Table des matières




Mardi 17 juin 2003

- Présidence de M. André Dulait, président -

Audition de M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël

La commission, élargie au groupe d'amitié France-Israël, a entendu M. Shaul Mofaz, ministre de la défense d'Israël.

M. Shaul Mofaz
a tout d'abord présenté la situation générale en Israël. Il a indiqué que, comme cela était déjà arrivé à plusieurs reprises depuis plus de 55 ans, l'Etat d'Israël devait défendre son droit à l'indépendance et à exister comme Etat juif et comme foyer national des Juifs du monde. Israël doit faire face, depuis septembre 2000, à une nouvelle vague de violence après celle des années 1980, déclenchée par les Palestiniens afin d'atteindre leurs objectifs politiques. En effet, bien qu'Ehud Barak ait proposé aux Palestiniens de satisfaire presque toutes leurs revendications, ceux-ci ont déclenché une vague de violence qui a causé plus de 800 morts israéliens, civils et militaires. Cette violence est le fruit d'une décision stratégique de M. Yasser Arafat et d'autres dirigeants palestiniens qui estiment que l'évolution démographique et le recours au terrorisme leur permettront à terme d'empêcher l'Etat d'Israël d'exister en tant qu'Etat souverain, avec une population juive majoritaire. Or, depuis les attentats du 11 septembre 2001, le terrorisme est perçu, par une majorité d'Etats, comme une menace mondiale visant à empêcher le déroulement d'une vie normale dans le monde libre. Le gouvernement israélien refuse donc de céder à la menace et à la violence. Il est en cela soutenu par une population qui ne conçoit pas que la paix puisse ressortir d'un autre processus que la négociation pacifique.

M. Shaul Mofaz a ensuite rappelé qu'en 1999, à Camp David, puis en 2000, à Taba, le gouvernement d'Ehud Barak avait proposé aux Palestiniens 97 % des territoires occupés, le partage de Jérusalem, une compensation pour les 3 % des territoires restant sous contrôle israélien et le traitement de la question du retour des réfugiés. A cette époque, M. Yasser Arafat a fait clairement le choix de la violence en refusant ces propositions de paix. Cette option a pourtant mené le peuple palestinien dans une impasse. C'est pourquoi le Président George W. Bush, dans son discours du 24 juin 2002, a demandé aux Palestiniens de désigner un nouveau dirigeant à même de lutter contre le terrorisme. Les Palestiniens, ayant formé un nouveau gouvernement autour de M. Abou Mazen, le sommet d'Aqaba a pu avoir lieu.

Abordant ensuite la perception israélienne de la « feuille de route » et de la poursuite du processus de paix, M. Shaul Mofaz a expliqué que son gouvernement, souhaitant sincèrement la paix et le retour aux négociations, avait accepté cette « feuille de route », tout en présentant aux Etats-Unis 14 commentaires sur son contenu. Pour Israël, le point-clé de l'application de ce document est la sécurité qui, seule, peut mener à la paix et non l'inverse, comme cela avait été envisagé dans les accords d'Oslo. La situation actuelle, caractérisée par un très grand nombre d'attentats suicide, ne permet pas d'engager des négociations. Les Palestiniens doivent être responsabilisés et s'engager à lutter contre le terrorisme dans les territoires qu'Israël laissera sous leur contrôle. C'est à l'aune des résultats obtenus dans ce domaine et de l'arrêt des attentats que l'on mesurera la véritable volonté des Palestiniens de lutter contre la violence. Aucun processus de paix ne saurait en effet se poursuivre si cette condition centrale n'est pas remplie. Pour le ministre de la défense israélien, il existe aujourd'hui deux obstacles principaux à la reprise du processus de paix : tout d'abord, M. Yasser Arafat lui-même, qui persiste à faire obstacle au processus de paix, à financer le terrorisme et à s'opposer à son premier ministre ; ensuite, les organisations terroristes palestiniennes Hamas, Jihad Islamique et l'OLP-Tanzim, qui refusent un processus dans lequel l'Autorité palestinienne s'engagerait à lutter contre elles et pourrait ainsi ouvrir des négociations avec Israël pour trouver une solution au conflit.

M. Shaul Mofaz a souligné que l'Etat d'Israël avait le devoir de se défendre et de défendre ses propres citoyens. Le gouvernement ne peut faire aucune concession dans le domaine de la sécurité, mais a choisi de donner sa chance au processus de paix en approuvant la « feuille de route » et en étant prêt à apporter son aide à M. Abou Mazen dans la lutte contre le terrorisme. Le gouvernement s'est également déclaré prêt à alléger les contraintes pesant sur la vie des Palestiniens, étant conscient que l'Etat d'Israël devrait vivre durablement en paix et en sécurité avec eux. Selon le ministre de la défense israélien, la question centrale reste la réalité de l'engagement des dirigeants palestiniens pour la paix à laquelle aspirent les Israéliens. Mais Israël et les Etats-Unis ne considèrent pas M. Yasser Arafat comme un dirigeant légitime, en raison de son opposition au processus de paix et estiment qu'il doit être mis à l'écart. M. Abou Mazen semble en revanche avoir des intentions honnêtes et sincères, mais le test de la détermination palestinienne pour la paix sera le rétablissement de la sécurité et le succès de la lutte contre le terrorisme.

Puis un débat s'est instauré au sein de la commission.

M. Xavier de Villepin s'est interrogé sur l'origine du soutien international apporté aux Palestiniens, prenant en exemple la récente saisie du bateau « Karin A », qui transportait des armes destinées à l'Autorité palestinienne. Il a également souhaité recueillir le sentiment du ministre sur la compatibilité de la « feuille de route » avec la poursuite de la construction d'un mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie.

M. Christian de La Malène a remarqué qu'en dépit de la priorité accordée à la sécurité, celle-ci se dégradait pourtant de jour en jour, notamment du fait du recrutement, apparemment facile, par les extrémistes palestiniens des « kamikazes ». Cette contradiction ne devrait-elle pas pousser Israël à infléchir son hostilité de principe au déploiement de troupes internationales d'interposition ?

Mme Danielle Bidard-Reydet a fait valoir que la mise au point de la « feuille de route » avait été rendue possible par une forte implication du Quartet, et notamment de l'Union européenne ; ce document ouvre « une fenêtre de paix », alors que la tension reste très vive sur le terrain. Or les deux victimes majeures de cet engrenage de la violence sont les peuples israélien et palestinien. L'objectif, notamment de la France, est de briser cet engrenage pour retirer leur capacité d'initiative aux ennemis de la paix, qui sont constitués, de part et d'autre, par les extrémistes. Elle a évoqué l'opportunité d'un geste d'apaisement effectué par Israël, comme une levée du bouclage des territoires palestiniens, la libération de certains prisonniers politiques, ou encore le retrait des chars israéliens de certaines zones palestiniennes. S'appuyant sur l'exemple du Kosovo, elle a rappelé que la présence de forces d'interposition était de nature à apaiser efficacement des tensions intercommunautaires.

M. André Dulait, président, a souhaité savoir si le ministre avait disposé d'indications précises sur l'existence ou non d'armes de destruction massive en Irak. Il s'est également demandé si, à supposer le préalable de la sécurité réglé, la « feuille de route » pourrait conduire à des avancées comparables à celles obtenues lors des négociations de Taba en décembre 2000.

En réponse, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- il existe bien un lien stratégique entre le terrorisme international et palestinien. C'est ainsi que le « Karin A » transportait 50 tonnes d'armement en provenance d'Iran et destinées aux Palestiniens. L'Iran agit également à travers le Hezbollah libanais, avec la coopération de la Syrie. L'Arabie saoudite et l'Irak de Saddam Hussein ont constitué des canaux de financement destinés aux terroristes palestiniens ; des liens ont également été prouvés entre Al Qaida et certaines cellules terroristes de Cisjordanie. On constate donc une multiplicité de canaux par lesquels transitent des soutiens extérieurs, et qui sont extrêmement difficiles à maîtriser ;

- l'édification d'une muraille de séparation entre la Cisjordanie et Israël répond à une visée défensive. D'ailleurs, il ne s'agit pas d'une muraille mais d'une barrière. Ce procédé a prouvé son efficacité à Gaza, dans la mesure où aucun attentat n'a été accompli depuis deux ans par des terroristes en provenance de ce territoire. En revanche, depuis le début de la deuxième Intifada en septembre 2000, 200 kamikazes potentiels ont été découverts en Cisjordanie, appartenant aux trois mouvements terroristes Tanzim, Hamas ou Fatah ; 118 d'entre eux ont provoqué pas moins de 114 attentats. L'édification de cette séparation est donc pleinement justifiée. Le moment venu, après la conclusion d'un accord, elle pourrait être éventuellement démantelée ;

- la responsabilité de Yasser Arafat et celle du Jihad Islamique sont très fortement impliquées dans l'instigation des attentats commis par des kamikazes dont le recrutement est dès lors facile : c'est ainsi que plus de 2.500 terroristes ont été arrêtés par les forces israéliennes durant ces derniers mois dans les territoires palestiniens, dont quelques centaines de kamikazes, avant qu'ils ne puissent passer à l'acte ;

- le refus d'Israël d'un déploiement d'une force internationale d'interposition est fondé sur sa volonté de garder l'entière maîtrise de la lutte contre le terrorisme ; de plus, ce type de forces déployées dans des périodes de crise n'ont guère prouvé leur efficacité. Là encore, un tel dispositif pourrait être utile après la conclusion d'un accord, tout en sachant les difficultés et la faible efficacité de ce type d'opération. Ainsi, à la frontière libanaise, où le Hezbollah est profondément implanté, et après l'accord qui a suivi le retrait israélien du Sud-Liban, ses hommes parviennent à s'introduire en Israël sans être arrêtés par les forces internationales présentes dans la zone ;

- les terroristes sont les premiers à profiter des assouplissements du bouclage des territoires pour perpétrer leurs attentats. Ils ont transformé les territoires palestiniens en base de lancement du terrorisme. Ceci explique que la guerre actuelle soit la plus difficile à laquelle Israël est confrontée depuis la guerre d'indépendance en 1948, notamment parce qu'elle vise principalement les civils ;

- plusieurs gestes d'apaisement ont déjà été accomplis par Israël, avec notamment la récente libération d'une centaine de prisonniers, qui n'étaient naturellement pas coupables de crimes de sang : il est en effet inenvisageable de libérer les auteurs d'attentats. D'autres gestes de confiance suivront pour démontrer la franchise de nos intentions et responsabiliser les Palestiniens pour lutter contre le terrorisme dans les zones qu'ils contrôleront ;

- les renseignements américains et israéliens sur les capacités irakiennes en matière d'armes de destruction massive étaient fondés. Une partie de ces capacités est encore cachée, une autre a été sans doute transférée dans d'autres pays, avant la récente intervention américaine. La menace directe qui pesait sur Israël est momentanément supprimée. L'Irak a sans aucun doute produit des armements non conventionnels et les Américains les découvriront tôt ou tard ;

- le processus de paix entrepris à Aqaba sur la base de la « feuille de route » sera incontestablement long et difficile à mener, et dépendra surtout de la détermination montrée par les responsables Palestiniens à permettre la sécurité d'Israël ; à court terme, on ne peut que constater que les mouvements terroristes ne sont pas décidés à désarmer ; une fois la sécurité obtenue -et, après l'expérience amère des accords d'Oslo, le processus de paix actuel commence par ce préalable-, la « feuille de route », assortie des 14 commentaires formulés par le gouvernement israélien mais néanmoins adoptée par lui, permettra d'entreprendre une négociation sans doute longue et difficile, pour tenter de parvenir à la paix. Les intentions d'Israël à vivre en paix avec les Palestiniens sont sincères et sérieuses.

Mercredi 18 juin 2003

- Présidence de M. André Dulait, président -

Traités et conventions - Accord France-Belgique sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux - Examen du rapport

La commission a examiné le rapport de M. Pierre Mauroy sur le projet de loi n° 220 (2002-2003) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française, d'une part, et le Gouvernement du Royaume de Belgique, le Gouvernement de la Communauté française, le Gouvernement de la Région wallonne et le Gouvernement flamand, d'autre part, sur la coopération transfrontalière entre les collectivités territoriales et organismes publics locaux.

M. Pierre Mauroy, rapporteur, a tout d'abord souligné que ce projet de convention était impatiemment attendu, depuis plus de dix ans, notamment par la communauté urbaine de Lille, qu'il préside. Il a exposé que cette longue gestation du projet de convention tenait à la disparité des organisations administratives françaises et belges. En effet, alors que la France négocie par l'intermédiaire de son gouvernement central, la structure très décentralisée de la Belgique implique la participation aux discussions de cinq entités différentes : l'Etat fédéral, ainsi que les régions et communautés wallonnes et flamandes. Il a précisé que la métropole lilloise, riche d'un million d'habitant, disposait d'une frontière avec chacune de ces deux régions. Les populations réparties de part et d'autre de la frontière, a-t-il rappelé, ont une forte tradition de liens multiples, et la coopération transfrontalière s'est développée, nécessitant la création, en 1990, de la Conférence permanente des intercommunales transfrontalières (COPIT). Cette conférence a permis de réunir de façon informelle les différentes communautés, tant françaises que belges, intéressées à cette coopération. Le rapporteur a précisé que l'organisation territoriale était différente de chaque côté de la frontière : ainsi, alors qu'en France l'agglomération lilloise est dirigée par une communauté urbaine, qui a la personnalité juridique et une zone de compétence géographique délimitée, en Belgique, les « intercommunales », créées sur des thèmes tels que le logement, couvrent de larges zones du pays.

Puis M. Pierre Mauroy, rapporteur, a cité comme exemple de réalisation rendue possible par la COPIT la continuité des transports en commun par autobus, sans rupture de charge à la frontière, entre la France et la Belgique. D'autres coopérations, notamment dans le domaine de l'eau, ont déjà été entreprises, mais de nombreux projets restent encore au stade des études, faute de cadre juridique approprié pour les mener à bien. La présente convention permettra donc une intensification très souhaitée des opérations de coopération transfrontalière.

Le rapporteur a ensuite analysé les apports de la convention, qui permettra notamment d'étendre à la coopération transfrontalière entre la France et la Belgique la possibilité de créer des groupements locaux de coopération transfrontalière (GLCT), sur le modèle de ce qu'a permis un accord quadripartite, signé en 1996 entre la France, l'Allemagne, le Luxembourg et la Suisse. Ces GLCT présentent l'avantage de pouvoir réaliser et gérer des équipements et des services publics, et d'être soumis au droit interne applicable aux établissements publics de coopération intercommunale de l'Etat où ils ont leur siège. La convention accorde également aux préfets des régions et départements frontaliers avec la Belgique la compétence de régler directement avec les autorités compétentes belges les questions de voisinage, sans avoir à en référer à Paris. Par ailleurs, elle permet aux collectivités belges, qui n'ont ni le statut de collectivité territoriale ni la personnalité morale, ce qui est le cas des « intercommunales », de participer néanmoins à toutes les opérations de coopération transfrontalière qui les intéresseraient. La convention rend également possible que de futurs organismes non encore créés, et que l'évolution du droit interne français ou belge ferait apparaître, s'intègrent à cette coopération.

En conclusion, le rapporteur a estimé que la convention, par son caractère à la fois exhaustif, mais évolutif, apporterait enfin le cadre juridique approprié pour approfondir une coopération transfrontalière en plein essor  ; il a donc invité la commission à approuver le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord.

Suivant les conclusions du rapporteur, la commission a alors adopté le projet de loi.

Nomination d'un rapporteur

Puis la commission a désigné M. Paul Dubrule comme rapporteur pour avis du projet de loi n° 340 (2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile.