Travaux de la commission des affaires étrangères



Mardi 8 novembre 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

PJLF pour 2006 - Mission « Défense » - Audition de M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense

La commission a procédé à l'audition de M. Christian Piotre, secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2006.

En préambule, M. Serge Vinçon, président, a évoqué les responsabilités nouvelles incombant au secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense en application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et notamment, au titre de la mission « Défense », le pilotage du programme « Soutien de la politique de défense ». Il a ajouté qu'un amendement adopté à l'Assemblée nationale avait substantiellement modifié le contenu de ce programme, d'où avaient été retirés les crédits d'infrastructure et d'informatique de la gendarmerie, transférés à la mission interministérielle « sécurité ».

M. Christian Piotre a rappelé que le projet de loi de finances pour 2006 traduisait, pour la quatrième année consécutive, le respect des principaux objectifs de la loi de programmation militaire et de la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité intérieure. Il a souligné que pour le secrétariat général pour l'administration (SGA), ce projet marquait plus particulièrement la mise en oeuvre de la LOLF, dossier sur lequel il avait été très fortement impliqué. Le secrétaire général pour l'administration a estimé que la LOLF constituait un véritable changement de référence dans la manière de présenter le budget de la défense et d'assurer son exécution, et qu'elle accompagnait, tout en lui donnant une impulsion nouvelle, la modernisation du ministère de la défense.

M. Christian Piotre a souligné que la nouvelle présentation des crédits permettrait d'assurer une plus grande transparence et d'établir un lien plus clair entre les missions et les moyens qui leur sont dévolus. Il a pris pour exemple la force d'action navale, dont on peut désormais clairement identifier l'ensemble des coûts en matière d'équipement, de personnel ou de fonctionnement. Il a également évoqué les objectifs de performance et les indicateurs permettant d'en suivre la réalisation, une vingtaine d'indicateurs devant encore être élaborés d'ici à 2007.

M. Christian Piotre a ensuite indiqué que le SGA était responsable de quatre programmes : le programme « Soutien de la politique de défense », qui relève de la mission « Défense » et représentait initialement près de 3 milliards d'euros, et les programmes « Mémoire, reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant », « Lien entre la Nation et son armée » et « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale » qui relèvent de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et qui sont respectivement dotés de 3,4 milliards d'euros, 300 millions d'euros et 200 millions d'euros.

M. Christian Piotre a présenté les principales priorités pour 2006.

Un effort important sera réalisé en faveur du logement, en particulier au profit de la gendarmerie, avec une dotation supplémentaire de 200 millions d'euros.

Les effectifs du ministère seront réalisés conformément à la programmation, soit 432.000 personnels, dont 352.000 militaires et 80.000 civils, avec la création de postes dans la gendarmerie et à la DGSE.

L'effort en faveur du personnel sera poursuivi. Les mesures au profit des militaires atteindront 67 millions d'euros, répartis entre le fonds de consolidation de la professionnalisation, pour 22,5 millions d'euros, le plan d'amélioration de la condition militaire, pour 26 millions d'euros, et le plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées, principalement dans la gendarmerie, pour 18,4 millions d'euros. Pour le personnel civil, les mesures nouvelles atteindront 15,5 millions de crédits et prolongent l'effort important réalisé ces trois dernières années. Enfin, une dotation supplémentaire de 15 millions d'euros sera consacrée aux réservistes.

Les crédits d'action sociale progresseront de 3,5 % et atteindront 98 millions d'euros. Ils seront notamment consacrés aux crèches et à la garde des jeunes enfants, mais aussi à l'indemnisation des accidents du travail et à l'accroissement du parc de logements familiaux.

La poursuite du préfinancement du surcoût des opérations extérieures, doté de 250 millions d'euros, constituera une véritable révolution pour la gestion budgétaire du ministère de la défense. Elle devrait mettre un terme aux gels de crédits d'équipement décidés dès le début de l'année pour gager le décret d'avances destiné aux opérations extérieures et éviter aux armées d'avoir à en assurer la trésorerie sur leurs crédits d'activité ou de fonctionnement courant.

M. Christian Piotre a ensuite souligné que le budget de la défense contribuait aussi aux grandes priorités gouvernementales :

- dans le domaine de l'emploi, avec le recrutement direct de près de 32 000 personnes, la signature de 600 contrats d'apprentissage et l'objectif de conclure 1 000 contrats d'avenir courant 2006, au-delà de l'implication du ministère dans l'initiative « Défense deuxième chance » ;

- dans le domaine du logement, avec l'identification de 42 emprises qui pourront être cédées à des opérateurs pour la construction de 5.000 à 6.000 logements, 7 à 8 opérations pouvant démarrer dès le début de l'année 2006 ;

- dans le domaine du développement des territoires, le ministère étant partie prenante dans certains pôles de compétitivité ;

- enfin, en assurant le respect des engagements pris dans le cadre des contrats d'entreprise de DCN et de Giat Industries.

M. Christian Piotre a ensuite mis en évidence les enjeux du projet de loi de finances pour le SGA.

Il a rappelé que, historiquement, le secrétaire général pour l'administration était avant tout chargé de coordonner les grandes directions fonctionnelles du ministère. Depuis 1999, avec le rattachement des services des anciens combattants, le SGA est placé à la tête d'une administration qui comporte aujourd'hui près de 12.000 agents. Désormais, dans le cadre de la LOLF, il devient responsable de programmes, tout en jouant un rôle majeur dans l'accompagnement de la modernisation du ministère.

Dans la version initiale du projet de loi de finances, le programme « Soutien de la politique de défense » était doté de 3 milliards d'euros. A la suite des amendements adoptés par l'Assemblée nationale, ses crédits ont été ramenés à 2,4 milliards d'euros du fait du transfert des crédits d'infrastructure et d'informatique de la gendarmerie au sein du programme de la mission « Sécurité » qui lui est consacré.

Le programme « Soutien de la politique de défense » regroupe 6 actions. Trois d'entre elles touchent aux fonctions de soutien de l'administration centrale : la direction et le pilotage, c'est-à-dire essentiellement les cabinets des ministres et les organismes qui y sont rattachés, le contrôle général des armées et la gestion centrale du ministère. Y sont associés deux objectifs, l'un mesurant le rapport entre la qualité des services rendus et les coûts, l'autre relatif au respect des échéances juridiques et légales, notamment la publication des textes d'application des lois. Trois autres actions traduisent la responsabilité propre du SGA dans la définition et la mise en oeuvre des politiques ministérielles. Il s'agit de la politique immobilière, des systèmes d'information et de l'action sociale.

En ce qui concerne la politique immobilière, M. Christian Piotre a indiqué que le SGA s'était vu confier la mission d'assurer la programmation centralisée de toutes les opérations d'infrastructure du ministère de la défense, l'objectif étant d'optimiser les moyens financiers en fonction du degré d'avancement de ces dernières, grâce à une vision plus globale des programmes. A cette responsabilité nouvelle en matière de coordination s'ajoute le regroupement de tous les crédits d'infrastructure au sein d'un même programme. Les amendements adoptés à l'Assemblée nationale ont certes rattaché les crédits d'infrastructure de la gendarmerie à la mission « Sécurité », mais cela ne remet pas en cause le rôle coordonnateur du SGA dans la programmation des opérations. Une charte de gestion sera élaborée afin de préciser les conditions dans lesquelles sera assurée cette fonction de contrôle du SGA, en matière de programmation, sur les crédits d'infrastructure qui seront désormais gérés dans le cadre du programme « Gendarmerie ».

M. Christian Piotre a ajouté qu'un dispositif analogue régirait les crédits relatifs aux systèmes d'information relatifs à l'administration et à la gestion. Ils seront gérés par la gendarmerie selon les orientations que le SGA fixera pour l'ensemble du ministère.

M. Christian Piotre a ensuite évoqué la modernisation du ministère de la défense, entreprise où le SGA joue un rôle d'animateur.

S'agissant du renforcement de la cohérence dans la gestion des ressources humaines, il a cité les deux dossiers principaux pour l'année 2006 :

- la déconcentration mesurée et progressive de certains aspects de la gestion des personnels civils ; elle fait l'objet de discussions avec les personnels et leurs employeurs directs, à savoir les états-majors, directions et services ; elle impliquera, de la part de ces derniers, une responsabilité accrue dans le dialogue social ;

- pour les personnels militaires, et à la suite du nouveau statut général, l'édiction des statuts particuliers, qui constitue un travail délicat, puisqu'il concerne très concrètement le mode de gestion des carrières, les relations entre les grades et les fonctions ou encore les notions de filières et de spécialisations ; l'élaboration de ces statuts particuliers offrira une réelle opportunité d'adapter les modes de gestion des ressources humaines à la nouvelle armée professionnelle.

M. Christian Piotre a ensuite mentionné les différentes réformes d'organisation conduites par le ministère de la défense. S'agissant du service historique de la défense, il a précisé qu'il importait désormais de lui donner les pleins moyens de fonctionner et de le doter d'un contrat d'objectifs. Le nouveau service d'infrastructure de la défense regroupe, quant à lui, 4.500 personnels. Enfin, dans le domaine de l'informatique, une direction générale des systèmes d'information et de communication sera chargée de fixer des orientations en matière technologique, commerciale et de sécurité pour assurer une meilleure performance globale des investissements du ministère.

M. Christian Piotre a conclu en soulignant que le ministère de la défense souhaitait prolonger la démarche de stratégie ministérielle de réforme en vue d'identifier toutes les marges de manoeuvre possibles permettant une meilleure allocation des moyens. Il a réitéré la volonté du SGA d'accompagner pleinement cette démarche.

A la suite de cette présentation, M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis pour l'environnement et le soutien de la politique de défense, a interrogé M. Christian Piotre sur le périmètre des crédits d'infrastructure inclus dans le périmètre du programme « Soutien de la politique de défense ». Il a souhaité connaître l'état d'avancement des opérations d'infrastructure par rapport aux prévisions de la loi de programmation militaire. Il s'est notamment inquiété de la réalisation du plan « VIVIEN » sur les logements destinés aux engagés dans les unités de l'armée de terre. Il a également souhaité savoir où en était le projet d'externalisation de la gestion des logements de la gendarmerie. A propos des cessions d'emprises militaires, il s'est interrogé sur la parution de textes réglementaires qui faciliteraient les opérations de dépollution qui retardent actuellement la reconversion des sites. S'agissant des systèmes d'information et de gestion, il a demandé des précisions sur le rôle de la nouvelle direction générale devant être créée au sein du SGA et sur son articulation avec la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information (DIRISI), créée il y a deux ans. Il a interrogé le secrétaire général pour l'administration sur le déficit en personnels civils au sein du ministère. Signalant qu'un crédit supplémentaire de 37 millions d'euros était prévu pour les victimes de l'amiante, il a souhaité connaître la nature des indemnisations et l'évolution prévisible de cette charge. Il a également demandé des précisions sur les crédits du fonds d'adaptation industrielle de DCN. Enfin, il a demandé dans quelle mesure le ministère de la défense continuerait à s'impliquer dans l'opération « Défense 2è chance » en 2006, notamment par l'ouverture de nouveaux sites.

En réponse à ces questions, M. Christian Piotre, secrétaire général de l'administration du ministère de la défense, a apporté les précisions suivantes :

- au cours des dernières années, les grands programmes d'infrastructure, comme l'hôpital Sainte-Anne à Toulon ou l'école franco-allemande du Luc, s'étaient poursuivis normalement ; en ce qui concerne le plan VIVIEN, les contraintes financières ont en revanche conduit l'armée de terre à étaler ses opérations, l'annuité consacrée à ce plan étant passée de 90 millions d'euros la première année d'application à 50 millions d'euros en 2004, 24 millions d'euros seulement étant prévus pour 2006 ; la réorganisation de la gestion de l'infrastructure devrait permettre de définir les priorités à l'échelle de l'ensemble du ministère et de mieux prendre en compte ce type d'opération, qui touche directement à la condition militaire ;

- indépendamment des crédits de la gendarmerie, le programme « Soutien de la politique de défense » n'englobe pas la totalité des crédits d'infrastructure de la mission « Défense » ; certains crédits relatifs à l'entretien immobilier relèvent du régime des « masses », c'est-à-dire des dotations globales déléguées aux unités ou formations pour leur fonctionnement ; par ailleurs, certaines opérations d'infrastructure sont étroitement liées à des programmes d'armement et sont rattachées au programme « Equipement des forces », pour près de 500 millions d'euros ; tel est notamment le cas pour les infrastructures liées aux programmes nucléaires ou au « Rafale » ;

- l'externalisation de la gestion de logements pour la gendarmerie a déjà fait l'objet de premières applications ponctuelles ;

- un fonds alimenté par le produit des cessions immobilières et destiné aux opérations de dépollution des sites du ministère de la défense a été créé en 2005 ; il pourra être mis en oeuvre après la parution, imminente, d'un décret autorisant la délégation de telles opérations à des intervenants privés ;

- la création d'une direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC) vise à mieux définir la politique générale du ministère en la matière, afin d'assurer une cohérence globale et de prendre en compte les exigences de sécurité ; la DIRISI est pour sa part chargée de l'entretien et de l'exploitation des différents réseaux du ministère ; des marges de progrès sont certainement envisageables en matière de systèmes d'information, par exemple en rapprochant les systèmes de gestion des ressources humaines ou de paiement des soldes des trois armées ;

- un déficit de 5 à 6 % est constaté pour les personnels civils, par rapport aux postes budgétaires ; la LOLF modifiera les références en la matière et elle conduira certainement à affecter prioritairement les militaires sur les fonctions opérationnelles ;

- sur les 37 millions d'euros prévus pour les victimes de l'amiante, 32 millions d'euros sont destinés à financer les mesures au profit des personnels ayant travaillé dans la construction navale, notamment les cessations anticipées d'activité ou les indemnisations, 5 millions d'euros représentant les indemnisations du fait de recours devant le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ; le ministère prépare actuellement un texte visant à étendre à d'autres personnels le bénéfice des dispositions en vigueur au profit des salariés des constructions navales. Il est probable que les sommes consacrées à ces indemnisations s'accroîtront au cours des prochaines années ; le nombre des départs anticipés indemnisés par le ministère était de l'ordre de 340 en 2004 et de 620 en 2005 ;

- au titre du fonds d'adaptation industrielle, 77 millions d'euros sont consacrés au financement de départs anticipés ou de mesures de dégagement des cadres des personnels de DCN, au nombre d'environ 5.500, entrés dans le dispositif entre 1997 et 2002, et 18 millions d'euros au volet social de mesures prises après 2002 tant à DCN qu'à GIAT-Industries. Cette dernière charge devrait demeurer stable autour de 20 millions d'euros par an d'ici 2010 ;

- les nouveaux sites retenus pour accueillir les bénéficiaires de l'initiative « Défense 2è chance » seront définis en tenant compte de l'état des infrastructures disponibles, du montant des travaux à effectuer et des capacités d'investissement du ministère de la défense ; l'aménagement d'une dizaine de sites est envisagé pour 2006.

Répondant à une question de M. Serge Vinçon, président, M. Christian Piotre a précisé que le produit des cessions immobilières alimenterait un fonds de concours rattaché à la mission « Défense ».

Nomination de rapporteurs

Puis la commission a nommé comme rapporteurs :

- M. Jean Puech sur le projet de loi n° 144 (1996-1997) autorisant la ratification de la révision de la convention internationale pour la protection des obtentions végétales ;

- M. Robert Laufoaulu sur le projet de loi n° 39 (2005-2006)autorisant l'approbation de l'accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Communauté du Pacifique ;

- M. Robert Del Picchia sur les projets de loi n° 41 (2005-2006)autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au centre spatial guyanais (ensemble trois annexes) et n° 42 (2005-2006) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif aux ensembles de lancement et aux installations associées de l'Agence au centre spatial guyanais (ensemble trois annexes).

Mercredi 9 novembre 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

PJLF pour 2006 - Mission « Défense » - Audition de M. Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale

La commission a procédé à l'audition du général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale.

M. Serge Vinçon, président, a salué l'action conduite par la gendarmerie dont le sang froid, le dévouement et la maîtrise (tant des hommes que de leurs responsables) constituent, dans le grave contexte social actuel, un bien précieux pour la République.

Le général Guy Parayre, directeur général de la gendarmerie nationale, a confirmé que l'engagement des forces de gendarmerie était, dans les circonstances actuelles, très important et qu'il serait maintenu. Si une légère décrue de la violence semble s'amorcer, la situation reste en effet très préoccupante.

Puis le directeur général de la gendarmerie nationale a dressé un bilan de l'activité de la gendarmerie au cours de l'année écoulée :

- l'effort de lutte contre la délinquance s'est poursuivi en 2005 ; celle-ci est en baisse depuis trois ans et le niveau des résultats enregistrés exige désormais un effort important pour consolider ce degré de performance. Les moyens budgétaires accordés permettent ainsi d'avoir recours aux nouvelles technologies (vidéosurveillance). Il a rappelé que la délinquance avait significativement diminué en zone de gendarmerie nationale : les baisses ont été de 3,5 % en 2003, 6,3 % en 2004 et 3,4 %, selon les estimations, en 2005, la part de délinquance de voie publique demeurant inférieure à 50 % du total de la délinquance constatée ;

- le bilan de la lutte contre l'insécurité routière est globalement satisfaisant : en zone de gendarmerie, 1.473 vies ont été épargnées depuis 2002. Les efforts vont porter plus particulièrement sur les motocyclistes, les jeunes, les conducteurs de poids lourds et les conducteurs étrangers ;

- les réformes mises en oeuvre depuis 2002 portent sur quatre domaines : tout d'abord, la zonalisation de l'emploi des forces mobiles est en voie d'achèvement ; la gendarmerie va désormais renforcer son dispositif de lutte contre les violences de type urbain, en consacrant sept escadrons aux secteurs les plus sensibles situés dans sept départements métropolitains. Le redéploiement des forces de police et de gendarmerie est par ailleurs achevé en métropole. Ensuite, les communautés de brigade sont en place depuis 2003, et actuellement, 1.068 communautés de brigade et 654 brigades autonomes regroupent 3.506 brigades territoriales en métropole et outre-mer. Le but de la mise en place des communautés de brigade est de rendre les gendarmes plus disponibles pour l'action sur le terrain, au contact de la population, en diminuant les charges fixes de travail à l'intérieur des casernes. Enfin, la réorganisation du commandement territorial est effective depuis le 1er juillet 2005 et doit établir une réelle proximité entre les commandants de région et leurs unités subordonnées.

Le général Guy Parayre a ensuite présenté le programme 152 « Gendarmerie nationale » de la mission interministérielle de « Sécurité ». Il a rappelé que la stratégie définie conjointement avec la police nationale (renforcer la lutte contre l'insécurité en optimisant l'allocation des ressources) reflétait la volonté de renforcer le niveau de sécurité. Il a indiqué que le projet de loi de finances initiale pour 2006 s'inscrivait dans le cadre de poursuite de la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire 2003-2008 et de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure : à cette fin, 2.000 emplois nouveaux seront créés en 2006. Il a indiqué qu'avec plus de 7,271 milliards d'euros de crédits de paiement, pensions comprises, le projet de programme pour la gendarmerie nationale regrouperait environ 15,5 % des crédits de défense et représenterait 47,6 % de la mission « Sécurité ». Le programme « Gendarmerie nationale » se décompose en cinq actions qui ne sont pas les mêmes que celles du programme national : la police et la gendarmerie ont en effet des formules d'actions différentes, qui peuvent converger, mais ne seront jamais identiques. Il a énuméré ces cinq actions : ordre et sécurité publics, sécurité routière, police judiciaire et concours à la justice, commandement ressources humaines et logistiques, et, enfin, exercice des missions militaires.

Il a souligné que, dans un contexte budgétaire contraignant, le ministre de la défense avait maintenu son effort afin de permettre à la gendarmerie d'accomplir ses missions. Il a détaillé les moyens que la gendarmerie pourrait consacrer à sa modernisation grâce au projet de loi de finances 2006 : 2.000 postes devraient être créés, ce qui permettrait d'atteindre le taux de 73 % des effectifs supplémentaires prévus par la LOPSI. La mise en place du PAGRE (plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées) se poursuit et son coût est évalué à 15,4 millions d'euros pour 2006. L'augmentation des crédits dédiés à la réserve permettra de porter de 18.500 à 22.000 les ESR (engagement spécial dans la réserve) dans les rangs de la gendarmerie.

Le général Guy Parayre a indiqué qu'afin de se doter des moyens de mise en oeuvre de la LOLF et de suivre l'application du programme, la gendarmerie utiliserait son réseau de 40 contrôleurs de gestion régionaux.

Il a ensuite évoqué l'évolution des crédits d'équipement qui est sensible (420 millions d'euros d'autorisation d'engagement et 340 millions d'euros de crédits de paiement) : elle permettra de poursuivre les programmes d'équipement (24.575 tenues commandées, livraison attendue de 12.000 pistolets automatiques Sig-Sauer SP 2002). En 2005, 500 lanceurs de balles de défense et 60 pistolets à impulsions électriques ont permis de renforcer les équipements de la gendarmerie. Par ailleurs, de nouveaux véhicules, particulièrement utiles en cas de violences urbaines, vont être commandés pour la gendarmerie mobile. La modernisation du réseau de communication Rubis pourra être poursuivie.

Le général Guy Parayre a abordé ensuite les crédits consacrés aux infrastructures et rappelé qu'à ce titre le ministre de la défense avait récemment décidé de réintégrer 602 millions d'euros de crédits de paiement dans le programme gendarmerie. Par ailleurs, les crédits de constructions immobilières sont augmentés et s'élèvent à 200 millions d'euros, permettant d'envisager la construction de plus de 3.800 unités-logements.

Il a souligné la nécessité de recourir à des solutions innovantes, associant les collectivités territoriales, afin de pallier la vétusté de certains locaux de services et de certains logements, même si celles-ci ont pour conséquence un accroissement du poids des loyers.

Le général Guy Parayre a conclu que ce projet de budget devait permettre aux gendarmes de travailler dans des conditions honorables au service des institutions de la République.

M. Jean Faure, rapporteur pour avis, a rappelé combien le Sénat était attentif à l'action de la gendarmerie. Il a demandé des précisions sur les conséquences du transfert des crédits d'infrastructure (602 millions d'euros) de la mission « Défense » à la mission « Sécurité ». Il a souhaité savoir si l'accroissement des effectifs de la gendarmerie était en adéquation avec les prévisions de la LOPSI. Il a souligné la difficulté de comparaison entre les indicateurs du programme de la police et du programme de la gendarmerie. Il a enfin souhaité savoir si, pour mener à bien ses opérations extérieures, la gendarmerie pourrait avoir recours aux 250 millions d'euros provisionnés dans les crédits de la mission « Défense ».

Le général Guy Parayre a apporté les réponses suivantes :

- le transfert des crédits liés aux opérations immobilières et informatiques permettrait de rendre compte du coût global de la gendarmerie. Les décisions concernant ces secteurs, et tout particulièrement l'infrastructure immobilière, seront prises à l'issue d'un dialogue avec le secrétaire général de l'Administration du ministère de la défense, dans le double souci de réaliser des économies et de préserver les synergies ;

- s'agissant de l'adéquation des effectifs à la mise en oeuvre de la LOPSI, l'augmentation de 2.000 hommes, annoncée pour 2006, permettra de compenser une dotation en loi de finances initiale pour 2005 inférieure à l'annuité correspondante de la LOPSI. En ce qui concerne les investissements, les 200 millions d'euros prévus pour 2006 ne permettront de rattraper qu'une partie du retard pris par rapport à la LOPSI depuis trois ans : il conviendra qu'à l'avenir l'effort d'investissement soit plus important ;

- pour ce qui est des indicateurs de résultat, l'objectif de la LOLF n'est pas d'établir une comparaison systématique de la police et de la gendarmerie, mais de donner des renseignements sur l'activité respective de ces deux forces et de mesurer, d'une année sur l'autre, les progrès réalisés par chacune d'elles ;

- la gendarmerie n'a pas accès pour ses opérations extérieures (OPEX) aux 250 millions d'euros inscrits à la mission « Défense ». Il conviendra donc d'inclure le coût des opérations extérieures de la gendarmerie dans le cadre des crédits qui lui sont affectés.

M. André Rouvière, après s'être associé à l'hommage rendu par M. Serge Vinçon, président, à l'action des forces de la gendarmerie lors des événements actuels, s'est interrogé sur l'interopérabilité des réseaux de communication de la gendarmerie et de la police. Il a aussi évoqué la nécessité d'établir un bilan sur l'efficacité des dispositifs de communautés de brigade et s'est interrogé sur l'avenir des petites brigades rurales.

M. Robert Del Picchia a salué l'action des gendarmes dans le cadre des opérations de stabilisation conduites en Bosnie Herzégovine ou au Kosovo. Il s'est interrogé sur l'existence de formations dispensées en matière de maintien de l'ordre par la gendarmerie française au profit de forces étrangères comparables. En ce qui concerne les crédits de fonctionnement, il s'est demandé s'il ne conviendrait pas de prévoir une sorte de réserve de crédits permettant de faire face à d'éventuelles dépenses supplémentaires imprévues.

M. Didier Boulaud a demandé des précisions sur la force européenne de gendarmerie. Il a souligné la nécessité d'un bilan des communautés de brigade : lorsque les gendarmes connaissent mal les lieux d'intervention, ce dispositif peut ne pas donner entière satisfaction et devrait être modulé en fonction des caractéristiques géographiques du territoire. Il a par ailleurs estimé que, tout en étant favorable à une politique de sécurité routière, il trouvait souhaitable d'assouplir la verbalisation des excès de vitesse, lorsque celle indiquée par le radar n'est supérieure que de quelques kilomètres à la limite autorisée.

Mme Hélène Luc s'est interrogée sur le rôle de la gendarmerie selon qu'elle opère en zone urbaine ou en zone rurale. Après s'être associée à la remarque de M. Didier Boulaud sur les radars, elle a estimé que la construction de logements supplémentaires et la rénovation du parc existant étaient indispensables et rappelé les conditions de vie des épouses des gendarmes rendues difficiles par la vétusté de certaines habitations.

Le général Guy Parayre a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- les réseaux de communication de la gendarmerie (Rubis) et de la police (Acropole, qui n'est pas encore totalement déployé), ne sont pas complètement interopérables mais permettaient néanmoins aux unités de communiquer entre elles. Ainsi, un dispositif de relais permet un travail commun police et gendarmerie ; par ailleurs, en cas de besoin, des postes peuvent être prêtés entre des unités de chaque force. Cette technique, efficace, est utilisée dans les situations graves. Enfin, dans les salles opérationnelles de la police et de la gendarmerie, les opérateurs disposent de lignes directes et peuvent entrer en contact l'un avec l'autre en temps réel. Une réflexion est d'ores et déjà en cours sur le réseau du futur qui sera mis en oeuvre avant 2020 ;

- la géographie et les particularités locales doivent être prises en compte pour l'organisation des communautés de brigade. Celles-ci permettent cependant d'accroître de 25 % les activités de contact avec la population locale lorsqu'il n'y a pas de problème de découpage géographique et que le projet de services est élaboré par un dialogue avec les responsables locaux. Les dispositifs devront parfois être revus localement afin que les capacités et les délais d'intervention soient satisfaisants. Par ailleurs, le dispositif des communautés de brigade n'en est qu'à son début : la connaissance des lieux et des personnes par tous les gendarmes d'une communauté va nécessairement s'améliorer avec le temps. Toutefois, le dialogue avec les élus et la population restera toujours nécessaire et, en tant que de besoin, certains découpages géographiques pourront être revus ;

- il n'est pas envisagé de supprimer des brigades territoriales rurales des chefs-lieux de canton. Toutefois, lorsque coexistent plusieurs brigades dans un même canton, une rationalisation est indispensable, le principe étant de conserver au minimum une brigade par canton ;

- actuellement, la gendarmerie ne dispense pas de formation spécifique sur les théâtres d'opérations extérieures, mais des contacts réguliers sont établis avec des gendarmeries étrangères, notamment en Afrique et au Moyen-Orient dans le cadre d'accords de coopération ; de plus, de nombreux personnels étrangers sont admis dans les écoles de la gendarmerie française ; les opérations extérieures, notamment dans les Balkans, sont très utiles en elles-mêmes, mais aussi grâce aux informations qu'elles permettent de recueillir, en termes de retour en sécurité intérieure, notamment en matière de trafic d'armes ;

- dans la logique de la LOLF, il est impossible de constituer des réserves de crédits permettant de faire face à d'éventuelles dépenses supplémentaires imprévues, celles-ci devant être financées par prélèvement sur d'autres ressources. Aussi bien la préparation du budget doit-elle reposer sur les prévisions les plus fines possibles et qui prennent en considération les missions opérationnelles de la gendarmerie ;

- la force de gendarmerie européenne, qui réunit, aux côtés de la France, le Portugal, les Pays-Bas, l'Italie et l'Espagne, répond à un réel besoin de sécurisation en situation de sortie de crise. Un état-major de cette force, composé de 30 personnes, a été mis en place à Vicenza, en Italie. La contribution française à la force de gendarmerie européenne est au maximum de 300 gendarmes, qui interviennent dans les phases militaires, de transition ou de stabilisation ;

- les contrôles de vitesse par radar posent deux problèmes : d'un point de vue juridique, la verbalisation doit d'abord tenir compte du formalisme des procédures. Or, d'un point de vue technique ensuite, il faut tenir compte de la marge d'erreur éventuelle et donc porter sur le procès-verbal une vitesse toujours inférieure à la réalité, sachant que la vitesse réelle du véhicule y figure également. Par ailleurs, les vitesses maximales indiquées par les panneaux de limitation ne sont peut-être pas toutes adaptées et devraient peut-être, dans certains endroits, être relevées. En matière de sécurité routière, l'important est de changer les comportements des conducteurs en menant des politiques à long terme ;

- en zone urbaine, la gendarmerie effectue essentiellement des actions judiciaires, concentrant son activité de sécurité publique aux zones « gendarmerie » proprement dites.

M. Josselin de Rohan s'est enfin interrogé sur les conditions d'emploi et l'origine des 1.500 réservistes mobilisés à l'occasion des récentes émeutes.

Le général Guy Parayre a rappelé que la gendarmerie disposait en permanence de 18.000 réservistes mobilisables, en appui des moyens habituels, et ce, dans tous les départements, ce qui lui permet de répondre à la demande du Gouvernement. Ces réservistes permettent de libérer des forces mobiles, qui peuvent ainsi être engagées directement dans les opérations de maintien de l'ordre. Ainsi, 34 réservistes ont été rappelés dans le département du Val d'Oise et il a estimé à 700 le nombre de journées-réservistes effectuées depuis le début des événements en cours. Ces réservistes sont, d'une part, d'anciens gendarmes (jusqu'à 5 ans après la retraite) et, d'autre part, des jeunes volontaires formés par la gendarmerie.

PJLF pour 2006 - Mission « Défense » - Forces terrestres - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. André Dulait sur les crédits relatifs à la préparation et à l'équipement des forces terrestres inscrits au sein de la mission « Défense » dans le projet de loi de finances pour 2006.

M. Serge Vinçon, président, a indiqué que la commission se prononcerait par un vote global, le mercredi 23 novembre, sur les crédits de la mission « Défense », après examen de tous les rapports pour avis.

M. André Dulait, rapporteur pour avis, a précisé que son analyse portait sur 2 actions parmi les 24 identifiées au sein de la mission « Défense » : la « Préparation des forces terrestres » et « l'Equipement des forces terrestres ». Elles regroupent les moyens humains et matériels conditionnant directement la capacité opérationnelle des forces terrestres et représentent à elles seules 11 milliards d'euros, soit plus de 30 % des crédits de la mission « Défense ».

Après avoir précisé que les importantes modifications de périmètre induites par la LOLF rendaient les comparaisons avec les budgets précédents peu significatives, le rapporteur pour avis a tout d'abord présenté les moyens en personnels dont bénéficieront les forces terrestres en 2006.

Il a rappelé les interrogations soulevées, il y a un an, par l'enveloppe initialement prévue en matière de masse salariale et les risques de décrochage des effectifs par rapport au format des forces terrestres qui en résultaient. Il a précisé que cette situation avait été redressée en cours de gestion, grâce à des transferts de crédits, et que les effectifs ont pu être maintenus au niveau de 2004. Il a également indiqué que par rapport aux postes budgétaires, le sous-effectif des militaires avait été ramené à environ 3 000 hommes, soit moitié moins qu'en 2002 et 2 % à peine de l'effectif théorique. Il a en revanche souligné que le fonctionnement des formations restait pénalisé par le sous-effectif des personnels civils, lié aux limitations imposées aux recrutements.

M. André Dulait, rapporteur pour avis, a indiqué que le budget 2006 apporterait peu de modifications par rapport aux effectifs actuels. Un effort d'économie portant sur 235 postes militaires et 200 postes civils sera réalisé grâce à des mesures de réorganisation des services centraux ou d'externalisation. Le principal changement viendra d'une modification de la répartition des effectifs militaires, la composante « militaires du rang » étant renforcée de 500 postes grâce à la suppression de 320 postes de sous-officiers.

Au total, les effectifs dans les forces terrestres s'élèveront à 124.000 militaires et 25.000 civils, soit environ 45 % de l'effectif total de la mission « défense ».

Evoquant les crédits de fonctionnement, le rapporteur pour avis a considéré qu'ils demeureraient extrêmement contraints en 2006. La majoration des dotations destinées aux carburants opérationnels ne prend en compte que très partiellement l'évolution des cours du pétrole. Les crédits relatifs au fonctionnement courant ne font l'objet d'aucune actualisation depuis 2002, alors que dans le même temps les prix d'achat des biens et services par les unités ont augmenté, selon les postes de dépense, de 5 à 10 %. Enfin, une mesure supplémentaire d'économie de 3,5 % sera imposée en 2006. Pour une part, ces contraintes accentuées se traduiront par une réduction des objectifs d'activité et d'entraînement par rapport à ceux fixés par la loi de programmation militaire : 96 jours d'activité par homme au lieu de 100 et 160 heures de vol par pilote d'hélicoptère au lieu de 180.

M. André Dulait, rapporteur pour avis, a ensuite présenté les dotations consacrées aux équipements des forces terrestres.

Sur le plan financier, les crédits d'équipement seront légèrement inférieurs à ceux qu'escomptait l'armée de terre en application de la loi de programmation militaire (LPM). D'une manière plus générale, on constate depuis deux ans une tension sur les crédits d'équipement, qui trouve son origine dans plusieurs phénomènes : le report de charges au moment de l'entrée dans la loi de programmation, une certaine sous-évaluation des besoins de paiement suscités par les commandes passées au cours des dernières années, une forte augmentation des crédits nécessaires à l'entretien des matériels.

Le rapporteur pour avis a estimé que globalement, ces difficultés n'avaient que peu de conséquences visibles, car les crédits d'équipement des forces terrestres sont répartis sur un très grand nombre de programmes, dont une majorité se poursuit normalement. Il a ajouté que pour l'essentiel, les commandes et les livraisons prévues pour 2006 demeuraient cohérentes avec l'échéancier de la LPM. Il a notamment cité, parmi les livraisons, l'arrivée des premiers équipements FELIN pour les fantassins et la poursuite de la rénovation des chars à roues AMX10RC, très utilisés en Opex. Ajoutant que la livraison de 7 hélicoptères Tigre était également prévue en 2006, il a signalé qu'un décalage était constaté sur ce programme, en partie pour des raisons industrielles, à la suite de l'entrée de l'Espagne dans le projet, en partie aussi pour des difficultés techniques survenues sur les premiers exemplaires. Il a considéré que tout nouveau retard dans la livraison des Tigre serait pénalisant, car il remettrait en cause le calendrier de formation, puis d'arrivée de l'appareil dans les forces.

Le rapporteur pour avis a précisé que, malgré l'effort financier réalisé ces trois dernières années, certaines révisions avaient du être opérées. Il a notamment indiqué que le parc d'hélicoptères Gazelle antichars en service serait réduit et que le projet de rénovation de 45 hélicoptères de transport Puma était abandonné. Il a rappelé à ce propos les précisions fournies par le chef d'état-major des armées, selon lesquelles les Puma non rénovés pourraient tout de même servir en opérations, puisque leur mise à niveau concernait uniquement l'adaptation aux normes de la circulation aérienne civile. Il a cependant estimé que l'abandon de ce programme entraînerait une nouvelle altération de nos capacités aéromobiles.

M. André Dulait, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué la situation générale des équipements des forces terrestres et les priorités retenues pour mieux répondre aux besoins liés aux engagements opérationnels.

Il s'est félicité des progrès effectués dans le domaine des systèmes d'information et de commandement, l'avancement des programmes plaçant la France en tête des armées européennes.

Il a souligné l'âge moyen très élevé des blindés légers indispensables à la protection de l'infanterie, ainsi que leur maintenance coûteuse et leur disponibilité peu satisfaisante. Il a indiqué que des mesures d'urgence allaient permettre de maintenir la durée de vie d'une centaine de blindés chenillés AMX10P d'ici 2007, en l'attente de l'arrivée du VBCI qui remplacera progressivement ce véhicule à partir de 2008. En revanche, le remplacement des blindés à roues n'est pas envisagé avant 2015 et celui des VAB avant 2020. Des programmes de rénovation partielle sont en cours sur les AMX10RC et l'ERC90 Sagaie, mais le maintien de ces capacités très sollicitées en opérations extérieures reste un défi pour les 10 à 15 années à venir.

Le rapporteur a également estimé que dans le domaine de l'aéromobilité, la situation demeurerait durablement critique. Au plan financier, les programmes Tigre et NH90, auxquels s'ajoute la rénovation de 24 Cougar, représenteront une charge importante, alors qu'au plan opérationnel, le déficit capacitaire s'accentuera dans les toutes prochaines années. Le rapporteur s'est toutefois félicité du renforcement des moyens aéromobiles des forces spéciales, qui vont recevoir, entre cette année et 2006, 8 nouveaux hélicoptères Cougar adaptés à leurs besoins et dotés des équipements les plus modernes. Par ailleurs, il a salué l'évolution favorable du projet de recours à un partenariat public-privé pour les appareils destinés à la formation initiale des pilotes d'hélicoptères à Dax. Cette formation continuerait d'être assurée par les militaires, mais l'école aurait recours à la location d'heures de vol, réalisant ainsi des économies appréciables sur le fonctionnement et la maintenance.

M. André Dulait, rapporteur pour avis, s'est également félicité de voir les forces terrestres bénéficier de la forte relance des crédits d'études-amont, à travers le développement de démonstrateurs concernant un missile de combat terrestre, un hélicoptère furtif et apte au vol tout temps et la « bulle opérationnelle terrestre », qui impliquera pour sa part un financement de 135 millions d'euros entre 2005 et 2012 et qui portera sur la mise en réseau de tous les moyens utilisés dans le combat de contact. Il a souhaité que la LOLF permette d'éviter que ces actions de recherche soient sacrifiées au profit des besoins immédiats, les études-amont relevant d'un autre programme que l'équipement des forces.

En conclusion, M. André Dulait, rapporteur pour avis, a estimé que le projet de loi de finances se caractérisait par un effort soutenu en faveur des forces terrestres, tant en matière de personnels que d'équipement, cet effort étant justifié au vu de l'engagement opérationnel permanent de ces forces sur les théâtres d'opérations. Il a proposé à la commission d'émettre un avis favorable sur les crédits de la mission « défense ».

A la suite de cet exposé, M. Roger Romani s'est inquiété des retards constatés en matière de livraisons d'hélicoptères et a demandé s'ils résultaient d'insuffisance de crédits ou de problèmes industriels.

M. André Dulait, rapporteur pour avis, a répondu que le calendrier du programme Tigre avait dû être adapté à la suite de la participation espagnole et que des difficultés techniques avaient été rencontrées sur les premiers appareils de série. L'école du Luc ne dispose actuellement que de 3 Tigre au lieu des 7 attendus et un retard global de l'ordre d'un an est intervenu sur ce programme.

M. Serge Vinçon, président, a ajouté que s'agissant de l'hélicoptère de transport NH90, l'échéance tardive de livraison, toujours fixée à 2011, résultait d'un arbitrage réalisé avant l'actuelle loi de programmation en fonction des ressources budgétaires prévisibles de l'armée de terre.

Par ailleurs, M. André Dulait, rapporteur pour avis, a précisé à Mme Hélène Luc que le projet d'externalisation de la formation des pilotes d'hélicoptère portait exclusivement sur la mise à disposition d'appareils destinés à la formation initiale, et en aucun cas sur la formation elle-même, qui sera assurée comme aujourd'hui par l'encadrement militaire.

PJLF pour 2006 - Mission « Défense » - Forces navales - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. André Boyer, sur les crédits de préparation et équipement des forces navales inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006, mission « Défense ».

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a tout d'abord relevé l'intérêt d'examiner, de façon individualisée, les crédits dévolus aux forces navales. Certes, les différentes armées évoluent de façon très interdépendante, les équipements bénéficient de plus en plus aux différentes composantes de la défense et des réformes récentes ont renforcé les compétences transversales. Toutefois, a-t-il estimé, à l'examen des crédits, la réflexion par armée restait parfaitement pertinente. Il s'est félicité, en conséquence, de la méthode retenue par la commission.

Il a ensuite indiqué que les crédits consacrés aux forces navales pour 2006 devaient répondre à un double enjeu : la réalisation, par la marine, de son contrat opérationnel dans toutes ses composantes, dissuasion, projection et sauvegarde. Cela suppose le maintien d'un niveau d'activité et d'entraînement adéquat et une préparation de l'avenir qui exige le renouvellement de capacités dont le nombre et la technicité permettent de préserver le caractère océanique de notre marine.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a considéré que ces deux impératifs étaient particulièrement difficiles à concilier, dans un contexte de tension sur le coût des carburants et de vieillissement des matériels, qui handicape la disponibilité et le niveau d'activité, tandis que le décalage dans le temps d'un certain nombre de programmes contraignait à financer simultanément des capacités coûteuses (comme le porte-avions ou les sous-marins nucléaires d'attaque), et la rénovation, a minima, des équipements en service.

Il a indiqué que les crédits disponibles pour la marine figuraient dans les actions de deux programmes, celui sur « la préparation et l'emploi des forces », qui regroupe la majeure partie des crédits de personnels et de fonctionnement, et celui concernant l'« Equipement des forces », pour un montant total de 6,8 milliards d'euros.

Il a ensuite évoqué les moyens consacrés à l'emploi des forces.

Pour ce qui concerne les ressources humaines, le projet de loi de finances consacre 2,8 milliards d'euros à la masse salariale des forces navales, dont 930 millions d'euros destinés aux cotisations de retraite. Pour les deux programmes, le plafond d'emplois se répartit entre 41.878 militaires et 9.000 civils. La gestion de ces derniers reste centralisée au niveau du ministère, et non des différentes armées. Les crédits de rémunérations et charges sociales augmentent de 52 millions d'euros, ce qui permet notamment de financer les différentes mesures catégorielles prévues par la loi de programmation militaire et qui sont particulièrement importantes pour la fidélisation des personnels.

Evoquant les indicateurs d'activité, M. André Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué que le ministère de la défense avait repris les normes définies par la loi de programmation. La cible des 100 jours de mer est fixée à l'horizon 2008, avec un objectif intermédiaire de 91 jours en 2006, celle des 180 heures de vol pour les pilotes de chasse étant maintenue. Les résultats de 2004, dernière année connue, sont en deçà des objectifs, avec 88 jours de mer et 160 heures de vol réalisées.

La dotation allouée au fonctionnement courant pour 2006 est de 452 millions d'euros. La majoration de 7 millions d'euros de l'enveloppe destinée aux affrètements, sous-dimensionnée ces dernières années, doit être relevée. M. André Boyer, rapporteur pour avis, a salué la progression des cofinancements en matière de missions de services publics et a rappelé qu'il s'agissait d'une des préconisations du rapport d'information sur l'action de l'Etat en mer, dont il était corapporteur.

Il a ensuite estimé qu'en dépit d'une dotation de 14 millions d'euros supplémentaires, les crédits de carburants opérationnels seraient probablement insuffisants en 2006, ce qui devrait avoir pour conséquence d'obliger la marine à puiser encore dans les stocks, à poursuivre les efforts d'économie et, probablement, à réduire l'activité.

Le rapporteur pour avis a souligné que le soutien des forces mobilisait 930 millions d'euros sur l'ensemble du programme et que sur ce point, en dépit d'une amélioration notable et d'un effort budgétaire soutenu au cours des trois dernières années, les résultats restaient en deçà des objectifs. Des dysfonctionnements dans la gestion du maintien en condition opérationnelle, que la marine finit de résorber, tout comme le vieillissement des bâtiments pour lequel la réponse ne peut être que progressive, expliquent en grande partie cette situation. Les cibles de disponibilité définies par la loi de programmation (90 % pour la flotte, et 75 % pour les matériels aériens) ne sont pas encore à portée de réalisation et se situaient, a-t-il indiqué, en 2004, à 66 % et 52 %.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a ensuite évoqué le renouvellement des équipements, considérant que le projet de loi de finances pour 2006 était prometteur dans ce domaine, bien que des incertitudes continuaient de peser sur le calendrier des programmes.

Il a indiqué que l'équipement des forces navales mobilisait 2,9 milliards d'euros en autorisations de programme, et 2,4 milliards d'euros en crédits de paiement. Il a souligné que les indicateurs relatifs au taux de réalisation des équipements n'étaient pas encore disponibles.

Il a rappelé qu'en 2006 des programmes de première importance seraient en phase de démarrage. Le deuxième porte-avions, les frégates multimissions, les sous-marins Barracuda, auxquels il convient d'ajouter le missile de croisière naval, sont étroitement liés en termes de cohérence opérationnelle. Aucun arbitrage n'est donc a priori possible entre ces équipements, pleinement complémentaires. Le volume des autorisations d'engagement inscrites au projet de loi de finances pour 2006 témoigne de l'ampleur des efforts budgétaires à consentir au cours des dix prochaines années pour le renouvellement des équipements de la marine. 926 millions d'euros sont ainsi inscrits au titre du second porte-avions, 552 millions pour le missile de croisière naval, 188 millions d'euros pour les sous-marins nucléaires d'attaque et 23 millions d'euros pour les frégates multimissions. Sur ce dernier programme, il a précisé que 4,6 milliards d'euros d'autorisations de programme avaient été inscrits au projet de loi de finances initiale pour 2005 en prévision d'un financement « innovant » qui n'est finalement pas intervenu.

Il a appelé l'attention de la commission sur le programme de frégates multimissions pour deux raisons principales : ces bâtiments constituent l'ossature de la marine et sont essentiels à sa maîtrise du milieu maritime ; en outre, ce programme était destiné, grâce à une cadence rapide de fabrication et à un effet de série, à doter la marine d'une capacité essentielle, au moindre coût. Faute de financement, en raison du coût pour la marine de la restructuration de DCN, le programme a subi un décalage de deux ans. La première frégate devrait ainsi être livrée en 2011, et non plus à la fin de l'année 2008, comme le prévoyait la loi de programmation militaire. Les livraisons devraient désormais s'étaler sur 13 ans et non plus sur 8 ans, ce qui risquera de limiter l'effet de série. Enfin, le coût unitaire des bâtiments enregistre une notable révision de cible en s'établissant à 388 millions d'euros. M. André Boyer, rapporteur pour avis, a considéré que cette révision de cible était davantage un réajustement sur les coûts réels qu'un véritable dérapage. L'estimation de la loi de programmation militaire, 250 millions d'euros, constituait de fait une sous-dotation. Au total, l'évaluation du coût global du programme est passée de 5,2 à 8,2 milliards d'euros.

Evoquant le programme des sous-marins nucléaires d'attaque, il a indiqué que son coût prévisionnel était, quant à lui, passé de 5,4 milliards d'euros, chiffre de la loi de programmation, à 6,7 milliards d'euros. La négociation se poursuit cependant avec l'industrie, l'objectif étant de notifier le premier contrat en 2006. D'ores et déjà, le décalage de livraison de deux ans conduit à s'interroger sur la possible réduction du nombre de sous-marins en parc, de 6 à 5 à partir de 2010, la modernisation du Rubis risquant d'être trop coûteuse.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a rappelé que le coût estimé du deuxième porte-avions était d'environ 2,66 milliards d'euros, pour une livraison prévue en 2014. Il a considéré que le dossier de la coopération avec les Britanniques illustrait bien les difficultés liées à l'absence de restructuration du secteur naval en Europe : alors que les gouvernements avaient souhaité privilégier une collaboration entre industriels, il apparaît que ceux-ci sont peu disposés à une coopération tournée vers une réduction des coûts. Le dossier est donc repris à un niveau gouvernemental. Les gains d'une éventuelle coopération restent encore à chiffrer.

En conclusion, M. André Boyer, rapporteur pour avis, a considéré qu'en dépit du strict respect, indiscutable, des annuités prévues par la loi de programmation militaire, les crédits destinés au renouvellement des équipements de la marine seraient certainement insuffisants. Il a attribué ce constat à la sous-dotation initiale de certains programmes, comme les frégates multimissions, à l'évolution des normes techniques, comme pour les sous-marins Barracuda, mais aussi à la ponction réalisée sur l'enveloppe d'équipement pour les besoins de la nécessaire restructuration de DCN, non prévue par la loi de programmation. Il a souligné qu'il ne semblait plus possible aujourd'hui de poursuivre la pluralité d'objectifs auparavant assignée au programme, c'est-à-dire l'équipement des forces, mais aussi le soutien à l'industrie nationale, sans nuire directement à la capacité d'acquisition des armées. Il a souligné que l'industrie française mobilisait des compétences indéniables, qu'il convenait de préserver lorsqu'elles revêtent un caractère stratégique. La restructuration du secteur naval est désormais urgente, une baisse des coûts étant indispensable, tant sur les constructions neuves que sur le maintien en condition opérationnelle. Il a estimé que si les arbitrages devaient être réalisés à terme entre différentes capacités, il convenait de garder à l'esprit qu'une flotte de surface moderne, constituée d'unités en nombre suffisant, était un gage essentiel de la crédibilité de la marine et de l'armée.

Le rapporteur pour avis a enfin salué les efforts importants consentis dans le projet de loi de finances pour 2006 pour le renouvellement des équipements dans un contexte tendu pour les finances publiques, mais qu'ils devraient être soutenus dans la durée pour préserver à la fois la cohérence des équipements et la rationalité des dépenses.

Le rapporteur pour avis a invité la commission à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense ».

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Serge Vinçon, président, s'est interrogé sur le point de savoir si la signature de l'accord avec l'Italie pour le contrat des frégates multimissions, reportée à deux reprises, était finalement intervenue.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a indiqué que la presse se faisait l'écho d'indications contradictoires selon lesquelles, tour à tour, un financement avait pu être trouvé sur les crédits du ministère des affaires industrielles italien, ou qu'au contraire, l'Italie ne disposait pas des financements nécessaires à la mise en oeuvre de ce programme. Il a souligné l'ambiguïté des positions italiennes et estimé que cette question restait préoccupante.

Mme Hélène Luc a fait part de sa préoccupation au sujet du programme des frégates multimissions qui semble soulever de réelles difficultés, non pas tant sur le plan technique que sur le plan politique. Elle a fait part de l'inquiétude des personnels de DCN et souhaité que cette question puisse être posée au ministre, en séance publique. Elle s'est interrogée sur le choix de la propulsion classique du second porte-avions, pour le regretter, en raison de l'évolution des prix du pétrole et de la nécessité de former à nouveau les personnels embarqués. Elle a souhaité savoir quel était l'état d'avancement du programme et fait part de ses interrogations quant à la coopération avec le Royaume-Uni.

M. André Boyer, rapporteur pour avis, a confirmé que le programme des frégates multimissions répondait à une absolue nécessité en matière opérationnelle, mais représentait également une source d'inquiétude pour le plan de charge du site de DCN à Lorient. L'inquiétude des industriels est identique en Italie, ce qui pourrait contribuer à débloquer la situation. Pour ce qui concerne le second porte-avions, les négociations se poursuivent et devraient aboutir au lancement de la phase de définition. Certains choix techniques ne sont donc pas définitivement arrêtés.

PJLF pour 2006 - Mission « Défense » - Forces aériennes - Examen du rapport pour avis

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Nogrix sur les crédits relatifs à la préparation et à l'équipement des forces aériennes inscrits au sein de la mission « Défense » dans le projet de loi de finances pour 2006.

M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a estimé que le projet de loi de finances pour 2006 comportait plusieurs motifs de satisfaction pour l'armée de l'air, notamment la constitution du premier escadron de Rafale au standard F2 sur la base de Saint Dizier. Il a précisé que les armements associés aux avions de combat, comme les missiles de croisière SCALP, et les missiles d'interception et de combat aérien (MICA), seraient, globalement, livrés conformément au calendrier prévu. Evoquant la flotte de transport stratégique, il a rappelé qu'elle serait utilement dotée, après le retrait des deux DC 8 en dotation depuis 1968, de deux Airbus A 340 qui seront affectés, grâce à un financement innovant de location longue durée, à l'armée de l'air, en juillet 2006 puis janvier 2007. Quant à la flotte de transport tactique, elle devra attendre 2009 pour voir arriver les premiers A 400 M, dont 50 ont été commandés par la France ; d'ici là, les Transall devront continuer à remplir leurs missions dans des conditions difficiles du fait de leur ancienneté. Il a ensuite évoqué le projet d'avion « multirôles » destiné à effectuer des tâches de transport et de ravitaillement en vol, dont les financements et le calendrier restent à déterminer.

Puis M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a évoqué les inquiétudes liées, tout d'abord, à l'augmentation du prix des carburants, qui pourrait obérer les capacités d'entraînement des pilotes. L'action de la SIMMAD (structure interarmée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense), créée en 2002, a permis un net redressement de la disponibilité des matériels, mais les coûts de maintenance enregistrent une croissance forte et continue qui ne manquera pas de peser sur cette disponibilité. Il a regretté que le programme de drone SIDM (système intérimaire de drone MALE), développé par EADS en partenariat avec l'entreprise IAI (Israël Aircraft Industry) enregistre un retard qui place notre pays en déficit capacitaire depuis le retrait des drones HUNTER, en décembre 2004. Il a ensuite rappelé les observations que le général Wolsztynski, chef d'état-major de l'armée de l'air, avait développées devant la commission sur la nécessaire restructuration du réseau des bases aériennes, dont la densité excède les besoins actuels et à venir de l'armée de l'air. Puis il a salué la mise en place de primes de fidélisation destinées à ceux des métiers de l'armée de l'air qui sont le plus vivement concurrencés par des rémunérations supérieures pratiquées dans le secteur civil. M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a rappelé les nombreuses missions, tant militaires qu'humanitaires, effectuées avec succès durant l'année 2005 par l'armée de l'air, que ce soit en Afghanistan, en Louisiane ou au Cachemire pakistanais.

M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a conclu en invitant la commission à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense ».

Jeudi 10 novembre 2005

- Présidence de M. Serge Vinçon, président -

PJLF pour 2006 - Mission « Défense » - Audition de M. François Lureau, délégué général pour l'armement

La commission a procédé à l'audition de M. François Lureau, délégué général pour l'armement, sur le projet de loi de finances pour 2006.

M. François Lureau a tout d'abord rappelé que l'organisation interne de la délégation générale pour l'armement (DGA) avait récemment évolué pour tenir compte de la nouvelle architecture budgétaire instaurée par la LOLF, qui introduit notamment le copilotage du programme « équipement des forces » par le chef d'état-major des armées (CEMA) et lui-même. Il a souligné que la DGA était désormais répartie en deux grands pôles : l'un, consacré au programme 146 « Equipement des forces », l'autre dévolu à la « Préparation de l'avenir » avec une implication dans les programmes 191 (recherche duale), et 144 (environnement et prospective de la politique de défense).

S'agissant de l'équipement des forces, qui bénéficie d'environ 10 milliards d'euros d'investissement annuel, il est naturel que le CEMA soit le décideur final en termes capacitaires, du fait de sa responsabilité opérationnelle. Dans ce cadre, la DGA assure l'application des décisions ainsi arrêtées et la conduite des programmes. M. François Lureau a estimé que ce copilotage, ajouté à la récente réforme renforçant les compétences transversales du chef d'état-major des armées, simplifie les prises de décision en matière d'équipement des forces. Un mode de travail précis a été ainsi déterminé avec le CEMA, et une première réunion conjointe se tiendra d'ici la fin de l'année 2005 pour entériner les objectifs déclinés par budgets opérationnels de programmes.

M. François Lureau a ensuite évoqué les principales livraisons effectuées en 2005 grâce aux 9,5 milliards d'euros d'autorisations d'engagements. Le programme de Frégates multimissions (FREMM) en est le premier bénéficiaire, avec 4,6 milliards d'euros ; le programme de recherche dispose, quant à lui, de 600 millions d'euros d'autorisations d'engagements, en croissance de 15 % par rapport à 2004. Il subsiste néanmoins des reports de charges, d'un montant de 2 milliards d'euros pour l'ensemble des crédits d'équipement, qui pèsent pour l'essentiel sur la DGA et induisent des retards de paiement par manque de ressources financières, et qui suscitent eux-mêmes le paiement d'intérêts moratoires aux entreprises. M. François Lureau a déploré cet état de fait imposé notamment par des arbitrages budgétaires effectués sous l'impulsion du ministère des finances, et a rappelé que le Premier ministre s'était engagé à résorber l'intégralité de ces reports d'ici à 2008. Il a précisé que la DGA, pour les paiements aux entreprises, s'efforçait d'accorder un traitement prioritaire aux PME.

Puis le délégué général pour l'armement a évoqué l'évolution des grands programmes d'armement durant l'année 2005, se félicitant que le premier prototype de VBCI (véhicule blindé de combat d'infanterie) ait été livré. Il a en revanche déploré le retard, imputable à l'industriel, dans la livraison des Rafale à l'armée de l'air, qui ne disposera probablement pas de la totalité des 11 appareils prévus pour 2005, 4 Rafale ayant été effectivement livrés depuis le début de l'année. Le programme Tigre voit sa situation s'améliorer, tout comme le programme Leclerc qui enregistre des progrès, mais laisse subsister des problèmes de qualité ; 34 chars devraient être livrés en 2005 et le programme s'achèvera en 2006. Plus largement, M. François Lureau a évoqué les difficultés récurrentes des grands industriels à respecter les délais de livraison. Ces retards découlent de motifs multiples touchant à une complexité croissante des matériels, à leur réalisation éventuelle en coopération européenne, et aux relations avec les sous-traitants. Il a rappelé que « l'indicateur LOLF » appliqué à l'année 2005 laissait apparaître un délai moyen de retard supplémentaire de deux mois, ce qui est manifestement excessif. Il a cependant souligné que la DGA prenait des initiatives en direction des industriels pour améliorer les calendriers des livraisons.

Il s'est félicité que le projet de loi de finances pour 2006, en étant conforme, pour la quatrième année consécutive, aux objectifs de la LPM 2003-2008, facilite les négociations avec les industriels qui bénéficient ainsi d'une meilleure visibilité de leur plan de charge.

Evoquant ensuite les différents systèmes de force, il a rappelé que l'année 2006 serait marquée, pour la dissuasion, par le premier essai en vol du missile M51, pour les systèmes d'information et de commandement, par le lancement du satellite Syracuse 3B, pour le système « engagement et combat », par la livraison de 14 Rafale, ce qui permettra la constitution du premier escadron au standard F2 à Saint-Dizier en 2006 conformément à la loi de programmation militaire, par la livraison de 7 hélicoptères Tigre, l'achèvement du programme du char Leclerc, et la poursuite de la livraison des missiles Scalp. Les deux commandes principales de 2006 seront le deuxième porte-avions et le sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda.

Puis M. François Lureau a décrit les principaux éléments du programme 144 visant à la préparation de l'avenir, doté de 550 millions de crédits de paiement en 2005, portés à 600 millions d'euros en 2006. L'effort de recherche total accompli par la DGA bénéficiera ainsi d'une ressource importante, portée de 1,4 à 1,5 milliard d'euros de 2005 à 2006. Ces crédits permettront, en 2006, le lancement du démonstrateur de drones d'observation Euro Male, la mise au point des nouvelles technologies pour hélicoptère avec le démonstrateur Hector, la recherche relative à l'alerte spatiale dans le cadre du système de défense anti-missiles ou encore sur les futurs missiles de croisière, enfin un renforcement de l'effort de lutte contre les armements biochimiques.

Un débat a suivi l'exposé du délégué général pour l'armement.

M. André Dulait, rapporteur pour avis « Forces terrestres », s'est interrogé sur les programmes liés à l'aéromobilité. Si la situation du programme Tigre s'améliore, la version « marine » de l'hélicoptère de transport NH 90 rencontre des difficultés. Ces problèmes seront-ils résolus pour la livraison de la version « terre » prévue en 2011 ? Il a souhaité savoir si le système FELIN d'équipement du fantassin était susceptible d'intéresser d'autres armées européennes et si des discussions étaient engagées sur ce point. De même, il a demandé si le projet de Bulle opérationnelle aéroterrestre (BOA) pourrait-il faire l'objet d'une coopération européenne élargie.

M. François Lureau, délégué général pour l'armement, a indiqué que la version « marine » du NH 90 serait effectivement livrée avec près de deux années de retard, en raison des difficultés rencontrées par les industriels. A l'horizon de la livraison de la version terrestre, ces problèmes devraient être résolus puisque cette version de l'appareil, dont la livraison à l'armée allemande est prévue plus tôt que pour les forces françaises, est actuellement en cours de qualification.

Evoquant les intérêts moratoires payés par l'Etat, M. André Dulait, rapporteur pour avis, s'est interrogé sur d'éventuelles pénalités incombant aux industriels en cas de retard de livraison.

M. François Lureau a précisé que le niveau des pénalités de retard était inscrit dans chaque contrat mais qu'en l'occurrence, pour ce qui concerne le programme NH 90, les pénalités, définies dans le cadre de l'OTAN, étaient assez modestes.

La coopération européenne sur les programmes Félin et de BOA est peu avancée. Les programmes français et britanniques d'équipement du fantassin sont comparables mais la France et la Grande-Bretagne n'ont pas choisi les mêmes industriels. Les discussions portent désormais sur les possibilités de standardisation internationale pour certains éléments afin de bénéficier d'un effet quantité pour obtenir des prix plus avantageux. Un projet de coopération pourrait déboucher, avec les Etats-Unis, sur la BOA et le système de combat aéro-terrestre. Le projet américain de FCS (futur combat system) est plus avancé mais les discussions peuvent progresser sur la standardisation, l'architecture et l'interopérabilité. Il n'existe d'ailleurs pas actuellement d'autre programme comparable en Europe.

M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis « Environnement et soutien de la politique de défense », a déclaré ne pas partager l'optimisme du délégué général pour l'armement sur l'exécution de la loi de programmation militaire, des difficultés étant prévisibles après 2007 ou 2008. Il s'est interrogé sur la cause principale des reports de charge, qui sont également source d'intérêts moratoires. Il a considéré qu'une « bosse » de financement existait sur les programmes engagés et a souhaité connaître l'ampleur des besoins de financement liés à ces programmes à l'horizon 2015. Evoquant le programme d'hélicoptère de combat Tigre, il a indiqué que les commandes avaient été réduites de 215 à 160 appareils. Rappelant qu'un audit de l'industriel avait été engagé sur ce programme ainsi que sur celui de l'hélicoptère NH 90, il a souhaité en connaître les principales conclusions. Abordant la question d'une éventuelle réduction du format de l'escadrille des sous-marins nucléaires d'attaque, il a sollicité des précisions sur la charge que représente le programme Barracuda pour DCN. Il a également souhaité savoir si l'Italie signerait finalement le mémorandum d'accord relatif au programme des frégates multimissions. Considérant que la politique spatiale devrait être une des priorités du budget du ministère de la défense et que l'Europe était d'ores et déjà une puissance spatiale civile, il s'est interrogé sur d'éventuelles propositions de la DGA dans ce domaine. Soulignant l'effort accompli dans le domaine de la recherche, il s'est demandé si cet effort particulier suscitait un écho auprès des partenaires européens de la France. Dans le domaine de l'export, où un plan stratégique est en cours d'élaboration, il s'est interrogé sur la possibilité de prévoir une initiative européenne pour l'harmonisation des procédures.

M. François Lureau a apporté les éléments de réponse suivants :

- les reports de charge sont liés, d'une part, à un retard initial d'environ 800 millions d'euros sur les programmes dès l'entrée en loi de programmation et, d'autre part, au souci du gouvernement de respecter ses engagements européens en matière de dépenses publiques. Si la question du financement des opérations extérieures ne devrait plus désormais avoir un impact aussi significatif, des arbitrages entre le maintien en condition opérationnelle d'une part et les acquisitions d'équipement neuf d'autre part ont également dus être effectués au profit de l'entretien des matériels. L'objectif est de résorber ces reports d'ici à 2008 ;

- au-delà de 2008, l'estimation des besoins est un exercice difficile. La question du coût du maintien en condition opérationnelle reste un sujet de préoccupation. La sophistication croissante des matériels devrait conduire à augmenter encore les besoins financiers en la matière. Le ministre de la défense a confié une mission à un ingénieur général de l'armement pour étudier les conditions d'une optimisation des coûts. La réalisation de la loi de programmation militaire accusera un léger retard mais l'atteinte du modèle d'armée 2015 ne sera pas remise en cause. En aucun cas, l'effort financier accompli actuellement ne pourra être réduit après 2008 et il faudra, au contraire, probablement l'augmenter ;

- la cible de commande des hélicoptères de combat Tigre a été révisée à 160 unités depuis plusieurs années. La commande actuelle porte sur 80 hélicoptères pour la France et 80 pour l'Allemagne. L'audit mené sur Eurocopter a fait apparaître la nécessité d'une amélioration de la maîtrise des systèmes et de la gestion des relations avec les partenaires et sous-traitants. Il produit dès à présent des effets positifs ;

- aucune réduction des quantités n'est prévue sur le programme Barracuda. En revanche, un décalage de 6 mois est intervenu dans la commande. L'objectif est de la notifier en 2006 mais, dans l'immédiat, le prix proposé par DCN ne peut être considéré comme raisonnable ;

- les péripéties du programme des frégates multimissions sont désormais connues. Au niveau politique, le problème est a priori réglé, le Président du Conseil ayant confirmé l'engagement de l'Italie, dont le financement repose sur une solution d'emprunt qui doit être approuvée prochainement par le Parlement et la commission compétente du Sénat italien a déjà donné son accord. Il reste que des modifications devront être apportées au projet de contrat passé par l'OCCAR dans la mesure où l'Italie pourrait ne s'engager que sur l'achat de deux bâtiments ;

- la mission confiée à l'ambassadeur Bujon de l'Estang sur la politique spatiale a conclu à la nécessité de l'augmentation de l'effort de recherche pour le porter à environ 100 millions d'euros par an. La France a formulé des propositions auprès de ses partenaires européens pour travailler sur « l'après Hélios », la génération actuelle des satellites d'observation. Ce thème de réflexion a été proposé à l'Agence européenne de défense avec un soutien significatif de la Commission européenne ;

- seuls deux Etats européens fournissent un effort substantiel en matière de recherche militaire, le Royaume-Uni et la France. Les échanges dans ce domaine sont nombreux et de qualité, les deux pays ayant mis en place un dispositif de pilotage conjoint de la recherche ;

- le volume actuel des exportations se situe entre 3 et 4 milliards d'euros par an et l'objectif est de le porter à 6 milliards d'euros. Une coordination européenne commence à se dessiner dans le cadre de la lettre d'intention (LOI), accord qui réunit la Suède, le Royaume-Uni, l'Italie, l'Espagne, l'Allemagne et la France, qui pourrait déboucher sur un « Schengen de la défense ». La libre circulation suppose en effet la définition préalable de règles claires sur l'exportation.

M. Jean-Pierre Fourcade a souhaité savoir quels étaient les programmes prévus dans le domaine du renseignement. Il a souhaité connaître la part dévolue au nucléaire sur le milliard et demi d'euros consacré à la recherche ainsi que celle destinée à l'industrie. Il s'est également interrogé sur le point de savoir ce que recouvrait le vocable de « financement innovant ».

M. André Boyer, rapporteur pour avis « Forces navales », s'est interrogé sur le degré de communalité des besoins français et britanniques sur le deuxième porte-avions. Il a également souhaité recueillir l'appréciation du délégué général pour l'armement sur l'avenir de la société Thalès.

M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis « Forces aériennes », a souhaité savoir quelle économie représentait la location des avions de transport à long rayon d'action. Il s'est interrogé sur la réalité du programme Euro Male, indiquant qu'il souhaitait le voir passer du programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » au programme 146 « Equipement des forces ». Il a souhaité connaître les pays qui s'étaient déjà engagés dans une coopération et sur quel financement, et savoir si ce programme pourrait à terme être transféré à l'Agence européenne de défense. Il s'est interrogé sur l'étalement de la commande de missiles de croisière Scalp. Evoquant les retards incombant aux industriels, il a demandé si les chartes de qualité évoluaient en cours de programmes et souligné que les grandes entreprises pouvaient également, comme les PME, rencontrer des problèmes de trésorerie pour cause de retards de paiement.

Mme Hélène Luc a souhaité connaître les mesures qui pouvaient être prises pour limiter les retards de livraison. Elle a rappelé sa préférence pour un porte-avions à propulsion nucléaire qui aurait permis de bénéficier de l'expérience du Charles de Gaulle, de préserver le savoir-faire de l'industrie et de limiter les besoins en pétrole face à la crise actuelle de l'énergie. Evoquant le projet européen de reprise des vols spatiaux habités, elle s'est interrogée sur les retombées possibles sur le spatial militaire. Elle a enfin considéré que la France devrait prendre une initiative internationale pour l'interdiction des bombes à sous-munitions.

M. Serge Vinçon, président, s'est interrogé sur la coopération européenne en matière spatiale et sur l'articulation entre l'Agence européenne de défense et les structures nationales.

M. François Lureau a précisé les éléments suivants :

- en matière de renseignement, les travaux portent essentiellement sur la génération de satellites d'observation qui suivra Hélios. Des propositions de coopération ont été adressées aux partenaires européens et un groupe de travail a été constitué avec l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et la Belgique sur les capacités à l'horizon 2015 qui devraient combiner des capteurs optiques et des radars. La Grèce devrait par ailleurs rejoindre la coopération dans Hélios ;

- la moitié de l'effort de recherche revient au nucléaire et, hors nucléaire, environ 600 millions d'euros sont destinés aux entreprises ;

- le Royaume-Uni pratique avec succès depuis quelques années les contrats de partenariat avec l'Etat ou « financement innovant ». Pour ce qui concerne l'avion de transport à long rayon d'action, le contrat global est une solution satisfaisante. Ces modes de financement sont particulièrement appropriés dans le domaine des services, comme pour le projet de formation de l'école de l'aviation légère de l'armée de terre à Dax. Un comité mixte qui réunit le ministère de la défense et celui des finances examine l'opportunité de recourir à ce mode de financement de préférence à une acquisition patrimoniale. Les simulateurs de l'armée de l'air pourraient devenir propriété d'une société privée. Les Britanniques ont cependant limité à 4 % la part de leurs investissements réalisés sous cette forme nouvelle de financement.

A M. Serge Vinçon, président, qui l'interrogeait sur la possibilité de recourir à ce type de financement pour faire face au déficit capacitaire en matière d'aéromobilité entre 2008 et 2011, M. François Lureau a indiqué que cette possibilité avait été examinée mais ne s'était pas révélée convaincante sur le plan budgétaire.

Le délégué général pour l'armement a précisé que les études démontraient un avantage évident à la propulsion classique en matière de porte-avions. Le savoir-faire de l'industrie est d'ailleurs préservé grâce aux programmes de sous-marins. La communalité de besoins avec les Britanniques pour le deuxième porte-avions dépasse les 80 %. Un contrat commun pour le lancement de la phase de définition détaillée, débouchant sur des offres engageant les industriels, est en cours de négociation. Les commandes pourraient être passées en juin 2006, l'objectif étant d'obtenir une économie de 30 % par rapport à une solution nationale ;

Pour ce qui concerne le programme « Neuron », les difficultés semblent être levées en Grèce et en Espagne et devraient l'être à terme en Suède.

Le système intérimaire de drones Male (SIDM) subit des retards importants. Ce programme a été confié à EADS mais la performance de l'industriel n'est pas satisfaisante. Un engagement de livraison a été pris pour avril 2006.

L'objectif du programme Euro Male est d'aboutir à une capacité opérationnelle en 2011. La phase de prototype est financée sur le programme 144 mais aucune dotation n'a été prévue par la loi de programmation militaire. Actuellement, aucun Etat n'est véritablement engagé, la France pas davantage que ses partenaires, mais il existe un intérêt réel en Espagne, aux Pays-Bas, en Italie et peut-être en Allemagne. Les industriels français se sont accordés sur la façon de mener un éventuel projet dont le coût représente 1,5 milliard d'euros. Les besoins opérationnels existent dans des termes voisins dans de nombreux Etats, lesquels rencontrent tous par ailleurs les mêmes contraintes budgétaires. L'Agence européenne de défense interviendra après la première phase d'accord entre les Etats. Dans l'intervalle, des capacités existent sous la forme de système de drone tactique intérimaire (SDTI), actuellement en service, et des SIDM à venir.

M. Philippe Nogrix, rapporteur pour avis, a considéré que le programme Euro Male était une catastrophe et qu'il convenait d'en tirer toutes les conséquences. Il a considéré qu'un audit était indispensable afin d'éviter un investissement en pure perte.

M. François Lureau, délégué général pour l'armement, a précisé qu'un délai était nécessaire, devant les difficultés rencontrées par les industriels sur le SIDM, pour orienter convenablement le programme Euro Male. Les Britanniques ont certes investi dans le « Watchkeeper » mais il ne s'agit pas d'un drone moyenne altitude longue endurance (MALE), ses capacités étant largement inférieures. La seule autre offre disponible sur le marché est américaine, avec le drone Predator. L'élaboration d'un programme européen est délicate et de maturation lente et, sans l'action résolue de la France, il est probable que ses partenaires auraient déjà procédé à des acquisitions « sur étagères ». Il convient au préalable de disposer de la capacité SIDM dans des conditions satisfaisantes.

Plusieurs scénarios ont été examinés pour les avions de transport à long rayon d'action et dont la location s'était révélée une solution convaincante. Certes plus chère que l'acquisition patrimoniale, elle garantit cependant une bonne disponibilité et permet de lever éventuellement une option d'achat à terme.

L'Agence européenne de défense est de création récente mais elle a d'ores et déjà trouvé sa place dans l'architecture européenne. Ses difficultés majeures portent sur les moyens financiers qui lui sont accordés. La France considère que les moyens de recherche de l'Agence, actuellement de 3 millions d'euros, sont insuffisants. Des études préconisent de lui attribuer entre 300 et 400 millions d'euros sur les 2 milliards d'euros dépensés en recherche par les Européens. Pour la France, l'objectif est une dotation de 200 millions d'euros à l'horizon 2010 mais ce budget doit être précédé d'une réflexion stratégique. L'Agence a mené une réflexion de ce type sur les capacités et devrait pouvoir l'étendre à moyen terme à la recherche.

L'alliance entre DCN et Thalès est indispensable. DCN, en particulier, dépendant à 90 % de commandes étatiques, il convient de l'ancrer à un opérateur industriel important. En outre, Thalès apporte des compétences essentielles en matière de système d'armes. Un accord devrait pouvoir être trouvé. Pour ce qui concerne l'actionnariat de Thalès, il n'est pas bon pour l'entreprise d'avoir des incertitudes dans ce domaine. Peu d'engagements précis de la part d'éventuels candidats à l'entrée au capital sont cependant constatés pour le moment.