Travaux de la commission des affaires économiques



Mardi 9 novembre 2004

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

Transports - Aviation - Aéroports - Examen des amendements

La commission a examiné les amendements sur le projet de loi n° 452 (2003 - 2004) relatif aux aéroports.

La commission a rendu un avis défavorable à la motion n° 69 présentée par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, à la motion n° 11 présentée par M. Michel Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen tendant à opposer la question préalable, ainsi qu'à la motion n° 33 présentée par M. Daniel Reiner et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, tendant au renvoi en commission.

A l'article 1er (transformation de l'établissement public ADP en société anonyme), elle s'est prononcée contre l'amendement n° 12 de M. Michel Billout et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que contre l'amendement n° 34 présenté par M. Daniel Reiner et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés. Elle s'en est remise, à l'unanimité, à la sagesse du Sénat, concernant l'amendement n° 35 de MM. Daniel Reiner et Jean Desessard et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

A l'article 2 (déclassement et transfert des biens du domaine public aéroportuaire), la commission a émis un avis défavorable aux amendements n°s 13, 14, 15 de M. Michel Billout et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, aux amendements n°s 36, 37, 38 -après avoir entendu les observations de MM. Gérard César et Daniel Reiner- et 39 de M. Daniel Reiner et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, ainsi qu'à l'amendement n° 61 présenté par M. Daniel Soulage.

A l'article 3 (retour à l'Etat des plus-values foncières en cas de fermeture d'un aéroport), elle s'est prononcée contre l'amendement n° 16 présenté par M. Michel Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi qu'à l'amendement n° 40 de M. Daniel Reiner et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

A l'article 4 (transfert des droits et obligations d'ADP), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 17 de M. Michel Billout et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi qu'à l'amendement n° 41 de M. Daniel Reiner et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En ce qui concerne l'article 5 (détention du capital d'ADP et gouvernement d'entreprise), elle s'est prononcée contre l'amendement n° 18 présenté par M. Michel Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, et contre les amendements n° s 42 et 43 de M. Daniel Reiner et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

A l'article 6 (articles L. 241-1 à L. 251-3 du CAC - missions d'ADP), la commission a donné un avis défavorable aux amendements n° s 19 et 20 de M. Michel Billout et des membres du groupe communiste républicain et citoyen et aux amendements n° s 44, 45, 46, 48 et 50 de M. Daniel Reiner et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Elle a demandé le retrait du sous-amendement n° 49 présenté par M. Daniel Reiner et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, à l'amendement n° 2 de la commission des affaires économiques.

Elle a également demandé le retrait de l'amendement n° 47 de M. Daniel Reiner et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

La commission a enfin suggéré à M. Daniel Soulage de transformer son amendement n° 62 en sous-amendement à l'amendement n° 2 de la commission, ce sous-amendement pouvant recevoir un avis favorable, alors que l'amendement se verrait opposer un avis défavorable.

A l'article 7 (exploitation des grands aéroports régionaux), elle a souhaité donner un avis défavorable aux amendements n°s 21 et 22 de M. Michel Billout et des membres du groupe communiste républicain et citoyen. Quant à l'amendement n° 66 rectifié de MM. Pierre Laffitte, Jacques Pelletier et plusieurs de leurs collègues, la commission a jugé qu'il était satisfait par l'amendement n° 4 de la commission. Elle a aussi donné un avis défavorable à l'amendement n° 51 de M. Daniel Reiner et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés. Aux mêmes auteurs, elle a demandé le retrait de leur amendement n° 52, après avoir entendu l'intervention de M. Daniel Reiner. M. Jean-François Le Grand, rapporteur, a indiqué qu'il demanderait toutefois à entendre le Gouvernement sur la question soulevée par cet amendement.

A l'article additionnel avant l'article 8 (commission de conciliation aéroportuaire), la commission a rectifié son amendement n° 6. Au sous-amendement n° 70, après l'intervention de MM. Jean Desessard et Jean-François Le Grand, rapporteur, la commission a donné un avis défavorable, le groupe socialiste, apparentés et rattachés s'abstenant.

A l'article 8 (régulation économique des redevances), la commission a demandé le retrait de l'amendement présenté par M. Michel Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen n° 24 et elle a donné un avis défavorable à leur amendement n° 23. Après les interventions de MM. Daniel Reiner et Jean Desessard, elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 53 de M. Daniel Reiner et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, ainsi qu'à l'amendement n° 54 des mêmes auteurs. Elle a demandé le retrait de l'amendement n° 55 des mêmes auteurs et a jugé leur amendement n° 56 satisfait par l'amendement n° 6 de la commission. Elle a émis la même demande de retrait de l'amendement n° 64 de M. Daniel Soulage. Elle a donné un avis favorable à l'amendement n° 65 de M. Daniel Soulage et les membres du groupe de l'union centriste et à l'amendement n° 67 rectifié de MM. Pierre Laffitte et de plusieurs de ses collègues.

A l'article 9 (perception de redevances domaniales par les exploitants d'aérodromes appartenant à des collectivités territoriales), la commission a rendu un avis défavorable à l'amendement n° 25 de M. Michel Billout et des membres du groupe communiste républicain et citoyen ainsi qu'à l'amendement n° 57 de M. Daniel Reiner et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés. Elle a demandé à ces mêmes auteurs de retirer leur amendement n° 58.

A l'article 10 (voies de recouvrement des redevances aéroportuaires), elle a souhaité donner un avis défavorable à l'amendement n° 26 de M. Michel Billout et des membres du groupe communiste républicain et citoyen.

A l'article 11 (contrôle des exigences de sécurité et de sûreté par les agents de l'Etat), elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 27 présenté par M. Michel Billout et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, de même que, sur l'article 12 (base législative de l'assistance en escale), à l'amendement n° 28 des mêmes auteurs.

A l'article 13 (mesures de coordination juridique), la commission n'a pas approuvé l'amendement n° 29 de M. Michel Billout et des membres du groupe communiste républicain et citoyen, ni l'amendement n° 59 de M. Daniel Reiner et des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

A l'article 14 (validation législative d'actes d'ADP conclus par délégation de signature), l'amendement n° 30 de M. Michel Billout et des membres du groupe communiste républicain et citoyen n'a pas été approuvé.

A l'article 15 (gratuité des opérations prévues au titre 1er), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 31 de M. Michel Billout et des membres du groupe communiste républicain et citoyen et a demandé le retrait de l'amendement n° 68 rectifié présenté par M. Pierre Laffitte et plusieurs de ses collègues, après un échange de vues entre MM. Gérard César et Jean-François Le Grand, rapporteur.

Enfin, à l'article 16 (date d'entrée en vigueur des dispositions relatives à ADP), la commission a rendu un avis défavorable à l'amendement n° 32 de M. Michel Billout et des membres du groupe communiste républicain et citoyen ainsi qu'à l'amendement n° 60 de M. Daniel Reiner et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mercredi 10 novembre 2004

- Présidence de M. Jean-Paul Emorine, président. -

PJLF 2005 - Industries agricoles et alimentaires - Examen du rapport pour avis

La commission a tout d'abord examiné le rapport pour avis de M. Bernard Dussaut sur les crédits consacrés aux industries agricoles et alimentaires (IAA). Exposant tout d'abord les résultats enregistrés par le secteur des IAA sur l'exercice 2003-2004, il a fait état d'une stagnation globale, tout en précisant qu'elle intervenait dans une conjoncture économique difficile ayant vu d'autres secteurs comparativement bien plus affectés.

Détaillant les différents indicateurs pour l'année 2003, il a indiqué que l'indice de production des IAA avait stagné, après avoir crû de 1,4 % l'année passée ; que le chiffre d'affaires, qui avait augmenté de 2,3 % en 2002, n'avait progressé que de 0,4 % ; que l'emploi salarié était resté en hausse, quoique très faible, avec la création de 900 postes sur l'année ; que les prix avaient augmenté de 0,9 % et que la consommation des ménages enregistrait un faible recul de 0,3 %.

S'agissant du commerce extérieur agroalimentaire, il a observé que son excédent augmentait de 51 millions d'euros et atteignait 8,5 milliards d'euros, tout en nuançant ce succès dû à une moindre augmentation des exportations que celle des importations.

Tenant cependant à relativiser cette morosité globale du secteur des IAA, il a indiqué qu'elle était à mettre au regard de la situation de l'industrie manufacturière, qui a enregistré pour l'année 2003 une baisse de 1 % de son activité, un recul de 0,7 % de son chiffre d'affaires et une perte de plus de 90.000 emplois. Il a par ailleurs précisé que les premières données disponibles pour les IAA en 2004 faisaient état de chiffres encourageants.

Puis il a insisté sur les importantes faiblesses structurelles affectant le secteur des IAA en France.

Soulignant tout d'abord que ses parts de marché étaient en recul régulier, il a remarqué que notre pays, bien que continuant d'occuper la deuxième place mondiale pour les exportations de produits agroalimentaires, ne bénéficiait que de façon marginale de l'ouverture des marchés en croissance. Il a regretté à cet égard que, malgré la signature d'un important accord de livraison de blé pour la Chine cette année, les Etats-Unis devancent largement la France au niveau des échanges agroalimentaires avec ce pays.

Puis il a relevé que le tissu industriel du secteur agroalimentaire faisait apparaître de très fortes concentrations contrastant avec l'existence, dans certaines filières, d'une multitude de petites, voire très petites, et moyennes entreprises, en souhaitant que le Partenariat national pour le développement de l'industrie agroalimentaire, en cours d'élaboration par le Gouvernement, leur donne les moyens d'accroître leur compétitivité.

Notant que le secteur des IAA demeurait créateur net d'emplois, il a observé qu'il connaissait de plus en plus de difficultés pour recruter et fidéliser son personnel, ce qu'il a attribué tant à la faiblesse des salaires qu'à l'importance des formes de travail précaire, à la pénibilité du travail ou au peu d'offre de travail qualifié.

Soulignant ensuite que le partage de la valeur ajoutée avec la grande distribution constituait un problème récurrent depuis plusieurs années, il a annoncé qu'il avait fait l'objet de deux nouvelles actions récemment : d'une part, la signature d'un accord visant à diminuer de 2 % le prix des produits de grande consommation, et d'autre part, l'élaboration d'un projet de loi s'inspirant des conclusions de la commission Canivet et visant à restaurer le libre jeu du marché afin de faire baisser les prix au profit du consommateur final.

Soulignant la faiblesse des efforts de recherche et de développement dont continuait de pâtir le secteur des IAA, ainsi que la concentration des actions à la fois dans les grands groupes et en aval des filières, il a estimé que le problème se situait moins au niveau de l'existence d'instruments publics favorisant la recherche que dans leur éparpillement et dans leur insuffisante utilisation.

Remarquant que le dispositif de promotion des produits agroalimentaires ne donnait pas entièrement satisfaction, il a observé que la politique des signes de qualité était limitée à un nombre restreint de produits et remise en cause au niveau international, tandis que les actions de promotion des produits français à l'étranger étaient menées pour l'essentiel par une société - la SOPEXA - dont le rapport récent de deux sénateurs, MM. Joël Bourdin et Jean-Louis Masson, faisait état des faiblesses.

Indiquant ensuite que deux thèmes spécifiques seraient approfondis dans le cadre du rapport pour avis, il a tout d'abord évoqué le premier, consacré à l'implication des IAA dans les questions liées à la nutrition et à l'équilibre alimentaire.

Il a expliqué que les comportements des français en matière alimentaire avaient évolué de façon contrastée ces dernières années, la diminution des rations alimentaires et l'augmentation des préoccupations de santé s'accompagnant d'une perte des notions d'équilibre alimentaire et d'une multiplication des problèmes de surpoids, notamment chez les jeunes.

Soulignant que les pouvoirs publics avaient rapidement pris des mesures, il a indiqué que les industries agroalimentaires avaient longtemps été accusées de favoriser la suralimentation ou la malnutrition, ajoutant que ce n'était que depuis peu, et sous la pression publique, qu'elles acceptaient de prendre leurs responsabilités et de s'imposer des engagements pour circonscrire ce phénomène.

Abordant alors le second thème approfondi dans le rapport, traitant des biocarburants, il a estimé qu'ils possédaient, malgré la confidentialité de leur marché, des atouts indéniables, qu'il s'agisse de leur contribution à la réduction de l'effet de serre ou des perspectives qu'ils représentent en matière d'emplois et de valorisation des terres agricoles.

Indiquant que le rapport pour avis revenait sur le dispositif, tant européen que national, tendant à favoriser leur développement, il a ensuite exposé trois des enjeux auxquels le secteur était aujourd'hui confronté : l'accroissement de sa compétitivité pour venir concurrencer les hydrocarbures, la mise en place de stratégies visant à affronter la concurrence croissante des pays tiers et le développement de la recherche afin de mettre au point de nouvelles sources de carburant propre.

S'agissant enfin de l'examen des crédits, il a jugé que les dotations affectées au secteur des IAA pour 2005 faisaient état d'évolutions contrastées et globalement inquiétantes. Il a tout d'abord déploré la forte diminution des crédits consacrés à la politique industrielle, qui affecte des dotations consacrées à la valorisation des produits et au conseil des entreprises, dont il a rappelé qu'elles avaient déjà été largement amputées l'année passée.

Se félicitant que les crédits consacrés à la recherche augmentent de 2 millions d'euros, il a précisé que les deux lignes budgétaires bénéficiant des plus fortes revalorisations étaient la subvention de fonctionnement de l'INRA et le financement de la recherche appliquée au secteur agroalimentaire. Il a toutefois tenu à nuancer ces augmentations en indiquant qu'elles ne faisaient que combler une partie du retard de financement accumulé dans le secteur de la recherche depuis plusieurs années et qu'elles devraient donc être pérennisées.

Annonçant que les crédits destinés à la promotion des produits agricoles et alimentaires étaient en reconduction, il a estimé qu'une augmentation de la subvention à la SOPEXA aurait été la bienvenue, alors qu'un rapport sénatorial concluait à sa nécessaire recapitalisation.

Après avoir mentionné la baisse importante des crédits destinés à la politique de la qualité, due notamment à une forte diminution des dotations affectées à la sélection animale et végétale, il a indiqué que les crédits en faveur de la sécurité alimentaire étaient en quasi-reconduction, la très faible hausse des dotations en faveur de l'AFSSA équilibrant la légère baisse des crédits destinés à l'hygiène alimentaire en général.

Il s'en est enfin remis à la commission s'agissant de l'adoption des crédits de l'agriculture consacrés au secteur agroalimentaire.

M. André Lejeune a considéré que les tendances décrites dans le rapport concernant le secteur des IAA étaient inquiétantes et rejoignaient des préoccupations affectant tout le secteur industriel dans son ensemble, s'agissant notamment des difficultés qu'éprouvait notre pays à organiser la promotion de ses produits sur les marchés en expansion. Regrettant que les crédits finançant la recherche aient été négligés depuis plusieurs années, il a estimé que des efforts substantiels devraient être consentis à tous les niveaux pour que la France conserve son rang sur le marché de l'agroalimentaire.

Après que M. Georges Gruillot s'est interrogé sur les effets prétendument bénéfiques sur l'environnement des biocarburants, dont il a souligné que la combustion dégageait du CO², M. René Beaumont a tenu à préciser que la faiblesse des exportations de céréales françaises vers les marchés asiatiques durant l'année 2003 s'expliquait en grande partie par la faiblesse de la production nationale due à de mauvaises conditions climatiques. Puis il a insisté sur le problème des farines animales résultant des productions carnées, regrettant qu'elles continuent à être détruites et perçues négativement par l'opinion publique, alors qu'elles ne présentent pas de toxicité et pourraient être utilisées à des fins judicieuses.

Répondant aux divers intervenants, M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis, a indiqué :

- que la qualité des produits français n'était pas en cause dans les problèmes de perte de parts de marché nationales, mais que des efforts devraient être réalisés pour améliorer leur promotion dans les régions en expansion ;

- que l'impact environnemental positif des biocarburants provenait du fait que le CO² dégagé par leur combustion était compensé par celui qui avait été absorbé par la plante durant sa croissance ;

- que l'opportunité de la destruction des farines animales, pour laquelle des crédits étaient prévus chaque année dans le projet de budget, devrait effectivement faire l'objet d'une réflexion approfondie.

Indiquant avoir participé, au ministère en charge de l'agriculture, à un groupe de travail sur l'équarrissage, M. Jean-Paul Emorine, président, a fait observer que les professionnels du secteur avaient proposé d'utiliser les farines animales, ajoutant qu'une réflexion était engagée sur ce thème et devrait aboutir avant l'examen en deuxième lecture du projet de loi relatif aux territoires ruraux.

M. Daniel Raoul a souligné, s'agissant des biocarburants, que le volume de CO² absorbé durant leur croissance par les plantes dont ils sont issus n'était pas supérieur à celui capté par d'autres types de plantes. Notant que les bus fonctionnant au diester dégageaient une odeur désagréable et que les quantités d'intrants utilisées pour produire des biocarburants devaient être prises en compte, il a appelé à l'élaboration d'un bilan environnemental global concernant les biocarburants, estimant par ailleurs que l'utilisation du gaz naturel pour alimenter les moteurs de véhicule n'était pas dépourvue d'inconvénients de ce point de vue.

M. Jean-Paul Emorine, président, a noté avec satisfaction que les crédits destinés à financer la recherche augmentaient et a estimé que la simple reconduction des dotations de la SOPEXA n'était pas un motif d'inquiétude dans la mesure où les entreprises étaient tout aussi efficacement capables d'assurer la promotion de leurs produits.

M. Bernard Piras a toutefois fait observer que l'augmentation de 78 % de certains crédits affectés à la recherche, à laquelle il avait été fait allusion, ne pouvait concerner que de petites sommes, et M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis, a précisé qu'il s'agissait d'une dotation de l'ordre de 5 millions d'euros.

A la suite de ces interventions et du bref débat qui les a suivi, la commission a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits destinés au financement du secteur des industries agroalimentaires pour 2005, les groupes socialiste, apparentés et rattachés, et communiste républicain et citoyen s'abstenant.

PJLF pour 2005 - Industrie - Examen du rapport pour avis

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, a indiqué que le Sénat s'apprête à examiner les crédits de l'industrie au moment où ce secteur apparaît particulièrement fragilisé, pour des raisons conjoncturelles mais aussi structurelles. Il a précisé que les raisons conjoncturelles tenaient à trois années de récession, dont notre économie en général, et nos industries en particulier, ne sortent que depuis quelques mois. Il a ainsi rappelé que malgré une indéniable reprise de l'activité en 2004, avec un taux de croissance de 2,5 %, ce n'est qu'au printemps dernier que la production industrielle retrouvait tout juste son niveau de 2000. Les taux de marge des entreprises du secteur commencent juste à se redresser après avoir atteint leur niveau le plus faible en 2003, suite à 5 années de baisse ininterrompue. De même, les entreprises industrielles commencent tout juste à réduire les importants stocks constitués en 2002 et 2003 et demeurent encore prudentes quant à la reprise attendue des investissements, ces derniers ayant baissé de 18 % depuis 2002.

Il a présenté les conséquences de cette conjoncture sur l'emploi salarié dans les branches industrielles, qui continue de diminuer, avec une perte de 70 000 emplois en 2004.

Toutefois, il a estimé qu'il n'était pas irréaliste de prévoir que la poursuite du rythme de croissance actuel de 2,5 % en 2005 permette la poursuite de l'amélioration récente.

Il a aussi tenu à attirer l'attention de la commission sur le fait que la situation de l'industrie française ne résultait pas seulement de la mauvaise conjoncture de ces dernières années ou de l'appréciation de l'euro.

A ce titre, il a fait état d'une détérioration structurelle de la compétitivité française.

Il a ainsi rappelé que malgré la reprise du commerce mondial en 2003 (+ 4,5 % en volume), les exportations industrielles françaises se repliaient (-1,6 %), sans doute du fait d'une spécialisation géographique de nos exportations structurellement faible dans les zones actuellement les plus porteuses (Asie, États-Unis et PECO) ainsi que du recul temporaire du secteur aéronautique, tout ceci aboutissant à une diminution de nos parts de marché en volume et à une dégradation de notre solde extérieur industriel en 2003.

Il a spécifié que cette détérioration structurelle affectait moins fortement les biens d'équipement et les biens intermédiaires que le secteur des biens de consommation, dans lequel la demande intérieure profite surtout aux importations (habillement, chaussure, électronique...), à l'exception des produits à très forte valeur ajoutée de l'industrie pharmaceutique. Il s'est aussi inquiété de la dégradation de la position technologique de la France depuis quelques années, en rappelant que les entreprises françaises déposent moins de demandes de brevets que leurs principales concurrentes étrangères. Il a ainsi indiqué que notre part de marché à l'exportation dans le domaine des hautes technologies connaît un décrochage récent et que notre excédent rapporté aux importations mondiales reculait de 8 % par an depuis 1995.

Il a invité les membres de la commission à garder ce contexte à l'esprit au moment de l'examen de l'avis relatif aux crédits consacrés à l'industrie par le projet de loi de finances pour 2005.

Il a rappelé que, conformément aux règles de la commission, l'avis présenté ne traitait pas des crédits relatifs aux secteurs de l'énergie ni de ceux consacrés aux postes et télécommunications, qui font l'objet d'avis séparés compte tenu de leurs fortes spécificités. Il a toutefois jugé utile de resituer les crédits dans le cadre plus général du ministère délégué à l'industrie ainsi que de l'ensemble du ministère de l'économie des finances et de l'industrie (MINEFI), en particulier dans la perspective de la loi organique sur les lois de finances.

Il a indiqué que les crédits de l'industrie (hors énergie et postes et télécommunications) passaient de 772 à 688 millions d'euros, connaissant ainsi une baisse de 11 %, plus sensible que celle affectant l'ensemble des crédits du MINEFI (-1%). Il a toutefois tenu a précisé que cette baisse avait essentiellement un caractère technique. Il a en effet spécifié qu'elle provenait pour 36,93 millions d'euros de la débudgétisation, exigée par la LOLF, des centres techniques industriels et pour 70,1 millions d'euros de la diminution programmée du soutien d'état à la construction navale. Il a rappelé que cette dernière baisse ramenait les crédits de paiement au niveau des besoins découlant des commandes enregistrées avant le 31 décembre 2000, date à laquelle les aides à la commande ont été interdites par un règlement communautaire.

Il a surtout tenu à préciser que ces baisses ne faisaient pas obstacle au maintien d'une vraie priorité en faveur de l'innovation industrielle. Il a ainsi fait état de l'augmentation des crédits de l'ANVAR et des écoles d'ingénieurs financées par le ministère (+23 millions d'euros au total) et surtout de l'effort de dépense fiscale sans précédent en faveur de la compétitivité industrielle.

A ce titre, il a souhaité approfondir l'analyse du plan anti-délocalisations du gouvernement qui mobilise 800 millions d'euros de dépense fiscale nouvelle. Il a indiqué que son avis présentait une étude de ce plan à l'aune du rapport d'information présenté par M. Francis Grignon et lui-même sur les délocalisations et adopté par la commission le 23 juin 2004.

Il a salué le volontarisme de ce plan ambitieux qui repose sur quatre volets : l'incitation aux relocalisations, la prévention des délocalisations dans les territoires fragiles, la création de pôles de compétitivité et la baisse générale de l'impôt sur le revenu. Il a livré quelques unes des observations formulées dans l'avis, en insistant sur la proposition d'instauration d'une TVA de compétitivité avancée par le rapport déjà évoqué et qui consisterait au transfert d'une partie des cotisations sociales sur la TVA, majorée à cet effet. Enfin, M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, a conclu sa présentation en regrettant que la proposition sénatoriale ne soit pas reprise dans le plan du gouvernement. Il a toutefois considéré que l'augmentation de 800 millions d'euros constituait un signal très fort en faveur du retour de la politique industrielle annoncée par le Président de la République. Il a ainsi proposé à la commission un avis favorable sur les crédits de l'industrie (hors énergie et postes et télécommunications) présentés dans le projet de loi de finances pour 2005.

M. Daniel Raoul a fait part des plus fortes réserves quant à l'assimilation de moindres rentrées d'impôts à des dépenses, M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, lui rappelant que la « dépense fiscale », privilégiée dans le plan du gouvernement, était bien un type de dépense publique et qu'elle constituait à ses yeux un instrument adapté à la question des délocalisations.

M. Daniel Raoul a ensuite demandé des précisions quant à la comptabilisation des emplois de services aux industries dans les statistiques présentées par le rapporteur et quant à l'articulation globale des mesures prises pour l'industrie avec les crédits consacrés à la recherche.

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, a répondu à la première question en indiquant que les statistiques intégraient non seulement l'emploi industriel mais aussi l'emploi dans les services à l'industrie. Il a en outre indiqué que les dépenses d'aide à l'innovation des entreprises s'articuleraient dès l'an prochain avec les dépenses de recherche dans la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » prévue dans le cadre de la LOLF. Pour 2005, il a tenu à préciser que les 800 millions de moyens nouveaux pour le plan anti-délocalisations s'ajoutaient quasi-intégralement au milliard d'euros supplémentaire prévu pour la recherche, puisque les doublons entre les deux plans n'excédaient pas 50 millions d'euros.

M. Daniel Raoul a exprimé le souhait que soient développées les démarches collectives de mises en commun de ressources qui s'avèrent souvent indispensables pour permettre l'accès à l'innovation des petites et moyennes industries.

Une préoccupation similaire de mise en commun des moyens a été exprimée par M. René Beaumont, s'agissant de la coordination entre les différents organismes et programmes de recherche, et il a cité l'exemple de la recherche agronomique et de la recherche vétérinaire qui se développent chacune sans réel souci de cohérence.

M. René Beaumont s'est aussi joint à la question posée par M. Joël Bailly, mettant en garde contre les dangers présentés par les zones telles que les pôles de compétitivité en termes des délocalisations intra ou interrégionales, dans la mesure où elles présentent un risque pour l'aménagement des territoires situés hors de ces zones.

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, s'appuyant sur les travaux du groupe de travail sur les délocalisations dans les industries de main-d'oeuvre qu'il avait présidé, a répondu qu'il ne fallait pas exclure a priori que la politique de lutte contre les délocalisations puisse aboutir à des relocalisations entre les territoires dès lors qu'elles profitent à la compétitivité et à l'attractivité d'ensemble de l'économie française.

M. Gérard Le Cam a tenu à rappeler que le phénomène des délocalisations était le corollaire de la recherche du profit maximal qui consiste à diminuer tous les coûts, en particulier de main-d'oeuvre, citant à cet égard une entreprise de sa région engagée dans une logique de délocalisation en Pologne. Il a souligné qu'il était impossible de remporter cette course à la baisse des coûts et regretté que le plan gouvernemental s'oriente vers la multiplication des aides et des baisses de charges, sans mise en place de mesures coercitives contre les entreprises qui délocalisent.

En réponse, M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, a indiqué que, dès lors que la course aux coûts avec les pays à bas salaires était évidemment impossible, l'innovation demeurait la clé de notre compétitivité, surtout si elle était associée à des mesures de protection intelligente comme la TVA de compétitivité.

M. René Beaumont a plaidé en faveur d'une plus forte implication et d'une plus large communication de la commission en faveur de cette TVA de compétitivité.

M. Daniel Raoul a souscrit à cette idée en rappelant qu'il s'agit d'une question à traiter au plan européen.

M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, a confirmé la nécessité d'une forte action de promotion de la TVA de compétitivité, en indiquant que le débat budgétaire sur les prélèvements obligatoires devrait en donner l'occasion. Sur la question du cade européen, il a rappelé que le groupe de travail sur les délocalisations avait eu le sentiment d'une certaine ouverture possible de la part de la Commission européenne vis-à-vis de cette taxe dont il existe un équivalent au Danemark.

M. Daniel Raoul a ensuite tenu à souligner le lien indissociable existant entre la réforme de la recherche, en particulier fondamentale, et les problématiques d'innovation industrielle traitées par la commission. A ce titre, il a exprimé le souhait d'une forte implication de la commission dans la préparation et l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation sur la recherche. Il a renouvelé son souhait de voir la commission organiser un débat global sur la recherche et l'innovation. M. Christian Gaudin, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il partageait ce souci et le président Jean-Paul Emorine a rappelé que les questions de recherche relevaient des compétences traditionnelles de la commission.

A l'issue de ces débats, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'industrie, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstenant, le groupe socialiste s'abstenant également mais indiquant que ses membres voteraient vraisemblablement contre en séance publique.

PJLF 2005 - Urbanisme - Examen du rapport pour avis

La commission a enfin examiné le rapport pour avis de M. Bernard Piras sur les crédits consacrés à l'urbanisme.

Rappelant que l'année 2004 avait été marquée, sur le plan législatif, par le souci d'apporter des réponses aux dysfonctionnements du marché foncier, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a évoqué la protection des espaces agricoles et naturels périurbains contre la spéculation dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, et la création d'outils pour libérer du foncier pour le logement dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Il a également annoncé que le projet de loi baptisé « Habitat pour tous », attendu pour 2005, devrait comporter un important volet de mesures foncières et a indiqué que, pour ces raisons, il avait choisi de centrer l'avis budgétaire relatif aux crédits de l'urbanisme sur la question foncière.

Avant d'aborder ce sujet, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a tout d'abord souhaité attirer l'attention de la commission sur l'ampleur des mesures de régulation budgétaire qui affectent les crédits de l'urbanisme. Depuis deux ans, a-t-il précisé, ces mesures remettent en effet en cause dans des proportions significatives l'économie générale du budget ouvert en loi de finances puisque, pour 2004, le total des crédits annulés ne représente pas moins de 31 % de la dotation ouverte en loi de finances ; en outre, en 2004 les reports d'autorisations de programme représentent 71 % des dotations ouvertes en loi de finances initiale, et les reports de crédits de paiement 85 %.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a donc estimé qu'il fallait lire le budget pour 2005 à la lumière de ces chiffres, et a indiqué que celui-ci affichait deux grandes priorités : l'appui technique aux collectivités territoriales, et le soutien aux interventions foncières et aux opérations d'aménagement. S'agissant de l'aide apportée aux collectivités, il a expliqué que les crédits destinés aux agences d'urbanisme augmentaient certes de 22,17 %, s'élevant ainsi à 9,61 millions d'euros, mais que cette mesure était malheureusement contrebalancée par l'importante baisse des crédits destinés à l'aide à l'élaboration des documents d'urbanisme et aux études préalables, qui subissent une baisse de 7 % en autorisations de programme et de 78 % en crédits de paiement. Il a ajouté qu'on observait en 2003 une baisse importante du nombre de schémas de cohérence territoriale, puisque 92 périmètres avaient été arrêtés en 2002, et seulement 46 en 2003. Il a ensuite indiqué qu'il étudierait les crédits destinés aux interventions en matière de foncier et d'aménagement dans le cadre de l'analyse plus globale de la question foncière.

Abordant la question foncière, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a rappelé que les acteurs du logement comme les élus locaux le soulignent : la construction de logements se heurte à la rareté et surtout à la cherté des terrains, le prix du foncier représentant entre 20 et 30 % du coût global d'une construction. Relevant l'existence d'un cercle vicieux entre l'accroissement de la demande de logements et le renchérissement du foncier, il a jugé que la volonté des maires, compétents en matière d'urbanisme, d'agir sur le marché foncier, se heurtait à la complexité des procédures d'urbanisme opérationnel et à la nécessité de trouver des moyens financiers suffisants.

Il a ensuite indiqué que la crise foncière se manifestait de trois façons :

- on observe d'abord un phénomène de spéculation foncière dans les grandes agglomérations, dans les régions frontalières, et sur les façades maritimes : à titre d'exemple, la croissance des prix moyens du terrain à bâtir dans la communauté de Strasbourg s'est élevée à près de 60 % entre 1998 et 2001 ;

- la rareté et la cherté des terrains conduisent au deuxième phénomène, celui de l'étalement périurbain, qui entraîne une pression considérable sur les terres agricoles périurbaines : ainsi, depuis 1998, la superficie agricole a baissé de 12,3 % dans les pôles urbains, alors qu'elle ne baissait que de 3 % sur le reste du territoire ;

- enfin, troisième phénomène, la multiplication d'espaces dégradés, parfois pollués, et de quartiers urbains déshérités, dont l'aménagement nécessite une intervention publique très forte.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a ensuite précisé qu'il fallait distinguer le marché de la ressource foncière, ce qu'on appelle le « foncier brut », de celui des terrains à bâtir, l'un des principaux objectifs de la politique foncière étant de permettre le processus de fabrication de terrains à bâtir. Il a jugé que c'était justement ce processus qui, à l'heure actuelle, était en panne.

Estimant que les outils d'urbanisme opérationnel ne fonctionnaient pas de façon optimale, il a cité le rapport établi pour le ministre de l'équipement par M. Pierre Pommelet en 2003 montrant qu'en région parisienne, les 789 zones d'aménagement concerté (ZAC) existantes ne couvrent que 18.900 hectares, à comparer avec les 167.000 hectares urbanisés en Île-de-France. Il a ajouté que le rapport relevait également que les potentialités ouvertes par ces ZAC étaient loin d'être exploitées et que la relance de l'urbanisme opérationnel était de nature à permettre une relance du logement en Île-de-France. S'agissant des établissements publics, il a souligné que les établissements publics fonciers locaux n'avaient connu qu'un faible succès, puisqu'il n'en existe que six actuellement, et qu'en revanche, la réforme opérée par le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale allait plutôt dans le bon sens, puisqu'elle devrait permettre de créer des établissements publics fonciers d'Etat dotés d'une ressource financière conséquente, avec une taxe spéciale d'équipement pouvant s'élever jusqu'à 20 € par habitant.

Considérant que les collectivités ne doivent pas être les seules à fournir un effort, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a jugé indispensable que l'Etat donne l'exemple en la matière. C'est le sens, a-t-il précisé, de la mise en place de la délégation à l'action foncière par le ministère de l'équipement et de la création d'une dotation relative à la mobilisation du foncier public en vue de la production de logements abondée à hauteur de 800.000 euros en autorisations de programme (AP) et 399.000 en crédits de paiement (CP). Après avoir indiqué que cette délégation avait d'ores et déjà recensé 300 hectares en Île-de-France pouvant être mis sur le marché, il a précisé que des conventions avaient été signées avec les principaux établissements publics du ministère, afin de définir précisément les terrains qui pourront être libérés : il s'agit de 2.610.000 mètres carrés pour Réseau Ferré de France (RFF) et la Société nationale des chemins de fer (SNCF), et 220.000 mètres carrés pour la Régie autonome des transports parisiens (RATP).

Insistant sur la grave crise du logement, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a jugé qu'il était nécessaire, notamment dans la perspective du projet de loi « Habitat pour tous », de réfléchir à la mise en place d'outils de régulation du marché foncier, et a évoqué le rapport établi très récemment par Mme Marie-Noëlle Lienemann, présidente de la Fédération nationale des sociétés coopératives d'HLM, intitulé « Produire du foncier pour l'habitat social ». S'agissant de la fiscalité, après avoir rappelé que la loi 30 juillet 1990 avait ouvert la possibilité, pour la commission communale des impôts directs, de créer, au sein de la classification des propriétés non bâties, une catégorie « terrains constructibles », et de taxer plus lourdement ces terrains au titre de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, il a jugé qu'il serait possible de rendre cette mesure obligatoire, afin de rendre la fiscalité incitative à la valorisation des terrains non bâtis. Il a également estimé qu'il pourrait être opportun de généraliser la pratique esquissée par certaines communes d'introduire de manière systématique une part de logements locatifs sociaux dans les programmes de promotion privés dépassant un certain seuil en nombre de logements.

Enfin, il a jugé nécessaire que l'effort de l'Etat de remise sur le marché de ses terrains se poursuive et a proposé que soit rendue obligatoire, dans le cadre du « porter à connaissance » des plans locaux d'urbanisme (PLU), la communication de la liste des terrains publics, afin que les maires soient pleinement informés des opportunités existant sur leur commune. Il a également souhaité que la politique de cession de l'Etat se concrétise, dans les communes où existent de vastes terrains publics, par des engagements réciproques de l'Etat et des collectivités par le biais d'un protocole sur l'habitat annexé au programme local de l'habitat.

En conclusion, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a estimé que si le Gouvernement entend mener, comme il l'annonce, une politique ambitieuse en matière foncière, il ne lui suffirait pas de modifier la législation en matière d'urbanisme, il lui fallait impérativement donner aux collectivités territoriales des moyens suffisants. Il a déploré à cet égard que, globalement, les moyens consacrés aux interventions foncières et d'aménagement dans le projet de loi de finances pour 2005 soient en baisse, et a fait part des éléments suivants :

- la dotation allouée aux actions foncières passe de 7 millions en AP et 8 millions en CP à 6,5 et 6,57 millions d'euros, soit une baisse de 7 et 17,8 % : cette dotation est destinée, entre autres, à financer les acquisitions foncières de l'Etat, notamment dans les villes nouvelles : or, d'après les informations du ministère de l'équipement, les gels enregistrés en 2004 n'ont permis que très peu d'acquisitions foncières ;

- les crédits en faveur de l'action foncière, de la planification et de l'aménagement urbain passent de 15,5 à 13,7 millions d'euros en AP et de 11,6 à 14,9 millions d'euros en CP, l'augmentation apparente des crédits de paiement devant être analysée au regard des mesures de régulation budgétaire intervenues en 2004.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a relevé que cette ligne budgétaire concernait notamment les contributions de l'Etat dans le cadre des contrats de plan Etat-région, qui ont vocation à financer des actions foncières et des opérations d'aménagement : pour l'Île-de-France, le taux d'exécution de la convention foncière est aujourd'hui d'environ 29 % alors que cette convention prendra fin en 2006, et les mesures de régulation budgétaires opérées en 2003 et 2004 vont réduire fortement les montants susceptibles d'être délégués au titre de la convention.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a donc jugé que le budget de l'urbanisme pour 2005 n'était absolument pas satisfaisant, notamment au regard de la crise du logement, qui ne sera pas résolue sans une politique foncière volontariste. Il a proposé, en conséquence, que la commission émette un avis défavorable à l'adoption des crédits de l'urbanisme pour 2005.

Après avoir félicité le rapporteur, M. Dominique Braye a déclaré partager un certain nombre de préoccupations sur le foncier, mais a expliqué qu'il parvenait à la conclusion inverse du rapporteur pour avis au sujet du budget. Après avoir estimé que la crise du logement était largement due à la pénurie et surtout à la cherté des terrains, il s'est félicité de la création de la délégation à l'action foncière. Il a également souligné que la création d'établissements publics fonciers d'Etat, sur un périmètre pertinent, permettrait de libérer des terrains pour le logement. D'ores et déjà, a-t-il indiqué à titre d'exemple, l'office public HLM Opievoy a décidé de multiplier par dix son rythme de construction annuel de logements. Relevant que le ministère de l'équipement avait signé deux conventions avec la SNCF dans le département des Yvelines, il a insisté sur l'effort que l'Etat devait fournir pour mettre ses terrains à disposition. Après s'être félicité de l'idée émise par le rapporteur d'agir sur les flux de construction de logements sociaux davantage que sur les stocks, il a salué l'augmentation des crédits destinés aux agences d'urbanisme, et souligné la qualité du travail effectué par celles-ci. Souhaitant nuancer les effets de la baisse de la dotation destinée à l'élaboration des documents d'urbanisme, il a rappelé que, désormais, les dépenses engagées à ce titre par les collectivités territoriales étaient éligibles au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée. Enfin, il a salué les efforts de rationalisation et d'économie effectués par le ministère de l'équipement au niveau de son fonctionnement, tout en soulignant l'importance que les services déconcentrés conservent des effectifs suffisants pour accomplir leurs missions.

En réponse, M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a déploré que les communes de plus de 10.000 habitants se voient bientôt privées du concours des services déconcentrés pour l'instruction des demandes de permis de construire, en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. Il a également estimé qu'une limite était aujourd'hui atteinte en matière de réduction des effectifs des directions départementales de l'équipement. Il a enfin souligné que son opposition au budget de l'urbanisme pour 2005 provenait surtout du constat effectué au sujet de l'exécution des budgets précédents, qui a remis en cause dans des proportions importantes le budget voté. Dans le contexte actuel de crise foncière, a-t-il précisé, il est particulièrement important que les moyens effectivement mis en oeuvre soient conformes aux engagements pris en loi de finances initiale.

M. Gérard Le Cam s'est interrogé sur les capacités effectives des entreprises du bâtiment à répondre aux besoins de construction, soulignant que les appels d'offre se révélaient très souvent, dans son département, infructueux.

M. Jean-Paul Emorine, président, a indiqué que ce constat était partagé par beaucoup de collectivités. Le rapporteur a pour sa part confirmé qu'en Rhône-Alpes, beaucoup d'appels d'offres restaient infructueux, à hauteur d'environ 15 à 25 %.

A propos de la crise foncière, M. Daniel Raoul a exprimé ses inquiétudes relatives à l'étalement périurbain, et a souligné la nécessité de faire admettre aux communes une densification de l'habitat sur leur territoire, sous peine de faire peser des menaces importantes sur les terres agricoles, et d'entraîner des problèmes en matière d'équipement et de réseaux. Il a également souhaité que l'Etat ne « brade » pas un certain nombre de terrains publics qui pourraient être affectés à d'autres usages que le logement, notamment certaines emprises ferroviaires.

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis, a également estimé qu'il fallait prendre en compte cette préoccupation, et ajouté que, s'agissant du périurbain, les résidents n'étaient bien souvent pas favorables à la densification, alors même qu'il s'agit d'une nécessité. Il a souhaité qu'une attention particulière soit portée à ce problème dans le cadre de la révision des plans locaux d'urbanisme.

Rappelant que de nombreux schémas de cohérence territoriale avaient d'ores et déjà été adoptés, M. Jean-Paul Emorine, président, a estimé qu'en conséquence, le nombre de périmètres arrêtés avait vocation à diminuer dans les années à venir.

La commission a donné un avis favorable aux crédits consacrés à l'urbanisme pour 2005, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen votant contre.