Travaux de la commission des lois



- Présidence de M. René Garrec, président.

Modernisation de la sécurité civile - Examen du rapport

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé, sur le rapport de M. Jean-Pierre Schosteck à l'examen du projet de loi n° 227 (2003-2004) de modernisation de la sécurité civile.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, s'est félicité de l'examen, par le Sénat, en première lecture, d'un projet de loi relatif à la sécurité civile. Il a rappelé que ce texte, issu d'une longue réflexion et très attendu par les acteurs des secours, devait actualiser les principes de la sécurité civile posés par la loi du 22 juillet 1987, afin de tirer les leçons des catastrophes passées et de tenir compte des risques émergents.

Il a constaté que la sécurité civile, dont l'objet est de prévenir les risques et de protéger les populations, était une nécessité sociale tristement illustrée par la canicule et les feux de forêts de l'été 2003, les inondations régulières ou encore l'effondrement du terminal de l'aéroport de Roissy. Il a rappelé que son efficacité reposait sur des principes opérationnels simples, mais surtout sur le professionnalisme, le courage et le dévouement des acteurs des secours, au premier rang desquels figurent les sapeurs-pompiers.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a souligné que la réforme proposée tendait à améliorer les conditions d'intervention des services de secours, ainsi que la protection des populations. Il a indiqué que le texte proposé avait pour premier objectif d'améliorer la prévention et la gestion des crises en actualisant la définition de la sécurité civile, en simplifiant la planification des secours, en précisant les autorités chargées de la direction et du commandement des opérations de secours et en clarifiant la répartition de la prise en charge de ces dernières entre les communes, les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) et l'Etat.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a souligné que le dispositif envisagé avait pour second objectif de développer la culture de la sécurité civile par une sensibilisation à la prévention des risques et un apprentissage des gestes de premier secours lors de la formation scolaire, l'instauration de réserves de sécurité civile facultatives et décentralisées et la reconnaissance du rôle des associations de sécurité civile.

Il a noté que le projet de loi tendait également à préserver le statut d'établissement public des SDIS et à rationaliser leur fonctionnement par la création d'une conférence nationale des services d'incendie et de secours, composée de l'ensemble des acteurs concernés, et la suppression de la possibilité ouverte par la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité d'intégrer les SDIS dans les services des conseils généraux.

Il a ajouté que les conseils d'administration des SDIS pourraient désormais comprendre entre 15 et 30 membres, les représentants des départements étant élus au scrutin majoritaire et disposant au moins des 3/5es des sièges. Il a noté que la représentation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, assurée par 1/5e au moins des sièges, serait modulée en fonction de leur population et non plus du montant de leurs contributions, celles-ci ayant en effet vocation à disparaître. Il a indiqué que les conseils d'administration pourraient s'élargir, à titre consultatif, à des représentants d'organismes partenaires du SDIS et que la contribution financière du département à ce dernier serait déterminée par le conseil général lui-même. Il a rappelé que le projet de loi tendait en outre à renforcer l'autorité des SDIS sur les centres de première intervention non intégrés et à faciliter la création d'établissements publics interdépartementaux.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a insisté sur la réaffirmation de la reconnaissance de la Nation envers les sapeurs-pompiers avec la mutualisation des charges de formation des officiers sapeurs-pompiers au moyen du centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et l'institution d'un véritable projet de fin de carrière pour les sapeurs-pompiers professionnels. A cet égard, il a rappelé que le dispositif du congé pour difficulté opérationnelle (CDO) issu de la loi du 7 juillet 2000 serait amélioré. Il a précisé que le sapeur-pompier âgé d'au moins cinquante ans, ayant accompli vingt-cinq ans de services effectifs, dont une commission médicale aura constaté qu'il rencontrait des difficultés incompatibles avec l'exercice de fonctions opérationnelles au sein des services d'incendie et de secours, pourrait choisir entre un reclassement dans la fonction publique et un congé pour difficulté opérationnelle. Il a ajouté que, dans cette hypothèse, l'intéressé aurait une option entre un congé avec cessation d'activité, compatible avec l'exercice d'une activité professionnelle, et un congé avec constitution de droits à pension.

Il a indiqué que le projet de loi instaurait un avantage de retraite au profit des sapeurs-pompiers volontaires afin de valoriser leur engagement, ajoutant que les SDIS adhéreraient à une association nationale habilitée à souscrire le contrat collectif d'assurance nécessaire à la mise en place du dispositif. Il a précisé que le financement de cet avantage serait assuré par les cotisations obligatoires des SDIS, les cotisations complémentaires versées par les sapeurs-pompiers volontaires et une participation de l'Etat, que le ministre de l'intérieur avait estimé à 30 millions d'euros lors de son audition devant la commission.

M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a indiqué qu'il approuvait les dispositions de ce texte, dont un grand nombre étaient susceptibles de faire consensus, sous réserve d'une série d'amendements tendant à clarifier et à assurer la réforme envisagée. Il a précisé que ceux-ci avaient en particulier pour objet d'affirmer l'importance de l'engagement civique pour que la sécurité civile soit véritablement « l'affaire de tous » et de rappeler la participation de la France à un mécanisme communautaire de protection civile. Il a ajouté que les amendements proposés tendaient également à préciser que la commune, dans le cadre de ses compétences, avait la charge des dépenses relatives aux besoins immédiats des populations, à poser le caractère obligatoire de la consultation des communes et des établissements publics de coopération intercommunale avant l'adoption du règlement opérationnel des services d'incendie et de secours et à prévoir que la conférence nationale des services d'incendie et de secours, composée pour moitié au moins des représentants des conseils d'administration de ces services, serait consultée sur l'ensemble des projets de loi ou d'actes réglementaires concernant les missions, l'organisation, le fonctionnement ou le financement des services d'incendie et de secours et dotée d'un pouvoir de proposition.

Il a indiqué qu'il désirait simplifier la direction des SDIS, en instituant deux directeurs adjoints auprès du directeur départemental, chargés respectivement des missions opérationnelles et de la gestion administrative et financière de l'établissement, le premier pouvant se substituer au directeur départemental en cas d'absence ou d'empêchement. Il a ajouté que ses amendements tendaient, par ailleurs, à clarifier certaines dispositions applicables au bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM) et à supprimer les réserves départementales de sécurité civile.

Il a expliqué qu'il proposait de préciser que la surcotisation de 2 %, imposée aux collectivités contributrices au CNFPT pour la mutualisation des moyens de formation des SDIS en faveur des officiers sapeurs-pompiers, est affectée à ladite formation, et de permettre la validation de l'ensemble des formations des sapeurs-pompiers volontaires par le directeur départemental des services d'incendie et de secours. Il a ajouté qu'un amendement poserait le principe d'une compensation des charges résultant, pour les collectivités territoriales, des transferts, créations et extensions de compétences réalisés par le présent projet de loi dans les conditions déterminées par une loi de finances.

M. Jean-Jacques Hyest a rappelé que l'organisation des SDIS et le statut des sapeurs-pompiers avait fait l'objet de longs débats à l'Assemblée nationale et au Sénat lors de la discussion de la loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002. Il a souligné qu'il était favorable aux objectifs équilibrés de la réforme tout en déplorant la rédaction maladroite du projet de loi. Estimant normal de confier la présidence du conseil d'administration du SDIS au président du conseil général ou à son représentant, et de supprimer la possibilité d'intégration du SDIS dans les services du conseil général, il a salué l'amélioration du congé pour difficulté opérationnelle (CDO) et a précisé que le bénéfice d'un départ à la retraite à 50 ans pour les sapeurs-pompiers aurait eu un coût insupportable pour les SDIS.

Insistant sur l'intérêt d'un avantage de retraite au profit des sapeurs-pompiers volontaires, il s'est interrogé sur la pertinence des dispositifs de réserve de sécurité civile, susceptibles de remettre en cause les efforts actuels pour fidéliser le volontariat.

Rejoignant les propos de M. Jean-Jacques Hyest, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a rappelé que ses amendements limitaient la possibilité de créer des réserves au seul échelon communal et définissaient avec précision leur mission d'appui, afin d'éviter toute équivoque avec celles des services d'incendie et de secours.

Rejoignant les propos de M. Jean-Jacques Hyest sur les faiblesses de la rédaction du projet de loi, M. Robert Bret a constaté que ce dernier était très attendu, mais qu'il ne répondait pas aux attentes des acteurs de la sécurité civile, qui auraient souhaité une loi de programmation pour la sécurité civile. Il a estimé que ce texte amplifiait la logique de désengagement de l'Etat en matière de secours, au risque de provoquer une rupture d'égalité devant la qualité de ces derniers. Il a cependant noté que certaines dispositions, telles que la simplification des plans de secours, étaient bienvenues.

Il a souligné que la collaboration européenne en matière de protection civile devait être renforcée, en particulier par une mutualisation des moyens des pays méditerranéens. Evoquant les feux de forêt de l'été 2003 dans le sud du pays, il a indiqué que l'accentuation de la répression à l'encontre des pyromanes devait être accompagnée par une véritable politique de prévention au moyen du renforcement des effectifs de l'Office national des forêts (ONF), du soutien aux efforts d'entretien des massifs forestiers et de lutte contre le « mitage » de ces derniers par les habitations.

Rejetant l'opportunité d'une loi de programmation spécifique pour la sécurité civile, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a souligné la nécessité, pour l'ensemble des membres de la commission, de vérifier l'adéquation aux besoins réels des crédits budgétaires accordés au titre des missions de sécurité civile lors de l'examen de la loi de finances.

Après avoir rappelé l'actualité des propositions du rapport qu'il avait rendu au nom de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les feux de forêt en 1977, M. Jean-Claude Gaudin a déclaré que le projet de loi comportait des avancées majeures pour la sécurité civile. Il a estimé que ce texte devait permettre d'actualiser le rôle et les modalités d'intervention du bataillon des marins-pompiers de Marseille (BMPM). Rappelant que le bataillon avait été créé par un décret-loi de 1939 à la suite de l'incendie du magasin des « galeries modernes » où 73 personnes avaient péri, il a précisé que les marins-pompiers intervenaient sous l'autorité du maire de Marseille sur son territoire, ainsi que sur l'emprise du port et de l'aéroport. Indiquant que le financement du bataillon était aujourd'hui à la charge de la seule ville de Marseille, il a ajouté que le souhait de la communauté urbaine de Marseille-Provence-Métropole de participer à ce financement avait été fragilisé par des recours du SDIS des Bouches-du-Rhône devant le juge administratif. Il a jugé urgent de clarifier la répartition des compétences entre le bataillon et le SDIS et nécessaire de prévoir une représentation du bataillon et de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris au sein de la future conférence nationale des SDIS.

M. Jean-René Lecerf a indiqué qu'il soutenait les objectifs du projet de loi, mais qu'il n'était pas favorable à l'élection, au scrutin majoritaire, des représentants du conseil général au conseil d'administration du SDIS.

M. Jean-Claude Peyronnet a déploré l'aggravation probable des charges pour les collectivités territoriales qu'entraînerait l'adoption du projet de loi. Il a indiqué que ce dernier témoignait du manque d'ambition du Gouvernement pour la sécurité civile et qu'il allait fragiliser la sécurité juridique de certaines procédures. Saluant la simplification de la planification des secours autour du plan ORSEC et l'institution d'une sensibilisation aux risques dans le cursus scolaire, il a fait part de ses inquiétudes quant à la fin du système de la nomination conjointe des officiers de sapeurs-pompiers par le ministre chargé de la sécurité civile et le président du conseil d'administration du SDIS. Il a ajouté que les dispositions tendant à améliorer la situation des sapeurs-pompiers feraient peser le coût de la réforme sur les collectivités territoriales et a rejoint les propos de M. Robert Bret sur le risque de rupture d'égalité des citoyens devant les secours.

M. Jean-Jacques Hyest a indiqué que la cohérence de la politique de sécurité civile et la coordination des secours nécessitaient une intervention de l'Etat, celle-ci étant prévue à travers les prérogatives du préfet et la mise en oeuvre du schéma départemental d'analyse et de couverture des risques (SDACR). Il a ajouté que les dispositions relatives à la suppression de la co-nomination des officiers étaient justifiées et que les difficultés constatées entre le SDIS des Bouches-du-Rhône et le bataillon des marins-pompiers de Marseille devaient être réglées dans le règlement opérationnel.

En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, M. Jean-Claude Peyronnet a déclaré qu'il ne souhaitait pas transformer les présidents de conseils généraux en « généraux » des SDIS et que, dans le domaine de la sécurité civile, l'Etat devait commander et payer.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements présentés par le rapporteur.

A l'article 1er (définition de la sécurité civile), la commission a adopté un amendement tendant à préciser les liens de la sécurité civile avec la défense civile et la sécurité intérieure.

A l'article 2 (acteurs de la sécurité civile), la commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle. M. Pierre Jarlier estimant nécessaire de ne pas omettre de mentionner, dans la rédaction de cet article, le rôle assuré par les pelotons de gendarmerie de montagne, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a précisé que ce rôle était bien prévu par la rédaction initiale du projet de loi que l'amendement ne modifiait pas sur ce point.

A l'article 3 (orientations de la politique de sécurité civile), la commission a adopté deux amendements tendant à modifier l'annexe du projet de loi afin d'affirmer de manière explicite la responsabilité première des citoyens dans la mise en oeuvre de la sécurité civile, ainsi que la contribution de la France au développement d'une coopération communautaire dans le domaine de la protection civile.

A l'article 5 (obligations des exploitants de services publics et de certaines infrastructures), la commission a adopté un amendement tendant à prévoir l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat afin de définir les mesures nécessaires à la satisfaction des besoins prioritaires que les exploitants de services publics et de réseaux stratégiques doivent assurer, ainsi que la désignation de correspondants de référence au sein de ces exploitants.

A l'article 8 (interopérabilité des réseaux de communication), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les règles d'interopérabilité des réseaux de communication et des systèmes d'information des seuls services publics concourant aux missions de sécurité civile seraient définies par décret.

Puis la commission a adopté trois amendements de clarification rédactionnelle aux articles 9 (renforcement de l'obligation de débroussaillement en zone forestière), 10 (plan communal de sauvegarde) et 11 (plan ORSEC), ainsi que deux amendements tendant à corriger une erreur matérielle aux articles 13 (direction des opérations de secours) et 16 (crise relevant de zones de défense distinctes).

A l'article 17 (préfet maritime et plan ORSEC maritime), la commission a ensuite adopté un amendement tendant à préciser que le préfet maritime informe le préfet de zone lorsqu'il déclenche le plan ORSEC maritime, ainsi qu'un amendement rédactionnel à l'article 19 (direction et coordination des secours à Paris et dans sa « petite couronne »).

Après l'article 19, la commission a adopté un amendement tendant à créer un article additionnel afin de prévoir que les plans de secours sont actualisés en permanence par le représentant de l'Etat compétent, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, ayant précisé qu'il s'agissait d'un amendement d'appel destiné à connaître les intentions du Gouvernement sur ce point.

La commission a ensuite adopté deux amendements rédactionnels à l'article 20 (commandement des opérations de secours), ainsi qu'un amendement tendant à corriger une erreur de référence à l'article 21 (dispositions diverses).

A l'article 22 (financement des opérations de secours), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les communes pourvoient, dans le cadre de leurs compétences, aux dépenses relatives aux besoins immédiats des populations.

A l'article 25 (réserves de sécurité civile), la commission a adopté un amendement tendant à supprimer la référence aux réserves départementales de sécurité civile par coordination avec l'amendement de suppression de ce dispositif à l'article 26 et à préciser que les réserves concourent au soutien des populations, à l'appui logistique et au rétablissement des activités.

M. Jean-Jacques Hyest a estimé qu'il pourrait être opportun de prévoir la possibilité pour les établissements de coopération intercommunale de constituer des réserves de sécurité civile, M. Pierre Jarlier soulignant que la constitution de réserves uniquement communales pouvait être difficile en pratique. En réponse, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a relevé que cette possibilité pourrait soulever une difficulté dans la mesure où, actuellement, seuls, les maires disposent de pouvoirs de police. Il s'est néanmoins dit prêt à réexaminer cette question.

Après avoir salué la position du rapporteur, M. Charles Guené a ensuite regretté que le champ d'action offert à la réserve soit limité aux « événements », alors que son intervention pourrait être prévue en cas de « situations particulières », et a annoncé qu'il déposerait un amendement en ce sens. Puis la commission a adopté l'amendement tendant à supprimer l'article 26.

A l'article 27 (réserves communales de sécurité civile), la commission a adopté un amendement tendant à prévoir que l'institution d'une réserve doit intervenir par la voie d'une délibération du conseil municipal intéressé. Puis elle a adopté deux amendements de coordination ainsi qu'un amendement rédactionnel aux articles 28 (modalités d'engagement des réservistes de sécurité civile) et 29 (droits et devoirs des réservistes).

A l'article 31 (agrément des associations de sécurité civile), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les associations de sécurité civile sont agréées par le représentant de l'Etat dans le département ou par le ministre chargé de la sécurité civile.

A l'article 33 (fixation des modalités d'intervention des associations par convention), la commission a adopté un amendement tendant à préciser que les procédures nécessaires à l'accomplissement des missions des associations de sécurité civile prévues à l'article 32 du projet de loi, sont fixées par les conventions prévues par cet article.

A l'article 35 (encadrement des associations hors de France), la commission a adopté un amendement tendant à simplifier le dispositif prévu par cet article et à prévoir que l'insertion dans des dispositifs de secours engagés par l'Etat à l'étranger des associations agréées constitue une simple faculté et n'a pas un caractère automatique.

A l'article 36 (mission de contrôle de l'inspection générale de l'administration), le rapporteur a présenté un amendement tendant à préciser les actions relatives à la sécurité civile des collectivités territoriales, des établissements publics locaux et des associations pouvant donner lieu à l'évaluation et au contrôle de l'inspection générale de l'administration. M. Jean-Jacques Hyest s'étant interrogé sur la nécessité de prévoir une disposition en ce sens, dès lors que des contrôles étaient d'ores et déjà pratiqués, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a relevé qu'une habilitation législative était indispensable. Puis la commission a adopté cet amendement.

A l'article 37 (mission de contrôle de l'inspection générale de l'administration), la commission a adopté un amendement rédactionnel et un amendement tendant à préciser que l'inspection de la défense et de la sécurité civiles apporte son concours aux missions d'évaluation et de contrôle de l'inspection générale de l'administration en matière de sécurité civile à la demande du ministre chargé de la sécurité civile.

A l'article 39 (conférence nationale des services d'incendie et de secours), la commission a adopté trois amendements tendant à faire prévaloir les élus locaux au sein de la conférence nationale des services d'incendie et de secours, à préciser ses missions, ainsi qu'à prévoir la participation du préfet de police de Paris, du maire de Marseille et des commandants de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et du bataillon de marins-pompiers de Marseille, ou de leurs représentants, lorsque la conférence est consultée sur un projet de loi ou d'acte réglementaire ayant des incidences sur la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ou le bataillon de marins-pompiers de Marseille.

La commission a ensuite adopté un amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 39 afin de supprimer le conseil national des services publics départementaux et communaux.

A l'article 40 (centres de première intervention non intégrés), la commission a adopté un amendement tendant à prévoir la consultation des communes et établissements de coopération intercommunale sur les modalités d'intervention opérationnelle de leurs centres de première intervention.

A l'article 42 (schéma départemental d'analyse et de couverture des risques), la commission a adopté un amendement destiné à prendre en compte la spécificité de la commune de Marseille en prévoyant un schéma départemental d'analyse et de couverture des risques unique, composé de trois volets.

A l'article 43 (suppression des co-nominations), la commission a adopté un amendement prévoyant de confier aux maires et aux présidents d'établissements publics de coopération intercommunale compétents le pouvoir de nommer, seuls, les sapeurs-pompiers volontaires des centres de première intervention non intégrés au service départemental d'incendie et de secours.

A l'article 45 (composition des conseils d'administration des SDIS), la commission a adopté trois amendements tendant à préciser le nombre de suffrages dont disposent les maires et présidents d'établissements publics de coopération intercommunale pour désigner leurs représentants au sein du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours, à permettre aux autres membres du conseil d'administration de prévoir la participation avec voix consultative des organismes partenaires du service départemental d'incendie et de secours, et à supprimer l'énumération non exhaustive de ces organismes.

Après l'article 45, la commission a adopté un amendement de conséquence tendant à insérer un article additionnel afin de préciser que le conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours doit se prononcer sur le nombre et la répartition des sièges avant chaque renouvellement de ses membres.

A l'article 46 (vice-présidents), le rapporteur a présenté un amendement tendant à prévoir que le bureau du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours est composé de son président, de trois vice-présidents et, le cas échéant, d'un ou plusieurs membres supplémentaires, le nombre total de membres du bureau ne pouvant dépasser 20 % de l'effectif du conseil d'administration. Il a cependant souligné que sa position restait ouverte sur le sujet, le choix d'un nombre fixe de membres du bureau pouvant également être défendu.

Après que M. Jean-Jacques Hyest, conforté en cela par Mme Michèle André, eut souligné que le bureau fonctionnait, en pratique, comme une commission permanente et que, dans ce contexte, il pouvait être utile de faire varier le nombre de membres du bureau en fonction de l'effectif du conseil d'administration, la commission a rectifié la formulation de cet amendement, afin de prévoir que le bureau serait composé du président, de trois vice-présidents et d'un seul membre supplémentaire, puis l'a adopté.

La commission a ensuite adopté un amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 46 afin de préciser qu'un cinquième des membres du conseil d'administration du SDIS ayant voix délibérative peut demander la réunion du conseil.

Après avoir adopté un amendement de coordination à l'article 47 (organisation de la direction - coordination), la commission a adopté un amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 48 afin de prévoir le renouvellement des représentants des sapeurs-pompiers professionnels et volontaires à la commission administrative et technique des services d'incendie et de secours après chaque renouvellement des conseils municipaux.

A l'article 49 (directeur adjoint et directeur financier), la commission a adopté un amendement tendant à rationaliser l'organisation de la direction des services d'incendie et de secours et à renforcer le rôle des élus locaux dans leur gestion en prévoyant l'institution de deux directeurs adjoints auprès du directeur départemental des services d'incendie et de secours, après que M. Jean-Jacques Hyest eut estimé qu'il convenait de ne pas trop encadrer les modalités d'organisation des collectivités territoriales.

La commission a ensuite adopté un amendement tendant à créer un article additionnel après l'article 50 (financement), ayant pour objet de rendre la commune de Marseille éligible au Fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours.

A l'article 52 (mutualisation des charges de formation des élèves officiers sapeurs-pompiers), le rapporteur a présenté un amendement tendant à préciser de manière explicite que les fonds collectés au titre de la surcotisation de 2 % au bénéfice du centre national de la fonction publique territoriale sont affectés à la formation des officiers de sapeurs-pompiers. Après que M. Jean-Jacques Hyest eut interrogé le rapporteur sur les raisons ayant conduit le Gouvernement à fixer cette surcotisation à 2 %, M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, a répondu que cette somme devait correspondre au financement de la formation et des charges salariales des officiers sapeurs-pompiers, mais qu'il conviendrait d'obtenir des éclaircissements supplémentaires du gouvernement. La commission a ensuite adopté cet amendement.

Puis, après avoir adopté un amendement de coordination à l'article 53 (dispositif de fin de carrière des sapeurs-pompiers), la commission a adopté un amendement après l'article 54 (protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires) tendant à créer un article additionnel destiné à adapter les obligations de formation des sapeurs-pompiers volontaires avec leur profil de manière à éviter des formations redondantes ou inutiles.

A l'article 55 (engagement des sapeurs-pompiers volontaires pour une durée déterminée), la commission a adopté un amendement tendant à permettre le recrutement de sapeurs-pompiers volontaires dans les conditions prévues par l'article 3 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant diverses dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.

Après avoir adopté un amendement à l'article 58 (adaptations spécifiques aux départements d'outre-mer et à Mayotte) tendant à insérer les dispositions spécifiques relatives à Mayotte dans une nouvelle subdivision du code général des collectivités territoriales, ainsi qu'un amendement de coordination à l'article 60 (adaptation terminologique pour Mayotte), la commission a ensuite adopté un amendement tendant à supprimer l'article 61 (Fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours) par coordination avec l'amendement adopté à l'article 58.

Aux articles 65 (réserves de sécurité civile à Mayotte), 68 (dispositions applicables à Saint-Pierre-et-Miquelon), 69 (adaptation terminologique pour Saint-Pierre-et-Miquelon) et 70 (mise en oeuvre des moyens de secours par le maire et le préfet à Saint-Pierre-et-Miquelon), la commission a adopté quatre amendements de coordination afin de prendre en compte la suppression de la réserve départementale, puis des amendements corrigeant diverses erreurs matérielles aux articles 72 (dispositions applicables du code des communes de Saint-Pierre-et-Miquelon) et 73 (entrée en vigueur de certaines dispositions).

Après l'article 74, la commission a adopté un amendement tendant à créer un article additionnel précisant que les charges résultant des transferts, créations et extensions de compétences réalisés par le projet de loi seraient compensées dans des conditions déterminées par une loi de finances.

La commission a approuvé le projet de loi ainsi modifié.

Constitution - Charte de l'environnement - Audition de MM. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, et Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission, conjointement avec la commission des affaires économiques et du plan, a procédé à l'audition de MM. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, et Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le projet de loi constitutionnelle  329 (2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la Charte de l'environnement.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a tout d'abord rappelé qu'à l'origine de la Charte de l'environnement était l'engagement du président de la République, M. Jacques Chirac, lors de ses discours d'Orléans du 3 mai 2001, puis d'Avranches du 18 mars 2002, de donner valeur constitutionnelle au droit de l'environnement.

Il a indiqué qu'il s'agissait de la troisième étape du pacte républicain, après la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et les principes économiques et sociaux du préambule de la Constitution de 1946.

Le garde des sceaux a estimé que cet engagement en faveur d'une écologie humaniste, scellant l'alliance de l'environnement, de la science et du progrès économique, et la proclamation conjointe de droits et de devoirs, constitueraient une composante du bloc de constitutionnalité et une nouvelle référence pour le législateur. Il s'est d'ailleurs félicité du complément à l'article 34 de la Constitution, apporté par l'Assemblée nationale, consacrant une compétence législative spécifique en matière d'environnement, ainsi que des autres précisions introduites par les députés, qui devraient permettre de mieux déterminer la part du législateur, du juge et de l'expert. Il a rappelé que le respect de la Charte serait garanti par le Conseil constitutionnel et les juridictions des deux ordres.

Le ministre de la justice a par ailleurs précisé que la Charte concernerait l'ensemble des sujets de droit, personnes morales comme physiques, privées comme publiques.

Il a ensuite présenté l'équilibre des droits et des devoirs prévus par la Charte, rappelant qu'elle reconnaissait le droit, pour chaque être humain, à un environnement équilibré et respectueux de la santé (article 1er), accompagné du devoir de la préservation et de l'amélioration de l'environnement (article 2), du devoir de la prévention des atteintes à l'environnement (article 3) et du devoir de réparation (article 4), considérant que ce dernier allait au-delà du principe pollueur-payeur, en instituant une obligation de réparation, y compris pour le seul dommage à l'environnement.

Il a ajouté que ces droits et devoirs seraient intégrés dans les politiques publiques, notamment l'éducation et la formation, la recherche et l'innovation et l'action internationale de la France (articles 8 à 10).

Néanmoins, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que la préservation de l'environnement ne s'imposerait pas de façon automatique, les objectifs à valeur constitutionnelle de la Charte devant être conciliés avec les autres objectifs de même valeur.

S'agissant du principe de précaution, objet d'un large débat, il a souligné qu'il permettrait de guider les juges, au lieu de leur laisser, comme c'est le cas actuellement, la maîtrise de la définition de ce principe. Son application serait subordonnée à trois conditions cumulatives et restrictives : un dommage grave et irréversible causé à l'environnement, dont la réalisation demeure incertaine en l'état des connaissances scientifiques. Il s'est en outre félicité de la précision apportée par l'Assemblée nationale limitant l'application de ce principe aux autorités publiques dans le strict champ de leurs attributions respectives.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, a ensuite insisté sur la pertinence de la Charte de l'environnement au regard des enjeux écologiques actuels et futurs.

Rappelant l'importance du réchauffement climatique intervenu au cours du dernier siècle (+ 0,6°C dans le monde et + 0,9°C en France), il l'a évalué à + 2,3°C au minimum pour le XXIe siècle, soit près de 4°C en deux siècles. Tout en reconnaissant que de tels changements n'étaient pas inédits, il a néanmoins souligné qu'ils n'étaient jamais intervenus dans un temps aussi bref, laissant prévoir une élévation du niveau des mers, une fonte des calottes glaciaires, ainsi qu'une baisse de l'enneigement.

Le ministre a également déploré les menaces pesant sur la biodiversité, vingt-sept espèces disparaissant quotidiennement et deux mille arbres tropicaux étant coupés chaque minute.

Par ailleurs, M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, a souligné la fragilité et l'incohérence d'un droit de l'environnement proliférant, du fait notamment du nombre de textes communautaires et réglementaires, et rappelé que si la partie législative du code de l'environnement avait pu être codifiée en 2000, tel n'était toujours pas le cas de sa partie réglementaire.

Par ailleurs, il a indiqué que le principe de précaution, introduit par la loi Barnier de 1995 sans définition, se verrait désormais mieux encadré.

En outre, le ministre a souligné l'importance de l'adoption d'une telle charte en termes d'influence de la France en matière de politique internationale de l'environnement, alors même que la forte croissance économique en Amérique et en Asie aura des conséquences environnementales prégnantes, et appelé de ses voeux une véritable gouvernance écologique mondiale.

Enfin, s'agissant du principe de réparation, il a lui aussi considéré qu'il irait plus loin que celui de pollueur-payeur, en permettant notamment la réparation des atteintes à l'environnement, en l'absence de tout dommage causé à une personne ou à des intérêts économiques.

M. Patrice Gélard, rapporteur au nom de la commission des lois, saisie au fond, a souhaité savoir si le droit de vivre dans un environnement « respectueux de la santé », mentionné à l'article 1er de la Charte, serait d'application directe. Il s'est interrogé sur les motivations qui ont conduit, à l'article 5 de la Charte, à utiliser l'expression « principe de précaution ». Il a demandé au ministre d'indiquer, d'une part, pour quelles raisons avait été choisie, s'agissant de ce principe, une applicabilité directe qui le distinguait des droits énoncés par ailleurs dans la Charte et, d'autre part si, malgré cette particularité, le législateur pourrait en définir plus précisément les modalités d'application.

Rappelant que le principe de précaution fixait des obligations pour les autorités publiques, M. Patrice Gélard, rapporteur, s'est enquis du risque, pour des personnes physiques, de voir leur responsabilité mise en cause au titre de ce principe, et de la nécessité de prévoir, le cas échéant, des garde-fous, à l'exemple de ce qu'avait réalisé la loi Fauchon pour la responsabilité pénale des élus. Il a en outre souhaité connaître les éventuelles répercussions de la Charte et plus particulièrement du principe de précaution, sur les procédures d'urgence appliquées par le juge administratif, comme le « référé suspension » et le « référé liberté ».

M. Jean Bizet, rapporteur au nom de la commission des affaires économiques, saisie pour avis, a salué la mise en place, par ce projet de loi, d'une gouvernance écologique. Estimant que la Charte de l'environnement devait promouvoir une écologie humaniste, il s'est interrogé sur la possibilité de mettre davantage en valeur son article 6, relatif à la conciliation, par les politiques publiques, de la protection de l'environnement, du développement économique et du progrès social. Il a par ailleurs estimé que l'application du principe de précaution pourrait, sur le modèle des dispositions de l'article L. 110-1 du code de l'environnement, faire appel à la théorie du bilan, et mettre ainsi en balance les risques et les avantages des projets d'une part et le coût des mesures de précaution d'autre part.

Relevant des contradictions entre certaines dispositions du droit en vigueur et le texte de la Charte, M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a demandé au ministre de préciser les moyens envisagés pour assurer la conformité de la législation avec les dispositions du projet de loi. Il a enfin évoqué la fin du moratoire sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) au niveau européen, et s'est interrogé sur la position que la France pourrait adopter dans ce domaine, en respectant, une fois qu'elle serait définitivement adoptée, la Charte de l'environnement, et plus particulièrement le principe de précaution.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, répondant à M. Patrice Gélard, a indiqué que le droit de vivre dans un environnement « respectueux de la santé », mentionné à l'article 1er de la Charte, entrait dans le cadre des « droits-créances », qui ne pouvaient recevoir d'application sans intervention du législateur. S'agissant de l'article 5 de la Charte, il a expliqué que la référence au « principe de précaution » avait été consacrée au niveau communautaire dans le Traité de Maastricht en 1992 et au niveau national dans la loi du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, dite « loi Barnier ». Il a en outre indiqué qu'aux termes de l'article 5, le principe de précaution ne s'appliquerait qu'à l'environnement.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a estimé que le législateur aurait toute liberté pour préciser l'application de ce principe, a fortiori après l'ajout par l'Assemblée nationale en première lecture d'un article tendant à modifier l'article 34 de la Constitution pour y mentionner la préservation de l'environnement. Il a indiqué que le législateur serait sans doute amené à intervenir pour décider de l'utilisation des OGM, après une évaluation de leur intérêt scientifique et des avantages de leur utilisation pour l'économie et le bien-être des personnes d'une part et de leurs risques pour la santé d'autre part. Il a souligné l'importance de l'intervention du législateur sur de telles questions : dans le silence de la loi, la décision d'appliquer le principe de précaution appartiendrait au juge et aux experts.

M. Dominique Perben a estimé que l'applicabilité directe du principe de précaution était sans incidence sur la responsabilité pénale des personnes physiques, un texte constitutionnel ne pouvant être invoqué pour incriminer une personne. Il a expliqué que ce principe ne présentait pas de difficulté d'application particulière pour les procédures d'urgence mises en oeuvre par le juge, rappelant que le Conseil d'État avait déjà fait référence au principe de précaution dans le cadre de « référés suspension ».

En réponse à M. Jean Bizet, M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, a indiqué que l'ordre retenu pour la présentation des articles de la Charte s'articulait selon trois mouvements : tout d'abord les droits, ensuite les devoirs et enfin les relations entre les politiques environnementales et les autres politiques. Il a précisé que cette cohérence interne était renforcée par les considérants qui mettent en perspective les articles de la Charte.

M. Serge Lepeltier a indiqué que la notion de mesure de précaution d'un « coût économiquement acceptable », qui figure à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, n'avait pas été retenue pour la rédaction de l'article 5 de la Charte, parce qu'elle aurait présenté l'inconvénient de ne pas prendre en compte le paramètre du temps dans l'évaluation du coût de telles mesures. Il a ainsi expliqué que la décision de ne pas utiliser l'amiante dans la seconde moitié du XXe siècle aurait eu, à court terme, un coût économique très élevé, qui apparaîtrait néanmoins acceptable au regard de la situation actuelle, où le budget consacré chaque année au désamiantage est supérieur à un milliard d'euros par an.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, a estimé qu'il appartiendrait au législateur de mettre progressivement en cohérence la législation en vigueur dans le domaine de l'environnement avec les nouvelles dispositions de la Charte, sans que ce travail ne présente d'urgence particulière, les lois antérieures demeurant applicables. S'agissant des OGM, il a rappelé qu'après la levée du moratoire, des procédures d'autorisation de leur commercialisation étaient en cours à la Commission européenne et que leur expérimentation serait conduite suivant des règles strictes en France. Il a cependant souligné qu'il serait nécessaire de prévoir, à terme, un texte fixant des procédures répondant aux exigences du principe de précaution.

Après avoir rappelé que les valeurs sur lesquelles se fondait la Charte rencontraient, en dépit de divergences entre le Nord et le Sud ou entre les Etats-Unis et le reste du monde, l'adhésion de l'opinion publique au niveau international, M. Philippe Leroy a exprimé ses réticences à l'égard du texte, au motif qu'il risquerait d'aggraver l'incertitude juridique. Il a exprimé le souhait que l'examen du texte permette d'inventorier ses risques juridiques potentiels pour les particuliers, les entreprises et les élus locaux. S'interrogeant sur les inconvénients et les blocages qui pourraient résulter de l'utilisation de la Charte par les experts et les juges, il a déclaré être tenté de supprimer la référence au principe de précaution, dépourvu de définition.

M. Jean-René Lecerf a relevé le caractère très général de l'applicabilité du principe de précaution et demandé au ministre s'il suffirait qu'un membre de la communauté scientifique évoque un risque potentiel pour qu'un projet soit bloqué. Rappelant que la rivière qui fut pendant trente ans la plus polluée de France avait aujourd'hui retrouvé une qualité normale, il a souhaité connaître la portée temporelle du caractère irréversible d'un dommage causé à l'environnement, mentionné à l'article 5 de la Charte.

Après s'être déclaré très favorable à l'adossement, à la Constitution, de principes aujourd'hui indispensables à l'avenir de la vie sur Terre, M. Laurent Béteille a estimé nécessaire de s'assurer que la loi pourrait apporter des précisions propres à la préservation d'un degré de liberté suffisant pour les acteurs économiques. Il s'est interrogé sur le sens de la référence, au dernier considérant de la Charte, aux « générations futures » et aux « autres peuples », ainsi que sur la valeur normative de l'article 10, relatif à l'action internationale de la France.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a jugé qu'un excès de précipitation serait susceptible de nuire au travail des sénateurs sur un projet de loi qui tendait à modifier la Constitution. Il a souhaité savoir pour quelles raisons n'avait pas été retenue, pour le principe de précaution, l'une des rédactions proposées par la commission Coppens, qui ne prévoyait pas que les autorités publiques adoptent des « mesures provisoires » afin d'éviter la réalisation du dommage. Il a souligné qu'il était très difficile de déterminer les mesures provisoires à prendre et que la rédaction choisie pourrait conduire, par exemple, à ne pas réaliser le projet de réacteur européen à eau sous pression (EPR).

M. Jacques Mahéas s'est pour sa part inquiété de l'étendue du champ d'application de la Charte de l'environnement, craignant qu'elle ne conduise à une multiplication des contentieux. Il a en outre déploré le choix d'une loi constitutionnelle, trop rigide selon lui, et estimé que chacun des articles aurait pu figurer dans une loi ordinaire. Par ailleurs, jugeant qu'une réflexion nationale, voire communautaire, aurait été nécessaire, il a regretté la précipitation dans laquelle était mené l'examen de cette Charte.

Sur le fond, considérant que l'environnement faisait partie des droits de l'homme, il a jugé inutile l'adoption d'une telle charte, arguant qu'il n'y avait pas eu de charte de la liberté ou de la fraternité. Il a enfin estimé que l'adoption de cette charte risquerait de bloquer le progrès scientifique.

M. Jean-Pierre Sueur s'est alors interrogé sur la pertinence du principe de précaution au regard de la philosophie de l'histoire, faite d'une succession de prises de risques bénéfiques. Il a de plus estimé qu'il n'était souvent possible de déterminer si le principe de précaution aurait dû être appliqué qu'après la réalisation du dommage, citant l'exemple de l'amiante.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a répondu à la proposition de suppression du principe de précaution formulée par M. Philippe Leroy en indiquant que l'article 5 relatif au principe de précaution tel que précisé par l'Assemblée nationale permettrait une meilleure sécurité juridique qu'actuellement, où le principe de précaution existe mais est laissé à l'appréciation du juge, lequel serait dorénavant encadré.

Il a en outre rappelé que le principe de réparation, plus large que celui de pollueur-payeur, permettrait notamment de prendre en compte les atteintes à l'environnement seul.

Enfin, s'agissant du principe de précaution, le ministre a précisé qu'il ne s'appliquerait qu'aux autorités publiques et que les chefs d'entreprises en seraient donc exclus.

En réponse à M. Jean-René Lecerf, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a indiqué que, pour déterminer l'irréversibilité d'un dommage, des éléments scientifiques seraient pris en compte.

A M. Laurent Béteille, il a affirmé que ni les considérants, ni l'article 10 n'avaient de valeur normative.

S'agissant du programme EPR évoqué par M. Michel Dreyfus-Schmidt, le ministre a estimé qu'il relevait très clairement du principe de prévention, et non de celui de précaution, les risques étant connus.

Contrairement à M. Jacques Mahéas, M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a jugé essentielle la constitutionnalisation du droit de l'environnement, et rappelé que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et la référence aux droits économiques et sociaux dans le préambule de la Constitution de 1946 constituaient respectivement une charte de la liberté et une charte de la fraternité.

Tout en estimant, ainsi que M. Jean-Pierre Sueur, que la conciliation du principe de précaution et du progrès scientifique était au coeur du débat, il a néanmoins souligné les changements intervenus depuis deux siècles, du fait notamment de l'explosion tant de la population mondiale que de la consommation de ressources naturelles. Rappelant les dégâts écologiques déjà patents dans certains pays en développement, il s'est inquiété des conséquences de la rapidité du rythme de croissance de la consommation d'énergie en Chine.

M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, a ensuite indiqué à M. Jean-René Lecerf que l'irréversibilité des dommages requerrait des indices, et non des preuves, et que cette notion devrait s'apprécier à l'échelle de la vie humaine.

En réponse à M. Laurent Béteille, il a précisé que la référence faite aux autres peuples et aux négociations internationales s'expliquait par l'universalité du problème de la préservation de l'environnement.

S'agissant du principe de réparation, M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, a estimé qu'il allait au-delà de celui de pollueur-payeur, dont l'absence de définition en droit communautaire l'avait fait interpréter comme un principe économique, et non un principe de responsabilité. Il a ainsi relevé que ce principe pourrait s'appliquer aux oiseaux victimes de marée noire.

En réponse aux interrogations de M. Jean-Pierre Sueur relatives à un frein au progrès, il a considéré que si le progrès restait possible, les risques devraient cependant être dorénavant plus raisonnés, la population mondiale étant passée d'un à six milliards d'habitants en un siècle. Il a d'ailleurs souligné que la propagation du mode de consommation français à l'ensemble de la planète nécessiterait un doublement des ressources naturelles disponibles sur terre.

Abondant dans ce sens, M. René Garrec, président de la commission des lois, a cité le commandant Jacques-Yves Cousteau, selon lequel la planète ne pourrait supporter plus de 700 millions de consommateurs sur le modèle américain.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a alors craint que le principe de réparation se limite à une contribution inférieure à celle due en vertu du principe pollueur-payeur.

S'agissant du programme EPR, dont le garde des sceaux avait affirmé qu'il relevait du principe de prévention, il a déploré que les mesures requises par le principe de prévention (principalement destinées à limiter les conséquences néfastes) soient moins astreignantes que celles requises au titre du principe de précaution, alors même que les risques liés au nucléaire sont connus.

M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, a estimé que cela s'expliquait par le fait que le principe de précaution traitait de dommages graves et irréversibles.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice, a pour sa part souligné que le principe de précaution précisé par l'Assemblée nationale était d'application directe, contrairement au principe de prévention, qui nécessiterait une loi précisant ses modalités d'application.

Par ailleurs, il a estimé que la notion de contribution se justifiait par le fait que le responsable n'était pas toujours en mesure de couvrir l'ensemble des dommages et qu'un principe de solidarité devait s'appliquer corrélativement.

M. Max Marest a enfin préconisé de déplacer l'article 6 consacré aux politiques publiques après l'article 3 relatif au principe de prévention.