Travaux de la commission des affaires sociales



Mardi 31 mai 2005

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Petites et moyennes entreprises - Audition de M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'audition de M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, sur le projet de loi n° 297 (2004-2005) en faveur des petites et moyennes entreprises.

M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, a rappelé que plus de 224.000 entreprises ont été créées au cours de l'année 2004, soit une hausse de 30 % en un an, qui témoigne du regard nouveau porté par les Français sur l'entreprise et qui traduit l'objectif, fixé par le Président de la République, de création d'un million d'entreprises nouvelles d'ici à 2007.

Sachant que la période de plus grande fragilité des entreprises se situe dans les cinq ou six premières années suivant leur création, il a donc jugé nécessaire de détecter les principaux points de blocage affectant leur développement et d'y apporter des solutions.

Exposant les mesures-phare du projet de loi consacrées à la création et au développement des petites entreprises, M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, a successivement évoqué :

- la création d'une dotation pour investissement (DPI) destinée à améliorer le fonds de roulement des entreprises nouvelles, à lisser la fiscalité de l'entreprise sur ses premières années d'activité et à anticiper le financement de ses investissements ;

- le passage, de 50 % à 75 %, de l'abattement fiscal sur les transmissions d'entreprise par voie de donation en pleine propriété ;

- l'extension de cette exonération partielle aux donations avec réserve d'usufruit, mode de transmission qui favorise l'étalement de la fiscalité sur plusieurs années ;

- la création d'un statut du tutorat du repreneur d'entreprise par le cédant, disposition complétée par une activation des aides au départ des commerçants et artisans sous la forme d'une prime à la transmission accompagnée ;

- la sécurisation du statut du conjoint collaborateur, notamment par l'octroi de droits propres à l'assurance vieillesse et la reconnaissance de la validation des acquis de l'expérience (VAE) à son profit. Cette mesure devrait, selon lui, concerner 300.000 conjoints et permettre de donner un véritable statut aux deux tiers des conjoints de chefs d'entreprises artisanales et commerciales, qui travaillent aujourd'hui sans reconnaissance officielle ;

- l'extension à l'ensemble des professions libérales du statut de collaborateur libéral, que connaissent actuellement les avocats.

M. Nicolas About, président, a indiqué que l'importance du volet social contenu dans ce projet de loi a incité la commission des affaires sociales à se saisir pour avis d'une quinzaine d'articles du texte : les articles 1er à 4 relatifs à la formation professionnelle des créateurs ou repreneurs d'entreprises, les articles 10 et 12 à 14 relatifs au statut des conjoints collaborateurs, l'article 46 relatif au chèque-emploi entreprises, l'article 47 relatif à l'exonération de la taxe sur les salaires assise sur les rémunérations des personnels de centres de formation d'apprentis (CFA), les articles 48 à 50 et 52 sur la répression du travail illégal et l'article 51 sur le passage au forfait-jours pour certains salariés itinérants non-cadres.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, a souhaité savoir si le Gouvernement partage les craintes exprimées par les artisans et les commerçants quant aux menaces qui pèsent sur l'équilibre financier des fonds d'assurance formation (FAF) auxquels la formation des futurs entrepreneurs sera confiée, en lieu et place de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) et des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), respectivement chargés de la formation des chômeurs et des salariés.

Elle a ensuite demandé pourquoi, au regard des 55.000 entreprises libérales créées chaque année, le Gouvernement n'a pas proposé d'étendre le financement de la formation des entrepreneurs aux professions libérales et, par conséquent, de mettre à contribution les fonds interprofessionnels de formation de ces professions.

Tout en approuvant le principe de la reconnaissance officielle des conjoints de travailleurs indépendants, notamment en matière d'assurance vieillesse, elle s'est inquiétée, en ce qui concerne plus précisément les professions libérales, des conséquences financières de l'affiliation obligatoire des conjoints à l'assurance vieillesse sur l'équilibre budgétaire de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales. En revanche, elle a regretté que la possibilité de rachat des périodes d'activité par les conjoints, proposée par la commission des affaires économiques, soit conditionnée à un minimum de dix années d'activité dans l'entreprise. En ce qui concerne les avocats, qui font l'objet d'un traitement particulier, elle a alerté le ministre sur les conséquences financières du système de partage de l'assiette des cotisations entre l'avocat non salarié et son conjoint.

Revenant sur les dispositions relatives à la simplification des formalités administratives, Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, a fait part des réserves que lui inspire la réforme du titre emploi entreprise proposée dans le projet de loi, estimant que les modifications incessantes intervenues en la matière avaient fini par brouiller la cohérence du dispositif, ce qui a été confirmé par le Conseil de la concurrence. De plus, la gestion du chèque-emploi par les URSSAF ne convient pas à certains secteurs, comme le bâtiment pour lequel les caisses de congés payés seraient mieux adaptées.

Enfin, après avoir rappelé que la plupart des amendements proposés par la commission des affaires économiques sur l'apprentissage sont la reprise des propositions formulées, il y a quelques mois, par la commission des affaires sociales, elle a souhaité connaître l'avis du ministre sur l'une d'entre elles, à savoir l'autorisation du travail des apprentis mineurs les dimanches et jours fériés dans certaines professions où elle serait justifiée, comme les boulangeries, les hôtels, cafés, restaurants et les marchés.

Répondant aux questions relatives aux conséquences financières du projet de loi, dont il a reconnu qu'elles avaient suscité des inquiétudes, M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, a d'abord précisé qu'en ce qui concerne les FAF, il ne sera pas question de leur faire supporter l'exclusivité de la charge financière de la formation des futurs entrepreneurs qui ne relèvent pas de leurs attributions. L'UNEDIC, l'ANPE et les OPCA resteront tenus de financer la formation des chômeurs et des salariés et la réforme, au bout du compte, ne coûtera que 500.000 euros aux FAF. Du reste, un système identique pourra être proposé pour les professions libérales, par voie d'amendement parlementaire. En ce qui concerne l'impact financier de l'affiliation obligatoire des conjoints au régime d'assurance vieillesse de base, il a appelé les professionnels libéraux à faire preuve de solidarité avec leurs conjoints, tout en précisant qu'il veillerait, en concertation avec le ministère de la santé, à ne pas mettre en péril le système d'assurance vieillesse des professions libérales. Enfin, il s'est dit ouvert sur les amendements que pourrait proposer la commission des affaires sociales pour assouplir les conditions de rachat des années de cotisations payées par les conjoints.

M. Nicolas About, président, a indiqué que, s'il est sensible à la nécessité de limiter le nombre d'années de cotisations rachetables, il est indispensable de ne pas subordonner la possibilité de rachat à une condition d'activité de dix ans dans l'entreprise, manifestement trop longue.

En ce qui concerne le chèque-emploi entreprise, M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, a indiqué ne pas partager le scepticisme affiché par certains secteurs professionnels. Après avoir rappelé que les formalités administratives excessives pèsent lourdement sur les petites entreprises, il a présenté le nouveau chèque-emploi comme un dispositif plus simple que le titre emploi entreprise et utile dans la lutte contre le travail illégal. Il a annoncé son intention de l'expérimenter dans les premiers mois dans les entreprises de moins de cinq salariés, avant de le généraliser et de le rendre obligatoire, notamment dans le bâtiment et les travaux publics, où les possibilités de recrutement sont nombreuses. Sa gestion pourra être alors confiée aux URSSAF, mais également aux caisses de congés payés dans les secteurs qui le souhaitent. Enfin, il s'est déclaré favorable au travail des apprentis mineurs les dimanches et les jours fériés sous certaines conditions et dans certaines professions.

M. Paul Blanc a témoigné de la grande satisfaction des organisations professionnelles qu'il a rencontrées sur le terrain, au sujet de la reconnaissance enfin officielle des conjoints de chefs d'entreprise. Il a approuvé les mesures de clarification envisagées par le rapporteur en la matière. En revanche, des interrogations demeurent à propos des nouvelles charges financières supportées par les FAF et il a souhaité qu'elles soient apaisées.

Revenant sur le chèque-emploi entreprises, Mme Isabelle Debré a déploré la confusion totale qui règne en la matière en raison de la multiplication des dispositifs de cette nature et a plaidé pour une fusion de certains chèques emplois.

Au sujet du tutorat, et bien que la commission des affaires sociales ne s'en soit pas saisie, Mme Bernadette Dupont a fait valoir l'intérêt de pouvoir concilier la fonction de banquier avec celle de tuteur, dans un objectif d'optimisation des relations entre l'entrepreneur et les interlocuteurs qui les soutiennent dans leurs démarches.

Organisation des travaux de la commission - Echange de vues

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, avant que la commission n'aborde l'ordre du jour de la réunion, M. Guy Fischer est intervenu pour indiquer qu'il aurait trouvé légitime que les commissions du Sénat interrompent leurs travaux dans l'attente de la composition du nouveau gouvernement. Il a fait valoir que cette décision de suspension avait été prise dès la veille à l'Assemblée nationale et s'est étonné que la même position ne prévale pas dans les deux assemblées.

M. Nicolas About, président, a indiqué s'être lui-même interrogé sur ce point. Toutefois, dès lors que le Président du Sénat n'avait pas demandé à ce que les commissions cessent de se réunir, il a pensé maintenir les réunions dont l'ordre du jour n'est pas directement concerné par le changement de Gouvernement : c'est le cas du rapport de M. Jean-Marie Vanlerenberghe sur les propositions de résolutions européennes et de la table ronde organisée le lendemain sur le thème de l'égalité salariale. Il a précisé que si la commission a procédé ce matin à l'audition de M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, c'est parce que le gouvernement n'était pas encore démissionnaire au moment de sa venue au Sénat. En revanche, l'audition de Mme Nicole Ameline, précédemment ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, qui était programmée pour le lendemain, est suspendue jusqu'à l'annonce de la formation du gouvernement. Enfin, il a suggéré que le rapport de Mme Catherine Procaccia sur le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises soit bien examiné à la date prévue, pour que la commission soit prête à soutenir ce texte en séance publique s'il devait être maintenu à l'ordre du jour.

Il a ensuite soumis au vote de la commission ces propositions. La commission a approuvé la poursuite de ses travaux selon le schéma proposé par son président.

Aménagement du temps de travail - Examen du rapport

La commission a alors procédé à l'examen du rapport de M. Jean-Marie Vanlerenberghe sur les propositions de résolution n° 255 (2004-2005), présentée par M. Bernard Frimat au nom de la délégation pour l'Union européenne, et n° 311 (2004-2005), présentée par M. Roland Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, modifiant la directive 2003/88/CE concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail (E. 2704).

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur, a tout d'abord rappelé que la Communauté européenne avait adopté, en 1993, une directive posant un certain nombre de règles minimales en matière de temps de travail, de repos, de congés et de travail de nuit et que cette directive avait fait l'objet d'une nouvelle publication, sous une forme consolidée, en 2003.

Telle est cette directive consolidée, dans sa version, que la Commission européenne propose aujourd'hui de réviser sur trois points essentiels. Elle souhaite, en premier lieu, revenir sur l'assimilation du temps de garde à du temps de travail, décidée par la Cour de Justice de Luxembourg, afin que, seules, les périodes actives du temps de garde soient désormais considérées comme un temps de travail. Elle envisage en deuxième lieu, pour donner plus de flexibilité aux entreprises, de porter de quatre à douze mois la période de référence retenue pour le calcul de la durée maximale hebdomadaire du travail. Elle entend, en dernier lieu, mieux encadrer les conditions de recours à la clause dite « d'opt-out », qui permet à un salarié, si la législation nationale le prévoit, de renoncer aux règles protectrices relatives à la durée maximale hebdomadaire du travail. Si l'opt-out est couramment utilisé en Grande-Bretagne, il n'est autorisé en France que pour les seuls praticiens hospitaliers.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur, a ensuite fait état des nombreuses critiques dont font l'objet les propositions de la Commission. Tandis que la confédération européenne des syndicats (CES) dénonce une régression de la protection des salariés en matière de durée du travail, l'Union des industries des pays de la Communauté européenne (UNICE) regrette que la Commission n'ait pas suffisamment tenu compte du besoin de flexibilité des entreprises.

Le Parlement européen s'oppose, sur plusieurs points, aux propositions de la Commission : il souhaite le maintien de la jurisprudence de la Cour relative au temps de garde, demande que l'annualisation de la période de référence soit entourée de garanties effectives pour les salariés, et préconise la suppression de l'opt-out dans un délai de trente-six mois.

Au sein du Conseil des ministres, le Gouvernement français est favorable à une révision des règles en vigueur relatives au temps de garde, car il craint qu'elles ne remettent en cause le régime des heures d'équivalences, qui permet d'instituer, dans certains secteurs, une durée équivalente à la durée légale du travail. Il est en revanche disposé à accepter la mesure d'annualisation, mais seulement dans le cadre d'un accord global qui prévoirait en contrepartie la suppression de l'opt-out. La question du maintien ou non de l'opt-out est celle qui divise le plus profondément le Conseil, la Grande-Bretagne défendant vigoureusement le maintien de cette clause dérogatoire.

Puis M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur, a présenté les deux propositions de résolution dont la commission des affaires sociales a été saisie.

La première émane de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, qui l'a adoptée à l'unanimité et reprend des positions assez proches de celles arrêtées par le Parlement européen. Elle demande que la totalité du temps de garde soit assimilée à du temps de travail, tout en admettant des adaptations nationales à ce principe, comme le système français des équivalences. Elle se dit prête à accepter l'annualisation de la période de référence, si les salariés bénéficient de garanties suffisantes et effectives, tant en matière de conditions de travail que de conciliation entre vie familiale et professionnelle. Elle se prononce enfin en faveur de la suppression programmée de l'opt-out, qui apparaît comme le préalable indispensable à une harmonisation sociale européenne.

La seconde proposition de résolution est présentée par le groupe communiste, républicain et citoyen, qui défend des positions plus radicales encore. Fermement opposés tant à la distinction entre périodes actives et inactives du temps de garde qu'à l'annualisation de la période de référence, les sénateurs communistes souhaitent le retrait pur et simple de la proposition de directive. Ils demandent l'abolition de l'opt-out et souhaitent, plus généralement, que l'Union européenne définisse un nouveau projet social, comportant des mesures destinées à combattre la flexibilité et la précarité dans le travail.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur, a ensuite présenté à la commission ses propres conclusions, qui résultent d'un dialogue approfondi avec les partenaires sociaux.

Sur la question du temps de garde, il a proposé de confirmer la position équilibrée retenue par la délégation, qui a notamment pour avantage de préserver le système des équivalences. Concernant l'annualisation de la période de référence, il a jugé cette mesure acceptable, à condition qu'elle soit subordonnée à un accord collectif apportant des garanties suffisantes aux salariés et à condition qu'elle s'accompagne de l'abandon, dans un délai raisonnable, de l'opt-out. Au total, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur, a proposé à la commission d'adopter une proposition de résolution dont la rédaction est proche de celle retenue par la délégation.

M. Roland Muzeau a indiqué que son groupe ne pourrait approuver la proposition de résolution présentée à la commission. Il a estimé que le vote des Français, lors du référendum du 29 mai, imposait d'affirmer de manière beaucoup plus nette des exigences fortes en matière de droit du travail, notamment pour obtenir la suppression de toutes les clauses dérogatoires. Il a considéré que les variantes proposées par le rapporteur par rapport au texte de la délégation étaient insuffisantes et qu'il convenait d'exiger le retrait de la proposition de directive élaborée par la Commission. Il a jugé inacceptable le marchandage envisagé au sein du Conseil, l'annualisation de la période de référence étant présentée comme une contrepartie à la fin de l'opt-out, et rappelé que les pressions auxquelles étaient soumis les salariés dans les entreprises les empêchaient souvent de résister aux demandes de leur employeur.

M. Dominique Leclerc a regretté l'emploi du terme anglais « opt-out », qu'il a jugé peu explicite.

Mme Marie-Thérèse Hermange s'est félicitée de la convergence de vues entre le rapporteur et la délégation pour l'Union européenne et a souhaité que les commissions permanentes et la délégation coopèrent toujours d'une manière si efficace.

En réponse à M. Roland Muzeau, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur, a fait valoir que le code du travail était bien plus protecteur que les prescriptions minimales contenues dans la directive et qu'il n'y avait donc pas lieu de craindre, dans notre pays, la remise en cause de droits acquis. Il a ensuite insisté sur l'indépendance d'esprit dont a su faire preuve le Parlement européen par rapport à la Commission et a estimé que les mesures qu'il préconise, proches de celles formulées par la délégation, allaient dans le sens d'une harmonisation sociale européenne, attendue notamment par les nouveaux Etats membres.

En réponse à Mme Isabelle Debré, qui s'interrogeait sur les critères de distinction entre périodes active et inactive du temps de garde, M. Nicolas About, président, a indiqué que les partenaires sociaux étaient les mieux placés pour procéder, par la négociation, à de telles distinctions.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur, a souligné que la proposition de résolution qu'il présente prévoit d'assimiler la totalité du temps de garde à du temps de travail, sous réserve d'adaptations à ce principe, telles que celles permises par le système français des équivalences.

M. Roland Muzeau a insisté sur le fait que la proposition de la Commission européenne ne prévoit pas l'abandon de l'opt-out et que l'annualisation de la période de référence, qui répond à une demande du patronat européen, pouvait difficilement donner lieu à des compensations satisfaisantes pour les salariés. De plus, la distinction entre périodes active et inactive du temps de garde, même si elle tend à passer au second plan dans la proposition du rapporteur, n'en restera pas moins présente dans les faits. Il a conclu en indiquant que le groupe communiste, républicain et citoyen demanderait, lors de la prochaine conférence des présidents, l'inscription à l'ordre du jour de la séance publique de l'examen de la proposition de résolution.

En réponse à une demande de précision de Mme Françoise Henneron, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur, a indiqué que l'abandon de l'opt-out permettrait à l'ensemble des salariés de bénéficier des règles protectrices relatives à la durée maximale hebdomadaire du travail, fixée à 48 heures par semaine.

Après que M. Nicolas About, président, eut lu l'intégralité du texte de la proposition de résolution, la commission a approuvé le texte dans sa rédaction proposée par le rapporteur.

Organisme extraparlementaire - Désignation de candidats proposés à la nomination du Sénat

Puis la commission a procédé à la désignation de M. Paul Blanc et Mme Patricia Schillinger comme candidats proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein de la commission nationale d'agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique.

Mercredi 1er juin 2005

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Egalité salariale entre les femmes et les hommes - Table ronde

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a organisé une table ronde sur le projet de loi n° 343 (2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes.

M. Nicolas About, président, a indiqué que la table ronde réunit Mme Gaétane Hazeran, présidente de l'association « Action'elles », M. Jean-François Sorro, directeur général de l'Association française pour l'assurance de la qualité-Association française de normalisation (AFAQ-AFNOR), Mme Annie Thomas, secrétaire nationale de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et membre de l'Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes et M. Jean-Luc Vergne, directeur des relations et des ressources humaines du groupe PSA-Peugeot Citroën.

Il a souhaité savoir si, en matière d'égalité hommes-femmes, la situation actuelle justifiait, à leur sens, l'adoption d'une nouvelle loi.

Après avoir indiqué qu'elle avait représenté la CFDT dans les négociations sur l'accord national interprofessionnel du 1er mars 2004 relatif à la mixité et à l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, Mme Annie Thomas a estimé que le projet de loi doit être une incitation des partenaires sociaux à négocier, tant au niveau des branches que des entreprises.

Constatant que, par tradition, l'industrie automobile est très masculinisée, M. Jean-Luc Vergne s'est félicité que le groupe PSA-Peugeot Citroën ait été l'une des premières entreprises à avoir obtenu le label Egalité, créé par Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle, en juin 2004, sur une base volontaire, sans qu'un support législatif ait été nécessaire.

Après avoir précisé qu'elle s'exprimerait en tant que chef d'entreprise et représentante d'un groupement patronal de petites et moyennes entreprises, Mme Gaétane Hazeran a souligné que les dispositifs actuels en faveur de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes sont encore inappliqués, comme en témoigne la persistance des écarts salariaux.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a souhaité connaître la manière dont les participants à la table ronde analysent l'évolution de la situation des femmes sur le marché de l'emploi depuis vingt ans.

Mme Annie Thomas a relevé deux évolutions paradoxales : d'un côté, l'augmentation de la qualification des jeunes filles, désormais plus diplômées que les garçons, et, de l'autre, la concentration des femmes dans les emplois atypiques (contrats à durée déterminée et emplois à temps partiel), féminisés à 80 %. Elle a considéré que les femmes constituent désormais la variable d'ajustement des entreprises qui souhaitent renforcer la flexibilité des emplois. Elle a appelé le législateur à faire en sorte que la nature des emplois occupés ne constitue pas un obstacle à l'accès à la protection sociale, notamment à l'assurance vieillesse.

Confirmant que les filles connaissent désormais un taux de réussite au baccalauréat supérieur à celui des garçons, M. Jean-Luc Vergne a indiqué que les entreprises, contraintes de recruter en fonction des candidats disponibles, n'étaient pas responsables des choix d'orientation des filles, souvent cantonnées dans certaines filières éducatives et universitaires, comme l'action sociale, contrairement aux garçons, plus enclins à choisir des filières scientifiques et technologiques.

Déplorant l'aggravation de la situation des femmes sur le marché actuel de l'emploi, Mme Gaétane Hazeran a expliqué que, si la proportion de femmes au chômage était supérieure de deux points à celle des hommes, c'est parce qu'elles n'ont pas le choix des emplois qu'elles occupent, leur salaire ayant longtemps été considéré comme un salaire d'appoint. En cas de divorce, devenues chefs de famille, elles ne recourent à la création d'entreprise que comme un ultime recours. Elle a également insisté sur la nécessité de distinguer la situation des femmes en milieu urbain et celle des femmes en milieu rural.

Mme Esther Sittler a souhaité savoir si les pratiques discriminatoires sont aujourd'hui les principales raisons des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ou si des facteurs objectifs plus décisifs sont en cause et si les dispositions du projet de loi pour réduire les écarts salariaux d'ici à cinq ans sont pertinentes.

Refusant de croire à l'existence de discriminations volontairement pratiquées par les entreprises, comme en témoigne la faiblesse de la jurisprudence en la matière, Mme Annie Thomas a insisté à nouveau sur les choix d'orientation scolaire des filles, souvent cantonnées à des filières dites « féminines ». Elle a plaidé pour un changement des mentalités et la mise en oeuvre de pratiques innovantes dans les entreprises, comme l'initiative exemplaire prise par l'Union des industries métallurgiques et minières (UIMM) pour sensibiliser les filles aux métiers de l'industrie. Elle a toutefois douté de la possibilité d'atteindre une complète parité salariale dans les cinq ans.

Affirmant également que les entreprises ne pratiquent pas une discrimination délibérée, puisqu'elles recrutent en fonction des candidatures, Mme Gaétane Hazeran a plutôt mis en avant les facteurs objectifs liés à la condition actuelle des femmes tels que l'organisation du travail ou les modalités de mise en oeuvre des 35 heures, sources de surmenage pour des salariées déjà fortement sollicitées par leurs nombreuses obligations familiales.

M. Jean-Luc Vergne a confirmé qu'aucun facteur objectif ne peut justifier les écarts salariaux entre les hommes et les femmes, lorsqu'elles sont aussi compétentes dans leur catégorie professionnelle. Il a plutôt mis l'accent sur la moindre rapidité de la progression des carrières des femmes, qui s'explique souvent par leurs contraintes familiales. Il a alors rappelé que PSA a mis en place un système permettant de recruter une proportion plus importante de femmes dans les services faiblement féminisés.

Pour accompagner les lois et les règlements relatifs à la parité professionnelle, M. Jean-François Sorro a expliqué que l'AFAQ-AFNOR, organisme indépendant de certification, a mis en place le label Egalité, créé par le ministère de la parité et de l'égalité professionnelle sur une base strictement volontaire, ce qui aura sans doute pour effet de faire évoluer efficacement les mentalités.

Mme Gaétane Hazeran a jugé qu'il faudrait aller au-delà et que des mesures coercitives sont indispensables pour accélérer l'évolution des mentalités, en ajoutant qu'une forte incitation financière pour les entreprises serait préférable à la mise en place de pénalités.

M. Roland Muzeau a estimé que le travail à temps partiel subi, majoritairement féminin, est une réalité que les nombreux textes de loi n'ont pas réussi à endiguer. Il a fait valoir que certaines entreprises très féminisées, dans les secteurs du nettoyage ou de la grande distribution, font des économies grâce aux emplois précaires occupés par les femmes. Il a alors défendu le principe d'un renforcement des mesures coercitives et des pénalités.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a indiqué que la question du travail à temps partiel des femmes devrait faire l'objet d'un traitement particulier dans un futur projet de loi préparé par le ministère en charge des relations du travail.

En raison des incertitudes liées au remaniement gouvernemental en cours, M. Nicolas About, président, a estimé que la question du travail à temps partiel devrait être prise en compte dès le présent projet de loi relatif à l'égalité salariale.

Rappelant l'inefficacité des sanctions appliquées aux entreprises qui n'embauchent pas les personnes âgées de plus cinquante ans ou les personnes handicapées, les entreprises préférant payer des pénalités plutôt que de recruter ces actifs, Mme Annie Thomas a exprimé des réserves sur leur efficacité. Elle a annoncé que la nouvelle convention d'assurance chômage, qu'elle négociera en tant que vice-présidente de l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) d'ici à la fin de l'année, devra réfléchir à la possibilité d'augmenter les cotisations sociales de certaines entreprises, comme les entreprises d'intérim et du spectacle, qui emploient majoritairement des personnes sous contrat précaire, ce qui alimente le chômage. Concernant la difficulté de promouvoir les femmes dans les petites et moyennes entreprises, elle a reconnu une part de responsabilité aux syndicats, trop peu présents dans les petites structures. Elle a considéré que le prochain retournement démographique est un facteur d'optimisme, car les femmes devront investir les métiers dits « masculins » si notre pays ne veut pas recourir, in fine, à l'immigration.

Après avoir témoigné de ses visites dans l'usine Peugeot de Poissy, dont il a qualifié d'exemplaire la politique en matière de parité, M. Alain Gournac a contesté l'analyse de M. Roland Muzeau sur la stratégie d'économie salariale qui serait, à son sens, délibérément menée par les entreprises de nettoyage. Il a indiqué, au contraire, que, dans la ville dont il est l'élu, celles-ci sont très attachées à la qualité de leurs prestations. Analysant les motifs du travail à temps partiel des femmes, il a expliqué que les employées municipales demandent fréquemment à travailler à mi-temps pour pouvoir concilier leur vie professionnelle et leurs contraintes familiales.

Mme Bernadette Dupont a confirmé la réalité des demandes d'emploi à temps partiel émanant des femmes dans les municipalités, situation qui s'avère parfois difficile à gérer. Par ailleurs, elle n'a pas jugé pertinente la comparaison entre la situation des femmes et celle des personnes handicapées, parce que ces dernières, souvent sous-qualifiées et souffrant parfois de difficultés psychologiques, ont besoin d'un accompagnement, ce qui n'est bien sûr pas systématique pour les femmes.

Mme Gisèle Printz a jugé que cette énième loi sur le même sujet ne servira pas à grand-chose, préconisant l'application de mesures plus contraignantes. Elle a souhaité connaître le regard que portent les entreprises sur la maternité et sur la formation professionnelle des femmes. Enfin, après avoir déploré la faiblesse de l'engagement des syndicats sur cette question, elle s'est dite convaincue que certains emplois, actuellement massivement occupés par les femmes, comme les assistantes maternelles, pourraient l'être sans aucune difficulté par des hommes.

Défendant sa position sur l'équivalence des salaires à compétence égale, M. Jean-Luc Vergne a fait observer qu'au sein de PSA, la signature d'un accord sur l'emploi féminin en 2003, puis d'un autre sur la diversité culturelle en 2004, n'aurait pas pu être possible il y a cinq ans. Il s'est déclaré très heureux de l'évolution rapide des mentalités et conscient de la nécessité, pour les grands groupes industriels, d'être représentatifs de la diversité de leur clientèle.

Mme Gaétane Hazeran a récusé l'idée selon laquelle « une filière qui se féminise est une filière qui se dévalorise », formule récemment parue dans un article de presse. Elle a signalé que certaines études auraient établi que, lorsqu'elles deviennent chefs d'entreprise, les femmes reproduiraient les schémas issus de leurs expériences de salariées, notamment en baissant les prix, les salaires et les marges, accréditant du même coup l'idée, solidement ancrée dans notre culture, que le salaire des femmes est un salaire d'appoint. Elle a considéré que le recours à des dispositifs plus contraignants pour les entreprises ne devrait pas nécessairement passer par une taxation supplémentaire, mais plutôt par un allégement des cotisations sociales supportées par celles qui font, de la parité, une réalité.

Répondant à M. Alain Gournac et à Mme Gisèle Printz, Mme Annie Thomas a souligné que, parmi les raisons objectives au ralentissement des promotions, figure la maternité. Elle a ajouté que si, dans la fonction publique municipale, certaines femmes demandent effectivement à travailler à temps partiel, tel n'est pas le cas dans la grande distribution, où elles subissent plutôt la précarité des contrats de travail. Quant aux syndicats, leur présence auprès des femmes devrait se renforcer, à commencer par la féminisation des syndicats eux-mêmes, comme en témoigne l'engagement de la CFDT à augmenter la proportion de femmes parmi les négociateurs des accords collectifs.

Après avoir rappelé sa longue expérience professionnelle à Peugeot, M. Louis Souvet a souligné combien le traitement individuel des cas personnels rend difficile l'organisation du travail dans les entreprises et a tempéré les propos selon lesquels la loi pourrait tout régler en la matière.

Mme Sylvie Desmarescaux a préconisé l'application des lois existantes, plutôt que l'adoption d'une loi supplémentaire. Faisant un parallèle avec la loi sur la parité en politique, elle a confirmé que les partis politiques préfèrent désormais payer des pénalités plutôt que de faire appel à des femmes sur les listes électorales. Elle a enfin récusé l'idée selon laquelle les filières qui se féminisent se dévalorisent, s'interrogeant sur les raisons pour lesquelles certains emplois ne sont pas occupés par des hommes.

Approuvant cette position, M. Michel Esneu a défendu l'idée de changer les mentalités des filles qui, malgré leurs meilleures performances scolaires et universitaires, doutent encore d'elles-mêmes et de leur capacité à assumer des responsabilités.

Revenant au texte du projet de loi en faveur de l'égalité salariale, M. Jean-Luc Vergne a rappelé que l'article premier dispose que la salariée, de retour d'un congé maternité, doit bénéficier de la moyenne des augmentations individuelles perçues pendant sa période d'absence par les salariés relevant de sa catégorie professionnelle. Il a considéré que cette mesure porterait préjudice aux femmes qui bénéficiaient auparavant de plus fortes augmentations et qu'il serait préférable de prévoir une augmentation égale à la moyenne des augmentations perçues par la salariée elle-même au cours des trois années précédentes. Il a ensuite estimé que l'article 13 bis, introduit par voie d'amendement par l'Assemblée nationale, et qui prévoit la parité de représentation au sein du conseil d'administration dans les grandes entreprises privées, ne correspond pas à la réalité du fonctionnement de ce type d'entreprises : en effet, les administrateurs y sont avant tout choisis non pas sur des considérations de sexe, mais sur leur capacité à définir la stratégie de développement de l'entreprise.

Considérant, à l'inverse, que les articles premier et 13 bis constituent un progrès réel, Mme Annie Thomas a d'abord rappelé que la présence des femmes dans le conseil d'administration de l'entreprise Nike a permis à celle-ci de mieux comprendre les attentes des femmes et, du même coup, de devenir leader sur le marché féminin du sport. Ensuite, elle a approuvé l'idée formulée par M. Michel Esneu d'intégrer dans la loi les bonnes pratiques répertoriées dans les entreprises afin qu'elles servent d'exemples aux autres. A cet égard, elle a jugé que la loi « Génisson » de 2001 était une bonne loi, ce dont la Délégation du Sénat aux droits des femmes a fait état dans son récent rapport, même si la presse n'a retenu que la statistique selon laquelle 72 % des entreprises n'ont pas signé d'accord sur la parité.

M. Jean-François Sorro a exprimé ses doutes sur la capacité de l'arsenal législatif à changer le cours des choses, préférant largement les systèmes alternatifs, comme le label Egalité, excellent outil d'innovation. Ce label a permis, au demeurant, de valoriser certaines pratiques en matière d'aménagement des horaires de travail ou de prise en compte de la maternité.

M. Roland Muzeau a souligné que la sanction n'a de sens que lorsqu'elle est significative. Conseillant aux syndicats de ne pas être naïfs, il a affirmé que dans le commerce et la grande distribution, les grands groupes ne respectent pas toujours la législation.

Mme Esther Sittler, rapporteur, a souhaité savoir si certaines pratiques ont été répertoriées comme particulièrement innovantes pour atteindre effectivement l'égalité professionnelle.

M. Jean-Luc Vergne a indiqué que l'objectif de PSA est de recruter une proportion encore plus significative de femmes, d'améliorer l'harmonisation de la vie professionnelle et de la vie familiale et, en coopération avec le groupe ACCOR, de renforcer les aides matérielles accordées aux femmes.

Se référant aux pratiques recensées en Europe du Nord, Mme Gaétane Hazeran a cité la création des crèches d'entreprises et l'assouplissement des horaires de travail, en particulier le soir.

M. Jean-François Sorro a également mis l'accent sur la création de crèches intégrées ou partagées au sein des entreprises et sur les mesures de soutien des femmes dans la gestion de leur vie quotidienne.

Mme Annie Thomas a souhaité un renforcement du dialogue social au niveau des territoires, comme l'a expérimenté l'union régionale de la CFDT en Bretagne et dans les Pays de la Loire, où un poste de chargée de mission a été créé pour sensibiliser les syndicalistes à l'égalité professionnelle hommes-femmes.

Petites et moyennes entreprises - Examen du rapport pour avis

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Catherine Procaccia sur le projet de loi n° 297 (2004-2005) en faveur des petites et moyennes entreprises.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, a d'abord indiqué que la commission des affaires sociales s'est saisie pour avis d'une quinzaine d'articles sur les 53 que compte le projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, dont l'examen au fond a été confié à la commission des affaires économiques et à son rapporteur, M. Gérard Cornu. Bien que ces articles sociaux soient de nature très diverse, ils ont en commun de traiter de l'accompagnement social des entrepreneurs : la formation professionnelle des créateurs ou repreneurs d'entreprises, les droits sociaux du conjoint collaborateur, l'apprentissage, les mesures de simplification, telles que le chèque-emploi entreprises et la lutte contre le travail illégal. Elle a ajouté que la saisine de la commission des affaires sociales se justifie d'autant plus que cette dernière s'était fortement impliquée dans l'élaboration de la loi pour l'initiative économique, dont le présent projet de loi en faveur des PME s'inspire, et dont il souhaite amplifier les effets déjà positifs.

Mme Catherine Procaccia a indiqué qu'aucune politique ne peut plus se permettre, désormais, en matière de création et de développement des entreprises, de faire l'économie d'un accompagnement social des entrepreneurs. Le fait que, sur les 320.000 entreprises créées en 2004, 30 % l'ont été par des chômeurs en témoigne, de même que l'observation suivant laquelle le nombre de chômeurs à avoir bénéficié d'une aide spécifique a progressé de 46 % sur les dix derniers mois de l'année 2004. Elle s'est réjouie qu'après de longues années de méfiance à l'égard du risque et des « patrons », notre pays peut désormais s'enorgueillir d'avoir replacé l'entreprise et l'entrepreneur au coeur de son économie, ce que prouve l'engouement des Français à vouloir se mettre à leur compte.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, a justifié la volonté du Gouvernement d'amplifier les effets de la loi pour l'initiative économique par la nécessité de se préparer au prochain retournement démographique imputable à l'arrivée à l'âge de la retraite de 500.000 chefs d'entreprise dans les dix prochaines années et d'assurer le maintien des 2,5 millions d'emplois concernés. Elle s'est alors félicitée des dispositions du projet de loi en faveur de l'apprentissage, dont le développement aura pour effet de faciliter la reprise des entreprises dont les gérants partent à la retraite. Dans la continuité du plan de cohésion sociale, cette nouvelle impulsion se traduira d'abord par l'allégement de la charge financière des centres de formation d'apprentis, notamment avec la suppression proposée de la taxe sur les salaires des personnels d'enseignement.

Parce que les taux de réussite des créations d'entreprises accompagnées sont considérablement plus élevés que la moyenne et que l'accompagnement constitue souvent la seule façon de permettre à nos concitoyens les plus démunis de donner vie à leurs idées, elle a approuvé les mesures du projet de loi relatives à la formation des créateurs ou repreneurs d'entreprises. Elles contribueront, selon elle, à réduire sensiblement les appréhensions liées à la création d'entreprise et à réhabiliter la culture du risque qui fait encore défaut à notre pays.

De même, face à la persistance de certaines idées reçues, elle a tenu à rappeler que, si les statistiques montrent qu'une entreprise sur deux disparaît avant sa cinquième année, seules, 15 % ont déposé leur bilan dans l'intervalle, les autres n'ayant pas nécessairement rencontré des difficultés économiques.

Pour rassurer les créateurs d'entreprises qui considèrent souvent que l'environnement économique et social leur est hostile, Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, a préconisé la poursuite des mesures de simplification des formalités administratives. Elle s'est déclarée globalement satisfaite par les propositions du projet de loi, mais elle a avoué sa perplexité devant la nouvelle réforme envisagée pour le titre emploi entreprises, dont la transformation en chèque-emploi très petites entreprises est annoncée. Elle a regretté que ce dispositif vienne s'ajouter aux multiples chèques-emplois actuels, sans qu'aucune clarification de l'existant ne soit au préalable effectuée. Elle a souhaité que les engagements de M. Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, des professions libérales et de la consommation, lors de son audition devant la commission, soient de nature à remédier aux insuffisances constatées dans l'application du dispositif : il serait notamment possible qu'il soit géré par les caisses de congés payés, et non plus les URSSAF, dans certaines professions, comme le bâtiment ou les entrepreneurs paysagistes.

Elle a ensuite attiré l'attention sur les dispositions du projet de loi relatives à la situation des conjoints, sujet que le Gouvernement juge désormais prioritaire. Elle a estimé scandaleuses les conséquences de l'absence de tout statut obligatoire pour les conjoints des travailleurs non-salariés, véritables « travailleurs de l'ombre » dont la participation - pourtant réelle - à l'activité de l'entreprise a été jusqu'à présent ignorée ou assimilée à une entraide conjugale, sans rémunération ni couverture sociale personnelle. Dans le pire des cas, leur emploi pouvait même être considéré comme du travail dissimulé et, à ce titre, susceptible d'engager la responsabilité des personnes concernées. Aujourd'hui encore, 65 % des conjoints d'artisans ou de commerçants participent à l'activité de l'entreprise, soit près de 170.000 personnes, sans reconnaissance officielle. Elle s'est donc félicitée que le choix d'un statut, désormais obligatoire, se traduise par de réels droits en matière d'assurance vieillesse pour les conjoints.

Enfin, Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, a présenté les mesures du projet de loi destinées à lutter contre le travail dissimulé, dans la suite du plan national de lutte contre le travail illégal lancé par M. Gérard Larcher l'année dernière. Elle a indiqué que le Gouvernement souhaite mettre en place un arsenal de sanctions vis-à-vis de ceux qui contribuent au développement d'une économie souterraine, dont le coût est estimé à 55 milliards d'euros par an, en particulier dans les secteurs potentiellement les plus créateurs d'emploi. Dans les métiers du spectacle, la crise des intermittents a révélé la nécessité d'assainir les conditions d'emploi des personnels, où le nombre de « faux CDD » a augmenté de 190 % en dix ans, alors que celui des CDI baissait de 15 % durant la même période. Ainsi, le texte prévoit de supprimer les aides publiques accordées aux entreprises qui ont recours au travail illégal.

Abordant les inflexions qu'elle proposera d'apporter au volet social du projet de loi, elle a d'abord insisté sur la nécessité de concilier la mise en place de dispositifs de formation performants pour les futurs entrepreneurs, de les étendre aux professionnels libéraux et de veiller à l'équilibre financier des fonds d'assurance formation.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, a ensuite souhaité compléter les droits sociaux accordés au conjoint collaborateur. Elle a indiqué que la commission des affaires économiques propose de donner aux collaborateurs la possibilité de racheter des années de cotisations pour leur retraite, s'ils ont exercé dans l'entreprise pendant dix années. Or, cette exigence lui semble manifestement trop contraignante. Par ailleurs, ayant observé que l'assurance maternité des conjoints a été complètement ignorée par le texte, elle a suggéré que les conjoints collaborateurs aient accès à la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) à temps partiel, sans qu'ils soient contraints d'être radiés du répertoire des métiers et de suspendre leur adhésion à l'assurance vieillesse. Elle proposera également d'aligner les allocations maternité des conjoints sur celles des chefs d'entreprise et d'améliorer la représentation des conjoints en leur permettant d'être éligibles aux chambres de commerce et d'industrie, comme ils le sont déjà aux chambres des métiers.

Enfin, en ce qui concerne l'apprentissage, elle a jugé que les ambitions du Gouvernement de porter le nombre d'apprentis à 500.000 d'ici 2009 devraient être soutenues par des moyens supplémentaires, comme le rétablissement de l'exonération des cotisations patronales attachées au contrat d'apprentissage. Cette disposition qui avait vainement été défendue par Mme Janine Rozier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour le budget 2006 de la formation professionnelle, pourrait être mieux comprise désormais. Elle a également plaidé pour un assouplissement des conditions d'exécution des contrats d'apprentissage, notamment en autorisant les apprentis mineurs à travailler le dimanche et les jours fériés, à des conditions très encadrées, et seulement pour quelques professions. Enfin, en cas de litige, elle a estimé que le recours au juge ne devrait pas être systématique et a suggéré la mise en place d'une procédure de conciliation dans les réseaux consulaires pour offrir un mode de règlement des conflits plus souple et plus efficace.

Sous ces réserves, Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, a proposé de donner un avis favorable à l'adoption des dispositions sociales du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises.

Considérant que la création d'entreprises par les demandeurs d'emploi doit être encouragée, M. Michel Esneu a plaidé pour la poursuite des mesures de simplification des formalités administratives, en particulier grâce au chèque-emploi dont l'accès devra néanmoins être assoupli pour éviter qu'il ne devienne paradoxalement une source de complications supplémentaires pour les entreprises.

Conscient de la nécessité de simplifier les procédures administratives dans notre pays, M. Jean-Claude Etienne a déclaré partager les doutes du rapporteur pour avis sur la viabilité de certains dispositifs dont l'effet de simplification lui paraît sujet à caution.

M. André Lardeux a d'abord demandé au rapporteur pour avis de veiller à ce que ses propositions en faveur de l'assurance maternité des conjoints ne mettent pas en péril l'équilibre des comptes de la branche famille, dont il est rapporteur dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il a ensuite approuvé la proposition tendant à autoriser, dans certaines professions, le travail des apprentis mineurs les dimanches et les jours fériés. En revanche, il s'est interrogé sur l'utilité de la médiation en matière d'apprentissage, espérant que cette nouvelle procédure ne viendra pas s'ajouter aux procédures existantes, déjà complexes.

M. Alain Gournac s'est félicité de ce que les dispositions du projet de loi reprennent une bonne partie des préoccupations exprimées par la commission des affaires sociales ces dernières années, telles que l'accompagnement social des entrepreneurs et la simplification des formalités administratives.

M. Paul Blanc a indiqué qu'il a été saisi par les représentants des professions libérales de plusieurs propositions qui lui semblent pertinentes et a souhaité, à ce sujet, connaître la position du rapporteur pour avis.

Mme Christiane Kammermann a précisé que, bien que représentant les Français de l'étranger, elle se sent concernée par le contenu du projet de loi dont elle a suivi la présentation du rapporteur pour avis avec attention.

En ce qui concerne la simplification, Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, a rappelé que les ministres successifs s'en sont préoccupés depuis de longues années. Elle a reconnu avoir envisagé de supprimer l'article 46 relatif au chèque-emploi entreprises, en raison de ses doutes sur la viabilité d'un dispositif qui a suscité le scepticisme des secteurs auquel il est supposé s'adresser. Mais elle a été rassurée par les propos du ministre quant à son engagement de procéder aux adaptations nécessaires par voie réglementaire.

Elle a ensuite indiqué que si la réforme du statut du conjoint, telle qu'elle est proposée dans le projet de loi, devra être menée sans mettre en péril les caisses de protection sociale, notamment la caisse d'assurance vieillesse des professions libérales, elle est indispensable à la reconnaissance des conjoints. Telle est la raison pour laquelle elle s'est elle-même attachée à l'amélioration de leurs droits en matière de maternité et appellera l'attention du Gouvernement sur l'adaptation de la prestation d'accueil du jeune enfant par voie réglementaire.

Concernant l'apprentissage, Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour avis, a déclaré qu'elle est restée fidèle aux propositions que la commission des affaires sociales avait défendues par le passé, notamment en ce qui concerne la mise en place d'un médiateur de l'apprentissage et l'autorisation du travail les dimanches et les jours fériés.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur.

A l'article premier (éligibilité des actions d'accompagnement au financement de la formation professionnelle continue des artisans et des commerçants), la commission a adopté un amendement tendant à élargir aux professions libérales les actions d'accompagnement, d'information et de conseil accessibles aux artisans et aux commerçants.

A l'article 2 (financement prioritaire des actions de formation et d'accompagnement des créateurs ou repreneurs d'entreprise par les fonds d'assurance formation des travailleurs non salariés non agricoles), elle a adopté un amendement organisant le financement effectif des actions de formation délivrées aux futurs professionnels libéraux et précisant que le financement des formations délivrées aux futurs artisans, commerçants et professionnels libéraux ne sera pas à la charge exclusive des fonds d'assurance formation (FAF) lorsque les futurs entrepreneurs ont le statut de salarié ou de demandeur d'emploi avant leur installation.

A l'article 3 (financement par les FAF de l'artisanat des formations proposées aux futurs artisans d'ici 2006), la commission a adopté trois amendements rédactionnels ou de coordination.

A l'article 4 (financement par les FAF de l'artisanat des formations proposées aux futurs artisans après le 31 décembre 2005), la commission a adopté un amendement de coordination relatif au champ de compétence des FAF en matière de formation des futurs artisans.

A l'article 10 (statut du conjoint du chef d'entreprise travaillant dans l'entreprise), elle a adopté un amendement tendant à préciser que, lorsque le conjoint du gérant majoritaire d'une société à responsabilité limitée choisit le statut de collaborateur, le gérant en informe les associés minoritaires.

A l'article 12 (constitution de droits propres d'assurance vieillesse en faveur du conjoint collaborateur), elle a adopté trois amendements tendant à autoriser les conjoints d'artisans, de commerçants, de professionnels libéraux et d'avocats non salariés à racheter les périodes d'activité antérieures au choix d'un statut sans condition liée à la durée d'activité au sein de l'exploitation.

Après l'article 12 (extension de l'accès à la prestation d'accueil du jeune enfant aux conjointes collaboratrices travaillant à temps partiel), la commission a adopté deux amendements portant articles additionnels et visant, d'une part, à permettre aux conjoints collaborateurs d'être éligibles aux chambres de commerce et d'industrie, d'autre part, à aligner les prestations de maternité des conjointes collaboratrices sur celles des chefs d'entreprise femmes.

A l'article 13 (extension des droits sociaux du conjoint collaborateur en matière de formation professionnelle, d'épargne et de créance), elle a adopté un amendement tendant à élargir l'aide financière de l'État aux situations où le chef d'une entreprise de moins de cinquante salariés s'absente pour formation, ainsi qu'un deuxième amendement visant à étendre aux conjoints associés les dispositifs de formation accessibles aux conjoints collaborateurs.

Après l'article 47, elle a adopté quatre amendements portant articles additionnels et visant, d'une part, à rétablir l'exonération des cotisations sociales liées au contrat d'apprentissage jusqu'au terme du contrat, d'autre part, à instaurer un médiateur de l'apprentissage, et enfin, à autoriser le travail des apprentis mineurs les dimanches, mais également les jours fériés dans certaines professions.

A l'article 48 (répression du travail illégal), elle a adopté un amendement rédactionnel.

A l'article 51 (conventions de forfait en jours pour les salariés itinérants non cadres), la commission a adopté un amendement tendant à conditionner le passage au forfait en jours pour les salariés itinérants non cadres à leur accord formel et écrit.

La commission a enfin donné un avis favorable à l'adoption des dispositions sociales du texte ainsi modifiées.