Table des matières




Mardi 3 juin 2003

- Présidence de M. André Dulait, président -

Union européenne - Projet de Constitution soumis à la Convention sur l'avenir de l'Europe - Echange de vues

Réunie conjointement avec la délégation pour l'Union européenne, pour une réunion ouverte à l'ensemble des sénateurs, la commission a procédé à un échange de vues sur le projet de Constitution soumis à la Convention sur l'avenir de l'Europe.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, a d'abord indiqué qu'après plus d'une année de travail, la Convention était désormais entrée dans sa phase finale. Il a rappelé qu'elle fonctionnait selon la règle du consensus et que, sur cette base, un accord était intervenu sur l'essentiel des sujets techniques, des clivages subsistant sur les points les plus importants.

Après avoir évoqué l'architecture du projet global de Constitution soumis à la Convention, il a évoqué les acquis avant de détailler les points qui font encore l'objet de débats.

Les points qui paraissent aujourd'hui acquis sont les suivants : le remplacement des traités existants par un traité unique, l'intégration, dans la Constitution, de la Charte des droits fondamentaux, même si cinq pays membres et un pays candidat maintiennent une réserve, l'attribution, à l'Union, de la personnalité juridique, l'abandon de la structure en piliers, la simplification des instruments et des procédures avec l'instauration d'une hiérarchie des normes (loi-cadre européenne, loi européenne, règlement européen, mesures d'exécution et la généralisation de la procédure de codécision), une présentation plus claire de la répartition des compétences entre l'Union et les États membres, de nouveaux protocoles sur le principe de subsidiarité et sur le rôle des parlements nationaux, qui comprennent un mécanisme d'alerte précoce et prévoient la possibilité d'une saisine de la Cour de justice par les parlements nationaux.

Enfin, s'agissant du rôle des parlements nationaux, le délai dont ils disposeraient pour l'examen des textes serait mieux garanti et la COSAC devrait être renforcée.

M. Hubert Haenel a ensuite exposé les points qui restent en débat sur quatre sujets principaux : les institutions, la gouvernance économique et sociale, l'action extérieure et les questions de justice et affaires intérieures.

Sur la question des institutions, M. Hubert Haenel a précisé que le texte d'origine n'avait subi que des modifications marginales en raison d'un désaccord profond sur les modalités de vote à la majorité qualifiée. Il a cependant souligné trois aménagements substantiels : le président du Conseil européen ne devra plus avoir siégé obligatoirement pendant deux ans au sein du Conseil européen, la nouvelle composition de la Commission ne devrait entrer en vigueur qu'en 2009 et le Conseil des ministres, réuni dans sa formation de législateur, pourra être composé des ministres qui y siègent habituellement.

M. Hubert Haenel est ensuite revenu sur les raisons qui ont conduit au blocage actuel en évoquant d'une part, le conflit opposant les « petits » pays aux « grands », qui porte principalement sur la composition de la Commission et sur la présidence du Conseil européen et d'autre part, l'opposition de pays ayant intérêt au maintien de la pondération des voix issue du traité de Nice.

Il a en outre évoqué le climat dans lequel se déroule actuellement les travaux de la Convention, en exprimant sa conviction qu'une conférence intergouvernementale ultérieure ne saurait parvenir à un consensus que la Convention n'aurait pas permis de dégager.

Un échange de vues a suivi cette première partie de l'exposé de M. Hubert Haenel.

M. Xavier de Villepin est revenu sur le contexte défavorable dans lequel se déroulent les travaux de la Convention, évoquant ainsi la future décision britannique sur l'euro ou encore la volonté de certains pays de réduire l'ambition européenne à l'instauration d'une zone de libre échange.

M. Hubert Haenel a évoqué les hésitations des responsables britanniques ainsi que l'hostilité de la presse de Grande-Bretagne envers l'euro et a reconnu le clivage qui sépare l'ambition des pays fondateurs de celle d'Etats qui ne souhaitent pas aller au-delà d'une clarification des instruments et des procédures.

M. Robert Del Picchia s'est demandé si la création d'un ministre européen des affaires économiques ne constituerait pas une solution à certains blocages actuels des travaux de la Convention.

M. Maurice Blin a considéré que l'effacement du traumatisme lié à la seconde guerre mondiale, la disparition progressive de la génération fondatrice de l'idée européenne, la fin du cycle de croissance économique soutenue et le souhait des pays candidats de ne voir dans l'Europe qu'une opportunité d'amélioration de leur niveau de vie étaient malheureusement autant de facteurs favorables à une Europe-zone de libre-échange.

M. Pierre Fauchon a estimé que les difficultés actuelles résultaient de l'absence d'un renforcement des institutions, préalable à l'élargissement. La question irakienne a, de surcroît, conduit à un profond changement de contexte. A la laborieuse négociation de mauvais compromis il préférait l'alternative d'un nouveau traité qui lierait les Etats les plus volontaristes dans une construction européenne approfondie.

M. Hubert Haenel s'est dit défavorable à tout compromis qui serait inacceptable pour ceux qui croient véritablement à l'Europe.

M. Emmanuel Hamel s'est élevé contre la création d'un ministre européen des affaires étrangères qui constituerait une atteinte au rayonnement diplomatique de la France. Il s'est déclaré hostile à la construction d'une Europe qui ne permettrait pas la préservation des nations.

M. Lucien Lanier a considéré que la contribution à la Convention de huit pays favorables au strict maintien des équilibres de pouvoirs issus du traité de Nice était inacceptable et visait, dans un climat d'opposition entre « grands » et « petits » pays, à ruiner les travaux effectués jusqu'alors à la Convention.

M. Hubert Haenel s'est à son tour élevé contre ce texte « redoutable » et s'est interrogé sur les raisons de la présence du Royaume-Uni parmi ses signataires.

M. Paul Girod a relevé que les Etats-Unis s'étaient détournés de l'idée d'Europe qu'ils avaient pourtant soutenue à sa naissance. Ils pèsent aujourd'hui de tout leur poids dans la définition d'une « Europe de libre échange ». Il a souhaité le développement de coopérations renforcées entre pays désireux d'aller plus loin.

M. Louis Le Pensec a d'abord estimé que les partisans d'une Europe comme pôle d'équilibre dans le monde ne pouvaient se réjouir de la situation actuelle. Il s'est par ailleurs interrogé sur la façon dont le projet de Constitution réglait les rapports entre l'Union et les collectivités territoriales, s'agissant de la subsidiarité, de l'autonomie locale et régionale ou de la cohésion territoriale. Il a enfin souhaité connaître la position de la diplomatie française, ainsi que les voies envisagées pour les coopérations renforcées.

M. Hubert Haenel a indiqué qu'une initiative commune des six pays fondateurs était envisagée pour rappeler l'esprit des pères fondateurs de la Communauté européenne. Les coopérations renforcées sont inscrites dans le texte, mais avec un veto possible de la Commission, du Parlement européen ou du Conseil ; des coopérations spécifiques, dites « structurées » sont prévues pour l'action extérieure et la défense mais ne visent pas, pour le moment, les questions de justice et affaires intérieures. Enfin, la future Constitution prend largement en compte la subsidiarité, la cohésion territoriale et l'autonomie locale.

M. Robert Badinter a considéré que le texte soumis à la Convention comportait peu de motifs de satisfaction, mais ne devait pas nourrir un pessimisme excessif. Saluant l'effort de clarification juridique réalisé par la Convention, il s'est déclaré convaincu qu'elle aboutirait à un texte de compromis sur lequel cependant les satisfactions françaises seraient limitées. Il y aurait une présidence stable de l'Union, mais au pouvoir réduit, relevant davantage de la notion anglo-saxonne de « Chairman », soutenue par l'Allemagne, le président de la Commission serait élu par le Parlement, mais sur proposition du Conseil européen, un poste de ministre européen des affaires étrangères serait créé. En revanche, la réduction de l'effectif des parlementaires européens de 732 à 700 sera très difficile et il est probable que la Commission comptera encore un commissaire par pays. Il convenait de dresser le constat du refus d'une « Europe puissance » par nombre de nos partenaires et de chercher à améliorer la gestion de l'Europe telle qu'elle est aujourd'hui.

M. Hubert Haenel a ensuite abordé la question de la gouvernance économique et sociale. Il a indiqué qu'en dépit des difficultés rencontrées par le groupe de travail, le texte comportait des avancées notables : le renforcement de l'Eurogroupe, la compétence reconnue à l'Union pour assurer la coordination des politiques économique et de l'emploi des Etats membres, la mention faite dans le texte de « l'économie sociale de marché visant le plein emploi et le progrès social », l'extension à certains sujets sociaux du vote à la majorité qualifiée, ainsi que la valeur contraignante conférée à la charte des droits fondamentaux.

En matière fiscale et sociale, la majorité qualifiée aurait pu s'appliquer de façon plus large encore, certaines avancées sont encore possibles, et les mesures relatives à la zone euro ont été jugées perfectibles, notamment par la création d'un ministre européen de l'économie ; enfin, les services d'intérêt général ne trouvent pas dans le texte la base juridique renouvelée qui leur est nécessaire.

A la suite de l'exposé de M. Hubert Haenel, M. Alain Vasselle a souhaité des précisions sur l'harmonisation des niveaux de protection sociale, les compétences de l'Union en matière d'environnement, ainsi que sur les sanctions envisageables en cas de non-respect par un Etat des normes communautaires.

En réponse à une question de M. Louis Le Pensec, M. Hubert Haenel a indiqué que la France était plutôt isolée sur la question du renforcement des services d'intérêt général.

M. Robert Badinter a précisé que les progrès de l'Europe sociale se heurtaient à un refus catégorique de pays qui attendent du différentiel des coûts de main-d'oeuvre un soutien à leur croissance et à l'emploi.

M. Hubert Haenel a ensuite exposé les discussions relatives à l'action extérieure de l'Union.

La création d'un ministre des affaires étrangères de l'Union, rattaché à la fois au Conseil et à la Commission, semble acquise, mais la mise en oeuvre de cette décision suscite des difficultés, s'agissant notamment, outre la question des moyens, des modalités d'intervention et de la place laissée à la Commission.

M. Hubert Haenel a indiqué que la question du vote à la majorité qualifiée sur les questions de politique étrangère constituait un second point de difficulté, dans la mesure où le texte ne la prévoit que dans l'hypothèse d'une « initiative du ministre des affaires étrangères suite à une demande du Conseil européen ».

Sur la question de la défense européenne, des avancées semblent possibles : l'actualisation des missions de Petersberg, une clause de solidarité pour la lutte contre le terrorisme ou les catastrophes naturelles, la création d'une agence européenne de l'armement.

La constitution de coopérations dites « structurées », a poursuivi M. Hubert Haenel, ainsi que la coopération en matière de défense mutuelle font en revanche l'objet de divergences profondes.

A une interrogation de M. Robert Del Picchia, M. Hubert Haenel a indiqué que les coopérations structurées n'étaient pas soumises au veto.

Mme Danielle Bidard-Reydet a souhaité connaître le traitement réservé au domaine des services culturels et audiovisuels.

M. Hubert Haenel a indiqué que le gouvernement français était hostile à l'extension à ce domaine de la majorité qualifiée, mais que la majorité à la Convention n'allait pas dans le même sens.

M. Maurice Blin a fait part de sa déception quant aux propositions contenues dans le texte en matière de défense.

M. Lucien Lanier a considéré que l'unanimité serait une source de difficultés et que les coopérations renforcées dans ce domaine étaient essentielles.

M. Pierre Fauchon a estimé que le domaine de la défense démontrait bien que la conclusion d'un nouveau traité par les pays fondateurs, espérant de plus grandes avancées européennes, restait possible et souhaitable.

M. Robert Badinter a souligné l'importance qu'aurait le ministre européen des affaires étrangères. Avec le président de la Commission, il incarnerait l'influence extérieure de l'Union européenne.

Dans la dernière partie de son exposé, M. Hubert Haenel a présenté les propositions relatives à l'espace de liberté, de sécurité et de justice. En dépit de certaines spécificités, ces matières seront désormais couvertes par le cadre institutionnel commun, ce qui représente une avancée notable.

Plusieurs points de difficultés subsistent cependant : les réticences face à la création d'un parquet européen, la persistance du modèle intergouvernemental pour la mise en oeuvre des règles ainsi que le refus, par certains pays, du passage à la majorité qualifiée.

Enfin, M. Hubert Haenel a regretté les possibilités restreintes de coopérations renforcées en matière de justice et affaires intérieures permises par le texte actuel.

M. Christian Cointat a alors indiqué que sa position de parlementaire sur le processus d'élargissement serait conditionnée aux résultats de la Convention et qu'il convenait que la future Constitution préserve l'esprit des fondateurs de l'Europe.

Mercredi 4 juin 2003

- Présidence de M. André Dulait, président -

Traités et conventions - Accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres et la République d'Afrique du Sud - Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Jean Puech sur le projet de loi n° 183 (2002-2003) autorisant la ratification de l'accord sur le commerce, le développement et la coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République d'Afrique du Sud, d'autre part.

M. Jean Puech a présenté le dispositif de l'accord de commerce, de développement et de coopération euro-sud-africain, qui comporte plusieurs volets : un volet général, relatif au dialogue politique et aux principes régissant les relations entre l'Union européenne et l'Afrique du Sud ; un volet relatif à la coopération et à l'aide au développement, cette dernière relevant du programme européen pour la reconstruction et le développement ; un volet commercial, visant à établir entre les deux ensembles une zone de libre-échange dite « asymétrique », l'ouverture des marchés européens s'opérant sur un rythme plus rapide que celle du marché sud-africain. A la fin de la période transitoire, 86 % des exportations européennes accéderont librement au marché sud-africain, contre 53 % seulement avant l'accord, alors que 95 % des exportations sud-africaines, contre 68 % avant l'accord, accéderont librement au marché européen.

Le rapporteur a précisé que les produits exclus de l'accord de libre-échange étaient en nombre limité : l'aluminium et divers produits agricoles pour l'Union européenne, les automobiles, certains produits chimiques, les céréales et les viandes pour l'Afrique du Sud. Le domaine des vins et spiritueux a fait l'objet d'un accord séparé, dont la négociation a été difficile et qui n'a été conclu qu'en janvier 2002.

M. Jean Puech, rapporteur, a ensuite brièvement évoqué la situation économique et sociale de l'Afrique du Sud, ainsi que la politique étrangère conduite par le Président Mbeki, en particulier son implication dans la région des Grands Lacs et son engagement dans le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD). Sur le plan économique, les relations avec l'Union européenne représentent 40 % du commerce extérieur de l'Afrique du Sud et 70 % des investissements directs étrangers.

En conclusion, M. Jean Puech a considéré que l'accord sur le commerce, le développement et la coopération de 1999 comportait des stipulations favorables à l'Afrique du Sud, destinées à consolider ses bases économiques et sociales et à favoriser son intégration dans l'économie mondiale. Il a toutefois ajouté que l'Union européenne avait obtenu de réelles contreparties, qui renforceraient sa position de premier partenaire économique de l'Afrique du Sud, pays qui dispose d'un fort potentiel de développement. Il a invité la commission à émettre un avis favorable à l'adoption du projet de loi autorisant la ratification de cet accord.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin a évoqué les difficultés provoquées par l'immigration incontrôlée provenant des pays voisins de l'Afrique du Sud. Il s'est interrogé sur les perspectives d'exportation de produits agricoles sud-africains vers la France et, plus généralement, sur les négociations mondiales relatives au commerce de ces produits.

M. Robert Del Picchia a posé des questions sur les exportations de sucre de canne en provenance d'Afrique australe. S'agissant des vins et spiritueux, il a souhaité savoir si l'Union européenne avait obtenu de l'Afrique du Sud une protection des appellations d'origine contrôlées.

M. André Dulait, président, a demandé des précisions sur les conditions d'entrée en vigueur du démantèlement des droits de douane.

A la suite de ces interventions, M. Jean Puech, rapporteur, a apporté les indications suivantes :

- les exportations agricoles françaises s'effectuent à près de 90 % vers des pays de l'Union européenne, ce qui relativise, pour la France, la question des conditions du commerce mondial des produits agricoles ;

- en dehors de l'Afrique du Sud, les autres pays d'Afrique australe relèvent du régime des accords de Lomé pour leurs relations commerciales avec l'Union européenne ;

- la protection des indications géographiques constitue un point essentiel de l'accord sur les vins et spiritueux signé entre l'Afrique du Sud et l'Union européenne en janvier 2002 ;

- les articles 11 et 12 de l'accord déterminent l'échéancier de démantèlement progressif des droits de douane.

La commission a ensuite décidé de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi.

Traités et conventions - Convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud- Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Jean Puech sur le projet de loi n° 235 (2002-2003) autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Afrique du Sud.

M. Jean Puech, rapporteur, a présenté les principales stipulations de cette convention, signée en mai 2001, très comparable aux nombreux accords bilatéraux de même nature déjà conclus par la France, sur le modèle de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale du Conseil de l'Europe de 1959.

Il a souligné l'intérêt de ce texte destiné à faciliter et à accélérer les procédures et instructions impliquant les deux Etats. Il a précisé qu'en l'absence de convention d'entraide judiciaire, des difficultés avaient été rencontrées dans l'exécution, en Afrique du Sud, de commissions rogatoires adressées par la France. Il a ajouté que l'Afrique du Sud était actuellement confrontée à un fort taux de criminalité, et notamment à l'implantation de réseaux criminels aux ramifications internationales, agissant dans les trafics d'armes, de stupéfiants et de véhicules, ainsi que dans l'immigration clandestine.

Le rapporteur a indiqué que la France menait des actions de coopération bilatérale au profit de l'appareil judiciaire et policier sud-africain. Il a conclu en soulignant l'utilité de la convention d'entraide judiciaire franco-sud-africaine et en demandant à la commission d'adopter le projet de loi autorisant son approbation.

Faisant écho à une observation du rapporteur, M. André Dulait, président, a confirmé l'importance des trafics transnationaux provenant du Nigeria.

Puis la commission a approuvé l'adoption du projet de loi.

Traités et conventions - Accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et l'Algérie - Examen du rapport

La commission a ensuite examiné le rapport de M. Claude Estier sur le projet de loi n° 184 (2002-2003) autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République algérienne démocratique et populaire, d'autre part.

M. Claude Estier, rapporteur, a tout d'abord exprimé, avec l'ensemble des commissaires, la grande émotion de la commission au vu du drame que vit l'Algérie, après le tremblement de terre qui a fait plus de 2.000 morts, 10.000 blessés et plusieurs dizaines de milliers de sans-abris.

Il a souligné que les populations touchées exprimaient un fort ressentiment à l'encontre des autorités qui ont laissé construire des habitations ne prenant pas en compte le risque sismique, alors que plusieurs grandes catastrophes ont déjà eu lieu. Cette incurie s'est en outre manifestée par le retard ou l'absence de secours, une grande partie de ceux-ci venant de l'étranger et plus particulièrement de France. L'hostilité de la population à l'égard des autorités algériennes contraste tout particulièrement avec la liesse populaire qui s'était manifestée lors du voyage du Président de la République en Algérie début mars, exprimant ainsi la volonté des Algériens d'ouvrir une nouvelle page de leurs relations avec la France.

Cependant, la mise en oeuvre des réformes, qui permettraient le développement des relations économiques et commerciales, reste très lente. En outre, le nouveau contexte politique créé par le conflit opposant le Président Bouteflika et son ancien Premier Ministre, M. Benflis, qui a conduit à son remplacement par M. Ouyahia, n'est pas de nature à mettre en place une nouvelle dynamique. Elle semble également le signe que le Président Bouteflika a l'intention de se représenter l'an prochain, même si la baisse de sa cote de popularité laisse penser que la compétition sera plus ouverte. M. Bouteflika, a rappelé M. Claude Estier, rapporteur, avait été élu en 1997, alors que tous les autres candidats avaient renoncé à se présenter.

L'accord d'association entre la Communauté européenne et l'Algérie, signé le 22 avril 2002, est d'une grandeimportance pour accélérer les réformes et l'ouverture du pays vers l'extérieur, a estimé M. Claude Estier, rapporteur. Il a rappelé que malgré les progrès accomplis depuis l'élection à la présidence de la République d'Abdelaziz Bouteflika et l'adoption de la loi de concorde civile, la violence terroriste d'origine islamiste restait importante, même si elle s'était réduite, citant en exemple la centaine de morts durant les Ramadan 2001 et 2002, en comparaison des quelque 1.800 victimes de celui de 1998. La sécurité n'est pas, en outre, rétablie sur l'ensemble du territoire, comme l'a fait apparaître l'affaire des « disparus du Sahara ». Par ailleurs, le mouvement de contestation se poursuit en Kabylie de manière atténuée, le gouvernement algérien ayant, d'une part, accepté la constitutionnalisation de la langue berbère et, d'autre part, emprisonné une centaine de personnes. Le scrutin municipal d'octobre 2002 n'a pu se dérouler normalement que dans un tiers des communes de Kabylie.

Le rapporteur a, de plus, souligné que la dégradation des conditions de vie était à la source d'un profond malaise social. En effet, depuis 1990, la richesse par habitant a été divisée par deux ; le chômage touche 28 % de la population active et le système de protection sociale, ainsi que les services publics, sont de plus en plus défaillants. Cette situation sociale, particulièrement difficile, contraste avec l'amélioration relative de la situation financière du pays, grâce au coût élevé du pétrole, qui représente les deux tiers des recettes budgétaires et l'essentiel des exportations.

M. Claude Estier, rapporteur, a souligné que les relations franco-algériennes avaient pris un nouvel essor. Il a notamment cité la réouverture de plusieurs centres culturels français en Algérie et la multiplication des programmes de coopération. En matière de visas, la situation avait également beaucoup évolué. Si en 1996, 48.000 visas avaient été délivrés, 277.000 l'ont été en 2001 pour plus de 800.000 demandes. Les échanges économiques progressent rapidement depuis 1999, le flux croisé des importations et des exportations représentant 6,4 milliards d'euros en 2001.

Abordant enfin l'accord d'association lui-même, M. Claude Estier, rapporteur, a indiqué qu'il reprenait la structure et le dispositif des accords similaires conclus avec l'Egypte et le Maroc. Il prévoit ainsi l'instauration d'un dialogue politique et la mise en oeuvre d'un libre-échange industriel au terme d'une période de transition de douze ans. Il comporte également une clause de respect des droits de l'homme permettant à l'une ou l'autre partie de suspendre l'application de l'accord si des violations devaient advenir. La négociation entre l'Algérie et l'Union européenne a longtemps achoppé sur trois points principaux : la baisse des tarifs douaniers, l'économie algérienne étant traditionnellement protégée, le volet relatif à la circulation des personnes, à l'obtention des visas et à la réadmission des ressortissants en situation irrégulière, et enfin, jusqu'à l'automne 2001, la coopération en matière de lutte contre le terrorisme. La ratification de cet accord d'association, ainsi que l'amélioration de la situation politique devraient favoriser le décaissement des crédits du programme euroméditerranéen MEDA en faveur de l'Algérie, qui s'élèvent à 150 millions d'euros entre 2002 et 2004.

En conclusion, M. Claude Estier, rapporteur, a demandé l'approbation de ce projet de loi en raison de la grande difficulté dans laquelle se trouvait l'Algérie, du soutien que la France souhaitait lui apporter et de la nécessité de favoriser un partenariat entre les pays du nord et du sud de la Méditerranée.

A la suite de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin s'est interrogé sur les raisons du départ de M. Benflis et de la probabilité de sa candidature à la prochaine élection présidentielle. Il s'est par ailleurs étonné de la baisse de la richesse par habitant, alors même que les prix du pétrole étaient à un niveau élevé, et s'est enfin inquiété de l'évolution des mouvances islamistes en Algérie.

M. Claude Estier a alors apporté les précisions suivantes :

- M. Benflis a reconstitué et remodelé le FLN au détriment du parti du Président Bouteflika, le RND (Rassemblement national démocratique), faisant de lui, de fait, un concurrent. M. Benflis appartient à une génération qui n'a pas participé à la lutte pour l'indépendance et permettrait, s'il était élu, à une nouvelle génération d'exercer le pouvoir ;

- l'économie algérienne reste dépendante des revenus tirés de l'exportation du pétrole et du gaz, aucune diversification significative n'ayant réussi et l'Algérie exploitant mal son potentiel agricole. La richesse pétrolière profite peu à la population, alors même que la croissance démographique est élevée ;

- les violences provoquées par les groupes islamistes se poursuivent, mais le plus souvent dans des régions reculées. Au-delà, comme le montrent les événements récents, la défaillance des autorités et des services publics sociaux permet à des groupes islamistes de développer des actions d'aide aux populations et ainsi de gagner en crédit auprès de celles-ci.

La commission a alors approuvé l'adoption du projet de loi.

Traités et conventions - Convention d'établissement France-Gabon - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de Mme Paulette Brisepierre sur le projet de loi n° 256 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur, a rappelé qu'une actualisation de l'ensemble des conventions de circulation et d'établissement des personnes avec les pays africains francophones avait été entreprise après la signature, par la France, de l'accord de Schengen en 1991. En effet, cet accord implique l'obtention d'un visa d'entrée pour la France dont étaient auparavant exonérés les ressortissants de ces pays. Le processus d'actualisation a été mené avec une douzaine d'entre eux, et la présente convention étend ce nouveau dispositif au Gabon. Signée le 11 mars 2002, cette convention d'établissement s'inspire largement de l'accord-type élaboré par la France pour encadrer ces processus d'actualisation.

Puis Mme Paulette Brisepierre, rapporteur, a alors analysé l'économie générale du texte, dont les principales stipulations, outre l'obtention d'un visa par les ressortissants de chacun des Etats pour pénétrer sur le territoire de l'autre, prévoit une égalité de traitement en matière de législation du travail et de sécurité sociale, sous réserve du caractère régulier du séjour. Le texte prévoit également le paiement préalable d'une juste indemnité en cas d'expropriation ou de nationalisation des biens et intérêts des nationaux de l'Etat d'envoi. Enfin, la convention stipule que chacun des Etats peut expulser un ressortissant de l'autre Etat qui « constituerait une grave menace pour l'ordre public ».

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur, a estimé que les stipulations contenues dans cette convention d'établissement, conclue pour une durée de cinq ans, puis renouvelable annuellement par tacite reconduction, était équilibrée, et de nature à protéger les intérêts de nos compatriotes établis au Gabon. Certes, a-t-elle souligné, la stabilité politique découlant d'une gestion habile de son pays par le Président Bongo, a protégé jusqu'à présent les expatriés, dont les Français étaient au nombre de 8.288 en 2001, de difficultés observées ailleurs sur le continent africain. La présente convention permettra de conférer un cadre juridique encore plus protecteur à l'activité de nos ressortissants dans ce pays, tout en instaurant l'obligation d'obtention de visas consécutif à l'accord de Schengen.

Elle a donc proposé à la commission de donner un avis favorable à l'adoption de la présente convention.

M. André Dulait, président, a souligné, qu'en effet, le Gabon comptait parmi les pays les plus stables de la zone d'Afrique centrale.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur, s'est accordée, en réponse, sur ce constat, mais a souligné que l'avenir de l'ensemble de nos partenaires francophones au sud du Sahara devait être observé avec attention, en raison des nombreux facteurs d'instabilité susceptibles de les affecter.

Puis la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption du projet de loi.

Droits de l'homme - Etrangers - Droit d'asile - Demande de renvoi pour avis

Enfin, la commission a décidé de se saisir pour avis du projet de loi relatif au droit d'asile, sous réserve de son adoption par l'assemblée nationale et de sa transmission.