M. Philippe DOMINATI, rapporteur spécial

ANALYSE PAR PROGRAMME

I. LE PROGRAMME 152 « GENDARMERIE NATIONALE »

A. PRÉSENTATION DES CRÉDITS

Évolution des autorisations d'engagement et des crédits de paiement
depuis 2016

(en millions d'euros, en %)

AE

CP

LFI 2016

PLF 2017

LFI 2016

PLF 2017

Dépenses de personnel

6 976,20

7 271,00

6 976,20

7 271,00

Évolution

-

4,23 %

-

4,23 %

Dépenses de fonctionnement

1 291,47

1 343,15

1 160,50

1 171,06

Évolution

-

4%

0,91%

Dépenses d'investissement

179,29

174,93

149,94

139,3

Évolution

-

- 2,43 %

-

- 7,1 %

Dépenses d'intervention

6

6

8,88

7,88

Évolution

-

0 %

-

- 11,26%

Total hors fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP)

8 452,96

8 795,08

8 295,52

8 589,24

Évolution

-

4,05 %

-

3,54 %

FDC et ADP dépenses de personnel

74,49

86,93

74,49

86,93

FDC et ADP hors dépenses de personnel

33,27

30,13

33,27

30,13

Total y.c. FDC et ADP

8 560,72

8 912,14

8 403,28

8 706,30

Évolution

-

4,11 %

-

3,61 %

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Pour le programme « Gendarmerie nationale », les autorisations d'engagement et les crédits de paiement demandés sont en hausse de respectivement 4,11 % et 3,61 % par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2016, soit une augmentation comparable à celle observée pour le programme « Police nationale ».

Par rapport aux crédits consommés en 2012, la hausse s'élève à 9,4 % en CP et 11,6 % en AE.

La quasi-totalité de la hausse des crédits de paiement demandés en 2017 s'explique par l'évolution anticipée des dépenses de personnel .

Décomposition de l'évolution des crédits de paiement depuis 2016
hors fonds de concours et attributions de produits

(en millions d'euros)

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

B. UNE HAUSSE DES DÉPENSES DE PERSONNEL DE 4,2 %

Principaux facteurs de l'évolution de la masse salariale hors CAS « Pensions »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances (d'après les documents budgétaires)

Les créations d'emplois prévues l'an prochain ne contribuent qu'à hauteur de 6,1 millions d'euros à la forte dynamique des dépenses de personnel attendue l'an prochain (+ 294,8 millions d'euros, dont + 182,8 millions d'euros hors CAS « Pensions »).

Pour la gendarmerie, la quasi-totalité des créations d'emplois financées au titre des différents plans annoncés en 2015 étaient en effet prévues sur l'exercice 2016, dont 100 % des 1 763 créations d'emplois du pacte de sécurité.

Répartition des créations d'emplois prévues dans la gendarmerie en 2016
au titre du pacte de sécurité

(en ETP)

Créations d'emplois

Création de vingt-deux pelotons de gendarmes mobiles

484

Créations d'antennes du GIGN

86

Création d'un groupe de peloton d'intervention outre-mer

30

Pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie « Sabre »

400

Contrôle des flux

583

Brigades et groupes d'observation et de surveillance

180

Total

1 763

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses au questionnaire budgétaire)

Ainsi, parmi les 2 286 créations d'emplois prévues en 2017 , 255 seulement concernent le programme « Gendarmerie nationale » .

Mode de financement des créations d'emplois dans la Gendarmerie nationale en 2017

(en ETP)

Schéma d'emplois

Plan de lutte anti-terroriste

55

Loi de programmation des finances publiques

200

Total

255

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

De ce fait, l'impact anticipé de l'extension en année pleine du schéma d'emplois 2016 (+ 52,7 millions d'euros) sur les dépenses de personnel du programme est bien plus élevé que celui du schéma d'emplois 2017 (+ 6,1 millions d'euros).

Comme l'an passé, l'évolution des emplois par catégorie traduit la poursuite d'un objectif de déflation du corps des officiers , en cohérence avec les observations formulées par la Cour des comptes dans son référé sur la gestion des carrières dans la police et la gendarmerie nationales 39 ( * ) .

Répartition du schéma d'emplois par catégorie en 2017

(en ETP)

Schéma d'emplois

Personnels administratifs

73

Personnels techniques

191

Ouvriers d'État

- 29

Officiers (gendarmes)

- 348

Sous-officiers (gendarmes)

542

Volontaires (gendarmes)

- 174

Total

255

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les mesures générales (+ 29,5 millions d'euros, dont 28,7 millions d'euros au titre de la revalorisation du point d'indice) et catégorielles (+ 77,6 millions d'euros) expliquent pour leur part 59 % de la dynamique des dépenses de personnel hors CAS « Pensions » .

D'après les informations transmises dans le cadre du questionnaire budgétaire, l'enveloppe de 77,6 millions d'euros prévue pour les nouvelles mesures catégorielles statutaires et indemnitaires se décompose de la manière suivante :

- 67,3 millions d'euros pour la transposition du protocole pour la valorisation des carrières et des compétences, dont le coût total sur la période 2016-2022 pour le programme est estimé à 213,8 millions d'euros ;

- 10,3 millions d'euros pour d'autres mesures catégorielles complémentaires : revalorisation de l'indemnité journalière d'absence temporaire (IJAT), revalorisation des bas de grille des sous-officiers de gendarmerie (SOG), indemnité de fonctions et de responsabilité élargie (IFR) et mesures catégorielles des personnels civils.

C. DES CRÉDITS D'INVESTISSEMENT ET DE FONCTIONNEMENT QUI STAGNENT (- 0,1 %), EN DÉPIT DE LA FORTE AUGMENTATION DES AUTORISATIONS D'ENGAGEMENT (+ 6,4 %)

En 2017, la forte hausse des crédits demandés masque toutefois une quasi - stagnation des crédits de fonctionnement (s'agissant des seuls CP) et une baisse des crédits d'investissement (s'agissant tant des CP que des AE).

Ces évolutions doivent toutefois être relativisées du fait de la forte hausse enregistrée en 2016 . Par rapport à l'exécution 2015, les crédits de fonctionnement et d'investissement demandés pour 2017 sont ainsi en augmentation de 21,6 % en AE et de 6,4 % en CP .

Évolution des crédits hors dépenses de personnel depuis 2015

(en millions d'euros, en %)

Exécution 2015

LFI 2016

LFI 2017

Comparaison

2015-2017

Évolution 2016-2017

AE

1 254

1 477

1 524

21,60 %

3,20 %

CP

1 239

1 319

1 318

6,40 %

- 0,10 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Parmi les mesures nouvelles financées en 2017, le début du déploiement du projet Néogend mobilisera 51 millions d'euros en AE et 21 millions d'euros en CP, compte tenu du succès des expérimentations menées en 2015 dans le département du Nord et en 2016 dans la région Bourgogne.

À titre de rappel, l'objectif du projet est de doter chaque gendarme de terrain d'une tablette lui offrant un accès sécurisé aux applications métiers et aux fichiers judiciaires.

S'agissant du parc immobilier, l'effort consenti dans le cadre du plan de réhabilitation (70 millions d'euros par an) est pérennisé . D'après les informations transmises dans le cadre du questionnaire budgétaire, l'effort devrait principalement être porté sur les logements en 2017, avec 4 000 rénovations.

En parallèle, un plan de renforcement de la sécurité des casernes est lancé en 2017 , pour un montant de 10 millions d'euros en AE. Compte tenu du nombre de casernes, désormais proche de 4 000, cette dotation apparaît néanmoins largement insuffisante pour répondre aux besoins.

S'agissant du parc automobile , le ministère de l'intérieur indique que le respect des critères de réforme (désormais fixés à huit ans ou 200 000 km) nécessiterait l'acquisition de 3 000 véhicules par an (hors véhicules spécifiques tels que les poids lourds).

En 2017, les 2 000 véhicules supplémentaires acquis sur le plan de relance de 2008 atteindront toutefois les critères de réforme. Aussi, « ce sont plus de 3 800 véhicules que la gendarmerie devrait théoriquement acheter en 2017, soit une enveloppe de 75 millions d'euros » 40 ( * ) . Or, l'enveloppe prévue dans le cadre du projet de loi de finances est de seulement 60 millions d'euros et ne permettra donc pas de respecter les critères de réforme .

D. DES CONDITIONS DE MISE EN RÉSERVE À PÉRENNISER

En 2016, la gendarmerie a pu bénéficier de conditions de mise en réserve plus favorables , dans la mesure où cette réserve a pu porter sur les loyers, alors même qu'il s'agit de dépenses obligatoires.

Cette évolution a permis de réaliser dès le début de l'année les investissements prévus , plutôt que de procéder dans la précipitation en fin d'exercice, une fois les crédits dégelés. D'après les informations transmises par la DGGN, une annulation de 6 millions d'euros sur les crédits mis en réserve a toutefois eu lieu en octobre, ce qui devrait amputer d'autant la capacité de paiement des loyers.

S'agissant du projet de loi de finances 2017, le taux de mise en réserve hors titre 2 (8 %) implique un gel de 121,9 millions d'euros en AE et de 105,4 millions d'euros en CP. Afin de poursuivre les efforts entrepris en matière d'équipement, de renouvellement du parc automobile et de réhabilitation immobilière, votre rapporteur spécial plaide pour que la mise en réserve porte de nouveau sur les loyers en 2017.

E. DES OBJECTIFS AMBITIEUX CONCERNANT LES RÉSERVES

Le Président de la République a récemment annoncé la création d'une garde nationale , qui doit constituer une « force territoriale bâtie à partir des réserves militaires et de sécurité des ministères de la défense et de l'intérieur » 41 ( * ) .

Actuellement, la réserve de la gendarmerie comporte deux volets :

- la réserve citoyenne , composée de volontaires bénévoles (1 284 réservistes) ;

- la réserve opérationnelle , au sein de laquelle on distingue la réserve opérationnelle de premier niveau, qui comprend tous les volontaires sous engagement à servir dans la réserve (soit 26 274 réservistes), de la réserve de deuxième niveau, qui comprend tous les anciens gendarmes soumis à l'obligation de disponibilité de cinq ans (28 758 réservistes).

Il peut être noté que la contribution de la gendarmerie à la garde nationale sera sensiblement plus élevée que celle de la police , dont la réserve rassemble :

- la réserve civile, constituée des retraités des corps actifs de la police nationale, tenus à une obligation de disponibilité de cinq ans à compter de la fin de leur lien avec le service, et de volontaires ayant souscrit un contrat d'engagement ;

- le « service volontaire citoyen de la police nationale », composé de bénévoles qui accomplissent des missions de solidarité, de médiation sociale et de sensibilisation au respect de la loi, à l'exclusion de l'exercice de toutes prérogatives de puissance publique.

Au total, le nombre de réservistes volontaires dans la police est limité à 2 700 , contre près de 30 000 dans la gendarmerie.

Afin de renforcer la capacité opérationnelle de la gendarmerie, l'objectif fixé par le DGGN est d'atteindre :

- un nombre de 40 000 réservistes de premier niveau d'ici fin 2018 , afin de pouvoir disposer tous les jours de 4 000 personnels sur le terrain, contre 3 000 actuellement ;

- un nombre de 1 500 réservistes citoyens actifs d'ici 2020.

Afin de faciliter l'atteinte de ces objectifs, un nouvel assouplissement de la règle d'âge pourrait être envisagé . Le DGGN a ainsi indiqué que « si quelqu'un a 41, 42 ou 43 ans et s'il est en forme, [nous ne sommes] pas à l'unité près ». À titre de rappel, la limite d'âge a déjà été reculée en 2016 de 30 à 40 ans.

Sur le plan administratif , deux évolutions ont été engagées :

- la création d'un commandement de la réserve de la gendarmerie nationale , qui « donnera plus d'autonomie à la réserve opérationnelle » et « permettra un pilotage centralisé et une gestion harmonisée des budget s » des réserves opérationnelles, actuellement rattachées aux commandements de région de la gendarmerie nationale 42 ( * ) ;

- la nomination d'un secrétaire général de la réserve citoyenne.


* 39 Cour des comptes, « La gestion des carrières dans la police et la gendarmerie nationales », 2013, p. 3.

* 40 Réponses au questionnaire budgétaire adressé à votre rapporteur spécial.

* 41 Déclarations de Manuel Valls, Premier ministre, devant les élèves réservistes de la gendarmerie, le 11 août 2016.

* 42 AEF, « Le général Richard Lizurey annonce la création "d'un commandement de la réserve de la gendarmerie nationale" », dépêche n° 546340, 5 octobre 2016.