M. Jean Pierre Vogel, rapporteur spécial

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX DU PROGRAMME

1. Une augmentation des dépenses de personnel résultant du pacte de sécurité comportant à terme un risque d'éviction des dépenses d'investissement
a) Une augmentation du schéma d'emploi en réaction aux nouvelles menaces...

Historiquement marqué par un phénomène de croissance pauvre en emploi (- 6,6 % d'ETPT entre 2006 et 2014, alors même que les dépenses ont augmenté de 22,7 % sur la période), l'année 2016 se distingue par une augmentation des dépenses de personnel assortie d'une augmentation du nombre d'ETPT.

Évolution comparée des ETPT et des dépenses de personnel

(en millions d'euros)

2006

2014

Évolution 2006-2014

Équivalent temps plein travaillé (ETPT)

2 563

2 395

- 6,6 %

Dépenses de personnel

134,416

164,907

22,7 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Ainsi, le plafond d'emplois de la sécurité civile en 2017 est fixé à 2 450 ETPT et le schéma d'emplois à réaliser au cours de l'année est de + 20 ETPT, les dépenses de personnel augmentant de 6,09 %.

Évolution des schémas d'emplois depuis 2015, par catégorie d'agents

Catégorie

2015

2016

2017

Personnels administratifs

2

3

3

Personnels techniques

7

14

17

Militaires

-17

-10

0

Ouvriers d'État

-6

-10

-4

Corps de contrôle et de direction

-4

-5

-2

Corps d'encadrement et d'application

-6

20

6

TOTAL

- 24

11

20

Source : réponse aux questionnaires budgétaires

Le plafond a été revu à la hausse en 2016 et 2017 afin de tenir compte, notamment, des recrutements autorisés au titre du Pacte de Sécurité, soit + 11 ETPT en 2016 et + 20 ETPT en 2017. Cette augmentation du schéma d'emploi permettra le recrutement de trente démineurs, dont quinze cette année, et de cinq géomaticiens, afin de renforcer les systèmes d'information et de communication mis en oeuvre dans la chaîne opérationnelle de la sécurité civile.

Ainsi, afin de prendre en compte ces recrutements, les plafonds d'emplois des personnels administratifs, des personnels techniques et des personnels relevant du corps d'encadrement et d'application, ont été rehaussés en 2017.

À l'inverse, le plafond d'emplois des ouvriers d'État est en diminution en raison notamment des restructurations de service et de fermeture d'ateliers de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (réorganisation des services du déminage et mutualisation des fonctions support des services centraux).

b) ...ne devant pas masquer le nécessaire renforcement des missions traditionnelles de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises

Si cette augmentation est en phase avec les prévisions opérationnelles et la recrudescence de nouveaux risques (les démineurs étant mobilisés, dans le cadre de la menace terroriste, pour la neutralisation de colis suspects, l'appui aux forces de l'ordre, ou encore des missions d'évaluation des risques), elle apparaît problématique à plusieurs égards. Elle entérine en réalité la montée en puissance des composantes « gestion de crise » et « lutte contre le terrorisme ».

En effet, l'augmentation du schéma d'emploi en 2016 et 2017 ne compense pas la diminution des effectifs opérée entre 2013 et 2015 (successivement - 21, - 20 et - 24). La hausse mise en oeuvre à partir de 2016 vise avant tout à répondre aux nouvelles menaces, alors même que les missions traditionnelles de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, comme l'animation des SDIS et des différents acteurs qui concourent à la sécurité civile, notamment les associations, ou encore en matière de formation des pompiers, restent d'actualité. Votre rapporteur spécial a, à cet égard, pu se faire l'écho des difficultés rencontrés par les sapeurs-pompiers volontaires pour bénéficier de la formation continue.

Votre rapporteur spécial restera vigilant quant à la mise en oeuvre du projet de réorganisation de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises annoncé par le ministre de l'intérieur lors du 123 e congrès national des sapeurs-pompiers de France à Tours, qui devrait permettre « d'ici la fin de l'année , [le recrutement de] quinze agents supplémentaires, essentiellement des sapeurs-pompiers, viendront renforcer les effectifs de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, en apportant à l'État leur connaissance du terrain et leur expertise technique » , afin de lui permettre « d'exercer dans de meilleures conditions son rôle de `tête de réseau' des services d'incendie et de secours » 2 ( * ) .

c) À terme, un risque d'éviction des dépenses d'investissement

Votre rapporteur spécial est par ailleurs préoccupé par le risque d'éviction des dépenses d'investissement que comporte, à terme, une augmentation trop importante des dépenses de personnel. En effet, ces créations de postes, associées au taux de rigidité élevé du programme, risquent de faire des dépenses d'investissement la seule marge de manoeuvre budgétaire.

Cette évolution n'est pas rassurante, dans un contexte où les besoins en investissement restent élevés, tant au niveau de l'État (renouvellement de la flotte aérienne, acquisition de moyens de lutte contre les attaques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques, modernisation des moyens de communication, etc.), qu'au niveau des SDIS.

Les besoins en investissement des SDIS portent sur les besoins courants (équipement, véhicules) ou peuvent être liées au déploiement de grands projets (ANTARES). À titre d'illustration, face au terrorisme, la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises a défini une doctrine d'action commune avec le RAID et le GIGN, pour prendre en charge les blessés, alors même que les terroristes ne sont pas neutralisés, qui rend nécessaire l'acquisition d'équipements antibalistiques (gilets et casques) par les SDIS.

Malgré cela, les dépenses d'investissement des SDIS connaissent une baisse de 4,6 % en 2015, et les aides de l'État visant à soutenir leur investissement sont éteintes depuis 2013. En effet, aucun crédit n'a été inscrit en loi de finances depuis 2013 pour abonder le fonds d'aide à l'investissement 3 ( * ) , qui constituait l'instrument de l'État pour soutenir les SDIS dans leurs efforts d'investissement en équipements et en matériels. La restauration durable d'un outil comparable, pourtant fort utile, apparaît particulièrement improbable car peu soutenable dans un contexte de hausse des dépenses de personnel, et ce malgré les discours du président de la République annonçant la création d'un nouveau fonds de soutien aux SDIS, doté de 20 millions d'euros, qui ne fait à ce stade l'objet d'aucune disposition en projet de loi de finances pour 2017 4 ( * ) .

2. Des dépenses d'investissement en forte hausse, principalement destinées au renouvellement de la flotte et au déménagement de la BASC
a) Une augmentation des dépenses d'investissement principalement destinée au transfert de la BASC et au renouvellement de la flotte de Trackers

Évolution des crédits par titre

(en euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Variation

Ouvertes en LFI

Demandées

Ouverts en LFI

Demandés

2016

2017

2016

2017

AE

CP

Titre 2 - Dépenses de personnel

168 180 055

178 417 183

168 180 055

178 417 183

6,09%

6,09%

Titre 3 - Dépenses de fonctionnement

111 005 585

107 306 538

126 062 952

126 318 538

- 3,33%

0,20%

Titre 5 - Dépenses d'investissement

33 296 890

46 627 695

51 089 581

65 669 843

40,04%

28,54%

Titre 6 - Dépenses d'intervention

99 340 260

103 743 869

100 808 073

103 743 869

4,43%

2,91%

Titre 7 - Dépenses d'opérations financières

2 470 058

2 226 175

2 470 058

2 226 175

- 9,87%

- 9,87%

Total hors FDC et ADP prévus

414 292 848

438 321 460

448 610 719

476 375 608

5,80%

6,19%

Total y.c. FDC et ADP prévus

426 642 848

451 202 547

460 960 719

489 256 695

5,76%

6,14%

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les crédits d'investissement augmentent fortement par rapport à l'année dernière, le projet annuel de performances prévoyant une hausse significative des AE (40,04 %) et des CP (28,54 %).

Cette forte hausse contribuera au rattrapage des retards pris au cours des années précédentes en matière d'investissements. Le titre 5 connaissait effectivement une sous-consommation en 2015 en CP qui s'expliquait :

- par le retard pris sur le projet ANTARES. La livraison tardive de certaines prestations n'a en effet pas permis leur paiement dans l'exercice. Des retards dans la facturation ont, par ailleurs, accentué les conséquences de ces difficultés :

- par le retard pris dans l'exécution de certains travaux immobiliers et dans la passation des marchés de modernisation des aéronefs.

Les dépenses d'investissement portées par le programme concernent principalement :

- la modernisation et la rationalisation des implantations immobilières , avec le transfert de la base d'avions de la sécurité civile (BASC) sur la plate-forme de l'aéroport de Nîmes-Garons, à proximité du groupement d'hélicoptères, qui se déroule jusqu'en février 2017 (8,96 millions d'euros en AE et 8,37 millions d'euros en CP) ;

- le remplacement des avions Tracker (25 millions d'euros en AE et en CP).

En outre, l'effort d'investissement des SDIS est en diminution. Ainsi, si leurs budgets progressent de 1,1 % par rapport à 2014 ; les dépenses de fonctionnement augmentent légèrement (+ 1,67 %), tandis que les dépenses d'investissement poursuivent leur diminution : - 4 % en 2014 et - 4,6 % en 2015.

Le remplacement de la flotte de Tracker, un renouvellement stratégique

Le vieillissement moyen de la flotte des 9 Tracker de la sécurité civile est de 58 ans. Leur limite, de 25 000 heures de vol, devrait être atteinte avant 2020, impliquant un retrait du service avant cette date.

Les Tracker prennent une part très active à la stratégie d'attaque des feux naissants en étant prépositionnés au plus près des zones de risques, dans le cadre de détachements saisonniers ou ponctuels et en effectuant, lorsque le danger est le plus élevé, des missions de guet aérien armé (GAAr) pour couvrir les secteurs les plus sensibles. Les avions en GAAr interviennent de façon déterminante pour éteindre 40 % des feux sur lesquels sont engagés les moyens aériens de la sécurité civile.

Afin de conserver la capacité actuelle, qui s'avère nécessaire, il convient de pouvoir garantir le nombre de vecteurs GAAr pouvant intervenir et il est apparu qu'avec des aéronefs plus rapides et de plus grande capacité d'emport de retardant, il était possible de ne pas remplacer les Tracker nombre pour nombre. Également, au-delà de la mission de GAAr, les appareils de grande capacité sont aussi très efficaces dans la pose de lignes d'arrêt au retardant pour protéger des biens ou des personnes menacés par la progression du feu, complétant ainsi la panoplie des actions en soutien aux intervenants au sol.

Le 11 mai 2016, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise a transmis à la délégation générale pour l'armement, dans le cadre de la délégation de gestion qui les lie, une expression de besoin détaillée pour le lancement d'un marché d'acquisition d'un avion multirôles s'inscrivant dans le contexte du retrait du service des avions Tracker.

Le marché comprendra une tranche ferme et 5 tranches conditionnelles permettant d'acquérir au plus six avions multi-rôles bombardier d'eau et transport, de même type, bimoteurs à turbopropulseurs rapides et de grande capacité d'emport, neufs ou d'occasions.

L'avis d'appel public à la concurrence a été publié le 14 juillet 2016. La notification du marché est attendue en début de l'année 2017, pour une livraison du premier appareil dans les meilleurs délais.

Source : réponses au questionnaire budgétaire

b) De grands projets appelant à une vigilance particulière

En 2017, l'effort d'investissement portera en outre sur les deux grands projets portés par la DGSCGC.

D'une part, le programme 161 « Sécurité civile » porte les crédits visant à optimiser et moderniser la couverture d' ANTARES ( 2,5 millions d'euros en AE et 18,37 millions d'euros en CP), qui est le réseau numérique chiffré de communication de la sécurité civile.

Évolution du coût et de la durée du projet ANTARES
pour le programme « Sécurité civile »

(en millions d'euros, en mois)

Prévu initialement

Actualisé

Écart

Coût total

118,6

155,8

31,4 %

Durée totale

120

168

40 %

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Cette modernisation est engagée depuis 2015 et mobilise plus de 150 millions d'euros sur six ans pour une participation du programme 161 « Sécurité civile » de 37 millions d'euros. Ces investissements permettront d'améliorer les capacités et la résilience du réseau actuel, mais également de prolonger sa durée de vie jusque 2030, ce qui permettra à tous les utilisateurs de prolonger la durée d'amortissement des équipements et des formations tout en limitant et retardant le besoin d'un nouvel investissement conséquent, dans la technologie 4G.

Dans le rapport d'information 5 ( * ) qu'il a consacré à ce sujet, votre rapporteur spécial jugeait cette modernisation indispensable, compte tenu de l'obsolescence de la technologie sur laquelle il reposait. Il exprimait toutefois de fortes réserves sur plusieurs aspects de ce projet, qui restent toujours d'actualité.

Ainsi, malgré l'augmentation du taux d'adhésion des SDIS à ANTARES, qui s'élève à près de 82 % fin 2014, 83,5 % en 2015 et 86 % fin 2016 selon les prévisions de la DGSCGC, des difficultés persistent. Le dispositif voit son efficacité limitée par une couverture de mauvaise qualité et l'existence de nombreuses zones blanches, non couvertes . De même, les SDIS font un état d'un surcoût important lié au déploiement d'ANTARES 6 ( * ) . Ces difficultés opérationnelles sont de nature à dissuader certains SDIS de rejoindre cette infrastructure. Par ailleurs, la fourchette d'investissement s'élève, pour chaque SDIS, à un montant situé entre 2 et 5 millions d'euros, et les crédits consacrés par l'État (qui passaient par le fonds d'aide à l'investissement) destinés à aider les SDIS à migrer vers ANTARES n'ont plus été inscrits en loi de finances depuis 2013 . Ces évolutions apparaissent de nature à dissuader les SDIS n'ayant pas encore adhéré à procéder à la migration.

Le système d'alerte et d'information de la population mobilisera quant à lui 1 million d'euros en AE et 7 millions d'euros en CP. Ce programme, qui comprend un volet de rénovation des sirènes et un volet mobile, fait actuellement l'objet d'une mission de contrôle spécifique par votre rapporteur spécial et ne sera donc pas traité dans le cadre du présent rapport spécial. Il a toutefois pu constater, au cours de son déplacement à Rennes et des auditions qu'il a menées, le coût important que représente le remplacement des sirènes alors même que celles-ci ont un impact très limité.

3. Face à l'augmentation des interventions et à la contrainte budgétaire, la nécessité d'une meilleure maîtrise des ressources des SDIS et d'un renouveau du volontariat
a) Une augmentation du nombre d'opération, notamment du secours à personnes, dans un contexte de modération budgétaire pour les SDIS

Comme l'ont récemment rappelé dans un rapport d'information nos collègues Pierre-Yves Collombat et Catherine Troendlé 7 ( * ) , les SDIS font face à une augmentation du secours à personne, qui s'explique notamment par le brouillage des compétences respectives du « 15 » et du « 18 » et par une plus grande réactivité des SDIS par rapport aux autres services. Ils apparaissent également davantage comme des services de proximité que le SAMU et le SMUR pour le public.

Au total, entre 2004 et 2014, le nombre des interventions des SDIS a crû de 20 %, et les interventions de secours à personne ont crû de plus de 55 % . Le rapport entre les interventions des SDIS au titre des incendies et celles relatives au secours à personne était d'un pour six en 2004, il est de un pour douze en 2014.

Évolution des interventions des SDIS entre 2004 et 2014

Source : Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises,
« Les statistiques des services d'incendie et de secours », édition 2015

Les SDIS ont réalisé, en 2015, près de 4,45 millions d'interventions, soit une croissance de + 3,7 % liée aux augmentations des interventions pour incendies (+ 11 %) et pour secours à victimes et de l'aide à personne (+ 5 %), tempérées par la diminution des opérations diverses (- 8 %).

Cette double évolution est préoccupante.

L'essor du secours à personne, qui tend à devenir le premier métier des sapeurs-pompiers, donne lieu à une sur-sollicitation des SDIS pour des opérations hors urgence ou de détresse . Ces missions de « bobologie » (ascenseurs, guêpes, etc.), qui ne constituent pas le coeur de métier des SDIS, tendent à entraîner une fragilisation et une démotivation du volontariat .

Parallèlement, les budgets des SDIS sont quasiment stabilisés depuis cinq années . La progression de leurs dépenses totales, de 0,2 % en 2011, se situe en 2012 à 1,1 % hors inflation, et en 2013, à 1,2 % également hors inflation, soit une hausse très modérée. En 2014, les budgets des SDIS ont progressé par rapport à 2013 de 1,3 % en valeur brute, et de 0,8 % en tenant compte de l'inflation. En 2015, les budgets des SDIS progressent par rapport à 2014 de 1,1 %. À cette inévitable modération budgétaire s'ajoute le fait que les ressources des SDIS, provenant des départements, communes et EPCI, sont difficilement maîtrisables.

Le financement des SDIS par les collectivités territoriales

Le financement des SDIS est prévu par l'article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales, à partir des contributions des communes, des établissements publics de coopération intercommunale et des départements. Aux termes de cet article, il appartient au conseil d'administration du SDIS de fixer le montant des contributions des communes et des EPCI au vu des critères qu'il définit. Ces critères tiennent généralement à la population, au potentiel fiscal, et à l'existence ou non d'un centre de secours sur le territoire de la commune. S'agissant des contributions du département, la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile a apporté une modification importante dans le financement des SDIS dans la mesure où elle permet au conseil général de fixer lui-même le montant de sa contribution au budget du SDIS, au vu du rapport sur l'évolution des ressources et des charges prévisibles du service au cours de l'année à venir, adopté par le conseil d'administration de celui-ci.

La loi de démocratie de proximité du 27 février 2002 a prévu qu'à partir de l'exercice 2003, toutes les dépenses supplémentaires des SDIS soient financées par le département. Ce dispositif vise à faire du département le principal financeur des SDIS. En moyenne, sa participation s'élève à 58 % du financement total, mais des disparités fortes existent : elle atteint par exemple 100 % dans l'Essonne et 33 % dans les Ardennes.

L'article 116 de la loi de finances rectificative pour 2008, en maintenant le plafonnement des contingents communaux, a confirmé ce dispositif.

Cet état des lieux impose une réflexion prospective sur la redynamisation du volontariat et l'augmentation de l'efficience des SDIS, sans quoi la pérennité du modèle actuel pourrait s'en trouver menacée.

b) Une nécessaire redynamisation du volontariat

Les volontaires constituent la « colonne vertébrale » des sapeurs-pompiers. Ils représentent 83 % du total des effectifs des SDIS, contre 17 % pour les sapeurs-pompiers professionnels. Pour les SDIS de cinquième catégorie (les plus petits), la part des volontaires dans les effectifs représente 93 %.

Leur engagement est régi par le code de la sécurité intérieure ainsi que par la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers. Ni les dispositions du code du travail, ni celles du statut de la fonction publique ne lui sont applicables. Les activités de sapeur-pompier volontaire sont à but non lucratif et ouvrent droit seulement au versement d'indemnités horaires ainsi qu'à des prestations sociales et de fin de service.

Ces indemnités sont versées au sapeur-pompier volontaire en fonction des activités réellement exercées. En 2013, le montant moyen annuel des indemnités versées à chaque sapeur-pompier volontaire s'élevait à 2 425 euros, soit environ 200 euros par mois 8 ( * ) .

Votre rapporteur spécial rappelle que ce modèle favorise une maîtrise des coûts au profit des contribuables, tout en assurant aux usagers des secours de qualité dans des délais raisonnables en tout point du territoire.

Depuis le début des années 1990, le législateur est intervenu à plusieurs reprises pour améliorer la situation des sapeurs-pompiers volontaires et promouvoir le volontariat. Ces mesures ont permis notamment l'amélioration de la protection sociale 9 ( * ) , de la relation entre le sapeur-pompier volontaire et son employeur professionnel et la création d'une « indemnité » obligatoire et d'une allocation de vétérance 10 ( * ) .

Le décret du 19 mai 2013 a permis une meilleure souplesse dans le management des sapeurs-pompiers volontaires (engagement, suivi de leurs activités, disponibilité et relations avec les employeurs) et a mis en cohérence le cadre juridique de l'activité des sapeurs-pompiers volontaires avec la refonte de la filière des sapeurs-pompiers professionnels.

Surtout, le plan d'action pour les sapeurs-pompiers signé lors du congrès national des sapeurs-pompiers qui s'est tenu à Chambéry en octobre 2013 a permis de mettre en oeuvre différentes mesures visant à inverser la tendance à la baisse des effectifs de volontaires. Il a prévu notamment :

- la prise en compte de l'inflation dans le calcul de l'indemnité des volontaires ;

- la nomination d'un officier volontaire dans l'équipe de direction de chaque SDIS 11 ( * ) ;

- une campagne de communication promouvant l'engagement sapeur-pompier.

Une convention ayant pour objet de faciliter l'accès des sapeurs-pompiers volontaires aux logements sociaux situés près de leur lieu d'engagement a par ailleurs été signée le 21 juillet 2015.

Votre rapporteur spécial se félicite de ces évolutions qui, après une décennie d'érosion, ont permis d'inverser la tendance : l'année 2014 a marqué une augmentation du nombre de sapeurs-pompiers volontaires. Au 31 décembre 2015, on comptait ainsi 193 656 sapeurs-pompiers volontaires contre 193 756 fin décembre 2014 et 192 314 fin décembre 2013.

Toutefois, il convient d'insister sur deux points particulièrement préoccupants qui, s'ils n'étaient pas pris en compte par les pouvoirs publics, pourraient mettre en danger le fonctionnement du système.

D'une part, l'évolution constante et importante du secours à personnes vient fragiliser le volontariat et entraine une baisse de motivation. Ainsi, malgré la hausse du nombre de volontaires, et alors que les SDIS réalisent des efforts importants pour permettre une disponibilité du volontariat, force est de constater que celle-ci est de plus en plus réduite.

D'autre part, la panne de la formation professionnelle des sapeurs-pompiers volontaires apparaît fortement problématique. Alors qu'ils bénéficient théoriquement de la formation professionnelle pour les formations liées à leur engagement, la mise en oeuvre, en 2014, du compte personnel de formation, les en empêche pour l'instant 12 ( * ) .

Lors du 123 e congrès de la FNSPF, le Président de la République, François Hollande, avait d'ailleurs admis la nécessité « d'améliorer les conditions de formation et d'avancement, de faire en sorte que les volontaires puissent aussi remplir leurs missions alors même qu'ils exercent une activité salariée », indiquant en outre que « des mesures d'accompagnement seront mises en place, les règles seront assouplies pour élargir les recrutements et faire en sorte d'atteindre le plus vite possible l'objectif des 200 000 » 13 ( * ) . Votre rapporteur se montrera particulièrement vigilant quant aux suites réservées à ces propos.

Enfin, s'il est inopportun de parler de « concurrence » entre les engagements dans la réserve militaire et en tant que sapeur-pompier volontaire, il convient de mentionner le risque de désaffection de l'engagement pompier au profit de l'engagement vers la réserve militaire, davantage tournée vers l'ordre public et qui a récemment bénéficié d'une grande publicité suite aux attentats de 2015, notamment. À ce titre, il apparaît regrettable que les pompiers n'aient pas davantage été associés à la création d'une Garde nationale, qui doit regrouper les réserves opérationnelles de l'armée, de la police et de la gendarmerie.

c) Une plus grande efficience des SDIS

Le maintien d'un service public de qualité n'est possible, dans le contexte de « stagnation budgétaire » des budgets des SDIS, que si des pistes d'économie sont envisagées.

Il en est ainsi par exemple, de la réduction des coûts de formation par le développement, notamment, de la validation des acquis de l'expérience, le développement des mesures de mutualisation des achats (par la voie de l'Union des groupements d'achats publics), ainsi que de la mutualisation des fonctions support avec les services des conseils généraux ou d'autres services publics.

D'autres pistes, comme la tarification des opérations obligatoires pourraient être davantage mises en oeuvre . Ainsi, 21 mars 2016, le CASDIS du Calvados a adopté une délibération prévoyant la facturation de sollicitations répétitives et émanant de personnes solvables, qui a reçu un fort écho médiatique. Ce type de facturation d'opérations facultatives, permet de répondre à un double objectif : trouver des sources de financement et recentrer l'activité des SDIS sur les missions premières que lui a assignées le législateur.

Comme l'avait relevé votre rapporteur spécial l'an dernier 14 ( * ) , la principale piste d'évolution pourrait être la mise en place d'une politique ambitieuse de réduction du nombre de centres de traitement des appels d'urgence (CTA) .

Si les obstacles techniques et culturels à une telle évolution ne doivent pas être négligés, de nombreux pays se sont déjà engagés dans cette voie avec succès.

À titre d'illustration, la Finlande a réussi à mener entre 2009 et 2015 une réforme ambitieuse de son organisation qui a permis de réduire le nombre de centres d'appels de 15 à 6 et de faire du 112 le numéro de téléphone unique en cas d'urgence 15 ( * ) .

À l'inverse, un onzième numéro d'urgence a été mis en place dans notre pays en 2015 16 ( * ) .

Comparaison entre le nombre de numéros d'appel d'urgence et de
centres de traitement des appels en France et en Finlande

Nombre de numéros d'urgence

Nombre de centres d'appels

Nombre de centres d'appels pour un million d'habitants

France

11

500

7,7

Finlande

1

6

1,1

Source : commission des finances du Sénat

Selon l'état des lieux établi par nos collègues Pierre-Yves Collombat et Catherine Troendlé 17 ( * ) , 20 SDIS disposent d'un centre commun « 15/18 », qui peut prendre deux formes :

- une cohabitation physique. Quatorze SDIS ont ainsi créé des plateformes mutualisées logées dans les mêmes locaux : Ain, Ardèche, Ariège, Aude, Cher, Hérault, Indre-et-Loire, Lot-et-Garonne, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Orientales, Haute-Savoie, Vaucluse, Vosges, Essonne ;

- une communauté virtuelle. Six centres « 15/18 » sont organisés selon le mode d'une plateforme virtuelle : Corrèze, Ille-et-Vilaine ; Loire ; Loire-Atlantique ; Maine-et-Loire ; Oise. Chacun est « chez soi » mais les deux entités sont interconnectées par un logiciel dédié.

Si ces réformes sont, à terme, absolument indispensables pour accroître l'efficience des SDIS et garantir la pérennité du système, il apparaît nécessaire de rester particulièrement vigilant quant à ce que les regroupements de plates-formes n'aboutissent pas à des transferts de charges des « bleus » vers les « rouges », au détriment des SDIS , comme c'est le cas en matière de transport sanitaire 18 ( * ) .

Par ailleurs, si ces évolutions sont encourageantes, nos collègues notent que « trop souvent, cependant, cette coopération repose sur la bonne volonté des personnes, tant du côté des SAMU que des SDIS, qui conduisent un travail aussi remarquable qu'opiniâtre, dépassant les pesanteurs de leurs administrations respectives » 19 ( * ) . Votre rapporteur spécial se joint à ces remarques qui montrent que, dans ce domaine, une rationalisation plus ambitieuse impliquera nécessairement une forte volonté politique traitement interministériel de ce dossier, qui ne peut continuer à dépendre de la seule bonne volonté de quelques acteurs isolés .

Votre rapporteur spécial prend acte du lancement d'une étude par le ministère de l'intérieur au sujet de la création d'un système unifié de réception des appels et de gestion opérationnelle (SGO), qui vise à uniformiser les systèmes informatiques utilisés par les SDIS pour la réception des appels d'urgence, l'engagement des moyens et le suivi des opérations .

Aujourd'hui, chaque service départemental d'incendie et de secours s'organise de manière autonome et recourt à des produits du marché, alors qu'au quotidien, les SDIS doivent échanger de nombreuses informations entre eux et avec les autres acteurs du secours et de la sécurité. Cette évolution doit donc être encouragée, même si elle ne doit pas faire perdre de vue l'objectif d'une mutualisation généralisée des différents centres d'appel et d'une fusion des numéros d'urgence.


* 2 Discours de Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur, lors du 123 e congrès national des sapeurs-pompiers de France à Tours, le 22 septembre 2016.

* 3 Le fonds d'aide aux investissements a été instauré par l'article 129 de la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 de finances pour 2003.

* 4 Discours du Président de la République, le 24 septembre 2016, lors du 123 e congrès de la fédération nationale des sapeurs-pompiers.

* 5 Rapport d'information n° 365 (2015-2016) de Jean Pierre Vogel, fait au nom de la commission des finances, déposé le 3 février 2016.

* 6 Ibid.

* 7 Rapport d'information n° 24 (2016-2017) de Pierre-Yves Collombat et Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 octobre 2016.

* 8 Enquête Infosdis 2014.

* 9 Loi du 31 décembre 1991 relative à la protection sociale du sapeur-pompier volontaire en cas d'accident survenu ou de maladie contractée en service.

* 10 Loi du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers.

* 11 Décret n° 2016-955 du 11 juillet 2016.

* 12 Discours d'Éric Faure, président de la FNSPF, le 24 septembre 2016, lors du 123 e congrès de la fédération nationale des sapeurs-pompiers.

* 13 Discours du Président de la République, le 24 septembre 2016, lors du 123 e congrès de la fédération nationale des sapeurs-pompiers.

* 14 Rapport général n° 164 (2015-2016) de Jean Pierre Vogel, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2015.

* 15 Marko Nieminen, Heikki Uusitalo, « Managing change : the example of Finland, from 15 centres to a network of 6 centres », EENA case study document, 7 mai 2015.

* 16 La liste complète est désormais la suivante : 15, 17, 18, 112, 114, 115, 119, 191, 196, 197, 116000. Cf. arrêté du 6 juillet 2015 homologuant la décision n° 2015-0153 de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes en date du 17 mars 2015 modifiant la décision n° 02-1179 du 19 décembre 2002 établissant la liste des numéros d'urgence devant être acheminés gratuitement par les opérateurs de communications électroniques.

* 17 Rapport d'information n° 24 (2016-2017) de Pierre-Yves Collombat et Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 octobre 2016.

* 18 Les « restes à régler » pour carence du transport sanitaire ont augmenté significativement pour les SDIS en 2014 (1,75 million d'euros).

* 19 Rapport d'information n° 24 (2016-2017) de Pierre-Yves Collombat et Catherine Troendlé, fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 octobre 2016.