Table des matières




Mercredi 29 octobre 2003

- Présidence de M. Nicolas About, président -

PLFSS pour 2004 - Audition de M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS)

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission, dans le cadre de la préparation de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Spaeth, président du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

A titre liminaire, M. Jean-Marie Spaeth a souligné le caractère peu novateur du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2004, dans l'attente, au cours des mois à venir, des conclusions du débat sur la modernisation de l'assurance maladie.

Il a rappelé qu'un certain nombre de mesures, annoncées par le ministre de la santé, ne figuraient pas dans le PLFSS pour 2004, car elles relèvent soit du pouvoir réglementaire (déremboursement de l'homéopathie, revalorisation du forfait hospitalier), soit du projet de loi de finances pour 2004 (arrêt du remboursement à l'euro près des dépenses engagées par les caisses primaires d'assurance maladie au titre de la couverture maladie universelle complémentaire, article 82). Il a d'ailleurs constaté que ces mesures se traduisaient par des transferts, de l'assurance maladie vers les assureurs complémentaires et les ménages.

Concernant le contenu du PLFSS pour 2004, M. Jean-Marie Spaeth a indiqué que la mise en oeuvre de la tarification à l'activité (T2A) était une évolution prometteuse, qui figurait dans le plan stratégique élaboré par la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés en 1999. Il a toutefois regretté que cette réforme ne se fasse pas dans des conditions identiques dans le secteur public et le secteur privé et que, notamment, les honoraires des médecins du secteur privé ne soient pas pris en compte par la réforme.

M. Nicolas About, président, a fait observer que cette réforme devrait être opérée en dix ans, sans que l'on en connaisse le calendrier, les modalités et les raisons qui ont déterminé la longueur de cette période transitoire.

M. Daniel Lenoir, directeur de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), a souligné que la mise en oeuvre de la T2A allait être adossée à un travail de codage des actes médicaux positif pour l'assurance maladie, qui bénéficiera ainsi d'informations plus précises sur les actes pris en charge.

Il a ensuite évoqué trois questions relatives à l'identification, par la CNAMTS, des prestations non remboursables, aux conditions dans lesquelles la caisse peut engager des recours contre les tiers et aux efforts de gestion qui lui ont été demandés, évalués à soixante millions d'euros dans la prochaine convention d'objectifs et de gestion. Il a précisé que ces efforts de gestion permettraient de procéder à des investissements importants en matière informatique.

A l'issue de cette introduction, M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers et l'assurance maladie, s'est interrogé sur les conséquences de la mise en oeuvre de la tarification à l'activité pour l'assurance maladie, sur les aménagements apportés au dispositif conventionnel entre l'assurance maladie et les médecins (accord de bon usage des soins, contrats de bonne pratique) par les articles 35, 36 et 37 du PLFSS pour 2004, sur la participation financière de l'assurance maladie au plan Biotox relatif à la lutte contre le bio-terrorisme et sur la fixation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) 2004.

M. Jean-Marie Spaeth n'a pas caché sa circonspection sur le respect de l'ONDAM 2004. Il a souligné que cette situation était provoquée par l'inexistence de moyens de régulation susceptibles d'être mobilisés pour éviter les dépassements de l'objectif et il a présenté la détermination du périmètre de l'ONDAM et la définition des outils de régulation comme des enjeux majeurs de la réforme de l'assurance maladie en préparation.

Puis M. Jean-Marie Spaeth a confirmé le soutien de la CNAMTS vis-à-vis de la mise en oeuvre de la tarification à l'activité.

Concernant les dispositions prévues par les articles 35, 36 et 37, il a tenu à préciser qu'il était partisan d'une intervention de l'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) mais que cette intervention, légitime, devait avoir lieu en amont du processus conventionnel. Lui demander d'apprécier l'issue de la négociation la placerait en position de juge et partie. Il a estimé, à ce sujet, que seuls les partenaires sociaux, Caisse nationale d'assurance maladie et professionnels de santé, étaient détenteurs du pouvoir conventionnel.

Sur la question de la participation de la CNAMTS au financement du plan Biotox, M. Jean-Marie Spaeth a indiqué que, s'il n'existait pas de désaccord de principe sur l'existence de ce prélèvement, deux questions restaient en suspens : les modalités pratiques du prélèvement et le devenir des produits stockés en prévision d'une attaque bactériologique, sujet sur lequel la CNAMTS ne disposait d'aucune information.

En complément des propos de M. Jean-Marie Spaeth, M. Daniel Lenoir a tenu à rappeler que les gains de productivité obtenus par la CNAMTS avaient été multipliés par deux depuis dix ans. Il a souligné que la prochaine convention d'objectifs et de gestion comporterait trois volets relatifs respectivement à la recherche d'une plus grande efficacité, à la modernisation du système informatique et à la réorganisation du service médical de la CNAMTS.

Revenant sur les modalités de participation de la CNAMTS au financement du plan Biotox, il a regretté que ce prélèvement soit effectué sur le seul fonds national de prévention d'éducation et d'information sanitaire (FNPEIS) de la CNAMTS et non sur le fonds national d'assurance maladie (FNAM) consacré à la gestion du risque.

M. Gilbert Chabroux a souhaité connaître les raisons qui ont conduit le conseil d'administration de la CNAMTS à rendre un avis négatif sur le PLFSS pour 2004.

Il s'est ému des propos tenus par le Premier ministre à l'occasion de l'installation du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, sur la possibilité d'établir une distinction entre les risques pris en charge par la solidarité nationale et ceux qui relèvent de la responsabilité individuelle.

M. Guy Fischer s'est déclaré intéressé par l'idée de faire de la détermination et de l'opposabilité de l'ONDAM un élément central de la réflexion préparatoire à la modernisation de l'assurance maladie.

Il a ensuite interrogé MM. Jean-Marie Spaeth et Daniel Lenoir sur la part imputable aux soins de ville dans l'augmentation des dépenses de santé, sur les conséquences, pour les assurés, des mesures de déremboursement annoncées par le ministre de la santé et sur l'état des réflexions menées par la CNAMTS pour organiser une collaboration entre le régime obligatoire et les régimes complémentaires.

M. Jean Chérioux a souligné que la question de la responsabilisation des acteurs n'était pas nouvelle et que la création, dès l'origine du système d'assurance maladie, d'un ticket modérateur allait justement dans le sens de cette responsabilisation.

Il a rappelé les propositions du Sénat, lors du vote de la loi créant la couverture maladie universelle (CMU), tendant à créer une allocation de solvabilisation des assurés les plus démunis, pour prendre en charge leur adhésion à un régime complémentaire. Il a déploré que cette proposition n'ait pas été retenue et qu'on ait opté pour le « panier de soins ».

Concernant le problème particulier de la drogue et des substituts, Mme Nelly Olin a souligné les risques spécifiques de surconsommation et de trafic des produits. Elle a souhaité que la délivrance du subutex s'effectue, comme pour la méthadone, dans des centres qui en contrôlent la bonne utilisation.

M. André Lardeux, rapporteur pour les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP) a souhaité connaître la position de la CNAMTS sur les perspectives d'une réforme de la gouvernance de la branche des AT-MP. Il s'est également interrogé sur le montant des transferts de la branche AT-MP vers la branche maladie au titre de la sous-déclaration des AT-MP et sur les conséquences de l'existence de fonds ad hoc, comme le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), pour l'organisation de notre système de sécurité sociale.

M. Gilbert Barbier a interrogé MM. Jean-Marie Spaeth et Daniel Lenoir sur l'augmentation du montant des indemnités journalières (+ 11 %) et il a voulu connaître les moyens de contrôle dont disposent les caisses d'assurance maladie, ainsi que le rôle des médecins contrôleurs.

M. Jean-Pierre Fourcade a posé quatre questions relatives successivement à la détermination d'un périmètre pertinent pour l'ONDAM, aux modalités d'une éventuelle application de la T2A aux hôpitaux de l'assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), à l'utilité du conseil de surveillance de la CNAMTS et à la possibilité de mettre en oeuvre une véritable politique de maîtrise des dépenses de santé.

M. Bernard Cazeau a regretté que la réforme de l'assurance maladie ait été repoussée d'un an. Il a souligné que la question de la responsabilisation devait être posée pour les assurés comme pour les professionnels de santé et il a souhaité connaître le montant des dépenses indues imputables aux médecins.

M. Roland Muzeau a souligné la sous-déclaration chronique des accidents du travail et des maladies professionnelles, conduisant à mettre à la charge de la branche maladie des dépenses imputables sur la branche AT-MP. Il s'est interrogé, en conséquence, sur le montant des transferts financiers de la branche AT-MP vers la branche maladie et vers le FIVA et le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA), se demandant notamment si ceux-ci étaient suffisants pour couvrir les besoins et s'il ne serait pas nécessaire d'augmenter le taux de cotisation.

En réponse aux intervenants, M. Jean-Marie Spaeth a souligné que la situation actuelle de l'assurance maladie était le reflet de la situation économique du pays. Il a rappelé que le taux de progression de l'ONDAM 2004 (+ 4 %) était calculé à partir de l'ONDAM 2003 rebasé, ce qui ne facilite pas la comparaison d'une année sur l'autre.

Il a précisé que les relations entre la CNAMTS et les médecins étaient entrées dans une phase d'apaisement, comme le démontre le respect des engagements pris par les généralistes en juin 2002 (diffusion des médicaments génériques) en contrepartie de la revalorisation du tarif de la consultation porté à 20 euros, ou encore la signature d'un accord transitoire avec la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) en août 2003.

M. Jean-Marie Spaeth a également douté de l'efficacité du ticket modérateur qui, selon lui, était un échec du fait de l'existence de régimes complémentaires. Il a estimé que la responsabilisation par l'argent était inefficace.

Il a indiqué que, selon lui, la création de la CMU complémentaire a eu pour objet de gommer les effets négatifs du ticket modérateur et a rappelé que la CNAMTS avait été, elle aussi en son temps, favorable à un dispositif de solvabilisation de l'accès aux régimes complémentaires, pour éviter de créer une catégorie particulière au sein de la population.

Il a précisé que le périmètre de prise en charge des dépenses de santé devait inclure à la fois le régime obligatoire et les régimes complémentaires, renouvelant, à cette occasion, son opposition à toute séparation verticale et privilégiant la recherche d'une solution de coopération.

Complétant les propos de M. Jean-Marie Spaeth, M. Daniel Lenoir a confirmé que le conseil de surveillance de la CNAMTS était un lieu privilégié pour assurer l'information du Parlement et des associations d'usagers sur les actions de la Caisse.

Il a précisé que, depuis 1998, les dépenses de soins de ville progressaient de 6 % par an, que les arrêts de travail de longue durée étaient en augmentation pour les 55-59 ans, que les contrôles étaient renforcés et qu'il ressortait qu'environ 6 % des arrêts de travail n'étaient pas médicalement justifiés.

En conclusion, il a rappelé que l'assurance maladie ne disposait d'aucun moyen de sanction à l'égard des prescripteurs fautifs et que le pouvoir de sanction appartenait au conseil de l'ordre des médecins.

S'agissant des accidents du travail et des maladies professionnelles, M. Daniel Lenoir a rappelé qu'une commission était chargée d'évaluer le coût de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles pour la branche maladie et que le FIVA connaissait une montée en charge rapide de ses dépenses, mais qu'il serait bientôt en mesure de fixer ses engagements futurs. A cet égard, il a observé que ces transferts financiers témoignaient d'une évolution fondamentale dans la gestion des risques professionnels, liée à la croissance du poids des maladies professionnelles, qui sont le plus souvent multifactorielles, et donc, pas uniquement d'origine professionnelle.

Revenant sur la gouvernance de la branche, il a rappelé qu'une convention d'objectifs et de gestion était actuellement en cours de négociation, parallèlement à celle sur la convention de la branche maladie. Il a estimé que la création éventuelle d'un conseil d'administration propre à la branche AT-MP ne devait pas signifier pour autant une séparation totale des deux branches, le risque professionnel devant continuer à être géré par le réseau de l'assurance maladie.

Rapport annuel de la Cour des comptes sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale - Audition de M. François Logerot, Premier président, M. Bernard Cieutat, président de la 6e chambre, M. Christian Babusiaux, conseiller maître à la 6e chambre, Mme Catherine Démier, conseillère référendaire, secrétaire générale adjointe et M. Renaud Séligmann, auditeur à la 6e chambre

Puis la commission a entendu M. François Logerot, Premier président, M. Bernard Cieutat, président de la 6e chambre, M. Christian Babusiaux, conseiller maître à la 6e chambre, Mme Catherine Démier, conseillère référendaire, secrétaire générale adjointe et M. Renaud Séligmann, auditeur à la 6e chambre, sur le rapport annuel de la Cour des comptes consacré à l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Nicolas About, président
, a déclaré que l'audition de la Cour des comptes, de son premier président et du président de la 6e chambre, était un moment important des travaux de la commission sur les lois de financement de la sécurité sociale. Il a remercié la Cour d'avoir bien voulu répondre par écrit aux dix questions qui lui avaient été adressées le 9 octobre dernier. Il a souligné l'intérêt de ces réponses, distribuées aux commissaires et qui seront annexées au rapport de la commission.

M. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes, a remercié M. Nicolas About, président, pour ses paroles de bienvenue et s'est réjoui de présenter, pour la 6ème année consécutive, le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale devant la commission des affaires sociales.

Il a tout d'abord déclaré que, selon le plan habituel, le rapport de la Cour consacre sa première partie à l'examen de la situation des comptes sociaux pour l'année 2002 et dresse ainsi le bilan de la mise en oeuvre des principales dispositions financières de la loi de financement de la sécurité sociale.

Il a souligné les progrès notables réalisés en matière de normalisation des méthodes comptables puisque, pour la première année, la Cour n'avait pas eu à procéder à la correction des comptes présentés lors de la commission des comptes. Il a précisé, à ce titre, que la mise en place progressive d'une comptabilité en droits constatés pour l'ensemble des organismes sociaux avait représenté un progrès décisif et que l'harmonisation des méthodes de provisionnement et de calcul des charges à payer et des produits à recevoir, présentait également des progrès sensibles, même s'il restait ça et là des marges d'amélioration, la Cour considérant que certains retraitements comptables pratiqués par la direction de la sécurité sociale mériteraient d'être traités plus rigoureusement.

Il a ensuite indiqué que, sur le fond, la caractéristique principale de l'année 2002 consiste en un retour des déficits, puisque les comptes sociaux, après trois années d'excédent, présentent un besoin de financement s'élevant à 3,4 milliards d'euros pour le régime général et 3,8 milliards d'euros pour l'ensemble des régimes de base obligatoire. Il a insisté sur le fait que le point crucial demeure la persistance d'un rythme excessif de progression des dépenses d'assurance maladie, expliquant la concentration d'un déficit sur cette seule branche à un niveau jusqu'alors inconnu. Il a enfin constaté qu'en 2002, l'ONDAM voté par le Parlement a encore été dépassé de près de 4 milliards d'euros.

M. François Logerot, Premier président, a présenté ensuite  la deuxième partie du rapport de la Cour consacrée, en écho à la crise financière de l'assurance maladie, à l'évolution et à la régulation des dépenses de santé depuis 1996. Il a indiqué que le rapport faisait ainsi le point des facteurs structurels expliquant l'accélération régulière de l'évolution des dépenses d'assurance maladie, notamment la surprescription de médicaments, la progression forte des dépenses d'indemnité journalière et l'accès croissant de certains assurés au bénéfice du statut d'affection de longue durée (ALD). Il a également précisé que certains facteurs conjoncturels peuvent être mis en évidence comme source de surcoûts, notamment la succession des protocoles hospitaliers et les mesures de revalorisation des honoraires.

Il a déclaré que le rapport insiste, au-delà de ces constats, sur le caractère inopérant des mécanismes de régulation des dépenses mis en place depuis le début des années 90, qu'il s'agisse des instruments de maîtrise comptable des dépenses ou de ceux de maîtrise médicalisée dont l'impact demeure des plus limités. Il a précisé que le rapport constatait que notre système de santé apparaît ne plus être régulé, situation intenable à long terme et qui explique, par la gravité de la situation, la création intervenue depuis sa publication d'un haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Il a enfin présenté la dernière partie du rapport, consacrée aux effets, pour la sécurité sociale, du vieillissement de la population. Il a ainsi précisé que le rapport met notamment en évidence les grandes disparités du système français de retraite et que, sous l'angle de la santé, il procède à plusieurs développements relatifs aux réseaux de santé, à la prescription de médicaments ou au fonctionnement des urgences qui montrent l'inadaptation du système de santé aux enjeux majeurs du vieillissement.

M. François Logerot, Premier président, a enfin insisté sur le caractère contradictoire de la méthode de travail de la Cour, qui a permis que, dans le cadre de ce rapport, et au-delà des ministres concernés, plus de 140 organismes, administrations ou établissements ont été associés à son élaboration. Il a enfin jugé souhaitable de renforcer les liens existant entre la commission des affaires sociales et la Cour des comptes, cette dernière pouvant, dans ses prochains rapports annuels, voire dans des rapports publics particuliers, examiner certains points spécifiques, pour peu que les demandes de la commission puissent s'insérer dans le programme de travail de la Cour, ce qui suppose qu'elles soient formulées dans des délais raisonnables.

M. Bernard Cieutat a prolongé la présentation exposée par M. François Logerot, Premier président, en indiquant que la situation des comptes sociaux en 2002 se caractérise par la réapparition d'un phénomène de ciseau entre l'évolution des recettes, qui ralentit, et celle des dépenses, qui progresse. Il a précisé que le déficit du régime général, réapparu après quatre années d'excédent, porte sur la seule branche maladie, alors que les branches vieillesse et famille restent excédentaires, en 2002, comme elles l'étaient en 2001. Il a déclaré que ce constat avait invité la Cour à centrer son analyse sur deux points, les causes de l'évolution des dépenses d'assurance maladie, d'une part, et le fonctionnement du système de régulation des dépenses de santé, d'autre part.

Concernant les causes de l'évolution des dépenses, il a déclaré que le rapport met en évidence que l'accélération des dépenses d'assurance maladie ne tient pas à une inflexion particulière de la demande de soins, mais que la Cour a pu relever le poids très lourd de décisions récentes dans l'accélération constatée, ce coût pouvant être évalué à 5,5 milliards d'euros en 2003, à rapprocher du déficit de 11 milliards d'euros prévu pour cet exercice.

M. Bernard Cieutat a détaillé l'essentiel de ces décisions parmi lesquelles figurent les protocoles hospitaliers et le financement de la réduction du temps de travail dans les hôpitaux, le coût des nouvelles entrées en affection de longue durée, les revalorisations des honoraires des généralistes et le report des mesures de déremboursement des médicaments à service médical rendu insuffisant.

Il a également rappelé que le rapport notait, en 2002, une augmentation plus rapide des indemnités journalières. Celle-ci affectant plus particulièrement la tranche d'âge des 55-59 ans, il a précisé que la Cour avait constaté également que cette hausse s'est produite parallèlement aux restrictions apportées aux dispositifs de préretraite, mais qu'un lien de cause à effet entre les deux phénomènes restait à démontrer.

En ce qui concerne les mécanismes de régulation, il a déclaré que la Cour avait dû prendre acte de leur manque de résultats. Il a donc indiqué que le cadre institutionnel devait être revu pour lui donner plus d'efficacité et permettre, notamment au Parlement et à la loi de financement qu'il vote, de jouer pleinement leur rôle. Il a relevé, à ce titre, que la pratique du rebasage de l'ONDAM était effectuée sur une base assez obscure et que le développement de dépenses d'assurance maladie, hors ONDAM, ôtait à celui-ci beaucoup de sa signification, rendant peu lisible l'information donnée au Parlement et nuisant par lui-même à l'objectif de maîtrise des dépenses.

M. Bernard Cieutat a insisté sur le caractère relativement inopérant des instruments directs de la régulation, la régulation par les prix et les tarifs de remboursement ayant pratiquement disparu avec l'extension de l'assurance complémentaire et la création de la couverture maladie universelle. En outre, il a constaté à la fois la faible progression de la gestion du risque maladie par les caisses et la dispersion de la politique du médicament dans la poursuite d'un trop grand nombre d'objectifs.

Il a rappelé, par ailleurs, que la politique conventionnelle menée avec les professions libérales pour réguler les soins de ville n'avait pas empêché l'accélération du rythme des dépenses.

Il a ensuite déclaré que les instruments d'action à moyen terme, visant à rationaliser les comportements des professionnels et des patients, n'ont pas non plus produit les effets escomptés, la Cour ayant relevé notamment le trop faible développement des pratiques d'accréditation et d'évaluation ou encore un blocage persistant dans la formation et l'information des médecins et des professionnels libéraux de santé. Il a rappelé qu'en définitive, le rapport de la Cour se bornait à démontrer qu'en matière de régulation des dépenses d'assurance maladie, beaucoup d'initiatives avaient été décidées, mais que peu de mesures avaient été réellement appliquées.

M. Bernard Cieutat a déclaré que, dans sa troisième et dernière partie, le rapport de la Cour traitait des problèmes consécutifs au vieillissement de la population, notamment des retraites, c'est-à-dire des revenus des personnes âgées, et des soins qui leur sont apportés, c'est-à-dire de leur santé. Il a rappelé que la loi du 21 août 2003 portant  réforme des retraites améliorait les perspectives de financement, sans épuiser un sujet qui restera d'actualité dans les décennies à venir. S'agissant des soins aux personnes âgées, il a souligné que le rapport abordait, en particulier, trois questions essentielles, celle des réseaux de soins de personnes âgées, celle de la consommation de médicaments par ces derniers et, enfin, prolongeant les analyses de l'année précédente, la question de l'insuffisance de l'accueil des personnes âgées dans les services d'urgence.

En conclusion, il a indiqué que, parmi les principaux travaux envisagés pour les deux prochaines années, dans le domaine des questions sociales, figurent notamment la gestion des risques et l'organisation territoriale de la sécurité sociale, une synthèse sur la politique du médicament, les comptes des organismes de sécurité sociale et leur certification, l'hébergement des personnes âgées, la fonction publique hospitalière, ainsi qu'en matière de politique familiale, une insertion éventuelle sur la politique menée en faveur de la petite enfance dans le prochain rapport public annuel que la Cour présentera devant la commission à l'automne.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres généraux, s'est interrogé sur la divergence entre les évaluations de la Cour des comptes et celles de la CNAM relatives au coût de la revalorisation des honoraires des médecins, la première chiffrant cette mesure à 690 millions d'euros de dépenses supplémentaires, la seconde à seulement 220.

M. Bernard Cieutat, président de la 6e chambre, a déclaré que la somme de 690 millions d'euros représentait le coût des mesures prises au titre des accords de janvier et de juin 2002, alors que le chiffre avancé par la CNAM ne rendait compte que du coût du protocole du 5 juin. Il a, en outre, précisé que l'économie due au titre des contreparties à ces accords, estimée à 150 millions d'euros par la CNAM, s'élevait, d'après la Cour, au maximum à 70 millions d'euros.

M. Christian Babusiaux, conseiller maître, a rappelé que le chiffre de 690 millions d'euros avait été repris par la Cour et qu'il figurait dans le rapport de la commission des comptes de mai 2003 sans avoir jamais été contesté. Il a souligné, en outre, que ce coût excluait celui des mesures annexes qui était venu les majorer, notamment la hausse des frais de prise en charge des cotisations d'assurance maladie résultant de l'augmentation des honoraires et les mesures relatives à la rémunération des gardes et astreintes, ces deux mesures annexes pouvant être évaluées à 64 millions d'euros. En outre, il a déclaré que l'évaluation des contreparties relatives aux médicaments n'atteint pas la somme avancée par la CNAM et qu'il devait donc être considéré que les accords de juin revêtent, avant tout, un caractère politique dont l'objet central consiste en la restauration d'un dialogue conventionnel depuis longtemps rompu.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres généraux, a demandé au premier président et au président de la 6e chambre de bien vouloir présenter la réponse formulée à la cinquième question du questionnaire, consacrée au FOREC. Il a demandé si la Cour serait en mesure de fournir un certain nombre de précisions sur l'inscription des recettes du fond de réserve des retraites dans les prévisions de recettes de la loi de financement de sécurité sociale, sur l'opportunité de prévoir le principe d'une exclusivité des lois de financement pour créer des exonérations de cotisations sociales, sur l'articulation entre les règles organiques relatives aux lois de financement et aux lois de finances, sur les conséquences de la double inscription dans les agrégats de la branche famille et vieillesse des dépenses relatives à la majoration de pension pour enfant et, enfin, sur les conséquences de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (CSSS) pour le régime de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat (TACA). Il s'est enfin interrogé sur les conditions de financement de la trésorerie de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et a demandé si la Cour avait étudié les alternatives aux règles régissant actuellement ce financement, notamment le concours de la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

En réponse à M. Alain Vasselle, M. Bernard Cieutat a précisé que le FOREC n'était pas un instrument de clarification et que sa suppression tirait les conséquences du maintien de la logique du remboursement intégral, à la sécurité sociale, des allégements de cotisations sociales. Sur les autres questions posées par le rapporteur pour les équilibres généraux, M. Bernard Cieutat a précisé qu'en raison de leur caractère technique et précis, la Cour ferait parvenir au rapporteur une réponse détaillée dans les jours prochains.

M. André Vantome a rappelé que le Parlement était le gardien des valeurs résumées par la devise républicaine et qu'il souhaitait, à ce titre, attirer l'attention de la Cour sur le second terme de cette dernière, à savoir l'égalité. Il a constaté qu'aujourd'hui, l'égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire est une exigence majeure à laquelle, depuis plusieurs années, les pouvoirs publics se sont attachés. Il a rappelé que des péréquations importantes ont été opérées au profit de régions défavorisées, dont notamment la Picardie, mais que cette politique n'a, semble-t-il, pas obtenu tous les résultats escomptés et que, dès lors, peut être constatée la persistance, voire l'aggravation, des inégalités en liaison avec les problèmes conjoncturels de pénurie de personnels médicaux et paramédicaux.

En outre, il a souligné que la mise en oeuvre de politiques nouvelles, dont la réduction du temps de travail et la prise en compte de certaines priorités, permet aujourd'hui aux établissements hospitaliers de toute région de créer des postes médicaux ou paramédicaux. Il a ainsi constaté que cette situation aboutit à accélérer le processus inégalitaire, d'autant plus que certains établissements n'hésitent pas à déroger au respect des règles de la fonction publique pour recruter plus facilement, notamment par le non-respect des échelons ou l'octroi d'avantages en nature, et ceci sans que les agences régionales d'hospitalisation ne réagissent. Il a demandé, en conséquence, au Premier président de la Cour des comptes si cette dernière pouvait se livrer à un diagnostic précis de ces pratiques pour en obtenir la cessation et ainsi contribuer au rétablissement de l'exigence républicaine que constitue l'accès aux soins, objectif majeur de la loi de financement de la sécurité sociale.

M. François Logerot, Premier président, a déclaré que la Cour avait consacré plusieurs travaux aux fonctionnaires de l'État et qu'une étude sur la fonction publique territoriale et hospitalière pouvait être envisagée, mais qu'elle nécessiterait un concours actif des chambres régionales des comptes. S'il a exclu que puisse être effectué un contrôle sur tous les établissements hospitaliers, il a déclaré qu'un contrôle ciblé sur un échantillon suffisamment représentatif pourrait avoir lieu, de même qu'un diagnostic des inégalités de recrutement auxquelles certains de ces établissements se trouvaient confrontés.

M. Bernard Cieutat a souligné que ce point pourrait être abordé dans le cadre d'une étude sur la fonction publique hospitalière que le programme de la Cour envisagerait pour la fin de l'année 2004.

M. Guy Fischer a demandé à M. Bernard Cieutat si celui-ci pouvait confirmer que 75 % des cotisations des médecins étaient prises en charge par l'assurance maladie. Il s'est également interrogé sur l'évolution des dépenses dues aux médicaments, notamment de la hausse des prix liés à l'arrivée de molécules nouvelles sur le marché et aux pratiques de déremboursement. Il a souhaité savoir dans quelle mesure la Cour des comptes pourrait contribuer à ce qu'une juste idée du prix du médicament puisse être obtenue.

M. Bernard Cieutat a rappelé que la Cour préparait une synthèse sur la politique du médicament pour l'année 2004.

M. Christian Babusiaux a déclaré que les revenus des professionnels de santé ne faisaient pas l'objet d'une politique organisée, que des disparités entre professions étaient constatées, que l'évolution des négociations avait accru ces disparités et que la Cour se prononce, dans le cadre de son rapport, pour une rationalisation des politiques publiques sur ce sujet.

M. Gilbert Barbier a rappelé que la Cour cite les indemnités journalières comme cause importante du dérapage des dépenses d'assurance maladie en 2002 et a demandé si elle avait mieux cerné ce problème. Il a également constaté que la Cour dresse un tableau assez négatif sur les conventions avec les professions de santé et a souhaité savoir, au moment où est abordée la réforme de la sécurité sociale, si elle considère que la politique conventionnelle constitue une mauvaise politique.

M. Bernard Cieutat a déclaré que les indemnités journalières avaient crû brutalement en 2000 et en 2002, laissant suspecter une forte dérive des pratiques relatives à cette dépense. En outre, il a insisté sur le caractère positif de la politique conventionnelle pour le bon usage des soins, mais a déclaré qu'elle comportait des effets pervers et pouvait générer une augmentation sensible des coûts de fonctionnement du système de santé, qui conduisait la Cour à constater qu'en matière de régulation, la politique conventionnelle avait fait long feu.

M. Gilbert Barbier s'est interrogé sur les fruits de la politique conventionnelle menée avec les professions paramédicales.

M. Christian Babusiaux a précisé qu'un distinguo pouvait être établi puisque certains accords avec les professions paramédicales avaient donné de bons résultats, mais que, d'un point de vue plus général, la politique conventionnelle revêtait aujourd'hui des caractères inquiétants, s'étendant à des domaines qui ne sont pas conventionnels par nature, comme par exemple la répartition des tâches entre infirmières et médecins, qui ne peut pas être traitée par des conventions séparées, et le fait que ces conventions soient conclues de plus en plus par des partenaires sociaux minoritaires. Il a, enfin, insisté sur le fait que les problèmes d'assurance maladie demeuraient des problèmes multilatéraux, et ne pouvaient, en général, être traités par des instruments bilatéraux.

Rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires - Communication

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Alain Gournac, vice-président, en remplacement de M. Nicolas About, président, la commission a tout d'abord entendu une communication de M. Alain Vasselle sur le rapport du Gouvernement sur les prélèvements obligatoires et leur évolution (article 52 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances).

En préambule, M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a souligné qu'il s'agit de la première communication faite devant la commission sur le rapport établi par le Gouvernement, relatif à l'évolution des prélèvements obligatoires. Il a rappelé que cette communication s'inscrit dans le cadre d'un débat commun à la commission des affaires sociales et à la commission des finances, dont l'instigation revenait notamment à son prédécesseur, M. Charles Descours, auquel il a souhaité rendre, à cette occasion, un hommage appuyé.

Il a, tout d'abord, indiqué que cette communication intervenant peu avant l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, il lui avait semblé préférable de saisir le cadre qu'elle offrait pour dresser un bilan et évoquer quelques perspectives sur l'évolution des prélèvements sociaux.

Il a rappelé que l'audition par la commission, au cours de la matinée, des magistrats de la Cour des comptes, avait été l'occasion de rappeler que les parlementaires sont confrontés à deux catégories de comptes sociaux qui ne se recoupent pas : d'un côté, les comptes des administrations sociales, satellites des comptes nationaux et, de l'autre, les comptes des régimes de base de sécurité sociale votés en loi de financement de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a souligné les nombreuses différences entre ces agrégats puisque des premiers sont exclus les fonds concourants au financement des régimes, au motif que ces fonds ne financent pas directement des dépenses sociales et que des seconds sont exclus, de fait, les régimes complémentaires obligatoires et les comptes de l'assurance-chômage. Il a déploré que cette dualité ne facilite pas l'analyse des comptes sociaux et l'exercice des responsabilités, car le Parlement est invité à se prononcer sur la base des agrégats de la loi de financement, tandis que le gouvernement doit, pour sa part, se justifier auprès de la commission européenne, dans le cadre des critères de Maastricht, sur la base des comptes de la protection sociale.

Il a ensuite déclaré que la lisibilité des finances sociales n'est pas améliorée par la grande instabilité de ses périmètres financiers et a rappelé que la commission a toujours dénoncé l'habitude de certaines administrations consistant à capter les recettes des fonds sociaux ou exporter des charges sur les régimes de sécurité sociale, c'est-à-dire à faire transiter, d'un compte sur un autre, des déficits, alors même que cette pratique demeure neutre au regard des critères européens.

Il a fait état de l'importance des prélèvements sociaux au sein des prélèvements obligatoires puisque ceux-ci en représentent 50 %, soit 328 milliards d'euros, loin devant l'État, dont les recettes ne s'élèvent qu'à 256 milliards d'euros, ou les collectivités territoriales. Il a indiqué, à titre d'exemple, que les produits des trois principaux régimes d'assurance maladie sont équivalents à la totalité du produit de l'impôt sur le revenu, de l'impôt sur les sociétés et de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, soit près de 125 milliards d'euros, et que la première recette fiscale d'une administration publique, la contribution sociale généralisée, est votée en loi de financement, lors d'un débat de trois jours seulement, et non en loi de finances. Il a rappelé également le caractère croissant de l'effort consacré par les Français à leur protection sociale, puisque ces dépenses ne représentaient que 13,1 % du produit intérieur brut en 1970, contre près de 22 % actuellement. Il a souligné qu'en apparence, la croissance des prélèvements sociaux a connu deux phases, une augmentation progressive jusqu'en 1990 suivie d'une certaine stagnation sur la dernière décennie, mais que ce constat était en réalité trompeur car, comme pour l'État mais selon des modalités différentes, les ressources de la protection sociale ont été massivement complétées par l'endettement que n'enregistrent pas les statistiques d'aujourd'hui.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a déclaré qu'il lui semblait excessif de considérer les prélèvements sociaux comme l'expression d'un « mal français », même si le niveau des prélèvements réalisés au bénéfice des administrations de sécurité sociale était, en France, plus élevé que dans d'autres pays de l'OCDE. Il a justifié une part de cette différence par le fait que le niveau des prélèvements sociaux traduit un double choix organisationnel français : d'une part, celui d'une protection sociale collective et solidaire, à l'opposé d'états ayant choisi d'assurer la prise en charge des risques maladie et vieillesse selon des modalités décentralisées, c'est-à-dire individuelles et concurrentielles, d'autre part, celui d'une protection sociale professionnelle et paritaire, à l'opposé d'états ayant choisi d'assurer la prise en charge de ces risques par leur propres services.

Toutefois, il a insisté sur le fait que, peut-être plus encore que pour l'État, les perspectives d'évolution des finances sociales deviennent préoccupantes, car une augmentation structurelle des dépenses de retraite et de santé peut être anticipée pour les années futures, sans qu'aucune des ressources de la protection sociale puisse spontanément suivre le rythme de cette évolution.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a ensuite rappelé que, depuis le début des années 1990, les pouvoirs publics avaient décidé de modifier la structure des finances sociales, alors largement fondée sur les cotisations, afin de favoriser l'emploi et de diversifier ses ressources. Il a précisé que cette politique de basculement s'est appuyée sur quatre volets : en premier lieu, la CSG qui fut l'instrument de fiscalisation des cotisations salariales depuis 1991, elle-même complétée par une politique d'exonération des cotisations sociales, compensée théoriquement par l'État, c'est-à-dire substituant, à des cotisations patronales, près de 20 milliards d'euros de recettes d'origine fiscale, provenant du budget général. Les troisième et quatrième volets ont été, d'une part, le recours à des fonds sociaux, notamment le fonds de solidarité vieillesse, qui ont permis indirectement le financement de la sécurité sociale par des recettes fiscales, d'autre part, la création d'une structure ad hoc assignée à l'amortissement de la dette sociale et dotée d'un prélèvement fiscal spécifique, la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), qui a apporté ou apportera par prélèvement sur les générations futures, au titre des exercices antérieurs à 1998, plus de 50 milliards d'euros de recettes fiscales à la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a déclaré que plusieurs événements ayant affecté les finances sociales ces dernières années mettent en évidence les limites de cette stratégie. Il a d'abord rappelé que l'affaire FOREC constituait l'indéniable indice que le budget de l'État peine de plus en plus à assumer la règle de la compensation intégrale, ce qui l'a conduit à mettre à la charge de la sécurité sociale, au moyen de ce fonds écran, une partie du coût des exonérations accompagnant la mise en place des 35 heures. Il a rappelé ensuite que le FOREC demeure également le symbole de l'échec d'une réforme des cotisations sociales calculées sur la valeur ajoutée, abandonné par le précédent gouvernement à la suite des rapports contradictoires de MM. Malinvaud et Chadelat, en constituant la caricature d'une réforme dont l'ambition était d'élargir l'assise des cotisations patronales.

Il a considéré que, sans préjuger des débats qui pourraient avoir lieu dans l'avenir, il convenait de rappeler, dès à présent, les limites à l'augmentation de la contribution sociale généralisée.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a indiqué en premier lieu que l'évolution de la taxation des revenus du capital, du fait de la CSG, avait crû de manière très significative au cours de ces dernières années, puisque cette contribution avait été multipliée par onze en cinq ans, en euros constants. Il a souligné qu'une augmentation trop rapide de cette contribution, qui pourrait en outre nuire à l'investissement, poserait fatalement à terme la question de leur légitimité car les versements qu'ils occasionnent ne sont pas en eux-mêmes générateurs de droits.

Il  a insisté, en deuxième lieu, sur le fait que le taux global de la CSG atteint déjà 7,5 % sur les revenus d'activité, alors même que l'atout décisif de cette contribution est justement de reposer sur la combinaison d'une assiette large et d'un taux bas. Il s'est inquiété qu'une augmentation ininterrompue du taux aboutisse fatalement à des demandes d'exonération ou d'abattement, c'est-à-dire de réduction d'assiette qui remettront profondément en cause la nature et l'efficacité du prélèvement.

Il a rappelé, en outre, qu'en cas d'augmentation future de la taxe, le Conseil constitutionnel pourrait rappeler au législateur qu'il considère la CSG comme une imposition de toute nature, assise sur l'ensemble du revenu, et que celle-ci doit, dès lors, se conformer au principe de progressivité. Il a déclaré que financer la sécurité sociale au moyen d'une CSG progressive constituerait une modification risquée de la philosophie de la protection sociale.

Au total, M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a indiqué que le bilan de dix ans de fiscalisation des prélèvements sociaux montre que le recours à des prélèvements supplémentaires directs ou indirects, présents ou différés, atteint un niveau offrant peu de marge de manoeuvre pour l'avenir et que sans doute, si de nouvelles recettes s'avéraient nécessaires à la sécurité sociale, elles devront être gagées par la diminution effective d'autres dépenses publiques.

Il a ensuite dressé un bilan critique de la gestion, par l'ensemble des gouvernements successifs, des prélèvements sur les tabacs, gestion qui démontre les limites et les risques d'opérations fiscales ponctuelles. Il a rappelé que les droits de consommation sur les tabacs constituaient historiquement une recette du budget général, même si en 1996, la CNAM avait reçu 6,39 % de son produit, pour améliorer son équilibre financier.

Il a indiqué que l'État avait affecté au FOREC, lors de sa création, les droits sur les tabacs, soit aujourd'hui près de 9 milliards d'euros, pour lui permettre de compenser les exonérations de cotisations sociales. Il a constaté que si ces droits n'encouraient aucune critique lorsqu'ils étaient affectés au budget de l'État, il était apparu subitement absurde, lors de leur affectation au financement des 35 heures, que ce ne soit pas l'assurance maladie qui en soit dotée.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a souligné que l'évolution de ces taxes, au cours des dernières années, entretenait l'impression de désordre de cette fiscalité complexe, alors que son efficacité suppose des objectifs lisibles et acceptés par l'ensemble des acteurs du système.

Il a rappelé que l'augmentation des droits décidée en lois de financement pour 2003 n'avait fourni qu'un petit tiers du rendement escompté initialement, pas uniquement à cause d'une diminution de la consommation, mais également en raison des bases comptables incertaines du dispositif, des effets de guerre des prix, des détournements de trafic et du développement de la contrebande. Il a indiqué que ce constat devait conduire à prendre des mesures de stabilisation et que, sous cette réserve, le rendement des droits de consommation pourrait, en 2004, dépasser les prévisions.

Il a déploré, en conséquence, que l'annonce, dans le projet de loi de finances pour 2004, d'une augmentation de la taxe spécifique affectée au BAPSA puisse provoquer, de nouvelles turbulences. Il a surtout regretté l'éclatement de la discussion de l'imposition des tabacs entre le projet de loi de finances (fixation de la répartition du produit entre les différents bénéficiaires, notamment les organismes sociaux) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (bases du droit de consommation et l'enregistrement des recettes), qui ne facilite pas le déroulement d'un débat parlementaire cohérent et serein.

Il a souligné, à cet égard, que le débat sur les prélèvements obligatoires prendra, sur cet aspect, toute la signification souhaitée par ses instigateurs. Il sera l'occasion, pour lui, de faire part de ses interrogations sur cette question difficile et d'appeler de ses voeux une politique fiscale cohérente en matière de tabacs, c'est-à-dire tournée vers le service de la santé publique et s'appuyant sur une augmentation progressive de l'accise dans un cadre pluriannuel.

En conclusion, M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a insisté sur le fait qu'il n'était pas possible d'articuler un discours de responsabilité si les flux financiers entre l'État et la sécurité sociale n'étaient pas clarifiés : l'État ne peut requérir des gestionnaires des comptes sociaux qu'ils assument leurs responsabilités si ceux-ci ont le sentiment, à tort ou à raison, que les moyens d'assumer cette mission leur sont dérobés, en quelque sorte, dans l'obscurité.

Il a ensuite indiqué que les débats s'engageant sur l'évolution du financement de la sécurité sociale prendront une importance majeure, car le financement d'un système commande aussi sa philosophie.

Il a enfin appelé à une réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui constitue un outil de connaissance des finances sociales indispensable, en même temps qu'un exercice démocratique essentiel, mais qui a déjà montré certaines limites, à la fois dans les textes et dans les pratiques. Il devient donc nécessaire que, parallèlement à la réflexion sur l'avenir de l'assurance maladie, le Parlement puisse s'emparer de cette autre réforme de la protection sociale.

M. Alain Gournac, vice-président, s'est inquiété des perspectives d'évolution des finances sociales telles que décrites par le rapporteur.

M. Jean Chérioux a rappelé qu'en plus des dépenses de la sécurité sociale, devait être pris en compte le coût des régimes de la fonction publique. Il a déclaré que le financement de la protection sociale par les droits sur les tabacs constitue une option paradoxale, puisque la réussite d'une politique de santé publique, qui réduirait fortement la consommation de tabac, aurait pour corollaire une diminution des ressources de la protection sociale.

M. Serge Franchis s'est interrogé sur le caractère significatif des comparaisons entre les taux de prélèvements obligatoires des différents États de l'OCDE.

En réponse aux différents intervenants, M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers, a rappelé que les prélèvements sociaux incluent certains prélèvements fiscaux et que la comparaison entre les États reflète en elle-même des choix de société. Il a confirmé que l'augmentation de la taxe sur les tabacs ne constitue pas, à son sens, une solution de financement du déficit de l'assurance maladie, ni à court terme, ni à long terme.

La commission a donné acte au rapporteur de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Contrôle de l'application des lois au 30 septembre 2003 - Communication

Enfin, la commission a entendu une communication de M. Alain Gournac, vice-président, sur le contrôle de l'application des lois au 30 septembre 2003.

M. Alain Gournac, vice-président,
a rappelé que, conformément aux instructions du Bureau du Sénat, les commissions permanentes présentent, chaque année, un bilan de l'application des lois intervenues dans leur domaine de compétences, qui fait l'objet d'une communication du Président du Sénat et de l'établissement d'un document de synthèse.

Il a souligné combien cet exercice était fondamental pour mesurer le degré de difficulté pratique d'application de la législation et pour disposer d'une vision panoramique de la réalité de l'entrée en vigueur des lois, adoptées cette année et au cours des précédentes sessions parlementaires. Toutefois, pour éviter un exposé oral qui pourrait sembler fastidieux, il a souhaité se limiter à en donner un bref aperçu sous la forme de quelques observations.

Sa première observation a porté sur le bilan de l'année parlementaire écoulée, allant du 1er octobre 2002 au 30 septembre 2003, au cours de laquelle, huit lois relevant au fond de la compétence de la commission des affaires sociales, ont été promulguées.

M. Alain Gournac, vice-président, a signalé qu'elles étaient issues, pour moitié, d'initiative parlementaire, dont trois sur quatre d'origine sénatoriale concernant respectivement la responsabilité civile médicale, l'allocation personnalisée d'autonomie et la consommation de tabac par les jeunes.

Sur ces huit lois, seule celle relative à la négociation collective en matière de licenciements économiques est effectivement applicable aujourd'hui, car d'application directe. Quatre autres lois ne sont que partiellement applicables, les mesures d'accompagnement n'ayant été adoptées que dans des proportions allant de 25 % à 80 %. Il a notamment fait observer que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2003 n'a reçu, à ce jour, que 30 % des mesures d'accompagnement annoncées et qu'en outre, aucun des rapports prévus au fil de ses articles n'a été effectivement déposé. Enfin, les trois dernières lois n'ont encore bénéficié de la publication d'aucun texte d'application. Se trouve, dans ce cas de figure, la loi sur les retraites adoptée cet été en session extraordinaire. Cette situation, que l'on peut parfaitement comprendre en raison du bref délai écoulé depuis lors et de la complexité du dispositif, reste préoccupante car les principales dispositions de ce texte doivent entrer en vigueur le 1er janvier 2004. Il devient donc urgent de publier rapidement les mesures d'application attendues.

La deuxième observation de M. Alain Gournac, vice-président, a porté sur la situation, qui demeure améliorable, concernant les lois antérieurement promulguées. Il s'est limité à celles adoptées entre 1996 et 2002, mais a remarqué que certains textes très anciens, citant l'exemple d'une loi relative à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme qui remonte à 1991, attendent encore leurs décrets d'application.

Sur quarante-sept textes, seuls vingt-six sont désormais pleinement applicables, soit à peine plus de la moitié (55,3 %) ; dix-sept autres sont toutefois partiellement applicables mais les deux derniers, adoptés l'un et l'autre en 1999, demeurent à ce jour totalement inapplicables, en l'absence de dispositif d'accompagnement (la loi créant le Conseil national des communes « Compagnons de la Libération » et celle portant création des chèques-vacances).

Par ailleurs, il a observé, globalement, que la très grande majorité des mesures d'application (88,5 %) est publiée entre six mois et deux ans à dater de la promulgation du texte de loi auquel elles se rapportent, ce qui reste un délai que l'on peut trouver long, surtout lorsque la loi a fait l'objet d'un examen par le Parlement en procédure d'urgence.

Enfin, sa troisième observation a porté sur le fait que, compte tenu des alternances politiques que notre pays connaît désormais avec une certaine régularité, il n'est pas rare qu'un texte précédemment adopté ne soit pas encore rendu totalement applicable avant d'être modifié par une loi postérieure portant sur un objet semblable ou connexe.

Il a mentionné notamment la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail avant d'être profondément remaniée par la récente loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi.

Il a constaté, à l'occasion de ce texte notamment, mais la même observation pouvait être faite les années précédentes, que lorsque les dispositions législatives ont été adoptées sur initiative parlementaire, a fortiori contre l'avis du Gouvernement, elles ne font pas l'objet d'une publication rapide des mesures d'application. Une fois encore, il a souligné combien les dispositions d'origine parlementaire demeurent moins bien loties que les autres dans le processus de l'application des lois.

Son deuxième exemple a porté sur la loi du 20 juillet 2001 relative à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie.

Certes, ce texte a fait, à l'époque, l'objet d'une publication satisfaisante des décrets d'application, contrainte par l'exigence de son entrée en vigueur au 1er janvier 2002. Toutefois, un défaut de conception de l'APA, figurant dans le texte d'origine, a conduit à prendre en urgence un nouveau décret, en mars 2003, pour modifier le barème de participation financière des bénéficiaires de l'APA, puis à voter une nouvelle loi, le 31 mars 2003, renforçant notamment les procédures de contrôle, d'ouverture des droits à cette prestation et de financement temporaire pour 2003.

Or, a-t-il fait observer, la situation n'est toujours pas stabilisée puisque le bouclage du dispositif ne sera définitivement acquis que si un financement pérenne est trouvé. En effet, au-delà de cette date, la montée en charge du régime, largement supérieure aux estimations initiales, mettra à nouveau en difficulté les conseils généraux qui en sont les principaux financeurs. Il a donc considéré vraisemblable qu'une remise à plat d'ensemble soit prochainement nécessaire.

A l'issue de cette communication, M. Alain Vasselle a considéré que « trop de loi tue la loi » et s'est interrogé sur le point de savoir s'il était concevable que le Parlement refuse d'examiner un projet de loi lorsque le Gouvernement ne présentait pas les projets de décrets d'application en même temps que le texte de loi auquel ils se rapportent, afin que l'on puisse avoir une idée générale du dispositif complet proposé.

M. Alain Gournac, vice-président, a également déploré la suractivité législative que l'on constate depuis plusieurs années. Il a rappelé qu'il avait été question, un temps, de subordonner l'adoption d'une nouvelle loi à la suppression parallèle d'un autre texte mais que cette intention était restée lettre morte.

M. Jean Chérioux a souligné l'intérêt que pourrait présenter une recherche historique permettant de mesurer l'effet des alternances, et surtout des alternances de courte période, sur le volume de production législative.