Table des matières

  • Mercredi 5 mai 1999
    • Toxicomanie - Audition de M. Alain Labrousse, directeur de l'Observatoire géopolitique des drogues, sur le thème " trafic international des drogues et conflits "
    • Traités et conventions - Accord France-République d'Azerbaïdjan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements
    • Affaires étrangères - Situation en Angola - Communication
    • Affaires étrangères - Situation en Russie - Communication
    • Audition de M. Alain Richard, ministre de la défense

Mercredi 5 mai 1999

- Présidence de M. Xavier de Villepin, président -

Toxicomanie - Audition de M. Alain Labrousse, directeur de l'Observatoire géopolitique des drogues, sur le thème " trafic international des drogues et conflits "

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Alain Labrousse, directeur de l'Observatoire géopolitique des drogues, sur le thème " trafic international des drogues et conflits ".

M. Alain Labrousse
a souligné l'ancienneté du lien entre drogues et conflits, l'augmentation de la valeur économique des drogues ayant joué un rôle de plus en plus important dans le financement des actions armées, particulièrement avec la fin de la guerre froide et de l'implication des grandes puissances dans les conflits régionaux. Il a précisé que la multiplication des profits entre le producteur et le consommateur, caractéristique de l'économie de la drogue, faisait de cette dernière une source de financement privilégiée pour les organisations criminelles ou mafieuses, mais également pour des groupes armés.

M. Alain Labrousse a ensuite détaillé les différentes formes d'implication des groupes armés dans l'économie de la drogue :

- au stade de la production, par le contrôle des zones de culture de la coca, du cannabis et du pavot et par le prélèvement d'une " taxe " sur le produit de la récolte, ainsi que le pratiquent les forces armées révolutionnaires de Colombie, les Talibans en Afghanistan, les forces de la rébellion en Casamance, ou encore les groupes armés qui se sont affrontés au Congo-Brazzaville ;

- au stade de la commercialisation, soit par le prélèvement d'une taxe, comme en Birmanie, soit par la prise en main, par le groupe armé lui-même, de la commercialisation, comme on l'a constaté pour les forces armées révolutionnaires de Colombie ou encore, en Angola, pour l'Unita, qui se chargeait d'acheminer les stupéfiants en Afrique du sud ;

- au stade de la transformation et de la fabrication des drogues, par des laboratoires contrôlés par les groupes armés, tels ceux dépendant du parti des travailleurs du Kurdistan et situés en Anatolie ;

- enfin, au stade de la vente au consommateur final, génératrice des profits les plus importants, les exemples les plus marquants étant ceux des réseaux installés par le parti des travailleurs du Kurdistan en Allemagne et par les Kosovars en Suisse en vue du financement de l'UCK ; les Kosovars semblaient désormais être, après les Turcs, les principaux trafiquants de drogue en Europe, un millier d'entre eux étant aujourd'hui détenus pour ce motif.

Citant l'exemple de la Birmanie, de l'ex-Yougoslavie, du Caucase et de l'Asie centrale ou du Kurdistan, M. Alain Labrousse a conclu en considérant que l'explosion du marché des drogues résultait en grande partie de l'impuissance de la communauté internationale à prévoir et à résoudre des conflits.

A la suite de cet exposé, un débat s'est engagé avec les membres de la commission.

M. Pierre Biarnès, effectuant un parallèle avec la traite des esclaves, a estimé que la lutte contre le trafic de drogues ne produirait ses effets que si elle portait principalement sur la consommation finale, l'action auprès des pays producteurs ne pouvant, à ses yeux, donner que de faibles résultats.

M. Robert del Picchia a évoqué le développement de la production de stupéfiants en Asie centrale et dans le Caucase.

M. André Rouvière a demandé si certains pays demeuraient à l'abri des trafics de drogues. Il a souhaité connaître l'évolution des profits procurés, à l'échelle mondiale, par ces trafics. Il s'est enfin interrogé sur la possibilité de mettre au ban de la communauté internationale des Etats qui encouragent ou tolèrent le trafic.

M. Aymeri de Montesquiou s'est interrogé sur la possibilité d'investir dans la transformation de l'économie des pays producteurs les sommes allant à la réparation des dégâts de la drogue dans les pays consommateurs. Il a demandé si la libéralisation de la vente des drogues pouvait être considérée comme un moyen efficace de lutter contre les trafics.

M. Paul Masson a demandé des précisions sur l'Observatoire géopolitique des drogues, ses liens avec les pouvoirs publics et les autres organismes européens. Il a interrogé M. Alain Labrousse sur l'émergence d'une politique européenne commune en matière de lutte contre la drogue.

M. Xavier de Villepin, président, a enfin évoqué les problèmes de coopération policière et l'efficacité d'Interpol et a interrogé M. Alain Labrousse sur la pratique par les Etats-Unis de la " certification " des Etats liés aux trafics de drogue.

En réponse à ces différentes questions, M. Alain Labrousse a apporté les précisions suivantes :

- si la consommation de drogue affectait jusqu'à présent essentiellement les pays occidentaux, celle-ci commençait désormais à toucher très sérieusement les pays en développement, et notamment les pays de production, comme le Pakistan, premier pays pour le nombre des consommateurs d'héroïne ;

- la prise de conscience récente des ravages de la toxicomanie par les pays de production ou de transit de la drogue devrait conduire ceux-ci à lutter plus efficacement contre les trafics ; à cet égard, l'appui des organisations internationales à ces pays peut jouer un rôle important ;

- le Caucase et l'Asie centrale sont aujourd'hui surtout touchés par le transit de stupéfiants venant d'Afghanistan ou de Chine, mais la production locale s'y développe également ;

- aucun pays du monde ne paraît aujourd'hui épargné par les trafics de drogues ;

- le chiffre d'affaires annuel de la drogue est évalué entre 300 à 500 milliards de dollars, dont 80 % représentent des profits ; mais, plus que ce chiffre global, c'est la concentration de l'argent de la drogue dans certains pays ou régions qui exerce une influence déstabilisante ;

- la communauté internationale fait jusqu'à présent preuve de timidité face aux Etats qui jouent un rôle, actif ou passif, dans le trafic de drogues ; il est surprenant, à cet égard, qu'Interpol ait choisi comme lieu d'accueil d'une de ses réunions annuelles la Birmanie, exemple type de " narco-régime " ; les intérêts économiques et stratégiques passent souvent avant la lutte contre le trafic de drogues ; on peut s'étonner que la production de haschich sur près de 80.000 hectares dans le Rif ne soit jamais abordée dans les discussions franco-marocaines ;

- l'action auprès des pays producteurs demande un travail de patience ; ainsi, en Colombie, la réussite du processus de paix, si elle se confirmait, pourrait favoriser une réduction progressive de l'implication des groupes armés dans le trafic de drogues ;

- s'il est clair que la légalisation universelle des stupéfiants entraînerait un effondrement des prix et ôterait au trafic une grande partie de son intérêt, aucune étude n'a été réellement menée sur les effets d'une telle légalisation sur la consommation, ce qui incite à une grande prudence à ce sujet ;

- l'Observatoire géopolitique des drogues est une association régie par la loi de 1901, essentiellement financée par des contrats de recherche conclus avec les pouvoirs publics français et européens ; il entretient des relations avec l'observatoire mis en place à Lisbonne par l'Union européenne, bien que celui-ci soit surtout orienté vers les problèmes de toxicomanie ;

- en dépit des différences d'attitude face à la lutte contre la drogue, une harmonisation progressive des politiques au sein de l'Union européenne pourrait se mettre en place ;

- les risques d'infiltration par des réseaux de trafiquants imposent une grande prudence dans le développement de la coopération policière en matière de lutte contre la drogue ;

- la pratique, par les Etats-Unis, de la " certification " des pays liés au trafic de drogues, paraît peu objective, peu équitable, et en partie inspirée par des considérations d'ordre stratégique ou politique.

Traités et conventions - Accord France-République d'Azerbaïdjan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. André Dulait sur le projet de loi n° 215 (1998-1999) autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Azerbaïdjan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

Rappelant la situation politique de l'Azerbaïdjan, M. André Dulait a précisé que, sept ans après son indépendance, le pays avait su consolider ses institutions sous l'autorité du président Aliev, qui concentrait entre ses mains tous les pouvoirs, mais qui, malgré tout, inscrivait progressivement son pays, dépourvu de toute réelle tradition démocratique, dans une logique d'Etat de droit.

M. André Dulait, rapporteur, a alors fait observer que l'Azerbaïdjan concentrait le potentiel économique le plus élevé des pays du Caucase. La découverte de gisements pétroliers importants dans la Mer Caspienne, au large de Bakou, pouvait en effet faire de l'Azerbaïdjan un producteur important de pétrole à l'horizon de la prochaine décennie. C'était la donnée économique principale du pays, qui avait contribué à la stabilisation de son économie et à la venue d'importants investisseurs étrangers. L'économie du pays était stabilisée et bénéficiait d'une croissance soutenue depuis 1996. Le Gouvernement pouvait porter à son actif une bonne gestion macro-économique : déficit budgétaire réduit à 4 % et inflation à 3 % -soit le taux le plus bas de tous les pays de la CEI. Les premiers " bonus " pétroliers -près d'un milliard de dollars- avaient beaucoup contribué au soutien de l'économie et faisaient de l'Azerbaïdjan l'un des premiers bénéficiaires des investissements étrangers à l'Est de l'Europe.

En deuxième lieu, M. André Dulait, rapporteur, a précisé que le pays mobilisait des investissements étrangers importants, où la France rattrapait son retard initial dans le cadre d'un développement accru des échanges entre les deux pays. Dans le secteur pétrolier, les principaux investisseurs étaient les Etats-Unis et le Royaume-Uni ; dans les autres secteurs, c'étaient la Turquie et l'Allemagne. Ces investissements, a précisé le rapporteur, représentaient près de 25 % du PIB depuis 1997 et avaient permis au pays de couvrir une large part de son besoin de financement extérieur.

S'agissant de la place de la France, M. André Dulait, rapporteur, a indiqué que le groupe Elf était opérateur sur le gisement de Lenkoran Deniz-Talish Deniz et participait à hauteur de 10 % à l'exploration du gisement de Shah Deniz ; Total, après absorption de Fina, détenait, pour sa part, 15 % des parts de Lenkovan Deniz-Talish Deniz et 30 % du gisement d'Apsheron.

A la suite de ces contrats d'exploitation, a poursuivi le rapporteur, un secteur para-pétrolier s'était développé qui avait permis l'implantation sur le marché azerbaïdjanais d'entreprises françaises telles que Geo Services, Sofregaz ou Schlumberger. Au total, dans ce secteur, la France se rangeait au troisième rang des investisseurs étrangers, après la Grande Bretagne et les Etats-Unis, mais devant la Russie et l'Italie.

Pour ce qui était des échanges commerciaux, la part de marché de la France en Azerbaïdjan restait, avec 1,8 % en 1998, assez modeste. Cela étant, les exportations françaises vers ce pays avaient connu depuis 1995 un développement considérable : + 22,5 % en 1996, + 38,5 % en 1997 et + 65,6 % en 1998. Au total, une vingtaine de sociétés françaises étaient implantées aujourd'hui en Azerbaïdjan, notamment celles opérant dans les secteurs pétrolier et para-pétrolier.

Enfin, M. André Dulait, rapporteur, a évoqué l'hypothèque du conflit du Haut-Karabagh qui pèse sur l'avenir du pays. Depuis dix ans, l'Azerbaïdjan était confronté à la crise, ouverte en 1988, par la revendication, de la part de l'Arménie, du rattachement du Haut Karabagh, zone majoritairement arménienne enclavée en Azerbaïdjan. Après deux campagnes militaires, les troupes arméniennes avaient pris l'avantage sur le terrain ; la situation était aujourd'hui figée depuis le cessez-le-feu intervenu en mai 1994. Ces opérations militaires avaient fait près de 20.000 morts et entraîné le départ, vers l'Azerbaïdjan, de 700.000 réfugiés du Haut-Karabagh et d'autres districts azerbaïdjanais aujourd'hui occupés.

Depuis le début de l'année 1997, le " groupe de Minsk ", émanation de l'OSCE et que co-présidé par la Russie, la France et les Etats-Unis, s'efforçait de proposer aux parties les voies d'un règlement portant sur l'instauration d'une paix véritable et la définition d'un statut d'auto-administration du Haut-Karabagh dans le cadre des frontières originelles de l'Azerbaïdjan et d'une garantie du droit à l'autodétermination des Karabaghtsis. En dépit des efforts de médiation, aucune des propositions n'avait reçu à ce jour l'agrément des deux parties.

M. André Dulait, rapporteur, a alors brièvement rappelé les principales dispositions de l'accord de protection de investissements proposé : des dispositions incitatrices, tout d'abord, par l'octroi aux investisseurs d'une Partie, d'un traitement non moins favorable que celui réservé aux investisseurs nationaux ou du bénéfice de la clause de la nation la plus favorisée et l'octroi aux travailleurs de chacun des deux pays, des facilités nécessaires à l'exécution de leurs missions : notamment pour les demandes d'entrée, de séjour ou de sortie du territoire. Des dispositions protectrices, ensuite, qui prévoient de prendre en compte : le risque de dépossession d'abord, toute mesure de nationalisation ou d'expropriation étant exclue, sauf en cas de nécessité publique compensée par une " indemnisation prompte et adéquate " ; le risque politique, ensuite : si les investisseurs d'une partie subissaient sur le territoire de l'autre Etat, où ils ont effectué leur investissement, des dommages matériels liés à une guerre ou une révolution, ils bénéficieraient, de la part de l'Etat concerné, " d'un traitement non moins favorable que celui réservé à ses propres nationaux " ; le risque de blocage des revenus liés à l'investissement, enfin, le transfert des produits de l'investissement étant garanti.

Le rapporteur a conclu en soulignant que la France devait affirmer une présence active dans cette zone stratégique de ce que l'on appelait communément l'Eurasie. Elle s'impliquait déjà diplomatiquement dans les négociations destinées à promouvoir la paix entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie dans le conflit du Haut Karabagh. Elle devait également y accroître sa présence économique et le présent accord s'inscrivait dans cette perspective. M. André Dulait a donc invité la commission à adopter le présent projet de loi.

A l'issue de son exposé, M. André Dulait, rapporteur, a répondu aux questions des commissaires.

Il a indiqué à M. Christian de la Malène que le Haut-Karabagh était majoritairement peuplé d'Arméniens, les populations azéries ayant quitté la zone durant le conflit pour se réfugier dans d'autres parties de l'Azerbaïdjan.

En réponse à M. Aymeri de Montesquiou, M. André Dulait, rapporteur, a précisé que les Etats-Unis s'étaient rangés aux côtés de l'Azerbaïdjan et que la Russie défendait la position arménienne. Il a fait observer qu'en occupant un " couloir " reliant l'Arménie au Haut Karabagh, une certaine continuité territoriale était désormais assurée entre la République auto-proclamée du Haut Karabagh et l'Arménie.

M. Xavier de Villepin, président, évoquant une récente rencontre avec des parlementaires azerbaïdjanais, a indiqué que ceux-ci s'inquiétaient de la perspective d'une internationalisation durable du territoire disputé. Il a fait observer que l'Arménie avait manifesté le désir de rétablir des liens avec la Turquie et a estimé qu'il était essentiel que ces deux pays trouvent les moyens de s'accorder pour assurer le développement harmonieux de toute cette région.

Puis la commission, suivant l'avis de son rapporteur, a approuvé le projet de loi qui lui était soumis.

Affaires étrangères - Situation en Angola - Communication

La commission a alors entendu une communication de M. Xavier de Villepin, président, sur la situation en Angola.

M. Xavier de Villepin, président, a d'abord rappelé que l'Angola s'inscrivait au carrefour des trois Afrique : lusophone, anglophone et francophone. Ce pays couvrait une vaste étendue de 1.246.700 km2, doté d'importantes richesses minérales et de fortes possibilités agricoles, encore sous-exploitées par une population de 12 millions d'habitants. Ce pays, a rappelé M. Xavier de Villepin, président, avait vu se rallumer depuis décembre 1998 une guerre civile dont l'issue demeurait incertaine.

Durant la guerre froide, ce pays avait été un enjeu de rivalités entre les deux super-puissances, Etats-Unis et Union soviétique, qui avaient attisé ses dissensions internes. Depuis son indépendance, obtenue en 1975, l'intérêt des puissances extérieures avait changé de nature, compte tenu du triple enjeu que représente l'Angola : enjeu économique d'un pays qui est le deuxième producteur africain de pétrole et de ressources minières ; enjeu stratégique pour la stabilité régionale en Afrique australe et centrale ; enjeux politiques liés aux influences anglo-saxonnes, d'une part, et franco-portugaises, d'autre part. Enfin, grâce à son armée qui a joué et joue encore un rôle décisif dans les bouleversements politiques intervenus au Zaïre et au Congo-Brazzaville, l'Angola fait figure de puissance régionale montante qui inquiète l'Afrique du Sud.

M. Xavier de Villepin, président, a ensuite rappelé les grandes étapes de l'histoire de ce pays, découvert par le Portugal en 1483 et placé sous son protectorat en 1885. Trois mouvements de libération contre le colonisateur apparurent à partir des années cinquante : le MPLA (Mouvement populaire pour la libération de l'Angola) en 1956, le FNLA (Front national de libération de l'Angola) en 1957 et l'Unita (Union pour l'indépendance totale de l'Angola) en 1966. Deux personnalités ont dominé la période de lutte pour l'indépendance et marquent encore l'actualité : M. Dos Santos, métis formé à Moscou, membre du MPLA et président de la République de l'Angola, soutenu par les Etats-Unis ; et M. Jonas Savimbi, son rival de toujours, président de l'Unita, issu de l'ethnie Ovimbundo - 37 % de la population. Trois pays -la Russie, les Etats-Unis et le Portugal- constituent une " troïka " qui a la responsabilité d'observer la mise en oeuvre des accords de paix conclus lors des accords de Bisesse en 1991, puis d'Estoril en 1994.

La guerre civile, a poursuivi M. Xavier de Villepin, président, avait été déclenchée lors des élections législatives et présidentielles de septembre 1992 : alors que le parti de M. Savimbi, l'Unita, comptant dans ses rangs de nombreux membres des ethnies Ovimbundo et Bakongo, était donné favori, c'est M. Dos Santos qui fut crédité de 49,5 % des suffrages contre 40,6 % à M. Savimbi. Quelques semaines plus tard, lors de la Toussaint, des militants du MPLA massacrèrent les principaux dirigeants de l'Unita à Luanda, inaugurant ainsi une guerre civile qui dura jusqu'en 1994.

Cette guerre civile a repris depuis décembre 1998 et n'est pas encore achevée : la situation humanitaire et sociale se détériore et aucune perspective de dialogue entre les parties n'est en vue. Si le Gouvernement peut s'appuyer sur le rendement des gisements pétroliers off-shore, M. Savimbi et ses forces puisent leurs ressources dans les régions, riches en diamants, qu'ils occupent. L'armée angolaise est en mesure d'aligner 90.000 hommes contre les 40.000 soldats de M. Savimbi. En réalité, le Gouvernement de Luanda bénéficie d'importantes aides extérieures. Ainsi, après un étonnant chassé-croisé, l'aide américaine s'opère uniquement en faveur de l'autorité officielle, entraînant d'ailleurs le basculement de l'Afrique du Sud. En revanche, M. Savimbi bénéficie de la solidarité ethnique de la Zambie et probablement de celle de la Namibie. Dans ce jeu d'influences et d'interférences à géométrie variable, on ne peut oublier que l'Angola a envoyé des troupes dans les deux Congo.

La guerre civile en cours, a poursuivi M. Xavier de Villepin, président, ressemble à une " drôle de guerre " : pas de ligne de front stable, hors du plateau central. L'Unita est en mesure de mener des actes de sabotage de lignes électriques et de conduites d'eau jusqu'aux abords de la capitale. Le Gouvernement envisage de recruter 40.000 hommes supplémentaires pour contrer ces diverses offensives. Le conflit, a souligné M. Xavier de Villepin, président, revêt des dimensions ethniques, opposant le Ovimbundo de l'Unita à une coalition formée de Mbuntu et de créoles de Luanda. La situation sociale et humanitaire requiert une action urgente. Le mécontentement s'étend dans la population, dont 10 % des habitants ont été déplacés. La multiplication des mines, la généralisation de la corruption, la montée de la délinquance liée à l'appauvrissement de la population, l'afflux des personnes fuyant le chaos délibérément provoqué par l'Unita constituent l'arrière-plan tragique de cette guerre civile.

Face à cette logique de guerre où s'enferment les deux protagonistes et dans un pays où les intérêts français -à travers Elf et Total- ne sont pas négligeables, une initiative française, a estimé M. Xavier de Villepin, président, serait bienvenue.

A l'issue de son exposé, M. Xavier de Villepin, président, a répondu aux questions des commissaires.

M. Pierre Biarnès a insisté sur la nature profonde d'un conflit qui oppose une élite métissée -produite par la colonisation portugaise et soutenue longtemps par les Cubains et les Soviétiques, à des ethnies authentiquement africaines défendues par les Etats-Unis. Ces solidarités sont aujourd'hui inversées : les Etats-Unis et les industries pétrolières prennent aujourd'hui fait et cause pour le régime de M. Dos Santos.

M. Pierre Biarnès a ensuite relevé le rôle stratégique de l'Angola dans la région, qui l'érige en grand rival de l'Afrique du Sud. La France a un rôle important à jouer : il y va de la présence française dans le bassin du Congo.

M. Xavier de Villepin, président, a fait observer que, si les troupes angolaises venaient à quitter le Congo Brazzaville, le régime de M. Sassou N'guesso serait rendu plus fragile. Il a précisé que les protagonistes s'approvisionnent facilement en armes provenant de Russie et d'Ukraine.

M. Xavier de Villepin, président, a indiqué à M. Hubert Durand-Chastel que les troupes cubaines envoyées par M. Fidel Castro en Angola avaient été rapatriées chez elles après la fin de la guerre froide et la disparition de l'URSS.

A M. Aymeri de Montesquiou qui s'étonnait des revirements des Sud Africains dans leur soutien à M. Savimbi, M. Xavier de Villepin, président, a enfin rappelé que les évolutions étaient très rapides ; en outre, l'Afrique du Sud ne pouvait méconnaître les pressions exercées sur elle par les Etats-Unis dans le contexte angolais.

M. Christian de la Malène a alors attiré l'attention des membres de la commission sur les différents documents qui leur avaient été transmis à la suite de la dernière audition de M. Hubert Védrine. Il a estimé que le texte présentant les accords de Rambouillet confirmait le sentiment de déséquilibre que lui avait inspiré ces accords et il a observé que les documents relatifs aux conclusions du sommet de l'Alliance atlantique à Washington en avril dernier traduisait une dérive des objectifs poursuivis par l'Otan et méritaient, de ce point de vue, une analyse approfondie.

Affaires étrangères - Situation en Russie - Communication

La commission a enfin entendu une communication de M. Pierre Biarnès sur la situation en Russie, à la suite d'un récent déplacement effectué par le sénateur dans ce pays. Il a d'abord évoqué le rapprochement entre le Gouvernement israélien et les autorités russes, en indiquant que les communautés d'origine russe établies en Israël conservaient des liens très étroits avec leur pays d'origine.

M. Pierre Biarnès a souligné qu'il avait retenu des nombreux entretiens qu'il avait eus au cours de son voyage le sentiment d'une société russe très contrastée. Il a estimé que l'extrême droite, dont l'audience progressait, se partageait entre une tendance nostalgique de l'ancien régime tsariste et une tendance constituée par un groupe qui s'était rapidement enrichi, et dont la prospérité tranchait spectaculairement avec la situation du plus grand nombre.

Il a souligné l'importance des incertitudes liées à la situation politique russe dans la perspective des prochaines élections législatives à l'automne 1999 et présidentielles en l'an 2000.

Il a estimé que la crise du Kosovo n'avait pas alimenté une quelconque volonté belliqueuse dans un pays profondément pacifiste, mais soulevait en revanche un très large mécontentement, dont les mouvements d'extrême droite pourraient tirer parti. M. Pierre Biarnès a noté que la position de la France dans cette crise suscitait une certaine incompréhension de la part des interlocuteurs russes qu'il avait rencontrés. Ces derniers, a-t-il ajouté, s'étaient interrogés sur les intérêts stratégiques que poursuivait notre pays en apportant son soutien à l'opération conduite par l'Otan. Il a observé que nos diplomates sur place ne ménageaient pas leurs efforts pour expliquer notre ligne de conduite et maintenir le dialogue avec les autorités russes pour favoriser l'émergence d'une solution politique au conflit.

M. Pierre Biarnès a enfin évoqué la situation des entreprises françaises en Russie en indiquant que, si les grandes entreprises poursuivaient une stratégie d'implantation sur le marché russe à moyen et long terme, les petites et moyennes entreprises avaient, quant à elles, beaucoup souffert de la dévaluation du rouble.

A la suite de l'exposé de M. Pierre Biarnès, M. Xavier de Villepin, président, a exprimé sa préoccupation relative à la situation politique russe. Il s'est demandé si la crédibilité de M. Primakov ne s'était pas dégradée auprès de l'opinion publique de son pays. Il a rappelé que le prêt récemment accordé par le FMI visait exclusivement à permettre à la Russie de régler ses arriérés de dettes. Il a relevé que les communistes dominaient le jeu politique à la Douma et que la marge de manoeuvre du Président Eltsine apparaissait de plus en plus étroite.

M. Pierre Biarnès a estimé que le Premier ministre, M. Primakov, avait une véritable vision des intérêts de la Russie, mais que sa tâche était aujourd'hui très difficile. Il a relevé que M. Primakov avait pour principal objectif d'assainir la situation financière -ce que favorisait le prêt du FMI- et de lutter contre l'évasion des capitaux. Après avoir souligné les succès enregistrés par M. Loujkov dans la gestion de la ville de Moscou, dont il est le maire, M. Pierre Biarnès a estimé que cette personnalité politique semblait avoir des chances sérieuses de l'emporter aux prochaines élections présidentielles.

Audition de M. Alain Richard, ministre de la défense

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission, élargie aux membres de la conférence des Présidents, a entendu M. Alain Richard, ministre de la défense.

Le ministre de la défense a tout d'abord décrit la situation née de la commission d'actes délictueux en Corse par des personnels de la gendarmerie. Ces actes à caractère criminel faisaient l'objet d'une enquête judiciaire conduite, a indiqué le ministre, sous l'autorité du magistrat instructeur, par des unités de gendarmerie. M. Alain Richard a par ailleurs précisé que, par delà les fautes à caractère pénal, des procédures disciplinaires pourraient être parallèlement engagées pour faute professionnelle.

Il convenait également, a rappelé le ministre, de vérifier si les procédures de contrôle concernant les activités du groupe de pelotons de sécurité (GPS) avaient correctement fonctionné. Une révision de l'ensemble des procédures de contrôle appliquées aux cas de " surcharge " de missions affectant certaines unités de gendarmerie allait être engagée. M. Alain Richard a rappelé que 1.500 gendarmes étaient présents en Corse. Une réflexion sera également conduite, a poursuivi le ministre, sur l'évolution des procédures de sélection et d'affectation des personnels candidats à des unités investies de missions particulièrement lourdes, comme en Corse.

Un débat s'est ensuite instauré avec les commissaires.

M. Serge Vinçon a souligné que la gravité de la situation -qui avait conduit à placer un préfet de région en garde à vue et dans laquelle six gendarmes étaient mis en cause- ne devait pour autant pas remettre en question la haute estime où il convenait de tenir la gendarmerie, malgré ces défaillances ponctuelles. Il a demandé au ministre s'il avait donné son accord à la création du GPS, sous quelle autorité et sous quel contrôle cette formation était placée, ainsi que sa place dans la hiérarchie de la direction générale de la gendarmerie nationale.

M. Michel Pelchat a interrogé le ministre sur le degré d'autonomie dont bénéficiait le GPS, sur le contenu des missions qui lui avaient été confiées lors de sa création, et sur le texte qui avait précisé ces missions.

M. Christian de La Malène s'est étonné du nombre et de la nature des indices laissés sur place par les gendarmes lors de l'incendie du restaurant, autant d'éléments qui, a estimé le sénateur, choquaient le bon sens. Il s'est également étonné de la rapidité des conclusions tirées par le Procureur de la République.

M. Emmanuel Hamel a souligné l'importance du choc ressenti par l'opinion à la suite de cette affaire. Il a évoqué, par ailleurs, la gravité du traumatisme qui affectait les gendarmes et s'est interrogé sur les dispositions que comptait prendre le ministre de la défense pour cicatriser cette blessure.

M. Xavier de Villepin, président, après avoir souligné, à son tour, l'attachement de la commission sénatoriale à la gendarmerie, a demandé au ministre de la défense d'autoriser l'audition, devant elle, du directeur général de la gendarmerie nationale.

Le ministre, répondant aux questions des commissaires, a alors apporté les précisions suivantes :

- le GPS avait été créé par le Gouvernement compte tenu des conditions particulières de service des forces de sécurité en Corse, à la suite notamment de l'assassinat du préfet Erignac. Il était naturel que le renforcement des moyens des forces de sécurité s'appuie sur la gendarmerie, compte tenu de sa présence déjà ancienne et importante dans l'île, où depuis longtemps, un escadron stationnait, de façon permanente, à Ajaccio. Il a donc été décidé de constituer cette formation particulière, en lui donnant compétence pour agir sur les deux départements de la région Corse, ce qui avait justifié son rattachement à la légion de gendarmerie, au niveau régional, et non à chacun des deux groupements départementaux ;

- les missions du GPS étaient triples : la protection de personnalités, tout d'abord, qui serait désormais dévolue à une unité traditionnelle ; le soutien aux opérations d'arrestation ou d'interpellation, ensuite, mission qui serait désormais confiée à des formations du droit commun ayant en leur sein des personnels spécifiquement entraînés ; la surveillance et le renseignement enfin, complémentaires de la fonction d'enquête judiciaire de la gendarmerie. Ces missions, a précisé le ministre, étaient inscrites dans le texte créateur du GPS. Le directeur général de la gendarmerie nationale réaffectera les missions de l'unité dissoute à des formations habituelles de l'arme ;

- le GPS était placé sous l'autorité du colonel Mazères, commandant la légion de gendarmerie, assisté du capitaine Ambrosse, commandant le GPS. Cette structure, a précisé le ministre, était comparable à ce qui existe dans certains départements d'outre mer où la charge des missions est également très importante ;

- ce n'est pas le ministre de la défense qui, a rappelé M. Alain Richard, est responsable de l'ordre public et donc de l'emploi des moyens, qui sont fournis notamment par la gendarmerie nationale. Aucun ordre d'action n'est jamais donné à des formations de gendarmerie, ni par le ministre de la défense, ni par la direction générale de la gendarmerie nationale. Il revient à cette dernière, en revanche, d'assurer un contrôle a posteriori de l'emploi de ses unités pour vérifier s'il est conforme à leur vocation. Ce contrôle a été exercé en ce qui concerne le GPS, une réflexion étant conduite pour adapter ce mécanisme de contrôle à la spécificité de certaines unités ;

- les gendarmes du GPS étaient, à raison des deux tiers, soit environ 60 hommes, issus d'un escadron de gendarmerie mobile déjà présent antérieurement sur l'île et qui avait été dissous lors de la création du GPS ; les 30 autres personnels du GPS avaient été recrutés par la direction générale et sélectionnés sur la base de nombreux dossiers de candidature ; les officiers du GPS enfin avaient fait l'objet d'une sélection particulière, fondée sur leur expérience dans l'action ;

- même s'il était, a indiqué le ministre, difficile d'évoquer un aspect du dossier faisant l'objet d'une enquête judiciaire, il a considéré que les indices saisis sur place par les gendarmes de la brigade territoriale semblaient montrer qu'il ne s'était pas agi d'une opération programmée effectuée par des agents entraînés à ce type de mission. Ce sont les gendarmes qui, après avoir relevé ces divers indices, ont eux-mêmes alerté le Parquet. Simultanément, a précisé le ministre, une enquête administrative avait été diligentée et confiée à l'Inspection technique de la gendarmerie. Celle-ci ayant été requise par l'autorité judiciaire, l'enquête relevait désormais du Général Capdepont, Inspecteur général des Armées ;

- il était du devoir du Gouvernement de s'assurer que si des actes délictueux étaient commis, ils soient sanctionnés avec toute la rigueur de la loi et qu'ils n'entachent pas la probité du corps dans son ensemble ;

- compte tenu de la situation politique liée à cette affaire, ainsi que de l'enquête judiciaire en cours, les circonstances n'étaient pas réunies pour que le directeur général de la gendarmerie nationale puisse s'exprimer sereinement devant une commission parlementaire ; le ministre lui-même se tenait en revanche à la disposition des sénateurs.

Le ministre de la défense a ensuite évoqué l'évolution de la situation au Kosovo.

Il a d'abord indiqué qu'une phase d'intensification des frappes était en cours, dirigée contre les unités et les armements serbes déployés au Kosovo. Cette phase se traduisait par un accroissement des moyens aériens, atteignant désormais 800 aéronefs dont 400 appareils de combat. Cette augmentation du dispositif était due à la nécessité d'assurer une présence opérationnelle 24 heures sur 24 afin de pouvoir paralyser l'ensemble des unités militaires serbes et de procéder, chaque fois qu'elles étaient décelées, à leur destruction. Le ministre a précisé que cette phase d'intensification n'impliquait pas nécessairement un accroissement proportionnel du taux de réussite des frappes, compte tenu de l'immobilité et de la dissimulation des forces serbes. L'émotion ressentie à juste titre lors de bombardements ayant touché par erreur des populations civiles rappelait que la mission assignée consistait à détruire le système répressif et militaire serbe en tentant d'éviter le plus possible les erreurs de cette nature.

Sur le plan humanitaire, a poursuivi M. Alain Richard, on constatait la poursuite de l'éviction forcée de populations kosovares en dehors de leur province d'origine : le nombre de personnes ayant quitté le Kosovo était estimé à environ 800.000. Il était par ailleurs possible de disposer désormais d'un peu plus de renseignements sur la situation des quelque 500.000 à 600.000 personnes déplacées à l'intérieur du Kosovo. Elles étaient victimes d'exactions et se trouvaient dans une situation sanitaire et alimentaire particulièrement précaire. L'éventualité de largages de vivres continuait d'achopper sur le problème de la dispersion des groupes de réfugiés, d'une part, et sur la nécessité d'assurer la sécurité des vols, d'autre part.

Enfin, a conclu le ministre, l'un des impératifs de la communauté internationale était de ne pas compromettre la stabilité des pays voisins du Kosovo, à commencer par l'Albanie et la Macédoine. Il apparaissait en particulier que la situation de ces deux derniers pays restait précaire, mais demeurait sous contrôle, et que le renforcement du soutien qui leur était accordé leur permettait pour le moment d'assurer une meilleure maîtrise de leur territoire.

Un débat s'est ensuite engagé avec les sénateurs.

M. Michel Barnier a demandé des précisions sur les renseignements disponibles relatifs à la situation des réfugiés à l'intérieur même du Kosovo et sur les exactions commises par les forces serbes pouvant être d'ores et déjà signalées au tribunal pénal international. Il s'est demandé si l'Union européenne ne devrait pas tirer les enseignements des conséquences humanitaires du conflit, en envisageant la création d'une force permanente d'intervention humanitaire européenne susceptible de réagir plus efficacement, et plus visiblement aux situations de crise. Enfin, il s'est demandé si ce conflit permettrait de faire progresser plus rapidement l'idée de l'instauration de capacités militaires propres de l'Union européenne, dans l'esprit du document franco-britannique de Saint-Malo.

M. Philippe Adnot a interrogé le ministre sur la teneur des informations parues dans la presse faisant état d'un volet secret des accords de Rambouillet.

MM. Robert Del Picchia et Claude Estier ont demandé des précisions sur les circonstances de la perte, à l'entraînement, d'hélicoptères de combat américains Apache.

M. Bertrand Delanoë s'est interrogé sur l'état d'esprit respectif et la convergence de vues des partenaires de la France au regard de la poursuite de l'action militaire entreprise et des perspectives diplomatiques. Constatant, sur le plan militaire, une certaine domination américaine, il a souhaité qu'en cas de règlement politique, la France et l'Europe s'investissent fortement dans la future force internationale de protection qui devrait être déployée au Kosovo.

M. Emmanuel Hamel a évoqué les conditions dans lesquelles étaient diffusées par les autorités françaises des informations relatives au conflit.

M. Pierre Mauroy a interrogé le ministre sur l'évolution des perspectives diplomatiques de règlement du conflit. En ce qui concerne l'assistance humanitaire, il a demandé des précisions sur les risques de détournement de l'aide. Enfin, il s'est demandé si, à l'issue du conflit, les pays des Balkans souhaiteraient " plus d'Europe " ou " plus d'Otan ".

M. Xavier de Villepin, président, a demandé comment étaient planifiées les relèves des forces françaises sur le terrain et si l'on envisageait de faire appel à des réservistes. Il a également demandé des précisions sur les charges financières supplémentaires entraînées pour la France par les actuelles opérations militaires.

En réponse à ces différentes questions, M. Alain Richard a apporté les précisions suivantes :

- la mise en oeuvre de nombreux moyens techniques de renseignement, notamment l'écoute électromagnétique, l'observation aérienne, les drones de reconnaissance, ainsi que le recours au renseignement humain et aux informations fournies par l'UCK, ont permis de mieux appréhender la situation des réfugiés à l'intérieur du Kosovo, de mieux les localiser et de constater leur grande mobilité ;

- la France est bien entendu disposée à jouer un rôle actif dans le recueil de données sur les exactions commises par les forces serbes en vue de leur communication au tribunal pénal international, cette question devant être abordée lors de l'entretien prévu le jeudi 6 mai entre Mme Harbour et les ministres des affaires étrangères et de la défense ;

- l'Union européenne a certainement une vocation à développer l'action humanitaire d'urgence, mais il faut être conscient de la spécificité des missions confiées aux forces militaires en action ;

- s'agissant du débat sur une future Europe de la défense, le défi consiste à proposer la substitution d'une organisation restant entièrement à construire à un outil militaire existant et faisant la preuve de son efficacité ; à la suite de la déclaration de Saint-Malo, la France et le Royaume Uni se sont tournés vers l'Allemagne ; s'il est encore trop tôt pour juger de la réceptivité des gouvernements, des parlements et des opinions publiques des Quinze aux suites qui pourront être données à cette initiative, on peut d'ores et déjà constater une prise de conscience en Europe de la dépendance vis-à-vis des Etats-Unis pour la conduite des opérations militaires, et notamment l'accès à l'information ;

- le document des accords de Rambouillet n'a pas vocation à être communiqué ;

- la perte par les Américains d'hélicoptères de combat Apache est intervenue lors d'entraînements intensifs de nuit et en terrain accidenté non reconnu ;

- l'enjeu de la prochaine réunion du G8 consistera à tenter de conduire les Russes vers la préparation d'une solution politique impliquant nécessairement une résolution du Conseil de sécurité à caractère contraignant, prévoyant une force internationale de sécurité au Kosovo ;

- si une force d'interposition devait être mise en place, la France souhaite que son noyau central soit composé d'Européens, à savoir de Britanniques, de Français, d'Allemands et d'Italiens ; à cette fin, ces quatre pays ont déjà préparé un contingent d'environ 20.000 soldats, dont l'essentiel était déjà prédéployé dans la région ; la France dispose déjà, pour sa part, de près de 3.000 hommes sur place et en maintient 2.000 autres en alerte courte ;

- la capacité des pouvoirs publics à assurer la sécurité des camps de réfugiés et l'acheminement de l'aide humanitaire est meilleure en Macédoine qu'en Albanie, où le Gouvernement a fait appel aux moyens de l'Otan ;

- tout en préservant le secret sur les préparatifs opérationnels, les autorités françaises n'entendent pas restreindre l'information sur l'action militaire en cours, la transparence en ce domaine étant nécessaire à l'adhésion de l'opinion publique dans les pays démocratiques ;

- la participation de la France aux opérations actuelles de l'Otan est loin de consommer la totalité de la ressource opérationnelle des forces françaises ; la relève des pilotes pourra être assurée tous les mois et celle des unités de l'armée de terre tous les quatre mois ; en ce qui concerne le porte-avions Foch, son potentiel d'usage se limite à quelques semaines supplémentaires, ce qui conduira à envisager un retour à Toulon ;

- le dispositif actuellement déployé représente pour le budget de la défense une charge financière mensuelle de 350 à 400 millions de francs, dont une part croissante porte sur le titre V pour la fourniture de pièces détachées et de munitions.