Table des matières




Mardi 13 mai 2003

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Auditions - Décentralisation du revenu minimum d'insertion et création d'un revenu minimum d'activité

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à des auditions sur le projet de loi n° 282 (2002-2003) portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion (RMI) et créant un revenu minimum d'activité (RMA).

Audition de M. Bertrand Fragonard, ancien délégué interministériel au RMI

La commission a procédé à l'audition de M. Bertrand Fragonard, ancien délégué interministériel au RMI.

M. Bertrand Fragonard
a précisé qu'il ne s'exprimait pas, devant la commission, en sa qualité de président de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, lequel ne s'était pas prononcé sur le projet de loi.

Abordant tout d'abord la décentralisation du revenu minimum d'insertion, M. Bertrand Fragonard a estimé qu'il était difficile de parier sur les résultats de cette démarche tout en rappelant qu'une telle option avait été évoquée dès 1992.

Il a fait part de sa satisfaction de constater que le projet actuel consolidait les éléments fondamentaux du RMI : une prestation légale d'aide sociale constituant un droit objectif opposable aux administrations qui la gèrent, financé de façon solidaire par l'impôt et préservant le lien entre une prestation et une démarche d'insertion.

M. Bertrand Fragonard a observé que la décentralisation était motivée par l'espoir que l'unité d'action au niveau du département permettrait de meilleurs résultats en matière d'insertion. A cet égard, il a estimé que le fait de confier l'entière responsabilité du RMI aux départements excluait la création d'un mécanisme de garantie financière pour ceux-ci en cas de dérapage.

Il a ensuite souligné les risques inhérents à la démarche de décentralisation. S'agissant des crédits obligatoires d'insertion, il a rappelé que ce mécanisme avait constitué, lors de sa création, une innovation astucieuse permettant d'apporter des crédits de fonctionnement et d'accompagnement qui faisaient défaut à l'ensemble des autres prestations nationales. Il a observé que, malgré leur suppression, les départements seraient poussés à investir dans cet accompagnement, afin de réduire leurs dépenses d'allocations. Il n'a toutefois pas écarté la possibilité que des départements plus frileux ne prennent prétexte des reports importants de crédits pour réduire leur contribution.

Il a également souligné le risque lié à une déconnexion entre l'insertion des bénéficiaires du RMI et la politique de l'emploi et il a expliqué qu'une grande partie de la réussite de la décentralisation dépendrait des partenariats noués avec l'État à ce sujet et plus largement avec l'ensemble des autres acteurs de l'insertion. Il a estimé qu'il existait un risque non négligeable de désengagement de l'État sur les autres outils de la politique de l'emploi et de clivage entre une politique essentiellement sociale visant les allocataires du RMI et une politique d'emploi réservée aux autres catégories de chômeurs.

Il a enfin rappelé que la décentralisation du RMI ne devait pas se traduire par un regard stigmatisant et réducteur sur les bénéficiaires du RMI.

S'agissant ensuite du revenu minimum d'activité (RMA), M. Bertrand Fragonard a considéré qu'il était nécessaire de mener une politique de discrimination positive en faveur des publics les plus en difficulté, même s'il a reconnu que les politiques d'allègement de charges sur les bas salaires avaient eu un impact général positif sur l'emploi des personnes les moins qualifiées. Estimant que le RMA constituait avant tout un nouveau contrat aidé qui n'est pas fondamentalement différent du contrat emploi-solidarité (CES) hormis son ouverture sur le secteur marchand, il a constaté que ce dispositif constituerait un instrument d'insertion non contingenté pour les départements. Observant que la question essentielle était de savoir si les départements allaient utiliser ce nouvel instrument, il a jugé que l'économie générale du projet de loi ne pouvait que les y inciter.

Il a toutefois souligné certaines difficultés inhérentes au dispositif.

Il a d'abord observé que le projet de loi interdisait au bénéficiaire du contrat d'insertion RMA (CIRMA) d'exercer une autre activité pendant la durée du contrat, rappelant qu'une telle interdiction de cumul avait été initialement appliquée au CES, puis assouplie par la suite.

Il a ensuite constaté que l'assiette des cotisations sociales n'était pas égale à la totalité de la rémunération perçue par le bénéficiaire du CIRMA. Il s'est alors interrogé sur les conséquences d'une telle étroitesse de l'assiette en termes de droits sociaux, évoquant notamment les conditions d'accès à l'assurance chômage, de validation des droits à retraite et de calcul des indemnités journalières. Il a toutefois observé que l'étroitesse de l'assiette permettait de limiter le coût du dispositif tant pour l'Etat que pour l'employeur.

Jugeant que le RMA était « une construction un peu baroque », il a estimé qu'il pourrait être un instrument efficace à la condition que les départements investissent l'ensemble du champ de l'insertion sociale et professionnelle, rappelant que le RMI se caractérisait aujourd'hui par l'échec de son accompagnement social. Dans ces conditions, il a considéré que l'efficacité du dispositif serait largement conditionnée par le contenu des conventions conclues entre le département et l'Etat qui devraient être suffisamment ambitieuses.

Il a toutefois exprimé la crainte d'une trop forte assimilation entre RMI et RMA et a considéré que le RMA ne pouvait être qu'un élément d'une politique d'insertion plus globale.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a tout d'abord rappelé que les crédits obligatoires d'insertion avaient finalement été maintenus dans le projet de loi, mais n'a pas exclu une évolution du texte sur ce point. Il a également fait part de son souci de préserver l'équilibre de l'ensemble du dispositif de lutte contre l'exclusion.

Il a souligné que la décentralisation du RMI était justifiée, selon le Gouvernement, par un souci de cohérence dans la gestion des situations individuelles. Il s'est interrogé sur l'étendue des simplifications et des gains d'efficacité apportés par la décentralisation ainsi que sur l'opportunité de la séparation entre l'instruction administrative et l'instruction sociale des demandes d'allocations créée par le projet de loi.

M. Bertrand Fragonard a indiqué que les concepteurs de la loi avaient unanimement souhaité en 1988 une telle séparation. Il a cependant observé que la charge de travail représentée par l'instruction des dossiers avait conduit à une dérive de la gestion administrative vers les caisses d'allocations familiales. Il a estimé que la question de la séparation des instructions administratives et sociales était toutefois un faux problème et qu'il fallait se concentrer sur la qualité de cette instruction socio-économique.

M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est ensuite interrogé sur le bilan du fonctionnement et de l'action tant des conseils départementaux d'insertion (CDI) que des commissions locales d'insertion (CLI) et sur leur recentrage, que comporte le projet de loi, sur l'analyse des besoins et la définition d'une offre d'insertion adaptée. Il s'est demandé si la suppression de leurs compétences en matière de décisions individuelles était de nature à renforcer leur efficacité.

M. Bertrand Fragonard a souligné qu'un jugement global ne pouvait pas être porté sur ce dispositif totalement décentralisé. Il a néanmoins estimé que la valeur ajoutée des CLI pour les décisions individuelles était inégale. Il a rappelé que, dans le cadre de la décentralisation, l'inconnue demeurait la qualité de l'instruction des dossiers par le département. A cet égard, il a observé que la liberté laissée aux départements pour organiser cette instruction ne serait positive qu'à la condition que ceux-ci sachent s'entourer d'une équipe pluridisciplinaire. Il a jugé que la CLI pourrait avoir à l'avenir un rôle important pour organiser l'offre d'insertion.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a constaté que le projet de loi prévoyait clairement l'inscription d'une mesure d'emploi dans le contrat d'insertion, les autres mesures possibles devenant complémentaires. Il s'est interrogé sur la portée de cette priorité pour les publics les plus fragiles et les plus désocialisés.

M. Bertrand Fragonard a estimé que l'affirmation d'une telle priorité restait théorique et que son utilité était de répondre aux affirmations selon lesquelles le RMI était un échec parce que tous les allocataires n'accédaient pas à l'emploi. Il a cependant rappelé que l'échec de l'insertion dans l'emploi n'était pas le monopole du RMI. Il a souligné que l'objectif d'un contrat d'insertion devait être de « faire au mieux » tout en observant qu'un tel affichage était difficile à assumer. Il a enfin souhaité une adaptation du RMI pour les personnes de plus de 55 ans, jugeant qu'il était irréaliste de les obliger à s'insérer par l'emploi.

M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est également interrogé sur la pertinence des différents paramètres du CIRMA et notamment sur la condition d'ancienneté de deux ans dans le dispositif RMI et sur la durée de 20 heures hebdomadaires du contrat.

M. Bertrand Fragonard a estimé que la durée hebdomadaire de 20 heures pouvait apparaître trop rigide. Il a jugé que la condition d'ancienneté retenue par le projet de loi aurait eu un sens si le dispositif avait été contingenté mais n'était pas ici nécessairement pertinente dans la mesure où le dispositif est financé par les départements, auxquels il appartenait de cibler les publics visés.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, a fait part de ses inquiétudes concernant la compensation aux départements des transferts de charges liés à la décentralisation du RMI. A cet égard, il a regretté le laconisme du projet de loi s'agissant des dispositions financières.

Il a indiqué que la décentralisation du RMI impliquait une liberté d'action importante pour les départements, assortie d'un simple contrôle de l'État, et que tout mécanisme de garantie, comme l'inscription obligatoire de 17 % du montant des allocations versées dans le département, s'apparentait à une simple sous-traitance du dispositif pour le compte de l'Etat.

M. Bertrand Fragonard a insisté sur l'importance de la convention qui serait passée entre le département et l'État et des moyens en matière d'aide à l'emploi sur lesquels ce dernier s'engagerait. Il a également souligné la nécessité d'adosser le financement du RMI décentralisé sur un impôt suffisamment robuste et dynamique. Il s'est, en revanche, déclaré opposé à toute forme de garantie pour les départements en cas de dérapage du nombre d'allocataires.

M. Louis Souvet a précisé que l'absence de mécanisme de garantie financière ne pouvait se concevoir que si les frais occasionnés par la décentralisation du RMI étaient correctement évalués y compris en termes de frais de gestion indirects. Il s'est ensuite interrogé sur les dispositions particulières applicables aux départements d'outre-mer en matière de décentralisation du RMI. Il a enfin demandé des précisions quant au caractère non imposable des revenus tirés du RMA.

M. Gilbert Chabroux s'est interrogé sur les raisons ayant conduit le Gouvernement à présenter son projet de loi dans une telle précipitation, rappelant que les associations n'avaient pas été consultées et que le Gouvernement avait nommé un parlementaire en mission sur ce sujet qui n'avait pas encore présenté son rapport. Il a également regretté la faiblesse des données statistiques disponibles sur la pauvreté, l'exclusion et les politiques d'insertion. Exprimant la crainte que le projet de loi puisse être un moyen de fournir une main-d'oeuvre à bon marché aux entreprises, il a jugé nécessaire de repenser globalement la politique du RMI, estimant à cet égard que l'approche par la seule activité n'était pas la solution.

M. Jean Chérioux a considéré que la politique en matière de RMI menée ces dernières années n'avait pas suffisamment mis l'accent sur le retour à l'emploi. Il s'est interrogé sur les liens existant entre évolution du chômage et évolution du nombre de bénéficiaires du RMI, observant que la diminution du nombre des demandeurs d'emploi constatée ces dernières années ne s'était répercutée que tardivement et de manière très limitée sur le nombre de bénéficiaires du RMI. Il s'est également interrogé sur le rôle de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) dans la politique d'insertion des bénéficiaires du RMI.

M. Guy Fischer a regretté que le projet de loi soit déposé alors qu'aucune évaluation de la loi d'orientation de lutte contre les exclusions n'a été réalisée. Jugeant que le texte du Gouvernement répondait avant tout à des considérations politiciennes, il a exprimé la crainte qu'il ne conduise à une nouvelle stigmatisation des bénéficiaires du RMI.

M. Roland Muzeau, partageant les craintes exprimées par son collègue Guy Fischer, a observé que les associations considéraient le CIRMA comme un « sous CES » et a souhaité recueillir l'avis de M. Bertrand Fragonard sur ce point. Il a en outre estimé que l'ouverture du contrat au secteur marchand allait engendrer un nouveau champ de précarité.

Répondant à l'ensemble des intervenants, M. Bertrand Fragonard a fait part de la difficulté qu'il rencontrait pour apprécier l'éventualité d'une dérive financière du RMI par rapport à l'assiette fiscale transférée, dans la mesure où l'impôt concerné n'est actuellement pas précisé.

S'agissant de la non-imposition des revenus tirés du RMA, il a estimé que la question de savoir si cette non-imposition s'étendait ou non à l'ensemble des revenus du foyer était mineure du fait notamment du reprofilage des aides aux logements qui les rendent accessibles à un plus grand nombre de foyers à faibles revenus.

Il a témoigné que le RMI était l'un des dispositifs pour lequel l'information statistique était la plus développée.

Reconnaissant que le CIRMA était effectivement un contrat « bon marché » pour l'employeur, il a jugé que toute politique de discrimination positive impliquait nécessairement un effort sur le coût du travail pour favoriser l'embauche des personnes les plus en difficulté. A cet égard, il a estimé qu'il s'agissait moins de savoir si les contrats aidés étaient utiles que de savoir s'il était possible de s'en passer pour affecter l'ensemble des moyens de la politique de l'emploi à un abaissement général du coût du travail non qualifié. Il a jugé pour sa part qu'il était impossible de faire l'économie de ces contrats aidés sauf à ne pouvoir prendre en compte les personnes les plus en difficulté. Observant que le CIRMA se rapprochait effectivement du CES, il a jugé positif que le CIRMA soit étendu au secteur marchand.

Rappelant qu'en 1988 le choix avait été fait de ne pas subordonner le bénéfice du RMI à l'inscription à l'ANPE, notamment pour éviter de gonfler les chiffres du chômage, il a précisé qu'aujourd'hui 60 à 65 % des allocataires du RMI étaient inscrits à l'ANPE.

S'agissant de la sensibilité du RMI à la conjoncture, il a indiqué que le nombre d'allocataires du RMI évoluait en moyenne avec quatre mois de décalage par rapport au nombre des chômeurs de longue durée, même si cette corrélation était peut-être moins nette ces dernières années. Il a toutefois observé que de nombreuses personnes restaient au RMI malgré l'amélioration de la conjoncture. A cet égard, il a jugé que l'analyse des économistes faisant du RMI une « trappe à inactivité » n'était guère fondée. Il a ainsi précisé que le différentiel entre l'allocation du RMI et les bas salaires n'avait cessé de s'accroître depuis la création du dispositif et s'était même accéléré ces dernières années avec le reprofilage des aides au logement, la réforme de la taxe d'habitation ou l'instauration de la prime pour l'emploi. Il a ainsi estimé que ce différentiel s'était accru d'un tiers depuis 1988. Dans ces conditions, il a jugé que l'enjeu prioritaire était moins d'accroître plus encore ce différentiel que de mettre en oeuvre une politique plus dynamique de retour à l'emploi des chômeurs de longue durée.

Audition de Mme Nicole Prud'homme, présidente de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF)

La commission a procédé à l'audition de Mme Nicole Prud'homme, présidente de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).

A titre liminaire, M. Nicolas About, président, a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur les raisons qui ont conduit le conseil d'administration de la CNAF, lors de sa réunion du 29 avril 2003, à émettre, à une courte majorité (7 voix contre, 6 voix pour, 12 abstentions ou prises d'acte), un avis défavorable sur le projet de loi.

Mme Nicole Prud'homme a souligné que la raison principale expliquant ce vote lui semblait être le caractère très précipité de cette consultation, les différentes organisations représentées au conseil d'administration n'ayant pas eu les moyens d'analyser le projet de loi. Elle a précisé, en outre, que cet avis défavorable reflétait plus des interrogations qu'une opposition de fond. Elle a insisté, à cet égard, sur le caractère flou de nombreux points du texte, illustré par le renvoi fréquent à des mesures réglementaires. Elle a ajouté que la CNAF se sentait d'autant plus concernée par le RMI qu'elle avait été mise en cause par certaines interprétations consécutives au rapport public de la Cour des comptes de 2001.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a rappelé les propositions du rapport de l'Observatoire de l'action sociale décentralisée (ODAS), qui consistaient à transférer l'instruction de l'ensemble des demandes de RMI aux caisses d'allocations familiales (CAF) et aux caisses de mutualité sociale agricole (CMSA). Il a demandé à Mme Nicole Prud'homme si une telle clarification lui paraissait souhaitable et à quelles conditions elle serait envisageable. Constatant que le projet de loi se limitait à prévoir une possibilité de déléguer aux CAF et aux CMSA certains pouvoirs des présidents de conseils généraux en matière de décisions individuelles relatives à l'allocation, il l'a interrogée sur la manière dont elle concevait les limites de cette délégation.

Mme Nicole Prud'homme a répondu que le projet de loi ouvrait la possibilité de déléguer certaines compétences aux CAF, mais qu'il n'était pas souhaitable d'aller plus loin, en l'état actuel des choses, et ce, pour trois raisons principales.

Elle a précisé, en premier lieu, que les centres communaux d'action sociale (CCAS) disposaient déjà d'une très forte implantation géographique, qui permettait un lien de proximité sans guère d'équivalent, notamment avec les personnes en situation de précarité. Elle en a conclu que l'éventualité du transfert de l'ensemble de l'instruction des demandes de RMI aux CAF ne pourrait pas représenter une amélioration.

Mme Nicole Prud'homme a considéré, en second lieu, que les CAF ne disposaient pas d'un personnel suffisamment formé et disponible pour faire face à une telle extension de leur domaine d'activité. Elle a mentionné que l'instruction d'un dossier de RMI nécessitait, en moyenne, une heure d'entretien avec la personne demandant l'allocation. Face à la grande diversité des questions abordées par la problématique de l'insertion, elle a jugé qu'une formation spécifique du personnel était nécessaire.

Elle a souligné, en dernier lieu, que les CAF ne bénéficiaient pas de locaux adaptés permettant de préserver, lors de la conduite des entretiens, la nécessaire confidentialité de la relation avec les allocataires. Elle a ajouté que, compte tenu de l'effectif des populations déjà prises en charge par les CAF, il ne lui semblait pas possible de faire face à ce nouvel afflux de dossiers.

Mme Nicole Prud'homme a indiqué que les départements d'outre-mer, dans lesquels les CAF instruisent les dossiers de RMI, constituaient un cas particulier. Elle a rappelé que cette exception était motivée par les spécificités de l'outre-mer. Elle a indiqué que, dans ces départements, contrairement à ceux de métropole, les CAF disposaient de moyens spécifiques, ainsi que d'une organisation adaptée.

S'agissant des dispositions du projet de loi permettant aux CAF de conclure des conventions avec les conseils généraux, Mme Nicole Prud'homme a considéré que la CNAF ne s'opposerait pas à ce que certaines CAF s'engagent dans ce type de démarche. Elle a toutefois précisé qu'une généralisation au plan national lui apparaissait impossible.

Mme Nicole Prud'homme a confirmé qu'il était possible, sur un plan technique, pour la CAF, de se voir déléguer, par le président du conseil général, ses pouvoirs en matière de décisions individuelles sur le RMI, à l'exception des demandes de suspension. Elle a néanmoins soulevé, d'un point de vue pratique, deux questions difficiles pour les CAF : la mise en oeuvre de l'obligation alimentaire et la difficulté à apprécier les ressources des travailleurs indépendants.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a demandé à Mme Nicole Prud'homme quels étaient les « risques financiers » liés à la décentralisation du RMI mis en avant par le conseil d'administration de la CNAF. Il l'a également interrogée sur la nature des garanties dont souhaiterait disposer la CNAF pour continuer à assurer le service d'un RMI décentralisé.

Mme Nicole Prud'homme a insisté sur la nécessité, pour la CNAF, de disposer d'un cadre financier sûr. Rappelant que la centralisation actuelle du financement par l'Etat offrait une grande sécurité pour les flux de trésorerie qui permettait même le paiement dans des délais très courts de la « prime de Noël », elle a fait part de son inquiétude quant à l'hypothèse de gérer, à l'avenir, des flux de trésorerie avec une centaine de départements.

Elle a considéré que la CNAF ne devait pas faire les frais de cette partie de la réforme car elle n'en avait pas les moyens. Elle s'est inquiétée, à ce titre, de la capacité de tous les départements à mettre les fonds nécessaires à disposition de la CNAF, le 5 du mois civil. Faisant référence à l'existence de prestations additionnelles dans certaines collectivités locales, elle a affirmé qu'une plus grande fréquence de ce cas de figure aboutirait à remettre en cause la gratuité du service apporté par la CNAF et rendrait nécessaire une facturation appropriée.

Mme Nicole Prud'homme a mis en avant l'homogénéité nécessaire des conditions d'ouverture des droits et s'est déclarée attentive aux dispositions qui figureront dans le décret auquel renvoie sur ce point le projet de loi.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur l'impact de la décentralisation du RMI sur le rôle de contrôle des CAF. Mentionnant la nécessité d'améliorer les contrôles sur les allocataires du RMI, mis en évidence par la Cour des comptes dans son rapport 2001, il lui a demandé quels seraient les moyens dont devraient disposer les caisses pour parvenir à cet objectif.

Mme Nicole Prud'homme a déclaré ne pas vouloir méconnaître les observations de la Cour des comptes, mais désapprouver l'appréciation qui a pu en être faite dans l'opinion publique. Elle a fait observer que le contrôle des allocataires du RMI ne relevait pas de la seule compétence des CAF, mais concernait également les services de l'État qui ont la charge de faire respecter le droit du travail. Elle a noté, en précisant par ailleurs qu'elle ne souhaitait pas dégager sa propre part de responsabilité, que les CAF n'ont ni la mission, ni le pouvoir de lutter contre le « travail gris » ou le « travail au noir ».

Elle a souhaité fournir à la commission quelques données chiffrées pour rendre compte de l'ampleur des contrôles réalisés par ses services : en 2000/2001, le pourcentage de personnes contrôlées s'est élevé à 32 % pour l'ensemble des allocataires des CAF, et à environ 40 % pour ceux du RMI spécifiquement. Elle a décrit les trois types de vérifications exercées par les CAF. Elle a indiqué, en premier lieu, que près de 93.600 contrôles avaient été conduits par des agents assermentés. Elle a noté, en second lieu, que 315.000 contrôles destinés à prévenir le risque de double affiliation avaient été effectués par des moyens informatiques. Elle a enfin souligné que les CAF procédaient également à des vérifications par échanges d'informations avec les ASSEDIC.

M. Guy Fischer a interrogé Mme Nicole Prud'homme sur le détail des contrôles permettant de détecter les tentatives de double affiliation par des personnes cherchant à déposer deux demandes de RMI dans des départements différents.

M. Jean-Pierre Fourcade a souligné que ces chiffres attestaient du sérieux des contrôles réalisés par les CAF, mais que, par nature, ils ne pouvaient appréhender le phénomène du « coup de main ». Il a demandé à Mme Nicole Prud'homme si elle ne pensait pas possible de mieux utiliser les commissions locales d'insertion (CLI) et de développer la collaboration avec les ASSEDIC et les agences de l'ANPE, afin de vérifier les possibilités de sorties du RMI. Il s'est interrogé sur les inquiétudes de la CNAF en matière de décentralisation des flux de trésorerie.

M. Gilbert Chabroux s'est interrogé sur la place des CCAS dans le cadre de ce nouveau dispositif. Il lui a semblé que les départements étaient les grands gagnants de cette réforme, alors même que l'on ne pouvait se passer des CCAS.

Revenant sur les explications formulées par Mme Nicole Prud'homme au sujet du vote du conseil d'administration de la CNAF, M. Bernard Cazeau s'est demandé si cet avis défavorable reposait uniquement sur des facteurs techniques.

Mme Nicole Prud'homme a réaffirmé que le conseil d'administration de la CNAF n'avait pas souhaité émettre une opposition formelle ou critiquer la finalité du projet consistant à faire évoluer le RMI vers le RMA. Elle a considéré que la position de la CNAF devait être appréciée sur la base de critères techniques et de gestion.

S'agissant des CLI, elle a noté que les CAF n'étaient vraisemblablement pas présentes dans toutes les CLI. Elle a estimé comprendre le souci visant à accroître la coopération avec les ASSEDIC et l'ANPE. Mais elle a affirmé que l'insertion, qui recouvre des dimensions très variées pouvant aller jusqu'à réapprendre aux allocataires à se lever le matin ou à accompagner leurs enfants à l'école, n'était pas la vocation des CAF. Sur l'aspect décentralisation des flux de trésorerie, elle a insisté sur le coût de gestion potentiellement considérable des mesures envisagées. Elle a rappelé, à ce titre, que celui du RMI pour la CNAF représentait aujourd'hui 193 millions d'euros.

Auditions - Perspectives de l'assurance maladie

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à des auditions sur les perspectives de l'assurance maladie.

Audition de Mme Rolande Ruellan, auteur du rapport sur « les relations entre l'État et l'assurance maladie »

La commission a procédé à l'audition de Mme Rolande Ruellan, auteur du rapport sur « les relations entre l'Etat et l'assurance maladie », présenté au nom du groupe de travail constitué au sein de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

M. Nicolas About, président, a indiqué que ces auditions s'inscrivaient dans une réflexion sur les perspectives de l'assurance maladie dont M. Alain Vasselle, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale, présenterait la synthèse devant la commission. Il a précisé que ces auditions feraient l'objet d'un compte rendu intégral dans le rapport d'information issu de ces travaux.

Mme Rolande Ruellan a rappelé le cadre dans lequel sa mission s'était déroulée. Soulignant le délai très bref imparti au groupe de travail et la nature de sa mission, qui était d'établir un état des lieux, elle a observé que le rapport ne pouvait dès lors comporter de propositions explicites.

Elle a rappelé que les membres du groupe de travail s'étaient interrogés sur l'articulation des différents rapports commandés dans le cadre de la Commission des comptes de la sécurité sociale et constaté que ce débat sur les structures de l'assurance maladie leur est apparu parfois mineur au regard de sa situation financière.

Mme Rolande Ruellan a souligné la spécificité de l'assurance maladie du fait de la relation triangulaire existant entre les assurés, les caisses et le système de santé. Cette situation fait de l'assurance maladie un outil de financement de la santé et devrait logiquement conduire à un traitement commun des questions de santé et d'assurance maladie. Elle a précisé que les partenaires sociaux, habituellement réticents à l'idée d'une assurance maladie transformée en outil de financement de la santé, ne sont plus opposés à l'idée d'une nouvelle articulation dans ce domaine. Cette évolution n'est pas exclusive d'une réflexion sur la définition du rôle de l'assurance maladie et, par ricochet, sur la composition et le mode de désignation du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

Elle a indiqué que le débat sur la clarification des pouvoirs entre l'Etat et l'assurance maladie était récurrent et dispensait souvent les acteurs du système d'une réflexion sur le fond.

Mme Rolande Ruellan a présenté les principales réflexions des partenaires sociaux qui gèrent aujourd'hui les caisses : ils ne souhaitent pas de modification de la composition des conseils ; ils sont partagés sur la question de l'élection ; ils évoquent la mise en place d'une structure complémentaire de type conseil de surveillance qui permettrait l'accueil de personnalités qualifiées. Cette adhésion à une évolution des structures s'accompagne d'une opposition à tout démantèlement des missions de la CNAMTS, les partenaires sociaux ne souhaitant pas voir leur action cantonnée à la gestion financière des caisses.

En réponse aux questions de M. Alain Vasselle, Mme Rolande Ruellan a déclaré qu'elle ne relevait que de faibles liens entre le rapport dont elle avait la charge et ceux confiés à MM. Jean-François Chadelat et Alain Coulomb.

En conclusion, elle a indiqué que l'expression « nouvelle gouvernance » recouvrait la recherche d'une solution à même d'optimiser la répartition des rôles entre l'assurance maladie et le système de santé.

M. Guy Fischer a fait part de la perplexité que pouvait susciter le rapport sur les relations entre l'Etat et l'assurance maladie ainsi que de ses interrogations sur les outils de gestion du secteur et sur l'état de préparation des réformes, notamment au regard de la possible création des agences régionales de santé et de la régionalisation de la politique de santé.

Audition de M. André Renaudin, délégué général de la Fédération française des sociétés d'assurance

La commission a procédé à l'audition deM. André Renaudin, délégué général de la Fédération française des sociétés d'assurance.

M. André Renaudin
a dressé un bref tableau de la place du secteur de l'assurance au sein des dépenses d'assurance maladie, qui représente 2,4 % de l'ensemble des dépenses totales, 5 % si l'on ne prend en compte que les dépenses remboursées.

Il a précisé que l'offre des sociétés d'assurance était comparable à celle des mutuelles et des institutions de prévoyance, et exempte de sélection médicale.

M. André Renaudin a souligné que, sous l'effet du vieillissement de la population et de l'augmentation de la richesse, les dépenses de santé continueraient à croître et a défini ce qui lui semblait être les contours de la sécurité sociale : un droit offert à chaque citoyen, un financement socialisé, et l'accès à un panier de biens et services.

Sur la base de ces éléments, la question de la privatisation de la sécurité sociale n'a pas lieu d'être, mais il est légitime de s'interroger sur le mode de gestion du système, mode de gestion qui est déjà mixte comme le montre, à des degrés divers, la gestion du réseau de la mutualité sociale agricole (MSA), du réseau de la caisse autonome nationale de compensation des assurances vieillesse artisanale (CANCAVA) et, dans une moindre mesure, du réseau de la CNAMTS.

M. André Renaudin a souligné que si la définition de la politique de santé relève sans contestation possible de l'Etat, on pouvait imaginer la création d'une entité intermédiaire, éventuellement appuyée sur une conférence nationale de la santé élargie. Cette agence aurait un rôle de coordination des rôles respectifs des régimes obligatoires et complémentaires. Elle concrétiserait les contacts bilatéraux actuellement en cours et devrait faire une place aux pouvoirs publics.

M. André Renaudin a indiqué que, dans la mesure où les métiers exercés par les régimes obligatoires et complémentaires étaient organisés autour de la gestion du risque, tout rapprochement des acteurs se révélerait fécond.

Il a précisé que ce rapprochement ne devait pas se traduire par une intervention de l'Etat dans le domaine de la protection complémentaire, à l'instar de ce qui a pu se passer dans le dispositif accompagnant la mise en oeuvre de la couverture maladie universelle (CMU), car le secteur complémentaire ne souffre pas d'un déficit d'offre.

En réponse aux questions d'Alain Vasselle, M. André Renaudin a fait part de son adhésion à la mise en oeuvre d'une aide personnalisée qui facilite l'accès des plus démunis à une couverture complémentaire et gomme des effets de seuil qui peuvent exister par rapport à la CMU.

M. André Renaudin a indiqué que le dispositif proposé par le rapport de M. Chadelat était complexe et soulevait de grandes difficultés techniques. Evoquant, à cet égard, les principes posés par l'accord du 8 juillet 1999, conclu entre la CNAMTS et les organismes complémentaires, il en a rappelé les principes et a souligné les raisons conjoncturelles pour lesquelles, selon lui, l'accord n'avait pas pu prendre de l'ampleur.

Mercredi 14 mai 2003

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Auditions - Table ronde - Perspectives de l'assurance maladie

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à des auditions sur les perspectives de l'assurance maladie.

M. Nicolas About, président
, a rappelé que ces auditions feraient l'objet d'un compte rendu intégral dans le rapport que M. Alain Vasselle, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale pour l'assurance maladie, présenterait à la commission.

La première audition a été organisée sous la forme d'une table ronde réunissant le Dr Dinorino Cabrera, président du syndicat des médecins libéraux (SML), le Dr Jean-Gabriel Brun, vice-président d'Alliance, le Dr Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats des médecins de France (CSMF) et le Dr Jean-Claude Regie, président de la Fédération des médecins de France (FMF), le Dr Pierre Costes, président de M-G France, étant excusé.

M. Nicolas About, président
, a demandé aux intervenants de réagir aux conclusions des rapports de Mme Rolande Ruellan, de M. Alain Coulomb et de M. Jean-François Chadelat, puis, dans un second temps, de présenter les principales propositions qu'ils ont adressées au ministre de la santé, dans la perspective d'une réforme de l'assurance maladie.

M. Dinorino Cabrera, président du syndicat des médecins libéraux (SML), a souligné que les trois rapports ont soulevé de nombreuses questions, mais, a-t-il poursuivi, les solutions sont peu évidentes et les ressources budgétaires manquent pour répondre aux demandes de santé exprimées par les patients.

La mise en oeuvre d'une meilleure qualité de soins, même si elle est à même d'apporter des réponses partielles, ne suffira pas à combler le déficit : il faut donc trouver de nouvelles recettes, responsabiliser les patients et rechercher une meilleure articulation entre les régimes obligatoires et complémentaires.

M. Dinorino Cabrera a rappelé que la définition de la politique de santé est une compétence de l'Etat, et non des caisses d'assurance maladie. Il a indiqué que les relations entre les caisses et les professions médicales sont conflictuelles, car les caisses ont une vision trop rigide du contenu des conventions. Il a évoqué, à titre d'exemple, les contrats de « bonne pratique » qui doivent fixer l'état de l'art sans le rendre normatif.

Il s'est déclaré défavorable à un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) annuel, avant de plaider pour un exercice pluriannuel.

M. Dinorino Cabrera a présenté les principales propositions du syndicat des médecins libéraux (SML) pour une réforme de l'assurance maladie : unification des caisses d'assurance maladie, évolution de la composition de leurs conseils d'administration, réduction du nombre de caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et participation systématique de l'Etat aux négociations conventionnelles.

M. Jean-Gabriel Brun, vice-président d'Alliance, a estimé que la finalité des rapports et, plus particulièrement, de celui de M. Jean-François Chadelat était de soulager l'assurance maladie obligatoire. Il a indiqué qu'à son sens, toute réforme doit s'attacher à la clarification des rôles respectifs de l'Etat et de l'assurance maladie et étudier la question de la représentativité du conseil d'administration de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

M. Guy Fischer a souhaité connaître les raisons pour lesquelles M. Jean-Gabriel Brun n'avait pas d'observations à formuler sur le rapport de Mme Rolande Ruellan.

M. Bernard Cazeau s'est interrogé sur la possibilité de faire aboutir une négociation conventionnelle avec un partenaire dont on ne reconnaît pas la légitimité et a souligné que, dans les circonstances présentes, les citoyens étaient victimes de ces atermoiements.

M. Jean-Gabriel Brun a indiqué qu'il reprochait au rapport Ruellan son aspect peu conclusif. Il a fait part de sa conviction selon laquelle le départ du mouvement des entreprises de France (MEDEF) a affaibli durablement la représentativité du conseil d'administration de la CNAMTS et il a ajouté que l'absence d'élection est un facteur aggravant. Il a estimé, en outre, que les médecins étaient des partenaires légitimes du système de santé et que les réformes devront se faire avec leur participation.

M. Michel Chassang, président de la Confédération des syndicats des médecins de France, a axé son intervention sur les propositions de réforme du système de santé, réformes qui doivent aller au-delà des seules questions de financement.

Il a estimé que la politique de santé n'était pas lisible et que la gestion de l'assurance maladie n'était pas adaptée aux défis qu'elle doit relever. La réforme annoncée doit prévoir une meilleure répartition des rôles, avec un Etat garant du système et une assurance maladie recentrée sur son rôle initial. Il a estimé, à cet égard, que la formation médicale continue, l'évaluation professionnelle et la permanence des soins, par exemple, n'étaient pas, de son point de vue, de la compétence des caisses.

Il a également appelé de ses voeux une réforme de la vie conventionnelle, une véritable régionalisation de la santé et une réflexion sur la création d'un conseil partenarial paritaire chargé de définir le contenu du panier de soins.

Le Dr Jean-Claude Regie, président de la Fédération des maires de France (FMF), a alors présenté les principales propositions de son organisation qui appelle de ses voeux un certain nombre d'« optimisations » : des rapports entre l'assurance maladie et les médecins, de la gestion administrative des caisses, de la responsabilisation de l'assureur et de l'assuré et enfin de la rémunération de la pratique médicale.

Audition de M. Jacques Vleminckx, secrétaire général du Centre national des professions de santé (CNPS)

La commission a procédé à l'audition de M. Jacques Vleminckx, secrétaire général du Centre national des professions de santé (CNPS).

M. Jacques Vleminckx
a rappelé que, selon les études de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), la France était au premier rang pour l'accès aux soins. Il a considéré que ce satisfecit ne devait pas conduire à négliger les dysfonctionnements du système, au rang desquels il a placé l'absence d'une véritable politique de santé en matière de prévention et les relations complexes qui existent entre l'Etat, l'assurance maladie et les professions de santé. Ce constat dressé, il a estimé, évoquant les propositions adressées au ministre par le CNPS, que la réforme à entreprendre devait être globale et ne pas se limiter aux problèmes de financement.

Dans cette perspective, l'Etat doit renforcer son rôle et fixer les règles et les objectifs à atteindre dans une projection pluriannuelle, ce qui conduit à distinguer dans les missions actuelles de l'assurance maladie, ce qui relève de la gestion financière et des relations conventionnelles d'un côté, et ce qui relève des priorités de santé de l'autre.

M. Jacques Vleminckx a estimé que la réforme concerne également les usagers qui doivent être responsabilisés au même titre que les autres acteurs du système. Pour être complète, cette réforme doit inclure l'hôpital public et diffuser à l'ensemble du secteur une culture du résultat.

Il a achevé la présentation des pistes de cette réforme en évoquant la possibilité d'une déclinaison régionale, notamment pour la gestion des objectifs.

Enfin, en réponse à une question de M. Alain Vasselle, M. Jacques Vleminckx a précisé que le texte de l'accord cadre interprofessionnel (ACIP) qui, selon la loi du 6 mars 2002, doit être adopté sous l'égide du CNPS, ne posait pas de difficultés particulières. Seule une conjoncture particulière, en l'occurrence le souhait des syndicats médicaux de conclure une convention avec la CNAMTS avant de ratifier l'ACIP, conjuguée à des règles strictes de majorité (deux tiers des inscrits), retarde l'adoption définitive de l'accord.

Audition de M. Etienne Caniard, administrateur de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), chargé de la santé et de la sécurité sociale

La commission a procédé à l'audition de M. Etienne Caniard, administrateur de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF), chargé de la santé et de la sécurité sociale.

M. Etienne Caniard
a souligné que l'assurance maladie était dans une situation très préoccupante d'un point de vue financier et qu'il ne paraissait plus possible de réduire la crise actuelle à un simple problème de recettes. Cette crise a plusieurs dimensions, financière donc, mais aussi institutionnelle, paramètres auxquels il faut adjoindre une crise de confiance de la population vis-à-vis du système, y compris pour la qualité des soins apportés.

M. Etienne Caniard a constaté que notre perception du système était faussée, comme en témoigne le tollé que provoque toute proposition de séparation entre le gros risque et le petit risque, alors que cette situation existe de facto quand les dépenses hospitalières sont prises en charge à 90 % par le régime obligatoire, et les soins de ville à un taux moyen de 60 %.

Il a estimé que le débat sur la régulation des dépenses souffrait également d'analyses incomplètes puisqu'une fois exclues du débat les dépenses hospitalières et la CMU, les dépenses maîtrisables représentent une infime partie de l'ensemble.

Poursuivant cette mise en perspective, M. Etienne Caniard a fait état de possibles effets négatifs, susceptibles de survenir avec la restriction des dépenses du régime obligatoire, évolution de nature à obérer le pouvoir de régulation de la CNAMTS, à l'exemple de ce qui se passe pour les soins bucco-dentaires.

Il a alors tracé les contours d'une future réforme qui doit favoriser une régulation globale du système et mettre en oeuvre un nouveau partenariat entre l'Etat et les professions de santé. Dans cette construction, l'assurance maladie obligatoire doit conserver son caractère universel, condition essentielle à une politique de gestion du risque.

M. Etienne Caniard a souligné à quel point l'organisation du partenariat entre régime obligatoire et complémentaire était un sujet central de cette réforme. Il a prolongé son exposé en traçant les pistes d'une responsabilisation des acteurs, usagers et professionnels, qui doit se développer en tenant compte des échecs passés. La responsabilité du patient ne peut plus être fondée uniquement sur une formule de type ticket modérateur, mais passer aussi par l'incitation et le développement de la prévention. Les professionnels doivent s'engager conventionnellement sur des mesures qui définissent le contenu médical de leur rémunération.

M. Etienne Caniard a indiqué que cette évolution impliquait le développement des outils de pilotage à la disposition de l'Etat et l'ouverture de l'accès à l'information pour les acteurs de l'assurance maladie complémentaire.

Il a présenté la proposition de la Mutualité française visant à mettre en oeuvre une incitation fiscale pour réduire les inégalités d'accès à la protection sociale, selon un dispositif comparable à celui qui existe pour les contrats collectifs.

En réponse aux questions de M. Alain Vasselle, M. Etienne Caniard a approuvé l'analyse de M. Jean-François Chadelat sur l'inefficience de l'accord du 8 juin 1999, précisant que cet échec s'expliquait par des raisons conjoncturelles.

En conclusion, M. Etienne Caniard a souligné que l'éventualité d'une intégration des dépenses de l'assurance maladie complémentaire au sein de l'ONDAM, au titre de la couverture maladie généralisée proposée par M. Jean-François Chadelat, ne lui semblait pas pertinente, car la responsabilité financière des assureurs complémentaires était assurée par l'évolution des taux de cotisation.

Auditions - Projet de loi portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé aux auditions sur le projet de loi n° 282 (2002-2003) portant décentralisation en matière derevenu minimum d'insertion (RMI) et créant un revenu minimum d'activité (RMA).

Audition de M. Michel Dollé, rapporteur général du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC)

La commission a procédé à l'audition de M. Michel Dollé, rapporteur général du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC).

M. Michel Dollé
a précisé qu'il intervenait devant la commission à titre personnel et non en tant que rapporteur général du CERC, cet organisme ne s'étant pas prononcé sur le projet de loi. Il a indiqué qu'il fonderait ses analyses sur les travaux déjà menés par le CERC sur le retour à l'emploi, mais aussi sur les travaux qu'il avait menés sur l'évolution du « welfare » aux Etats-Unis.

Il a souligné que se dégageait aujourd'hui un consensus sur la nécessité de réformer le RMI. Il a observé que les critiques les plus fréquemment adressées au dispositif s'articulaient autour de quatre volets : le niveau de l'allocation, qui n'est pas particulièrement élevé par rapport aux pays voisins, l'accès au dispositif, qui est limité aux personnes de plus de 25 ans, ce qui reste une spécificité française, la faiblesse du volet insertion, caractérisée notamment par des pratiques très variables d'un département à l'autre et par un partage des responsabilités peu optimal entre l'Etat et les départements et, enfin, la pauvreté des travaux d'évaluation du dispositif. Il a alors observé que tous ces aspects n'étaient pas nécessairement visés par le projet de loi.

Revenant sur la relation entre RMI, recherche d'emploi et activité, M. Michel Dollé a estimé que la relation entre le bénéfice de l'allocation du RMI et le travail avait été laissée dans une certaine ambiguïté à la création du dispositif et que cette ambiguïté subsistait dans le présent projet de loi. Il a considéré que, dès lors que le droit à l'allocation était fondé sur l'incapacité de travailler, il serait logique que le bénéficiaire du RMI s'inscrive comme demandeur d'emploi, sauf incapacité liée à l'âge, aux charges de famille, à la santé ou au handicap. Il a toutefois précisé que l'inscription à l'ANPE n'était pourtant pas obligatoire en France pour ouvrir droit au RMI, à la différence de la majorité des pays européens, tout en observant qu'aujourd'hui une majorité de bénéficiaires s'inscrivaient effectivement comme demandeurs d'emploi. A cet égard, il a estimé que la première composante de la démarche d'insertion devenait alors le plan d'aide personnalisée (PAP) proposé à tout demandeur d'emploi inscrit à l'ANPE.

Il a considéré, en revanche, que poser le principe d'une activité en contrepartie de l'allocation serait sans doute en contradiction avec le principe constitutionnel issu du préambule de la Constitution de 1946 qui fait de l'incapacité à travailler le fondement de la solidarité nationale. Observant que le projet de loi ne prévoyait pas la mise en oeuvre d'un tel principe, il a toutefois exprimé la crainte que cette logique puisse se réintroduire dans les modalités pratiques d'application.

Abordant plus précisément le RMA, il a estimé qu'il ne s'agissait pas d'un contrat de travail de plein droit, dans la mesure où les cotisations sociales ne sont pas assises sur l'ensemble de la rémunération, mais seulement sur le différentiel versé par l'employeur, ce qui conduit à limiter les droits différés en matière d'assurance vieillesse et d'assurance chômage notamment. Il a ainsi observé que le bénéficiaire du RMA travaillerait de 12 à 15 heures par semaine sans acquérir de droits différés et a estimé que cette disposition pouvait fragiliser la démarche de retour à l'emploi, à la différence des dispositifs d'intéressement mis en place précédemment.

Replaçant le RMA dans le parcours d'insertion du bénéficiaire du RMI, il a estimé que la condition d'ancienneté de deux ans de RMI pour pouvoir conclure un contrat d'insertion RMA visait à cibler prioritairement les publics les plus en difficulté. Il a toutefois considéré qu'il ne serait pas illogique de bénéficier d'un tel contrat avant l'expiration d'un délai de deux ans au regard de l'évaluation réalisée au moment de l'entrée dans le RMI. Il a ainsi estimé que, dans une logique de décentralisation, une telle responsabilité pourrait relever du président du conseil général.

Il s'est également interrogé sur le positionnement du contrat d'insertion RMA par rapport au contrat emploi-solidarité (CES). Observant que ce dernier est un contrat de plein droit qui amène à un niveau de revenu supérieur au RMA du fait de l'intéressement, il a rappelé que l'expérience du CES soulignait une certaine faiblesse pour les politiques d'accompagnement et de formation qui lui sont associées. Il a toutefois jugé intéressante l'ouverture du RMA au secteur marchand, dans la mesure où le retour effectif à l'emploi durable était plus difficile dans le secteur non marchand, mais a, parallèlement, exprimé la crainte que ce nouveau contrat se traduise par un « effet de noria », les employeurs faisant succéder plusieurs bénéficiaires de contrats aidés sur un même poste de travail. Il a alors évoqué la possibilité d'encadrer de telles pratiques en interdisant à l'employeur de réembaucher immédiatement en contrat aidé sur un même poste de travail.

S'agissant de la décentralisation du RMI, il a estimé que le partage actuel de la responsabilité entre le département et l'Etat n'était pas satisfaisant et qu'un éclaircissement des responsabilités était nécessaire. Il a toutefois observé que le projet de loi conduisait à confier aux départements le soin de piloter une prestation de solidarité nationale, ce qui exigeait de nécessaires garanties et précisions, notamment en matière de suspension des droits à l'allocation. A cet égard, il a suggéré d'introduire une procédure d'appel qui fasse que l'Etat reste le responsable en dernier recours des décisions de suspension ou de radiation d'un bénéficiaire pour, par exemple, non-respect du contrat d'insertion.

Il a également insisté sur la nécessité d'améliorer et de renforcer le dispositif de contrôle, de suivi statistique et d'évaluation du dispositif, évoquant à cet égard l'exemple de la loi américaine de 1996 qui confiait aux Etats fédérés de nouvelles et importantes responsabilités en matière d'aide sociale mais qui, parallèlement, prévoyait un encadrement très strict et très précis par l'Etat fédéral en fonction de l'évaluation du dispositif.

Il a souligné, enfin, le caractère peu précis des conditions de financement du transfert de compétences en matière de RMI. A cet égard, il a souligné que le transfert d'une ressource fiscale impliquait que son produit puisse évoluer différemment des besoins de financement de l'allocation. Il a également jugé que les règles de répartition de la ressource entre départements devaient être précisées afin de pouvoir prendre en compte l'évolution du nombre de bénéficiaires de l'allocation, tout en restant incitatives pour les départements menant une politique d'insertion efficace. Il a alors estimé que ce volet financier, par ses implications, semblait dépasser le strict cadre de la loi de finances.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a demandé des précisions complémentaires sur l'analyse des difficultés rencontrées par les bénéficiaires du RMI pour accéder à l'emploi, sur la réalité des « trappes à inactivité », sur le bilan et les conditions d'efficacité des mécanismes d'intéressement et sur les « bonnes pratiques » identifiées dans le cadre des politiques d'accompagnement dans l'accès à l'emploi.

M. Michel Dollé a rappelé que la population bénéficiaire du RMI était très hétérogène et qu'une partie était proche de l'accès à l'emploi. A cet égard, il a précisé qu'un tiers des bénéficiaires retrouvait un emploi en moins de six mois. Il a toutefois indiqué qu'une autre partie de ce public rencontrait des difficultés spécifiques limitant leurs possibilités d'accès à l'emploi, qu'il s'agisse de problèmes de santé, de logement, de transport ou de famille. Revenant sur la notion de « trappe à inactivité », il a reconnu que certains avantages inhérents aux minima sociaux soulevaient des difficultés et n'incitaient pas financièrement au retour à l'emploi. Il a cité notamment les modes de calcul des allocations logement, l'exonération de la taxe d'habitation, la majoration de l'allocation selon les charges de famille et les aides locales dont peuvent bénéficier les allocataires du RMI.

M. Michel Dollé a toutefois indiqué que, malgré la faible attractivité financière du retour à l'emploi, un nombre important de bénéficiaires des minima sociaux préférait travailler, même à temps partiel, quand bien même leur rémunération ne serait pas supérieure à l'allocation. Il a donné deux explications principales à ces comportements : le retour à l'emploi constitue une première étape dans un parcours professionnel pouvant à l'avenir être plus favorable et la valorisation sociale attachée à l'exercice d'une activité professionnelle est bien réelle. Il a, en outre, précisé qu'un certain nombre d'obstacles financiers au retour à l'emploi avaient été levés ces dernières années, citant notamment la réforme de la taxe d'habitation, le reprofilage des allocations logement et la création de la prime pour l'emploi, même s'il a reconnu que certains obstacles demeuraient comme par exemple le bénéfice de la couverture maladie universelle (CMU) complémentaire pour les bénéficiaires des minima sociaux.

S'agissant des politiques d'intéressement, il a indiqué qu'aucun bilan n'était disponible en France en l'absence d'évaluation. Il a toutefois précisé que les évaluations menées aux Etats-Unis sur des politiques similaires concluaient à un bilan positif, même si la durabilité du retour à l'emploi des personnes les plus fragiles restait incertaine.

S'agissant de l'accompagnement dans l'accès à l'emploi, il a insisté sur deux exemples étrangers pouvant apparaître comme autant de « bonnes pratiques » : les Pays-Bas, où la gestion de l'ensemble des minima sociaux et des dispositifs d'insertion est centralisée au sein d'une même agence communale et le Royaume-Uni, où l'accompagnement personnalisé ne s'arrête pas au jour du retour à l'emploi, mais se prolonge quelques mois au-delà.

M. André Lardeux a souligné que la législation réglait déjà la question des recours pour les décisions de suspension de l'allocation par le biais du recours juridictionnel de droit commun. Il a souligné la diversité des politiques d'insertion menées par les départements. Il s'est interrogé sur la pertinence d'une limitation à 20 heures hebdomadaires de la durée du contrat RMA et s'est demandé si le taux de consommation des crédits départementaux d'insertion constituait un paramètre permettant d'évaluer l'efficacité de la politique d'insertion.

M. Alain Gournac s'est félicité de la décentralisation du RMI en estimant que la conduite de la politique d'insertion au plus près du terrain permettrait de renforcer son efficacité. Il a rappelé que le bénéfice de l'allocation impliquait des droits mais aussi des devoirs. Il a enfin insisté sur l'importance du tutorat.

M. Roland Muzeau, après avoir regretté la précipitation dans laquelle le Parlement était amené à examiner le projet de loi, a souligné la pertinence de l'exposé de M. Michel Dollé et a déclaré partager ses interrogations. Il a souhaité recueillir son opinion sur l'évolution du RMI et son impact sur les parcours des allocataires.

Revenant sur l'exemple des Etats-Unis, M. Guy Fischer a exprimé la crainte que la décentralisation du RMI ne fragilise les conditions d'exercice de la solidarité nationale.

Revenant sur le débat sur les droits et devoirs, M. Michel Dollé s'est déclaré favorable à l'inscription des bénéficiaires du RMI à l'ANPE, ce qui impliquait l'obligation de recherche d'emploi.

S'agissant du rôle respectif de l'Etat et du département, il a considéré que le cumul des responsabilités n'était pas satisfaisant. Il a jugé souhaitable de confier la responsabilité du dispositif à un seul partenaire, mais a estimé nécessaire que l'Etat conserve un pouvoir de contrôle réel. Sur ce point, il a estimé que les dispositions du projet de loi étaient sans doute insuffisantes.

S'agissant de la diversité des politiques départementales d'insertion, il a rappelé que les critiques formulées, et notamment celles de la Cour des comptes, ne concernaient pas seulement le taux de consommation des crédits d'insertion souvent trop faible, mais plus largement l'efficacité globale de ces politiques.

S'agissant de la récente réforme intervenue aux Etats-Unis, il a exprimé son désaccord avec son contenu mais a insisté sur l'exemplarité du dispositif de contrôle et d'évaluation qui l'accompagnait.

S'agissant enfin du tutorat et de l'accompagnement, il a estimé qu'il s'agissait souvent d'une condition fondamentale pour un retour durable à l'emploi, mais que les pratiques restaient souvent trop limitées dans ce domaine. Il a notamment observé que les dispositifs d'accompagnement bénéficiaient le plus souvent aux personnes les plus proches de l'emploi, alors même qu'ils devraient concerner en priorité les personnes les plus en difficulté.

Audition de M. Jean-Pierre Dupont, vice-président de l'Assemblée des départements de France (ADF), président du conseil général de la Corrèze

La commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Dupont, vice-président de l'Assemblée des départements de France (ADF), président du conseil général de la Corrèze.

A titre liminaire, M. Jean-Pierre Dupont a rappelé les principales données chiffrées sur le RMI. Il a observé que le nombre d'allocataires s'élevait à 1.084.000 personnes à la date du 20 juin 2002. Il a noté que les sorties du dispositif concernaient essentiellement les jeunes de moins de 30 ans et a souligné que la classe d'âge des 50/59 ans était caractérisée par une forte augmentation de ses effectifs. Il a constaté que les différents départements connaissaient des situations très différentes et que certains, notamment ceux comprenant de grandes métropoles, affichaient un nombre d'allocataires très élevé.

M. Jean-Pierre Dupont a ensuite développé les enjeux du projet de loi. Il a observé que l'architecture de base du RMI n'était pas affectée, car l'allocation demeurait une prestation de solidarité nationale. Il a noté, a contrario, la suppression du copilotage entre l'État et les départements sur le volet insertion de la prestation.

Il a fait référence à plusieurs avancées que ce projet de loi comporte pour les conseils généraux : la présidence effective de la commission départementale d'insertion, ainsi que la définition du programme départemental d'insertion. Il a également évoqué la possibilité de fixer plus librement les limites géographiques des commissions locales d'insertion, dont le caractère consultatif a été affirmé.

Il a souligné que l'un des enjeux principaux résidait dans la question de l'obligation, au titre de l'insertion, d'inscrire au budget des départements un montant égal à 17 % des allocations versées l'année précédente. Il a déclaré que le Premier ministre avait, en définitive, choisi de maintenir cette disposition afin de rassurer les personnes craignant que la décentralisation ne puisse se traduire par une baisse des dépenses consacrées à l'insertion. Il a estimé que cette question sera examinée attentivement à l'occasion des débats parlementaires.

M. Jean-Pierre Dupont a mis en avant les aspects du projet de loi qui restent à clarifier. Pour qualifier le rôle nouveau du département, il a préféré les termes de « chef de file » à ceux de « pilote unique » du RMI/RMA. Il a mentionné, à ce titre, la possibilité de s'appuyer sur les caisses d'allocations familiales (CAF) et sur les caisses de mutualité sociale agricole (CMSA) suivant des modalités qui restent à déterminer. S'agissant de l'instruction des dossiers de RMI, il s'est prononcé en faveur de la compétence des départements.

Il a relevé le caractère imprécis du transfert de ressources qui doit accompagner ce transfert de charges et de compétences. Il a insisté sur la nécessité de savoir quel serait le mode de compensation et quel impôt serait transféré.

Il a considéré que la prise en compte éventuelle des frais de gestion par les caisses d'allocations familiales devrait faire l'objet d'une discussion avec les conseils généraux et serait réglée par la voie du conventionnement.

S'agissant du RMA, il s'est prononcé en faveur d'une dynamique visant à renforcer l'accès à l'emploi, tout en reconnaissant que la probabilité de voir des bénéficiaires du RMA revenir au RMI à l'issue de la période de 18 mois était élevée. Il a ajouté qu'il semblait souhaitable d'étendre l'accès du RMA aux allocataires depuis plus d'un an au RMI, et non de deux ans, comme le prévoit le projet de loi. Il a estimé que les conseils généraux devaient se voir confier pleinement la tâche de contrôler le RMI/RMA et devaient assurer le suivi individualisé des bénéficiaires.

Rappelant la demande de l'ADF d'une compensation des charges liées au RMI par le transfert d'une part de CSG, M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est interrogé sur les conditions financières de la décentralisation de l'allocation et notamment sur l'évolution de la part de l'impôt qui serait transférée aux départements.

M. Jean-Pierre Dupont a observé que la compensation financière des charges créées pour le département par la décentralisation du RMI demandait d'abord une première étape d'évaluation de son coût total. Il a estimé qu'une réflexion devait également être engagée sur les termes d'une alternative entre un financement par la dotation budgétaire et un financement par l'impôt, ainsi que sur les critères de répartition de cette nouvelle ressource et son éventuelle péréquation. Il a indiqué que la part d'impôt transférée pourrait être fixée en fonction du coût moyen du RMI sur les cinq dernières années. Il a, par ailleurs, fait part de son inquiétude quant à une remise en cause, à chaque loi de finances, du périmètre de la compensation. Il a donc estimé que le transfert du RMI pourrait être financé, s'agissant de l'allocation, par une dotation budgétaire et, concernant le volet insertion, par une part de CSG.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a demandé des précisions sur la manière dont l'ADF concevait les relations des départements avec les services instructeurs et payeurs de l'allocation. Il s'est inquiété des risques de dérapage des dépenses d'allocation qui pourraient être occasionnés par le conventionnement des caisses d'allocations familiales et des caisses de la mutualité sociale agricole en l'absence d'un contrôle adéquat.

Répondant à ces inquiétudes, M. Jean-Pierre Dupont a souligné la nécessité d'adapter les conventions aux spécificités de la population locale. Il a indiqué qu'il reviendrait à chaque département de fixer les conditions d'instruction et de service de l'allocation en fonction de ces spécificités.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a ensuite fait observer la faible incitation au partenariat qui résultait de la réduction des compétences des CDI et des CLI. Il a souligné que les associations regrettaient notamment la logique descendante qui prévalait pour l'élaboration des programmes départementaux d'insertion.

M. Jean-Pierre Dupont a reconnu que la collaboration avec les associations était indispensable et il a assuré que celles-ci resteraient des interlocuteurs privilégiés, notamment pour la conception de ces programmes d'insertion.

M. Bernard Seillier, rapporteur, a souligné que le projet de loi confiait aux départements une compétence nouvelle dans le domaine de la politique de l'emploi en les chargeant de piloter et d'assurer l'accompagnement du contrat d'insertion-RMA. Il s'est alors interrogé sur l'articulation entre cette politique en faveur du retour à l'emploi des bénéficiaires du RMI et les autres volets de la politique de l'emploi qui restent de la compétence de l'Etat.

M. Jean-Pierre Dupont a précisé que la responsabilité de l'accompagnement des allocataires du RMI vers l'emploi se répartirait entre l'Etat et le département en fonction du type de contrat, et que s'agissant du RMA, sa mise en oeuvre passerait par une contractualisation avec les employeurs.

M. Gilbert Chabroux a regretté la précipitation et le manque de concertation dans lesquels la réforme s'était engagée. S'agissant tant de l'instruction des demandes que des actions d'insertion, il s'est interrogé sur la place qui serait réservée aux centres communaux d'action sociale (CCAS) et sur l'éventualité d'une rémunération de leurs services.

M. Jean-Pierre Dupont a indiqué que le rôle des CCAS serait un rôle de veille et de collaboration, mais il a insisté sur la nécessité d'un véritable pilotage par le département et donc d'une instruction, à titre principal, par les services sociaux départementaux, sous réserve de conventionnements passés avec d'autres organismes. Il a estimé, par ailleurs, que la réforme avait fait l'objet d'une concertation satisfaisante au niveau de l'ADF, car celle-ci avait pu être consultée et avait pu faire valoir son point de vue auprès du ministre.

M. Nicolas About, président, s'est demandé si les départements seraient intéressés au résultat de l'insertion ou si les économies, résultant d'une politique efficace d'insertion des bénéficiaires du RMI, seraient neutralisées.

M. Jean-Pierre Dupont a reconnu que les départements devraient rendre des comptes sur les résultats de la politique d'insertion. Il a toutefois considéré que le maintien de l'inscription d'un crédit obligatoire d'insertion aurait pour conséquence de les déresponsabiliser. Il a indiqué qu'il demanderait au Gouvernement leur suppression, estimant que la crainte des associations de voir baisser les crédits consacrés à l'insertion était injustifiée.

M. Roland Muzeau a fait part de ses interrogations quant aux critères d'évolution de la ressource accordée aux départements.

M. André Lardeux s'est, lui aussi, inquiété de l'imprécision du projet de loi en matière de financement. Il a rappelé qu'on avait déjà transféré un impôt, la vignette, pour financer l'aide sociale départementale, mais qu'on l'avait ensuite abolie. Il a, par ailleurs, souligné que la suppression des crédits obligatoires d'insertion, loin de réduire les crédits consacrés à l'insertion, responsabiliserait davantage les départements. Il a enfin demandé des précisions sur le maintien, ou non, des reports de crédits obligatoires d'insertion dans le cadre de la décentralisation.

M. Bernard Cazeau a constaté la présence d'un noyau dur d'allocataires du RMI pour lesquels aucune action d'insertion ne paraissait efficace. Il a fait part de son sentiment d'un désengagement de l'Etat, tant de l'insertion de ces publics difficiles que du financement de l'allocation.

M. Alain Gournac a insisté sur la nécessité de poursuivre à titre de transition les actions de tutorat auprès des bénéficiaires qui retrouvent un emploi et il a plaidé pour un recrutement de qualité de ces tuteurs.

En réponse, M. Jean-Pierre Dupont a indiqué que la répartition de la ressource fiscale devrait prendre en compte à la fois le nombre d'allocataires résidant dans le département et les impératifs de péréquation en fonction du potentiel fiscal. Il a précisé que la règle des reports de crédits d'insertion restait en l'état, dans le cadre du projet de loi déposé. S'agissant enfin du tutorat, il a souligné que chaque contrat passé entre le département et l'employeur ferait l'objet d'un suivi afin d'apprécier l'effectivité des actions de tutorat et de formation prévues dans la convention.

Affaires sociales - Décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et création d'un revenu minimum d'activité - Audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité

La commission a procédé à l'audition de M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le projet de loi n° 282 (2002-2003) portant décentralisation en matière de revenu minimum d'insertion et créant un revenu minimum d'activité.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité,
s'est réjoui de pouvoir présenter, à la commission, un tel projet de loi, pour une raison de fond : la situation actuelle du RMI n'est pas satisfaisante sur le plan de la justice sociale ; un allocataire sur trois est au RMI depuis plus de trois ans, et près d'un sur dix depuis plus de dix ans.

Il a considéré que ce relatif échec du dispositif était à l'origine d'un doute qui monte dans notre pays ; un fossé se creuse entre le monde du travail et celui de l'assistance.

M. François Fillon a déclaré que, face à l'urgence de ce dossier, l'attentisme et le statu quo n'étaient pas défendables. Il a annoncé que, face à cet échec, le Gouvernement avait décidé de mettre en application l'un des engagements forts du Président de la République lors de sa campagne. Il s'est également félicité que le Sénat ait déjà, par le passé, pris plusieurs initiatives pour créer un revenu minimum d'activité.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a précisé que le projet du Gouvernement partait d'un constat : celui d'un net décalage entre l'objectif d'insertion assigné dès l'origine au RMI et les résultats insuffisants observés depuis plusieurs années.

Il a rappelé que, lors de sa création en 1988, le RMI devait représenter une rupture par rapport à la logique traditionnelle de l'assistance. Il a souligné que le contrat d'insertion matérialisait « l'engagement réciproque » entre la collectivité et l'allocataire et devait permettre à ce dernier de retrouver le chemin de l'insertion sociale et, si possible, professionnelle.

M. François Fillon a constaté que quinze ans après, le dispositif, conçu au départ comme une aide momentanée, était devenu une prestation sociale de « masse » et d'assistance dans la durée : le filet de sécurité qu'instituait le RMI est, en réalité, devenu un filet qui retient.

Il a mentionné plusieurs signes qui témoignent de cette évolution : la proportion des personnes en contrats aidés parmi les allocataires du RMI a diminué, pour revenir de 21 % en 1996 à 13 % en 2001 ; le nombre des allocataires âgés de 35 à 60 ans depuis plus de deux ans au RMI témoigne d'un phénomène « d'installation », voire d'enfermement, dans l'assistance ; le taux de contractualisation stagne à 50 %, voire à 35 %, dans les départements à forte densité d'allocataires.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a considéré que ce constat d'essoufflement de l'insertion était à la source d'un certain malaise pour nos concitoyens qui acceptaient l'effort de solidarité, mais estimaient aussi légitime une contrepartie en termes d'effort d'insertion et de quête d'une activité. Il a affirmé que cette attente était renforcée chez les Français qui tirent de leur travail quotidien des revenus faibles sans que leurs conditions d'existence diffèrent sensiblement de ceux qui ne travaillent pas.

Il a précisé qu'en disant cela, il n'entendait nullement dresser le procès des RMIstes, dont le profil, d'ailleurs extrêmement varié, ne se prêtait nullement à des généralisations blessantes. Il a insisté sur sa volonté de décrire la situation telle qu'elle est ressentie par nos concitoyens, mais aussi par une majorité de RMIstes qui aspirent au retour à l'emploi, par souci d'améliorer leur situation personnelle, mais aussi par besoin d'utilité sociale, de dignité personnelle ou encore d'autonomie familiale.

Face à ce constat, M. François Fillon a considéré qu'une réforme ample apparaissait nécessaire avec un double objectif : optimiser la gestion du RMI en étant au plus près du terrain et des hommes et développer le cadre d'une insertion plus incitative.

Afin d'assurer la proximité de gestion, le projet de loi propose tout d'abord de décentraliser le RMI.

M. François Fillon a estimé au préalable que, pour répondre au principe d'égalité de traitement, les conditions d'attribution du revenu minimum d'insertion, ainsi que son barème, devaient être fixés au plan national, de même que le service de l'allocation devait continuer à être assuré par les caisses d'allocations familiales (CAF) et les caisses de mutualité sociale agricole (CMSA).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué, à l'inverse, que la responsabilité de la gestion et du financement de l'allocation relèvera à l'avenir des départements. Il a observé que, dès l'automne 1988, les débats parlementaires sur le projet de création du RMI avaient souligné l'incohérence consistant à confier ce dispositif à l'Etat, cinq ans à peine après la première loi de décentralisation qui avait confié l'aide sociale au département.

M. François Fillon a souligné que le projet de loi constituait ainsi la première application de la récente réforme constitutionnelle sur l'organisation décentralisée de la République. Il a rappelé les termes de l'article 72, alinéa 2 de la Constitution : « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l'ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en oeuvre à leur échelon ».

Il a estimé que cet effort de décentralisation était particulièrement significatif, dans la mesure où il portera sur environ 4,5 milliards d'euros et s'accompagnera d'un transfert de ressource fiscale dans des conditions qui seront précisées par la loi de finances pour 2004.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a relevé que le projet de loi, en confiant au seul département le pilotage local de l'insertion des allocataires, mettait également fin à l'enchevêtrement actuel des compétences de l'Etat et du conseil général.

Il a noté que plusieurs articles du projet de loi illustraient cette orientation : la présidence du comité départemental d'insertion (CDI) sera confiée au président du conseil général, qui en désignera les membres et élaborera, puis mettra en oeuvre le programme départemental d'insertion (PDI) ; le président du conseil général désignera seul les membres et le président des commissions locales d'insertion (CLI) ; les compétences en matière d'approbation des contrats d'insertion seront transférées des CLI vers les services du conseil général ; l'accompagnement de l'allocataire sera renforcé, dès le dépôt de la demande de l'allocataire, par une information complète sur ses droits et ses devoirs et par la désignation d'une personne référente.

M. François Fillon a fait valoir que, dans ce cadre rénové, le Gouvernement avait souhaité maintenir l'obligation d'inscription au budget départemental d'un crédit d'insertion égal à 17 % du montant des allocations de RMI versées l'année précédente dans le département. Il a expliqué que ce choix, dont il n'a pas douté qu'il donnera lieu à un ample débat parlementaire, était destiné à apaiser les inquiétudes de ceux qui craignaient une éventuelle réduction de l'effort d'insertion sociale et professionnelle à l'occasion du transfert de compétence et de ressource.

Evoquant ceux qui ont pu qualifier, ces derniers jours, le second volet de la réforme, le RMA, de « retour du servage » ou qui se sont insurgés à l'idée que les RMIstes se voient proposer un « boulot », il a jugé que ces apostrophes étaient consternantes et ignorantes des objectifs du Gouvernement et, de surcroît, décalées par rapport aux attentes de nos concitoyens et aux espoirs exprimés par de nombreux RMIstes.

Il a observé que le RMI était souvent considéré comme le filet de sécurité de notre protection sociale et qu'il jouait ce rôle à bien des égards. Il a jugé, en revanche, que ce filet devait protéger, et non emprisonner dans une assistance durable et déstructurante, des centaines de milliers d'hommes et de femmes.

M. François Fillon a considéré que le RMI ne devait pas être l'antichambre de l'exclusion, ni l'alibi de l'inaction, mais être mis au service d'une véritable reconstruction professionnelle et individuelle.

Il a estimé qu'à côté du RMI qui demeurera, l'objet du RMA consistait à imaginer un cadre incitatif et stimulant rehaussant la valeur et l'intérêt du travail.

M. François Fillon a rappelé que le RMA répondait à une aspiration constante du Sénat, qui s'était exprimée, en 1998, à l'initiative de la commission, lors des débats sur la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, et plus récemment en 2001 par la proposition de loi de MM. Alain Lambert et Philippe Marini. Il a précisé que le projet de loi portant décentralisation en matière de RMI et créant le RMA s'inspirait de ces initiatives.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a considéré que l'idée du RMA était simple dans la mesure où il s'agissait de combattre la précarité et le chômage de longue durée en activant les dépenses de solidarité, de mettre en contact le RMIste et le monde du travail, dans la mesure ou l'un et l'autre peuvent y trouver un intérêt respectif.

Il a observé que ce nouveau dispositif était ciblé sur ceux qui sont les plus éloignés de l'emploi : les allocataires depuis plus de deux ans du RMI.

M. François Fillon a précisé que le RMA s'appuyait sur un contrat de travail à mi-temps, de vingt heures, s'inscrivant dans un parcours d'insertion personnalisé et bénéficiant d'actions de tutorat, de suivi individualisé ou de formation, déterminées par l'employeur, le titulaire d'un RMA pouvant également bénéficier des actions d'insertion du conseil général.

Il a estimé que le RMA devait être considéré comme une transition vers l'emploi ordinaire et que, pour éviter tout risque d'installation dans ce dispositif, sa durée ne pourra pas excéder dix-huit mois.

M. François Fillon a mis en avant les traits spécifiques liés à cet objectif. Il a ainsi noté que le RMA associera une allocation forfaitaire du RMI versée par la CAF ou par la CMSA à l'employeur et un complément à la charge de ce dernier ; le salaire sera versé par l'employeur au salarié, lequel bénéficiera au total d'une rémunération au moins égale au SMIC. Il a relevé que le RMA maintiendra pour chaque membre du foyer les droits garantis aux allocataires du RMI, et notamment l'accès à la couverture maladie universelle (CMU).

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a indiqué que le champ d'application de ce contrat était celui des employeurs du secteur marchand et du secteur non marchand (à l'exception de l'Etat et des départements). S'agissant du secteur non marchand, il a précisé que le RMA ouvrira droit à une exonération des cotisations patronales de sécurité sociale compensée par le budget de l'Etat.

Il a expliqué que la spécificité du RMA était liée également à l'équilibre entre plusieurs finalités qu'il apparaissait souhaitable de marier : améliorer les gains de l'allocataire dans le respect des limites de la dépense publique ; rendre plus attractif le passage à l'activité sans remettre en cause les avantages associés à l'allocation, comme l'accès aux soins grâce à la CMU ; créer, à la différence des contrats aidés, un dispositif dont l'architecture est identique dans le secteur marchand et le secteur non marchand ; rechercher une réciprocité entre l'allégement du coût du travail dont bénéficie l'employeur grâce à l'aide publique et les responsabilités attachées à une embauche.

M. François Fillon a réaffirmé que ce projet de loi visait, d'une part, à optimiser et rénover la gestion du RMI en allant au plus près du terrain et, d'autre part, à épauler et inciter les bénéficiaires du revenu minimum d'insertion, à retrouver le chemin de l'activité et de la confiance.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a considéré, en définitive, que ce projet était animé par une conception positive et dynamique de notre pacte social.

M. Bernard Seillier, rapporteur, s'est interrogé sur les gains en terme de simplification et d'efficacité apportés par la décentralisation du RMI ; il a souhaité connaître les raisons qui avaient conduit le Gouvernement à écarter le maintien d'une allocation versée pour le compte de l'Etat par des caisses d'allocations familiales davantage responsabilisées et une décentralisation du seul volet insertion.

Il a ensuite demandé des précisions quant aux mécanismes exacts de répartition de la ressource fiscale transférée pour compenser les charges liées au RMI. Il a notamment voulu savoir si ce transfert concernerait une part fixe de cet impôt ou une part révisable en fonction des dépenses d'allocations constatées les années précédentes.

Il a enfin fait part de ses inquiétudes concernant l'articulation de la politique d'insertion et de la politique de l'emploi, qui reste à la charge de l'Etat. Il s'est notamment interrogé sur ses implications en termes de programmation des emplois aidés.

M. Bernard Seillier s'est également interrogé sur la possibilité, pour le département, de moduler un certain nombre de paramètres du contrat d'insertion RMA - notamment sa durée et la condition d'ancienneté pour en bénéficier - afin de permettre une plus grande individualisation de la mesure et de tirer les conséquences de la décentralisation du RMI.

Il s'est enfin interrogé sur les conséquences, en matière d'accès à la protection sociale, de l'assiette retenue des cotisations sociales, qui ne porte que sur le complément de rémunération versé par l'employeur.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a souligné qu'une séparation entre la gestion de l'allocation elle-même et celle de la politique d'insertion posait d'abord une question de principe dans le cadre général d'une décentralisation de l'aide sociale. Il a également rappelé que l'absence de liens entre le versement de l'allocation et l'obligation d'insertion était la principale critique adressée aujourd'hui au RMI. Il a donc plaidé pour un transfert clair de l'ensemble du dispositif.

S'agissant de la compensation aux départements des charges liées à ces nouvelles compétences, il a précisé que celles-ci seraient financées par une quote-part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) et qu'il s'agirait d'une quote-part fixe dont le produit suivrait l'évolution du rendement de la taxe.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a ensuite écarté tout risque d'éclatement de la politique de l'emploi, en soulignant que le RMA ne serait pas un passage obligé pour les allocataires et que la décentralisation du RMI ne modifierait pas la programmation des emplois aidés. Il a souligné, par ailleurs, que l'Etat et le département seraient amenés à coopérer au sein des commissions départementales d'insertion et que le président du conseil général pourrait, dans tous les cas, demander le concours du service public de l'emploi pour la mise en oeuvre des actions d'insertion.

S'agissant des paramètres du CIRMA, M. François Fillon a précisé que la condition d'ancienneté de deux années au RMI répondait à un souci d'équilibre entre la volonté de prévenir une installation durable du bénéficiaire dans le RMI et le souci d'éviter tout effet de substitution avec les autres dispositifs d'insertion. Il a, par ailleurs, indiqué que la fixation de la durée du contrat à vingt heures hebdomadaires tenait aux caractéristiques du public visé constitué par les personnes en grande difficulté pour lesquelles un temps plein n'était pas envisageable dans l'immédiat.

Il a enfin observé que l'assiette retenue pour le calcul des cotisations sociales permettait de maximiser le revenu net du bénéficiaire, mais avait nécessairement des conséquences sur les avantages contributifs. Il a ainsi précisé que le contrat permettrait de valider deux trimestres par an pour l'assurance vieillesse et que le niveau de l'assurance chômage restait fonction de la durée de cotisation. Il a toutefois estimé que la protection sociale des bénéficiaires du RMA restait favorable, dans la mesure où le dispositif leur garantissait le maintien des droits connexes au RMI, et notamment la CMU complémentaire.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis de la commission des finances, a estimé que la décentralisation devait se fixer pour objectif de rendre plus efficace l'action publique et qu'un tel objectif supposait de responsabiliser les départements. Il a indiqué que, selon lui, un transfert d'impôt, calculé sur le coût total actuel du RMI, et dont l'évolution suivrait ensuite celle du produit de l'impôt, était conforme à cette responsabilisation des départements.

Il a regretté, dans ces conditions, que le projet de loi maintienne l'obligation pour les départements d'inscrire à leur budget 17 % des sommes versées l'année précédente au titre de l'allocation, soulignant que cette obligation était incohérente dans le cadre d'une décentralisation responsable.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a précisé que le maintien de ces 17 % avait pour but de ne pas envoyer un message qui serait incompris par le monde associatif et, qu'à terme, la logique de la décentralisation devait, en effet, conduire à leur suppression.

M. Alain Vasselle s'est étonné du fait que l'accès au RMA soit conditionné par une ancienneté de deux ans de perception du RMI. Il a estimé que l'effort d'insertion du bénéficiaire devait être entamé le plus tôt possible afin d'accroître ses chances de trouver un emploi. S'agissant de l'exonération de charges prévue au titre du RMA, il s'est interrogé sur leur compensation au régime de sécurité sociale.

Mme Sylvie Desmarescaux s'est inquiétée de la totale liberté laissée aux présidents de conseils généraux pour déterminer la composition des CDI et des CLI. Elle a voulu s'assurer que les communes seraient effectivement représentées au sein de ces instances.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est félicité de la rupture opérée par le projet de loi en compensant les charges nouvelles pour les départements, non plus par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement, mais par le transfert d'une ressource fiscale. Il a fait part de son inquiétude face à la complexité des flux de trésorerie entre les départements et les caisses d'allocations familiales engendrés par le maintien du service de l'allocation par celles-ci. Il a néanmoins convenu qu'il était exclu de reconstituer au niveau des services sociaux départementaux des services de liquidation du RMI.

Il s'est enfin fait l'écho de l'inquiétude des associations et des entreprises intermédiaires et il a estimé qu'il était nécessaire de faire un geste dans leur direction en rappelant leur rôle dans la loi.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, s'est voulu rassurant quant à la condition d'ancienneté de deux ans nécessaire pour bénéficier du RMA. Il a expliqué que cette condition était motivée par une volonté de ciblage sur les allocataires les plus en difficulté et que la durée d'ancienneté requise pourrait être revue à la baisse au vu du fonctionnement du dispositif. Il a également précisé que les exonérations de charges prévues au titre du RMA seraient compensées par l'Etat à la sécurité sociale.

S'agissant de la composition des CLI, M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a insisté sur le fait que la décentralisation impliquait de laisser la liberté aux départements d'organiser, au cas par cas, le pilotage du dispositif d'insertion. Il a fait part de sa volonté de rassurer la caisse nationale des allocations familiales concernant la compensation des charges de trésorerie et il a indiqué qu'il travaillait, d'ores et déjà, à un décret visant à préciser les modalités de cette compensation.

Il a enfin reconnu le rôle essentiel du monde associatif en matière de lutte contre l'exclusion et en matière d'insertion et s'est montré ouvert à la possibilité qu'il soit mentionné dans le texte même de la loi.

M. Roland Muzeau s'est inquiété du risque d'une nouvelle stigmatisation des bénéficiaires du RMI. Il s'est interrogé sur l'utilité du contrat RMA, observant que celui-ci revenait aussi cher pour l'employeur qu'un CES, mais offrait moins de garanties pour son bénéficiaire. Il a regretté que l'accent soit essentiellement porté sur l'insertion professionnelle et ignore largement l'insertion sociale, notamment pour les questions de logement ou de santé.

M. Gilbert Chabroux s'est interrogé sur la précipitation ayant présidé au dépôt de ce projet de loi, regrettant à cet égard l'absence d'évaluation préalable. Il a considéré que le contrat RMA s'apparentait à un contrat de travail « au rabais », n'offrant aucune garantie d'insertion sociale. Il a insisté sur la nécessité de fonder la politique d'insertion sur une approche globale et non sur la seule question de l'activité.

Observant que la principale faiblesse du RMI avait été l'échec de l'insertion, M. Jean Chérioux a souhaité obtenir des précisions sur l'articulation entre la décentralisation du RMI et l'évolution de l'action de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE).

M. Guy Fischer a souhaité que le débat sur le projet de loi soit reporté afin de laisser au Parlement la possibilité de l'examiner sérieusement.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a souligné la différence entre le CES et le contrat RMA : s'ils assurent une rémunération similaire au bénéficiaire, le contrat RMA est moins coûteux pour l'employeur, mais vise des publics plus en difficulté.

S'agissant de la méthode retenue par le Gouvernement, il a rappelé que le projet de loi se fondait sur les nombreuses évaluations du RMI et des politiques d'insertion qui avaient été publiées et que la concertation avait été menée, le Conseil national de l'insertion par l'activité économique (CNIAE), le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE), l'Assemblée des départements de France (ADF), les partenaires sociaux et les caisses de sécurité sociale ayant été consultés. Il a estimé qu'il importait d'agir rapidement dans le domaine de l'insertion.

Il a souhaité que le rôle de l'ANPE soit renforcé en matière d'insertion des bénéficiaires du RMI.

M. Bernard Cazeau a craint que le projet de loi ne conduise à créer une main d'oeuvre à bas prix et s'est interrogé sur son efficacité dans une période d'aggravation du chômage.

M. André Lardeux s'est interrogé sur les conséquences du projet de loi pour les crédits d'insertion départementaux jusqu'à présent reportés. Il a également souhaité savoir si la gestion du RMA se ferait à moyens constants pour les départements ou s'ils seraient amenés à accroître leurs dépenses de fonctionnement en créant de nouveaux services.

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, a jugé nécessaire de garantir un coût du travail relativement faible pour les employeurs afin d'assurer l'efficacité du dispositif. Il a estimé que le dispositif n'engendrerait pas d'effet d'aubaine, dans la mesure où le recrutement d'un bénéficiaire du RMI depuis plus de deux ans constituerait un choix lourd pour l'employeur. Il a, à cet égard, avancé l'hypothèse qu'au départ le dispositif soit principalement utilisé dans le secteur non marchand.

Il a indiqué que les règles relatives au report des crédits d'insertion non consommés restaient identiques dans la mesure où le projet de loi ne prévoyait pas, en l'état, de modifier leur régime budgétaire.

S'agissant des transferts éventuels de personnels, il a précisé que cette question serait traitée dans le cadre des dispositions relatives au transfert de services du projet de loi de décentralisation actuellement en cours de préparation.

Jeudi 15 mai 2003

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Outre-Mer - Loi de programme pour l'outre-mer - Examen du rapport pour avis

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Valérie Létard sur le projet de loi n° 214 (2002-2003) de programme pour l'outre-mer.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a rappelé que, lors de l'examen du budget 2003, le Gouvernement avait annoncé une loi de programme ambitieuse pour l'outre-mer, répondant ainsi aux préoccupations exprimées, depuis de longues années, par la commission. C'est donc avec satisfaction qu'elle accueillait aujourd'hui ce texte très attendu.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, s'est ensuite inquiétée de la situation outre-mer, soulignant que budgets et programmations pluriannuelles s'étaient succédé, ces dernières années, sans jamais guérir complètement les maux économiques et sociaux de l'outre-mer. Le réalisme ne devait pas, pour autant, céder au fatalisme : l'outre-mer manifestait, en effet, des signes de redressement. Il avait expérimenté avec succès le service militaire adapté (SMA), il avait lancé des initiatives fortes, dont aujourd'hui s'inspirait la métropole, comme le revenu minimum d'activité et le titre de travail simplifié, il avait été le terrain privilégié de nombreux projets, comme les mesures en faveur de la mobilité professionnelle et de l'insertion des jeunes dans le secteur marchand.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a assuré que cette réactivité était, en grande partie, à l'origine du mouvement général de baisse du chômage, particulièrement celui des jeunes, et de l'augmentation continue de l'emploi.

Elle a cependant déploré que chaque progrès soit venu buter sur des handicaps structurels lourds, quasiment inconnus en métropole : dynamisme démographique, insularité des territoires, environnement concurrentiel, chômage de longue durée, faiblesse de la formation initiale. En privilégiant la politique de l'offre, seule voie durablement efficace en matière de lutte contre le chômage et d'insertion professionnelle, la loi d'orientation pour l'outre-mer du 13 décembre 2000 aurait pu apporter les réponses attendues. Mais elle avait laissé une impression d'inachevé, le Gouvernement ayant préféré s'arrêter au milieu du gué.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a ainsi précisé que le dispositif d'allégement de charges sociales prévu par la loi d'orientation s'était révélé particulièrement pénalisant pour les entreprises dépassant le seuil de 10 salariés, que l'utilisation des mesures en faveur des jeunes s'était avérée nettement en retrait par rapport aux attentes, et que le dispositif de lutte contre l'exclusion et d'égalité sociale commençait à peine à produire ses effets en raison de nombreuses contraintes.

Elle a alors constaté que la loi d'orientation du 13 décembre 2000, qui était supposée « sortir l'outre-mer du cycle du pessimisme et de l'assistance pour entrer dans celui du développement », n'était pas parvenue à remédier aux difficultés du marché du travail.

En matière d'emploi, elle a noté la persistance d'écarts importants avec la métropole, en raison du ralentissement de la décrue du chômage et de la reprise du chômage de longue durée.

En matière d'insertion, elle a souligné que le traitement social du chômage ne saurait tenir lieu de politique. De fait, le RMI avait acquis un poids considérable dans les sociétés ultramarines, sans commune mesure avec la métropole, l'importance du secteur public témoignait de la dépendance de la population à l'égard des emplois aidés et le travail dissimulé restait une réalité préoccupante.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a mentionné, en outre, les nouveaux défis institutionnels, sociaux et économiques qui plaçaient l'outre-mer à la croisée des chemins : l'impact de la décentralisation, la dégradation - avérée ou non - du climat social et la question du maintien des aides communautaires après 2006.

Face à cette nouvelle donne, elle a jugé que le projet de loi de programme, porté par un budget important, apportait des solutions équilibrées.

Le dispositif d'allégement du coût du travail qu'il comporte se décline en trois volets : le premier volet concerne les exonérations de charges sociales en faveur des entreprises. Le projet de loi de programme supprime le mécanisme dégressif de la loi d'orientation qui pénalisait les entreprises dépassant le seuil de 10 salariés, les allégements sont étendus aux entreprises du bâtiment et travaux publics, ainsi qu'aux entreprises de transport desservant l'outre-mer ; ils sont significativement renforcés pour les secteurs les plus exposés, quels que soient les effectifs des entreprises.

Le deuxième volet du projet de loi concerne les exploitants agricoles. Il permet à ceux qui développent leur exploitation au-delà de 40 hectares, dans le cadre d'une diversification de la production ou de mise en valeur de terres incultes, de conserver le bénéfice d'une exonération de charges sociales. Le troisième volet accorde aux marins propriétaires embarqués en début d'activité une exonération de cotisations sociales pendant 24 mois, quand la loi d'orientation avait limité cette mesure aux travailleurs indépendants. De manière novatrice, l'ensemble de ces mesures font l'objet d'une évaluation triennale qui conditionnera leur maintien, notamment en fonction des emplois créés.

Ensuite, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, s'est réjouie du dispositif ambitieux que le projet de loi proposait en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes.

En premier lieu, elle a estimé que le succès grandissant du SMA auprès de la jeunesse ultramarine était renforcé grâce à son extension à la quasi-totalité des collectivités d'outre-mer et aux précisions apportées aux conditions d'application de la formation qu'il dispense. Elle a indiqué que ces dispositions étaient essentielles à la bonne marche du SMA, qui avait réussi à insérer professionnellement 100.000 jeunes depuis sa création. Elle a regretté, à cet égard, la diminution constante des crédits qui lui ont été consacrés entre 1994 et 2000, se félicitant qu'aujourd'hui le Gouvernement en ait décidé le relèvement substantiel. Tout en saluant cet effort, elle a néanmoins jugé qu'il restait insuffisant par rapport à l'ambition qu'on souhaitait donner au SMA.

En deuxième lieu, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a relevé que les jeunes diplômés ouvriraient à l'entreprise, qui les embaucherait en contrat à durée indéterminée, une aide de l'Etat, cumulable avec les exonérations de charges patronales. L'objectif de cette disposition est de renforcer l'encadrement des petites entreprises, tout en facilitant l'insertion professionnelle des jeunes diplômés de manière durable. A Mayotte, la mise en place d'une prime à la création d'emplois favorisera l'insertion des jeunes chômeurs dans le secteur marchand. Parallèlement, la transition entre les générations au sein de l'entreprise sera renforcée grâce à un congé solidarité beaucoup plus attractif. Le contrat d'accès à l'emploi deviendra l'outil privilégié de l'insertion à la fois des titulaires d'emplois-jeunes en fin de contrat et des titulaires du RMI. Sur ce point, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, s'est réjouie de la volonté du Gouvernement d'insérer durablement les publics en difficulté dans le secteur marchand, rappelant que la commission avait, par le passé, insisté sur les impasses auxquelles menait inévitablement une politique de l'emploi exclusivement axée sur les contrats non marchands.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a fait toutefois valoir que le développement des emplois marchands ne suffisait pas, à lui seul, à prendre en compte l'ensemble des problématiques sociales liées au chômage. Il lui apparaissait donc impératif d'associer à cette nouvelle politique des moyens suffisants en faveur de l'accompagnement des titulaires de contrats aidés.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a mentionné le dernier volet du projet de loi consacré à la simplification administrative à travers le titre de travail simplifié (TTS). Limité par la loi d'orientation du 13 décembre 2000 aux entreprises de moins de 11 salariés, le recours au TTS, véritable outil de simplification administrative pour les entreprises, est étendu, dans l'espace, à Saint-Pierre-et-Miquelon et, dans le temps, au-delà de 100 jours de travail par an, valant alors contrat à durée indéterminée. La mesure devrait, selon le rapporteur pour avis, permettre de renforcer la transparence des emplois occasionnels et clandestins.

Au total, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a conclu que le volet social du texte, non seulement, comblait les insuffisances de la loi d'orientation que la commission avait dénoncées en son temps, mais encore apportait un souffle nouveau à la politique de l'emploi d'outre-mer.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles et des amendements proposés par le rapporteur.

M. Nicolas About, président, a rappelé que l'avis de la commission portait particulièrement sur les articles premier à 10, ainsi que sur les dispositions, dans le domaine social, des articles 43 et 44.

A l'article premier (allégement de cotisations sociales), la commission a adopté sept amendements :

- trois amendements visant à étendre, d'une part, les exonérations de cotisations sociales prévues pour les entreprises de transport à la liaison avec Mayotte et, d'autre part, les exonérations de cotisations sociales accordées aux nouvelles technologies de l'information et de la communication aux centres d'appel ;

- un amendement tendant à maintenir, jusqu'au 30 juin 2005, les dispositions relatives à l'allégement renforcé de cotisations sociales en faveur des entreprises ayant réduit leur temps de travail à 35 heures ;

- deux amendements tendant à insérer et à codifier au présent article premier les dispositions des paragraphes I et III de l'article 4 autorisant, ce faisant, les marins et exploitants agricoles à cumuler les allégements dont ils bénéficient au titre des articles 2 et 3 avec les autres dispositifs actuellement en vigueur ;

- enfin, un amendement rédactionnel précisant le champ d'application des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises.

A l'article 2 (allégement de cotisations sociales patronales des exploitants agricoles), la commission a adopté un amendement visant à codifier au présent article les dispositions relatives à Saint-Pierre-et-Miquelon.

A l'article 3 (allégement de cotisations sociales patronales des marins), la commission a adopté deux amendements, le premier tendant à insérer à l'article 3 de la loi du 13 décembre 2000, les dispositions de l'article 4 relatives à Saint-Pierre-et-Miquelon, le second visant, dans un souci de cohérence, à étendre aux employeurs et travailleurs indépendants (ETI) de Saint-Pierre-et-Miquelon les exonérations de cotisations sociales applicables aux ETI des départements d'outre-mer.

A l'article 4 (régime de non-cumul et évaluation des allégements de cotisations sociales, extension des allégements de cotisations sociales à Saint-Pierre-et-Miquelon), la commission a adopté trois amendements : deux suppriment, par coordination, les paragraphes I et III du présent article, le troisième dispose que le Parlement est informé des conclusions de l'évaluation prévue à cet article.

A l'article 5 (définition du régime juridique du service militaire adapté), la commission a adopté un amendement tendant, d'une part, à mentionner précisément le champ des collectivités visées par le SMA, parmi lesquelles il est ajouté les Terres australes et antarctiques françaises, et, d'autre part, à préciser que la formation délivrée dans le cadre du SMA ne prend pas nécessairement la forme d'un chantier d'application.

A l'article 6 (régime du titre de travail simplifié), la commission a adopté deux amendements, l'un tendant à préciser le point de départ à compter duquel le contrat de travail est réputé à durée indéterminée, l'autre visant à étendre le titre de travail simplifié à Mayotte.

A l'article 7 (modification du contrat d'accès à l'emploi), la commission a adopté trois amendements, deux rectifiant des erreurs matérielles, le troisième visant à accorder aux bénéficiaires du RMI en contrat d'accès à l'emploi l'intéressement accordé en cas de reprise d'activité aux titulaires d'un revenu minimum.

A l'article 9 (prime à la création d'emplois à Mayotte), la commission a adopté un amendement supprimant la redondance entre la prime introduite par l'article 2 de l'ordonnance n° 2002-242 du 21 février 2002 et la prime à la création d'emplois instituée par le présent article.

A l'article 10 (congé solidarité), la commission a adopté deux amendements tendant à alléger les contraintes financières qui pèsent sur les entreprises qui souhaitent utiliser le congé-solidarité.

Enfin à l'article 43 (habilitation du Gouvernement), la commission a adopté un amendement habilitant le Gouvernement à prendre les mesures permettant l'adaptation à Mayotte de la réglementation applicable aux centres communaux d'action sociale.

La commission a alors émis un avis favorable à l'adoption du volet social du projet de loi de programme pour l'outre-mer ainsi amendé.

Communication du Président - Politique de compensation du handicap

La commission a ensuite entendu une communication de M. Nicolas About, président, sur les suites du rapport d'information n° 369 (2001-2002) sur la politique de compensation du handicap.

M. Nicolas About, président,
a informé la commission que M. Paul Blanc et lui-même avaient déposé une proposition de loi rénovant la politique de compensation du handicap. Cette proposition de loi, annoncée dès la publication du rapport d'information de la commission en juillet dernier, reprenait les 75 propositions formulées par ce rapport. Insistant sur le travail accompli par la commission depuis plus d'un an, M. Nicolas About, président, a indiqué que M. Paul Blanc et lui-même seraient honorés que les membres de la commission, qui le souhaitent, cosignent cette proposition de loi.

Nomination d'un rapporteur

Puis la commission a nommé Mme Anne-Marie Payet, rapporteur sur la proposition de loi n° 255 (2002-2003), présentée par M. Michel Mercier et plusieurs de ses collègues relative à la modification de l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles.

Conseil supérieur de l'établissement national des invalides de la marine - Désignation d'un candidat

Enfin, la commission a proposé à la nomination du Sénat M. Marcel Lesbros comme candidat pour siéger au sein du Conseil supérieur de l'établissement national des invalides de la marine.