRU » par de nombreuses directions départementales de l'équipement et par la circulaire n° 2001-56 du 27 juillet 2001 relative à la réforme des contributions d'urbanisme ont conduit, a-t-il précisé, à la quasi-paralysie de l'urbanisme dans les petites communes rurales.

Le rapporteur a ensuite expliqué que, prenant en compte les nombreuses interpellations des parlementaires à ce sujet, la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003, dite « Urbanisme et Habitat », avait créé la participation pour voirie et réseaux (PVR) et apporté des réponses aux problèmes soulevés par l'application de la loi SRU. Il a ajouté que les parlementaires avaient pris soin d'adopter une disposition prévoyant un rapport d'évaluation par le Gouvernement sur l'application de la PVR, un an après la promulgation de la loi « Urbanisme et Habitat ». Après avoir indiqué que cette loi était d'application directe, il a précisé que la circulaire d'application, auxiliaire précieux pour les maires, ne datait que de février 2004 et qu'en conséquence, l'application effective du nouveau régime était très récente. Il a enfin indiqué que, d'après les informations recueillies, le rapport d'évaluation devrait être présenté d'ici à la fin de l'année 2004.

S'agissant du fond du dispositif, M. Philippe Arnaud, rapporteur, a expliqué qu'il visait à exclure, de la surface prise en compte pour le calcul de la PVR, les terrains déclarés inconstructibles par les documents d'urbanisme. Rappelant que la loi « Urbanisme et Habitat » comportait des dispositions visant à exclure les terrains inconstructibles pour des raisons physiques ou en raison de servitudes édictées par des autorités autres que communes, il a ajouté que le dispositif de la proposition de loi, qui allait bien au-delà, n'était pas acceptable. Il a d'abord estimé qu'il introduisait une insécurité juridique importante, au détriment des communes, et faisait courir des risques d'incompatibilité avec le principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques. En effet, a-t-il expliqué, si les communes modifient ultérieurement leur document d'urbanisme, et rendent constructibles des terrains retranchés du calcul de la PVR, les premiers constructeurs auront versé une participation calculée sur la base d'une clé de répartition inéquitable. Estimant que, dans une telle situation, les communes seraient exposées à des risques financiers majeurs, liés aux actions en répétition de l'indu que pourraient engager les redevables de la PVR, il a indiqué qu'il s'agirait d'un retour à la situation antérieure à la loi « SRU », marquée par des contentieux et une insécurité juridique très grande.

Soulignant ensuite que les documents d'urbanisme avaient une vocation naturelle à évoluer, puisqu'ils s'adaptent à l'évolution du développement de la commune, et renvoient à des orientations de fond pouvant varier à l'occasion d'un renouvellement politique, il a indiqué que le dispositif de la proposition de loi priverait les communes de cette possibilité, puisqu'elles ne pourraient plus, en principe, déclarer constructibles les terrains retranchés du calcul de la PVR.

Estimant louables les intentions des auteurs de la proposition de loi, à savoir protéger les finances locales, M. Philippe Arnaud, rapporteur, a fait part de ses craintes que le remède proposé ne soit pire que le mal. Revenant sur les exemples de terrains cités par la proposition de loi, il a indiqué qu'un stade de football pouvait toujours être déplacé et qu'il était, de surcroît, destiné à accueillir des équipements publics tels que les réseaux d'eau, d'électricité, d'assainissement. Il a également indiqué, à ce propos, qu'il était d'ores et déjà possible d'exclure du calcul les terrains déjà desservis par les réseaux, à condition qu'il n'y ait pas de travaux de voirie.

En conclusion, il a souhaité que soient respectés les engagements pris dans la loi « Urbanisme et habitat » sur l'évaluation du dispositif de la PVR un an après la promulgation de la loi, et souligné à nouveau le danger que risquait de faire courir la proposition de loi aux communes. Évoquant enfin la question plus spécifique des cimetières, caractérisés par une inconstructibilité irréversible, il a indiqué que les auteurs de la proposition de loi pourraient opportunément aborder cette question lors du débat à l'occasion que ne manquerait pas de susciter le rapport d'évaluation sur la PVR, la loi pouvant, le cas échéant, être modifiée sur ce point précis.

Puis la commission, suivant l'avis de son rapporteur, n'a pas adopté la proposition de loi.

Organismes extraparlementaires - Désignation de candidats

La commission a décidé de proposer M. François Gerbaud, comme candidat titulaire, et M. Daniel Reiner, comme candidat suppléant, à la nomination du Sénat, pour siéger au sein du Conseil supérieur de l'aviation marchande.

Elle a ensuite proposé M. Marcel Deneux comme candidat pour siéger au sein de la Commission consultative pour la production de carburants de substitution.